P. Champion  : Procès de condamnation (1920-1921)

Tome 2 : I. Préliminaires et procès d’office

Traduction du procès de condamnation de Jeanne d’Arc

1[Préliminaires et procès d’office.]

Au nom du Seigneur, Ainsi soit-il !

Ici commence le procès en matière de foi contre une défunte femme, Jeanne, vulgairement dite la Pucelle.

À tous ceux qui verront ces présentes lettres ou instrument public, Pierre1, par la miséricorde divine évêque de Beauvais, et frère Jean Le Maistre2 de l’ordre des frères Prêcheurs, député et commis dans le diocèse de Rouen, et spécialement chargé de suppléer dans ce procès religieuse et circonspecte personne maître Jean Graverent3 du même ordre, éminent docteur en théologie, inquisiteur de la foi et de la perversité hérétique, député, par l’autorité apostolique, dans tout le royaume de France ; salut en l’auteur et consommateur de la foi. Notre Seigneur Jésus-Christ !

Il a plu à la céleste providence qu’une femme du nom de Jeanne, vulgairement appelée la Pucelle, ait été prise et appréhendée par de célèbres hommes d’armes dans les bornes et limites de nos diocèse et juridiction4. Le bruit5 s’était déjà répandu dans beaucoup d’endroits que cette femme, absolument oublieuse de l’honnêteté qui convient à son sexe, ayant brisé le frein de vergogne, au mépris de toute pudeur féminine, portait, avec une étonnante et monstrueuse audace, des habits indécents appartenant au sexe masculin. On rapportait en outre que sa présomption s’était avancée à ce point qu’elle n’avait pas craint de faire, de dire, de répandre beaucoup de choses contraires à la foi catholique et lésant les articles de 2la croyance orthodoxe. En ce faisant, tant dans notre propre diocèse qu’en plusieurs autres lieux de ce royaume, elle était réputée coupable de graves délits.

Ces faits étant parvenus à la connaissance de notre mère l’Université de Paris et de frère Martin Billorin6, vicaire général de monseigneur l’inquisiteur de la perversité hérétique, ceux-ci s’adressèrent aussitôt à très illustre prince monseigneur le duc de Bourgogne7 et à noble seigneur Jean de Luxembourg8 chevalier, qui, en ce temps, tenaient ladite femme en leur puissance et autorité ; et ils les requirent instamment, ajoutant sommation sous peines juridiques, au nom dudit vicaire, de nous rendre et envoyer ladite femme, ainsi diffamée et suspecte d’hérésie, comme à son juge ordinaire.

Nous évêque susdit, comme il appartient à notre office pastoral, désirant travailler de toutes nos forces à l’exaltation et promotion de la foi chrétienne, avons donc résolu de poursuivre une légitime enquête sur ces faits, d’ailleurs si parfaitement divulgués, et comme le droit et la raison le conseillaient, de procéder avec mûre délibération aux actes ultérieurs qui sembleraient nous incomber.

C’est pourquoi nous avons requis lesdits prince et seigneur, sous les peines de droit, de remettre à notre juridiction spirituelle ladite femme pour être jugée ; de son côté, le très sérénissime et très chrétien prince, notre sire le roi de France et d’Angleterre9 les a requis dans ce même but. Enfin très illustre seigneur, le duc de Bourgogne, et le seigneur Jean de Luxembourg prêtant un acquiescement bénin auxdites requêtes10, et désirant, dans leurs âmes catholiques, l’accomplissement d’actes qui leur paraissaient propres à l’accroissement de la foi, ont rendu et expédié la dite femme au roi notre sire et à ses commissaires. Ensuite sa royale providence, enflammée du désir de favoriser la foi orthodoxe, à nous, évêque, a livré cette femme, afin que nous fissions une enquête complète sur ses faits et dits avant de procéder plus avant, conformément aux lois ecclésiastiques. Cela fait, nous avons demandé à l’insigne et célèbre chapitre de l’église de Rouen, détenteur de 3l’administration de toute juridiction spirituelle durant la vacance du siège archiépiscopal, de nous accorder territoire dans la ville de Rouen afin d’y conduire ce procès ; ce que libéralement et gracieusement il nous a concédé11. Mais avant d’intenter aucune autre procédure contre cette femme, nous avons jugé bon de prendre, dans une grande et mûre délibération, l’avis des personnes lettrées et expérimentées12 en droit canon et civil dont le nombre, par la grâce de Dieu, était considérable dans cette ville de Rouen.

9 janvier 1431. Première journée du procès.

Et le mardi, neuvième jour du mois de janvier, l’an du Seigneur mil quatre cent trente et un, suivant le rite et comput de l’église de France, indiction neuf, quatorzième année du pontificat de très Saint Père en Christ et seigneur Martin V13, pape par la Providence divine, dans la maison du conseil du roi14 proche le château de Rouen, nous, évêque susdit, avons fait convoquer les docteurs et maîtres dont les noms suivent : messeigneurs Gilles15, abbé de la Sainte-Trinité de Fécamp, docteur en théologie ; Nicolas de Jumièges16, docteur en droit canon ; Pierre17, prieur de Longueville, docteur en théologie ; Raoul Roussel18, trésorier de la cathédrale de Rouen, docteur en l’un et l’autre droit ; Nicolas de Venderès19, archidiacre d’Eu, licencié en droit canon ; Robert Le Barbier20, licencié en l’un et l’autre droit ; Nicolas Couppequesne21, bachelier en théologie, et Nicolas Loiseleur22, maître ès arts.

Or ces hommes aussi nombreux que célèbres étant réunis au même lieu et dans le même temps, nous avons requis de leur prudence de nous éclairer sur le mode et l’ordre qu’il y avait à suivre dans cette affaire, après leur avoir exposé les diligences qui y avaient été apportées, comme il est relaté ci-dessus. Ces docteurs et maîtres, dès qu’ils en eurent pris pleine connaissance, furent d’avis qu’il convenait d’abord d’enquêter sur les faits et dits imputés publiquement à cette femme. Déférant, comme il convenait, à cet avis, nous leur avons déclaré que déjà certaines informations avaient eu lieu par 4nos ordres, et pareillement nous avons décidé d’en faire venir de nouvelles ; et toutes, à certain jour déterminé par nous, devaient être rapportées en présence du conseil, afin qu”il pût être mieux éclairé sur la procédure ultérieure à suivre en cette affaire. Et, pour mieux et plus convenablement recueillir ces informations et le reste, et les mettre à exécution, il a été délibéré, ce jour-là, par les susdits seigneurs et maîtres, qu’il était besoin de certains officiers spéciaux qui auraient le soin particulier de les conduire et la charge de les mettre diligemment à exécution. En conséquence, sur le conseil et délibération des assistants, il a été conclu et arrêté par nous, évêque, que vénérable et discrète personne maître Jean d’Estivet23 ; chanoine des églises cathédrales de Beauvais et de Bayeux, exercerait dans le procès l’office de promoteur ou procureur général. Scientifique personne maître Jean de La Fontaine24, maître ès arts et licencié en droit canon, a été ordonné conseiller, commissaire et examinateur. Pour l’office de notaires ou de scribes, furent désignées prudentes et honnêtes personnes maître Guillaume Colles, autrement dit Boisguillaume25 et Guillaume Manchon26 prêtres, notaires par l’autorité apostolique et impériale près la cour archiépiscopale de Rouen ; et maître Jean Massieu27 prêtre, doyen de la chrétienté de Rouen28 fut constitué exécuteur des mandements et convocations émanant de notre autorité. Nous avons, au reste, fait insérer et transcrire ici, à leur ordre, la teneur de toutes ces lettres, closes et patentes, afin que la suite des actes susdits apparaisse en toute clarté.

Et premièrement s’ensuit la teneur de la lettre de notre mère l’Université de Paris29, adressée à l’illustrissime duc de Bourgogne.

Très haut et très puissant prince et notre très redouté et honoré seigneur, nous nous recommandons très humblement à votre noble hautesse. Bien que naguère, notre très redouté et honoré seigneur, nous ayons écrit à votre hautesse, en la suppliant très humblement, afin que 5cette femme dite la Pucelle étant, par la grâce de Dieu, en votre sujétion fût remise aux mains de la justice de l’Église pour lui faire dûment son procès sur les idolâtries et autres matières touchant notre sainte foi, et pour réparer les scandales survenus en notre royaume à son occasion, ainsi que les dommages et inconvénients innombrables qui en sont résultés : toutefois nous n’avons eu aucune réponse sur cela et nous n’avons point su que, pour faire sur le cas de cette femme discussion convenable, aucune provision ait été donnée. Mais nous craignons fort que par la fausseté et séduction de l’Ennemi d’enfer, et par la malice et subtilité de mauvaises personnes, vos ennemis et adversaires, qui mettent tout leur soin, comme on le dit, à vouloir délivrer cette femme30 par moyens subtils, elle ne soit mise hors de votre sujétion par quelque manière (ce que Dieu ne veuille permettre !). Car, en vérité, au jugement de tous les bons catholiques conscients, si grande lésion en la sainte foi, si énorme péril, inconvénient et dommage pour toute la chose publique de ce royaume, n’arriveraient de mémoire d’homme, comme ce serait, si cette femme partait, par telles voies damnées, sans réparation convenable. Mais ce serait, en vérité, grandement au préjudice de votre honneur et du très chrétien nom de la maison de France31, dont vous et vos très nobles progéniteurs avez été et êtes toujours les loyaux protecteurs et les très nobles membres principaux. Pour ces causes, notre très redouté et souverain seigneur, nous vous supplions de nouveau, très humblement, en faveur de la foi de Notre Sauveur, pour la conservation de la Sainte Église et protection de l’honneur divin, et aussi pour la grande utilité de ce royaume très chrétien, qu’il plaise à votre hautesse remettre cette femme entre les mains de l’inquisiteur de la foi, et l’envoyer sûrement par deçà, ainsi que nous l’en avons suppliée autrefois, ou bailler ou faire bailler cette femme à révérend père en Dieu monseigneur l’évêque de Beauvais, en la juridiction spirituelle duquel elle a été appréhendée, pour lui faire son procès en la foi, comme il appartiendra par raison, à la gloire de Dieu, à l’exaltation de notre dite sainte foi, et au profit des bons et loyaux catholiques, et de toute la chose publique de ce royaume, et aussi à l’honneur et louange de votre dite hautesse, laquelle Notre Seigneur veuille maintenir en bonne prospérité et finalement lui donner sa gloire. Écrit32

6Item s’ensuit la teneur de la lettre de notre dite mère l’Université de Paris, adressée à noble et puissant seigneur, Monseigneur Jean de Luxembourg, chevalier.

Très noble, honoré et puissant seigneur, nous nous recommandons très affectueusement à votre haute noblesse. Votre noble prudence sait bien et reconnaît que tous les bons chevaliers catholiques doivent employer leur force et leur puissance au profit de la chose publique. Tout spécialement le premier serment de l’ordre de chevalerie est de garder et de défendre l’honneur de Dieu, la foi catholique et sa sainte Église. De ce serment vous vous êtes bien souvenu quand vous avez employé votre noble puissance et présence personnelle à appréhender cette femme qui se dit la Pucelle, au moyen de laquelle l’honneur de Dieu a été offensé sans mesure, la foi excessivement blessée et l’Église très fort déshonorée ; car, à son occasion, idolâtries, erreurs, mauvaises doctrines et autres maux et inconvénients inestimables s’ensuivirent en ce royaume. En vérité, tous les loyaux chrétiens doivent vous remercier grandement d’avoir rendu un si grand service à notre sainte foi et à tout le royaume ; quant à nous, nous en remercions Dieu de tout notre cœur, et votre noble prouesse, certes autant que nous pouvons le faire. Mais ce serait peu de chose d’avoir fait une telle prise s’il ne s’ensuivait ce qu’il appartient pour apaiser l’offense perpétrée par cette femme contre notre doux Créateur, sa foi et sa sainte Église, avec ses autres innombrables méfaits, comme on le dit. Et ce serait un plus grand inconvénient que jamais ; une erreur plus grande qu’auparavant demeurerait parmi le peuple ; ce serait une offense intolérable contre la Majesté divine si la chose demeurait en ce point, ou qu’il arrivât que cette femme fût délivrée, perdue pour nous, comme on dit que certains de nos adversaires veulent s’efforcer de le faire, appliquant à cela tout leur entendement, par les moyens les plus subtils, et qui pis est, par argent ou rançon. Mais nous espérons que Dieu ne permettra pas qu’il arrive un si grand malheur à son peuple, et qu’aussi votre bonne et noble prudence ne le souffrira pas, mais qu’elle saura bien y pourvoir convenablement33 ; car si sa délivrance avait lieu, sans réparation convenable, ce serait un irréparable déshonneur pour votre grande noblesse, ainsi que pour tous ceux qui s’en seraient entremis : un tel scandale doit cesser le plus tôt que faire se pourra, comme il est nécessaire. Et parce qu’en cette matière le délai est très périlleux et très préjudiciable à ce royaume, nous supplions, très humblement et cordialement, votre 7puissante et honorée noblesse, en faveur de l’honneur divin, pour la conservation de la foi catholique et pour le bien et exaltation de tout ce royaume, de vouloir bien mettre cette femme en justice et l’envoyer par deçà à l’inquisiteur de la foi, qui l’a requise et demandée instamment pour discuter les grandes charges qui pèsent sur elle, afin que Dieu en puisse être content et le peuple édifié dûment, suivant bonne et sainte doctrine ; ou qu’il vous plaise de la faire rendre et délivrer à révérend père en Dieu, notre très honoré seigneur l’évêque de Beauvais, qui l’a pareillement requise, et en la juridiction duquel elle a été appréhendée, comme on l’a dit. Lesquels prélat et inquisiteur sont ses juges en matière de foi ; et tout chrétien est tenu de leur obéir, de quelque état qu’il soit, en ce présent cas, sous les peines de droit qui sont grandes. En ce faisant vous acquerrez la grâce et l’amour de la haute Divinité ; vous serez l’instrument de l’exaltation de la sainte foi, et aussi accroîtrez la gloire de votre haut et noble nom, et celui de très haut et très puissant prince, notre très redouté seigneur et le vôtre, monseigneur le duc de Bourgogne. Et chacun sera tenu de prier Dieu pour la prospérité de votre très noble personne ; laquelle veuille notre Sauveur, par sa grâce, conduire et garder dans toutes ses affaires, et finalement la rétribuer d’une joie sans fin. Écrit… (à Paris, le quatorzième jour de juillet mil quatre cent trente)34.

Item ensuite la teneur de la lettre du vicaire général de l’inquisiteur adressée audit seigneur duc de Bourgogne.

À très haut et très puissant prince Philippe, duc de Bourgogne, comte de Flandre, d’Artois, de Bourgogne et de Namur, et à tous autres à qui il appartiendra, frère Martin, maître en théologie et vicaire général de l’inquisiteur de la foi dans le royaume de France, salut en Jésus-Christ, notre vrai Sauveur. Puisque tous les loyaux princes chrétiens et tous les autres vrais catholiques sont tenus d’extirper toutes les erreurs venant contre la foi, ainsi que les scandales qui en résultent parmi le simple peuple chrétien, et qu’à présent il est voix et commune renommée que, par certaine femme nommée Jeanne, que les adversaires de ce royaume appellent la Pucelle, à son occasion en plusieurs cités, bonnes villes et autres lieux de ce royaume, plusieurs et diverses erreurs aient été semées, dogmatisées, publiées et répandues, et le sont encore présentement, dont plusieurs lésions et scandales contre l’honneur divin et contre notre sainte foi ont résulté et résultent, causant la perte des âmes de plusieurs simples 8chrétiens ; lesquelles choses ne peuvent ni ne doivent être dissimulées, ni passer sans une bonne et convenable réparation. Or, puisqu’il en est ainsi, par la grâce de Dieu, que ladite Jeanne soit présentement en votre puissance et sujétion, ou en celle de vos nobles et loyaux vassaux : pour ces causes nous vous supplions, en bonne affection, très puissant prince, et nous prions vos dits nobles vassaux d’envoyer ladite Jeanne, par vous ou par eux par deçà, sûrement et brièvement ; et nous espérons que vous le ferez, comme de vrais protecteurs de la foi et défenseurs de l’honneur de Dieu, et que nul n’y mettra empêchement ni délai (ce que Dieu ne veuille). Usant des droits de notre office, de l’autorité à nous commise par le saint siège de Rome, nous requérons instamment et enjoignons en faveur de la foi catholique, sous les peines de droit, aux dessusdits, et à toute personne, de quelque état, condition, prééminence et autorité qu’elle soit, le plus tôt que sûrement et convenablement se pourra faire, d’envoyer et d’amener prisonnière par devers nous ladite Jeanne, soupçonnée véhémentement de plusieurs crimes sentant l’hérésie, afin de comparaître devant nous contre le procureur de la sainte inquisition, et pour répondre et procéder comme de raison, au bon conseil, faveur et aide des bons docteurs et maîtres de l’Université de Paris et des autres notables conseillers étant par deçà. Donné à Paris sous notre sceau de l’office de la sainte inquisition, l’an 1430, le 26e jour de mai. Ainsi signé : Le Fourbeur35. Hébert36.

Item s’ensuit la teneur de la sommation faite par nous, évêque, auxdits seigneurs, le duc de Bourgogne et Jean de Luxembourg.

C’est ce que requiert l’évêque de Beauvais à monseigneur le duc de Bourgogne et au bâtard de Wandomme37, de par le roi notre sire et de par lui, comme évêque de Beauvais :

Que cette femme, que l’on nomme communément Jeanne la Pucelle, prisonnière, soit envoyée au roi pour être livrée à l’Église, pour lui faire son procès, parce qu’elle est soupçonnée et diffamée d’avoir commis plusieurs crimes, tels que sortilèges, idolâtries, invocations de démons et plusieurs autres cas touchant notre foi, et contre elle. Et bien qu’elle ne doive point être estimée prise de guerre, comme il semble38, considéré ce qui est dit, néanmoins, pour dédommager ceux qui l’ont prise et retenue, le roi veut libéralement leur bailler jusqu’à la somme de 6.000 francs39, et audit bâtard, qui l’a prise, lui donner et assigner une rente pour tenir son état, jusqu’à 200 ou 300 livres40.

9Item, ledit évêque requiert en son nom aux dessusdits et à chacun d’eux, puisque cette femme a été prise dans son diocèse et sous sa juridiction spirituelle, qu’elle lui soit rendue pour lui faire son procès, comme il appartient. Il est prêt à l’entreprendre, avec l’assistance de l’inquisiteur de la foi, et si c’est nécessaire, avec l’aide de docteurs en théologie et en décret, et autres personnes expertes en l’art de juger, ainsi que la matière l’exige, afin qu’il soit mûrement et dûment procédé pour l’exaltation de la foi et l’instruction de plusieurs qui ont été déçus et abusés en cette matière, à l’occasion de cette femme.

Item, et finalement, si par la manière dessusdite ils ne veulent et ne consentent à obéir à ce qui a été dit, bien que la prise de cette femme ne soit comparable à la prise d’un roi, de princes et d’autres gens de grand état (cependant si des gens de telles conditions étaient pris, fussent roi, dauphin ou autres princes, le roi les pourrait racheter, s’il le voulait, en baillant à celui qui les a faits prisonniers 10.000 francs, suivant le droit, les usages et la coutume de France41), ledit évêque somme et requiert les dessusdits, en son nom et en celui du roi, que ladite Pucelle lui soit livrée en donnant en garantie ladite somme de 10.000 francs, en tout et pour tout. Et ledit évêque, en son nom propre, suivant la forme et peines de droit, requiert qu’elle lui soit baillée et livrée comme dessus.

Item s’ensuit la teneur de l’exploit fait pour livrer la Pucelle.

L’an du Seigneur 1430, le 14e jour du mois de juillet, indiction 8, l’an 13 du pontificat de notre très Saint Père le pape, Martin V, en la bastille d’illustrissime prince monseigneur le duc de Bourgogne, dans son ost campé devant Compiègne, en présence de nobles hommes messeigneurs Nicolas de Mailly42 et Jean de Pressy43, chevaliers, et de plusieurs autres nobles témoins, en grand nombre, fut présentée par révérend père en Dieu monseigneur Pierre, par la grâce de Dieu évêque et comte de Beauvais, à l’illustrissime prince monseigneur le duc de Bourgogne, certaine cédule en papier contenant mot à mot les cinq articles44 ci-dessus transcrits. Cette cédule, monseigneur le duc la bailla à noble homme Nicolas Rolin45, chevalier, son chancelier, qui l’assistait, et il lui donna l’ordre de la transmettre à noble et puissant seigneur messire Jean de Luxembourg, chevalier, seigneur de Beaurevoir ; ledit seigneur Jean de Luxembourg étant survenu, ledit chancelier lui bailla cette cédule qu’il lut, à ce qu’il m’a semblé. Ceci s’est passé devant moi. Ainsi signé : Triquellot46, notaire pontifical.

10S’ensuit la teneur de la lettre de l’Université de Paris, adressée a nous, évêque.

À révérend père en Dieu et seigneur, monseigneur l’évêque et comte de Beauvais. Nous voyons avec étonnement, révérend père et seigneur, le grand retard apporté à l’envoi de cette femme, vulgairement appelée la Pucelle, si préjudiciable à la foi et à la juridiction ecclésiastique, surtout puisqu’on la dit actuellement remise entre les mains du roi notre sire. Les princes chrétiens, dans leur zèle à favoriser les intérêts de l’église et ceux de la foi orthodoxe, lorsqu’une atteinte téméraire est portée aux dogmes de cette même foi catholique, ont accoutumé de livrer le prévenu aux juges ecclésiastiques, afin qu’ils s’en saisissent et le punissent incontinent. Et sans doute si votre paternité avait prêté une diligence plus active à poursuivre l’affaire, déjà la cause de ladite femme serait agitée devant un tribunal ecclésiastique. Il vous importe grandement, puisque dans l’Église de Dieu vous portez si haute prélature, d’abolir les scandales perpétrés dans notre chrétienne religion, surtout quand il s’agit de juger un cas que le hasard amena dans votre diocèse. Donc, pour qu’en cette affaire l’autorité de l’Église ne souffre plus grave blessure d’un si long atermoiement, que votre paternité daigne dans son zèle travailler avec une extrême diligence à ce que ladite femme soit remise au plus tôt en votre pouvoir et en celui de monseigneur l’inquisiteur de la perversité hérétique. Cela fait, veuillez prendre peine de la faire conduire sûrement en cette ville de Paris, où il y a nombre de personnes sages et érudites, afin que ce procès puisse être examiné diligemment et conduit avec certitude ; pour la saine édification du peuple chrétien et l’honneur de Dieu qui veuille bien, révérend père, vous accorder en toutes choses un spécial secours ! Écrit à Paris, dans notre assemblée générale tenue solennellement à Saint-Mathurin47, le 21e jour du mois de novembre, l’an du Seigneur 1430. Le recteur48 et l’Université de Paris bien vôtres. Ainsi signé : Hébert.

S’ensuit la teneur de la lettre de notre mère l’Université de Paris adressée à notre sire le roi de France et d’Angleterre.

À très excellent prince, le roi de France et d’Angleterre, notre très redouté seigneur et père. Très excellent prince, notre très redouté et souverain seigneur et père, nous avons entendu dire nouvellement que la femme dite la Pucelle est à présent rendue en votre puissance ; ce 11dont nous sommes très joyeux, confiant dans votre bonne ordonnance pour mettre cette femme en justice, réparer les grands maléfices et les scandales survenus notoirement en ce royaume à son occasion, au grand préjudice de l’honneur divin, de notre sainte foi et de tout votre bon peuple. Et parce qu’il nous appartient particulièrement, suivant notre profession, d’extirper de telles iniquités manifestes, surtout quand notre foi catholique en est touchée, nous ne pouvons sur le fait de cette femme dissimuler le long retard de justice qui doit déplaire à chaque bon chrétien, à votre royale majesté plus qu’à nul autre, pour la grande obligation que vous avez envers Dieu, en reconnaissance des hauts biens, des honneurs et des dignités qu’il a octroyés à votre excellence. Et bien qu’à ce sujet nous vous ayons plusieurs fois écrit, et encore à présent, notre très redouté souverain seigneur et père, en proposant toujours très humble et loyale recommandation, afin de n’être noté d’aucune négligence sur une matière si favorable et nécessaire, nous supplions très humblement, en l’honneur de Notre Seigneur Jésus-Christ, et nous prions bien votre haute excellence qu’il vous plaise ordonner que cette femme soit remise brièvement entre les mains de la justice d’église, c’est à savoir de révérend père en Dieu notre très honoré seigneur l’évêque et comte de Beauvais, et aussi entre celles de l’inquisiteur ordonné en France, à qui la connaissance de ces méfaits appartient spécialement en ce qui touche notre foi, afin que par voie de raison soit faite discussion convenable au sujet des charges qui lui sont imputées, et telle réparation [apportée], comme au cas appartiendra, en gardant la sainte vérité de notre foi, et en mettant hors des cœurs de vos bons, loyaux et chrétiens sujets toute fausse erreur et scandaleuse opinion. Et il nous semble bien convenable, si tel était le plaisir de votre hautesse, que cette femme soit amenée en cette cité [de Paris] pour faire son procès notablement et sûrement ; car menée par les maîtres, docteurs et autres notables personnes étant par deçà en grand nombre, la discussion serait de plus grande portée qu’en autre lieu ; et il convient assez que la réparation des scandales soit faite au lieu même où ses faits ont été divulgués et excessivement notoires. En ce faisant, votre majesté royale gardera la grande loyauté envers la souveraine et divine Majesté : laquelle veuille octroyer à votre excellence prospérité continuelle et félicité sans fin. Écrit à Paris, en notre assemblée générale tenue à Saint-Mathurin, le 21e jour de novembre, l’an 1430. Votre très humble et dévote fille : l’Université de Paris. Ainsi signée : Hébert.

12Item s’ensuit la teneur d’une lettre royale sur la livraison de ladite femme à nous, évêque de Beauvais.

Henri, par la grâce de Dieu roi de France et d’Angleterre, à tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut. Il est assez notoire et connu comment, depuis certain temps, une femme qui se fait appeler Jeanne la Pucelle, délaissant l’habit et le vêtement du sexe féminin, contre la loi divine, chose abominable à Dieu, réprouvée et défendue par toute loi, s’est vêtue, habillée et armée en état et habit d’homme, a fait et exercé de cruels homicides, comme on le dit, donnant à entendre au simple peuple, pour le séduire et l’abuser, qu’elle était envoyée de par Dieu et qu’elle avait connaissance de ses divins secrets, avec plusieurs autres dogmatisations très périlleuses, bien préjudiciables à notre sainte foi et scandaleuses. Tandis qu’elle poursuivait ces abus et exerçait des hostilités contre nous et notre peuple, elle a été prise sous les armes, devant Compiègne, par certains de nos loyaux sujets et depuis amenée prisonnière par devers nous. Et parce qu’elle a été par plusieurs réputée suspecte, notée et diffamée au sujet de superstitions, de fausses dogmatisations et d’autres crimes de lèse-majesté divine, comme on le dit, nous avons été requis très instamment par notre amé et féal conseiller l’évêque de Beauvais, juge ecclésiastique et ordinaire de ladite Jeanne, qui a été prise et appréhendée dans les bornes et limites de son diocèse ; pareillement nous avons été exhorté par notre très chère et très aimée fille, l’Université de Paris, de vouloir bien faire rendre, bailler et délivrer cette Jeanne audit révérend père en Dieu, pour l’interroger et l’examiner sur ces cas, afin de procéder contre elle suivant les ordonnances et dispositions des droits divin et canon, appelés ceux qui seront à appeler. C’est pourquoi, pour le respect et l’honneur du nom de Dieu, la défense et l’exaltation de sa sainte Église et de la foi catholique, nous voulons dévotement obéir, comme de vrais et humbles fils de sainte Église, aux requêtes et instances dudit révérend père en Dieu et aux exhortations des docteurs et maîtres de notre dite fille l’Université de Paris. Donc nous ordonnons et nous accordons, autant de fois qu’il semblera bon audit révérend père en Dieu, que cette Jeanne lui soit baillée et délivrée par nos gens et officiers qui l’ont en leur garde, pour l’interroger, l’examiner et pour que son procès lui soit fait, selon Dieu, la raison, le droit divin et les saints canons, par ledit révérend père en Dieu. Ainsi nous donnons mandement à nosdites gens et officiers, qui ont en garde cette Jeanne, de la bailler et délivrer audit révérend père en Dieu, sans refus ni aucun 13contredit, autant de fois qu’ils seront requis par lui ; et nous mandons en outre à tous nos gens de justice, officiers et sujets, tant aux Français comme aux Anglais, qu’ils ne donnent, de fait ni autrement, aucun empêchement ni trouble audit révérend père en Dieu et à tous autres, qui sont et seront désignés pour assister, vaquer et entendre audit procès : mais, s’ils en sont requis par ledit révérend père en Dieu, leur donnent garde, aide, défense, protection et confort, sous peine de grave punition. Toutefois c’est notre intention de ravoir et de reprendre cette Jeanne s’il arrivait qu’elle ne fût convaincue et atteinte des cas dessusdits, ou de certains d’entre eux ou d’autres touchant ou regardant notre foi49. En témoin de quoi nous avons fait mettre à ces présentes notre sceau ordonné en l’absence du grand50. Donné à Rouen, le 3e jour de janvier, l’an de grâce 1431, et de notre règne le 9e. Ainsi signée : par le roi à la relation de son grand conseil, J. de Rinel51.

Item s’ensuit la lettre de territoire accordée à nous, évêque, par le vénérable chapitre de la cathédrale de Rouen pendant la vacance du siège archiépiscopal.

À tous ceux qui ces présentes lettres verront, le chapitre de la cathédrale de Rouen ayant pendant la vacance du siège archiépiscopal l’administration de toute la juridiction spirituelle, salut en Notre Seigneur. De la part de révérend père en Dieu et seigneur, monseigneur Pierre, par la miséricorde divine évêque de Beauvais, il nous a été montré que, suivant son autorité comme juge ordinaire et autrement, il lui appartenait de droit d’informer contre une femme, vulgairement appelée Jeanne la Pucelle, qui, délaissant toute pudeur, a vécu dans le dérèglement et la honte, au mépris de l’état qui convient au sexe féminin. Bien plus, comme c’est la commune renommée, elle a semé et répandu plusieurs opinions contraires à la foi catholique et tournant au dénigrement de certains articles de la croyance orthodoxe : en quoi elle apparaît bien insensée, suspecte et diffamée. Et le dit évêque s’était proposé et avait résolu de lui faire son procès, car elle se trouvait alors dans son diocèse et y avait commis tout ce que l’on a rapporté : or il était advenu, suivant le plaisir de Dieu, qu’on l’avait prise, détenue et arrêtée dans son diocèse et dans les limites de sa juridiction spirituelle : mais depuis, on l’avait transférée ailleurs. Ce fait étant parvenu à la connaissance dudit révérend père, celui-ci, tant de sa propre personne qu’autrement, avait requis et admonesté illustre prince, duc de Bourgogne, et noble homme monseigneur Jean de Luxembourg, 14chevalier, et les autres détenteurs de ladite femme, de la lui livrer : car il appartenait au dit révérend père, suivant droit et raison, d’enquêter et de procéder, en tant que juge ordinaire, contre cette femme qui avait perpétré tant de méfaits contre la foi catholique, et qui, suspecte comme on l’a dit, d’hérésie, avait délinqué dans le territoire de sa juridiction spirituelle, y avait été prise, détenue et arrêtée. Ces seigneurs, et autres détenteurs de ladite femme, requis à cette fin, aussi bien par le très chrétien prince Henri notre sire, roi de France et d’Angleterre, que par notre mère l’Université de Paris, ont acquiescé auxdites réquisitions, monitions et sommations ; comme de fidèles catholiques dévoués à leur foi, ils ont livré et délivré cette femme à notre sire le roi, ou à ses commissaires ; ensuite on l’a conduite hors de cette cité de Rouen, où elle a été mise en bonne garde ; et maintenant, sur l’ordre et consentement dudit roi notre sire, elle a été baillée, livrée et délivrée au dit révérend père en Christ. Pour plusieurs motifs et considérations, et tout particulièrement en réfléchissant attentivement aux circonstances du temps présent, il lui est apparu convenable de procéder dans cette cité de Rouen52, suivant les sanctions théologiques et canoniques, et d’y conduire les enquêtes qui nous paraîtraient devoir être faites dans cette cause ; pareillement, d’interroger la prévenue, et s’il y a lieu, de la détenir en prison53, d’exercer là, en un mot, tous les divers actes qui se rapportent à une poursuite de cette sorte, avec toutes leurs dépendances et conséquences. Certes notre évêque n’entend pas mettre la faux dans la moisson d’autrui54, agir sans notre consentement ; c’est pourquoi il nous a demandé de lui accorder le territoire pour subvenir à son défaut de droit et exercer tous les actes se rapportant à cette poursuite. C’est pourquoi, approuvant la requête dudit révérend père, et la considérant comme juste et conforme aux intérêts de la foi catholique, nous lui avons accordé, donné et assigné territoire, et, par la présente lettre, nous lui donnons et assignons territoire, dans cette cité de Rouen, et partout ailleurs dans les limites du diocèse où cela lui paraîtra nécessaire, pour en user en tout ce qui touche à cette affaire, pour ordonner, connaître, décider, juger tout ce qui en dépend. En conséquence, nous avertissons tous nos sujets, tant ceux de la ville de Rouen que les autres vivant dans notre diocèse, de l’un et l’autre sexe, de quelque condition qu’ils soient, et nous leur enjoignons, en vertu de la sainte obédience, d’obtempérer, d’obéir, de prêter aide et faveur audit révérend père dans tout ce qui touche à cette affaire, à ses conséquences, tant pour porter témoignage et donner consultation qu’autrement. Nous concédons et accordons que chaque acte de juridiction concernant cette affaire, et ce qui en dépend, reçoive tout son plein et libre effet, suivant la règle du 15droit, exactement comme s’il avait été accompli dans son propre diocèse de Beauvais, soit qu’il ait été fait de son autorité, ou par ses commissaires et députés, ou par ceux qu’il commettra ou députera, ou en s’adjoignant l’inquisiteur de la perversité hérétique, ou son commissaire présent ou futur, soit séparément, soit de concert, et finalement qu’il reçoive tout son effet. Nous lui donnons et concédons, en tant que besoin, et au mieux, toute autorité et puissance, à la réserve du droit de la dignité archiépiscopale du diocèse de Rouen en autres choses. Donné sous le grand sceau de la cour de Rouen avec les signets dont nous usons présentement. L’an du Seigneur 1430, le 28e jour du mois de décembre. Signé : R. Guérould55.

Item s’ensuit la teneur de la lettre du promoteur.

À tous ceux qui ces présentes lettres verront, Pierre, par la miséricorde divine évêque de Beauvais, salut en Notre Seigneur. Une certaine femme, vulgairement dite Jeanne la Pucelle, a été prise et capturée au cours de la présente année dans les termes et limites de notre diocèse. De la part d’illustrissime et sérénissime prince notre sire le roi, elle nous a été rendue et restituée comme à son juge ordinaire, diffamée comme elle l’était publiquement et notoirement, scandaleuse et suspecte de plusieurs sortilèges, d’incantations, d’invocations et de conversations avec les esprits malins, et de plusieurs autres matières concernant notre foi, afin que nous puissions lui faire son procès suivant la forme du droit en usage en matière de foi. Et nous, désirant procéder mûrement dans ladite matière de foi et suivant les formes juridiques, sur l’avis et délibération d’un grand nombre de nos conseillers, tant en droit civil qu’en droit canon, appelés par nous dans cette cité de Rouen (le territoire de la juridiction spirituelle de Rouen nous ayant été au préalable concédé pour traiter et décider de cette matière), nous avons jugé nécessaire et convenable d’avoir un promoteur ou procureur général de notre office dans cette cause, des conseillers, des notaires ou scribes, et aussi un huissier pour rédiger les mandements et les convocations à faire au cours de ce procès. Nous faisons donc savoir que, voulant suivre ces délibération et conseil, ainsi que les formes du droit, ayant pleine confiance, suivant Dieu, dans la fidélité, la probité, l’intelligence, la suffisance et l’aptitude personnelle de vénérable personne maître Jean d’Estivet, prêtre, chanoine des églises de Bayeux et de Beauvais, et dûment informé à son sujet, nous avons fait, constitué, créé, nommé, ordonné et député ledit Jean, et nous le faisons, nommons, ordonnons et députons notre promoteur ou procureur de notre office, en tout ce qui concerne ce procès, sa conduite générale et spéciale. Et nous donnons audit promoteur et procureur général, par la teneur des présentes, licence, faculté et autorité d’ester et comparaître judiciairement et extra-judiciairement, de se faire partie contre ladite Jeanne, de donner, bailler, administrer, produire, montrer articles, interrogatoires, témoignages, instruments et autres genres de preuves, d’accuser et de dénoncer ladite Jeanne, de la faire examiner et interroger, de porter des conclusions dans la cause, d’exercer en un mot, promouvoir, procurer et faire tout ce que l’on sait appartenir à l’office de promoteur et procureur, suivant le droit et la coutume. C’est pourquoi nous mandons à tous, et à chacun en ce qui le concerne, de prêter obéissance déférente, conseil et secours, audit Jean dans l’exercice de sa fonction. En témoignage de quoi nous avons fait mettre notre sceau à ces présentes lettres. Fait et donné en la maison de Jean Rubé56, chanoine de Rouen. L’an du Seigneur 1431, le 9e jour de janvier. Ainsi signé : E. de Rosières57.

Item s’ensuit la teneur de la lettre pour les notaires.

À tous ceux qui ces présentes lettres verront, Pierre, par la miséricorde divine évêque de Beauvais, etc. Nous faisons donc savoir que nous voulons suivre ces délibération et conseil ainsi que les formes du droit, ayant pleine confiance, suivant Dieu, et dûment informé de la fidélité, de la probité, capacité, suffisance et aptitude de maître Guillaume Colles, autrement dit Boisguillaume, et de maître Guillaume Manchon, prêtres du diocèse de Rouen, notaires apostoliques et impériaux, et notaires jurés de la cour archiépiscopale de Rouen, sous la réserve qu’il est besoin du consentement et de l’approbation des vénérables vicaires de l’archevêché de Rouen pendant la vacance du siège, nous les avons retenus, élus, nommés, et nous les retenons, élisons et nommons notaires ou scribes dans cette cause. Et nous leur donnons licence, faculté et pouvoir d’accéder auprès de ladite Jeanne, là où elle est et sera, autant de fois qu’il en sera besoin, de l’interroger ou entendre interroger, de recevoir les serments des témoins, de recueillir les confessions de Jeanne et les dires des témoins ainsi que les opinions des docteurs et des maîtres, de nous les rapporter par écrit, mot à mot, de mettre en écrit tous les actes de cette cause, présents et à venir, de faire et de rédiger par écrit tout ce procès dans la forme due, de faire en un mot tout ce qui appartient à l’office de 17notaire, en tout et partout où ce sera opportun. En témoin de quoi, etc. 58

Item s’ensuit la teneur de la lettre instituant un conseiller.

À tous ceux qui ces présentes lettres verront, Pierre, par la miséricorde divine évêque de Beauvais, etc. Nous faisons donc savoir que voulant suivre ces délibération et conseil, ainsi que les formes du droit, ayant pleine confiance, suivant Dieu, et dûment informé de la fidélité, probité, capacité suffisante et aptitude de vénérable et prudente personne maître Jean de La Fontaine, maître ès arts, licencié en décret, nous avons fait, ordonné, commis, député, retenu ledit maître Jean en qualité de conseiller et d’examinateur des témoins à produire dans la cause de la part de notre promoteur : et nous donnons audit maître Jean et lui concédons licence, faculté et autorité de recevoir les dits témoins, de leur faire prêter serment, de les examiner, de les absoudre ad cautelam59, de faire rédiger et de rédiger par écrit leurs dépositions, de faire en un mot tout ce qu’un conseiller, commissaire et examinateur dûment constitué peut et doit faire, tout ce que nous ferions nous-mêmes ou pourrions faire si nous agissions personnellement à sa place. En témoin de quoi, etc.

Item s’ensuit la teneur des lettres instituant l’huissier.

À tous ceux qui ces présentes lettres verront, Pierre etc. Nous faisons donc savoir que voulant suivre ces délibération et conseil, ainsi que les formes du droit, ayant pleine confiance, suivant Dieu, et dûment informé, de la capacité, fidélité et prompte diligence de discrète personne maître Jean Massieu, prêtre, doyen de la chrétienté de Rouen, nous avons fait, constitué, retenu et ordonné ledit Jean comme exécuteur des mandements et des convocations à faire en notre nom dans la présente cause ; nous lui avons concédé toute licence en cela, et nous lui concédons par ces présentes. En témoin de quoi, etc.

13 janvier [1431].

Et le samedi suivant, 13e jour du mois de janvier, nous, évêque susdit, avons fait convoquer, dans la maison où nous habitons à Rouen60, messeigneurs et maîtres : Gilles, abbé de la Sainte-Trinité de Fécamp, docteur en théologie ; Nicolas de Venderès, licencié en droit canon18 ; Guillaume Haiton61 et Nicolas Couppequesne, bachelier en théologie ; Jean de La Fontaine, licencié en droit canon et Nicolas Loiseleur, chanoine de la cathédrale de Rouen. En leur présence, nous avons exposé ce qui s’était fait dans la précédente session, en leur demandant conseil sur la marche ultérieure à suivre dans cette cause. En outre, dans cette audience, nous leur avons fait donner lecture des informations faites dans le pays natal de cette femme62 et ailleurs, ainsi que de certains mémoires rédigés sur divers points, les uns désignés dans ces informations, les autres se référant à la rumeur publique. Tout cela vu et entendu, lesdits assistants ont délibéré qu’il serait rédigé là-dessus certains articles en due forme, afin que la matière apparût plus distinctement et mieux en ordre, et que l’on pût délibérer de façon plus certaine s’il y avait matière suffisante pour introduire citation et instance en matière de foi. Ainsi, conformément à l’avis desdits assistants, nous avons résolu de faire procéder à la rédaction de tels articles ; et nous avons commis à cet effet certaines personnes notables, singulièrement érudites en droit canon et civil, pour y pourvoir avec lesdits notaires. Et celles-ci, obtempérant à notre ordre avec diligence, besognèrent à rédiger lesdits articles les dimanche, lundi et mardi qui suivirent.

23 janvier [1431].

Item, le mardi 23e jour dudit mois de janvier, comparurent en notre demeure lesdits seigneurs et maîtres, savoir : maître Gilles, abbé de Fécamp, Nicolas de Venderès, Guillaume Haiton, Nicolas Couppequesne, Jean de La Fontaine et Nicolas Loiseleur. En leur présence lecture fut donnée des articles que nous avions fait rédiger, comme il a été rapporté ; et nous leur avons demandé de nous donner les avis les plus prudents sur ces articles et sur ce qu’il convenait de faire par la suite. Ceux-ci nous ont déclaré que les articles étaient bons, bien faits, rédigés en bonne et due forme, et qu’il convenait de procéder aux interrogations correspondant à ces articles63. Ils déclarèrent ensuite que nous, évêque, pouvions et devions 19procéder à l’information préparatoire sur les faits et dits de la prisonnière. Accédant à cet avis, nous avons résolu et ordonné de faire cette information préparatoire. Mais, comme nous étions occupé ailleurs, nous avons commis à faire cette enquête vénérable et discrète personne maître Jean de La Fontaine, licencié en droit canon.

13 février [1431].

Item, le mardi 13e jour du mois de février, l’an susdit, comparurent en notre demeure, le matin, lesdits seigneurs et maîtres : Gilles, abbé de Fécamp, Jean Beaupère64, Jacques de Touraine65, Nicolas Midi66, Pierre Maurice67, Gérard Feuillet68, docteurs ; Nicolas de Venderès et Jean de La Fontaine, licenciés en droit canon ; Guillaume Haiton, Nicolas Couppequesne, Thomas de Courcelles69, bacheliers en théologie, et Nicolas Loiseleur, chanoine de la cathédrale de Rouen. Nous avons fait appeler les officiers déjà constitués et ordonnés par nous dans cette cause, savoir : maître Jean d’Estivet, promoteur ; Guillaume Boisguillaume et Guillaume Manchon, les notaires ; maître Jean Massieu, l’huissier. Nous leur avons requis de prêter le serment d’exercer fidèlement leur office. Obtempérant à notre requête, ils jurèrent entre nos mains de l’exercer et de le remplir fidèlement.

14, 15 et 16 février [1431].

Les mercredi, jeudi, vendredi et samedi suivants, ledit de La Fontaine, commissaire, assisté des deux notaires susdits, procéda à l’information préparatoire que nous avions demandée.

19 février [1431].

Item, le lundi après les Brandons, 19e jour du mois de février, l’an du Seigneur 1431, comparurent sur les huit heures du matin dans notre dite maison d’habitation, messeigneurs et maîtres Gilles, abbé de Fécamp, Jean Beaupère, Jacques de Touraine, Nicolas Midi, Pierre Maurice, Gérard Feuillet, docteurs en théologie ; Nicolas 20de Venderès, Jean de La Fontaine, licenciés en droit canon ; Guillaume Haiton, Nicolas Couppequesne, Thomas de Courcelles, bacheliers en théologie, et Nicolas Loiseleur, chanoine de la cathédrale de Rouen. Nous, évêque susdit, leur avons exposé que nous avions donné l’ordre de faire une instruction préalable sur certains articles relatifs aux faits et aux dits de cette femme, à nous livrée et confiée par le roi notre sire, comme on l’a rapporté plus haut, pour voir s’il y avait matière suffisante à la poursuivre et citer en matière de foi. En leur présence, nous avons fait donner lecture de ces articles et des dépositions des témoins contenues dans cette information préalable. Ces seigneurs et maîtres, après la lecture de cette pièce et après l’avoir considérée curieusement, tinrent longue et mûre délibération. Enfin, sur leurs avis et conseils, nous avons conclu qu’il y avait charge suffisante, suivant ces informations et d’autres raisons, pour faire poursuivre et citer ladite femme en matière de foi ; et nous avons prononcé qu’elle devait être poursuivie et citée afin de répondre à certaines interrogations qui lui seraient faites. En outre, afin que la cause fût conduite plus convenablement et salutairement, par égard pour le saint-siège apostolique qui a député spécialement les seigneurs inquisiteurs de la perversité hérétique pour corriger les erreurs dressées contre la foi orthodoxe, de l’avis des mêmes personnes d’expérience, nos conseillers, nous avons décidé que le seigneur inquisiteur de la perversité hérétique pour le royaume de France serait appelé et requis dans cette matière de foi, qu’il pourrait s’adjoindre à nous dans ce procès, si cela lui agréait et lui paraissait de son intérêt. Mais comme ledit seigneur inquisiteur se trouvait alors absent de cette cité de Rouen, nous avons ordonné que son vicaire, présent à Rouen, serait mandé et appelé à sa place, comme il a été dit.

Le même jour, dans l’après midi.

Item, ce même jour de lundi, vers quatre heures de l’après midi, sur notre requête, comparut dans notre maison d’habitation vénérable et discrète personne maître Jean Le Maistre, de l’ordre des frères 21Prêcheurs, vicaire du seigneur inquisiteur du royaume de France et par lui député en la cité et diocèse de Rouen. Nous avons sommé et requis ledit vicaire de s’adjoindre à nous, afin que nous procédions en commun dans l’affaire susdite ; et nous avons offert de lui communiquer tout ce qui avait été fait ou se ferait à l’avenir dans cette cause. Sur quoi ledit vicaire répondit qu’il était prêt à nous exhiber sa commission ou lettre de vicariat, à lui baillée par ledit seigneur inquisiteur, et que, vu sa teneur, il ferait volontiers dans la cause ce qu’il devrait faire pour l’office de la sainte inquisition.

Cependant, comme il était spécialement délégué dans le ressort du diocèse et de la cité de Rouen, bien que le territoire nous eût été accordé, nous avions toutefois commencé ce procès en raison de notre juridiction en tant qu’évêque de Beauvais : à ce sujet ledit vicaire émit un doute, savoir si sa commission pouvait s’étendre à la conduite du présent procès. Nous lui avons répondu qu’il revînt vers nous le lendemain et que d’ici là nous aurions tenu conseil.

Mardi 20 février [1431].

Item, le mardi suivant, vingtième jour de février, comparurent dans la maison où nous habitons frère Jean Le Maistre, vicaire du seigneur inquisiteur ; maître Jean Beaupère, Jacques de Touraine, Nicolas Midi, Nicolas de Venderès, Pierre Maurice, Gérard Feuillet, Thomas de Courcelles, Nicolas Loiseleur, chanoine de la cathédrale de Rouen, et frère Martin Lavenu70, de l’ordre des frères Prêcheurs. En leur présence nous avons rapporté que nous avions vu la commission ou lettre de vicariat baillée audit frère Jean Le Maistre par le seigneur inquisiteur et que, de l’avis des gens experts à qui l’on avait montré cette lettre de vicariat, ledit vicaire pouvait, en vertu de cette commission, s’adjoindre à nous ; que cette commission était étendue à cette cité et à tout le diocèse de Rouen ; qu’il pouvait conduire le procès conjointement à nous, évêque.

Néanmoins, pour plus de sûreté en ce procès, nous avons décidé d’adresser audit seigneur inquisiteur une sommation et réquisition 22sous forme de lettres patentes, pour qu’il veuille bien venir en personne dans cette ville de Rouen conduire personnellement ce procès, ou se faire suppléer par un vicaire muni d’un pouvoir plus étendu et plus particulier, comme il appert par la teneur de nos lettres transcrites plus loin.

À notre exposé le frère Jean Le Maistre a répondu, tant pour rasséréner sa conscience que pour la conduite plus sûre du procès, qu’il ne voulait pas s’entremettre en la présente affaire, à moins de recevoir un pouvoir spécial et bien défini. Toutefois, en tant qu’il le pouvait et qu’il lui était licite, il a consenti à ce que nous, évêque, procédassions plus avant, jusqu’à ce qu’il eût reçu un avis plus clair sur la question de savoir si, en vertu de sa dite commission, il pouvait assumer la charge de conduire le procès. Ayant ainsi son consentement, nous avons offert de nouveau de lui communiquer les actes de notre procédure, ce qui en avait été fait et ce qui demeurait à faire. Sur quoi, après avoir recueilli les délibérations des assesseurs, nous avons arrêté que ladite femme, par nos lettres de citation, serait appelée à comparaître devant nous le lendemain mercredi, vingt-neuvième jour du mois de février. Leur teneur est transcrite ci-dessous :

S’ensuit d’abord la teneur de la lettre de vicariat dudit Jean Le Maistre.

Frère Jean Graverent, de l’ordre des frères Prêcheurs, professeur en théologie sacrée, inquisiteur de la perversité hérétique délégué par l’autorité apostolique dans tout le royaume de France, à son bien aimé frère en Christ Jean Le Maistre, du même ordre, salut en Notre Seigneur Jésus-Christ, auteur et confirmateur de notre foi. L’hérésie est une maladie qui chemine en rampant, tel le cancer, et qui tue occultement les simples, à moins que le sarcloir de l’inquisiteur vigilant ne la tranche. C’est pourquoi, confiant dans votre zèle en faveur de la foi, dans votre discrétion et probité, de par l’autorité apostolique dont nous jouissons en cette partie, nous vous avons fait, créé et constitué, nous vous faisons, créons et constituons, par la teneur des présentes, notre vicaire dans la ville et le diocèse de Rouen ; vous donnant et concédant, dans cette ville 23et ce diocèse, contre tous hérétiques, ou suspects d’hérésie, leurs affidés, fauteurs, défenseurs et receleurs, plein pouvoir d’enquêter, de citer, de convoquer, d’excommunier, de prendre, de détenir, de corriger, de procéder contre eux par tous moyens opportuns et autres, jusqu’à sentence définitive inclusivement, ainsi que d’absoudre et de prononcer de salutaires pénitences, de faire et d’exercer généralement tous et chacun des actes qui appartiennent à l’office d’inquisiteur, tant de droit que de coutume et de privilège spécial ; en un mot de faire tous les actes que nous ferions nous-même, si nous y vaquions en personne. Donné à Rouen, l’an du Seigneur 1424, le 21 août.

Item s’ensuit la teneur de la lettre que nous, évêque, avons adressée au seigneur inquisiteur de la perversité hérétique.

Pierre, par la miséricorde divine évêque de Beauvais, à vénérable père maître Jean Graverent, docteur en théologie, inquisiteur de la perversité hérétique, salut et sincère dilection en Christ. Le roi notre sire, dans le feu de son zèle en faveur de la foi orthodoxe et de la religion chrétienne, nous a fait remettre comme à son juge ordinaire une certaine femme du nom de Jeanne, surnommée vulgairement la Pucelle, chargée notoirement de divers crimes contre la foi et la religion chrétienne, suspecte d’hérésie, et qui avait été prise et capturée dans notre diocèse de Beauvais. Le chapitre de la cathédrale de Rouen, puisqu’il y avait vacance du siège archiépiscopal, nous ayant accordé et assigné territoire dans cette cité et dans le diocèse de Rouen pour conduire son procès, désirant chasser toute erreur impie répandue parmi le peuple de Dieu et fixer l’intégrité de la vérité catholique qui souffre de continuelles blessures, afin que le peuple chrétien, principalement dans notre diocèse et dans les autres parties de ce royaume très chrétien soit vivement édifié quant à son salut par une saine doctrine, nous avons résolu d’examiner l’affaire de ladite femme avec zèle et toute diligence ; de nous enquérir de ses faits et dits concernant la foi orthodoxe : et, après avoir convoqué un certain nombre de docteurs, tant en sacrée théologie qu’en droit canon, ainsi que d’autres personnes d’expérience, nous avons commencé son procès juridique dans cette ville, après grande et mûre délibération. Mais comme cette affaire concerne particulièrement votre office d’inquisiteur, à qui il appartient de faire luire la vérité dans les causes suspectes d’hérésie, nous prions votre vénérable paternité, nous la sommons et requérons en faveur de la foi, d’avoir à se transporter sans délai dans cette ville pour 24la conduite ultérieure de ce procès, afin d’y vaquer, comme il incombe à votre office, selon la forme du droit et les sanctions apostoliques, en sorte que nous procédassions dans la cause elle-même d’un commun sentiment et suivant une procédure uniforme. Que si vos occupations, ou quelque autre excuse raisonnable dont vous pourriez arguer, devaient causer quelque retard dans cette affaire, veuillez du moins confier votre pouvoir à frère Jean Le Maistre, votre vicaire dans cette ville et diocèse de Rouen, ou à tout autre commissaire, de telle sorte que le fâcheux retard causé par votre absence, après une requête si fondée, ne puisse vous être imputé, au préjudice de la foi et pour le scandale du peuple chrétien. Tout ce que vous aurez décidé de faire, par vos lettres patentes veuillez nous le faire connaître de suite. Donné à Rouen, sous notre sceau, l’an du Seigneur 1431, le vingt-deuxième jour du mois de février. Ainsi signé : G. Boisguillaume. G. Manchon.

Mercredi 21 février [1431]. Première séance publique.

Item le mercredi, savoir le vingt-et-unième jour du mois de février, sur les huit heures du matin, nous, évêque, nous sommes rendu à la chapelle royale du château de Rouen71 où nous avions fait citer la dite femme à comparaître à ce jour et à cette heure. Là nous avons pris séance, en tribunal, assisté de révérends pères, seigneurs et maîtres : Gilles, abbé de la Sainte-Trinité de Fécamp, Pierre, prieur de Longueville-Giffard, Jean de Châtillon72, Jean Beaupère, Jacques de Touraine, Nicolas Midi, Jean de Nibat73, Jacques Guesdon74, Jean Le Fèvre75, Maurice du Quesnay76, Guillaume Le Boucher77, Pierre Houdenc78, Pierre Maurice, Richard Prati79, et Gérard Feuillet, docteurs en théologie sacrée ; — Nicolas de Jumièges, Guillaume de Sainte-Catherine80 et Guillaume de Cormeilles81, abbés ; Jean Garin82, chanoine, Raoul Roussel, docteurs en l’un et l’autre droit. — Guillaume Haiton, Nicolas Couppequesne, Jean Le Maistre, Richard de Grouchet84, Pierre Minier84, Jean Pigache85, Raoul Le Sauvage86, bacheliers en théologie. — Robert Le Barbier, Denis Gastinel87, Jean Le Doulx88, bacheliers en l’un et l’autre droit. — Nicolas de Venderès, Jean Basset89, Jean de La Fontaine, Jean Bruillot90, Aubert Morel91, Jean Colombel92, Laurent Du 25Busc93 et Raoul Anguy94, bacheliers en droit canon. — André Marguerie95, Jean Alespée96, Geoffroy du Crotay97 et Gilles Deschamps98, licenciés en droit civil.

En leur présence, il a été d’abord donné lecture des lettres du roi sur la reddition et le renvoi à nous fait de ladite femme ; puis des lettres du chapitre de Rouen nous accordant territoire, lettres dont la teneur est transcrite ci-dessus. Après cette lecture, le seigneur Jean d’Estivet, notre promoteur, constitué et député dans cette affaire, nous a rapporté qu’il avait fait citer et évoquer ladite Jeanne par notre huissier dans cette cause, afin qu’elle comparût au dit lieu, au jour et à l’heure prescrits, pour répondre, comme de droit, aux interrogations qui lui seraient proposées, ainsi qu’il résultait clairement du rapport dudit huissier annexé à nos lettres d’ajournement.

Suit la teneur des lettres d’ajournement et de l’exploit.

Pierre, par la grâce divine évêque de Beauvais, jouissant du territoire dans la cité et le diocèse de Rouen sur l’autorisation du vénérable chapitre de la cathédrale de Rouen pendant la vacance du siège archiépiscopal, afin de déduire et mener à terme l’affaire ci-dessous rapportée, au doyen de la chrétienté de Rouen99, à tous les prêtres, curés ou non de cette cité et diocèse, à qui ces présentes lettres parviendront, salut dans l’auteur et consommateur de notre foi, Notre Seigneur Jésus-Christ. Comme une certaine femme, vulgairement dite Jeanne la Pucelle, avait été capturée et prise dans notre diocèse de Beauvais, puis nous avait été rendue, expédiée, baillée et livrée par très chrétien et sérénissime prince, monseigneur le roi de France et d’Angleterre, comme véhémentement soupçonnée d’hérésie, afin que nous fissions son procès en matière de foi, après avoir ouï le bruit de ses faits et dits blessant notre foi notoirement répandu non seulement à travers le royaume de France mais encore à travers toute la chrétienté, après une diligente information et sur l’avis de gens experts, désirant mûrement procéder dans cette affaire, nous avons résolu d’appeler ladite Jeanne, de la citer et de l’entendre sur les articles et interrogatoires qui lui seront donnés et faits concernant cette matière. C’est pourquoi nous mandons à tous et à chacun de vous de ne pas s’attendre l’un l’autre, s’il est requis par nous, ni 26de s’excuser l’un sur l’autre. Citez donc péremptoirement ladite Jeanne, si fort suspecte d’hérésie, à comparaître devant nous, dans la chapelle royale du château de Rouen, le mercredi 21 du présent mois de février, à huit heures du matin, afin qu’elle dise la vérité sur lesdits articles, interrogatoires et autres sur quoi nous la tenons pour suspecte, et pour faire d’elle, comme il nous paraîtra juste et de raison, en lui intimant qu’elle sera excommuniée faute de comparaître ce jour-là devant nous. Rendez nous fidèlement compte de tout ce qui aura été fait, vous qui suivrez en personne cette affaire. Donné à Rouen, sous notre sceau, l’an du Seigneur 1431, le mardi vingtième jour du mois de février. Ainsi signées : G. Boisguillaume. G. Manchon.

Exploit de l’huissier.

À révérend père en Christ monseigneur Pierre, par la miséricorde divine évêque de Beauvais, et jouissant du territoire dans cette cité et le diocèse de Beauvais sur l’agrément du vénérable chapitre de la cathédrale de Rouen pendant la vacance du siège archiépiscopal, afin qu’il puisse déduire et terminer l’affaire ci-dessous rapportée, l’humble prêtre, Jean Massieu, doyen de la chrétienté de Rouen, présente, en toute révérence et tout honneur, prompte obéissance à tous ses mandements. Sache votre révérende paternité que j’ai cité péremptoirement, en vertu du mandement que vous m’avez adressé et auquel est annexé mon présent exploit, la femme vulgairement appelée Jeanne la Pucelle, le mercredi 21 février, à huit heures du matin, dans la chapelle royale du château de Rouen ; cette femme, appréhendée personnellement dans l’enceinte dudit château, et que vous tenez véhémentement pour suspecte d’hérésie, devant répondre la vérité aux articles et interrogatoires qui lui seraient faits et posés touchant la matière de la foi, ainsi qu’aux autres points sur lesquels vous l’estimez suspecte, et pour faire à son sujet comme de juste et de raison, suivant l’intimation contenue dans vos lettres. Ladite Jeanne m’a en effet répondu que volontiers elle comparaîtrait devant vous et répondrait la vérité aux interrogations qui lui seraient faites ; que toutefois elle demandait que, dans cette cause, vous voulussiez bien convoquer des ecclésiastiques des pays tenant le parti de France, tout autant qu’il y en avait d’Angleterre100 ; en outre elle suppliait humblement 27votre révérende paternité de lui permettre d’entendre la messe demain avant de comparaître devant votre révérende paternité, et que j’eusse bien à vous le signifier : ce que j’ai fait. Tout ce qui précède a été fait par moi ; et je le signifie à votre révérende paternité par les présentes lettres, scellées de mon sceau et signées de mon seing manuel. Donné l’an du Seigneur 1431, le mardi veille dudit mercredi. Ainsi signé : Jean.

Pétition du promoteur.

Puis le promoteur, après lecture des lettres susdites, a requis instamment que cette femme reçût commandement de se rendre ici pour comparaître devant nous en jugement, ainsi qu’elle avait été citée, afin que nous l’interrogions sur certains articles concernant la matière de foi : ce que nous avons accordé. Mais comme, entre temps, cette femme nous avait requis qu’il lui fût permis d’ouïr la messe, nous avons exposé aux assesseurs que nous avions tenu conseil à ce sujet avec des maîtres et de notables personnes : vu les crimes dont ladite femme était diffamée, notamment l’inconvenance de son habillement dans laquelle elle persévérait, leur avis fut qu’il convenait de surseoir à lui accorder licence d’ouïr la messe et d’assister aux divins offices101.

Jeanne est amenée en jugement.

Tandis que nous disions cela, cette femme fut introduite par notre huissier. Puisqu’elle comparaissait en jugement devant nous, nous commençâmes à exposer comment cette Jeanne avait été prise et appréhendée dans les termes et limites de notre diocèse de Beauvais ; comment de nombreux actes accomplis par elle, non seulement dans notre diocèse, mais encore dans beaucoup d’autres régions, blessaient la foi orthodoxe ; comment le bruit public s’en était répandu par tous les royaumes de la chrétienté. Tout récemment, le sérénissime et très chrétien prince, le roi notre sire, nous l’avait baillée et délivrée afin que nous lui fissions son procès en matière de foi, comme il apparaissait être de droit et de raison. C’est pourquoi, vu la commune renommée et le bruit public, ainsi que certaines informations dont nous fîmes précédemment mention, après avoir tout d’abord tenu mûr conseil avec des personnes savantes en 28droit divin et civil, nous avons donné mandement de notre office pour que ladite Jeanne fût citée et évoquée par lettre, afin de répondre la vérité aux interrogatoires en matière de foi qui lui seraient proposés et à l’effet de procéder, comme de droit et de raison, ainsi qu’il résultait des lettres susdites que le promoteur avait exhibées.

Première exhortation faite à Jeanne.

Comme c’est le devoir de notre office de veiller à la conservation et exaltation de la foi catholique, avec le bénin secours de Jésus-Christ dont la cause est en jeu, nous avons d’abord admonesté charitablement et requis ladite Jeanne, alors assise devant nous, afin que, pour l’abréviation du présent procès et la décharge de sa propre conscience, elle déclarât pleine vérité sur les questions qui lui seraient posées en matière de foi, sans recourir aux subterfuges et cautelles l’éloignant de l’aveu de la vérité.

Elle est requise de prêter serment.

En outre, suivant notre office, nous avons requis judiciairement ladite Jeanne de prêter serment en forme due, les mains sur les saints Évangiles, et de dire la vérité sur les questions qui lui seraient posées, comme il a été dit ci-dessus.

Ladite Jeanne a répondu de la sorte :

— Je ne sais sur quoi vous me voulez interroger. Par aventure, vous pourriez me demander telles choses que je ne vous dirais pas.

Sur quoi nous lui répondîmes :

— Jurerez-vous de dire vérité sur ce qui vous sera demandé, concernant la matière de foi, et sur ce que vous saurez ?

Celle-ci répondit que, au sujet de ses père et mère et sur ce qu’elle avait fait depuis qu’elle avait pris le chemin de France, volontiers en jurerait ; mais les révélations à elle faites de par Dieu, jamais elle ne les avait dites ni révélées à personne, fors au seul Charles, 29qu’elle dit son roi102 ; ces choses-là, elle ne les révélerait, dût-on lui couper la tête ; car elle les avait eues par visions ou par son conseil secret. Et avant huit jours, elle saurait bien si elle les devait révéler.

Derechef, et par plusieurs fois, nous, évêque, l’avons admonestée et requise de vouloir bien prêter serment de dire vérité, en ce qui toucherait notre foi. Ladite Jeanne, les genoux fléchis, les deux mains posées sur le livre, assavoir le missel, jura qu’elle dirait la vérité sur toutes les choses qui lui seraient demandées, et qu’elle saurait, concernant la matière de foi. Elle passa sous silence la condition susdite, savoir qu’elle ne dirait à personne et ne dévoilerait les révélations à elles faites.

Premier interrogatoire après le serment.

Item ayant ainsi prêté serment, ladite Jeanne fut interrogée par nous sur son nom et surnom.

À quoi elle répondit qu’on la nommait Jeannette en son pays ; et, après qu’elle vint en France, elle fut nommée Jeanne. Quant à son surnom, elle disait n’en rien savoir. En conséquence, elle fut interrogée sur son pays d’origine. Répondit qu’elle était née au village de Domrémy, qui fait un avec le village de Greux ; et au lieu de Greux est la principale église103.

Item interrogée du nom de ses père et mère, répondit que son père était nommé Jacques d’Arc104 et sa mère Isabelle105.

Interrogée où elle fut baptisée, répondit que ce fut dans l’église de Domrémy106.

Interrogée qui furent ses parrains et marraines, dit qu’une de ses marraines était nommée Agnès, une autre Jeanne, une autre Sibille107 ; de ses parrains, un se nommait Jean Lingue, un autre Jean Barrey : elle eut plusieurs autres marraines, comme elle l’avait bien ouï dire à sa mère.

Interrogée quel prêtre l’a baptisée, répondit que ce fut maître Jean Minet, à ce qu’elle croyait.

30Interrogée s’il vivait encore, répondit que oui, à ce qu’elle croyait.

Item interrogée quel âge elle avait, répondit qu’elle avait dix-neuf ans, comme il lui semble. Et outre dit que sa mère lui apprit Pater noster, Ave Maria, Credo ; et que nulle autre personne que sa mère ne lui apprit sa croyance.

Item, requise par nous de dire Pater noster, répondit que nous l’entendissions en confession, et qu’elle nous le dirait volontiers. Et comme, à plusieurs fois, nous l’avions requise de ce faire, elle répondit qu’elle ne dirait Pater noster, à moins que nous ne l’entendissions en confession. Or nous lui dîmes que volontiers nous lui baillerions un ou deux notables personnages du pays de France, à qui elle dirait Pater noster, etc. ; à quoi ladite Jeanne répondit qu’elle ne le leur dirait point s’ils ne l’entendaient en confession.

Défense à Jeanne de sortir de sa geôle.

Après quoi nous, évêque susdit, avons défendu à Jeanne de sortir des prisons à elle assignées, dans le château de Rouen108, sans notre autorisation, sous peine d’être convaincue du crime d’hérésie. Elle nous a répondu qu’elle n’acceptait point cette défense, ajoutant que, si elle s’évadait, nul ne pourrait la reprendre d’avoir enfreint ou violé son serment, puisqu’elle n’avait donné sa foi à personne. Ensuite elle se plaignit d’être incarcérée avec chaînes et entraves de fer. Nous lui dîmes alors qu’elle s’était efforcée ailleurs et par plusieurs fois de s’évader des prisons109 ; et c’est à cette fin qu’elle fût gardée plus fidèlement et plus sûrement que l’ordre avait été donné de l’entraver de chaînes de fer. À quoi elle répondit :

— Il est vrai que je l’ai voulu et le voudrais encore, ainsi qu’il est licite à tout détenu ou prisonnier de s’évader.

Nous avons ensuite commis à la garde sûre de ladite Jeanne noble homme John Grey110, écuyer du corps du roi notre sire, et avec lui John Berwoit111 et William Talbot112, en leur enjoignant de bien et fidèlement la garder, sans permettre à quiconque de conférer avec elle sans notre autorisation. Ce qu’ils jurèrent solennellement 31de faire, la main sur les saints Évangiles. Enfin, après avoir accompli tous ces actes préliminaires, nous avons assigné Jeanne à comparaître le lendemain jeudi, à huit heures du matin, en la chambre de parement située au bout de la grande salle du château de Rouen113.

Jeudi 22 février, seconde séance.

Item, le jeudi 22 février, nous, évêque, allâmes dans la chambre de parement, au bout de la grande cour du château de Rouen, où étaient assemblés révérends pères, seigneurs et maîtres Gilles, abbé de la Sainte-Trinité de Fécamp, Pierre, prieur de Longueville-Giffard, Jean de Châtillon, Jean Beaupère, Jacques de Touraine, Nicolas Midi, Jean de Nibat, Jacques Guesdon, Jean Le Fèvre, Maurice du Quesnay, Guillaume Le Boucher, Pierre Houdenc, Pierre Maurice, Richard Prati et Gérard Feuillet, docteurs en théologie sacrée ; — Nicolas de Jumièges, Guillaume de Sainte-Catherine, Guillaume de Cormeilles, abbés ; Jean Garin et Raoul Roussel, chanoines, docteurs en l’un et l’autre droit ; — Guillaume Haiton, Nicolas Couppequesne, Jean Le Maistre, Richard de Grouchet, Pierre Minier, Jean Pigache, Raoul Le Sauvage, bacheliers en théologie sacrée ; — Robert Le Barbier, Denis Gastinel, Jean Le Doulx, bacheliers en l’un et l’autre droit ; — Jean Basset, Jean de La Fontaine, Jean Bruillot, Aubert Morel, Nicolas de Venderès, Jean Pinchon114, Jean Colombel, Laurent Du Busc, Raoul Anguy, bacheliers en droit canon ; — André Marguerie, Jean Alespée, Geoffroy du Crotay et Gilles Deschamps, licenciés en droit civil ; — l’abbé de Préaux115, Frère Guillaume l’Ermite116, Guillaume Desjardins117, docteur en médecine, Robert Morellet118 et Jean Le Roy119, chanoines de la cathédrale de Rouen.

En leur présence, nous avons d’abord exposé que frère Jean Le Maistre, vicaire du seigneur inquisiteur, présent à l’audience, avait été par nous sommé et requis de s’adjoindre au présent procès, et que nous avions offert de lui communiquer tout ce qui avait été fait ou sera fait dans la suite en cette matière ; à quoi ledit vicaire avait 32répondu qu’il avait été seulement commis et député par le seigneur inquisiteur pour la cité et le diocèse de Rouen, tandis que le procès était conduit par nous, en raison de notre juridiction de Beauvais, en territoire emprunté. C’est pourquoi, afin de ne pas invalider le procès, et aussi pour rasséréner sa conscience, il avait différé de s’adjoindre à nous jusqu’à ce qu’il eût reçu plus ample avis, et aussi qu’il eût du seigneur inquisiteur un pouvoir plus étendu ou une commission. Au demeurant ledit vicaire, autant que cela dépendait de lui, était content de voir que nous procédions plus avant et sans interruption en la matière. En entendant notre exposé, ledit vicaire nous a répondu par ces mots : Vous dites la vérité. J’ai eu et j’ai pour agréable, autant que je puis et autant qu’il est en mon pouvoir, que vous poursuiviez le procès.

Ladite Jeanne étant ensuite introduite devant nous audit lieu, nous l’avons requise et admonestée, sous les peines du droit, de faire le serment qu’elle avait prêté le jour précédent ; et aussi qu’elle jurât de dire la vérité, absolument et simplement, sur tout ce qui lui serait demandé dans la matière dont elle était accusée et diffamée. À quoi elle répondit qu’hier elle avait fait serment, et qu’il devait suffire.

Alors nous l’avons requise de jurer ; car nul au monde, fut-il prince, ne pouvait refuser de faire serment, requis en matière de foi. Elle répondit de nouveau :

— Je le fis hier votre serment ; et il vous doit bien suffire. Vous me chargez trop !

Finalement elle fit le serment de dire vérité sur ce qui toucherait la foi.

Ensuite l’insigne professeur en théologie sacrée, maître Jean Beaupère, sur notre ordre et commandement, interrogea ladite Jeanne comme suit.

Et d’abord il l’exhorta à dire la vérité, comme elle l’avait juré, sur ce qu’on lui demanderait.

À quoi elle répondit :

— Vous me pourriez bien demander telle chose, sur laquelle je 33vous répondrais vérité ; et sur une autre je ne vous la répondrais pas.

Et elle ajouta :

— Si vous étiez bien informés de moi, vous devriez vouloir que je fusse hors de vos mains. Je n’ai rien fait que par révélation.

Interrogée quel âge elle avait quand elle quitta la maison du père, dit que de son âge elle ne saurait déposer.

Interrogée si, dans sa jeunesse, elle avait appris quelque métier, dit que oui, à coudre pannes de lin120 et à filer : et ne craignait point femme de Rouen pour filer et pour coudre121.

En outre elle avoua que, par crainte des Bourguignons, elle quitta la maison de son père et alla dans la ville de Neufchâteau122, en Lorraine, chez une certaine femme nommée la Rousse, où elle demeura quinze jours environ. Elle ajouta en outre que, tant qu’elle fut dans la maison de son père, elle vaquait aux besognes familières de la maison ; et qu’elle n’allait pas aux champs avec les brebis et autres bêtes123.

Item interrogée si elle confessait ses péchés, une fois l’an, répondit que oui, et à son propre curé124. Et quand le curé était empêché, elle se confessait à un autre prêtre, sur le congé dudit curé. Quelquefois aussi, deux ou trois fois peut-être, elle s’est confessée à des religieux Mendiants125 : mais c’était dans ladite ville de Neufchâteau. Et elle recevait le sacrement d’Eucharistie à la fête de Pâques.

Interrogée si, aux fêtes autres que la Pâque, elle recevait ledit sacrement d’Eucharistie, elle dit à l’interrogateur qu’il passât outre.

Ensuite elle a déclaré que, sur l’âge de treize ans, elle eut une voix de Dieu pour l’aider à se gouverner. Et la première fois eut grand peur. Et vint cette voix sur l’heure de midi environ, en temps d’été, dans le jardin de son père : et ladite Jeanne n’avait pas126 jeûné la veille. Elle entendit la voix, du côté droit, vers l’église ; et rarement elle l’ouït sans clarté. Cette clarté est du même côté où la voix est ouïe ; et il y a là, communément, grande clarté. Et quand elle vint en France souvent entendit cette voix.

Interrogée comment elle pouvait voir cette clarté qu’elle disait 34être là, puisque cette clarté était sur le côté, elle ne répondit rien et passa à autre chose. Dit en outre que si elle était dans un bois, elle entendrait bien ses voix venir à elle. Et elle dit qu’il lui semblait qu’elle était digne voix ; et croit que cette voix lui était envoyée de la part de Dieu ; et après qu’elle l’eut ouïe par trois fois, elle connut que c’était la voix d’un ange. Dit aussi que cette voix la garda toujours bien et qu’elle comprit bien cette voix.

Interrogée quel enseignement cette voix lui disait pour le salut de son âme, dit qu’elle lui apprit à se bien gouverner et à fréquenter l’église ; et elle lui dit qu’il était nécessaire qu’elle vînt en France. Et ladite Jeanne ajouta que Beaupère n’aurait pas d’elle, cette fois, sous quelle forme la voix lui apparaissait. En outre elle confessa que cette voix lui disait, deux ou trois fois la semaine, qu’il fallait qu’elle partît et vînt en France, et que son père ne sût rien de son départ. Dit aussi que la voix lui disait qu’elle vînt en France, et qu’elle ne pouvait plus durer où elle était ; et la voix lui disait encore qu’elle lèverait le siège mis devant Orléans. Dit en outre que la voix lui avait dit qu’elle, Jeanne, irait vers Robert de Baudricourt127 dans la ville de Vaucouleurs, dont il était capitaine, et qu’il lui baillerait des gens pour aller avec elle. Et ladite Jeanne répondit qu’elle était une pauvre fille, qui ne savait chevaucher ni mener guerre. Dit aussi qu’elle alla vers un sien oncle128 à qui elle dit qu’elle voulait demeurer chez lui pendant quelque temps ; et y demeura huit jours environ. Et elle dit à son oncle qu’il fallait qu’elle allât vers Vaucouleurs ; et son oncle l’y conduisit alors129.

Item elle dit que, lorsqu’elle vint audit Vaucouleurs, elle reconnut bien Robert de Baudricourt, encore qu’elle ne l’ait jamais vu. Et elle reconnut ledit Robert par la voix, car la voix lui avait dit que c’était lui. Et ladite Jeanne dit à Robert qu’il fallait qu’elle vînt en France. Ledit Robert reconduisit par deux fois et la repoussa ; la troisième, il la reçut et lui bailla gens. Et la voix lui avait dit qu’il en adviendrait ainsi.

Item déclara que le duc de Lorraine130 manda qu’on la conduisît vers lui : elle y alla et lui dit qu’elle voulait aller en France. Et le 35duc l’interrogea sur la recouvrance de sa santé ; mais elle lui dit qu’elle n’en savait rien ; et elle parla peu au dit duc de son voyage. Elle dit cependant au duc de lui bailler son fils131 et des gens pour la mener en France, et qu’elle prierait Dieu pour sa santé. Et alla ladite Jeanne par sauf-conduit vers le duc, d’où elle revint vers le dit Vaucouleurs.

Item déclara que, au départ du dit Vaucouleurs, elle prit habit d’homme, porta une épée que lui bailla ledit Robert de Baudricourt, sans autre armure, accompagnée d’un chevalier132 d’un écuyer133, et de quatre serviteurs ; elle gagna la ville de Saint-Urbain134, et là coucha en l’abbaye.

Item dit qu’en ce voyage elle passa par Auxerre où elle ouït la messe dans la grande église135 et alors, fréquemment, elle entendait ses voix, avec celle dont il a été fait mention plus haut.

Item requise de dire par quel conseil elle avait pris habit d’homme, à cela elle refusa plusieurs fois de répondre. Finalement dit que de cela elle ne chargeait personne ; et plusieurs fois varia.

Item dit que ledit Robert de Baudricourt fit jurer à ceux qui la menaient de la mener bien et sûrement. Et Robert dit à Jeanne sur son départ : Va, va, et advienne que pourra !

Item dit en outre ladite Jeanne qu’elle sait bien que Dieu aime le duc d’Orléans136 ; et aussi qu’elle avait eu plus de révélations sur lui que sur homme vivant, excepté sur celui qu’elle nomme son roi. Dit encore qu’il lui fallait nécessairement changer son habit en habit d’homme. Elle sait bien que son conseil lui a bien dit.

Item dit qu’elle envoya aux Anglais devant Orléans lettres contenant qu’ils s’en allassent. Ainsi est contenu dans la copie des lettres qui lui avaient été lues dans cette ville de Rouen, sauf deux ou trois mots se trouvant dans ladite copie : par exemple, là où il est dit dans cette copie Rendez à la Pucelle, il doit y avoir Rendez au roi. Il y a aussi ces mots corps pour corps et chef de guerre qui n’étaient pas aux lettres originales137.

Ladite Jeanne dit ensuite qu’elle alla vers celui qu’elle nomme son roi, sans empêchement. Et comme elle était arrivée à 36Sainte-Catherine de Fierbois138, alors elle envoya vers celui qu’elle nomme son roi ; et alla ensuite à Chinon, où était son roi. Elle y arriva vers midi environ et se logea dans une hôtellerie ; et, après dîner, alla vers celui qu’elle dit son roi, qui était au château139. Item dit que lorsqu’elle entra dans la chambre de son roi, elle le reconnut entre les autres par le conseil et révélation de sa voix. Dit à son roi qu’elle voulait aller faire la guerre contre les Anglais.

Interrogée si, quand la voix lui montra son roi, il n’y avait point de lumière, répondit :

— Passez outre !

Interrogée si elle ne vit point certain ange au-dessus du dit roi, répondit :

— Épargnez-moi : passez outre !

Dit aussi que, avant que le roi la mît en œuvre, il eut plusieurs apparitions et belles révélations.

Interrogée quelles révélations et apparitions eut ledit roi, répondit :

— Je ne le vous dirai point. Vous n’aurez pas encore réponse ; mais envoyez vers le roi, et il vous le dira.

Item Jeanne dit que sa voix lui avait promis que, sitôt qu’elle serait venue vers le roi, il la recevrait140. Dit aussi que ceux de son parti connurent bien que la voix était envoyée à Jeanne de par Dieu, et qu’ils virent et connurent cette voix ; et ladite Jeanne assura qu’elle le savait bien. En outre dit que son roi et plusieurs autres ouïrent et virent les voix qui venaient à ladite Jeanne ; et là était Charles de Bourbon141, et deux ou trois autres.

Item Jeanne dit qu’il n’est jour qu’elle n’entende cette voix, et aussi qu’elle en a bien besoin. Dit aussi que jamais ne requit à la voix autre récompense finale, sinon le salut de son âme. En outre ladite Jeanne déclara que sa voix lui dit qu’elle demeurât devant Saint-Denis en France142 ; et ladite Jeanne voulait y demeurer. Mais contre sa volonté les seigneurs l’emmenèrent. Cependant, si elle n’avait pas été blessée, elle ne fût point partie ; et fut blessée dans les fossés de Paris143, comme elle arrivait de la ville de Saint-Denis ; mais en cinq jours elle fut guérie. En outre elle a déclaré qu’elle fit faire une escarmouche devant Paris.

37Et comme on lui demanda si c’était jour de fête, répondit qu’elle croit bien que c’était fête144.

Interrogée si cela était bien fait, répondit :

— Passez outre.

Cela accompli, estimant que c’en était assez pour un jour, nous, évêque susdit, avons remis la suite de l’affaire au samedi suivant, huit heures du matin.

24 février [1431], troisième séance.

Item le samedi suivant, 24e jour du mois de février, nous, évêque, nous rendîmes au château de Rouen, dans ladite chambre145, où comparut judiciairement devant nous Jeanne, en présence de plusieurs révérends pères, docteurs et maîtres, savoir Gilles, abbé de la Sainte-Trinité de Fécamp, Pierre, prieur de Longueville-Giffard ; Jean de Châtillon, Érard Emengart146, Jean Beaupère, Jacques de Touraine, Nicolas Midi, Jean de Nibat, Jacques Guesdon, Maurice du Quesnay, Jean Le Fèvre, Guillaume Le Boucher, Pierre Houdenc, Pierre Maurice, Richard Prati, Jean Charpentier147 et Gérard Feuillet, Denis de Sabrevois148, docteurs en théologie sacrée ; — Nicolas de Jumièges, Guillaume de Sainte-Catherine, Guillaume de Cormeilles, abbés ; et Jean Garin, docteur en droit canon ; Raoul Roussel, docteur en l’un et l’autre droit ; — Nicolas Couppequesne, Guillaume Haiton, Thomas de Courcelles, Jean Le Maistre, Nicolas Loiseleur, Raoul Le Sauvage, Guillaume de Baudribosc149, Nicolas Lemire150, Richard Le Gagneux151, Jean Duval152, Guillaume Le Maistre153 et Guillaume l’Ermite, bacheliers en théologie sacrée ; — l’abbé de Saint-Ouen154, l’abbé de Saint-Georges155, l’abbé de Préaux, le prieur de Saint-Lô156 et le prieur de Sigy157 ; et aussi Robert Le Barbier, Denis Gastinel et Jean Le Doulx, bacheliers en l’un et l’autre droit ; Nicolas de Venderès, Jean Pinchon, Jean de La Fontaine, Aubert Morel, Jean Duchemin158, Jean Colombel, Laurent Du Busc, Raoul Anguy, Richard des Saulx159, bacheliers en droit canon ; — André Marguerie, Jean Alespée, Geoffroy du Crotay, Gilles Deschamps, Nicolas Maulin160, Pierre Carel161, Bureau de 38Cormeilles162, licenciés en droit civil ; — Robert Morellet et Jean Le Roy, chanoines de la cathédrale de Rouen, et Nicolas de Foville163.

En leur présence nous avons d’abord requis ladite Jeanne de dire, simplement et absolument, la vérité sur les questions qui lui seraient posées, sans apporter aucune réserve à son serment ; et de ce faire nous l’avons admonestée par trois fois. Ladite Jeanne a répondu :

— Donnez-moi congé de parler.

Et puis dit :

— Par ma foi, vous me pourriez demander telles choses que je ne vous dirais pas.

Elle dit aussi :

— Peut être que sur beaucoup de choses que vous me pourriez demander je ne vous dirais pas le vrai, en ce qui touche les révélations ; car, par aventure, vous me pourriez contraindre à dire telle chose que j’ai juré de ne dire point. Ainsi je serais parjure, ce que vous ne devriez vouloir !

Et elle ajouta :

— Moi, je vous le dis ; avisez bien de ce que vous dites être mon juge, car vous prenez une grande charge, et trop vous me chargez !

Dit aussi qu’il lui était avis que c’était assez d’avoir juré par deux fois en justice.

En outre, interrogée si elle voulait, simplement et absolument, jurer, répondit :

— Vous vous en pouvez bien passer ; j’ai assez juré par deux fois. Elle ajouta que tout le clergé de Rouen ou de Paris ne la saurait condamner, si ce n’était en droit. Item dit que de sa venue en France elle dirait volontiers vérité, mais non pas tout ; et que huit jours ne suffiraient à tout dire.

Nous, évêque, lui dîmes de prendre conseil des assesseurs, si elle devait jurer ou non. À cela elle répondit que, de sa venue, elle dirait volontiers vérité, mais non autrement ; et qu’il ne lui en fallait plus parler.

39Nous lui dîmes alors qu’elle se rendait suspecte si elle ne voulait jurer de dire la vérité. Répondit comme devant. De nouveau la requîmes de jurer, précisément et absolument. Alors elle répondit que volontiers dirait ce qu’elle saurait, mais encore pas tout. Dit en outre qu’elle vint de par Dieu, et qu’elle n’a que faire ici, demandant qu’on la renvoyât à Dieu, de qui elle était venue.

Item requise et admonestée de jurer, sous peine d’être chargée de ce qu’on lui imposait, répondit :

— Passez outre !

Finalement nous l’avons requise de jurer et, une fois de plus, nous l’avons admonestée de dire vérité sur ce qui touche le procès, lui disant qu’elle s’exposait à grand danger en se récusant ainsi. Alors elle répondit :

— Je suis prête de jurer de dire vérité sur ce que je saurai touchant le procès.

Ainsi elle le jura.

Ensuite, sur notre ordre, elle fut interrogée par l’insigne docteur maître Jean Beaupère, ci-dessus nommé, qui d’abord lui demanda à quelle heure elle avait bu et mangé pour la dernière fois. Elle répondit que depuis hier après midi elle n’avait mangé ni bu.

Item interrogée quand elle avait entendu la voix qui venait à elle, répondit :

— Je l’ai ouïe hier et aujourd’hui.

Item interrogée à quelle heure, hier, elle avait entendu cette voix, répondit que, trois fois, elle l’avait ouïe : une fois au matin, l’autre à vêpres, et la tierce au coup de l’Ave Maria, le soir. Et bien souvent elle l’ouït plus de fois qu’elle ne le dit.

Interrogée sur ce qu’elle faisait hier, au matin, lorsque la voix vint à elle, répondit qu’elle dormait et que la voix l’éveilla.

Interrogée si la voix l’éveilla en lui touchant les bras, répondit qu’elle fut éveillée par la voix, sans toucher.

Interrogée si cette voix était bien dans sa chambre, répondit qu’elle ne le sait point, mais qu’elle était dans le château.

Interrogée si elle ne la remercia point et si elle s’agenouilla, répondit qu’elle la remercia, mais qu’elle était assise en son lit, et 40qu’elle joignit les mains ; et ce fut après qu’elle lui requit d’avoir conseil. Sur quoi la voix dit à ladite Jeanne qu’elle répondît hardiment.

Interrogée sur ce que la voix lui avait dit, quand elle fut éveillée, répondit qu’elle demanda à la voix conseil sur ce qu’elle devait répondre, disant à ladite voix qu’elle demandât sur cela conseil à Notre Seigneur. Et la voix lui dit qu’elle répondît hardiment et que Dieu la réconforterait.

Item interrogée si la voix ne lui dit point certaines paroles, avant qu’elle la requît, répondit que la voix lui dit certaines paroles, mais qu’elle ne les comprit toutes. Cependant, quand elle fut tirée du sommeil, la voix lui dit que hardiment elle répondît.

Item elle dit à nous, évêque :

— Vous dites que vous êtes mon juge. Avisez-vous bien de ce que vous faites : car, en vérité, je suis envoyée de par Dieu, et vous vous mettez en grand danger !

Interrogée si cette voix n’a point changé parfois d’avis, répondit qu’elle ne l’avait jamais trouvée en deux paroles contraires. Elle ajouta que, cette nuit, elle lui avait entendu dire qu’elle répondît hardiment.

Interrogée si la voix lui interdit de dire tout sur ce qu’on lui demanderait, dit :

— Je ne vous réponds point là-dessus. Et j’ai grandes révélations touchant le roi que je ne vous dirai pas.

Interrogée si la voix lui a défendu de dire les révélations, répondit :

— Je n’en suis pas avisée. Baillez-moi délai de quinze jours et je vous répondrai sur cela.

Et, comme de nouveau elle avait demandé délai de répondre, elle dit :

— Si la voix me l’a défendu, qu’en voulez-vous dire ?

Interrogée encore si cela lui fut défendu [par la voix], répondit :

— Croyez bien que ce ne sont pas les hommes qui me le défendirent.

41Item dit qu’aujourd’hui elle ne répondra pas ; et qu’elle ne sait si elle doit répondre ou non, jusqu’à ce qu’elle ait révélation. Item dit qu’elle croit fermement, et aussi fermement qu’elle croit en la foi chrétienne et que Messire nous racheta des peines d’enfer, que cette voix vient de Dieu, et sur son ordre.

Interrogée si cette voix, qu’elle dit lui apparaître, est un ange, ou si elle vient immédiatement de Dieu, ou si c’est la voix d’un saint ou d’une sainte, répondit :

— Cette voix vient de par Dieu : et je crois que je ne vous dis pas pleinement ce que je sais ; et j’ai plus grande peur de leur manquer, en disant quelque chose qui déplaise à ces voix, que je n’ai de vous répondre. Et quant à cette interrogation, je vous prie que j’aie délai.

Interrogée si elle croit que cela déplaise à Dieu que l’on dise vérité, répondit :

— Mes voix m’ont dit de dire certaines choses au roi, et non à vous.

Item dit que cette nuit la voix lui a dit beaucoup de choses pour le bien du roi, et qu’elle voudrait que le roi les sût pour lors, dût-elle ne pas boire de vin164 jusqu’à Pâques ! Car il en serait bien plus aise à dîner165, comme elle disait.

Interrogée si elle pourrait tant faire sur cette voix qu’elle voulût obéir et porter message à son roi, répondit qu’elle ne savait si cette voix voudrait obéir, à moins que ce fût la volonté de Dieu et que Notre Seigneur y consentît : Et s’il plaît à Messire, dit-elle, il lui pourrait bien faire révéler à son roi ; et de ce, elle serait bien contente.

Interrogée pourquoi cette voix ne parle pas maintenant avec son roi, comme elle le faisait, quand elle était en présence de Jeanne, répondit qu’elle ne sait si c’est la volonté de Dieu. Et elle ajouta que, n’était la grâce de Dieu, elle ne saurait rien faire.

Interrogée si son conseil lui a point révélé qu’elle s’échapperait des prisons, répondit :

— Cela, j’ai à vous le dire166 ?

42Interrogée si cette nuit la voix ne lui donna point conseil et avis sur ce qu’elle devait répondre, répondit que, si la voix lui en a révélé, elle ne l’a pas bien comprise.

Interrogée si, en ces deux derniers jours où elle entendit les voix, il se produisit quelque lumière, répondit que la clarté vient au nom de la voix.

Interrogée si, avec les voix, elle voit quelque autre chose, répondit :

— Je ne vous dirai tout ; je n’ai de cela congé, et aussi mon serment ne le touche. Cette voix est bonne et digne ; et ne suis point tenue de vous répondre.

Item demanda qu’on lui baillât en écrit les points sur lesquels elle ne répondait point présentement.

Alors on lui demanda si la voix à qui elle demandait conseil avait la vue et des yeux. Répondit :

— Vous ne l’aurez pas encore.

Et dit que le dicton des petits enfants est : On pend bien quelquefois les gens pour avoir dit vérité167.

Interrogée si elle sait qu’elle est en la grâce de Dieu, répondit :

— Si je n’y suis, Dieu veuille m’y mettre ; et si j’y suis, Dieu m’y veuille tenir. Je serais la plus dolente du monde si je savais n’être pas en la grâce de Dieu.

Dit en outre que, si elle était en péché, elle croit que la voix ne viendrait pas à elle ; et voudrait que chacun l’entendît aussi bien qu’elle.

Item dit qu’elle tient qu’elle était en l’âge de treize ans ou environ quand la voix lui vint pour la première fois.

Interrogée si, en son jeune âge, elle allait s’ébattre aux champs avec les autres jouvencelles, répondit qu’elle y a bien été parfois, mais ne sait à quel âge.

Interrogée si ceux de Domrémy tenaient le parti des Bourguignons ou le parti adverse168, répondit qu’elle ne connaissait qu’un Bourguignon ; et qu’elle eût bien voulu qu’il eût la tête coupée, voire, s’il eût plu à Dieu !

Interrogée si, à Maxey169, ils étaient Bourguignons ou adversaires des Bourguignons, répondit qu’ils étaient Bourguignons.

43Interrogées si la voix lui dit, en sa jeunesse, qu’elle haït les Bourguignons, répondit que depuis qu’elle comprit que les voix étaient pour le roi de France, elle n’aima point les Bourguignons. Item dit que les Bourguignons auront guerre, s’ils ne font ce qu’ils doivent ; et le sait par sa voix.

Interrogée si, en son jeune âge, elle eut révélation de sa voix que les Anglais devaient venir en France, répondit que déjà les Anglais étaient en France quand ses voix commencèrent à lui venir.

Interrogée si onques fut avec les petits enfants qui combattaient pour le parti qu’elle tient, répondit que non, dont elle ait mémoire ; mais a bien vu que certains de ceux de Domrémy combattaient contre ceux de Maxey, d’où en revenaient parfois bien blessés et sanglants.

Interrogée si, en son jeune âge, elle avait grande intention de poursuivre les Bourguignons, répondit qu’elle avait bonne volonté et affection que son roi eût son royaume.

Interrogée si elle eût bien voulu être homme, quand elle devait venir en France, répondit qu’ailleurs elle avait répondu.

Interrogée si elle menait les bêtes aux champs, dit qu’ailleurs elle a déjà répondu ; et que, depuis qu’elle fut plus grande, et qu’elle eut entendement, elle ne gardait pas les bêtes communément, mais bien aidait à les conduire aux prés et à un château nommé l’Isle170, par crainte des gens d’armes ; mais elle n’a mémoire si en son jeune âge elle les gardait ou non171.

Item elle fut interrogée au sujet de certain arbre existant près de son village. À quoi elle répondit que, assez près de Domrémy, il y a certain arbre appelé l’Arbre des Dames, et les autres l’appellent l’Arbre des Fées ; auprès est une fontaine172. Et a ouï dire que les gens malades de fièvre boivent à cette fontaine et vont quérir de son eau pour recouvrer santé. Cela, elle l’a vu ; mais ne sait s’ils guérissent ou non. Item dit qu’elle a ouï dire que les malades, quand ils peuvent se lever, vont à l’arbre pour s’ébattre. Et c’est un grand arbre, appelé fau173, d’où vient le beau mai174 ; et appartenait, à ce qu’on dit, à messire Pierre de Bourlemont175, chevalier.

44Item disait que parfois elle allait s’ébattre avec les autres filles, et faisait à cet arbre chapeaux de fleurs176 pour l’image de Notre-Dame de Domrémy ; et plusieurs fois elle a ouï dire des anciens, non pas de ceux de son lignage, que les dames fées y repairaient. Et a ouï dire à une nommée Jeanne, femme du maire Aubery, de Domrémy177, qui était sa marraine, qu’elle avait vu les dites dames fées ; mais, elle qui parle, ne sait si c’était vrai ou non. Item dit qu’elle ne vit jamais les dites fées à l’arbre, qu’elle sache ; interrogée si elle en a vu ailleurs, ne sait si elle en a vu ou non. Item dit qu’elle a vu mettre par les jouvencelles chapeaux de fleurs aux rameaux de l’arbre, et elle-même en a mis parfois avec les autres filles ; et parfois elles les emportaient et parfois les y laissaient.

Item dit que depuis qu’elle sut qu’elle devait venir en France, elle fit peu de jeux ou ébattements, et le moins qu’elle put ; et ne sait point que, depuis qu’elle eut entendement, elle ait dansé près de l’arbre ; mais parfois elle peut bien y avoir dansé avec les enfants ; mais y avait plus chanté que dansé.

Item dit qu’il y a un bois chenu178 qu’on voit de l’huis de la maison de son père ; et n’y a pas la distance d’une demie-lieue. Item ne sait ni ouït onques dire que les dames fées y repairassent ; mais a ouï dire de son frère qu’on disait au pays qu’elle, Jeanne, avait pris son fait à l’arbre des dames fées : mais dit qu’elle ne l’avait pas fait, et elle lui a bien dit le contraire ; et dit en outre que, lorsqu’elle vint vers son roi, certains lui demandaient si, en son pays, il n’y avait point de bois qu’on appelât le bois chenu ; car il y avait prophétie disant que devers ce bois devait venir une pucelle qui ferait merveille ; mais ladite Jeanne a dit qu’elle n’y a point ajouté de foi179.

Interrogée si elle voulait avoir habit de femme, répondit :

— Baillez m’en un, et je le prendrai et m’en irai ; autrement je ne le prendrai, et suis contente de celui-ci, puisqu’il plaît à Dieu que je le porte.

Sur ce, nous avons fait arrêter tout interrogatoire pour ce jour, et nous avons fait assignation au mardi suivant, afin qu’à l’heure dite et au même lieu, tous ceux qui avaient été convoqués pussent s’y rencontrer pour procéder aux interrogations ultérieures.

45Mardi 27 février. Quatrième séance.

Item le mardi vingt-septième jour de février, nous, évêque susdit nous rendîmes, comme nous l’avions fait les jours précédents, dans cette chambre du château de Rouen où le tribunal avait siégé précédemment180. En même temps que nous prirent place maître Gilles, abbé de la Sainte-Trinité de Fécamp ; Pierre, le prieur de Longueville ; Jean Beaupère, Jacques de Touraine, Nicolas Midi, Pierre Maurice, Gérard Feuillet, Jean de Nibat, Jacques Guesdon, Maurice du Quesnay, Jean Le Fèvre, Guillaume Le Boucher, Pierre Houdenc, Jean de Châtillon, Érard Emengart, Giovanni da Fano181, Denis de Sabrevois, Nicolas Lemire et Jean Charpentier, docteurs en théologie sacrée ; — Nicolas de Jumièges, Guillaume de Sainte-Catherine, Guillaume de Cormeilles, abbés ; Jean Garin, docteurs en droit canon ; — Raoul Roussel, docteur en l’un et l’autre droit ; — Guillaume Haiton, Nicolas Couppequesne, Guillaume de Baudribosc, Richard de Grouchet, Pierre Minier, Thomas de Courcelles, Jean Le Maistre, et Jean Le Vautier182, bacheliers en théologie sacrée ; — l’abbé de Préaux, Guillaume Desjardins, docteurs en médecine ; Robert Le Barbier, Denis Gastinel, Jean Le Doulx, Nicolas de Venderès, Jean Pinchon, Jean Basset, Aubert Morel, Jean Duchemin, Jean de La Fontaine, Jean Colombel, Jean Bruillot, Raoul Anguy, bacheliers en droit canon ; — Jean Alespée, Geoffroy du Crotay, Gilles Deschamps, Nicolas Caval183, Pierre Carel, Nicolas Maulin, licenciés en droit civil ; — Nicolas Loiseleur et Robert Morellet, chanoines de la cathédrale de Rouen.

En leur présence nous requîmes premièrement ladite Jeanne de prêter le serment de dire vérité sur tout ce qui toucherait le procès. À quoi elle répondit que volontiers elle jurerait de répondre vérité sur tout ce qui toucherait son procès, mais non pas sur tout ce qu’elle saurait.

Item derechef nous l’avons requise de jurer de répondre vérité sur tout ce qui lui serait demandé. Répondit comme devant, disant :

— Vous devez vous en contenter, car j’ai assez juré.

46Alors, sur notre ordre, maître Jean Beaupère, déjà nommé, commença de l’interroger. Et d’abord il lui demanda comment elle se portait depuis samedi dernier. Elle répondit :

— Vous voyez bien comment je me suis portée. Je me suis portée le mieux que j’ai pu.

Interrogée si elle jeûnerait tous les jours de ce Carême, répondit par cette demande :

— Cela est-il de votre procès ?

Et comme on lui dit que cela était de son procès, répondit :

— Oui, vraiment ; j’ai toujours jeûné durant ce Carême.

Interrogée si, depuis samedi, elle avait ouï la voix qui lui vient, répondit :

— Oui, vraiment, beaucoup de fois l’ai-je ouïe.

Interrogée si le samedi elle l’avait entendue dans cette salle, où on l’interrogeait, répondit :

— Ce n’est point de votre procès.

Et ensuite elle dit qu’elle l’avait ouïe.

Interrogée sur ce que cette voix lui avait dit, ce samedi, répondit :

— Je ne l’entendais pas bien, et n’entendais chose que je puisse vous répéter, jusqu’à mon retour dans ma chambre.

Interrogée sur ce que la voix lui a dit dans sa chambre, quand elle y fut retournée, répondit :

— Elle m’a dit que je vous répondisse hardiment !

Et dit qu’elle demandait conseil à cette voix sur les questions qui lui seraient posées par nous. Dit en outre qu’elle dira volontiers ce qu’elle aura congé de Notre Seigneur de révéler ; mais ce qui touche les révélations concernant le roi de France, elle ne le dira pas sans congé de sa voix.

Interrogée si la voix lui a défendu de tout dire, répondit qu’elle n’entendit pas bien cela.

Interrogée sur ce que la voix lui a dit en dernier lieu, répondit qu’elle lui demandait conseil sur certains points de nos interrogatoires.

Interrogée si la voix lui avait donné conseil sur ces points, répondit que sur certains elle eut conseil, et sur d’autres on pourrait lui demander réponse sur quoi elle ne répondrait pas sans en avoir 47congé. Et si elle répondait sans congé, par aventure elle n’aurait pas les voix en garant184. Mais quand elle aura congé de Notre Seigneur, elle ne craindra pas de parler, car elle aura bon garant.

Interrogée si c’était la voix d’un ange qui lui parlait, ou si c’était la voix d’un saint ou d’une sainte, ou celle de Dieu directement, répondit que cette voix était celle de sainte Catherine185 et de sainte Marguerite186. Et leurs figures sont couronnées de belles couronnes, moult richement et moult précieusement. Et de ce, dit-elle, j’ai congé de Notre Seigneur. Si vous en faites doute, envoyez à Poitiers où autrefois j’ai été interrogée187.

Interrogée comment elle sait que ce sont deux saintes, et si elle reconnaît bien l’une de l’autre, répondit qu’elle sait bien que ce sont elles, et qu’elle reconnaît bien l’une de l’autre.

Interrogée comment elle reconnaît bien l’une de l’autre, répondit qu’elle les reconnaissait par le salut qu’elles lui font. Dit en outre qu’il y a bien sept ans passés qu’elles la prirent pour la gouverner. Dit aussi qu’elle reconnaît les saintes parce qu’elles se nomment à elle.

Interrogée si lesdites saintes sont vêtues d’un même drap, répondit :

— Je ne vous en dirai maintenant autre chose ; et je n’ai pas congé de vous le révéler. Et si vous ne me croyez, allez à Poitiers !

Dit encore qu’il y avait révélations qui vont au roi de France, et non à ceux-là qui l’interrogent.

Item, interrogée si ces saintes sont du même âge, répondit qu’elle n’avait pas congé de le dire.

Interrogée si ces saintes parlent ensemble, ou l’une après l’autre, répondit :

— Je n’ai pas congé de vous le dire ; toutefois j’ai souvent conseil de toutes les deux.

Interrogée laquelle lui apparut la première, répondit :

— Je ne les reconnus pas de si tôt ; et je l’ai bien su jadis, mais l’ai oublié ; et, si j’en avais congé, je vous le dirais volontiers. Et c’est marqué dans le registre à Poitiers.

48Item dit aussi qu’elle eut confort de saint Michel.

Interrogée laquelle desdites apparitions lui vint la première, répondit que saint Michel vint le premier188.

Interrogée s’il y a beaucoup de temps que, pour la première fois, elle eut la voix de saint Michel, répondit :

— Je ne vous nomme point la voix de saint Michel ; mais je parle du grand confort.

Interrogée quelle était la première voix qui vint à elle, alors qu’elle avait l’âge de treize ans ou environ, répondit que ce fut saint Michel qu’elle vit devant ses yeux ; et n’était pas seul, mais bien accompagné des anges du ciel. Dit en outre qu’elle ne vint en France que du commandement de Dieu.

Interrogée si elle vit saint Michel et les anges, corporellement et réellement, répondit :

— Je les vis des yeux de mon corps, aussi bien comme je vous vois, vous ; et quand ils se partaient de moi, je pleurais ; et bien aurais voulu qu’ils m’emportassent avec eux !

Interrogée de quelle figure était saint Michel répondit :

— Il n’y a pas encore de réponse pour vous là-dessus, et je n’ai pas encore congé de le dire.

Interrogée sur ce que saint Michel lui dit, la première fois, répondit :

— Vous n’aurez encore aujourd’hui de réponse.

Item dit que les voix lui dirent qu’elle répondît hardiment. Item dit qu’elle a bien dit une fois à son roi tout ce qui lui avait été révélé, car cela le concernait. Dit cependant qu’elle n’a pas encore congé de révéler ce que saint Michel lui a dit. Dit en outre qu’elle voudrait bien que son interrogateur eût copie de ce livre qui est à Poitiers189, pourvu que ce soit le plaisir de Dieu.

Interrogée si les voix lui dirent qu’elle ne dît point ses révélations, sans leur congé, répondit :

— Encore ne vous en réponds point ; et sur ce dont j’aurai congé, je vous répondrai volontiers. Si les voix me le défendirent, je ne l’ai pas bien compris190.

Interrogée quel signe elle donne que cette révélation vienne de 49par Dieu, et que ce soient saintes Catherine et Marguerite qui lui parlent, répondit :

— Je vous l’ai assez dit que ce sont saintes Catherine et Marguerite ; et croyez-moi si vous le voulez !

Interrogée s’il lui est défendu de le dire, répondit :

— Je n’ai pas encore bien entendu si cela m’est permis ou non.

Interrogée comment elle sait faire la distinction que sur tels points elle répondra, et sur d’autres non, répondit que sur certains points elle avait demandé congé, et qu’elle l’avait sur certains. En outre dit qu’elle aimerait mieux être tirée par les chevaux que d’être venue en France sans le congé de Dieu.

Interrogée s’il lui a prescrit de prendre l’habit d’homme, répondit que l’habit c’est peu de chose, la moindre. Mais elle n’a pris habit d’homme par conseil de qui que ce soit ; et elle n’a pris cet habit, ni rien fait, que par commandement de Dieu et de ses anges.

Interrogée s’il lui semble que ce commandement à elle fait, de prendre habit d’homme, soit licite, répondit :

— Tout ce que j’ai fait est par commandement de Dieu ; et s’il m’eût enjoint d’en prendre un autre, je l’aurais pris, puisque c’eût été par commandement de Dieu !

Interrogée si elle l’a fait par ordre de Robert de Baudricourt, répondit que non.

Interrogée si elle croit avoir bien fait en prenant habit d’homme, répondit que tout ce qu’elle a fait par commandement de Dieu elle croit l’avoir bien fait, et en attend bon garant et bon secours.

Interrogée si, dans ce cas particulier, en prenant habit d’homme, elle croit avoir bien fait, répondit que rien au monde de ce qu’elle a fait ne l’a été que du commandement de Dieu.

Interrogée, quand elle vit la voix qui venait à elle, s’il y avait de la lumière, répondit qu’il y avait beaucoup de lumière de toute part, comme il est bien convenable. Dit en outre à l’interrogateur que toute lumière ne venait pas pour lui tout seul !

Interrogée s’il y avait un ange sur la tête de son roi, quand elle le vit pour la première fois, répondit :

50— Par Notre Dame ! s’il y était, je l’ignore et ne l’ai point vu.

Interrogée s’il y avait de la lumière, répondit :

— Il y avait plus de trois cents chevaliers, et cinquante torches, sans compter la lumière spirituelle. Et rarement ai-je eu révélation qu’il n’y ait lumière.

Interrogée comment son roi ajouta foi à ses dires, répondit qu’il avait bonnes enseignes191, et par les clercs.

Interrogée quelles révélations eut son roi, répondit :

— Vous ne les aurez pas de moi cette année !

Item dit que, durant trois semaines, elle fut interrogée par les clercs, à Chinon et à Poitiers. Et son roi eut signe de ses faits avant de croire en elle. Et les clercs de son parti furent de cette opinion qu’ils ne voyaient rien que de bien en son fait.

Interrogée si elle fut à Sainte-Catherine de Fierbois192, répondit que oui ; et là elle entendit trois messes le même jour ; et ensuite alla à Chinon. Item adressa lettres à son roi contenant qu’elle envoyait pour savoir si elle entrerait dans la ville où était ledit roi ; et qu’elle avait bien fait cent cinquante lieues pour venir vers lui, à son secours, et qu’elle savait beaucoup de bonnes choses pour lui. Et lui semble que dans lesdites lettres était contenu qu’elle reconnaîtrait bien ledit roi entre tous les autres.

Item dit qu’elle avait une épée qu’elle prit à Vaucouleurs.

Dit aussi que, durant qu’elle était à Tours ou à Chinon, elle envoya chercher une épée étant dans l’église de Sainte-Catherine de Fierbois, derrière l’autel ; et aussitôt après elle fut trouvée toute rouillée.

Interrogée comment elle savait que cette épée était là, répondit que cette épée était dans la terre, rouillée, et qu’il y avait dessus cinq croix ; et sut qu’elle était là par ses voix et onques ne vit l’homme qui alla quérir ladite épée. Et écrivit aux gens d’Église de ce lieu que ce fût leur bon plaisir qu’elle eut cette épée ; et ils la lui envoyèrent. Elle n’était pas beaucoup en terre, derrière l’autel, comme il lui semble ; cependant ne sait au juste si elle était devant l’autel ou derrière : mais croit qu’elle a écrit que ladite épée était 51derrière l’autel. Dit aussi que, sitôt que l’épée fut découverte, les gens d’Église du lieu la frottèrent et aussitôt la rouille tomba sans effort ; et ce fut un marchand, armurier de Tours, qui l’alla quérir. Les gens d’Église du lieu donnèrent à ladite Jeanne un fourreau ; et ceux de Tours aussi, avec eux, firent faire en même temps deux fourreaux, l’un de velours vermeil et l’autre de drap d’or. Quant à elle, s’en fit faire un autre de cuir bien fort193. Dit aussi que, lorsqu’elle fut prise, elle n’avait pas cette épée. Ajouta que continuellement elle porta ladite épée, depuis qu’elle l’eut, jusqu’au départ de Saint-Denis, après l’assaut de Paris.

Interrogée quelle bénédiction elle fit ou fit faire sur ladite épée, répondit que jamais n’y fit ni fit faire aucune bénédiction, ni ne l’aurait su faire. Item dit qu’elle aimait bien cette épée, car on l’avait trouvée dans l’église de Sainte-Catherine qu’elle aimait bien. Interrogée si elle fut à Coulange-la-Vineuse194, répondit qu’elle ne sait.

Interrogée si elle posa parfois son épée sur l’autel, et que la posant ainsi elle serait mieux fortunée, répondit non, qu’elle sache. Interrogée si elle fit jamais d’oraison afin que son épée fût mieux fortunée, répondit :

— Il est bon à savoir que j’aurais voulu que mon harnois fût bien fortuné !

Interrogée si elle avait son épée quand elle fut prise, répondit que non ; mais avait certaine épée prise sur un Bourguignon.

Interrogée où resta cette épée et en quelle ville, répondit qu’elle offrit une épée et des armes à Saint-Denis, mais pas cette épée. Item dit qu’elle avait cette épée à Lagny195 ; et depuis Lagny jusqu’à Compiègne porta l’épée du Bourguignon, qui était bonne épée de guerre, et bien bonne à donner de bonnes buffes et de bons torchons196. Quant à dire où elle a perdu [l’autre], cela n’est pas du procès et elle ne répondra pas pour lors. Dit outre que ses frères197 ont ses biens, chevaux, épées, comme il lui semble, et autres choses valant plus de 12.000 écus198.

Interrogée si, quand elle alla à Orléans, elle avait étendard ou 52bannière, et de quelle couleur, répondit qu’elle avait étendard au champ semé de lis ; et y était figuré le monde199, et deux anges à ses côtés. Était de couleur blanche200, de toile blanche ou boucassin201. Et y étaient écrits ces noms JHESUS MARIA, comme il lui semble ; et était frangé de soie202.

Interrogée si ces noms JHESUS MARIA étaient écrits ou en haut, ou en bas, ou sur le côté, répondit : sur le côté, comme il lui semble.

Interrogée si elle aimait mieux son étendard ou son épée, répondit qu’elle aimait beaucoup plus, voire quarante fois, son étendard que son épée.

Interrogée qui lui fit faire cette peinture sur l’étendard, répondit :

— Je vous l’ai assez dit que je n’ai rien fait que du commandement de Dieu !

Dit aussi qu’elle portait elle-même son étendard, quand chargeait les adversaires, pour éviter de tuer quelqu’un ; et dit qu’onques n’a tué homme.

Interrogée quelle compagnie lui donna son roi quand il la mit en œuvre, répondit qu’il lui bailla 10 ou 12.000 hommes203 ; et que d’abord elle alla dans Orléans, à la bastille de Saint-Loup204 et ensuite à la bastille du Pont205.

Interrogée à quelle bastille ce fut qu’elle fit retirer ses hommes, dit qu’elle n’en a mémoire. Dit aussi qu’elle était bien assurée de faire lever le siège d’Orléans, par révélation à elle faite ; et ainsi l’avait-elle dit à son roi avant que d’y venir.

Interrogée si, quand on dut faire l’assaut, elle n’a point dit à ses gens qu’elle recevrait sagettes, viretons, pierres de machines ou de canons, répondit que non ; et il y eut cent blessés, et plus ; mais dit bien à ses gens qu’ils n’eussent pas de doute, et qu’ils lèveraient le siège. Dit aussi qu’à l’assaut donné à la bastille du Pont, fut blessée d’une sagette ou vireton au cou ; mais eut grand réconfort de sainte Marguerite, et fut guérie dans les quinze jours. Mais ne laissa point pour cela de chevaucher et de besogner.

Interrogée si avait prescience qu’elle serait blessée, répondit qu’elle le savait bien et l’avait dit à son roi ; mais que nonobstant elle n’aurait 53pas laissé de besogner. Et cela lui fut révélé par les voix des deux saintes, savoir des bienheureuses Catherine et Marguerite. Dit outre que c’est elle qui fut la première à poser l’échelle en haut, dans ladite bastille du Pont ; et comme elle levait ladite échelle fut blessée au cou dudit vireton, comme elle l’a dit.

Interrogée pourquoi elle ne reçut point en traité le capitaine de Jargeau206, répondit que les seigneurs de son parti répondirent aux Anglais qu’ils n’auraient le terme207 de quinze jours qu’ils demandaient, mais qu’ils s’en allassent, eux et leurs chevaux, sur l’heure. Dit aussi que, quant à elle, elle a dit que ceux de Jargeau partiraient en leurs petites cottes208, la vie sauve, s’ils le voulaient ; autrement seraient pris à l’assaut.

Interrogée si elle eut délibération avec son conseil, c’est-à-dire avec ses voix, pour savoir si elle donnerait ledit terme ou non, répondit que n’a mémoire de cela.

Ce fait, l’interrogatoire fut renvoyé à une date ultérieure, et nous avons assigné le jeudi suivant à la comparution, pour procéder aux examens et interrogatoires subséquents.

1er mars. Cinquième séance.

Item le jeudi, premier jour de mars, nous, évêque susdit, nous rendîmes au lieu accoutumé du château de Rouen ; ladite Jeanne comparut devant nous en jugement, en présence des révérends pères, seigneurs et maîtres, savoir Gilles, abbé de la Sainte-Trinité de Fécamp ; Pierre, prieur de Longueville-Giffard, Jean de Châtillon, Érard Emengart, Jean Beaupère, Jacques de Touraine, Nicolas Midi, Denis de Sabrevois, Pierre Maurice, Gérard Feuillet, Maurice du Quesnay, Guillaume Le Boucher, Pierre Houdenc, Jean de Nibat, Jean Le Fèvre, Jacques Guesdon, docteurs en théologie sacrée ; — Nicolas de Jumièges, Guillaume de Sainte-Catherine, Guillaume de Cormeilles, abbés ; Jean Garin, docteurs en droit canon ; Raoul Roussel, docteur en l’un et l’autre droit ; — les abbés de Saint-Ouen et de Préaux, et le prieur de Saint-Lô ; Guillaume Haiton, 54Nicolas Couppequesne, Thomas de Courcelles, Guillaume de Baudribosc, Jean Pigache, Raoul Le Sauvage, Richard de Grouchet, Pierre Minier, Jean Le Maistre, Jean Le Vautier, bacheliers en théologie sacrée ; — Nicolas de Venderès, Jean Bruillot, Jean Pinchon, Jean Basset, Jean de La Fontaine, Raoul Anguy, Jean Colombel, Richard des Saulx, Aubert Morel, Jean Duchemin, Laurent Du Busc, Philippe Le Maréchal209, bacheliers en droit canon ; — Denis Gastinel, Jean Le Doulx, Robert Le Barbier, bacheliers en l’un et l’autre droit ; — André Marguerie, Jean Alespée, Gilles Deschamps, Nicolas Caval, Geoffroy du Crotay, Pierre Cavé210, Nicolas Maulin, licenciés en droit civil ; — Robert Morellet et Nicolas Loiseleur, chanoines de la cathédrale de Rouen.

En leur présence nous avons sommé et requis Jeanne de faire et de prêter le serment de dire la vérité sur ce qu’on lui demanderait, purement et simplement. Répondit qu’elle était prête à jurer de dire vérité sur tout ce qu’elle saurait, touchant le procès, comme elle l’a dit ailleurs. Item dit qu’elle sait bien des choses qui ne touchent pas le procès, et il n’est besoin de les dire. Puis elle dit :

— De tout ce que je saurai vraiment, qui touche le procès, volontiers le dirai.

Item sommée à nouveau et requise, comme devant, de faire serment, répondit :

— Ce que je saurai répondre de vrai, je le dirai volontiers concernant le procès.

Et ainsi jura, touchant les saints Évangiles. Puis elle dit :

— De ce que je saurai, qui touche le procès, volontiers dirai la vérité, et vous en dirai tout autant que j’en dirais si j’étais devant le pape de Rome !

Interrogée sur ce qu’elle dit touchant notre Saint Père le Pape, et lequel elle croit être le vrai pape, répondit en demandant s’ils étaient deux.

Interrogée si elle n’eut pas lettres du comte d’Armagnac211 pour savoir auquel des trois souverains pontifes il devait obéir, répondit que ledit comte lui écrivit certaine lettre sur ce fait, à laquelle elle 55donna réponse, entre autres, qu’elle lui donnerait réponse quand elle serait à Paris, ou ailleurs au repos. Et allait monter à cheval quand lui donna réponse.

Nous fîmes alors lire en séance une copie des lettres dudit comte et de ladite Jeanne ; et elle fut interrogée pour savoir si c’était bien sa réponse que présentait ladite copie. Répondit qu’elle pensait avoir donné cette réponse en partie, non en tout.

Interrogée si elle dit savoir par conseil du Roi des Rois ce que le comte devait tenir en cette matière, répondit qu’elle n’en sait rien.

Interrogée si elle faisait doute à qui le comte devait obéir, répondit qu’elle ne savait quoi lui mander sur cette obédience, car le comte demandait de lui faire savoir à qui Dieu voulait qu’il obéît. Mais quant à elle, Jeanne, elle croit que nous devons obéir à notre Saint Père le pape qui est à Rome. Dit aussi qu’elle dit autre chose au messager du comte, qui n’est pas contenu dans la copie de la lettre ; et, si ledit messager ne s’était pas éloigné aussitôt, on l’aurait bien jeté à l’eau, mais non du fait de ladite Jeanne. Item dit que, sur ce que le comte demandait de lui faire savoir à qui Dieu voulait qu’il obéît, elle répondit qu’elle ne le savait pas ; mais lui manda plusieurs choses qui ne furent couchées par écrit. Et quant à elle, elle croit en notre Saint Père le pape qui est à Rome212.

Item interrogée pourquoi elle avait écrit qu’elle donnerait ailleurs réponse, puisqu’elle croyait en celui de Rome, répondit que la réponse qu’elle donna concernait autre matière que le fait des trois souverains pontifes.

Interrogée si elle avait dit que sur le fait des trois souverains pontifes elle aurait conseil, répondit que jamais n’écrivit et ne fit écrire sur le fait des trois souverains pontifes. Cela, elle le jura par son serment, qu’elle n’avait jamais écrit ni fait écrire.

Interrogée si elle a accoutumé de mettre dans ses lettres les noms JHESUS MARIA213, avec une croix, répondit que les mettait dans certaines, et parfois pas. Quelquefois mettait une croix afin que celui de son parti à qui elle écrivait ne fît pas ce qu’elle écrivait.

56La teneur des lettres que le comte et Jeanne s’écrivirent est insérée plus bas parmi les articles du promoteur.

Ensuite fut donnée lecture à Jeanne des lettres qu’elle adressa au roi notre Sire, à monseigneur de Bedford214 et à d’autres, dont la teneur se trouve plus bas parmi les articles du promoteur.

Et ensuite fut interrogée si elle reconnaissait ces lettres ; répondit que oui, excepté trois mots : assavoir là où il est dit rendez à la Pucelle, il faut mettre rendez au roi ; il n’y a autre chose que chef de guerre ; troisièmement on y a mis corps pour corps. Ces mots n’étaient pas dans les lettres que j’ai envoyées. Dit aussi que jamais aucun seigneur ne dicta ces lettres ; c’est elle-même qui les a dictées avant qu’on les envoyât ; mais elles furent montrées à certains de son parti.

Item dit qu’avant qu’il soit sept ans les Anglais perdront plus grand gage qu’ils ne firent devant Orléans, et qu’ils perdront tout en France. Dit aussi que lesdits Anglais auront plus grande perte qu’onques n’eurent en France ; et ce sera par grande victoire que Dieu enverra aux Français.

Interrogée comment elle le sait, répondit :

— Je le sais bien par révélation qui m’a été faite, et, avant sept ans cela adviendra ; et étais-je bien courroucée que ce fût tant différé !

Dit aussi qu’elle sait cela par révélation, aussi bien qu’elle savait que nous [l’évêque] étions devant elle215.

Interrogée quand cela arrivera, répondit qu’elle ne sait le jour ni l’heure.

Interrogée quelle année cela arrivera, répondit :

— Vous n’aurez pas encore cela ; bien voudrais-je que ce fût avant la Saint-Jean !

Interrogée si elle a dit que cela adviendrait avant la Saint-Martin d’hiver, répondit qu’elle avait dit qu’avant la Saint-Martin d’hiver on verrait bien des choses ; et ce pourrait être que ce soient les Anglais qui seront couchés à terre.

Interrogée sur ce qu’elle a dit à John Grey, son garde, touchant cette fête de Saint-Martin, répondit :

— Je vous l’ai dit.

57Interrogée par qui elle sait que cela adviendra, répondit qu’elle le sait par saintes Catherine et Marguerite.

Interrogée si saint Gabriel216 était avec saint Michel, quand il vint à elle, répondit qu’elle n’en a pas mémoire.

Interrogée si depuis mardi dernier passé elle n’avait point parlé avec saintes Catherine et Marguerite, répondit que oui ; mais ne sait l’heure.

Interrogée quel jour, répondit : hier et aujourd’hui ; il n’est jour qu’elle ne les entende.

Interrogée si elle les vit toujours dans le même habit, répondit qu’elle les voit toujours sous même forme ; et leurs figures sont couronnées bien richement. De leurs autres habits, elle ne parle pas. Item dit que de leurs robes, rien ne sait.

Interrogée comment elle sait que son apparition217 est homme ou femme, répondit que bien le sait, et qu’elle les reconnaît à leurs voix218, et qu’elles le lui révélèrent ; et rien ne sait que ce ne soit par révélation et commandement de Dieu.

Interrogée quelle figure elle y voit, répondit qu’elle voit le visage.

Interrogée si les saintes qui lui apparaissent ont des cheveux, répondit :

— C’est bon à savoir219 !

Interrogée s’il y avait quelque chose entre leurs couronnes et leurs cheveux, répondit que non.

Interrogée si leurs cheveux étaient longs et pendants, répondit :

— Je ne le sais.

Dit aussi qu’elle ne sait s’il y avait des bras ou d’autres membres figurés. Item dit qu’elles parlaient très bien et bellement, et les entendait très bien.

Interrogée comment elles parlaient, puisqu’elles n’avaient pas de membres, répondit :

— Je m’en rapporte à Dieu !

Item dit que cette voix est belle, douce et humble, et parle langage de France220.

Interrogée si sainte Marguerite parle la langue anglaise, répondit :

— Pourquoi parlerait-elle anglais puisque n’est du parti des Anglais ?

58Interrogée si dans leurs cheveux, avec les couronnes, il n’y avait point d’anneaux d’or, ou autres, répondit :

— Je ne le sais.

Interrogée si elle-même n’avait pas quelques anneaux221, elle répondit à nous, évêque :

— Vous, vous en avez un de moi ; rendez-le-moi !

Item dit que les Bourguignons ont un autre anneau. Et nous requit, si nous avions ledit anneau, que nous lui montrassions.

Interrogée qui lui donna l’anneau qu’ont les Bourguignons, répondit que c’était son père, ou sa mère. Et lui semble qu’il y avait écrit les noms JHESUS MARIA ; ne sait qui les fit écrire ; et n’y avait pas de pierre, à ce qu’il lui semble ; et l’anneau lui fut donné à Domrémy. Item dit que son frère lui donna un anneau autre que celui que nous avions et qu’elle nous chargeait de le donner à l’église. Item dit que jamais ne guérit aucune personne par le moyen desdits anneaux.

Interrogée si saintes Catherine et Marguerite lui parlèrent sous l’arbre mentionné plus haut, répondit :

— Je ne sais.

Interrogée si, à la fontaine qui est près de l’arbre, les saintes parlèrent avec elle, répondit que oui, et que là elle les ouït bien ; mais ce qu’elles lui dirent alors, elle ne le sait plus.

Interrogée sur ce que les saintes lui promirent, soit là, soit ailleurs, répondit qu’elles ne lui firent nulle promesse, si ce n’est par congé de Dieu.

Interrogée quelles promesses elles lui firent, répondit :

— Ce n’est pas du tout de votre procès !

Et, entre autres choses, elles lui dirent que son roi serait restitué dans son royaume, le veuillent ou non ses adversaires. Dirent aussi qu’elles promirent de conduire ladite Jeanne au Paradis ; et ainsi l’avait requis d’elles.

Interrogée si elle eut autre promesse, répondit qu’il y a une autre promesse, mais ne la dira pas, et que cela ne concerne pas le procès. Et dit qu’avant trois mois elle dira autre promesse.

Interrogée si les voix lui dirent qu’avant trois mois elle serait délivrée de prison, répondit :

— Ce n’est pas de votre procès ; cependant ne sais quand serai délivrée.

59Et dit que ceux qui la veulent ôter de ce monde pourraient bien s’en aller avant elle.

Interrogée si son conseil ne lui a pas dit qu’elle serait délivrée de la présente geôle, répondit :

— Reparlez m’en dans trois mois ; alors je vous répondrai.

Et dit en outre :

— Demandez aux assesseurs, sur leur serment, si cela concerne mon procès !

Ensuite, après la délibération des assesseurs, qui tous conclurent que cela concernait le procès, elle dit :

— Moi, je vous ai toujours bien dit que vous ne sauriez tout. Il faudra bien un jour que je sois délivrée. Mais je veux avoir congé si je vous le dirai : c’est pourquoi je requiers délai.

Interrogée si les voix lui défendirent de dire vérité, répondit :

— Voulez-vous que vous dise ce qui ne va qu’au roi de France ? Il y a bien des choses qui ne concernent le procès.

Dit aussi que bien sait que son roi gagnera le royaume de France ; et le sait bien, comme elle sait que nous sommes là devant elle, comme juges. Dit aussi qu’elle serait morte, n’était la révélation qui la réconforte chaque jour.

Interrogée sur ce qu’elle fit de la mandragore222, répondit qu’elle n’a point de mandragore, et onques n’en eut ; mais ouït dire que proche son village il y en a une : mais ne l’a jamais vue. Dit aussi qu’elle ouït dire que c’est chose périlleuse et mauvaise à garder ; ne sait cependant à quoi cela sert.

Interrogée en quel lieu est cette mandragore dont elle ouït parler répondit qu’elle ouït dire qu’elle est en terre, proche l’arbre ci-dessus mentionné ; mais ne sait le lieu. Et dit qu’elle a ouï dire que sur cette mandragore s’élève un coudrier.

Interrogée à quoi elle a entendu dire que sert cette mandragore, répondit qu’elle a ouï dire qu’elle fait venir l’argent ; mais n’a croyance en cela. Et dit que les voix ne lui dirent jamais rien à ce sujet.

Interrogée quelle figure avait saint Michel, quand il lui apparut, 60répondit qu’elle ne lui vit pas de couronne ; et de ses vêtements, rien ne sait.

Interrogée s’il était nu, répondit :

— Pensez-vous que Notre Seigneur n’ait de quoi le vêtir ?

Interrogée s’il avait des cheveux, répondit :

— Pourquoi les lui aurait-on coupés ?

Dit aussi qu’elle ne vit pas le bienheureux Michel depuis qu’elle a quitté le château du Crotoy223, et ne le voit pas souvent. Et enfin dit qu’elle ne sait s’il a des cheveux.

Interrogée s’il avait sa balance, répondit :

— Je n’en sais rien.

Item dit qu’elle a grande joie quand elle le voit ; et lui semble, quand elle le voit, qu’elle n’est pas en péché mortel.

Item dit que saintes Catherine et Marguerite la font volontiers confesser à tour de rôle et de temps à autre.

Item dit que, si elle est en péché mortel, elle ne le sait.

Interrogée si, quand elle se confesse, elle croit être en péché mortel, répondit qu’elle ne sait si elle a été en péché mortel, mais n’en croit pas avoir fait les œuvres :

— Jà ne plaise à Dieu, dit-elle, que j’y fusse onques, et jà ne lui plaise que j’en fasse les œuvres ou les aie faites, par quoi mon âme en soit chargée !

Interrogée quel signe elle donna à son roi qu’elle venait de par Dieu, répondit :

— Je vous ai toujours répondu que vous ne le tirerez pas de ma bouche. Allez lui demander !

Interrogée si elle a juré de ne pas révéler ce qui lui serait demandé touchant le procès, répondit :

— Ailleurs je vous ai dit que je ne vous dirais pas ce qui touche et va à notre roi ; et de ce qui va à notre roi, je ne vous le dirai pas.

Interrogée si elle ne sait point le signe qu’elle donna à son roi, répondit :

— Vous ne le saurez de moi.

Et comme on lui dit que cela touchait le procès, elle répondit :

— De ce que j’ai promis de tenir bien secret, je ne vous le dirai.

Et dit en outre :

— Je l’ai promis en tel lieu que je ne puis vous le dire sans me parjurer.

61Interrogée à qui elle l’a promis, répondit qu’aux saintes Catherine et Marguerite l’a promis ; et ce fut montré au roi. Item dit qu’elle l’a promis à ces deux saintes, sans qu’elles la requissent. Et ladite Jeanne le fit à sa propre requête, car trop de gens le lui eussent demandé, si elle n’avait fait cette promesse à ses dites saintes.

Interrogée si, quand elle montra le signe224 à son roi, il y avait autre personne en sa compagnie, répondit, qu’à ce qu’elle pense, il n’y avait autre personne que lui, bien que, assez près, fussent beaucoup de gens.

Interrogée si elle a vu la couronne sur la tête de son roi, quand elle lui montra le signe, répondit :

— Je ne puis vous le dire sans me parjurer.

Interrogée si son roi avait une couronne, quand il fut à Reims, répondit, qu’à ce qu’elle pense, son roi prit volontiers la couronne qu’il trouva à Reims225 ; mais une bien plus riche fut apportée plus tard. Et fit cela pour hâter son fait, à la requête de ceux de Reims, pour éviter le fardeau des gens d’armes226. Et, s’il avait attendu, il aurait eu une couronne mille fois plus riche.

Interrogée si elle vit cette couronne, qui est plus riche, répondit :

— Je ne puis vous le dire sans encourir parjure. Et si je ne l’ai vu, j’ai oui dire qu’elle est à ce point riche et opulente.

Cela fait, nous avons terminé pour ce jour ; et nous avons assigné pour procéder ultérieurement le samedi, à huit heures du matin, requérant les assistants de se rendre au même endroit, au jour et à l’heure dits.

3 mars. Sixième séance.

Item le samedi suivant, troisième jour de mars, au lieu désigné plus haut, Jeanne comparut devant nous et en présence des révérends pères, seigneurs et maîtres : Gilles, abbé de la Sainte-Trinité de Fécamp ; Pierre, prieur de Longueville ; Jean de Châtillon, 62Érard Emengart, Jean Beaupère, Jacques de Touraine, Nicolas Midi, Denis de Sabrevois, Nicolas Lami227, Guillaume Evrard228, Pierre Maurice, Gérard Feuillet, Maurice du Quesnay, Pierre Houdenc, Jean de Nibat, Jacques Guesdon, docteurs en théologie sacrée ; — Guillaume, abbé de Sainte-Marie de Cormeilles, docteur en droit canon ; — Guillaume Desjardins, Gilles Canivet229, Roland L’Escrivain230, Guillaume de La Chambre231, docteurs en médecine ; — l’abbé de Saint-Georges, l’abbé de Préaux, le prieur de Saint-Lô ; et aussi Nicolas Couppequesne, Thomas de Courcelles, Guillaume Le Maistre, Guillaume de Baudribosc, Jean Pigache, Raoul Le Sauvage, Richard de Grouchet, Pierre Minier, bacheliers en théologie sacrée ; — Jean Le Doulx, bachelier en l’un et l’autre droit ; Jean Duchemin, Jean Colombel, Raoul Anguy, Aubert Morel, bacheliers en droit canon ; — Geoffroy du Crotay, Bureau de Cormeilles, Nicolas Maulin, licenciés en droit civil, — et Nicolas Loiseleur, chanoine de la cathédrale de Rouen.

En leur présence, nous avons requis Jeanne de jurer de dire la vérité sur ce qui lui serait demandé, simplement et absolument. Elle répondit :

— Comme autrefois j’ai fait, je suis prête de jurer.

Et ainsi elle jura, les mains sur les saints Évangiles.

Ensuite, comme elle avait dit que saint Michel avait des ailes, et que cependant elle n’avait pas parlé du corps et des membres des saintes Catherine et Marguerite, elle fut interrogée sur ce qu’elle en voulait dire. À quoi elle répondit :

— Je vous ai dit ce que je sais et ne vous en répondrai autre chose.

Dit également qu’elle a aussi bien vu ledit saint Michel et les saintes qu’elle sait bien qu’ils sont saint et saintes du paradis.

Interrogée si elle vit rien d’autre que leur visage, répondit :

— Je vous ai dit tout ce que je sais sur cela ; et plutôt que de dire tout ce que je sais, j’aimerais mieux que me fissiez trancher le col !

Item dit que tout ce qu’elle sait, touchant le procès, elle le dira volontiers.

Interrogée si elle croit que saint Michel et saint Gabriel aient têtes naturelles, répondit :

63— Je les ai de mes yeux vus, et crois que ce sont eux aussi fermement que Dieu est.

Interrogée si elle croit que Dieu les forma dans les mode et forme où elle les vit, répondit : oui.

Interrogée si elle croit qu’en ces mode et forme Dieu les a créés, dès le principe, répondit :

— Vous n’aurez autre chose pour le présent, fors ce que je vous ai répondu.

Interrogée si elle avait su par révélation qu’elle s’échapperait, répondit :

— Cela ne touche votre procès. Voulez-vous que je parle contre moi ?

Interrogée si les voix lui en dirent quelque chose, répondit :

— Ce n’est de votre procès. Je m’en rapporte à Messire. Et si tout vous concernait, je vous dirais tout.

Dit en outre que, par sa foi, ne sait l’heure ni le jour où elle échappera. Interrogée si les voix ne lui en ont rien dit en général, répondit :

— Oui vraiment, elles me dirent que je serai délivrée ; mais ne sais le jour ni l’heure ; et qu’hardiment, je vous fasse bonne chère232 !

Interrogée, quand pour la première fois elle vint devers son roi, s’il lui demanda si c’était par révélation qu’elle avait changé son habit, répondit :

— Je vous en ai répondu ; toutefois ne me rappelle s’il me fut demandé. Et cela est écrit à Poitiers.

Interrogée si elle se souvient que les maîtres qui l’examinèrent dans l’autre parti, les uns par l’espace d’un mois, les autres pendant trois semaines, l’aient interrogée sur le changement de son habit, répondit :

— Il ne m’en souvient. Toutefois ils me demandèrent où j’avais pris cet habit d’homme ; et je leur ai dit que l’avais pris à Vaucouleurs.

Interrogée si les dits maîtres lui demandèrent si elle avait pris cet habit suivant ses voix, répandit :

— Il ne m’en souvient.

64Interrogée si la reine233 ne s’enquit point du changement de son habit, quand la visita pour la première fois, répondit :

— Il ne m’en souvient.

Interrogée si son roi, ou la reine, ou autres de son parti ne la requirent point parfois de déposer son habit d’homme, répondit :

— Ce n’est de votre procès.

Interrogée si, au château de Beaurevoir234, elle n’en a pas été requise, répondit :

— Oui, vraiment. Et j’ai répondu que ne le déposerais sans le congé de Notre Seigneur.

Item, dit que la demoiselle de Luxembourg235 et la dame de Beaurevoir236 lui offrirent habit de femme, ou drap pour le faire, et lui requirent qu’elle le portât. Et elle répondit qu’elle n’en avait pas congé de Notre Seigneur, et qu’il n’était pas encore temps.

Interrogée si messire Jean de Pressy et autres à Arras237 ne lui offrirent point d’habit de femme, répondit :

— Lui et plusieurs autres m’ont plusieurs fois demandé que prisse tel habit.

Interrogée si elle croit qu’elle eût délinqué ou fait péché mortel en prenant habit de femme, répondit qu’elle fait mieux d’obéir à son souverain Seigneur, c’est assavoir Dieu, et de le servir. Item dit que si elle dût l’avoir fait, elle l’eût plutôt fait à la requête de ces deux dames que d’autres dames qui soient en France, sa reine exceptée.

Interrogée, quand Dieu lui révéla qu’elle changeât son habit, si ce fut par la voix de saint Michel, de sainte Catherine ou de sainte Marguerite, répondit :

— Vous n’en aurez maintenant autre chose.

Interrogée, quand son roi la mit premièrement en œuvre et qu’elle fît faire son étendard, si les gens d’armes et autres gens de guerre ne firent faire panonceaux238 à la manière du sien, répondit :

— Il est bon à savoir que les seigneurs maintenaient leurs armes.

Item répondit :

— Certains compagnons de guerre en firent faire à leur plaisir, et les autres non.

Interrogée de quelle matière ils les firent faire, si ce fut de toile ou de drap, répondit :

— C’était de blancs satins et il y avait en certains 65les fleurs de lis.

Et n’avait ladite Jeanne que deux ou trois lances239 en sa compagnie ; mais les compagnons de guerre parfois faisaient faire des panonceaux à la ressemblance des siens ; et ne faisaient cela que pour reconnaître les siens des autres.

Interrogée si les panonceaux étaient assez souvent renouvelés, répondit :

— Je ne sais ; quand les lances étaient renouvelées, on en faisait faire de nouveaux.

Interrogée si elle ne dit point que les panonceaux qui étaient à la ressemblance des siens portaient bonheur, répondit qu’elle disait bien parfois aux siens : Entrez hardiment parmi les Anglais ; et elle-même y entrait.

Interrogée si elle leur dit qu’ils les portassent hardiment et qu’ils auraient bonheur, répondit qu’elle leur dit bien ce qui était advenu et adviendrait encore.

Interrogée si elle mettait ou faisait mettre l’eau bénite sur les panonceaux, quand on les prenait de nouveau, répondit :

— Je n’en sais rien ; et si ce fut fait, ce n’a pas été sur mon commandement.

Interrogée si elle n’y a point vu jeter d’eau bénite, répondit :

— Cela n’est pas de votre procès.

Et si elle en a vu jeter, elle n’est maintenant avisée d’en répondre.

Interrogée si les compagnons de guerre ne faisaient pas mettre en leurs panonceaux Jhesus Maria, répondit :

— Par ma foi, je n’en sais rien.

Interrogée si elle n’a pas tourné ou fait tourner toiles, par manière de procession, autour d’un autel ou d’une église, pour faire panonceaux, répondit que non et n’en a rien vu faire.

Interrogée, quand elle fut devant Jargeau240, sur ce qu’elle portait derrière son heaume, et s’il n’y avait pas quelque chose de rond241, répondit :

— Par ma foi, il n’y avait rien.

Interrogée si elle ne connut pas frère Richard242, répondit :

— Je ne l’avais jamais vu quand je vins devant Troyes243.

Interrogée quelle chère frère Richard lui fit, répondit que ceux de la ville de Troyes, comme elle pense, l’envoyèrent devers elle, disant qu’ils redoutaient qu’elle ne fût pas chose envoyée de par 66Dieu ; et quand frère Richard vint devant elle, en approchant il faisait le signe de la croix et jetait de l’eau bénite. Et elle lui dit :

— Approchez hardiment, je ne m’envolerai pas !

Interrogée si elle n’a point vu, ou fait faire certaines images ou peintures à sa ressemblance, répondit qu’elle vit, à Arras, une peinture dans les mains d’un Écossais ; et il y avait son image, toute armée ; et présentait une lettre à son roi, et était agenouillée d’un genoux. Et dit qu’onques ne vit ou fit faire autre image ou peinture à sa ressemblance244.

Interrogée si, dans la maison de son hôte, à Orléans245, il n’y avait point un tableau, où il y avait trois femmes peintes et l’inscription : Justice, Paix, Union, répondit qu’elle n’en sait rien.

Interrogée si elle ne sait point que ceux de son parti aient fait dire services, messes et oraisons pour elle246, répondit qu’elle n’en sait rien ; et si ils firent dire services, ils ne l’ont point fait par son commandement ; et s’ils ont prié pour elle, il lui est avis qu’ils n’ont point fait de mal.

Interrogée si ceux de son parti croient fermement qu’elle soit envoyée de par Dieu, répondit :

— Ne sais s’ils le croient, et m’en attends à leur courage247 ; mais s’ils ne le croient, je suis bien envoyée de par Dieu !

Interrogée si elle croit qu’ils aient bonne croyance, en croyant qu’elle soit envoyée de par Dieu, répondit :

— Si ils croient que je suis envoyée de par Dieu, ils ne sont point abusés248.

Interrogée si elle ne savait pas le sentiment de ceux de son parti quand ils lui baisaient les pieds, les mains et ses vêtements, répondit que beaucoup de gens la voyaient volontiers ; et dit qu’ils lui baisaient les mains [et les vêtements] et qu’elle n’en pouvait mais. Car venaient les pauvres gens volontiers à elle, pour ce qu’elle ne leur faisait point de déplaisir, mais les supportait à son pouvoir.

Interrogée quelle révérence lui firent ceux de Troyes, à son entrée, répondit :

— Ils ne m’en firent point.

Et dit, qu’à son avis, frère Richard entra en même temps qu’eux à Troyes. Mais n’a point souvenir si elle le vit à l’entrée249.

67Interrogée s’il ne fit point de sermon à l’entrée, lors de sa venue, répondit qu’elle ne s’y arrêta guère250 et n’y coucha jamais ; quant au sermon, elle n’en sait rien.

Interrogée si elle fut beaucoup de jours à Reims, répondit :

— Je crois que nous y fûmes quatre ou cinq jours251.

Interrogée si elle n’y leva point des fonts du baptême un enfant, répondit qu’à Troyes, en leva un ; mais à Reims, elle n’en a point mémoire, ni à Château-Thierry ; et aussi en leva deux à Saint-Denis. Et volontiers donnait aux fils le nom de Charles, pour l’honneur de son roi, et aux filles, celui de Jeanne ; et parfois les nommait comme les mères le voulaient.

Interrogée si les bonnes femmes de la ville ne faisaient pas toucher leur anneau à l’anneau qu’elle portait, répondit :

— Maintes femmes ont touché à mes mains et anneaux ; mais ne sais point leur pensée et intention.

Interrogée qui furent ceux de sa compagnie qui prirent papillons252 en son étendard, devant Château-Thierry253, répondit que ce ne fut onques fait ou dit dans leur parti ; mais ceux du parti de deçà l’ont controuvé254.

Interrogée sur ce qu’elle fit à Reims des gants255 avec lesquels son roi fut sacré, répondit :

— Il y eut une livrée de gants256 pour bailler aux chevaliers et aux nobles qui étaient là.

Et il y en eut un qui perdit ses gants ; mais elle ne dit point qu’elle les ferait retrouver.

Item dit que son étendard fut en l’église de Reims ; et lui semble que son étendard fut assez près de l’autel, et elle-même le tint un peu ; mais elle ne sait point que frère Richard le tint.

Interrogée, quand elle allait par pays, si elle recevait souvent le sacrement de confession et de l’autel, quand elle s’arrêtait aux bonnes villes, répondit que oui, l’un et l’autre.

Interrogée si elle recevait lesdits sacrements en habit d’homme, répondit que oui ; mais n’a point mémoire de les avoir reçus en armes.

Interrogée pourquoi elle prit la haquenée de l’évêque de Senlis257, répondit :

— Elle fut achetée deux cents saluts258.

S’il les eut ou non, elle ne le sait ; mais il en eut assignation et il en fut payé. Et 68lui écrivit qu’il pourrait la recouvrer, s’il voulait, et qu’elle n’en voulait point, et qu’elle ne valait rien pour résister à la peine.

Interrogée quel âge avait l’enfant qu’elle ressuscita259 à Lagny260, répondit :

— L’enfant avait trois jours.

Et fut apporté à Lagny devant Notre-Dame261. Et lui fut dit que les demoiselles de la ville étaient devant Notre-Dame et qu’elle voulût y aller prier Dieu et Notre-Dame de rendre vie à l’enfant ; et elle y alla et pria avec les autres. Et finalement la vie apparut en lui et il bâilla trois fois ; et puis fut baptisé : mais bientôt il mourut et fut enterré en terre sainte. Et il y avait trois jours, comme l’on disait, que dans cet enfant la vie n’était apparue ; et il était noir comme sa cotte. Mais quand il bâilla, la couleur commença à lui revenir. Et était ladite Jeanne avec les demoiselles à genoux devant Notre-Dame à faire sa prière.

Interrogée s’il ne fut point dit par la ville qu’elle avait obtenu cette résurrection, et que c’était fait à sa prière, répondit :

— Je ne m’en enquis point262.

Interrogée si elle connut ou vit Catherine de La Rochelle263, répondit que oui, à Jargeau et à Montfaucon en Berry264.

Interrogée si Catherine ne lui montra point une dame vêtue de blanc, qu’elle disait lui apparaître parfois, répondit que non.

Interrogée sur ce que lui dit cette Catherine, répondit que cette Catherine lui dit qu’une dame blanche venait à elle, vêtue de drap d’or, qui lui disait qu’elle allât par les bonnes villes et que le roi lui baillât des hérauts et des trompettes pour faire crier que quiconque aurait or, argent ou trésor caché, l’apportât bientôt ; et que ceux qui ne le feraient pas, et qui en auraient de caché, elle les connaîtrait et saurait bien trouver lesdits trésors ; et que ce serait pour payer les gens d’armes de Jeanne. À quoi ladite Jeanne répondit qu’elle retournât vers son mari faire son ménage et nourrir ses enfants. Et, pour en avoir certitude, elle parla à sainte Catherine ou à sainte Marguerite, qui lui dirent que du fait de cette Catherine il n’y avait que folie, et que c’était tout néant. Et écrivit à son roi qu’elle lui dirait ce qu’il en devait faire. Et quand elle vint à lui, elle lui dit que c’était folie et tout néant du fait de ladite Catherine. Toutefois 69frère Richard voulait qu’on la mît en œuvre. Et ont été très mal contents de ladite Jeanne lesdits frère Richard et ladite Catherine.

Interrogée si elle ne parla pas à Catherine de La Rochelle d’aller à la Charité-sur-Loire265, répondit que ladite Catherine ne lui conseillait point qu’elle y allât, et qu’il faisait trop froid, et qu’elle n’irait pas.

Item dit à ladite Catherine, qui voulait aller devers le duc de Bourgogne pour faire paix, qu’il lui semblait qu’on n’y trouverait point de paix, si ce n’était par le bout de la lance.

Item dit qu’elle demanda à cette Catherine si la dame blanche qui lui apparaissait venait toutes les nuits, disant vouloir pour ce coucher avec elle en même lit. Et y coucha et veilla jusqu’à minuit, et ne vit rien ; et puis s’endormit. Et, quand vint le matin, elle demanda à Catherine si la dame blanche était venue. Elle lui répondit que oui, tandis que dormait alors ladite Jeanne, et qu’elle ne l’avait pu réveiller. Alors Jeanne lui demanda si elle ne viendrait pas une autre nuit ; et ladite Catherine lui répondit que oui. C’est pourquoi Jeanne dormit de jour, afin qu’elle pût veiller toute la nuit suivante. Et coucha cette nuit-là avec ladite Catherine, et veilla toute la nuit ; mais elle ne vit rien, bien que souvent elle demandât à Catherine si ladite dame ne viendrait point. Et ladite Catherine lui répondait : Oui, bientôt !

Ensuite Jeanne fut interrogée sur ce qu’elle fit sur les fossés de La Charité : répondit qu’elle y fit faire un assaut ; et dit qu’elle n’y jeta ou fit jeter eau bénite par manière d’aspersion.

Interrogée pourquoi elle n’entra pas dans ladite ville de La Charité, puisqu’elle en avait commandement de Dieu, répondit :

— Qui vous a dit que j’avais commandement d’y entrer ?

Interrogée si elle n’eut point conseil de sa voix, répondit qu’elle voulait venir en France266 ; mais les gens d’armes lui dirent que c’était mieux d’aller premièrement devant La Charité.

Interrogée si elle fut longuement en la tour de Beaurevoir, répondit qu’elle y fut quatre mois ou environ267 et dit que, quand elle sut que les Anglais devaient venir pour la prendre, elle fut 70fort courroucée ; et toutefois ses voix lui défendirent souvent qu’elle ne sautât de la tour : et finalement, par terreur des Anglais, sauta et se recommanda à Dieu et à Notre-Dame, et fut blessée de ce saut. Et quand elle eut sauté, la voix de sainte Catherine lui dit qu’elle fît bonne chère268 [et qu’elle guérirait]269 et que ceux de Compiègne auraient secours.

Item dit qu’elle priait toujours pour ceux de Compiègne270 avec son conseil.

Interrogée sur ce qu’elle a dit quand elle eut sauté, répondit que certains disaient qu’elle était morte ; et sitôt qu’il apparut aux Bourguignons qu’elle était en vie, ils lui dirent qu’elle s’était sauvée271.

Interrogée si elle ne dit point qu’elle aurait mieux aimé mourir que d’être entre la main des Anglais, répondit qu’elle aimerait mieux rendre son âme à Dieu que d’être en la main des Anglais.

Interrogée si elle ne se courrouça point alors, et ne blasphéma point le nom de Dieu, répondit qu’onques ne maugréa saint ni sainte, et qu’elle n’a point accoutumé de jurer.

Interrogée sur le fait de Soissons, et sur le capitaine272 qui avait rendu la ville, et si elle avait renié Dieu [et dit que] si elle tenait ledit capitaine elle le ferait trancher en quatre pièces, répondit qu’elle ne renia onques saint ni sainte, et que ceux qui l’ont dit ou rapporté ont mal entendu.

Tout s’étant passé ainsi, Jeanne fut reconduite au lieu qui lui avait été assigné pour prison ; puis nous, évêque susdit, nous dîmes que, continuant le procès sans aucune interruption, nous appellerions quelques docteurs et gens expérimentés en droit canon et civil qui recueilleraient ce qui est à recueillir parmi les choses confessées par ladite Jeanne, ses réponses ayant été rédigées par écrit ; et après les avoir vues et recueillies, s’il y avait quelques points sur lesquels cette Jeanne semblait devoir être plus amplement interrogée, elle serait interrogée par certains que nous lui députerions, sans qu’il soit besoin de déranger toute la foule des assesseurs. Tout serait rédigé par écrit chaque fois qu’il serait 71opportun de le faire, afin que lesdits docteurs et experts pussent en délibérer et bailler leurs opinions et conseils. Nous leur dîmes alors qu’ils eussent dès maintenant à étudier et à voir chez eux, sur la matière et sur ce qu’ils avaient déjà entendu du procès, ce qui leur semblerait à faire, et qu’ils pussent en référer à nous ou à nos députés et commis, ou conserver à part eux leurs opinions, et, maturément et salubrement, en délibérer en lieu et temps opportuns et nous donner leur opinion. Nous avons défendu enfin à tous et à chacun des assesseurs de s’éloigner de cette cité de Rouen avant la fin du procès et sans notre congé.

Fin de la première partie des séances publiques273 4-9 mars.

Item le dimanche suivant, quatrième jour du dit mois de mars et les autres jours suivants, lundi, mardi, mercredi, jeudi et vendredi, nous, évêque susdit, convoquâmes dans notre maison d’habitation à Rouen plusieurs docteurs solennels, maîtres et gens versés en droit canon et civil. Nous fîmes colliger tout ce qui avait été confessé judiciairement et répondu par ladite Jeanne, et aussi faire un extrait des points auxquels elle avait répondu insuffisamment et sur lesquels il semblait qu’elle dût être interrogée ultérieurement. D’après ces recueils et extraits diligemment établis, sur le conseil et délibération de ces hommes experts, nous avons conclu qu’il serait procédé à un interrogatoire ultérieur de ladite Jeanne. Et attendu nos diverses occupations, comme nous ne pouvions toujours vaquer exclusivement aux interrogatoires qui étaient à faire, nous avons délégué vénérable et discrète personne, maître Jean de La Fontaine, maître ès arts et licencié en droit canon, ci-dessus nommé, pour interroger judiciairement ladite Jeanne à notre place ; et nous l’avons commis à ce faire le vendredi 9 mars, présents les docteurs et maîtres Jean Beaupère, Jacques de Touraine, Nicolas Midi, Pierre Maurice, Thomas de Courcelles, Nicolas Loiseleur, Guillaume Manchon ci-dessus nommés.

72Samedi 10 mars, première séance dans la prison.

Item le samedi suivant, dixième jour du mois de mars, nous évêque susdit nous rendîmes en certaine chambre du château de Rouen qui avait été assignée comme prison à ladite Jeanne274, et là, assisté dudit maître Jean de La Fontaine, notre commissaire et député, comme il est dit plus haut, et des vénérables docteurs en théologie sacrée, maîtres Nicolas Midi et Gérard Feuillet ; en présence de Jean Secard275, avocat, et de maître Jean Massieu, prêtre, témoins cités, nous requîmes ladite Jeanne de faire et prêter le serment de dire la vérité sur ce qui lui serait demandé. Elle répondit disant :

— Je vous promets que je dirai la vérité sur ce qui touche votre procès ; et plus vous me contraindrez de jurer, plus tard vous la dirai.

Ensuite maître Jean de La Fontaine, par nous spécialement commis et député à ce, interrogea ladite Jeanne. Et il lui demanda, par le serment qu’elle avait fait, quand elle vint dernièrement à Compiègne, de quel lieu elle était partie. Elle répondit qu’elle était partie de Crépy-en-Valois276.

Interrogée si elle fut plusieurs jours à Compiègne277 avant qu’elle fît aucune sortie, répondit qu’elle vint à heure secrète278 du matin et entra dans la ville sans que ses ennemis le sussent guère, comme elle pense ; et ce même jour, sur le soir, fit la sortie où elle fut prise279.

Interrogée si, quand elle fit sa sortie, on sonna les cloches, répondit que si on les sonna ce ne fut point sur son commandement ou à son su ; et n’y pensait point ; et aussi ne lui souvient si elle avait dit qu’on les sonnât.

Interrogée si elle fit cette sortie sur le commandement de sa voix, répondit qu’en la semaine de Pâques dernièrement passée, étant sur les fossés de Melun, il lui fut dit par ses voix, c’est à savoir par sainte Catherine et sainte Marguerite, qu’elle serait prise avant que vînt la Saint-Jean ; et qu’ainsi fallait que fût fait ; et qu’elle ne s’ébahît pas et prît tout en gré, et que Dieu lui aiderait.

73Interrogée si, depuis ce lieu de Melun, il ne lui fut point dit par ses dites voix qu’elle serait prise, répondit que oui, par plusieurs fois, et presque tous les jours. Et requérait à ses voix, quand elle serait prise, qu’elle fût bientôt morte sans longue peine de prison ; et elles lui dirent qu’elle prît tout en gré, et qu’ainsi le fallait faire ; mais ne lui dirent point l’heure ; et si elle l’avait su, elle n’y fût pas allée. Et elle leur avait plusieurs fois demandé pour savoir l’heure de sa prise, mais elles ne lui dirent point.

Interrogée, si les voix lui eussent commandé qu’elle sortît de Compiègne et signifié qu’elle serait prise, elle y serait allée, répondit que si elle eût su l’heure et qu’elle dût être prise, elle n’y fut pas allée volontiers ; toutefois elle eût fait leur commandement à la fin, quelque chose qui lui dût advenir.

Interrogée si, quand elle fit cette sortie de Compiègne, elle avait eu voix et révélation de partir et de faire cette sortie, répondit que ce jour-là elle ne sut point sa prise et n’eut autre commandement de sortir ; mais toujours lui avait été dit qu’il fallait qu’elle fût prisonnière.

Interrogée si, quand fit cette sortie, elle passa par le pont280, répondit qu’elle passa par le pont et par le boulevard281, et alla avec la compagnie des gens de son parti sur les gens de monseigneur de Luxembourg282 ; et les rebouta par deux fois jusqu’au logis des Bourguignons283 et, à la tierce fois, jusqu’à mi-chemin ; et alors les Anglais284, qui étaient là, lui coupèrent le chemin, à elle et à ses gens. En se retirant dans les champs, du côté de Picardie, près du boulevard, elle fut prise ; et était la rivière entre Compiègne et le lieu où elle fut prise ; et n’y avait seulement, entre le lieu où elle fut prise et Compiègne, que la rivière, le boulevard et le fossé dudit boulevard285.

Interrogée si, en l’étendard qu’elle portait, le monde était peint et deux anges, etc., répondit que oui ; et n’en eut jamais qu’un.

Interrogée quel sens cela avait de peindre Dieu tenant le monde, et deux anges, répondit que sainte Catherine et sainte Marguerite lui dirent qu’elle prît cet étendard, et le portât hardiment, et 74qu’elle y fît mettre en peinture le Roi du ciel. Et elle le dit à son roi, mais bien contre son gré. Et de la signification ne sait rien d’autre.

Interrogée si elle n’avait pas écu et armes, répondit qu’elle n’en eut onques ; mais son roi donna à ses frères des armes, c’est assavoir un écu d’azur, deux fleurs de lis d’or et une épée au milieu286 ; et, en cette ville, a décrit ses armes à un peintre parce qu’il lui avait demandé quelles armes elle avait.

Item dit que ce fut donné par son roi à ses frères [à leur plaisance]287, sans sa requête et sans révélation.

Interrogée si elle avait un cheval quand elle fut prise, coursier288 ou haquenée289, répondit qu’elle était à cheval ; et c’était un demi coursier [celui sur lequel elle était quand elle fut prise]290.

Interrogée qui lui avait donné ce cheval, répondit que son roi ou ses gens le lui donnèrent, de l’argent du roi ; et avait cinq coursiers de l’argent du roi, sans les trottiers291 qui étaient plus de sept.

Interrogée si elle eut onques autres richesses de son roi que ses chevaux, répondit qu’elle ne demandait rien à son roi, fors bonnes armes, bons chevaux, et de l’argent pour payer les gens de son hôtel.

Interrogée si elle n’avait pas de trésor, répondit que les 10 ou 12.000292 qu’elle a vaillant n’est pas grand trésor à mener la guerre, et que c’est peu de chose. Lesquelles choses ont ses frères, comme elle pense. Et dit que ce qu’elle a, c’est de l’argent en propre de son roi.

Interrogée quel est le signe qu’elle donna à son roi lorsqu’elle vint à lui293, répondit qu’il est beau et honoré et bien croyable ; et il est bon et le plus riche qui soit294.

Interrogée pourquoi elle ne veut aussi bien dire et montrer ce signe, comme elle voulut avoir le signe de Catherine de La Rochelle, répondit que si le signe de Catherine eût été aussi bien montré devant notables gens d’Églises et autres, archevêques et évêques, c’est assavoir devant l’archevêque de Reims295 et autres dont elle ne sait les noms (et même y étaient Charles de Bourbon296, 75le sire de la Trémoïlle297, le duc d’Alençon298 et plusieurs autres chevaliers qui le virent et ouïrent, aussi bien qu’elle voit ceux qui lui parlent aujourd’hui) comme le signe dessus dit fut montré, elle n’eût point demandé à savoir le signe de ladite Catherine. Et toutefois elle savait déjà par sainte Catherine et sainte Marguerite que du fait de ladite Catherine de La Rochelle c’était tout néant. Interrogée si ledit signe dure encore, répondit :

— Il est bon à savoir ; et il durera jusqu’à mille ans, et outre ! Item dit que ledit signe est au trésor de son roi.

Interrogée si c’est or, argent ou pierre précieuse, ou couronne, répondit :

— Je ne vous en dirai autre chose ; et ne saurait homme décrire aussi riche chose comme est ce signe ; et toutefois, le signe qu’il vous faut, c’est que Dieu me délivre de vos mains ; et c’est le plus certain qu’il vous sache envoyer !

Item dit que quand elle dut partir pour aller vers son roi, il lui fut dit par ses voix :

— Va hardiment ; quand tu seras devers le roi il aura bon signe de te recevoir et croire en toi !

Interrogée quand le signe vint à son roi, quelle révérence elle lui fit, et s’il vint de par Dieu, répondit qu’elle remercia Notre Seigneur de ce qu’il la délivra de la peine qui lui venait des clercs de son parti qui arguaient contre elle ; et s’agenouilla plusieurs fois.

Item dit qu’un ange de par Dieu, et non de par autre, bailla le signe à son roi ; et elle en remercia moult de fois Notre Seigneur.

Item dit que les clercs [de son parti] cessèrent de l’arguer quand ils eurent [su]299 ledit signe.

Interrogée si les gens d’Église de ce parti virent le signe dessusdit, répondit que quand son roi et ceux qui étaient avec lui eurent vu ledit signe, et aussi l’ange qui le bailla, elle demanda à son roi s’il était content ; et il répondit que oui. Et alors elle partit et s’en alla en une petite chapelle assez près et ouït alors dire qu’après son départ plus de trois cents personnes virent ledit signe. Dit outre que pour l’amour d’elle, et afin qu’ils cessassent de l’interroger, 76Dieu voulait permettre que ceux de son parti, qui virent ledit signe, le vissent.

Interrogés si son roi et elle firent point de révérence à l’ange, quand il apporta le signe susdit, répondit qu’elle lui fit la révérence et s’agenouilla, et ôta son chapeau.

Lundi 12 mars. Autre séance.

Item, le lundi suivant, douzième jour du mois de mars, comparut dans notre maison d’habitation à Rouen, religieuse et discrète personne frère Jean Le Maistre, de l’ordre des frères Prêcheurs, ci-dessus nommé, vicaire dudit seigneur inquisiteur de la perversité hérétique au royaume de France ; présents vénérables et discrètes personnes seigneurs et maîtres Thomas Fiesvet300, Pasquier de Vaulx301, docteurs en décret, Nicolas de Hubent302, secrétaire apostolique, et frère Ysambard de La Pierre303, de l’ordre des frères Prêcheurs. Et nous, évêque susdit, avons exposé à notre vicaire que jadis, au début du procès par nous commencé en matière de foi contre cette femme vulgairement nommée la Pucelle, nous avions sommé et requis ledit vicaire de s’adjoindre au présent procès, offrant de lui communiquer les actes, les preuves et autres choses quelconques que nous possédions concernant cette matière et le procès. Mais ledit vicaire avait fait quelques difficultés de s’adjoindre au procès, étant seulement délégué pour la ville et le diocèse de Rouen ; et le procès était conduit devant nous à raison de notre juridiction de Beauvais, en territoire concédé. C’est pourquoi, pour plus grande sûreté en cette besogne, pour plus de précaution, sur le conseil de gens experts, nous avons conclu d’écrire au seigneur inquisiteur lui-même, lui requérant de se rendre en cette cité de Rouen, ou au moins de députer spécialement son vicaire en cette affaire, qui aurait toute puissance de par le seigneur inquisiteur pour conduire et terminer ce procès, ainsi que ces choses sont rapportées plus haut et plus longuement. Or, après que ledit seigneur inquisiteur eut nos lettres, déférant bénignement à notre 77réquisition, pour l’honneur et l’exaltation de la foi orthodoxe, il commit et députa spécialement ledit frère Jean Le Maistre, pour conduire et mener à fin cette cause, par ses lettres patentes, munies et fortifiées de son sceau, dont la teneur suit. C’est pourquoi nous sommions et requérions ledit frère Jean Le Maistre, suivant la teneur de sa commission, de s’adjoindre à nous dans ce dit procès.

À quoi ledit frère nous répondit qu’il verrait volontiers ladite commission à lui adressée, le procès signé des seings des notaires, et tout ce que nous voudrions lui communiquer ; ces documents vus et considérés, il nous donnerait réponse, et ferait son devoir pour l’office de la sainte inquisition. Mais nous lui dîmes alors qu’il avait été présent à une grande partie du procès, où il avait pu ouïr bien des réponses de ladite Jeanne ; et que d’ailleurs nous étions consentant et tout disposé à lui communiquer le procès, et tout ce qui s’était fait en cette matière, afin qu’il les vît et en prît connaissance.

Suit la teneur de la lettre de commission adressée par le seigneur inquisiteur et mentionnée plus haut.

À son cher fils en Christ frère Jean Le Maistre, de l’ordre des frères Prêcheurs, frère Jean Graverent, du même ordre, humble professeur en théologie sacrée et inquisiteur de la perversité hérétique, député au royaume de France par l’autorité apostolique, salut en l’auteur et consommateur de la foi, notre Seigneur Jésus-Christ. Comme révérend père en Christ et seigneur, monseigneur l’évêque de Beauvais, nous avait écrit sur le fait d’une certaine femme du nom de Jeanne, vulgairement nommée la Pucelle, par ses lettres patentes dans les termes qui suivent : Pierre, par la miséricorde divine évêque de Beauvais, à vénérable frère, maître Jean Graverent, etc… Et comme, légitimement empêché, nous ne pouvons présentement nous rendre commodément à Rouen, confiant dans votre zèle et discrétion en tout ce qui concerne notre office, ainsi que dans le fait et affaire de ladite femme jusqu’à sentence définitive inclusivement, nous vous avons commis spécialement et nous vous commettons par la teneur des présentes, espérant qu’à la louange de Dieu, à l’exaltation de la foi et édification du peuple, vous y procéderez justement et saintement. En témoignage de quoi le sceau dont nous usons en cet office 78est apposé à ces présentes. Donné à Coutances, l’an du Seigneur 1431, le quatrième jour du mois de mars. Ainsi signé : N. Ogier304.

Ce même lundi [12 mars].

Item, ce même jour de lundi au matin, nous, évêque susdit, nous rendîmes dans la chambre assignée pour geôle à ladite Jeanne, au château de Rouen, où pareillement se trouvèrent en même temps que nous, vénérables et discrètes personnes seigneurs et maîtres Jean de La Fontaine, député notre commissaire, comme il a été dit ; Nicolas Midi et Gérard Feuillet, docteurs en théologie sacrée ; présents Thomas Fiesvet et Pasquier de Vaulx, docteurs en droit canon, et Nicolas de Hubent, secrétaire apostolique, nommés ci-dessus.

En leur présence nous avons requis ladite Jeanne de jurer de dire la vérité sur ce qui lui serait demandé. Elle a répondu :

— De ce qui touchera votre procès, comme autrefois vous ai dit, je dirai volontiers vérité.

Et ainsi jura.

Ensuite elle fut interrogée sur notre commandement par ledit maître Jean de La Fontaine : et premièrement si l’ange qui apporta le signe à son roi, dont il a été fait mention plus haut, ne parla point ; répondit que oui, et qu’il dit à son roi qu’on la mît en besogne et que le pays serait aussitôt allégé.

Interrogée si l’ange qui apporta ledit signe à son roi fut l’ange qui premièrement lui apparut, ou si ce fut un autre, répondit :

— C’est toujours tout un, et onques ne me faillit.

Interrogée si l’ange ne lui a point failli, quant aux biens de fortune, quand elle a été prise, répondit qu’elle croit, puisqu’il plut à notre Sire, que c’est le mieux qu’elle fût prise.

Interrogée si, dans les biens de grâce, l’ange ne lui a point failli, répondit :

— Comment me faillirait-il, quand il me réconforte tous les jours ?

Et entend, à ce qu’elle dit, que ce réconfort vient de sainte Catherine et de sainte Marguerite.

Interrogée si elle appelle ces saintes Catherine ou Marguerite, ou si elles viennent sans qu’elle les appelle, répondit :

— Elles viennent 79souvent sans être appelées.

Et parfois, si elles ne venaient bientôt, elle requérait Notre Seigneur qu’il les lui envoyât.

Interrogée si parfois lesdites saintes ne vinrent pas quand elle les a appelées, répondit qu’elle n’en eut jamais besoin qu’elle ne les eût.

Interrogée si saint Denis305 lui apparut, répondit que non, à ce qu’elle sache.

Interrogée si elle parla à Notre Seigneur, quand elle lui promit de garder sa virginité, répondit :

— Il devait bien suffire de le promettre à celles qui étaient envoyées de par lui, c’est à savoir à sainte Catherine et à sainte Marguerite.

Interrogée qui la poussa à faire citer un homme à Toul, en cause matrimoniale306, répondit :

— Je ne le fis pas citer ; mais ce fut lui qui me fit citer ; et là je jurai devant le juge de dire vérité.

Et enfin dit qu’elle n’avait pas fait de promesse à cet homme.

Item dit que la première fois qu’elle ouït sa voix, elle fit vœu de garder sa virginité, tant qu’il plairait à Dieu ; et était en l’âge de treize ans, ou environ. Item dit que ses voix lui assurèrent qu’elle gagnerait son procès à Toul.

Interrogée si de ces visions, qu’elle dit avoir, elle n’a point parlé à son curé ou à un autre homme d’église, répondit que non, mais seulement à Robert de Baudricourt et à son roi. Et dit en outre qu’elle ne fut pas contrainte par ses voix à les celer ; mais redoutait beaucoup de les révéler, par crainte des Bourguignons et qu’ils n’empêchassent son voyage ; et spécialement redoutait fort que son père ne l’empêchât de faire son voyage.

Interrogée si elle croyait bien faire de partir sans le congé de père et mère, puisqu’on doit honorer père et mère, répondit qu’en toutes autres choses elle leur a bien obéi, excepté en ce départ ; mais depuis leur en a écrit et ils lui ont pardonné.

Interrogée si, quand elle partit de chez ses père et mère, elle ne crut point pécher, répondit :

— Puisque Dieu le commandait, il le convenait faire.

Et dit en outre, puisque Dieu le commandait, si elle eût eu cent pères et cent mères, si elle eût été fille de roi, ainsi serait-elle partie.

80Interrogée si elle demanda à ses voix si devait dire à son père et à sa mère son départ, répondit qu’en ce qui concerne son père et sa mère, les voix étaient assez contentes qu’elle leur dît, n’eût été la peine qu’ils lui eussent fait, si elle leur avait dit ; mais, quant à elle, elle ne leur eût pas dit pour cause quelconque.

Item dit que ses voix s’en rapportaient à elle de le dire à son père ou à sa mère, ou de leur taire.

Interrogée si elle faisait sa révérence à saint Michel et aux anges quand les voyait, répondit que oui ; et baisait la terre après leur départ, là où ils avaient reposé.

Interrogée si les anges demeuraient longuement avec elle, répondit :

— Ils viennent beaucoup de fois entre les chrétiens, qu’on ne les voit pas ; et les a bien des fois vus parmi les chrétiens.

Interrogée si de saint Michel ou de ses voix elle n’a pas eu de lettres, répondit :

— Je n’ai point congé de vous le dire, et d’ici à huit jours j’en répondrai volontiers ce que je saurai.

Interrogée si ses voix ne l’ont pas appelée fille de Dieu, fille de l’Église, la fille au grand cœur, répondit qu’avant le siège d’Orléans levé, et tous les jours depuis, quand elles lui parlent, l’ont plusieurs fois appelée Jehanne la Pucelle, fille de Dieu.

Interrogée, puisqu’elle se dit fille de Dieu, pourquoi elle ne dit Pater noster, répondit qu’elle le dit volontiers ; et autrefois, quand elle refusa de le dire, c’était dans l’intention que monseigneur de Beauvais la confessât.

Même jour, lundi après midi [12 mars].

Item, ce même jour, lundi après midi, comparurent au lieu de ladite prison de Jeanne, les susnommés seigneurs et maîtres, Jean de La Fontaine, notre commissaire, Nicolas Midi et Gérard Feuillet, docteurs en théologie sacrée ; Thomas Fiesvet et Pasquier de Vaulx, docteurs en droit canon ; et Nicolas de Hubent, notaire apostolique.

Ladite Jeanne fut interrogée par ledit de La Fontaine, sur notre 81commandement. Et premièrement sur les songes qu’on disait que son père avait eus avant qu’elle quittât sa maison. À quoi elle répondit que, tandis qu’elle était encore avec ses père et mère, lui fut dit par plusieurs fois que son père disait avoir rêvé que ladite Jeanne sa fille s’en irait avec les gens d’armes ; et avaient grand soin ses père et mère de la bien garder, et la tenaient en grande sujétion. Et elle leur obéissait en tout, sinon au cas de mariage au procès de Toul.

Item dit qu’elle a ouï dire à sa mère que son père disait à ses frères : Si je croyais que la chose advînt que j’ai songé d’elle, je voudrais que la noyassiez ; et si vous ne le faites, je la noierais moi-même ! Et s’en fallut de peu que ses père et mère perdissent le sens quand elle partit pour aller à Vaucouleurs.

Interrogée si ces pensées ou songes vinrent à son père depuis qu’elle eut ces visions, répondit que oui, depuis plus de deux ans qu’elle eut ses [premières]307 voix.

Interrogée si ce fut à la requête de Robert de Baudricourt ou d’elle qu’elle prit habit d’homme, répondit que ce fut d’elle-même, et non à la requête d’homme au monde.

Interrogée si la voix lui commanda qu’elle prît habit d’homme, répondit :

— Tout ce que j’ai fait de bien, je l’ai fait par le commandement de mes voix ; et quant à l’habit, j’en répondrai autre fois ; de présent n’en suis point avisée ; mais demain en répondrai.

Interrogée si, en prenant habit d’homme, elle ne pensait mal faire, répondit que non ; et encore à présent, si elle était en l’autre parti en cet habit d’homme, lui semble que ce serait un des grands biens de France de faire comme elle faisait avant sa prise.

Interrogée comment elle eût délivré le duc d’Orléans, répondit qu’elle eût assez pris d’Anglais outre mer pour le ravoir ; et si elle n’eût fait assez de prise par deçà, elle eût passé la mer pour l’aller quérir, par puissance, en Angleterre.

Interrogée si sainte Marguerite et sainte Catherine lui avaient dit, sans condition et absolument, qu’elle prendrait gens suffisamment pour avoir le duc d’Orléans qui était en Angleterre, ou autrement 82qu’elle passerait la mer pour l’aller quérir [et amener avant trois ans]308, répondit que oui ; et qu’elle dit à son roi qu’il la laissât faire au sujet des seigneurs anglais qui étaient alors prisonniers. Dit en outre que, si elle avait duré trois ans sans empêchement, elle eût délivré ledit duc. Item dit que pour ce faire il n’y avait plus bref terme que de trois ans et plus long que d’un an ; mais de présent n’en a pas mémoire.

Interrogée sur le signe qu’elle bailla à son roi, répondit que sur ce, elle aura conseil de sainte Catherine.

Mardi 13 mars.

Item le mardi suivant, treizième jour dudit mois de mars, nous, évêque susdit, nous rendîmes au lieu de la prison où, à la même heure, comparut vénérable et discrète personne frère Jean Le Maistre, assisté de vénérables et discrètes personnes seigneurs et maîtres nommés plus haut : Jean de La Fontaine, Nicolas Midi et Gérard Feuillet, et en présence de Nicolas de Hubent et d’Ysambard de La Pierre, de l’ordre des frères Prêcheurs. Ledit frère Jean Le Maistre, vu les lettres à lui adressées par le seigneur inquisiteur et les autres choses à considérer en cette matière, s’est adjoint au dit procès, prêt à procéder avec nous pour la décision ultérieure de l’affaire, comme de droit et de raison. Ce que nous avons exposé charitablement à ladite Jeanne, l’exhortant et l’avertissant, pour le salut de son âme, de dire la vérité dans cette cause sur tout ce qui lui serait demandé. Et alors ledit vicaire du seigneur inquisiteur, voulant procéder plus avant en cette affaire, ordonna maître Jean d’Estivet, chanoine des églises de Bayeux et de Beauvais, pour promoteur de la sainte inquisition ; noble homme John Grey, écuyer de corps du roi notre sire, et John Berwoit pour gardiens de la geôle ; et maître Jean Massieu, prêtre, pour l’exécution des citations et des convocations ; lesquels ci-dessus nommés nous avons députés et ordonnés ailleurs auxdits offices, comme il est contenu plus à plein dans les lettres confirmées par nos sceaux : nos lettres épiscopales sont transcrites 83plus haut, et plus bas on trouvera nos lettres pour le dit vicaire. Et les dits officiers, prêtèrent serment au dit vicaire d’exercer fidèlement leur office.

Suit la teneur des lettres d’institution du promoteur par ledit seigneur vicaire.

À tous ceux qui ces présentes lettres verront, frère Jean Le Maistre, de l’ordre des frères Prêcheurs, vicaire général de révérend père, seigneur et maître Jean Graverent, du même ordre, insigne professeur en théologie sacrée et inquisiteur de la perversité hérétique au royaume de France, spécialement délégué par autorité apostolique, salut en l’auteur et consommateur de la foi, notre Seigneur Jésus-Christ. Comme révérend père en Christ et seigneur, Pierre, par la miséricorde divine évêque de Beauvais, juge ordinaire en cette matière, et jouissant du territoire dans cette ville et dans le diocèse de Rouen, avait invité par ses lettres patentes ledit révérend père seigneur inquisiteur et l’avait sommé et requis en faveur de la foi de se rendre dans cette cité de Rouen, s’il le pouvait commodément, ou qu’il nous daignât commettre à sa place, nous ou un autre bien disposé à cela, pour instruire, avec ledit révérend père, monseigneur l’évêque de Beauvais, la cause de cette femme nommée vulgairement la Pucelle, en matière de foi, évoquée par ledit évêque et entre ses mains. Et ledit révérend père, seigneur inquisiteur, ne pouvant aucunement se rendre en cette ville de Rouen, nous a confié ses pouvoirs concernant cette affaire par ses lettres, ainsi que ces choses et d’autres sont contenues dans les lettres du dit seigneur inquisiteur, renfermant aussi la teneur des lettres de sommation et de réquisition dudit seigneur évêque, ainsi que notre commission ; et ces lettres de notre commission, datées du quatrième jour du mois de mars, l’an 1431, sont signées du sceau du seigneur inquisiteur et du seing manuel de vénérable personne, maître Nicolas Ogier, prêtre, notaire public. C’est pourquoi nous, désirant et souhaitant humblement remplir de toutes nos forces la commission dudit inquisiteur pour la louange de Dieu et l’exaltation de la foi orthodoxe, comme nous sommes tenu de le faire, et de tout notre pouvoir, avant pris le conseil et les avis dudit seigneur évêque et de plusieurs autres personnes savantes, tant en théologie sacrée qu’en droit canon et civil, nous publions que pour mener à fin cette affaire, il y a lieu de constituer et d’ordonner un promoteur des causes de l’office de la sainte inquisition, des notaires et un exécuteur de nos mandements, bienveillant et notable. C’est pourquoi, 84en conséquence de l’autorité apostolique et dudit révérend père monseigneur l’inquisiteur dont nous jouissons en ce qui concerne cette affaire, ayant pleine confiance en Notre Seigneur et dûment informé de la probité, du zèle, de la suffisance et capacité de la personne de vénérable et discret maître Jean d’Estivet, prêtre, chanoine des églises de Bayeux et de Beauvais et promoteur des causes d’office dudit seigneur évêque en cette partie, nous avons fait, constitué, créé, nommé, ordonné, député, 16et nous faisons, constituons, créons, nommons, ordonnons et députons ledit maître Jean notre promoteur ou procureur général, pour conduire cette cause et matière généralement et spécialement ; et nous donnons audit promoteur et notre procureur général, par la teneur des présentes, licence, faculté et autorité d’ester et comparaître en jugement et ailleurs contre ladite Jeanne ; de se faire partie, de donner, bailler, administrer, produire et exhiber articles, interrogatoires, témoignages, lettres, instruments, et tous autres genres de preuves, d’accuser et dénoncer cette Jeanne, de faire et de requérir qu’elle soit examinée et interrogée, de conclure dans la cause, et de faire promouvoir, procurer, conduire, exercer, tous et chacun des actes qui sont reconnus concerner l’office de promoteur et procureur, suivant le droit et la coutume. C’est pourquoi, à tous et à chacun en ce qui le concerne, nous mandons obéissance, soumission, bonne volonté, envers ledit maître Jean dans l’exercice de son office, et qu’on lui prête secours, conseil et aide. En témoignage de quoi nous avons ordonné d’apposer notre sceau à ces présentes lettres.

Item suit la teneur de la lettre par laquelle ledit vicaire de l’inquisiteur a constitué Jean Massieu, prêtre, comme exécuteur des convocations et des citations à faire dans la cause.

À tous ceux qui ces présentes lettres verront, frère Jean Le Maistre, de l’ordre des frères Prêcheurs, etc… Nous, ayant pleine confiance dans le Seigneur, et dûment informé de la probité, du zèle, de la suffisance et de la capacité de discrète personne maître Jean Massieu, prêtre, doyen de la chrétienté de Rouen, commis et député pour exécuteur en cette cause des mandements dudit seigneur l’évêque, nous l’avons constitué, retenu et ordonné exécuteur des mandements et convocations à faire de notre part en cette matière ; et nous lui avons concédé et concédons par ces présentes toute licence sur ce. En témoignage de quoi nous avons fait apposer notre sceau à ces présentes lettres. Donné et fait à Rouen l’an du Seigneur 1431, le mardi treizième jour de mars. Ainsi signé : Boisguillaume. Manchon.

Suite de la séance

85Cela fait, comme il a été dit au lieu ci-dessus désigné, nous, évêque susdit, et frère Jean Le Maistre, vicaire de l’inquisiteur, nous avons par la suite et d’un commun accord procédé à interroger et faire interroger ladite Jeanne, comme il avait été commencé auparavant.

Et premièrement sur notre ordre, Jeanne fut interrogée sur le signe qu’elle bailla à son roi : à quoi elle répondit :

— Seriez-vous contents que je me parjurasse ?

Item interrogée si elle avait juré et promis à sainte Catherine de ne pas dire ce signe, répondit :

— J’ai juré et promis de ne pas dire ce signe, et de moi-même, pour ce qu’on me chargeait trop de le dire.

Et alors se dit à elle-même :

— Je promets que je n’en parlerai plus à aucun homme.

Item dit que le signe ce fut que l’ange confirmait son roi, en lui apportant la couronne, et en lui disant qu’il aurait tout le royaume de France entièrement à l’aide de Dieu, et cela au moyen du labeur de ladite Jeanne ; et qu’il la mit en besogne, c’est assavoir qu’il lui baillât des gens d’armes, autrement il ne serait pas de si tôt couronné et sacré.

Interrogée si depuis hier ladite Jeanne apparié à sainte Catherine, répondit que depuis elle l’a ouïe ; et toutefois lui a dit plusieurs fois qu’elle répondît hardiment aux juges sur ce qu’ils lui demanderont touchant son procès.

Interrogée en quelle manière l’ange apporta la couronne et s’il la mit sur la tête de son roi, répondit :

— Elle fut baillée à un archevêque, c’est assavoir celui de Reims, comme il lui semble, en la présence du roi ; et ledit archevêque la reçut et la bailla au roi ; et elle-même était présente ; et fut mise cette couronne au trésor de son roi.

Interrogée en quel lieu elle fut apportée, répondit :

— Ce fut en la chambre du roi au château de Chinon.

Interrogée du jour et de l’heure, répondit :

— Du jour, je ne sais ; et de l’heure, il était haute heure. Autrement n’a mémoire de l’heure. Et ce fut au mois d’avril ou de mars, comme il lui 86semble. Au mois d’avril prochain ou en ce présent mois, il y aura deux ans passés ; et c’était après Pâques309.

Interrogée si, la première journée qu’elle vit le signe, son roi le vit, répondit que oui et qu’il l’eut lui-même.

Interrogée de quelle matière était ladite couronne, répondit :

— C’est bon à savoir qu’elle était d’or fin ; et était si riche et opulente que je ne saurais en dénombrer et apprécier les richesses : et signifiait la couronne que son roi tiendrait le royaume de France.

Interrogée s’il y avait pierreries, répondit :

— Je vous ai dit ce que j’en sais.

Interrogée si elle la mania ou baisa, répondit que non.

Interrogée si l’ange qui apporta cette couronne venait de haut, ou s’il venait par terre, répondit :

— Il vint de haut.

Et entend qu’il venait par le commandement de Notre Seigneur ; et entra par l’huis de la chambre310.

Interrogée si l’ange qui apporta la couronne venait par terre [et allait depuis l’huis de là chambre]311, répondit que, quand il vint devant le roi, il fit révérence au roi en s’inclinant devant lui, et prononçant les paroles qu’elle a dites du signe ; et, avec ce, l’ange lui remémorait la belle patience qu’il avait eue selon les grandes tribulations qui lui étaient advenues. Et depuis l’huis l’ange marchait et allait sur la terre en venant au roi.

Interrogée quel espace il y avait de l’huis jusqu’au roi répondit, à ce qu’elle pense, qu’il y avait bien l’espace de la longueur d’une lance ; et, par où ledit ange était venu, s’en retourna.

Item dit que, quand l’ange vint, elle l’accompagna et alla avec lui par les degrés à la chambre du roi ; et entra l’ange le premier, et puis elle-même. Et elle dit au roi : Sire, voilà votre signe, prenez-le.

Interrogée en quel lieu l’ange lui apparut, répondit :

— J’étais presque toujours en prière, afin que Dieu envoyât le signe du roi, et j’étais dans mon logis, qui est chez une bonne femme près du château de Chinon, quand l’ange vint. Et puis nous en allâmes ensemble vers le roi, lui et moi. Et l’ange était bien accompagné 87d’autres anges avec lui, que chacun ne voyait pas. Et dit en outre, ce n’eût été pour l’amour d’elle, et pour l’ôter hors de la peine des gens qui l’arguaient, elle croit bien que plusieurs gens qui virent l’ange dessus dit ne l’eussent pas vu.

Interrogée si tous ceux qui étaient là avec le roi virent l’ange, répondit qu’elle pense que l’archevêque de Reims, les seigneurs d’Alençon et de la Trémoïlle et Charles de Bourbon le virent. Quant à la couronne, plusieurs gens d’Église et autres la virent, qui ne virent pas l’ange.

Interrogée de quelle figure et de quelle grandeur était cet ange, répondît qu’elle n’a point congé de le dire ; et demain en répondra.

Interrogée si tous les anges qui étaient en la compagnie de l’ange susdit étaient tous d’une même figure, répondit que certains se ressemblaient assez entre eux et les autres non, en la manière qu’elle les voyait ; certains avaient des ailes, et il y en avait de couronnés, et les autres non ; et étaient en leur compagnie saintes Catherine et Marguerite qui furent avec l’ange dessus dit et les autres anges aussi jusque dedans la chambre du roi.

Interrogée comment cet ange la quitta, répondit :

— Il se départit de moi dans une petite chapelle312 ; et je fus bien courroucée de son départ et pleurai ; et m’en fusse volontiers allée avec lui, c’est assavoir mon âme.

Interrogée si, au départ de l’ange, elle demeura joyeuse, [effrayée ou en grand peur]313, répondit :

— Il ne me laissa apeurée ni effrayée ; mais j’étais courroucée de son départ.

Interrogée si ce fut pour son mérite que Dieu lui envoya son ange, répondit qu’il venait pour une grande chose ; et fût en espérance que le roi crût au signe, et qu’on la laissât sans l’arguer, et pour donner secours aux gens d’Orléans, et aussi pour les mérites du roi et du bon duc d’Orléans.

Interrogée pourquoi elle l’eut plutôt qu’une autre, répondit :

— Il plut à Dieu ainsi faire par une simple pucelle pour bouter hors les adversaires du roi !

Interrogée s’il lui a été dit où l’ange avait pris cette couronne, 88répondit qu’elle a été apportée de par Dieu et qu’il n’y a orfèvre au monde qui la sût faire si belle ou si riche ; et où l’ange la prit, elle s’en rapporte à Dieu, et ne sait point autrement où elle fut prise.

Interrogée si cette couronne ne fleurait pas bon et n’avait point bonne odeur, et si elle n’était point reluisante, répondit qu’elle n’a point mémoire de cela, et s’en avisera. Et après dit :

— Elle sent bon et sentira ; mais qu’elle soit bien gardée, ainsi qu’il appartient !

Et était en manière de couronne.

Interrogée si l’ange ne lui avait point écrit de lettres, répondit que non.

Interrogée quel signe eurent le roi et les gens qui étaient avec lui, et elle-même, de croire que c’était un ange qui apporta cette couronne, répondit que le roi le crut bien par l’enseignement des gens d’Église qui étaient là, et par le signe de la couronne.

Interrogée comment les gens d’Église surent que c’était un ange, répondit :

— Par leur science, et parce qu’ils étaient clercs.

Interrogée d’un prêtre concubinaire, etc., et d’une tasse perdue qu’elle avait indiqués, à ce qu’on dit, répondit :

— De tout cela je ne sais rien, ni onques n’en ouïs parler.

Interrogée quand elle alla devant Paris, si elle eut révélation de ses voix d’y aller, répondit que non, mais y alla à la requête des gentils hommes qui voulaient faire une escarmouche ou une vaillance d’armes : et avait bien l’intention d’aller outre et de passer les fossés de Paris314.

Interrogée si elle n’eut point révélation d’aller devant La Charité, répondit que non ; mais [y alla] à la requête des gens d’armes, comme autrefois elle a dit.

Interrogée si elle n’eut point révélation d’aller au Pont-l’Évêque315, répondit que, depuis qu’elle eut révélation à Melun316 qu’elle serait prise, elle s’en rapporta le plus souvent à la volonté des capitaines au fait de la guerre ; et toutefois ne leur disait point qu’elle avait révélation d’être prise.

Interrogée si ce fut bien fait, au jour de la Nativité de Notre Dame, puisque c’était fête, d’aller assaillir Paris, répondit :

— C’est 89bien fait de garder les fêtes de Notre Dame.

Et en sa conscience lui semblait que c’était [et serait] bien fait de garder les fêtes de Notre Dame d’un bout jusqu’à l’autre.

Interrogée si elle n’a pas dit devant la ville de Paris : Rendez la ville de par Jésus, répondit que non ; mais dit : Rendez-la au roi de France !

Mercredi 14 mars.

Item, le mercredi suivant, quatorzième jour du mois de mars, nous, frère Jean Le Maistre susnommé, vicaire du seigneur inquisiteur, confiant dans l’industrie et la probité de vénérable et discrète personne maître Nicolas Taquel317, prêtre du diocèse de Rouen, notaire public par autorité impériale, et notaire juré de la cour archiépiscopale de Rouen, et ayant pleine confiance en Notre-Seigneur, l’avons retenu, élu et ordonné comme notaire et scribe dans cette cause, ainsi qu’il est plus longuement contenu dans nos lettres patentes, scellées de notre scel, et qui portent les seings manuels de notre notaire public, dont la teneur est transcrite ci-dessous. Ensuite, le jour suivant, ledit maître Nicolas prêta serment devant nous dans la prison de ladite Jeanne, où nous nous étions rendus et où nous l’avions requis d’exercer fidèlement son office, en présence de maître Jean de La Fontaine, de Nicolas Midi, de Gérard Feuillet et de plusieurs autres.

S’ensuit la teneur des lettres d’établissement dudit notaire.

À tous ceux qui ces présentes lettres verront, frère Jean Le Maistre, de l’ordre des frères Prêcheurs, etc., portant pleine confiance en la probité, le zèle, la capacité et l’aptitude de discrète personne, maître Nicolas Taquel, prêtre du diocèse de Rouen, et ayant pleine confiance en Notre Seigneur, nous avons retenu, élu et nommé ledit maître Nicolas, notre notaire juré, et celui dudit seigneur inquisiteur ; et nous le retenons, élisons et nommons pour notre notaire et scribe dans la matière et cause dessus dite, lui donnant licence, faculté et autorité de se rendre auprès de ladite Jeanne, et aux autres lieux, partout et autant de fois qu’elle y sera ; de l’interroger, 90ou d’entendre les interrogatoires, de faire prêter serment aux témoins à produire dans cette affaire, d’examiner les confessions et dits de ladite Jeanne et des autres témoins, de recueillir les opinions des docteurs et des maîtres énoncées verbalement, et de nous les rapporter par écrit ; de mettre par écrit tous et chacun des actes faits et à faire en cette matière ; de mettre en forme que tout le procès et de le rédiger par écrit, et faire tout ce qui appartient de droit à l’office de notaire, partout et chaque fois que ce sera opportun. En témoin de quoi nous avons fait mettre notre sceau à ces présentes lettres. Donné et fait à Rouen, l’an du Seigneur 1431, le quatorzième jour de mars. Ainsi signé : Boisguillaume. G. Manchon.

Ce même jour dans la prison [14 mars].

Item, le même jour, en présence de maître Jean de La Fontaine, commissaire député par nous évêque susdit, et de nous, frère Jean Le Maistre susnommé, dans la prison de ladite Jeanne au château de Rouen ; et en présence des assesseurs, vénérables et discrètes personnes seigneurs et maîtres Nicolas Midi et Gérard Feuillet, docteurs en théologie ; et aussi de Nicolas de Hubent, notaire apostolique, et de frère Ysambard de La Pierre, témoins, Jeanne fut interrogée.

Et premièrement quelle fut la cause pourquoi elle sauta de la tour de Beaurevoir. Répondit qu’elle avait ouï dire que ceux de Compiègne, tous jusqu’à l’âge de sept ans, devaient être mis à feu et à sang, et qu’elle aimait mieux mourir que de vivre après une telle destruction de bonnes gens ; et ce fut l’une des causes de son saut. L’autre fut qu’elle sut qu’elle était vendue aux Anglais, et qu’elle eût préféré mourir que d’être en la main des Anglais, ses adversaires.

Interrogée si ce saut fut fait du conseil de ses voix, répondit que sainte Catherine lui disait presque tous les jours qu’elle ne sautât point et que Dieu l’aiderait, et aussi ceux de Compiègne. Et ladite Jeanne dit à sainte Catherine que puisque Dieu aiderait ceux de Compiègne, elle voulait y être. Et sainte Catherine lui dit : Sans faute, il faut que le preniez en gré ; et vous ne serez point délivrée tant que n’aurez vu le roi des Anglais. Et ladite Jeanne répondit : 91Vraiment, je ne le voudrais point voir, et j’aimerais mieux mourir que d’être mise en la main des Anglais !

Interrogée si elle avait dit à sainte Catherine et à sainte Marguerite : Dieu laissera-t-il mourir si mauvaisement ces bonnes gens de Compiègne, etc., ?, répondit qu’elle n’a point dit si mauvaisement ; mais leur dit en cette manière : Comment Dieu laissera-t-il mourir ces bonnes gens de Compiègne qui ont été et sont si loyaux à leur seigneur !

Item dit, qu’après qu’elle fut chue de la tour, elle fut deux ou trois jours sans vouloir manger ; et aussi de ce saut fut meurtrie tellement qu’elle ne pouvait ni boire ni manger ; et toutefois fut réconfortée par sainte Catherine qui lui dit qu’elle se confessât et requît pardon à Dieu de ce qu’elle avait sauté ; et que sans faute ceux de Compiègne auraient secours avant la Saint-Martin d’hiver. Et alors elle se prit à revenir à elle et commença de manger ; et tôt après fut guérie.

Interrogée si, quand elle sauta, elle pensait se tuer, répondit que non ; mais en sautant se recommanda à Dieu ; et croyait au moyen de ce saut s’échapper [et évader]318, et n’être pas livrée aux Anglais.

Interrogée si, quand la parole lui revint, elle renia [et maugréa]319 Dieu, et ses saints, comme on le trouve marqué dans l’information, répondit qu’elle n’a point mémoire [ni souvenance] qu’elle renia onques Dieu ou ses saints ou ses saintes ; et qu’elle ne maugréa, en ce lieu ni ailleurs. [Et ne s’en est point confessée, car elle n’en a point mémoire qu’elle l’ait dit ou fait320.]

Interrogée si elle veut s’en rapporter à l’information faite ou à faire, répondit :

— Je m’en rapporte à Dieu et non à autre, et à bonne confession.

Interrogée, si ses voix lui demandent délai pour répondre, dit que sainte Catherine lui répond quelquefois ; et parfois ladite Jeanne manque à l’entendre à cause du bruit des prisons et des noises de ses gardes. Et quand elle fait requête à sainte Catherine, alors sainte Catherine et sainte Marguerite font requête à Notre Seigneur ; et puis, du commandement de Notre Seigneur, elles donnent réponse à ladite Jeanne.

92Interrogée si, quand ces saintes lui viennent, il y a lumière avec elles et si elle ne vit point de lumière la fois où elle ouït la voix dans ce château, et ne savait si elle était dans sa chambre, répondit qu’il n’est jour qu’elles ne viennent dans ce château ; et certes elles ne viennent pas sans lumière. Et cette fois, elle ouït la voix ; mais n’a point mémoire si elle vit la lumière, ni si elle vit aussi sainte Catherine.

Item dit qu’elle a demandé à ses voix trois choses : l’une fut son expédition ; l’autre que Dieu aidât les Français et gardât bien les villes de leur obéissance ; et la troisième, le salut de son âme.

Item requit, s’il arrive qu’elle soit menée à Paris, qu’elle ait le double de ses interrogatoires et réponses, afin qu’elle les baille à ceux de Paris et puisse leur dire : Voici comment j’ai été interrogée à Rouen, et mes réponses ; et qu’elle ne soit plus travaillée de tant de demandes.

Et, puisqu’elle avait dit que nous, évêque susdit, nous nous mettions en grand danger de la mettre en cause, elle fut interrogée sur ce que cela voulait dire, et en quel péril et danger nous nous mettions, tant nous que les autres ; répondit qu’elle avait dit à nous, évêque : Vous dites que vous êtes mon juge ; je ne sais si vous l’êtes : mais avisez vous bien que ne me jugiez mal, car vous vous mettriez en grand danger. Et vous en avertis afin que, si Notre Seigneur vous en châtie, moi j’aie fait mon devoir de vous le dire.

Interrogée quel est ce péril et danger, répondit que sainte Catherine lui a dit qu’elle aurait secours ; et elle ne sait si ce sera d’être délivrée de la prison, ou, quand elle serait en jugement, s’il ne surviendrait pas quelque trouble au moyen duquel elle pourrait être délivrée. Et pense que ce sera l’un ou l’autre. Et, le plus souvent, ses voix lui disent qu’elle sera délivrée par grande victoire ; et après ses voix lui disent encore : Prends tout en gré, ne te chaille de ton martyre ; tu t’en viendras enfin au royaume de Paradis. Cela ses voix le lui dirent, simplement et absolument, c’est assavoir sans faillir. Et elle appelle cela martyre pour la peine et 93adversité qu’elle souffre en prison ; et ne sait si plus grande peine souffrira ; mais s’en attend à Notre Seigneur.

Interrogée si, depuis que ses voix lui ont dit qu’elle ira finalement au royaume de Paradis, elle se tient assurée d’être sauvée, et qu’elle ne sera point damnée en enfer, répondit qu’elle croit fermement que ses voix lui ont dit qu’elle sera sauvée, aussi fermement que si elle y était déjà.

[Et quand on lui eut dit que cette réponse était de grand poids : Aussi, répondit-elle, je la tiens pour un grand trésor321.]

Interrogée si, après cette révélation, elle croit qu’elle ne puisse faire péché mortel, répondit :

— Je n’en sais rien ; mais m’en attends à Notre Seigneur du tout.

Même jour, mercredi après midi [14 mars].

Item, ce même jour, mercredi après midi, comparurent au lieu susdit vénérables et discrètes personnes les seigneurs et maîtres susnommés, Jean de La Fontaine, commis par nous évêque susdit et par Jean Le Maistre, vicaire du seigneur inquisiteur, les assesseurs Nicolas Midi et Gérard Feuillet, docteurs en théologie, en présence aussi de frère Ysambard de La Pierre et de Jean Manchon322.

Et ladite Jeanne dit en premier, au sujet de l’article immédiatement précédent relatif à la certitude qu’elle avait d’être sauvée, sur lequel on l’avait interrogée le matin, qu’elle entendait dire ainsi : pourvu quelle tienne le serment et promesse qu’elle a faits à Notre Seigneur, c’est assavoir qu’elle gardât bien sa virginité, et de corps et d’âme.

Interrogée si elle a besoin de se confesser puisqu’elle croit, à la relation de ses voix, qu’elle sera sauvée, répondit qu’elle ne sait point qu’elle ait péché mortellement ; mais si elle était en péché mortel, elle pense que sainte Catherine et sainte Marguerite la délaisseraient bientôt. Et croit, en répondant à l’article précédent, qu’on ne saurait trop nettoyer sa conscience.

94Interrogée si, depuis qu’elle est en cette prison, elle n’a point renié ni maudit Dieu, répondit que non ; et parfois, quand elle dit : Bon gré Dieu, ou Saint Jehan, ou Nostre Dame323, ceux qui peuvent avoir rapporté ses paroles ont mal entendu.

Interrogée si ce n’est pas péché mortel de prendre un homme à rançon et de le faire mourir prisonnier, répondit qu’elle ne l’a point fait.

Et, comme on lui parlait d’un nommé Franquet d’Arras324, que l’on fit mourir à Lagny, répondit qu’elle fut consentante à le faire mourir, s’il l’avait mérité, et pour ce qu’il confessa être meurtrier, larron et traître. Et dit que son procès dura quinze jours ; et en furent juges le bailli de Senlis et les gens de la justice de Lagny. Et dit qu’elle requérait d’avoir Franquet pour avoir un homme de Paris, le seigneur de l’Ours325 ; et quand elle sut que ce seigneur était mort, et que le bailli lui eut dit qu’elle voulait faire grand tort à la justice en délivrant ce Franquet, elle dit alors au bailli : Puisque mon homme est mort, que je voulais avoir, faites de celui-là ce que devrez faire par justice !

Interrogée si elle bailla de l’argent ou fit bailler à celui qui avait pris ledit Franquet, répondit qu’elle n’est pas monnayeur ou trésorier de France pour bailler argent.

Et quand on lui a rappelé qu’elle avait assailli Paris un jour de fête ; qu’elle avait eu le cheval de monseigneur l’évêque de Senlis ; qu’elle s’était laissé choir de la tour de Beaurevoir ; qu’elle portait habit d’homme ; qu’elle était consentante à la mort de Franquet d’Arras ; on lui demanda si en cela elle ne croyait pas avoir fait péché mortel : répondit premièrement sur l’assaut de Paris :

— Je ne crois pas être en péché mortel ; et si je l’ai fait, c’est à Dieu d’en connaître, et en confession au prêtre.

Secondement, au sujet du cheval [de monseigneur de Senlis] répondit qu’elle croit fermement qu’elle n’en a point de péché mortel envers Notre Sire ; car ce cheval fut estimé 200 saints d’or dont ledit évêque eut assignation ; et toutefois ce cheval fut renvoyé au seigneur de La Trémoïlle pour le rendre à monseigneur 95l’évêque de Senlis ; et ne valait rien ledit cheval à chevaucher pour elle. Et dit qu’elle ne l’ôta pas à l’évêque ; et dit en outre que, d’autre part, elle n’était point contente de le retenir pour ce qu’elle ouït que l’évêque était mal content qu’on avait pris son cheval, et aussi qu’il ne valait rien pour des gens d’armes. Et, en conclusion, ladite Jeanne ne sait si ledit évêque fut payé de l’assignation qui lui fut faite, ni s’il eut restitution de son cheval ; et pense que non.

Troisièmement, au sujet de la tour de Beaurevoir, répondit :

— Je le faisais, non pas en espérance de moi désespérer, mais en espérance de sauver mon corps et d’aller secourir plusieurs bonnes gens qui étaient en nécessité. Et après le saut m’en suis confessée, et en ai demandé pardon à Notre Seigneur.

Et en a pardon de Notre Seigneur, et croit que ce n’était pas bien fait de faire ce saut, mais fut mal fait. Item dit qu’elle sait qu’elle en a eu pardon par la relation de sainte Catherine, après qu’elle s’en fût confessée ; et que du conseil de sainte Catherine elle s’en confessa.

Interrogée si elle en eut grande pénitence, dit qu’elle en porta une grande partie du mal qu’elle se fit en tombant.

Interrogée si, ce méfait qu’elle fit de sauter, elle croit que c’est péché mortel, répondit :

— Je n’en sais rien, mais m’en attends à Notre Seigneur.

Quatrièmement, sur ce qu’elle porte habit d’homme, répondit :

— Puisque je le fais par le commandement de Notre Sire, et en son service, je ne crois point mal faire ; et quand Il lui plaira de le commander, il sera aussitôt mis bas.

Jeudi 15 mars.

Item, le jeudi suivant, quinzième jour dudit mois de mars, le matin, au lieu susdit de la prison de Jeanne, présidents lesdits maître Jean de La Fontaine, député commissaire par nous, évêque, nous-même et frère Jean Le Maistre, vicaire de l’inquisiteur, assistés de vénérables personnes seigneurs et maîtres Nicolas Midi et Gérard Feuillet, docteur en théologie sacrée, et en présence de 96Nicolas de Hubent, notaire apostolique et de frère Ysambard de La Pierre.

Ladite Jeanne fut admonestée et requise par charitables exhortations de vouloir bien s’en rapporter à la détermination de notre sainte mère l’Église, ainsi qu’elle le doit, au cas où elle a fait quelque chose contre notre foi. Répondit que ses réponses soient vues et examinées par les clercs, et après qu’on lui dise s’il y a quelque chose qui soit contre la foi chrétienne : elle saura bien dire par son conseil ce qu’il en sera ; et puis en dira ce qu’en aura trouvé par son conseil. Et toutefois, s’il y avait quelque mal contre la foi chrétienne que Notre Sire a commandée, elle ne voudrait le soutenir, et serait bien courroucée d’aller à l’encontre.

Item lui fut déclarée la distinction qu’il y a entre l’Église triomphante et l’Église militante, et ce que c’était de l’une et de l’autre, et fut requise présentement de se soumettre à la détermination de l’Église, en ce qu’elle a fait ou dit, soit bien soit mal. Répondit :

— Je ne vous répondrai autre chose pour le présent.

Item ladite Jeanne fut requise et interrogée, sous le serment qu’elle avait prêté, de dire comment elle pensa s’échapper du château de Beaulieu326, entre deux pièces de bois : répondit que jamais ne fut prisonnière en aucun lieu qu’elle ne s’échappât volontiers ; et, étant dans ce château, elle aurait enfermé ses gardes dans la tour, n’eût été le portier qui la vit et la rencontra. Item dit, qu’à ce qui lui semble, il ne plaisait pas à Dieu qu’elle s’échappât cette fois et qu’il fallait qu’elle vît le roi des Anglais, comme ses voix le lui avaient dit, et comme dessus est écrit.

Interrogée si elle avait congé de Dieu ou de ses voix de partir des prisons, toutes les fois qu’il lui plairait, répondit :

— Je l’ai demandé plusieurs fois, mais je ne l’ai pas encore.

Interrogée si présentement elle partirait si elle voyait son point327 de partir, répondit que si elle voyait l’huis ouvert, elle s’en irait ; et ce lui serait le congé de Notre Seigneur. Et croit fermement que, si elle voyait l’huis ouvert, et que ses gardes et les autres Anglais n’y sussent résister, elle entendrait que ce serait le congé, et que 97Notre Seigneur lui enverrait secours ; mais, sans congé, elle ne s’en irait pas, si ce n’était en faisant une entreprise [pour s’en aller] pour savoir si Notre Seigneur en serait content, alléguant ce proverbe : Aide-toi, Dieu t’aidera. Et dit cela pour que, si elle s’en allait, on ne dise pas qu’elle s’en est allée sans congé.

Interrogée, puisqu’elle demande à ouïr la messe, s’il ne lui semble pas que ce serait plus honnête qu’elle fût en habit de femme ; et pour ce, on l’interrogea sur ce qu’elle aimerait mieux, prendre habit de femme et ouïr la messe ou demeurer en habit d’homme et ne pas ouïr la messe, répondit :

— Certifiez-moi que j’ouïrai messe si je suis en habit de femme et sur ce je vous répondrai.

Sur quoi l’interrogateur lui dit :

— Et je vous certifie que vous ouïrez la messe si vous êtes en habit de femme.

Elle répondit :

— Et que dites-vous si j’ai juré et promis à notre roi de ne pas abandonner cet habit ? Toutefois je vous réponds : faites-moi faire une robe longue jusqu’à terre, sans queue328, et baillez-la-moi pour aller à la messe ; et puis, au retour, je reprendrai l’habit que j’ai.

Interrogée si elle prendrait une fois pour toutes l’habit de femme pour aller ouïr la messe, répondit :

— Je me conseillerai sur ce, et puis vous répondrai.

En outre elle requit, en l’honneur de Dieu et de Notre Dame, qu’elle puisse ouïr la messe en cette bonne ville.

Sur quoi il lui fut dit par l’interrogateur qu’elle prît habit de femme, purement et simplement. Et elle répondit :

— Baillez-moi habit comme à une fille de bourgeois, c’est assavoir houppelande longue329, et je le prendrai [et même le chaperon330 de femme331] pour aller ouïr messe.

En outre dit, le plus instamment qu’elle put, qu’elle requérait qu’on lui permît d’ouïr la messe dans l’habit qu’elle portait, sans le changer.

Interrogée si, sur ce qu’elle a dit et fait, elle veut se soumettre et s’en rapporter à la détermination de l’Église, répondit :

— Tous mes dits et tous mes faits sont en la main de Dieu, et m’en attends à Lui. Et vous certifie que je ne voudrais rien faire ou dire contre la foi chrétienne ; et si j’avais rien dit ou fait, ou qu’il fût sur mon corps quelque chose que les clercs sussent dire 98être contre la foi chrétienne que Notre Seigneur a établie, je ne le voudrais soutenir, mais le bouterais hors !

Interrogée si en cela elle ne voulait point se soumettre à l’ordonnance de l’Église, répondit :

— Je ne vous en répondrai maintenant autre chose ; mais samedi envoyez-moi le clerc332, si ne voulez venir, et je lui répondrai sur ce, avec l’aide de Dieu, et sera mis en écrit.

Interrogée si, quand viennent ses voix, elle leur fait révérence absolument, comme à un saint ou à une sainte, répondit que oui. Et si parfois elle ne l’a fait, leur en a crié [merci et] pardon depuis. Et ne leur sait faire si grande révérence comme il appartient ; car elle croit que ce sont saintes Catherine et Marguerite. Et dit semblablement en ce qui concerne saint Michel.

Interrogée, puisqu’aux saintes de Paradis on fait volontiers offrande de chandelles, si aux saints et saintes qui viennent à elle, elle n’a point fait offrande de chandelles ardentes, ou d’autres choses, à l’église ou ailleurs, ou fait dire des messes, répondit que non, si ce n’est à l’offrande, à la messe, en la main du prêtre, et en l’honneur de sainte Catherine. Et croit que c’est l’une de celles qui lui apparaissent ; et n’a point tant allumé de chandelles, comme elle ferait volontiers pour sainte Catherine et sainte Marguerite qui sont en Paradis ; et croit fermement que ce sont celles qui viennent à elle.

Interrogée si, quand elle met des chandelles devant l’image de sainte Catherine, elle met ces chandelles en l’honneur de celle qui lui apparaît, répondit :

— Je le fais en l’honneur de Dieu, de Notre Dame, de sainte Catherine qui est au ciel ; et ne fais point de différence entre sainte Catherine qui est au ciel et celle qui m’apparaît.

Interrogée si elle a toujours fait ou accompli ce que ses voix lui commandent, répondit que, de tout son pouvoir, elle accomplit le commandement que Notre Seigneur lui fait par ses voix, et de ce qu’elle en sait entendre. Et ne lui commandent rien sans le bon plaisir de Notre Seigneur.

Interrogée si, au fait de la guerre, elle n’a rien fait sans le congé de ses voix, répondit :

— Vous avez réponse de moi sur cela. Lisez 99bien votre livre333 et vous la trouverez.

Et toutefois dit qu’à la requête des gens d’armes fut faite une vaillance d’armes devant Paris, et aussi alla devant La Charité à la requête de son roi. Et ce ne fut ni contre ni par le commandement de ses voix.

Interrogée si onques ne fit quelque chose contre leur commandement et volonté, répondit que ce qu’elle a pu et su faire, elle l’a [fait et] accompli à son pouvoir. Et quant au saut du donjon de Beaurevoir, qu’elle fit contre leur commandement, elle ne s’en put tenir ; et quand ses voix virent sa nécessité, et qu’elle ne savait ni ne pouvait s’en tenir, elles portèrent secours à sa vie et la gardèrent de se tuer. Et dit en outre que, quelque chose qu’elle fît onques en ses grandes affaires, elles l’ont toujours secourue ; et c’est signe que ce sont de bons esprits.

Interrogée si elle n’a point d’autre signe que ce soient de bons esprits, répondit :

— Saint Michel me le certifia avant que les voix me vinssent.

Interrogée comment elle reconnut que c’était saint Michel, répondit :

— Par le parler et langage des anges !

Et croit fermement que c’étaient des anges.

Interrogée comment elle reconnut qu’ils étaient des anges334, répondit qu’elle le crut assez vite et eut cette volonté de le croire. Et dit en outre que saint Michel, quand il vint à elle, lui dit que sainte Catherine et sainte Marguerite viendraient à elle, et qu’elle agît suivant leur conseil, et qu’elles étaient ordonnées pour la conduire et conseiller en ce qu’elle avait à faire ; et qu’elle les crût en ce qu’elles lui diraient, et que c’était par le commandement de Notre Seigneur.

Interrogée, si l’Ennemi (le diable) se mettait en forme et figure d’ange, comment elle reconnaîtrait qu’il fût bon ou mauvais ange, répondit qu’elle reconnaîtrait bien si c’était saint Michel ou chose contrefaite à sa ressemblance.

Item dit que, la première fois, elle eut grand doute si c’était saint Michel ; et cette première fois eut grand peur ; et le vit maintes fois avant qu’elle sût que c’était saint Michel.

Interrogée comment elle connut cette fois que c’était saint Michel 100plutôt que la première fois où il lui était apparu, répondit que la première fois elle était jeune enfant et eut peur ; depuis saint Michel lui enseigna et montra tant de choses qu’elle crut fermement que c’était lui.

Interrogée quelle doctrine il lui enseigna, répondit que, sur toutes choses, il lui disait qu’elle fût bonne enfant et que Dieu l’aiderait ; et, entre autres choses, lui dit qu’elle viendrait au secours du roi de France. Et une grande partie de ce que l’ange lui enseigna est dans ce livre335. Et lui racontait l’ange la pitié qui était au royaume de France.

Interrogée de la grandeur et stature de cet ange, dit que samedi elle en répondra avec l’autre chose dont elle doit répondre, assavoir ce qu’il en plaira à Dieu.

Interrogée si elle croit que ce n’est point grand péché de courroucer sainte Catherine et sainte Marguerite qui lui apparaissent, et d’agir contre leur commandement, répondit que oui, et le sait amender ; et que le plus qu’elle les courrouça onques, [à son avis], ce fut du saut de Beaurevoir ; par quoi elle leur en a crié merci, et des autres offenses qu’elle peut avoir faites envers elles.

Interrogée si sainte Catherine et sainte Marguerite ne prendraient pas vengeance corporelle de cette offense, répondit qu’elle ne le sait, et ne leur a point demandé.

Interrogée sur ce qu’elle a dit jadis que, pour dire vérité, parfois on est pendu, et si elle sait en elle quelque crime ou faute par quoi elle pût ou dût mourir, si elle les confessait, répondit que non.

Samedi 17 mars.

Item le samedi suivant, dix-septième jour du mois de mars, maître Jean de La Fontaine commis par nous, évêque, nous-même et Jean Le Maistre, vicaire de l’inquisiteur susnommés, présidant, au dit lieu de la prison de Jeanne ; assistés de vénérables et discrètes personnes les seigneurs et maîtres susnommés Nicolas Midi et Gérard Feuillet, docteurs en théologie ; présents Ysambard de La 101Pierre et Jean Massieu, déjà nommés, ladite Jeanne fut requise de prêter serment et le prêta.

Interrogée ensuite sous quelle forme et espèce, grandeur et habit, saint Michel vint à elle, répondit :

— Il était en la forme d’un très vrai prud’homme.

Et de l’habit et d’autres choses, elle n’en dira pas plus. Quant aux anges, elle les a vus de ses yeux ; et l’on n’aura plus autre chose d’elle sur cela.

Item dit qu’elle croit aussi fermement les dits et les faits de saint Michel, qui lui apparut, comme elle croit que Notre Seigneur Jésus-Christ souffrit mort et passion pour nous. Et ce qui la mut à le croire, c’est le bon conseil, confort et bonne doctrine qu’il lui a faits et donnés.

Interrogée si elle veut s’en remettre, en tous ses dits et faits, soit bien ou mal, à la détermination de notre sainte mère l’Église, répondit que, quant à l’Église, elle l’aime et la voudrait soutenir de tout son pouvoir pour notre foi chrétienne : et ce n’est pas elle qu’on doive empêcher d’aller à l’église ni d’ouïr la messe ! Et quant aux bonnes œuvres qu’elle a faites, et de sa venue, il faut qu’elle s’en attende au Roi du ciel qui l’a envoyée à Charles, fils du roi Charles, qui sera roi de France :

— Et verrez, dit-elle, que les Français gagneront bientôt une grande besogne que Dieu enverra aux Français, et tant qu’il ébranlera presque tout le royaume de France.

Et dit qu’elle le dit afin que, quand ce sera advenu, on ait mémoire qu’elle l’a dit.

Requise de dire le terme de cet événement, répondit :

— Je m’en attends à Notre Seigneur.

Interrogée si elle s’en rapportera [de ses faits et dits] à la détermination de l’Église, répondit :

— Je m’en rapporte à Notre Seigneur, qui m’a envoyée, à Notre Dame, à tous les benoîts saints et saintes de paradis.

Et lui est avis que c’est tout un de Notre Seigneur et de l’Église, et qu’en cela on ne lui doit faire de difficultés.

— Pourquoi faites-vous difficulté que ce soit tout un ?

Alors lui fut dit qu’il y a l’Église triomphante, où sont Dieu, les saints, les anges, et les âmes déjà sauvées ; et aussi que l’Église 102militante, c’est notre Saint Père le pape, vicaire de Dieu sur la terre, les cardinaux, les prélats de l’Église et le clergé, et tous les bons chrétiens et catholiques : laquelle église, bien assemblée, ne peut errer et est gouvernée par le Saint Esprit. C’est pourquoi on l’interrogea si elle voulait s’en rapporter à cette Église militante, c’est assavoir à celle qui est ainsi déclarée. Elle répondit qu’elle était venue au roi de France de par Dieu, de par la Vierge Marie et tous les benoîts saints et saintes du Paradis, de par l’Église victorieuse de là-haut, et de leur commandement ; et à cette Église-là, elle soumet tous ses bons faits, et tout ce qu’elle a fait ou fera. Et quant à répondre qu’elle se soumettra à l’Église militante, dit qu’elle n’en répondra maintenant autre chose.

Interrogée sur ce qu’elle a dit au sujet de cet habit de femme qu’on lui a offert afin qu’elle puisse aller ouïr la messe, répondit que, quant à l’habit de femme, elle ne le prendra pas encore, tant qu’il plaira à Notre Seigneur. Et s’il est ainsi qu’il la faille mener jusqu’en jugement336 [qu’il la faille dévêtir en jugement]337, elle [requiert]338 aux seigneurs de l’Église qu’ils lui donnent la grâce d’avoir une chemise de femme339 et un couvre-chef340 en sa tête ; qu’elle aime mieux mourir plutôt que de révoquer ce que Notre Seigneur lui a fait faire ; qu’elle croit fermement que Dieu ne laissera advenir qu’elle soit mise si bas, et qu’elle n’en ait secours bientôt et par miracle.

Interrogée puisqu’elle dit qu’elle porte habit d’homme par le commandement de Dieu, pourquoi elle demande chemise de femme à l’article de la mort, répondit :

— Il me suffit qu’elle soit longue341.

Interrogée si sa marraine qui a vu les fées est réputée femme sage, répondit qu’elle est tenue et réputée bonne prude femme, non pas devineresse ou sorcière.

Interrogée sur ce qu’elle a dit qu’elle prendrait habit de femme, mais qu’on la laissât s’en aller, si cela plaisait à Dieu, répondit que, si on lui donnait congé de s’en aller en habit de femme, elle se mettrait aussitôt en habit d’homme et ferait ce qui lui est commandé par Notre Seigneur. Et ainsi elle a autrefois répondu ; et pour rien 103elle ne ferait le serment de ne pas s’armer ni mettre en habit d’homme, pour accomplir le plaisir de Notre Seigneur.

Interrogée sur l’âge et les vêtements de sainte Catherine et de sainte Marguerite, répondit :

— Vous avez sur ce la réponse que vous avez eue de moi ; et n’en aurez autre chose ; et je vous en ai répondu tout au plus certain ce que je sais.

Interrogée si elle ne croyait point, avant ce jour, que les fées fussent de mauvais esprits, répondit qu’elle n’en savait rien.

Interrogée comment elle sait que sainte Catherine et sainte Marguerite haïssent les Anglais, répondit :

— Elles aiment ce que Dieu aime, et haïssent ce que Dieu hait.

Interrogée si Dieu hait les Anglais, répondit que de l’amour ou de la haine que Dieu a pour les Anglais, ou de ce que Dieu fera342 à leurs âmes, elle ne sait rien ; mais sait bien qu’ils seront boutés hors de France, excepté ceux qui y mourront ; et que Dieu enverra victoire aux Français, et contre les Anglais.

Interrogée si Dieu était pour les Anglais quand ils étaient en prospérité en France, répondit qu’elle ne sait si Dieu haïssait les Français ; mais croit qu’il voulait permettre de les laisser battre pour leurs péchés, s’ils y étaient343.

Interrogée quel garant et quel secours elle s’attend à avoir de Notre Seigneur du fait qu’elle porte habit d’homme, répondit que tant de l’habit que des autres choses qu’elle a faites, elle n’en a voulu avoir autre loyer que le salut de son âme.

Interrogée quelles armes elle offrit à Saint-Denis, répondit qu’elle offrit un blanc harnois344, entier, [tel qu’il convient] à un homme d’armes, avec cette épée qu’elle gagna devant Paris.

Interrogée à quelle fin elle offrit ces armes, répondit que ce fut par dévotion, ainsi qu’il est accoutumé aux gens d’armes quand ils sont blessés : et pour ce qu’elle avait été blessée devant Paris, elle les offrit à Saint-Denis, puisque c’est le cri de France345.

Interrogée si elle le fit pour qu’on adorât ces armes, répondit que non.

Interrogée à quoi servaient ces cinq croix346 qui étaient en l’épée 104qu’elle trouva à Sainte-Catherine-de-Fierbois, répondit qu’elle n’en sait rien.

Interrogée qui l’a mue à faire peindre [sur son étendard] des anges avec leurs bras, pieds, jambes et vêtements, répondit :

— Vous avez réponse sur cela.

Interrogée si elle a fait peindre ces anges tels qu’ils viennent à elle, répondit qu’elle les a fait peindre en la manière qu’ils sont peints dans les églises.

Interrogée si onques elle les vit en la manière qu’ils furent peints, répondit :

— Je ne vous en dirai autre chose.

Interrogée pourquoi elle n’y fit pas peindre la clarté qui venait avec les anges ou les voix, répondit qu’il ne lui fut point commandé.

Ce même jour après midi.

Item ce dit jour de samedi après midi, sous la présidence de nous évêque, et de celle du vicaire de l’inquisiteur susnommé, assistés de vénérables et discrètes personnes seigneurs et maîtres Jean Beaupère, Jacques de Touraine, Nicolas Midi, Pierre Maurice et Gérard Feuillet, docteurs ; Thomas de Courcelles, bachelier en théologie sacrée ; Jean de La Fontaine, licencié en droit canon, délégué par nous, évêque susdit ; et en présence de frère Ysambard de La Pierre et de John Grey, déjà nommés.

Ladite Jeanne fut interrogée si les deux anges qui étaient peints en son étendard représentaient saint Michel et saint Gabriel. Répondit qu’ils n’y étaient que pour l’honneur de Notre Seigneur qui était peint en l’étendard. Et dit qu’elle fit faire cette représentation des deux anges seulement pour l’honneur de Notre Seigneur qui y était figuré tenant le monde.

Interrogée si ces deux anges qui étaient figurés en son étendard étaient les deux anges qui gardent le Monde, et pourquoi il n’y en avait plusieurs, vu qu’il lui était commandé de par Notre Seigneur qu’elle prît cet étendard, répondit que tout l’étendard fut commandé par Notre Seigneur, par les voix de sainte Catherine et de sainte 105Marguerite, qui lui dirent : Prends l’étendard de par le Roi du ciel. Et parce qu’elles lui dirent : Prends l’étendard de par le Roi du ciel, elle y fit faire cette figure de Notre Seigneur et des [deux] anges, et de couleur. Et fit le tout par leur commandement 347.

Interrogée si elle leur demanda [à ses deux saintes] si, par vertu de cet étendard, elle gagnerait toutes les batailles où elle se bouterait, et qu’elle aurait victoire, répondit qu’elles lui dirent qu’elle le prît hardiment et que Dieu l’aiderait.

Interrogée qui aidait le plus, elle à l’étendard ou l’étendard à elle, répondit que, de sa victoire ou de celle de l’étendard, c’est tout en Notre Seigneur.

Interrogée si l’espérance d’avoir victoire était fondée en l’étendard ou en elle-même, répondit :

— Elle était fondée en Notre Seigneur, et non ailleurs.

Interrogée, si un autre avait porté l’étendard, s’il aurait eu aussi bonne fortune comme l’avait Jeanne elle-même, répondit :

— Je n’en sais rien, et je m’en attends à Notre Seigneur.

Interrogée, si un des gens de son parti lui eût baillé son étendard à porter, et qu’elle l’eût porté, si elle aurait eu aussi bonne espérance en celui-là comme au sien, qui lui était disposé de par Dieu, et spécialement interrogée sur celui de son roi, [et si elle l’avait eu], répondit :

— Je portais plus volontiers celui qui m’était ordonné de par Notre Seigneur, et toutefois du tout je m’en attendais348 à Notre Seigneur.

Interrogée à quoi servait le signe349 qu’elle mettait dans ses lettres, et les noms : Jhesus Maria350, répondit que les clercs écrivant ses lettres le posaient là ; et certains disaient qu’il convenait de mettre ces deux mots : Jhesus Maria.

Interrogée s’il ne lui a point été révélé que, si elle perdait sa virginité, elle perdrait son bonheur, et que ses voix ne lui viendraient plus, répondit :

— Cela ne m’a point été révélé.

Interrogée si elle croit que ses voix lui viendraient si elle était mariée, répondit :

— Je ne sais et m’en attends à Notre Seigneur.

Interrogée si elle pense et croit fermement que son roi fit bien de 106tuer [ou faire tuer] monseigneur le duc de Bourgogne351, répondit que ce fut grand dommage pour le royaume de France ; mais quelque chose qu’il y eût entre eux352, Dieu l’a envoyée au secours du roi de France.

Interrogée sur ce qu’elle a dit qu’elle répondrait à nous, évêque susdit, et aussi à nos commis comme elle le ferait devant notre saint père le pape, et que toutefois il y a plusieurs interrogatoires auxquels elle ne veut répondre, et si elle ne répondrait plus pleinement devant le pape qu’elle ne fait devant nous, répondit qu’elle a répondu tout le plus véridiquement qu’elle a su ; et si elle savait quelque chose qui lui revînt à la mémoire qu’elle n’ait dit, elle le dirait volontiers.

Interrogée s’il ne lui semble pas qu’elle soit tenue de répondre pleinement la vérité à [notre saint père] le pape, vicaire de Dieu, sur tout ce qu’on lui demanderait touchant la foi et le fait de sa conscience, répondit qu’elle requiert qu’elle soit menée devant lui ; et puis répondra devant lui tout ce qu’elle devra répondre353.

Interrogée de quelle matière était l’un de ses anneaux, où étaient écrits les mots : Jhesus Maria, répondit qu’elle ne le sait proprement ; et s’il était d’or, ce n’était pas de fin or ; et ne sait si c’était d’or ou de laiton ; et pense qu’il y avait trois croix et non autre signe qu’elle sache, excepté les mots : Jhesus Maria.

Interrogée pourquoi elle regardait volontiers cet anneau quand elle allait en fait de guerre, répondit que c’était par plaisance, et en l’honneur de son père et de sa mère ; et, ayant son anneau en sa main et en son doigt, elle a touché à sainte Catherine qui lui apparut visiblement.

Interrogée si elle baisa ou accola onques saintes Catherine et Marguerite, répondit qu’elle les a accolées toutes les deux.

Interrogée si elles fleuraient bon, répondit :

— Il est bon à savoir que sentaient bon !

Interrogée si, en les accolant, elle n’y sentait point de chaleur ou autre chose, répondit qu’elle ne les pouvait point accoler sans les sentir et toucher.

107Interrogée par quelle partie elle les accolait, ou par haut ou par bas, répondit :

— Il convient mieux de les accoler par bas que par haut.

Interrogée si elle ne leur a point donné de chapeaux de fleurs354, répondit que, en leur honneur, à leurs images et représentations aux églises, plusieurs fois leur donna [de ces chapeaux] ; et quant à celles qui lui apparaissent, elle ne leur en a point baillé dont elle ait mémoire.

Interrogée, quand elle mettait chapeaux en l’arbre désigné plus haut, si elle les mettait en l’honneur de celles qui lui apparaissaient, répondit que non.

Interrogée si, quand les saintes venaient à elle, elle ne leur faisait point la révérence, comme de s’agenouiller ou incliner, répondit que oui ; et le plus qu’elle pouvait leur faire de révérences, elle leur faisait ; car elle sait bien que ce sont celles qui sont au royaume de Paradis.

Interrogée si elle sait quelque chose de ceux qui vont en l’erre355 avec les fées, répondit qu’elle n’y fut onques ou sut quelque chose ; mais en a bien ouï parler, et qu’on y allait le jeudi ; mais n’y croit point, et croit que c’est sorcellerie.

Interrogée si on ne lit point flotter [ou tourner] son étendard autour de la tête de son roi [quand il fut sacré à Reims], répondit que non, qu’elle sache.

Interrogée pourquoi son étendard fut plus porté en l’église de Reims, au sacre, que ceux des autres capitaines, répondit :

— Il avait été à la peine, c’était bien raison qu’il fût à l’honneur.

Le dimanche de la Passion, 18 mars.

Item, le dimanche de la Passion de Notre Seigneur, dix-huitième jour du mois de mars, sous la présidence de nous, évêque, et celle dudit frère Jean Le Maistre, vicaire de l’inquisiteur, dans la maison où nous, évêque susdit, demeurions à Rouen, assistés des révérends pères, seigneurs et maîtres : Gilles, abbé de Fécamp ; Pierre, prieur 108de Longueville ; Jean Beaupère, Jacques de Touraine, Nicolas Midi, Pierre Maurice et Gérard Feuillet, docteurs en théologie sacrée ; Raoul Roussel, docteur en l’un et l’autre droit ; — Nicolas de Venderès et Jean de La Fontaine, licenciés en droit canon ; — Nicolas Couppequesne et Thomas de Courcelles, bacheliers en théologie sacrée, nous, évêque susdit, avons exposé comment ladite Jeanne avait été interrogée pendant bien des jours, et que beaucoup de ses confessions et réponses avaient été mises par écrit, demandant aux assesseurs de nous prêter leurs délibérations et conseils sur le mode de procéder ultérieurement en cette matière. Et nous leur avons fait lire plusieurs assertions extraites par certains maîtres, suivant notre ordre, des réponses de ladite Jeanne, afin qu’ils vissent plus à plein la matière et délibérassent plus sûrement sur ce qu’il y avait à faire.

Ces dits seigneurs et maîtres, ouï cet exposé, solennellement et mûrement, délibérèrent. Après avoir entendu les opinions de tous, nous avons conclu et ordonné que chacun d’eux examinerait et étudierait diligemment cette matière, consulterait les opinions des docteurs dans les livres authentiques sur lesdites assertions, afin que le jeudi suivant nous pussions en conférer, chacun nous apportant son avis ; et que d’ici là, des interrogatoires et réponses de ladite Jeanne, il serait rédigé certains articles qui, devant nous, les juges, et contre elle, seraient proposés en jugement.

Jeudi 22 mars.

Item, le jeudi suivant, vingt-deuxième jour dudit mois de mars, à Rouen, dans la maison où nous évêque susdit demeurions ; sous notre présidence et celle de frère Jean Le Maistre, vicaire du seigneur inquisiteur, comparurent vénérables personnes et maîtres : Jean de Châtillon, Érard Emengart, Guillaume Le Boucher, Pierre prieur de Longueville, Jean Beaupère, Jacques de Touraine, Nicolas Midi, Maurice Du Quesnay, Pierre Houdenc, Jean de Nibat, Jean Le Fèvre, Pierre Maurice, Jacques Guesdon et Gérard Feuillet, docteurs en théologie sacrée ; Raoul Roussel, trésorier de l’église 109de Rouen, docteurs en l’un et l’autre droit ; — Nicolas de Venderès, archidiacre d’Eu en l’église de Rouen, et Jean de La Fontaine, licenciés en droit canon ; — Guillaume Haiton, Nicolas Couppequesne et Thomas de Courcelles, bacheliers en théologie sacrée ; — Nicolas Loiseleur, chanoine de l’église de Rouen et frère Ysambard de La Pierre, de l’ordre des frères Prêcheurs.

À ceux-là, qui se trouvaient réunis devant nous, furent communiqués plusieurs rapports sur cette matière, compilés et motivés par plusieurs doctes seigneurs et maîtres. Après avoir vu et ouï les opinions de chacun et les avoir longuement conférées, nous avons conclu et ordonné que ce qui avait été extrait du registre des confessions de ladite Jeanne serait rédigé en un petit nombre d’articles, sous la forme d’assertions et de propositions. Lesquels articles seraient ensuite communiqués à chacun des docteurs et maîtres afin qu’ils pussent plus facilement donner leurs opinions. Quant au reste, savoir si Jeanne devra être interrogée et examinée ultérieurement, nous procéderons de telle sorte qu’avec l’aide de Dieu l’affaire soit conduite à la louange du Seigneur et pour l’exaltation de la foi, de telle manière que notre procès ne souffre aucun vice.

Samedi 24 mars.

Item, le samedi suivant, vingt-quatrième jour du mois de mars, dans la prison de Jeanne, sous la présidence de Jean de La Fontaine, notre commissaire, de nous évêque, et de frère Jean Le Maistre, vicaire dudit seigneur inquisiteur ; assistés de vénérables personnes et maîtres, Jean Beaupère, Nicolas Midi, Pierre Maurice et Gérard Feuillet, docteurs ; maître Thomas de Courcelles, bachelier en théologie sacrée et maître Enguerrand de Champrond356, official de Coutances.

Le registre contenant les interrogations et les réponses de ladite Jeanne fut lu, devant elle et en français, par Guillaume Manchon, notaire soussigné. Mais avant de commencer cette lecture, le promoteur délégué par nous et nommé plus haut, qui était là, 110s’offrit à prouver que tout ce que contenait ce dit registre, tant les questions que les réponses, avait bien été dit et fait, au cas où ladite Jeanne aurait nié avoir dit certaines des réponses qui y étaient recueillies. Ensuite ladite Jeanne fit le serment de ne rien ajouter que de vrai à ses réponses.

Puis, tandis qu’on lui lisait les écritures, elle dit que son surnom était d’Arc ou Rommée357, et que dans son pays les filles portaient le surnom de leur mère. Dit en outre que lui soient lues consécutivement les questions et les réponses, et que ce qui serait lu sans contradiction de sa part, elle le tenait pour vrai et confessé.

Dit aussi et ajouta ces mots à l’article de recevoir habit de femme : Baillez-moi une robe de femme pour aller à la maison de ma mère, et je la prendrai : C’est pour être hors des prisons ; et quand serait hors des prisons, elle prendrait conseil sur ce qu’elle devrait faire.

Finalement, après lecture du contenu de ce registre, ladite Jeanne a confessé qu’elle croyait bien avoir parlé, selon ce qu’il y avait d’écrit au registre et comme il lui avait été lu ; et elle n’a démenti aucun des autres dits contenus en ce registre.

Dimanche des Rameaux, 25 mars.

Item, le dimanche suivant, jour de la fête des Rameaux, le vingt-cinq du mois de mars, au matin, en la prison de Jeanne, au château de Rouen, nous, évêque susnommé, lui avons parlé en présence de vénérables personnes, seigneurs et maîtres : Jean Beaupère, Nicolas Midi, Pierre Maurice, docteurs ; Thomas de Courcelles, bachelier en théologie sacrée. Et nous dîmes à ladite Jeanne que plusieurs fois, particulièrement hier, elle nous avait demandé qu’à cause de la solennité de ces jours et de ce temps il lui fût permis d’ouïr la messe, ce dimanche de la fête des Rameaux ; c’est pourquoi nous lui avons demandé, si nous lui accordions cela, si elle voulait abandonner l’habit d’homme et recevoir l’habit de femme, ainsi qu’elle avait accoutumé au pays de sa naissance, et comme les femmes de son pays ont coutume de le porter.

111À quoi Jeanne répondit, nous requérant qu’il lui soit permis d’ouïr la messe dans cet habit d’homme où elle était, et qu’elle pût recevoir le sacrement d’eucharistie à la fête de Pâques. Or nous lui dîmes qu’elle répondît à notre demande, savoir qu’elle voulût bien abandonner l’habit d’homme, si cela lui était accordé. Mais elle répondit qu’elle n’avait point conseil sur cela, et ne pouvait encore prendre ledit habit.

Et nous lui demandâmes si elle voulait avoir conseil de ses saintes pour recevoir habit de femme. À quoi elle répondit qu’il pouvait bien lui être permis d’ouïr la messe en cet état, ce qu’elle désirait souverainement ; mais, changer d’habit, elle ne le pouvait, et cela n’était pas en elle.

Après que les dits maîtres l’eussent exhortée, pour tout le bien et dévotion qu’elle semblait avoir, à vouloir bien prendre habit convenable à son sexe, ladite Jeanne a répondu qu’il n’était pas en elle de le faire ; et que si c’était en elle, ce serait bien tôt fait.

Alors il lui fut dit qu’elle parlât avec ses voix pour savoir si elle pouvait reprendre l’habit de femme pour recevoir le viatique à Pâques. À quoi Jeanne répondit que, autant qu’il était en elle, elle ne recevrait pas ledit viatique en changeant son habit contre habit de femme ; et elle demandait qu’il lui soit permis d’ouïr la messe en habit d’homme, disant en outre que cet habit ne chargeait point son âme, et que, de le porter, ce n’était point contre l’Église.

De tout ceci, ledit maître Jean d’Estivet, promoteur, demanda relation authentique, en présence des seigneurs et maîtres : Adam Milet358, secrétaire du roi ; William Brolbster359 et Pierre Orient360, des diocèses de Rouen, de Londres et de Châlons.

Notes

  1. [1]

    Pierre Cauchon, né, vers 1371, aux environs de Reims, fit ses études à l’Université de Paris. Licencié en décret en 1398, on le trouve parmi les élèves parisiens qui prennent part au vote sur la soustraction d’obédience envers Benoît XIII ; en 1403, étudiant de sixième année en théologie, déjà recteur de l’Université, il cherchait à obtenir un bénéfice auprès du chapitre de Reims, bien qu’il cumulât déjà un canonicat et une prébende dans l’église de Châlons avec la cure de l’église paroissiale d’Égriselles, au diocèse de Sens. En 1406, il portait l’affaire de la soustraction d’obédience à Benoît XIII devant le Parlement de Paris. L’année suivante, il faisait partie de la grande ambassade qui se rendait en Italie pour sommer Benoît XIII d’accepter sa renonciation. En 1408, en récompense des services qu’il venait de rendre à cette occasion, il obtenait la chapellenie majeure de Saint-Étienne de Toulouse. Chanoine de Reims en 1409 ; vidame de l’église de Reims en 1410 ; chanoine de Beauvais, le 28 juin 1410 (Reg. du chapitre de la cathédrale) ; en 1412, on le trouve parmi les réformateurs chargés de sévir contre les excès des Armagnacs ; en 1415, à Paris, il conduit les émeutes des Cabochiens. Banni de la capitale en 1414, ce prélat révolutionnaire se rendit, comme ambassadeur du duc de Bourgogne, au Concile de Constance (1415), où il s’entremit en faveur de Jean Petit, le cordelier tyrannicide. En 1418, maître des requêtes du roi, il plaidait pour obtenir la prévôté de Lille, vacante par la mort de Jean de Montreuil (à cette occasion, l’Université suppliait le pape de lui accorder la faveur de réunir divers bénéfices incompatibles, alléguant son courtage, ses travaux pour le bien de l’Église) ; il était alors archidiacre de Reims, chanoine de Reims, de Chartres, de Châlons, de Beauvais, chapelain de la chapelle des ducs de Bourgogne à Dijon, bénéficié à Saint-Clair, au diocèse de Bayeux, le tout lui rapportant environ 2.000 livres ; et il obtint encore l’archidiaconé de Châlons. En 1419, Pierre Cauchon était référendaire du pape Martin V, qu’il avait contribué à faire élire, puis conservateur des privilèges de l’Université.

    Élu évêque de Beauvais, le 21 août 1420, sur la recommandation de l’Université de Paris (Collection Bucquet, Bibl. de Beauvais), pair ecclésiastique du royaume par faveur de Philippe le Bon qui vint lui-même l’introduire dans son évêché, Pierre Cauchon servit dès lors le parti anglais, suivit Henri V à Paris, où il combattit le chapitre et l’évêque Courtecuisse. Homme de confiance de Bedford, exécuteur testamentaire de Charles VI, conseiller de Henri VI aux appointements de 1.000 livres, on voit qu’il avait la garde du petit sceau en l’absence du chancelier (Bibl. nat., n. acq. fr. 7627, fol. 38 v°) ; on le trouve chargé de missions importantes, en particulier de la collation à la cour de Rome des trois quarts des bénéfices, moyennant quoi Bedford acheta la faveur de Martin V et de la papauté. Il fut, à cette occasion, couvert d’éloges par Martin V : Tu nous trouveras toujours bien disposé envers toi et envers ton église, pour tes services fidèles et pour tes autres vertus. (N. Valois, La Pragmatique Sanction de Bourges, p. 58).

    À Rouen, dès 1426, Pierre Cauchon avait mis d’accord le chapitre et l’évêque au sujet de la cardinalité (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 2124). Expulsé de Beauvais, avec les Anglais (août 1429), Pierre Cauchon se réfugia à Rouen où il avait déjà séjourné plusieurs fois : le gouvernement anglais l’indemnisa de la perte de ses revenus et le chargea de missions spéciales, en Angleterre, à Paris, etc. Le procès de Jeanne d’Arc est l’une de celles-là. Pierre Cauchon ne devait pas obtenir toutefois l’archevêché de Rouen, qu’il avait administré au spirituel et au temporel, mais l’évêché de Lisieux (1432). Mais il demeura le plus souvent à Rouen, auprès du grand conseil dont il était membre.

    Chancelier en France de la reine d’Angleterre, Pierre Cauchon se rendit au Concile de Bâle comme député de l’Angleterre (1455), assista au Congrès d’Arras, où il soutint jusqu’à la fin le droit exclusif de Henri VI à la couronne de France. Il faillit être pris à Paris, dans la Bastille Saint-Antoine, en 1436, quand les Français rentrèrent dans la capitale.

    On trouve que, cette année-là, Pierre Cauchon reçut commission de réunir à Caen les Trois États et il lui est fait part de l’intention du roi d’Angleterre de fonder à Caen une Université (Bibl. nat., ms. fr. 26061, p. 2887). Il remplit encore de nombreuse missions diplomatiques relatives à la paix anglaise (Conférences de Calais, de Gravelines). Le 29 juillet 1437, il donnait quittance au trésorier général de Normandie de 770 l., restant de la somme de 2.177 l., pour un voyage fait de Paris à Rouen pour le service du roi (Bibl. nat., ms. fr. 26063, p. 3270). On voit qu’en 1439 et 1440, Pierre Cauchon était mandaté pour divers voyages à Calais et en Angleterre pour traiter de la paix entre les deux royaumes, ainsi que de la délivrance du duc d’Orléans.

    Pierre Cauchon mourut subitement, tandis qu’on lui faisait la barbe, à Rouen, en son bel hôtel Saint-Cande dit de Lisieux, le 18 décembre 1442, au comble des honneurs. Il laissait pour héritiers son neveu, Jean Bidault, chanoine de Rouen et de Lisieux, et Jeanne Bidault, mariée à Jean de Rinel, secrétaire du roi Henri VI, celui-là dont on voit le nom au bas de l’acte du traité de Troyes. Son corps fut transporté solennellement à Lisieux, où l’accompagna son ami et exécuteur testamentaire, Nicolas Caval, chanoine de Rouen. Il fut enterré près de l’autel, dans la magnifique chapelle de la Vierge qu’il avait reconstruite et ornée à ses frais.

    Son testament le montre comme un homme riche et extrêmement libéral. Il fonda deux obits en la cathédrale de Beauvais, un autre à Notre-Dame du Châtel pour son frère Jean, qui y fut inhumé (Collection Bucquet, vol. XXXIV, et extrait d’un vieux registre du chap. de Beauvais). Il est dit de bonne mémoire. — Cf. Histoire des évêques de Beauvais, ms. d’Augustin Lecat, chanoine de Beauvais (1679) et note de M. le baron de Troussures (Bibl. de Beauvais) ; Abbé Delettre, Histoire du diocèse de Beauvais, Beauvais, 1842, t. III, p. 1-24 ; Albert Sarrazin, Pierre Cauchon, juge de Jeanne d’Arc, Paris, 1901 ; Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc et l’Université de Paris, 1897, p. 16, dans les Mémoires de la Société de l’Histoire de Paris, t. XXIV ; Charles de Beaurepaire, Notes sur les juges et assesseurs du procès de condamnation de Jeanne d’Arc, Rouen, 1890, p. 12-19 ; Noël Valois, La France et le grand Schisme d’Occident, Paris, 1902, t. III et IV ; Gabriel Hanotaux, Jeanne d’Arc, 1911, p. 271-277.

    Sur le rôle capital qu’il joua au procès, voir l’Introduction. — On peut noter qu’ayant à instruire, à Lisieux, un procès en matière de foi, Pierre Cauchon fit encore appel aux chanoines de Notre-Dame de Rouen, où il n’avait que des créatures (Arch. de la Seine-Inférieure, G, 2128, 11 octobre 1437) et qu’il légua 300 livres au chapitre (Ibid., G. 2130).

    Il est remarquable de constater que l’admirable Français qui succéda à Pierre Cauchon au siège de Beauvais, Jean Jouvenel des Ursins, à propos de la fidélité des gens de Beauvais à Charles VII, n’a fait qu’une allusion très courte à son prédécesseur, qu’il n’a pas parlé du procès de Jeanne d’Arc à son sujet : Et supposé qu’ils tinssent vostre adversaire à seigneur, c’estoit pour ce que le sieur évesque estoit en ceste folle erreur ; mais tousjours le cueur estoit à vous… (Abbé Péchenard, Jean Juvénal des Ursins, archevêque de Reims, Reims, 1876, p. 140).

  2. [2]

    Jean Le Maistre, Magistri, dominicain, bachelier en théologie sans doute d’une université autre que Paris, vicaire de l’inquisiteur de France au diocèse de Rouen dès 1424. En 1431, il est dit prieur du couvent des Frères Prêcheurs de Rouen, où il jouissait d’une certaine réputation comme prédicateur. Il vivait encore lors des premières informations faites à Rouen pour la réhabilitation de Jeanne (il prononça un sermon en janvier 1452) ; mais il est vraisemblable de croire qu’il était mort en 1455. Quoi qu’il en soit, il ne fut ni consulté ni cité au cours du deuxième procès (Charles de Beaurepaire, Notes, p. 25-26).

    On l’a représenté, plus tard, agissant sur les menaces de Pierre Cauchon, et parlant même des irrégularités du procès de condamnation. En vérité, il fut moins zélé que Jean Graverent, le grand inquisiteur de France, alors retenu à Coutances par un autre procès, qui lui donna l’ordre de s’adjoindre au procès, et prêcha à Paris contre la mémoire de Jeanne. Le Maistre réserva son avis sur la torture : mais on voit aussi qu’il fit condamner le religieux Pierre Bosquier qui avait mal parlé de la sentence. Le 24 avril 1431, Jean Le Maistre reçut du gouvernement anglais une gratification de 20 saluts d’or pour ses peines, travaulx et diligences d’avoir esté et assisté au procès. Peut-être fut-il simplement un homme timide, mais tout à la dévotion de Cauchon, et peu persuadé de la régularité du procès (du moins aux dires de N. de Houppeville). Jean Le Maistre avait certainement hésité à accepter la conduite de cette affaire et il a pris la précaution de se faire couvrir par l’inquisiteur général. Le 7 décembre 1443, on le verra cependant prêcher le peuple à l’occasion de l’élection à l’archevêché de Rouen de Raoul Roussel, un des juges de Jeanne fort zélé pour les Anglais, et le successeur du cardinal de Luxembourg (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 2130).

  3. [3]

    Jean Graverent, dominicain, grand inquisiteur de France. Il est dit, en 1413, maître en théologie à Paris et assistait au concile de Paris où il opina en faveur de l’appel au pape dans la question des propositions de Jean Petit. Inquisiteur de la foi dès 1425, il avait succédé à Jacques Suzay que cite du Boulay à l’année 1422 (Historia Universitatis Parisiensis). Le 16 août 1429, en qualité de prieur du couvent des Jacobins de Paris, Jean Graverent avait prêté serment au gouvernement anglais devant le Parlement de Paris (Journal d’un bourgeois de Paris, note de A. Tuetey, p. 270). On le trouve instruisant à Coutances le procès de Jean Le Couvreur, bourgeois de Saint-Lô, qui durait encore le 4 mars 1431 (Arch. de la Seine Inférieure, G. 1162) : ainsi ce dominicain, qu’on a lieu de croire très favorable au parti bourguignon, ne put prendre part au procès de Jeanne d’Arc (Denifle et Chatelain, Chartularium Universitatis Parisiensis, IV, p. 271, 279, 446, 504). Le 4 juillet 1451, Jean Graverent prononça un sermon à Paris, accusant frère Richard d’être le beau père, c’est-à-dire le guide de quatre femmes visionnaires suspectes, dont la Pucelle (Journal d’un bourgeois de Paris, p. 270).

  4. [4]

    Ceci a été nié, mais assez vainement. (Voyez l’Introduction.) — Parmi les maîtres qui donnèrent leur avis sur le défaut de forme du procès, lors des préliminaires de la réhabilitation, Thomas Basin a fait remarquer que ce n’était pas dans le diocèse de Beauvais que la Pucelle se serait rendue coupable de schisme et d’hérésies, que l’évêque de Beauvais était donc incompétent.

  5. [5]

    Pour qu’une procédure puisse être engagée, il faut qu’il y ait infamatio contre celui qu’on veut poursuivre. C’est sur le bruit de la renommée publique que les poursuites sont entreprises par le juge inquisitorial. Une enquête, toujours secrète, dite inquisitio famæ, est donc menée par le juge, ou celui qui a reçu son mandat. Quand elle est terminée, l’individu incriminé est en état de diffamation. La procédure d’office était alors ouverte. (Voir Nicolas Eymerich, Directorium inquisitorum, éd. Francisci Pegnæ, Romæ, 1585, p. 410.)

  6. [6]

    Martin Billorin, Martinus Billorini, dominicain, professeur en théologie, vice-gérant du grand inquisiteur. Licencié en théologie en 1416, maître régent à Paris en 1425, en même temps que Jean Beaupère, on le voit censurer à Paris les propositions de frère Jean Sarrasin, au mois de mars 1430. On le trouve encore professant à Paris, en 1433 (Chartularium Universitatis Parisiensis, IV, p. 322, 445, 493, 565). Martin Billorin, dont le nom a été rendu à tort par Quicherat par la forme Bellorme sur une lecture fautive des manuscrits du procès, est mentionné également par Léopold Delisle, Cabinet des Manuscrits (t. III, table).

  7. [7]

    Philippe le Bon, fils de Jean sans Peur, le grand duc d’Occident.

    Prince magnifique, tout ensemble rusé et chevaleresque, régnant sur les provinces les plus plantureuses et les plus actives du royaume, et y maintenant l’ordre, il avait reconnu Henri VI comme roi de France, et fait ramener le corps de son père, Jean sans Peur, de Montereau à la Chartreuse de Dijon. Français d’origine. Flamand de cœur, Anglais par intérêt, Philippe sut n’accepter point la régence du royaume ; mais il donna sa sœur en mariage à Bedford. On sait comment les visées de Gloucester sur les territoires du Nord le tournèrent du côté du parti français, auquel cependant il n’adhéra jamais complètement. Mais Philippe le Bon fut, désormais, l’arbitre de la lutte anglo-française, ondoyant et toujours intéressé ; et, jusqu’au traité d’Arras (1435), il conduisit missions, ambassades, trêves, négociations, qui tantôt favorisèrent, tantôt arrêtèrent les efforts du parti national, et qui, finalement, amenèrent la perte de Jeanne. Philippe agissait alors comme un autre roi de France, dont il avait d’ailleurs l’allure, au témoignage de G. Chastellain qui a laissé de lui un inoubliable portrait : son semblant seulement le jugeoit empereur (Œuvres, éd. Kervyn de Lettenhove, t. VII, p. 220).

    Ainsi Philippe le Bon accueillit l’ambassade des Orléanais assiégés, rappela ceux de ses sujets qui participaient au siège de cette ville. Puis on le voit dénoncer à Reims une conspiration en faveur des Français. Exhorté par la Pucelle à faire la paix, mandé par elle au sacre de Reims, Philippe le Bon conclut avec le dauphin, à Compiègne, un traité que Jeanne n’admit point. Il continua à lever des troupes, à recevoir des ambassades. On sait qu’il était devant Compiègne quand Jeanne fut prise, et qu’il s’entretint avec elle. Il annonça au monde entier la nouvelle de sa prise et il reçut du gouvernement anglais la relation du procès de Rouen.

    Il est assez singulier, après cela, de voir que le premier témoignage en faveur de Jeanne qui suivit sa condamnation, se rencontre dans un manuscrit qui est dédié à Philippe le Bon, en 1440, dans le Champion des Dames de Martin Le Franc. Il est vrai qu’il s’agit d’un débat où le pour et le contre se trouvent exposés.

  8. [8]

    Jean de Luxembourg, seigneur de Beaurevoir, comte de Ligny, frère cadet du cardinal, chancelier d’Angleterre.

    Gouverneur d’Arras en 1414, Jean de Luxembourg soutint une guerre cruelle sur les frontières de France, délivra Senlis en 1418, reçut une balafre à la journée de Mons-en-Vimeu (1421), fit de nombreuses expéditions en Picardie et dans le Hainaut, fut chargé, par Bedford, en 1424, d’assiéger Guise (Bibl. nat., ms. fr. 26047, p. 269), conduisit l’expédition anglo-bourguignonne contre les forteresses françaises de l’Argonne (1428), ravagea le Beauvaisis. Au mois d’août 1429, à la tête d’une ambassade, il vint à Compiègne apporter au roi de fallacieuses promesses de paix. Le 20 février 1430, il quittait Péronne, formant l’avant-garde de Philippe le Bon qui marchait sur Compiègne.

    On sait que le bâtard de Wandomme, qui fit prisonnier Jeanne d’Arc, servait en la compagnie de ce capitaine : il la céda à Jean de Luxembourg, qui dut lever le siège de Compiègne, qu’il avait investi soigneusement de bastilles, par suite de la vigoureuse défense du capitaine Guillaume de Flavy. Le 26 octobre, Jean de Luxembourg dut suivre la retraite de ses troupes, la mort dans l’âme, et il laissa aux mains de Flavy son artillerie. Jeanne se trouvait depuis le mois d’août dans son château de Beaurevoir.

    Requis de la livrer par les Anglais, Jean de Luxembourg s’y refusa d’abord, détourné peut-être de cette vilenie par sa tante. Dans la suite, il céda aux démarches de Pierre Cauchon (Albert Sarrazin, P. Cauchon juge de Jeanne d’Arc, p. 112) et il la vendit aux Anglais pour 10.000 livres ; il la visita plus tard, à Rouen, dans sa prison.

    Protecteur à gages des villes picardes, Jean de Luxembourg essaya de les soustraire aux pillages de Flavy et des capitaines français ; il refusa de signer le traité d’Arras, en 1455, continua de ravager, en représailles, le Soissonnais et le Laonnais (en 1456, La Hire s’était emparé de Soissons). En 1437, on voit qu’il était entré en rapport avec Charles d’Orléans qui fit envoyer son poursuivant d’armes, Porte Espy, de Blois en Picardie (Bibl. nat., ms. fr. 26062, p. 3154). Ce rude condottiere bourguignon mourut au château de Guise, en 1440. (Cf. Monstrelet, la Chronique des Cordeliers (Bibl. nat., ms. fr. 23018), Pierre Champion, Guillaume de Flavy, passim.) — Le comte de Ligny est représenté dans le carrousel des chevaliers de la Toison d’Or en 1431 (Bibl. nat., Gaignières P. d. 7, fol. 18).

  9. [9]

    Le petit Henri VI, fils de Henri V et de Catherine de France, né à Windsor le 6 décembre 1421, au nom de qui gouvernèrent, tour à tour, le duc de Bedford et Gloucester, durant la régence. Proclamé roi de France à la mort de Henri V, il reçut comme maître Richard Beauchamp, comte de Warwick, en 1428. Couronné comme roi d’Angleterre, le 6 novembre 1429, à Westminster, il passa en France, le 23 avril 1430. Le 29 juillet, il fit son entrée à Rouen ; puis à Paris, le 2 décembre 1430, il fit une autre entrée triomphale.

    Le 16 décembre, Henri VI était couronné roi de France par le cardinal Beaufort, à Notre-Dame (on sait comment le sacre de Charles VII, à Reims, avait ôté toute signification à cette cérémonie) : le 26, l’enfant roi quitta Paris pour Rouen où il résida pendant tout le procès.

    On sait combien Henri VI fut malheureux, en particulier après la rupture de l’alliance bourguignonne, dans ses tentatives pour maintenir la domination anglaise en France. Pacifique d’esprit, peu capable d’ailleurs, suspect à ses compatriotes à la suite de son mariage avec Marguerite d’Anjou, la fille du roi René, déconsidéré par l’influence que prit le pacifique Suffolk dans le gouvernement, Henri VI disparut très mystérieusement, après avoir été enfermé à la Tour de Londres (1471). Cf. James Henry Ramsay, Lancaster and York, Oxford, 1892.

  10. [10]

    Il y a lieu de remarquer que Jean de Luxembourg réserva longtemps sa réponse (six mois environ). Il garda la Pucelle, comme un gage, durant le siège de Compiègne et il ne se laissa tenter par la rançon royale de 10.000 livres que lorsque ses affaires tombèrent très bas. Ainsi le comprit Jeanne.

  11. [11]

    Voir ce qui a été dit dans l’Introduction sur le rôle du chapitre. — Le siège de Rouen était vacant depuis la translation du cardinal de La Rochetaillée au siège de Besançon. Sur ces faits cf. Charles de Beaurepaire, Notes, p. 45.

  12. [12]

    À rapprocher de la formule communicato multorum prelatorum et aliorum honorum virorum consilio, invariable et très ancienne pour indiquer la composition du tribunal inquisitorial. (Cf. Mgr Douais, dans le Moyen-Âge, 1898, p. 157-192, 286-311.)

  13. [13]

    Martin V (Othon Colonna), élu en 1417, reconnu par le royaume presque entier. (Sur le rôle de ce pontife, voir l’Introduction.) Mais Jean IV, comte d’Armagnac, était demeuré en relations avec l’antipape Benoît XIII, qui, le 27 octobre 1418, retiré sur son rocher de Peñiscola, avait accordé au comte et à sa famille une série de faveurs spirituelles. En 1420, la rupture était complète. À la mort de Benoît XIII (1424), on vit Jean IV soutenir Gilles Muñoz qui prit le nom de Clément VIII. (Cf. Charles Samaran, La Maison d’Armagnac au XVe siècle, Paris, 1907.)

  14. [14]

    On sait qu’après le siège de 1418 un local convenable avait été aménagé pour les officiers du bailliage dans le voisinage du château (François Bouquet, Jeanne d’Arc au château de Rouen, 1865, p. 32).

  15. [15]

    Gilles de Duremort, (Ægidius Duræmortis), bénédictin, le plus souvent dit l’abbé de Fécamp, moine cistercien de Beaubec, bachelier formé en théologie quand il fut nommé abbé de Beaupré en 1403. Licencié en théologie en 1408, il devint abbé de Beaubec en 1413 ; il est dit abbé de Fécamp en 1423 et maître régent de la Faculté de Théologie à Paris, office où il demeura jusque vers 1429 ; il devint évêque de Coutances en 1439. Gilles de Duremort mourut à Rouen, le 29 juillet 1444, et fut enterré en l’église du prieuré de Saint-Lô, qui dépendait de son évêché (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 17 ; Chartularium Universitatis Parisiensis, IV, p. 162 ; Charles de Beaurepaire, Notes, p. 101).

    Gilles de Duremort était un homme considérable, résidant habituellement à Rouen, soit dans le grand hôtel de Fécamp, soit dans son hôtel en la paroisse Saint-Vincent. Il avait toute la confiance du gouvernement anglais, depuis longtemps, puisqu’au mois de juin 1421 on le chargeait d’intervenir en faveur de l’Université de Paris auprès de Henri V (Chart. Univers. Paris., IV, p. 395, note). Le duc de Bedford l’avait envoyé en ambassade en Bourgogne pour apaiser la querelle de Gloucester et du duc de Brabant, en 1424 (Stevenson, Letters and papers, vol. I, p. LXXXIII). Gilles de Duremort passa plusieurs fois en Angleterre et alla en Bourgogne avant 1426. En 1427, il se rendait en ambassade en Bretagne. Reçu conseiller du roi anglais, aux appointements considérables de 1.000 livres (Paul Le Cacheux, Actes de la Chancellerie d’Henri VI, t. II, p. 230), il prêtait serment entre les mains de son chancelier, en 1428. En 1429, Gilles de Duremort passait en Angleterre pour des affaires d’État. En 1431, il était chargé de s’occuper de l’ambassade au concile de Bâle ; le 16 novembre de cette même année, le roi Henri mandait au trésorier général Thomas Blount de payer les gages de 10 lances et de 30 archers à cheval qui escortaient l’abbé de Fécamp, celui du Mont-Saint-Michel et le sire de Saint-Pierre mandés à Paris par le roi (Bibl. nat., fr. 2605 5, n° 1690) ; en 1438, on le trouve désigné comme ambassadeur de Henri VI pour traiter de la paix avec le roi de France ; le 5 juillet 1439, il est mandaté de 300 l., et envoyé en ambassade à Calais (Bibl. nat., ms. fr. 26066, p. 3815) ; en 1440, de 250 l., pour un quartier de ses gages (Bibl. nat., lat. 17025, fol. 152).

    Gilles de Duremort était fort lié avec le cardinal de Luxembourg, qui l’a nommé parmi ses exécuteurs testamentaires. Il fut l’un des juges les plus assidus au procès, et, au dire de Jean Massieu lui-même, ce régent en théologie semblait plutôt agir par haine de Jeanne et amour des Anglais que par zèle de justice. Dans la séance du 29 mai, Gilles de Duremort formula l’avis, ou mieux l’arrêt de mort, auquel les assesseurs s’empressèrent de se joindre, sans plus longues explications. Son épitaphe (Gallia Christiana, t. XI, col. 892) célèbre sa science insigne, sa vertu et son éloquence.

  16. [16]

    Nicolas Le Roux, Ruffi, bénédictin, d’une famille noble de Rouen, entré à l’abbaye de Jumièges vers 1395. Il étudia à Paris où il est dit bachelier en décret en 1403 ; il fut reçu docteur en décret en 1411. Ambassadeur aux conciles de Pise, de Rome, de Constance, l’Université recommande au pape ce docteur insigne, qui fut nommé abbé de La Croix-Saint-Leufroy en 1412, puis abbé de Jumièges, le 28 septembre 1418. On le trouve parmi les régents de la Faculté de Décréta Paris, en 1419, avec Jean Garin et Raoul Roussel. Il prêta serment de fidélité à Henri V, en 1420, et mourut, peu de jours après le supplice de Jeanne, le 17 juin 1431. Il laissait une fortune personnelle de 32.000 l. que ses héritiers ravirent aux religieux de Jumièges, bien que cette somme ait été réservée, suivant ses intentions, aux réparations du célèbre monastère, très éprouvé par la guerre, abbaye que Nicolas Le Roux chérissait et où il avait tenté de rétablir l’observance de la règle. La pierre tombale, sur laquelle il est figuré mitre, conservée à Jumièges, a été reproduite par Gaignières (Bibl. nat., Pe. 1. d., fol. 22). Cf. Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 106 ; M. l’abbé Loth, Histoire de l’abbaye de Jumièges, II, p. 159-176 ; Chart. Univers. Paris., t. IV, p. 71, 361. Nicolas Le Roux eut la réputation d’un bon administrateur et d’un homme d’excellent caractère. Il ne joua qu’un rôle secondaire au procès, s’en remettant en tout à l’Université.

  17. [17]

    Pierre Miget, ou Muguet, nommé aussi de Glenesiis, Migecii, bénédictin, docteur en théologie, prieur de Longueville-Giffard. Licencié à Paris en 1413, il eut, en 1416, un procès au Parlement contre Jean Bouesgue au sujet du prieuré de, Gournay. Longtemps maître régent en théologie, on voit cependant que Pierre Miget résida habituellement à Rouen, dans l’hôtel de Longueville, situé devant la porte de l’archevêché (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 5013). Il avait obtenu du roi Henri V, en 1420, la restitution des revenus de son bénéfice, et semble avoir été très lié avec Beaupère, qui le chargea de sa procuration en l’an 1434. Avec ce dernier aussi, on le trouve à Paris, parmi les maîtres de la Faculté de Théologie, dès 1421. Là, il put connaître Érard Émengart, Nicolas Midi, Pierre de Houdenc, Martin Billorin, Pierre de Dyerée, Jean de Troyes, ses confrères, que nous trouvons aussi par les assesseurs du procès (Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 108 ; Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 17).

    Pierre Miget se montra fort assidu au procès, où il ne fut nullement favorable à l’accusée. (En 1414, au concile de Paris, il s’était montré zélé bourguignon et soutint les propositions de Jean Petit. Cf. Denifle et Chatelain, Chart. Univers. Paris., t. IV, p, 279-280.) Il déposa comme témoin au procès de réhabilitation, en 1452 ; mais il déclara avoir pleuré au supplice de Jeanne, dont il avait été cependant un des fauteurs, que la sentence rendue contre la Pucelle était injuste ; en résumé, il chargea beaucoup l’évêque de Beauvais dont il avait été le complice.

  18. [18]

    Raoul Roussel, né à Saultchevreuil, près de Villedieu, licencié en décret en 1416, doyen de la Faculté de Décret de Paris de novembre 1417 à janvier 1419, fut reçu chanoine de Rouen en 1420. Trésorier l’année suivante, en 1422 il était député vers le régent Bedford pour obtenir la permission de procéder à l’élection d’un archevêque, et il défendit avec soin les prérogatives canoniales. En 1424, Raoul Roussel était envoyé en mission par Bedford vers Gloucester, pour pacifier la querelle de ce dernier avec le duc de Brabant (Stevenson, Letters and papers, vol. I, p. LXXXIV). Roussel remplissait même parfois des missions militaires, puisqu’au mois d’août 1428, qualifié de maître des requêtes, on le voit donner quittance à Pierre Surreau, receveur général de Normandie pour une inspection des forteresses de la Basse-Normandie (Bibl. nat., ms. fr. 2605 1, p. 727). Le 7 novembre 1429, son procureur déclare au chapitre de Notre-Dame de Paris qu’il accepte la prébende et le canonicat de défunt Jean Gerson, mort loyalement fidèle au parti de France (Arch, nat., LL. 241).

    Chanoine de Coutances, vicaire général à Rouen pendant la vacance archiépiscopale (1429-1443), conseiller maître des requêtes du roi anglais et membre de son conseil aux appointements de 200 puis de 300 l., deux fois ambassadeur vers la France pour traiter de la paix (1435, 1438), Raoul Roussel reçut le duc d’York, lieutenant du roi d’Angleterre, en 1441, et il le complimenta dans la cathédrale de Rouen (Arch. de la Seine-Inférieure, G., 2129). Raoul Roussel succéda au cardinal de Luxembourg comme archevêque de Rouen (1444). Mais il prêta serment de fidélité à Charles VII, lors de son entrée à Rouen (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 1135). Raoul Roussel mourut le 31 décembre 1452. — Son tombeau, anciennement à la cathédrale de Rouen, a été conservé par Gaignières (Bibl, nat., Pe I. c., fol. 9 ; Gal. Christiana, t. XI, col. 89-91 ; Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 90-91 ; Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 20). Son épitaphe loue sa science éminente (A. Deville, Tombeaux de la cathédrale de Rouen, 1833, p. 221).

    Roussel fut l’un des juges assidus au procès de condamnation et il adhéra toujours vivement à l’opinion de l’Université et des théologiens. Il devait assister aux premières informations faites pour la réhabilitation de Jeanne.

    Il est bon de retenir que ce décrétiste renforcé tenait le procès de Jeanne pour bien fait et pensait qu’il fallait éviter qu’il puisse être calomnié par l’emploi de la torture.

    Son testament, daté de 1452 (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 3415), montre qu’il était très affectionné pour Notre-Dame de Rouen. Il fit des legs à l’Hôtel-Dieu, au prieuré de Saint-Lô, aux quatre Ordres Mendiants, fonda un obit solennel à la collégiale d’Andely, à la cathédrale de Coutances, à Villedieu et à Saint-Lô. À Guillaume Roussel, sou frère, il laissa une chasuble, etc., l’Exposition de Lyra sur le Psautier et en général tous ses livres d’étude. Ce Guillaume Roussel, en 1427, est qualifié de lieutenant général du vicomte de Falaise (Bibl. nat., ms. fr. 26.050, p. 802). Robert Guérould est dit son exécuteur testamentaire et son secrétaire.

  19. [19]

    Nicolas de Venderès, seigneur de Beausseré, né vers 1372. Licencié en lois, il prêta serment à Henri V et fut reçu à un canonicat en l’église de Rouen, en 1422, et à l’archidiaconé d’Eu. Son nom figurant au traité de composition de la ville de Rouen avec Henri V (13 janvier 1419), on peut croire qu’il fut un des premiers ecclésiastiques normands à adhérer au gouvernement anglais. Vicaire de Mgr Louis d’Harcourt, aux appointements de 120 livres (141 2-1422), vicaire sede vacante (3 décembre 1429-1431), il faillit être nommé archevêque de Rouen après la mort de Louis d’Harcourt (la majorité des chanoines l’ayant désigné à cet office) et il fut un temps considéré comme tel : on lit dans l’inventaire après décès de Jean Alespée que ledit deffunt presta en son vivant à feu maistre Nicolle de Venderès, quand il fu esleu archevesque de Rouen, pour parsuir le fait de son élection, XIII mars (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 1193). Nicolas de Venderès jouissait aussi de la cure de Gisors. Il mourut à Rouen, le 1er août 1438. On voit qu’il eut pour exécuteurs testamentaires André Marguerie, Nicolas Caval et Jean Mahommet, prêtre, tous juges de Jeanne (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 2089). Cf. Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 94 ; Inventaire des Archives départementales de la Seine-Inférieure, série G., t. I, p. 37. — Le sceau de N. de Venderès a été reproduit par Albert Sarrazin, Pierre Cauchon juge de Jeanne d’Arc, p. 142.

    Venderès fut un juge assidu dans l’affaire de la Pucelle. C’était un familier de P. Cauchon. Il opina comme ses maîtres au sujet des douze articles, et, comme Raoul Roussel, lors de la cause de relaps, il estima que le procès avait trop duré.

  20. [20]

    Robert Le Barbier, Barberii, né vers 1388, maître ès arts, licencié en l’un et l’autre droit, reçu chanoine de Rouen en 1419. Il fut, à diverses reprises, official et député aux États de la province. Il mourut à Rouen, le 29 août 1444, et fut enterré dans la cathédrale (Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 75).

    Robert Le Barbier n’aimait pas à prendre une décision et il craignait surtout de se compromettre. Il opina tour à tour comme Érart, comme Gilles Deschamps, comme la Faculté de Théologie.

  21. [21]

    Nicolas Couppequesne, du diocèse de Rouen, cité comme maître ès arts dès 1403, bachelier en théologie, recteur, pour le chapitre, des grandes écoles de grammaire de Rouen, en 1417. Reçu chanoine de la cathédrale, en 1423, à la place de Jean d’Étampes, demeuré fidèle à la France, il eut le bénéfice des cures d’Hermanville, de Saint-Pierre d’Yvetot et devint pénitencier du diocèse, à la vacance du siège archiépiscopal. Il mourut intestat, le 10 juillet 1442 (Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 60-61 : Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 20).

    C’était certainement une personne instruite et fort agréable au gouvernement anglais, puisque, le 5 juin 1430, avisé de la prochaine arrivée du roi d’Angleterre, le chapitre de Rouen décidait que Nicolas Couppequesne adresserait au roi les compliments de bienvenue, dans le cas où Pierre Maurice ne l’aurait pu faire. Quelques mois après, quand Bedford fut reçu chanoine, cet insigne grammairien complimenta le noble duc et il eut pour sa peine un gallon de vin du prix de 6 s. 8 d. Peu de temps avant d’être appelé au procès, le 4 août 1430, Nicolas Couppequesne emprunta à la librairie du chapitre un livre intitulé : Lyrenensis Lugdunensis contra hereses (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 2126).

    Dans sa détermination Nicolas Couppequesne invoqua surtout l’autorité de l’Université de Paris.

  22. [22]

    Nicolas Loiseleur, Aucupis, né à Chartres en 1390, maître ès arts à Paris en 1403. Il ne fut admis bachelier en théologie qu’en octobre 1431. Déjà chanoine de Chartres, il fut reçu chanoine de Rouen en 1421, au lieu de Martin Ravenot, demeuré fidèle à la France. Il remplit, pour le chapitre, plusieurs missions délicates, se rendit, par exemple, à Paris pour suivre des procès. Le 8 juillet 1429, avec Baudribosc et Basset, il était délégué par le chapitre de Rouen pour délibérer sur l’envoi d’une ambassade à Rome (Noël Valois, Le Pape et le Concile, t. I, p. 87, n.). C’était, à n’en pas douter, un homme fort bien vu du gouvernement anglais, puisque, le 2 août 1430, Nicolas Loiseleur était adressé au cardinal d’Angleterre afin d’obtenir une audience du roi au cours de laquelle il devait lui recommander l’église de Rouen.

    Député au concile de Bâle avec Midi et Beaupère, en 1432, on voit que Nicolas Loiseleur allait de Rouen à Paris pour les libertez de l’Église (Arch. dép. de la Seine-Inférieure, G., 35, compte de 1433-1434) ; il ne se rendit pas au concile avant 1435 où il soutint, avec les universitaires et le clergé de Charles VII, la théorie de la prééminence du concile général sur le pape. Ce n’était plus là l’opinion du gouvernement anglais, ni celle du chapitre de Rouen qui chercha à faire rentrer son ambassadeur. Il fut, semble-t-il, assez mal reçu en Angleterre, où Henri VI soutenait à fond Eugène IV (N. Valois, op. cit., t. II, p. 132-135). Nicolas Loiseleur fut donc révoqué en 1438, et par deux fois. En 1439, les Pères du concile l’envoyaient, comme jurisconsulte, à la diète de Mayence ; en 1440, par sentence de la Cour de Rome, Nicolas Loiseleur était privé de son bénéfice comme chanoine de Rouen (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 2133).

    Nicolas Loiseleur demeurait à Rouen, rue de la Chaîne (aujourd’hui Place des Carmes), dans une maison dont son beau-frère, Pierre Le Marié, et sa sœur Thomasse étaient les concierges (Archives de la Seine-Inférieure, G. 6858). Pierre Cauchon v venait fréquemment, quand Loiseleur l’habitait. Il mourut à Bâle, après 1442 et avant la réhabilitation de Jeanne (Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 7582 ; Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 25 ; N. Valois, Le Pape et le Concile, II, p. 152-135).

    Nicolas Loiseleur, ami intime de Pierre Cauchon, fut également lié avec Nicolas Midi, l’un des ennemis les plus acharnés de Jeanne ; il a joué dans le procès un rôle parfaitement odieux, celui de faux confesseur, mais tout à fait conforme à la procédure inquisitoriale (N. Eymerich, Directorium inquisitorum, Romæ, 1585, p. 466, col. 2, cautela nova). G. Colles assure, du moins, qu’il pleura en la voyant mourir. Mais, ce qui est certain, c’est qu’il ne fut pas banni de Rouen, comme on l’a écrit, et que sa considération n’a subi aucune atteinte du fait de sa conduite pendant le procès. Il est mentionné, avec la qualité de normand, par Pie II (de gestis Basiliensis concilii, dans les Opera omnia, Basileæ, 1551, p. 3).

  23. [23]

    Jean d’Estivet, dit Benedicite, promoteur général du diocèse de Beauvais, chanoine de Beauvais et de Bayeux. Le 16 janvier 1430, il est dit chanoine de Bayeux, et fut déclaré par Pierre Cauchon exempt des décimes à lever sur le clergé en qualité d’étudiant en décret à l’Université de Paris (Bibl. nat., fr. 20881, fol. 61). On le retrouve à Rouen où, le 25 avril 1437, il obtint une prébende canoniale (Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 26-27 ; Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 17 ; A. Sarrazin, P. Cauchon, juge de Jeanne d’Arc, p. 98 n.).

    C’était un ancien étudiant en décret de l’Université de Paris, intimement lié avec Pierre Cauchon (en 1437, il agit comme procureur de son neveu pour une prébende au diocèse de Beauvais, voir note 51) et comme lui fugitif : un mauvais homme, de l’aveu même de Manchon. Il fut un des juges les plus acharnés après Jeanne, qu’il insulta dans sa prison, la traitant de paillarde, de putain, d’ordure. Très dévoué aux Anglais, Jean d’Estivet s’introduisit auprès de Jeanne, comme Loiseleur, feignant d’être un prisonnier. Au témoignage de Guillaume Manchon, c’est lui qui aurait envoyé à Paris les douze articles, sans les corriger entièrement. Il est l’auteur du réquisitoire, lu à la séance du 27 mars, et il fit reconduire Jeanne au château de Rouen après l’abjuration. Les greffiers, qu’il paya cependant de leurs travaux, le détestaient, car il se montra acharné après eux. Boisguillaume le chargea beaucoup lors de la réhabilitation de Jeanne : Et croit que Dieu, sur la fin de ses jours, l’a puni, car il finit misérablement : on l’a trouvé mort dans un certain égout (columbarium), hors de la Porte de Rouen. Cet accident, arrivé le 20 octobre 1438, fut interprété fabuleusement comme la punition de sa conduite au procès : mais Jean d’Estivet était alors chargé de nombreux bénéfices.

  24. [24]

    Jean de La Fontaine, de Fonte, clerc du diocèse de Bayeux, dit en 1403 maître ès arts et étudiant en décret, bachelier et promoteur de l’Université en 1421, envoyé vers Bedford et Henri VI, en 1422, pour obtenir confirmation des privilèges de l’Université ; licencié en décret à Paris, en 1424. En 1427, avec Guillaume Colles, Manchon et Robert Guérould, il rédige la transaction, faite par les soins de Pierre Cauchon, entre l’archevêque et le chapitre de Rouen (Arch. de la Seine Inférieure, G. 3589). Jean de La Fontaine lut, en 1456, la confirmation des privilèges universitaires par Charles VII (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 21 ; Chart. Univers. Paris., passim ; Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 7).

    Institué commissaire conseiller au procès, délégué par Pierre Cauchon pour interroger Jeanne, Jean de La Fontaine lui conseilla de se soumettre à l’Église. Aux dires de Manchon et de Massieu, qui demandent à être contrôlés, il dut quitter Rouen sur les menaces de Cauchon, qui le trouvait trop favorable à l’accusée. On sait aussi qu’il était l’ami de Nicolas de Houppeville à qui il fit passer un billet dans sa prison. — Un Guillaume de La Fontaine est dit lieutenant général de Jean Salvain, bailli de Rouen en 1432 (Bibl. nat., fr. 26035, n° 1860). — Un Jacques de La Fontaine, bachelier en décret, secrétaire et familier du pape, était, le 27 mars 1429, occupé à permuter son canonicat de Beauvais (Reg. des délibérations du chapitre).

  25. [25]

    Guillaume Colles, dit Boisguillaume, et mieux Boscguillaume, d’une famille Colles de Boisguillaume (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 4755), greffier du procès, notaire de l’Officialité de Rouen.

    Dès 1424, on voit le nom de Guillaume Colles au bas d’une formule d’excommunication (Ibid., G. 2123). On retrouve Boisguillaume comme notaire de la cause inquisitoriale instruite à Rouen, entre juillet et novembre 1430, par Jean Graverent contre Jean Seguent (Denifle et Chatelain, Chart. Univers. Paris., IV, p. 504). En 1421, il est dit curé de Notre-Dame-de-la-Ronde (cure dont le roi d’Angleterre avait la présentation), et il signait l’acte par lequel les membres du clergé de Rouen, réunis dans la chapelle archiépiscopale, déclaraient privés de leurs bénéfices leurs confrères résidant dans les terres soumises à l’obéissance du dauphin (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 1202). Boisguillaume est dit clerc des vicaires de l’archevêque en 1425 (Arch. dép. de la Seine-Inférieure, G. 251). On voit que, par un mandement de Henri VI, l’official de Rouen est chargé de faire l’inventaire de ses biens. Il est dit alors curé de Notre-Dame, près Bernay, en sentence d’excomniche, agrave et réagrave… pertinax et mal sentant des clefs de notre mère Sainte Église. Cette vente est ordonnée afin que l’argent soit employé au bénéfice de son absolution (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 1195). G. Colles demeurait à Rouen sur la paroisse Saint-Nicolas (Ibid., G. 7323). Il déposa au procès de réhabilitation, le 18 décembre 1456, donna des détails sur le travail des notaires, déclarant que le procès avait été fait aux frais des Anglais, reconnaissant les pièces qui lui étaient présentées, révélant les supercheries de N. Loiseleur et de J. d’Estivet.

  26. [26]

    Guillaume Manchon, greffier du procès, notaire de l’Officialité de Rouen, chanoine de Rouen et d’Évreux, curé de Saint-Martin de Vitefleur, plus tard de Saint-Nicolas de Rouen, et aumônier de la Confrérie de la Calende du doyenné de la Chrétienté de Rouen (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 1220).

    Promoteur d’office, de 1437 à 1443, il poursuit l’affaire où Jean Massieu est accusé de mauvaises mœurs (Ibid., G. 255) ; en cette qualité, il visita les abbayes ( et les prieurés du diocèse en 1440, et est dit promoteur (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 42) ; en 1453, on le trouve tauxeur et positionnaire (Ibid., G. 51). Guillaume Manchon mourut le 9 décembre 1456 (Inventaire sommaire des Archives départementales de la Seine-Inférieure, série G., t. II, p. VIII).

    On trouve que, le 21 septembre 1440, Guillaume de Croisemare, bailli de la Madeleine de Rouen ; vidime certaines de ses fondations : Guillaume Manchon est dit notaire de la Cour de Rouen, curé de Vitefleur depuis le 31 octobre 1436, chanoine d’Évreux, promoteur d’office en la Cour spirituelle de Louis de Luxembourg, archevêque de Rouen, premier chapelain par élection et dénomination des frères de la Confrérie des notaires (13 septembre 1440). Parmi les témoins cités, on rencontre Pierre Cochon, curé de Vitefleur, notaire de la Cour spirituelle de Rouen. Sur l’acte original de fondation (1436), on voit les signatures de Manchon et de Nicolas Taquel (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 8977). Une commission, donnée au mois d’octobre 1445 par les commissaires sur le fait des rentes appartenant aux gens d’Église, indique qu’il était chargé de recevoir les fruits des revenus des curez situés au diocèse de Rouen, dont les curez sont absens et demourans hors de l’obéissance du roy. (Bibl. nat., ms. fr. 26074, p. 5338.)

    Guillaume Manchon, qui livra aux juges du procès de réhabilitation la minute du procès de condamnation, déposa en 1450, en 1452, en 1455. Il le fit avec prudence, chargeant beaucoup l’évêque et les Anglais.

  27. [27]

    Jean Massieu, prêtre, curé doyen, qui remplit les fonctions d’huissier durant le procès. On voit, le 11 octobre 1430, que la ville de Rouen lui reconnaissait une dette de 7 l. 10 s., somme prêtée par Jean Massieu à la cité (Bibl. nat., fr. 26.053, n° 1428). Il est dit doyen de la Chrétienté de Rouen en 1431 (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 3372), c’est-à-dire, suivant Quicherat, syndic des curés de la division du diocèse qu’on appelait le Doyenné de la Chrétienté. Le 3 février 1431, Jean Massieu est condamné à l’amende pour avoir, dans le cimetière de la cathédrale, exempt de la juridiction de l’évêque, reçu de l’argent de certains prêtres et clercs cités par lui (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 3372). Le doyen de la Chrétienté de Rouen fait plusieurs voyages à Bâle, au sujet des libertés de l’Église (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 35, compte de 1433-1434) ; en 1434, Jean Massieu est envoyé à la recherche d’un malfaiteur (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 155). On voit que des poursuites sont exercées contre Thomas Milton, chapelain du seigneur de Fauquemberge, et Jean Massieu, autrefois doyen de la Chrétienté, pour mauvaises mœurs (Ibid., G. 255, 1458-1439). Jean Massieu, prêtre de la paroisse de Saint-Maclou, est poursuivi pour inconduite (Ibid., G. 263, registre de 1458-1459). En 1450, il est dit chanoine, curé de Saint-Cande-Ie-Vieux, lors de la fondation de 300 livres par Pierre Cauchon, en l’honneur du Saint-Sacrement (Ibid., G. 6360).

    Jean Massieu déposa en 1450 et témoigna au procès de réhabilitation le 17 décembre 1455. Il est dit alors âgé d’environ 50 ans. Il dénonça alors la haine que les Anglais portaient à Jeanne, accusant Pierre Cauchon d’une extrême docilité à leur égard.

  28. [28]

    C’est-à-dire syndic des curés d’une division du diocèse. Cf. note 27.

  29. [29]

    Sur le rôle de l’Université de Paris, voir ce qui a été dit dans l’Introduction.

  30. [30]

    Il me semble que les historiens de Jeanne d’Arc ont passé rapidement sur ces tentatives pour sauver Jeanne prisonnière. On voit qu’à la date du 15 décembre 1430, Morosini a enregistré la nouvelle qu’aussitôt que la Pucelle fut tombée entre les mains du duc de Bourgogne et que le bruit se répandit que les Anglais l’obtiendraient moyennant deniers, le dauphin, informé, envoya une ambassade vers le duc de Bourgogne pour lui dire qu’il ne devait la livrer pour rien au monde, sans quoi il en tirerait vengeance sur ceux des hommes qui viendraient entre ses mains (éd. Germain Lefèvre-Pontalis et Léon Dorez, t. III, p. 336-339).

  31. [31]

    Philippe le Bon était en effet issu de la maison de France. Son père, Philippe le Hardi, était le quatrième fils du roi Jean.

  32. [32]

    On remarque qu’aucune des expéditions authentiques ne donne la date de cette lettre.

  33. [33]

    Voir la note 30.

  34. [34]

    Le 14 juillet 1450. Cette date a été restituée par Quicherat suivant le ms. d’Orléans, publié par Buchon. On voit qu’elle manque dans toutes les expéditions du procès.

  35. [35]

    Vincent Le Fourbeur, de Meaux, clerc, bachelier en décret, notaire de l’Université (Denifle et Chatelain, Chart. Univers. Paris., IV, p. 555). On le trouve encore dans cette fonction en 1433.

  36. [36]

    Michel Hébert, maître ès arts, notaire de l’Université. On le trouve dans cette charge dès 1422. Guillaume Nicolay est dit nouveau scribe de l’Université, en 1449, élu à la place du vieil Hébert, mort le 6 août à l’Hôtel-Dieu, de grande pauvreté et maladie (Denifle et Chatelain, Chart. Univers. Paris., IV, p. 700, n.).

  37. [37]

    Le bâtard de Wandomme, que l’on rencontre dans l’armée de Jean de Luxembourg qui allait mettre le siège devant Beaumont-en-Argonne, le 8 avril 1428 (Bibl. nat., fr. 4484). Le 24 mai 1430, au lendemain de la prise de Jeanne, il recevait du trésorier des guerres de Bourgogne 277 1. t. pour ses gages. Il est qualifié d’écuyer et avait sous lui 6 hommes d’armes et 62 hommes de trait (Pierre Champion, Guillaume de Flavy, p. 169).

    Sept ans avant la prise de Jeanne, le bâtard de Wandomme s’était distingué dans un tournoi, luttant à pied, avec une hache de bataille, contre un chevalier français ; quelque temps après, dans une vraie bataille, il avait été grièvement blessé d’un éclat de lance et il était resté estropié d’un bras (Monstrelet, IV, p. 152, 182 ; V, p. 456 ; Fenin, p. 200-204).

  38. [38]

    Honoré Bonet, cependant très informé des coutumes juridiques militaires, ne fait pas allusion à cette pratique. On sent bien dans ce refus la pensée de disqualifier Jeanne.

  39. [39]

    Le franc était une pièce d’or valant une livre de comptes, c’est-à-dire 20 s. La somme de 6.000 francs est assez considérable. Le chancelier de France, au temps de Louis XI, touchait 4.000 l. par an.

  40. [40]

    200 ou 300 livres équivalent au traitement d’un bailli au temps de Charles VII.

  41. [41]

    Un passage de Jean Jouvenel des Ursins (Épître aux États d’Orléans, 1440) jette un jour singulier sur ces rachats, et la question du prix des prisonniers : Car il n’y avoit si pauvre archer pris qu’il ne fust à deux ou trois cents écus de rançon. Les gentils hommes à dix mil, huict, six, quatre mille écus, et y en a eu plusieurs prisonniers. Et quant est des Anglois, on en tiroit très peu de finance, et le plus souvent comme rien. (Bibl. nat., fr. 16259, p. 66) Sur la valeur de l’écu, qui correspond à 1 l. 2 s. 6 d., voir note 198. On voit qu’en période de famine et de guerre, à Beauvais, la charge de blé valait 12 écus (Ibid., p. 66). — En 1434, le seigneur d’Offémont, pris par surprise à Clermont, par La Hire, ne recouvra sa liberté qu’au prix de 14.000 saluts d’or. (Delettre, Histoire du diocèse de Beauvais, 1843, t. III, p. 33.)

  42. [42]

    Nicolas et mieux Colard de Mailly, seigneur de Blangy-sur-Somme et de Conty, qui suivit le parti du duc de Bourgogne. Capitaine de Saint-Riquier, que venait de rendre le seigneur d’Offémont (1421), il reçut du roi anglais, en 1423, sur la recommandation du duc de Bedford, la seigneurie de Rambures saisie sur les d’Harcourt ; puis, après le siège de Guise (1424), il reçut de même les terres de Jean de Coucy. Au mois de janvier 1426, Colard de Mailly fut créé bailli de Vermandois. Cette année-là, il prend part au siège de Mortagne dans la retenue du comte de Salisbury (1427), puis à la campagne d’Argonne (1428). Le 10 juillet 1428, il écrivait aux habitants de Reims pour les retenir dans l’obéissance des Bourguignons. Colard ne passa jamais, comme on l’a dit, dans l’obéissance du roi de France. Il se retira à Chauny, dans la forteresse de Charles d’Orléans, d’où, en 1431, les habitants le chassèrent. On le retrouve, comme ambassadeur du roi d’Angleterre, au congrès d’Arras ; en 1441, on le rencontre parmi les gens de Jean de Luxembourg, au siège de Pontoise. Il mourut vers 1457 (Abbé Ambroise Ledru, Histoire de la maison de Mailly, Paris, 1893, t. I, p. 276-283).

  43. [43]

    Jean de Pressy, en Artois, chevalier. On trouve un Jean de Pressy, trésorier des guerres du roi en 1410, parmi ceux qui, en 1419, assistent le duc de Bourgogne dans son conseil à Arras sur le fait du traité d’Angleterre. (Cf. l’abbé A. Ledru, Histoire de la maison de Mailly, II, Preuves, p. 150-163.) En 1425, il est dit conseiller du grand conseil du roi et rendait son compte pour le voyage qu’il avait fait en Champagne pour lever l’aide et la convertir au payement des gens d’armes employés au siège de Moynier (Stevenson, Letters and papers, vol. II, part I, p. 56-62). Dans cette mission, il a pu rencontrer l’évêque P. Cauchon qui y fut employé. Jean de Pressy est mentionné parmi les seigneurs de l’entourage du petit Henri VI, lors du séjour qu’il fit au château de Rouen, du 29 juillet 1430 au 20 novembre 1431, et il figure parmi les membres du grand conseil (P. Le Cacheux, Actes de la Chancellerie de Henri VI, II, p. 218 n.). Il accompagna le jeune prince à Paris (Monstrelet, V, p. 2). — Un Jacques de Pressy était en ce temps-là chanoine de la cathédrale de Beauvais (Reg. des délibérations du chapitre).

  44. [44]

    Il n’y a que trois articles.

  45. [45]

    Nicolas Rolin, de famille bourgeoise, qui fut l’avocat de Jean sans Peur et présenta, au lit de justice de 1420, les conclusions relatives au meurtre de Montereau. Chancelier de Bourgogne (1422), il fut une sorte de ministre de Philippe le Bon, et il conduisit toute sa diplomatie jusqu’au traité d’Arras. Puissamment riche, Nicolas Rolin tomba en disgrâce sous la haine de la noblesse bourguignonne. Habile, autant qu’obstiné et dur, on voit que Philippe le Bon le considérait comme un autre lui-même. On sait que Nicolas Rolin était lettré et qu’il contribua à la fondation des Universités de Dole et de Louvain ; il avait le goût du luxe et il protégea les arts. Il éleva à Dijon l’hôtel d’Autun et de Dijon ; dans ses seigneuries, le château d’Authume ; à Beaune, le célèbre hôpital. Nicolas Rolin est représenté dans le magnifique tableau de Jean van Eyck du Musée du Louvre : la Vierge au donateur ; dans le retable de Beaune, il est portraituré par Roger de La Pasture. (Cf. Arsène Périer, Un chancelier au XVe siècle, Nicolas Rolin, Paris, 1904.)

  46. [46]

    Triquellot, notaire pontifical ?

  47. [47]

    Le couvent des Mathurins, au coin de l’ancienne rue des Mathurins et de la rue Saint-Jacques, aboutissant à l’hôtel de Cluny (place aujourd’hui marquée par l’encoignure de la rue du Sommerard). La chapelle était le siège des assises du recteur de l’Université : le conservateur y abritait ses privilèges.

  48. [48]

    Le recteur de l’Université, le 21 novembre 1450, était Thomas de Courcelles (Denifle et Chatelain, Chart. Univers. Paris., t. IV, p. XXVIII).

  49. [49]

    Cette petite phrase est capitale. Le procès demeurera la chose des Anglais. L’évêque n’exercera jamais qu’une commission.

  50. [50]

    Le sceau ordonné en l’absence du grand sceau, qui suivait toujours le roi. Son usage était si fréquent, en ces temps troublés, qu’il y avait à la chancellerie de France un secrétaire du sceau ordonné.

  51. [51]

    Jean de Rinel (Quicherat a imprimé Rivel, qui se lit très nettement ainsi dans A), neveu par alliance de Pierre Cauchon.

    Notaire du grand conseil et secrétaire du roi, Jean de Rinel assiste, en 1413, à un dîner offert par le chapitre de Rouen (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 26). Il signe un mandement de Bedford en 1424 (Stevenson, Letters and papers, vol. II, part I, p. 37) et un autre en 1428 (Ibid., p. 84). Jean de Rinel fut reçu à une prébende, par son procureur Jean d’Estivet, chanoine de Beauvais, le 25 mai 1437 (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 2133). Le 3 septembre 1434, il est dit secrétaire du roi Henri VI et il recevait 4 livres par jour pour ses gages ordinaires au cours d’un voyage qu’il allait faire, de Vire à Savigny, devers Richard Venables et autres hommes d’armes et de trait étant à l’abbaye de Savigny (Bibl. nat., ms. fr. 26058, p. 2347). Jean de Rinel accompagna son oncle P. Cauchon en 1439, lorsque celui-ci passa en Angleterre (A. Sarrazin, P. Cauchon juge de Jeanne d’Arc, p. 204). En 1443, il est dit au service du roi depuis vingt-quatre ans et il obtenait l’amortissement de 10 nobles d’or à consacrer à des œuvres pies (Ibid., G. 9195). On voit que sa veuve, le 30 septembre 1444, obtint du chapitre de Notre-Dame de Rouen de lui élever un tombeau de pierre, bien et décemment orné, dans la chapelle du Saint-Esprit, contre le mur (Ibid., G. 2130).

    L’épouse de Jean de Rinel était Jeanne Bidault, sœur de Jean Bidault, archidiacre d’Auge en l’église de Lisieux, chanoine de Rouen, neveu de l’évêque de Lisieux qui fit une fondation en mémoire de Pierre Cauchon (Ibid., G. 4841).

    La grande maison des Rinel était située rue de la Chaîne à Rouen, aujourd’hui place des Carmes (A. Sarrazin, op. cit., p. 224, 250). — Un autre Jean de Rinel était notaire et secrétaire du roi en 1446 (Ibid., G. 4841).

  52. [52]

    Rouen, la bastille de l’Angleterre en Normandie, avec son pont fortifié, les deux forteresses du Mont Sainte-Catherine et du Bouvreuil, venait d’être récemment approvisionné (au mois de septembre 1428, visite sur l’heure des aprovisions et advitaillemens estans ou chastel et pont de Rouen. Bibl. nat., fr. 26051, n” 956). Le connétable du château, le 10 novembre 1431, était Nicolas Basset (Bibl. nat., 26.055, n° 1683).

    Toutefois, la garnison qui tenait Rouen paraît n’avoir été qu’une simple garde de police (En 1436, la garnison comprenait, 2 hommes d’armes à cheval, 12 hommes d’armes à pied et 38 archers sur le commandement de John Talbot (Bibl. nat., fr. 26061, p. 2897) ; la garnison de l’autre capitale normande, Caen, était un peu plus forte et comprenait, en 1437, 3 hommes d’armes à cheval, 27 à pied, 90 archers (Bibl. nat., fr. 26062, p. 3086).

    Dans la nuit du 3 février 1432 la place de Rouen faillit être enlevée.

    Enfin, il y a lieu de rappeler la grande misère des villes, qui vivaient d’expédients et de prêts incessants (Bibl. nat., fr. 26061, p. 2968).

    Sur les fortifications de Henri V, cf. Adolphe Chéruel, Histoire de Rouen sous la domination anglaise, 1840, p. 68, 69.

  53. [53]

    L’hérétique diffamé comparaît devant le tribunal soit comme prévenu libre, soit comme détenu. C’est la gravité du crime, l’intérêt qu’il y a à s’assurer de sa personne, qui déterminent ces deux situations (Voir Nicolas Eymerich, Directorium inquisitorum, Romæ, 1585, p. 633).

  54. [54]

    C’était là une façon de proverbe.

  55. [55]

    Il y a deux personnages de ce nom que l’on trouve comme notaires dans un acte de 1438 (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 3668).

    Robert Guérould, mentionné comme notaire dès 1420 (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 2132), rédigea depuis 1424 les registres capitulaires (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 2124) et les tint jusqu’en 1441 (Ibid., G. 2130). Il est dit secrétaire du promoteur de l’archevêché en 1447 (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 162). Il signe son compte, en 1450, avec Gilles Deschamps et Raoul Roussel (Ibid., G. 166). On le trouve clerc d’office de la Cour archiépiscopale de Rouen, entre 1453 et 1456 (Ibid., G. 260-262). Il vivait encore en 1460 (Ibid., G. 2136). On voit qu’il avait toute la confiance de Raoul Roussel, dont il fut le secrétaire et l’exécuteur testamentaire en 1452 (Ibid., G. 3415). — Un Robert Guerroult est dit sergent à cheval au Châtelet de Paris en 1433 (Bibl. nat., P. Orig. 1431).

  56. [56]

    Jean Rubé, chanoine de Rouen, mentionné dans un compte de 1426-1427 comme payeur du chapitre (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 2488) : il déléguait Jean Volet, prêtre, comme receveur de la vicairie de Pontoise, en 1429-1430 (Ibid., G. 316). L’année suivante, il signait le compte de fabrique de la cathédrale de Rouen (Ibid., G. 2489) ; de même, en 1431-32 (Ibid., 2490).

    Pierre Cauchon demeura dans sa maison, près de Saint-Nicolas-le-Painteur, durant le procès (Déposition de G. Manchon). — Sur l’aspect de ce quartier, cf. A. Sarrazin, P. Cauchon juge de Jeanne d’Arc, p. 124-125.

  57. [57]

    E. de Rosières, signataire des lettres de Pierre Cauchon.

  58. [58]

    Le reste comme dans l’acte précédent.

  59. [59]

    Cf. Nicolas Eymerich, Directorium inquisitorum, Rome, 1585, p. 466.

  60. [60]

    Suivant G. Manchon, c’était la maison de Rubé, le chanoine, où demeure à présent maistre Jean Bidault, près Saint-Nicolas-le-Painteur (Voir note 56). Mais comme évêque de Lisieux, Pierre Cauchon demeurera dans le bel hôtel Saint-Cande, dont les restes sont connus aujourd’hui sous le nom d’hôtel de Lisieux. Ce curieux manoir, auquel on adossa plus tard la célèbre fontaine, était une vaste résidence, avec cour ecclésiastique, official, promoteur et chapitre ; l’église de Saint-Cande était elle-même comme une petite cathédrale qui avait ses démêlés avec la grande (A. Sarrazin, Pierre Cauchon juge de Jeanne d’Arc, p. 175).

  61. [61]

    William Haiton, mieux orthographié Heton, Anglais, bachelier en théologie, secrétaire des commandements du roi. Il était venu à la cour de France en 1419, comme ambassadeur de Henri V, pour traiter du mariage de ce roi avec Catherine, fille de Charles VI. Il faisait partie du conseil anglais en 1431, mais il fut destitué, le 1er mars 1433, de son office de secrétaire (Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 118). Il est mentionné en 1445 (Calendar of patent rolls… Henry VI, vol. IV, p. 330).

    William Heton opina comme Gilles de Duremort, abbé de Fécamp, son collègue au conseil du roi.

  62. [62]

    On sait que ces informations ne se trouvent pas dans le procès et qu’elles n’ont pas été communiquées aux assesseurs qui s’adjoignirent par la suite au tribunal.

  63. [63]

    Suivant la procédure inquisitoriale, les dépositions des témoins devaient être communiquées à l’inculpé, sans indication de nom et de provenance. Le plus souvent, ces dépositions sont résumées dans les tituli sur lesquels on veut obtenir des aveux. Nous avons donc toujours affaire à des textes abrégés, quand ils ne sont pas arrangés. Le procès de Jeanne d’Arc rentre, on le verra, dans la série des autres procès d’inquisition ; à cet égard, il n’est ni meilleur ni pire.

  64. [64]

    Jean Beaupère, Pulchripatris, né dans le diocèse de Nevers, maître ès arts vers 1397, après avoir étudié la théologie, lisait son premier cours sur la Bible en 1407 ; on le voit cité comme bachelier formé en théologie en 1419, licencié à la fin de la même année. C’était un homme considérable, qui avait été recteur de l’Université en 1412 et 1413 ; il avait rempli les fonctions de chancelier en l’absence de Gerson. En 1415, on le trouve à Constance, avec Pierre Cauchon, parmi les ambassadeurs bourguignons, alors que Jean XXIII mettait son espoir en Jean sans Peur pour seconder son projet de s’évader en France (N. Valois, La France et le grand Schisme d’Occident, t. IV, p. 302 n.). Le 30 juillet 1420, par faveur apostolique, Jean Beaupère est nommé chanoine de Notre-Dame de Paris à la place de Jean Charreton : ses confrères protestèrent d’abord contre son intrusion au chœur (Arch. nat., LL. 241). Le 27 juin 1420, il prend à Beauvais possession du canonicat d’Eustache de Laître, tombé en régale (Reg. des délibérations du chapitre) ; en 1419, il est député à Troyes, avec Pierre Cauchon, pour conseiller Charles VI ; en 1422, il part en ambassade vers la reine d’Angleterre et Gloucester afin d’obtenir confirmation des privilèges universitaires. En 1423, entre Paris et Beauvais, il fut attaqué par des brigands qui le détroussèrent et le laissèrent pour mort : il était du moins mutilé à la main droite et ne devait plus occuper ses bénéfices. En fait, Jean Beaupère obtint une dispense de Martin V pour ses canonicats de Besançon, de Sens, de Paris, de Beauvais et l’archidiaconé de Salins (mars 1424). Nommé, le 6 septembre 1430, chanoine de Rouen par Henri VI, le 2 avril 1431 il recevait une gratification du gouvernement anglais de 30 l., en plus des 20 s. t. des journées de vacations au procès de la Pucelle (Bibl. nat., n. acq. fr. 7627, fol. 297) ; on voit qu’en 1432 il était cellerier de Sens, chanoine de Besançon, Paris, Laon et Rouen, chapelain de Brie ; et il plaidait encore pour devenir chanoine d’Autun, curé de Saint-Jean-en-Grève, chevecier de Saint-Merry à Paris, chanoine de Lisieux, etc. ! Il avait quitté Rouen, le 28 mai 1431, pour se rendre au concile de Bâle où il arriva le 2 novembre 1431 (en 1424, il avait déjà été envoyé au concile de Sienne). 11 y joua un rôle très important, puisqu’il fut chargé de démontrer au pape la nécessité de se rendre à Bâle : ce qu’il fit avec véhémence. Les Pères de Bâle l’adressèrent comme ambassadeur vers Philippe le Bon en 1452 ; en 1435, on voit qu’il recevait un nouveau témoignage de la gratitude des Anglais (Calendar of patent rolls, Henry VI, II, 461). Ayant pris parti très vivement contre le pape, Jean Beaupère, qui avait été désavoué par le chapitre de Rouen, en 1458 (cette année-là, en compagnie de Jean de Raguse, il donnait une leçon d’histoire ecclésiastique au nouvel empereur Albert : il appliquait à Eugène IV la parole de Zacharie, XI, 17), dut toutefois protester de son orthodoxie, en 1444, pour conserver son canonicat à Rouen ; et quand la ville rentra sous la domination française, en 1450, il invoqua son titre de bon Français. Jean Beaupère résidait en effet à Besançon, dans un pays qui n’était pas contraire au roi. Il dut mourir, entre 1462 et 1463, à Besançon, dont le chapitre hérita de ses Antiquités judaïques et des Miracles de saint Grégoire (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 17-18 ; Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 27-30 ; Noël Valois, Le Pape et le Concile, I, p. 119, 230 ; II, 132, 137, 241).

    Beaupère, très assidu au procès, homme d’autorité et souple en même temps, joua un rôle considérable dans cette affaire. C’est lui qui fut chargé d’aller à Paris chercher l’avis de l’Université. Il déposa, en 1452, lors des préliminaires de la réhabilitation, et il maintint son opinion sur les causes naturelles des apparitions de Jeanne, développant la théorie de la malice inhérente à la nature féminine.

  65. [65]

    Jacques de Touraine ou Le Teissier, Textoris, Mineur, licencié en théologie en 1422, puis maître régent. Dans une minute, écrite entre 1432 et 1433, l’Université célèbre l’étendue de sa science, la pureté de ses mœurs (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 18).

    Mandé de Paris pour le procès de Jeanne, Jacques de Touraine fut un juge très assidu et partial. C’est lui qui porta à l’Université, de la part de P. Cauchon, les pièces du procès et rédigea le brouillon des questions à poser aux assistants. Il fut à Paris le collègue de Pierre Maurice, de Guillaume Érart, de Giovanni da Fano, autres juges de la Pucelle. Il vivait encore en 1436 (Chart. Univ. Paris., t. IV, p. 580).

  66. [66]

    Nicolas Midi, licencié en théologie en 1424, fut nommé par Henri VI, le 21 avril 1431, chanoine de Rouen où il fut installé onze jours avant le supplice de Jeanne. Le 11 juin, comme ils le firent pour J. Beaupère, les chanoines lui accordèrent remise du droit d’annates par grâce spéciale, attendu les services qu’il avoit rendus à l’église. N. Midi haranguait, comme délégué de l’Université, le roi Henri VI à Paris, lors de son entrée au mois de décembre 1431 (Chart. Univers. Paris., t. IV, p. 532-533). Recteur de l’Université de Louvain en 1433, on le trouve déjà député au concile de Bâle en 1432 (N. Valois, Le Pape et le Concile, t. I, p. 317 n.). Vers 1434, il contracta la lèpre et dut résigner toutes ses fonctions et son canonicat : mais il en conserva les revenus. Nicolas Midi vivait encore le 8 novembre 1438 (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 18 ; Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 38-41).

    Bourguignon convaincu (en 1416 il avait délibéré en faveur des propositions de Jean Petit avec la Nation de Normandie), universitaire fanatique (depuis 1418 il était recteur de l’Université de Paris), la triste maladie que N. Midi contracta a été interprétée de bonne heure, et d’une façon tout à fait légendaire, comme le signe de la punition divine méritée par son rôle dans le procès : car il est l’auteur des fameux douze articles résumant tendancieusement la doctrine de Jeanne, et il fut l’un des hommes de confiance de Bedford. (Le 12 mai 1432, par égard pour le régent, le chapitre de Rouen décide que Nicolas Midi, mandé au concile de Bâle, recevra les distributions capitulaires comme s’il était présent. Si Pierre Maurice ne voulait pas accepter la charge de se rendre au concile, Nicolas Midi était prié de le remplacer. — Arch. de la Seine-Inférieure, G. 2126.)

  67. [67]

    Pierre Maurice, Mauricii, reçu le premier à la licence théologique en janvier 1429, et le premier à la maîtrise, le 23 mai de la même année (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 19). Le 11 janvier 1430, par lettres de Henri VI, il fut nommé à un canonicat en l’église de Rouen que résigna en sa faveur un Anglais nommé Heton.

    Cet insigne et jeune théologien était déjà rallié au gouvernement anglais puisqu’il avait obtenu de Henri V la cure de Saint-Sébastien de Préaux, au diocèse de Lisieux. Curé d’Yerville, il permuta ce bénéfice pour la chapelle Saint-Pierre en la cathédrale de Rouen ; curé de Paluel, il était aussi chapelain de la chapelle Saint-Mathurin de la cathédrale. Le 5 juin 1450, il fut désigné par les chanoines pour porter la parole en leur nom lors de l’entrée de Henri VI dans leur église. Il intervenait, en leur nom, auprès du cardinal d’Angleterre pour faire appuyer la postulation de Louis de Luxembourg au siège archiépiscopal vacant (3 décembre). Désigné en 1431 pour accompagner Pasquier de Vaux, l’ambassadeur du roi à Rome, il se rendit en 1434 à Bâle comme ambassadeur de Henri VI et, l’année suivante, il passait en Angleterre par ordre du conseil. Nommé vicaire général le 5 décembre 1436, il mourut presque aussitôt : les trente-deux précieux manuscrits qu’il possédait furent légués à la librairie du chapitre de Rouen (Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 86-88). On y remarque un Térence, un Virgile, un Végèce, un beau Bréviaire qu’acheta Louis de Luxembourg.

    Ce théologien lettré fut fort assidu au procès et il montra envers Jeanne un zèle à l’éclairer qui ne paraît guère sincère. Pierre Maurice était fort affectionné pour le chapitre de Rouen qu’il dota dans son testament (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 2090). Mais les rentes dont il disposa étant assises dans le pays de Caux qui pour la greigneur partie s’estoit soustrait à l’obéissance du roi d’Angleterre, ses exécuteurs durent les prendre sur des maisons de Rouen (Ibid., G. 3574).

  68. [68]

    Gérard Feuillet, Feuleti de Salinis, Fuleti, frère Mineur, bachelier à Paris en 1425, licencié en théologie en décembre 1429, reçu maître le 30 mars 1430 (Denifle et Chatelain, Chart. Univ. Paris., IV, p. 444, 488).

    Ce professeur en théologie fut l’un des maîtres qui travaillèrent à la rédaction des articles d’accusation du procès et qui allèrent à Paris porter les conclusions au duc de Bedford et à l’Université.

  69. [69]

    Thomas de Courcelles, né à Amiens en 1393, insigne universitaire, recteur de la Faculté de Décret en 1426, bachelier en théologie de l’Université de Paris, licencié en 1435, professa la théologie à Paris pendant de longues années ; il mourut en 1469, doyen du chapitre de Notre-Dame.

    Recteur de l’Université en 1430, il allait porter le rôle en cour de Rome, à la fin de l’année 1431 ; député à Arras, où il parla pour la paix en 1435, il proposa tant de belles et solemnelles parolles que… sembloit qu’on ouyst parler un ange de Dieu ; parquoy des assistans plusieurs furent esmeus à larmes. Ce clerc, moult solemnel et excellent, développa ce passage des Proverbes : Ceux qui suivent les conseils de paix, la joie les suivra (XII, 20). Il fit l’éloge des deux cardinaux, allégua la prééminence du royaume de France, dont plusieurs rois (et il les nomma), protégèrent les papes contre leurs adversaires ; et il demanda encore la paix au nom de la ville de Paris, si misérable, réduite à une telle nécessité qu’il fallait que la plupart de ses habitants la quittassent (Chart. Univ. Paris., t. IV, p. 571). Son ancien maître, celui-là qui l’avait reçu premier à la licence, Guillaume Érart, répliqua sèchement pour les Anglais que mieux valait une terre dévastée que perdue.

    Au concile de Bâle, Thomas de Courcelles brilla comme une des lumières de l’Église de France (1433-1438). On le voit défendre contre Pierre de Versailles les décrets de Constance, les décrets de l’Université de Paris affirmant la supériorité du concile sur le pape, alléguant l’autorité de Gerson (N. Valois, Le Pape et le Concile, II, p. 142 n.) En 1438, en dépit de la peste de Bâle, il demeura à son poste (Ibid., p. 177). Il est délégué par le concile pour contribuera l’élection du futur pape (Ibid., p. 181). Il fut de ceux qui déclarèrent, en juillet 1439, le pape relaps ; on le voit délégué par les Pères à la diète de Mayence pour l’élection d’un nouveau pape ; au mois de décembre, à Thonon, Thomas de Courcelles prononça une harangue devant l’anti-pape Félix V (N. Valois, Le Pape et le Concile, t. II, p. 191) qui le comprendra, en 1444, dans une promotion de cardinaux (Ibid., p. 192 n.). En 1440, il exposa éloquemment, à Bourges, devant Charles VII la doctrine de l’Église gallicane (Preuves des Libertez, I, p. 19-28). Le 18 juillet 1442, à Saint-Magloire, il prononça devant le peuple le sermon solennel qui mettait fin aux troubles universitaires, annonçant que le roi liberallement avoit reconfermez et rebaillez à nostre dite mère l’Université tous ses privilèges (Journal de Jean Maupoint, éd. Fagniez, Mém. Soc. de l’histoire de Paris, t. IV, p. 28). Le 17 juillet 1447, il prend place au chapitre de Notre-Dame de Paris où il sera reçu chanoine le 11 septembre (Arch. nat., LL. 241). Il y avait déjà dans ce chapitre un Guillaume de Courcelles, nommé chancelier en 1425 à la place de Gerson, et Jean de Courcelles dit docteur en décret et archidiacre de Josas par faveur du roi, chanoine depuis le 23 juillet 1446, le frère de notre Thomas. Au mois d’août 1447, on trouve Thomas de Courcelles à Lyon, parmi les ambassadeurs qui devaient négocier la renonciation d’Amédée duc de Savoie (N. Valois, Le Pape et le Concile, t. II, p. 331). Dans une lettre du 8 avril 1448, on voit que Gérard Machet, confesseur de Charles VII, le chargeait de commissions verbales pour le pape. Il se rend à Rome près de Nicolas V et il prend le titre de sous-diacre du pontife. Le 19 mai 1451, Thomas de Courcelles demandait à être reçu pénitencier à la place de Robert Cybole, ce qui arriva le 21 mai, sur la recommandation de l’évêque. En 1458, il est dit doyen de Notre-Dame (Ibid.). En 1450, on le voit parler contre la fondation d’une Université à Caen. Thomas cumulait alors de nombreux bénéfices (Chart. Univ. Paris., IV, p. 705 n.).

    Æneas Sylvius, l’un des meilleurs observateurs de son temps, a parlé avec admiration de sa modestie et de sa capacité. Thomas de Courcelles, insigne parmi les docteurs en théologie, qui plus que personne inspira les décrets du saint concile ; homme admirable et aimable quant à la science, modeste en même temps et plein de retenue, regardant toujours à terre et semblable à qui voudrait se cacher. (Commentariorum de gestis concilii Basiliensis, dans les Opera omnia, Bâle, 1551, p. 7.) C’est Thomas de Courcelles qui prononça l’éloge funèbre de Charles VII à Saint-Denis (Chartier, éd. Vallet de Viriville, III, p. 120). L’inscription sur sa pierre tombale, jadis à Notre-Dame de Paris, le dit homme de science éminente et de grande éloquence. Il y est figuré avec son frère, docteur en décret, chanoine de Notre-Dame, archidiacre de Josas, conseiller du roi au Parlement, désigné on 1459 pour recevoir les amendes de l’Échiquier de Normandie (Bibl. nat., P. Orig. 883), qui mourut en 1481, à l’âge de 90 ans (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 23 ; Chart. Univers. Paris., IV, p. 448, 531, 564, 571, 621, 705 ; Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 30-32 ; Quicherat, Aperçus nouveaux, p. 105-106 ; Noël Valois. Le Pape et le Concile, II. p. 231-233, 340-342).

    On sait le rôle que Thomas de Courcelles joua au procès de condamnation où il opina pour la torture. Ce jeune maître, rempli d’avenir, ce clerc moult solemnel et excellent, jouissait de la pleine confiance de P. Cauchon qui le chargea de traduire en latin le procès. Interrogé en 1456, lors de la réhabilitation, ce remarquable docteur, dont l’éloquence est vantée par les contemporains et célébrée par son épitaphe, perdit la mémoire. Thomas de Courcelles était sans doute assez embarrassé par le procès, et depuis longtemps, puisque dans la rédaction définitive de ce document, il avait supprimé son nom là où il figurait dans la minute française. Il prit le parti de donner à entendre qu’il avait pris peu de part à cette affaire, ce qui était faux. Mais il fut infiniment moins fanatique que P. Cauchon et G. Érart.

  70. [70]

    Martin Lavenu, ou Ladvenu, Dominicain, du couvent des Jacobins de Rouen, qui chercha à éclairer Jeanne, la confessa et l’administra.

    Ce personnage est à peu près inconnu : on voit qu’il se rendit à Paris lors du procès en matière de foi commencé contre Gilles Deschamps, l’un des juges de Jeanne (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 39, compte de 1457-1438) ; il prêcha l’année suivante à Neufchâtel une sorcière suspecte en matière de foi. Jeanne Vaneril (Ibid., G. 4). Il est dit en 1452, lors des préliminaires de la réhabilitation, frère du couvent des Jacobins de Rouen, especial confesseur et conducteur de ladicte Jehanne en ses derniers jours.

  71. [71]

    La chapelle royale du château de Rouen qui se trouvait au milieu de la cour du château (F. Bouquet, Jeanne d’Arc au château de Rouen, Rouen, 1865, p. 35).

  72. [72]

    Jean de Châtillon, de Castellione, de Castilliono, de Chasteillon, et mieux Jean Hulot de Châtillon (il est ainsi nommé dans sa détermination sur Jeanne), archidiacre d’Évreux, puis chanoine, qu’il ne faut pas confondre avec l’italien Jean de Castiglione qui devint évêque de Coutances en 1444.

    Il était déjà ancien dans l’Université : en 1403, il est dit maître ès arts, bachelier en théologie, et avait pu être à Paris le camarade de Pierre Cauchon et de Jean Beaupère (Denifle et Chatelain, Chart. Univ. Paris., t. IV, p. 84). En 1418. il prend part au conseil qui arrêta la charte des libertés de l’Église gallicane. Il enseignait à Paris, à la Faculté de Théologie, en 1428, en même temps que Pierre de Dyerré, Guillaume Érart, Guillaume Adelie. Docteur en théologie (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 17), il résidait déjà à Rouen avant le procès et jouissait d’une certaine influence auprès des membres du gouvernement anglais. En 1435, il était reçu au canonicat de la cathédrale, vacant par le décès de Couppequesne, en vertu de lettres du roi. En 1437, il obtenait de même l’archidiaconé du Vexin-Normand (Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 114-116, 137). Je ne sais quel rapport pouvait avoir avec Guillaume, seigneur de Châtillon, qui est dit avoir conquis Château-Thierry pour le roi anglais au mois d’août 1426 (Bibl. nat., fr. 26048, p. 451).

    C’est peu probable qu’il ait été menacé par P. Cauchon et évincé des audiences, comme le rapporta au procès de réhabilitation Jean Massieu. Très assidu au procès de condamnation, il se contenta de désapprouver certaines questions captieuses posées à l’accusée. Et c’est lui qui, le 2 mai, fut chargé d’admonester la Pucelle.

  73. [73]

    Jean de Nibat, frère Mineur, licencié en théologie en 1424, maître régent à Paris depuis 1426 (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 19 ; Chart. Univers. Paris., IV, p. 457).

    Juge assidu au procès de condamnation, il admit, avec les docteurs de Paris, le bien fondé des douze articles.

  74. [74]

    Jacques Guesdon, frère Mineur.

    Frère gardien du couvent de Rouen en 1427, il exposait au pape qu’après avoir été excommunié par Jean Guesdon, provincial de la province de France, il avait étudié la théologie à Paris pendant huit ans et que le chapitre provincial l’avait désigné pour lire la Bible. Il est donc peu vraisemblable qu’il ait été maître en théologie dès 1431, du moins à Paris (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 19).

    Ce Cordelier assista assidûment au procès de condamnation. Je ne sais quel lien il avait avec Laurent Guesdon, lieutenant général de Raoul Bouteiller, le bailli de Rouen en ce temps-là (Bibl. nat., fr. 26046, p. 165 ; fr. 26053, n° 1422), puis lieutenant général du bailli de Gisors (Bibl. nat., fr. 26054, n° 1512).

  75. [75]

    Jean Le Fèvre, Fabri, Ermite de Saint-Augustin. Le 23 janvier 1414, il est commis par le chapitre de Beauvais, avec Jean Fouquerel, pour corriger les Psautiers (Reg. des délibérations du chapitre). Il assiste à la réception de Pierre Cauchon, nommé évêque de Beauvais (Ibid.). Licencié en théologie le 13 mars 1426, maître le 15 octobre, il enseigna à Paris en même temps qu’Érard Émengart, Jean Beaupère, Nicolas Midi, Jacques de Touraine ; il fut pénitencier de l’église de Rouen sous Monseigneur de Luxembourg et il était autorisé, comme personne notable, à avoir une clef de la librairie du chapitre et à y travailler (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 2129). Nommé évêque de Démétriade, le 13 janvier 1451, Jean Le Fèvre mourut à Rouen, en 1463 (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 19 ; Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 109-110 ; Inventaire des archives départementales de la Seine-Inférieure, série G, t. I, p. 38).

    Il paraît avoir joui d’une assez grande réputation comme prédicateur, et il prêcha notamment contre les Français à l’occasion des sièges de Meaux et de Pontoise. C’est lui qui dira la messe au chœur de Notre-Dame lors du décès du cardinal de Luxembourg (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 2130).

    Le Fèvre fut un des juges les plus assidus au procès de condamnation ; il déposa d’abord de façon un peu embarrassée lors de l’enquête faite à Rouen en vue de la réhabilitation ; mais dans la suite on peut constater que Le Fèvre montra du zèle en faveur de Jeanne et qu’il siégea très régulièrement comme juge subdélégué au procès de réhabilitation.

    On trouve un Guillaume Le Fèvre, procureur du receveur de la terre d’Asnière au bailliage de Cotentin en 1429 (Bibl. nat., fr. 26049, p. 726) ; un Robert Le Fèvre, en 1435, curé de Saint-Marc, paroisse Saint-Ouen (Bibl. nat., fr. 26057, n° 2221). Un Guillaume Le Fèvre, chanoine de Rouen, fut inhumé dans la cathédrale en 1446 (A. Deville, Tombeaux de Rouen, p. 221).

  76. [76]

    Du Quesnay, de Quesneio, nommé Maurice Duchesne, de Quercu, dans la minute française.

    On trouve un Jean de Quesneio, cursor en théologie en 1426, en même temps que Guillaume Evrard, licencié en théologie en 1429. Il est dit maître en théologie, le 30 mars 1430, et suivit le procès fait à Paris au frère Mineur Jean Sarrasin aux côtés de Jean Beaupère, Martin Billorin, Guillaume Evrard, tous juges de la Pucelle, et il est souvent cité dans les suppliques du Vatican. Au mois de septembre 1430, il figure parmi les maîtres régents de la Faculté à Paris. On le retrouvera abbé du Bec-Hellouin, chanoine de La Saussaye au diocèse d’Évreux, puis en 1434, parmi les membres du concile de Bâle (Denifle et Chatelain, Chart. Univ. Paris., IV, p. 522 ; Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 19). En 1437, Jean du Quesnay est dit bailli du doyen et du chapitre de Rouen (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 6857).

    Mais alors on ne s’explique pas le prénom de Maurice que lui donne la minute française, ainsi que la forme de son nom de Quercu.

  77. [77]

    Guillaume Le Boucher, Boucherii, Carme, licencié en théologie à la Faculté de Paris, en décembre 1413 ; il est dit docteur au temps du procès (Denifle et Châtelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 19). Il résidait déjà dans sa maison de Rouen en 1422 (Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 112).

    Guillaume Le Boucher fut très assidu au procès de condamnation et il estima sèchement Jeanne relapse et condamnable comme hérétique. Il allégua l’autorité de Gilles de Duremort, l’abbé de Fécamp.

  78. [78]

    Pierre Houdenc, et mieux de Houdenc, Carme, licencié en théologie de l’Université de Paris en mars 1424, maître le 21 novembre. Il fut donc le camarade de Jean de Nibat et de Nicolas Midi, qui obtinrent la licence en même temps que lui (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 19 ; Chart. Univ. Paris., t. IV, p. 428). En 1431, il était prieur de l’ordre des Carmes de Rouen et très lié avec le régent Bedford qui passait pour le fondateur de la maison, son bienfaiteur, certes. Pierre de Houdenc n’avait rien à refuser à celui dont il accepta la donation, le 14 août 1431 (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 3573).

    Ce personnage semble avoir été un orateur apprécié à Rouen car on le voit plusieurs fois, entre 1430 et 1439, prêcher à la cathédrale pour le compte de l’archevêque (Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 111-112).

    Ce qui est certain, c’est que Pierre de Houdenc fut un des juges les plus assidus au procès de condamnation, et que ce théologien se montra fort zélé à poursuivre la Pucelle.

  79. [79]

    Richard Praty, Anglais, mentionné parmi les religieux qui instruisirent à Rouen, entre le mois de juillet et celui de novembre 1430, le procès de Jean Seguent en matière de foi (Chart. Univ. Paris., t. IV, p. 504). Doyen de la chapelle royale et chancelier de l’église de Salisbury, il fut nommé par Eugène IV, le 21 avril 1438, évêque de Chichester en Sussex (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 19). Il mourut avant le 12 septembre 1445 (Calendar of patent rolls… Henry VI, IV, p. 374).

  80. [80]

    Guillaume de Conti, Bénédictin, prévôt de Cérisy, abbé de Saint-Pierre de Lagny en 1423, abbé de Sainte-Catherine-du-Mont de Rouen en 1429. Licencié en décret en 1422, délégué universitaire pour se rendre au Concile en 1423, maître en 1424, il enseigna à Paris depuis lors. Il fut doyen de la Faculté de Décret depuis novembre 1431 jusqu’en mai 1432, date de son départ pour le concile de Bâle (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 20 ; Chart. Univ. Paris., IV, p. 423, 435, 581 ; Fournier et Dorez, La Faculté de Décret, I, p. 377). En 1434, l’Université de Paris le délégua avec Thomas de Courcelles, à Arras, pour traiter de la paix. En 1436, au mois d’avril, il est désigné comme ambassadeur de l’Université pour féliciter Charles VII à l’occasion de la prise de Paris. Guillaume de Conti mourut en 1452 et prêta serment à Charles VII (Gallia Christiana, t. XI, col. 128-129 ; Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 114).

    L’abbaye de Sainte-Catherine de Rouen était tenue par Jean Clay, capitaine de l’abbaye, à charge du duc de Bedford, le 5 novembre 1429 (Bibl. nat., fr. 26052, n° 1168, 1171).

  81. [81]

    Guillaume Bonnel, du diocèse de Lisieux, Bénédictin, abbé de Cormeilles depuis 1408. Il étudia le décret à Paris sous Jean, abbé de Saint-Taurin, de 1426 à 1428, date où il fut reçu docteur. À partir du 6 novembre 1432, il fut doyen de la Faculté de Décret. Il avait prêté serment à Henri V en 1418 et mourut en 1437 (Gallia Christiana, t. XI, col. 848 ; Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 20 ; Chart. Univ. Paris., IV, p. 128, 476 ; Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 106 ; Fournier et Dorez, La Faculté de Décret, I, p. 395).

  82. [82]

    Jean Garin, Guarin, alias Guérin, en latin Garini, Guerini, né à Rouen, descendait d’une ancienne famille du barreau. Docteur en décret en 1415, doyen de la Faculté de Décret de janvier 1419 à novembre 1422, nommé en 1422 par Henri V à une prébende canoniale en l’église de Rouen, il fut, en 1423 et en 1430, député aux États de Normandie, s’occupa de l’installation de la librairie du chapitre. Jean Garin exerça les fonctions de trésorier de l’archevêché, depuis 1429, et il est dit également archidiacre de Veulguessin-le-François (Arch. dép. de la Seine-Inférieure, G. 31). Il mourut à Bâle en 1433, après avoir légué par testament au chapitre de Rouen son livre du Décret (Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 71-73 ; Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 20 ; Fournier et Dorez, La Faculté de Décret, I, p. 209, 225.)

    La détermination de ce décrétiste fut naturellement conforme aux avis de la Faculté de Décret. Dans la sentence définitive, Jean Garin opina suivant l’opinion de l’abbé de Fécamp, Gilles de Duremort.

  83. [83]

    Richard de Grouchet, maître ès arts, cité dans un rôle de l’Université de 1405 (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 20) : il enseigna la grammaire à Rouen. Bachelier en théologie, il prêchait dans la cathédrale en 1459 et obtenait par faveur du chapitre une des clés de la librairie. En 1441, il donna sa démission comme maître de grammaire. Il fut l’un de ceux que le chapitre désigna pour s’occuper de l’ambassade au concile de Bâle (Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 118).

    Très assidu au procès de condamnation, Richard de Grouchet fut cité comme témoin lors de la réhabilitation. Il rétracta sa détermination, insista beaucoup sur la contrainte que fit peser Pierre Cauchon sur les juges. Il pouvait avoir alors 70 ans.

  84. [84]

    Pierre Minier, ou Le Minier, Minerii, maître ès arts, dans sa cinquième année d’études théologiques en 1403 (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 20-21), qui ne doit pas être confondu avec le Carme, Pierre Meinier, bachelier en théologie à Paris en 1432. Il dut mourir entre 1432 ou 1433 (Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 120). En 1452, on rencontre une approbation du testament de Pierre Minier, curé de Boos (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 280).

    Témoin assez assidu au procès de condamnation, au dire de Houppeville, sa détermination sur Jeanne n’aurait pas plu à Pierre Cauchon qui ne l’aurait pas admise dans la rédaction du procès. Son opinion y est cependant insérée.

  85. [85]

    Jean Pigache.

  86. [86]

    Raoul Le Sauvage, Silvestris, Dominicain, licencié en théologie en 1429, maître en novembre 1431 (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 21). Il paraît avoir joui d’une grande réputation comme prédicateur à Rouen où il fit de nombreux sermons, entre 1427 et 1447 (Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 113-114). En 1440, notamment, avec Jean Le Fèvre, il prononça des sermons pour la seconde allée à Pontoise pour Mgr d’York ; — pour ce que les ennemis s’en estoient fuis devant Pontoise : — pour une autre alée à Pontoise par Mgr de Talbot (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 43).

    Jean Marcel, au procès de réhabilitation, le cite sous le nom de Jean ; dans le procès de condamnation, il est nommé partout Raoul (sauf dans la délibération du 12 avril) avec le titre de bachelier en théologie, une fois celui de maître. Un Radulphus Silvestris, prêtre du diocèse de Rouen, est dit en 1403 maître ès arts depuis quinze ans, bachelier en décret, étudiant en théologie, suivant les cours en même temps qu’Érard Émengart, Guillaume de Baudribosc, André Marguerie, Jean Garin, Guillaume Desjardins (Denifle et Chatelain, Chart. Univ. Paris., IV, p. 98).

  87. [87]

    Denis Gastinel, licencié en droit canon à Paris en 1418, avait étudié à Paris sous un autre des juges de Jeanne, Nicolas Le Roux, abbé de La Croix-Saint-Leufroy (Chart. Univ. Paris., t. IV, p. 334 ; Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 21). Il assistait, en 1419, au serment de fidélité prêté par l’abbé de Jumièges au roi Henri V. Il fut pourvu, par le conquérant, de nombreux bénéfices, obtint la cure de Troismonts en 1420, un canonicat à Notre-Dame-de-la-Ronde en 1421, un canonicat en la cathédrale de Rouen en 1422. Doyen d’Andely en 1423, curé de Néville par la faveur d’un chevalier anglais, Walter Hungerford, en 1427, il était vicaire général rendant la vacance du siège archiépiscopal. Il prit part aux états convoqués par Bedford à Lisieux, en 1436. Il mourut le 13 décembre 1440, laissant entre autres exécuteurs testamentaires son ami Jean Caval (Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 73-75) — La pierre tombale de Denis Gastinel, à la cathédrale de Rouen (A. Deville, Tombeaux, p. 180), a été reproduite par A. Sarrazin, P. Cauchon juge de Jeanne d’Arc, p. 158 et H. Wallon, Jeanne d’Arc, 1876, p. 303.

    C’était un homme absolument dévoué aux Anglais dans le chapitre de Rouen qu’il dotera par son testament (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 2090) ; et Bedford l’avait récompensé de son zèle en le nommant, en 1424, membre du conseil royal aux appointements de 100 1. par an. (Bibl. nat., P. Orig. 1291, ad. a. 1430, 1432, 1438, 1440.)

    Sa détermination au sujet de la Pucelle est fort rigoureuse ; lors de la sentence définitive, il en reproduisit l’esprit et s’abrita derrière l’opinion de l’abbé de Fécamp Gilles de Duremort.

  88. [88]

    Jean Le Doulx, Dulcis, cité comme maître ès arts à Paris en 1412, chanoine de Rouen. Dans une supplique de 1427, il est qualifié de licencié en l’un et l’autre droit, recteur de l’église paroissiale de Saint-Martin-du-Pont de Rouen et familier du cardinal Jean de la Rochetaillée (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 21). Promoteur depuis 1422, official de Saint-Cande-le-Vieux en 1423, il fut nommé, en 1432, avocat pensionné du chapitre (Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 99 ; Inventaire des archives départementales de la Seine-Inférieure, série G, t. II, p. VIII).

  89. [89]

    Jean Basset, Basseti, né en 1381 au diocèse de Coutances, maître ès arts en 1403, licencié en décret à Paris en 1418 (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 21 ; Chart. Univ. Paris., p. 102, 108, 304, 373, 380, 585), rallié de bonne heure au gouvernement anglais. Présenté par Henri V à la cure de Tirepié au diocèse d’Avranches en 1420, chanoine de l’église de Mantes en 1421, il obtint cette année-là, après serment de fidélité, la restitution des revenus de son bénéfice de Cambernon. C’était un homme déjà considérable puisqu’il était à cette époque conservateur des privilèges de l’Université de Paris (il porta le rôle des examens en cour de Rome en 1419) et qu’il obtint, en 1425, du régent, la confirmation des privilèges de cet illustre corps (en 1420, il avait été envoyé à ce sujet vers le roi d’Angleterre et le duc de Bourgogne). Le 8 mars 1420, Jean Basset avait obtenu une prébende canoniale dans l’église de Rouen ; il fut official à la vacance du siège archiépiscopal, puis trésorier de l’archevêché (1436), chantre de la cathédrale en 1445 (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 1910), vicaire général en 1451, pourvu de très nombreux bénéfices, entre autres d’un canonicat à Avranches en 1429. Jean Basset mourut à Rouen le 3 mars 1454 (Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 52-55) ; il avait demandé à être enterré à l’entrée du chœur de Notre-Dame (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 3124).

    On voit que, par testament, il donnait à chacun des paroissiens de Saint-Martin de Lorey 2 s. à titre de souvenir ; une rente de 60 s. à l’église et 60 l. qui devaient être employées à faire une verrière au pignon de la nef ; une image de saint Martin où était une relique des vêtements du saint ; 100 fr. aux frères Prêcheurs de Coutances pour fondation d’un obit à l’intention de Guillaume Basset, son frère. Au cours d’une maladie qu’il eut, en 1449, il fit don au chapitre de Rouen d’un notable bâton, d’une chape de velours noir, très belle et orfévrée, où l’on voyait Dieu le Père, la Vierge et la figure d’un chanoine tenant un rôle avec l’inscription : Hosanna in excelsis ! Le 26 juin, les chanoines lui délivraient une pierre tombale. Délégué par ses confrères pour représenter le chapitre de Rouen au concile de Bâle, Jean Basset ne s’y rendit pas (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 2126).

    La détermination de Jean Basset au sujet de Jeanne est à la fois prudente et soumise. Mais il ne fut pas, comme l’a dit Quicherat, emprisonné à cause d’elle. C’est beau à lui, cependant, d’avoir tiré des prisons de Rouen, comme official, des clercs prisonniers que le gouvernement anglais faisait poursuivre pour crime de haute trahison.

    Un Nicolas Basset est dit connétable du château de Rouen en 1431 (Bibl. nat., fr. 26055, n° 1683). Je ne sais quel rapport il peut avoir avec notre Jean.

  90. [90]

    Jean Brouillot, Bruillot, Brulloti, prêtre du diocèse de Bayeux, maître ès arts et licencié en décret en 1403, est dit, en 1408, procureur de l’Université de Paris. En 1410, J. Bruillot est envoyé avec Pierre Cauchon, en ambassade vers le duc de Berry pour qu’il traite de la paix ; au mois de mai 1411, vers le duc de Bourgogne, afin qu’il soutienne Jean Richard, l’abbé de Saint-Ouen désappointé par Jean XXIII ; en 1418, J. Bruillot est dit conseiller du Parlement dans la Chambre des Enquêtes et curé de Saint-Nicolas-de-Taillis au diocèse de Rouen. Reçu en 1422 à la chantrerie de Rouen, vacante par l’absence de Jean de Noris, demeuré fidèle au parti français, député à plusieurs reprises aux États de Normandie, vicaire général de l’archevêché, la personne de J. Bruillot était certainement agréable au duc de Bedford puisqu’on le voit nommé parmi ceux que le chapitre désigna pour exposer au régent les raisons de ne pas sacrifier les intérêts de l’église de Rouen à ceux des Carmes. J. Bruillot mourut vers le 20 décembre 1455, laissant pour exécuteur testamentaire Nicolas de Venderès. Il avait légué ses livres au chapitre de Rouen qui décida qu’ils seraient enchaînés dans la librairie (Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 57-58 ; Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 21 ; Chart. Univers. Paris., IV, p. 97, 108, 154, 188, 206).

    La détermination de Jean Bruillot sur Jeanne est qu’il faut suivre en tout l’opinion des maîtres en théologie.

  91. [91]

    Aubert Morel, Morelli, licencié en décret à Paris en 1428, où il avait étudié sous Guillaume de Conti, un autre des juges de Jeanne (Chart. Univ. Paris., t. IV, p. 475 ; Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 22). Il jouissait, dès 1419, de plusieurs chapellenies de la cathédrale de Rouen, et s’était de bonne heure rallié au gouvernement anglais puisqu’il obtint de Henri V, en 1420, la cure de Theuville-aux-Maillots, contrairement aux prétentions de Richard de Saulx (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 284), la vicairie de Pontoise de 1423 à 1425 (Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 100).

    C’était un homme dur qui opina pour que Jeanne fût mise à la torture.

  92. [92]

    Jean Colombel, Columbelli, clerc de Lisieux, bachelier ès arts en 1405, en décret en 1415, figure en 1420 parmi les licenciés de Paris où il avait eu pour maître un autre juge de Jeanne, Jean Garin, le doyen de la Faculté de Décret (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 22 ; Chart. Univ. Paris., IV, p. 125, 306, 378).

    Promoteur de l’archevêché à Rouen en 1423 et 1424, il dénonça ceux qui s’étaient emparés des revenus de l’archevêque pendant la vacance du siège, proférant à haute voix des paroles blessantes pour plusieurs chanoines ; et il fut emprisonné de ce fait. Jean Colombel fut promoteur de l’officialité de Rouen de 1423 à 1429 (Inventaire des Archives départementales de la Seine-Inférieure, série G, t. II, p. vu). Curé de Valliquierville, en 1429, il échangea ce bénéfice contre la cure de Saint-Vivien de Rouen qu’occupait alors Jean Secart, licencié en décret, un des assistants au procès (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 1632). J. Colombel dut mourir intestat, le 12 novembre 1437. Il est dit alors chanoine et scolastique de Lisieux, titre qu’il obtint vraisemblablement de Pierre Cauchon (Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 97-98).

    Dans la délibération finale concernant Jeanne, Jean Colombel opina comme l’abbé de Fécamp, Gilles de Duremort.

  93. [93]

    Laurent du Busc, de Busco, clerc de Rouen, bachelier en décret en 1403 à Paris, licencié en 1420 (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 22 ; Chart. Univ. Paris., IV, p. 68, 378). Il est cité à Rouen comme avocat en cour d’église en 1423, en 1439, en 1440 (Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 98).

    On trouve, en 1423, un Pierre Dubust, garde du scel de la vicomte de Rouen (Bibl. nat., fr. 26044, p. 5761) ; un Jean de Busco, étudiant à la Faculté de Théologie à Paris en 1432 (Bibl. nat., fr. 26056, n° 1936) ; en 1447, un Guillaume du Busc, exécuteur de la haute justice de Lisieux (Bibl. nat., fr. 26076, p. 5756). Je ne sais quels sont les liens, et s’il y en a, entre ces personnages.

  94. [94]

    Raoul Anguy, avocat en cour d’église, maître ès arts, licencié en décret le 14 mars 1430 seulement, fut reçu, en 1435, chanoine de Rouen. Il mourut avant le 4 juillet 1442 (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 22 ; Chart. Univ. Paris., p. 492 ; Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 96).

    Le 15 mai 1433, licencié en décret, Raoul Anguy est nommé par Edmund Beaufort, comte de Mortain, comme auditeur de ses comptes (Bibl. nat., fr. 26057, n° 2066). Le 26 octobre 1436, il est dit maître ès arts, ayant pouvoir de pourvoir aux offices du comté de Mortain (Bibl. nat., fr. 26061, p. 2971).

    Un compte de la fabrique de Saint-Nicolas de Rouen mentionne un Guillaume Anguy et sa femme, décédés en 1437 et enterrés dans cette paroisse.

  95. [95]

    André Marguerie, maître ès arts en 1403 à Paris, bachelier en décret, vicaire général et conseiller de l’archevêque Louis d’Harcourt en 1409, confirmé archidiacre de Petit-Caux par Henri V en 1421. Il revenait alors du concile de Constance et affirmait n’avoir jamais adhéré au parti Armagnac ou du dauphin. Membre du conseil du roi, pendant la domination anglaise, en 1422, il est dit conseiller du roi et recevait 30 l. t. pour faire certain voyage de Rouen à Vernon devers m. d. seigneur [le régent] (Bibl. nat., fr. 26046, pièce 18). Député aux États de Normandie en 1423, au concile provincial de Rouen en 1445, bénéficiaire de la cure de Drosay, momentanément trésorier du chapitre de Rouen, il entreprit le pèlerinage de Jérusalem entre 1442-1443 et demanda dans ce dessein au chapitre des lettres testimoniales de vita et moribus (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 2130). André Marguerie mourut à Rouen, le 12 février 1465, laissant pour héritier Jean Le Roux, vicomte de Rouen, qui avait épousé sa nièce (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 22 ; Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 82-84).

    Son testament montre qu’il était riche et bienfaisant : André Marguerie n’oublia pas les églises de Drosay, de Grainville, de Mesnil-Duredent et de Canteleu, ruinées par les guerres, le Collège du Trésorier à Paris, à qui il laissa une maison. Il légua à la librairie capitulaire 17 volumes de droit canon et sa Vita Christi ; d’autres volumes de droit civil, qui lui venaient de son père, à son neveu, Guillaume Marguerie : le reste de ses volumes fut mis en vente, Decretum, Decretales, Rosarium (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 3437).

    La conduite d’André Marguerie au procès fut prudente, et même parfois il laissa paraître quelque bienveillance. Il déposa au procès de réhabilitation de façon assez vague.

  96. [96]

    Jean Alespée, Ad Ensem, né en 1357, fils de Pierre Alespée, licencié en droit civil, bachelier en droit canon à Paris, chanoine de Rouen dès 1412. Trésorier de l’archevêché sous Louis d’Harcourt (1412-1413), vicaire général de ce prélat avec son intime ami Nicolas de Venderès (1415-1422), il se rallia au parti anglais. Par lettre de nomination de Henri V il fut concurremment chanoine d’Évreux, de Bayeux, de la collégiale d’Andely et curé de Hautot-le-Vatois. Il mourut à Rouen, chez Jean Marcel, le 16 août 1434, dans sa soixante-septième année, après avoir été quelque temps malade chez Pierre Miget, prieur de Longueville (Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 48-52 ; Denifle et Chatelain, Chart. Univ. Paris., p. 522).

    Jean Alespée était un homme riche, ami des beaux livres (nous possédons un inventaire des livres trouvés après sa mort et l’on remarque parmi eux un Lancelot et le livrais Remedio amoris (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 1193). Ses confrères le chargèrent, en 1424, d’aviser à la construction de la librairie de la cathédrale. Jean Alespée était lié avec la famille d’Estouteville et les Mallet de Graville ; il avait aussi pour ami Nicolas de Venderès (Ibid., G. 1195) qui fit l’inventaire de ses biens (Ibid., G. 1194).

    Jean Alespée paraît surtout avoir été un homme timide ; il se réfugia toujours derrière les opinions de ses maîtres et seigneurs les théologiens. Jean Riquier, témoin au procès de la réhabilitation, rapporte qu’Alespée pleura beaucoup au spectacle du supplice de Jeanne et qu’il dit publiquement : Je voudrais que mon âme fût où je crois qu’est l’âme de cette femme.

  97. [97]

    Geoffroy du Crotay ne se rencontre pas parmi les suppôts de l’Université de Paris. On le voit, en 1419, présent à la réintégration d’un prisonnier enlevé aux prisons de la cathédrale de Rouen. Nommé avocat pensionnaire du chapitre, en 1435, il vivait encore en 1462 (Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 98-99).

    Geoffroy du Crotay et son collègue Le Doulx émirent, à la séance du 27 mars 1431, l’opinion que Jeanne devait avoir au moins trois délais avant d’être excommuniée : mais quand ils délibérèrent avec les autres avocats de la cour sur les assertions, ils s’en remirent au jugement des théologiens de Paris.

  98. [98]

    Gilles Deschamps, licencié en droit civil, d’une ancienne et riche famille de Rouen. Son oncle était Gilles Deschamps, docteur en théologie, évêque de Coutances et cardinal, décédé le 15 mars 1413 (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 2130), personnage qui est loué pour sa science très éminente par l’inscription de son tombeau (A. Deville, Tombeaux de la cathédrale de Rouen, 1833, p. 219 ; Gaignières, Pe. I. c, fol. 7) et qui est cité comme aumônier du roi Charles VI par la Chronique du Religieux de Saint-Denys (t. III, p. 513).

    Notre Gilles était né à Rouen, et avait étudié à Paris en 1414 (Denifle et Chatelain, Chart. Univ. Paris., IV) ; il fut très jeune pourvu d’un canonicat dans la cathédrale de Coutances, vraisemblablement grâce à la protection de son oncle, évêque de la ville. Aumônier du roi Charles VI en 1415, il permuta le bénéfice de la chapelle de Saint-Thomas du Louvre pour la chancellerie de l’église de Rouen où il fut reçu en 1420 ; la même année, il changea la cure de Pirou, au diocèse de Coutances, pour un canonicat en la cathédrale de Rouen. Il fut tour à tour chancelier de Notre-Dame de Rouen, trésorier de l’archevêché, vicaire général, et député par le conseil royal aux États qui devaient se tenir à Paris. Nommé doyen en 1435, on voit qu’en 1437, avec G. Érart, N. de Venderès et A. Marguerie, il était chargé par les pères du concile de faire publier les indulgences accordées à l’occasion de la réunion des Grecs à l’église catholique. Gilles Deschamps fut poursuivi, en 1458, sur la plainte du promoteur en matière de foi ; il mourut en prison avant la fin de son procès (Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 63-67 ; Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 22 ; A. Deville, Tombeaux, p. 225).

    On ignore le motif de cette poursuite, qui fut rigoureuse, puisqu’on voit ses frères, Robert et Jean Deschamps, supplier l’archevêque de Rouen pour obtenir que la sépulture en terre sainte lui fût accordée. Il eut pour juges Pasquier de Vaux, évêque de Meaux, avec lequel il avait eu de vifs démêlés lors de sa promotion au décanat, en 1435, et frère Martin Lavenu.

    Dans la longue détermination qu’il rédigea au sujet de Jeanne, on voit que Gilles Deschamps insista surtout sur le fait de son insoumission ; il se retrancha, pour le reste, derrière les opinions des Facultés de Décret et de Théologie. Au demeurant, Gilles Deschamps était fort affectionné pour le chapitre de Notre-Dame de Rouen et il dota les enfants de chœur, dont il avait eu la direction pendant plusieurs années, d’un bonnet de drap de laine vermeille, pour eschiver aux froidures du temps d’hiver (Arch. de la Seine-Inférieure G. 2090). En 1423, il avait présidé au classement des archives du chapitre (Ibid., G. 2123) et, le 2 novembre 1438, encore qu’il fût accusé en matière de foi, le chapitre autorisa son inhumation dans la chapelle de Notre-Dame (Ibid., G. 2128). Dans le texte de l’inscription qui fut approuvée par le chapitre avant d’être mise sur son tombeau, le même que celui de son oncle le cardinal, il est dit noble homme, de grande prudence, circonspection et science, doyen et chanoine de Notre-Dame de Rouen : qu’il repose en paix par la miséricorde de Dieu ! Mais il n’est pas dit de bonne mémoire.

  99. [99]

    La chrétienté de Rouen, division du diocèse, voir note 27.

  100. [100]

    La composition du tribunal est beaucoup plus étroitement limitée suivant les théoriciens du droit inquisitorial (Nicolas Eymerich, Directorium inquisitorum, Rome, 1585, p. 456). Le procès de Jeanne d’Arc fait tout à fait exception à la règle.

  101. [101]

    Au témoignage de certains des commentateurs de Nicolas Eymerich, les personnes incarcérées sous l’inculpation d’hérésie ne sauraient être absolument de droit exclues de participer à la messe, aux prières, à l’usage des sacrements dans leur prison (Directorium inquisitorum, Rome, 1585, p. 657).

  102. [102]

    Charles VII, âgé de vingt-six ans, à l’époque de la venue de Jeanne. Autant que nous pouvons le savoir, c’était alors un prince de triste physionomie, extrêmement pieux et dévot, rendu fort timide par les excès de ses partisans qui avaient déshonoré sa cause par l’assassinat de Jean sans Peur au pont de Montereau. Charles, qui avait quitté Paris après la révolution de 1418, devait vivre surtout en Berry et en Touraine muché et caché en chasteaux, meschantes places et manières de petites chambrettes dira Jouvenel des Ursins, qui lui en fait grief, se tenant delà la rivière de Loire, loin de la guerre et des pays frontières (Épître aux États d’Orléans, Bibl. nat., fr. 16259, p. 74, 142). Fort prudent, assez indolent et secret, surtout dépourvu de tout argent, le roi était gouverné par ceux qui savaient lui procurer des ressources pour son trésor ; il se montrait d’ailleurs homme ordonné, mais il manquait de volonté. C’est seulement dans son âge mûr, et surtout dans sa vieillesse, qu’il s’adonna au plaisir et aux femmes.

    Mais au temps de Jeanne d’Arc, il est certain que le roi était comme endormi. L’interrogation : Quare obdormis, domine ? est le refrain de la forte et belle épître de Jouvenel, qui a une autorité toute particulière pour cette époque, puisqu’il faisait partie du conseil en 1430 où il estoit souvent mandé (Bibl. nat., ms. fr, 16259, p. 75).

    On a accusé Charles VII de beaucoup d’ingratitude envers celle qui le fit couronner à Reims : il eut surtout le tort de croire à la sincérité des avances bourguignonnes, de ne rien tenter sur Paris au mois de septembre 1429. En un mot, Charles VII ne vit pas un intérêt immédiat à poursuivre énergiquement la conquête de son royaume ; il n’estima pas devoir profiter de toutes les conséquences du mouvement national qu’avait suscité la venue de Jeanne. Ainsi abandonnée, la Pucelle ne pouvait que courir les risques de tout capitaine de ce temps-là, sans avoir le bénéfice de pouvoir être rachetée à des ennemis implacables.

    Mais il n’est peut-être pas juste de prétendre que Charles VII n’ait rien fait pour la tirer des mains de ses ennemis. Parmi les correspondances de Morosini, on trouve, à la date du 15 décembre 1430, que le bruit s’était répandu, aussitôt que la Pucelle fut tombée entre les mains du duc de Bourgogne, que le dauphin, informé, avait envoyé une ambassade vers Philippe le Bon pour lui dire qu’il ne devait la livrer pour rien au monde, sans quoi il en tirerait vengeance sur ceux des hommes qu’il avait entre ses mains. À la date du 22 juin 1431, des correspondants du même banquier affirment que les Anglais avaient voulu la faire brûler [Jeanne] comme hérétique, n’eût été le dauphin de France qui fit parvenir force menaces aux Anglais. Le roi aurait ressenti une très amère douleur de la mort de Jeanne, se promettant d’en tirer une terrible vengeance sur les Anglais et les femmes d’Angleterre (III. p. 352-355).

    Ces derniers mots montrent assez qu’il ne s’agit là que de bruits courant parmi le bon peuple de France. On sait d’autre part que, durant l’hiver de 1430 et 1431, La Hire, maître de Louviers, fit de fréquentes incursions dans le voisinage de Rouen, et qu’il inquiéta fort le gouvernement anglais. Au mois de mars 1431, une expédition de Dunois sur Rouen fut payée par le roi ; une autre tentative fut dirigée contre le château d’Eu.

    Mais il ne paraît pas qu’avant l’entrée de Charles VII à Rouen quelque chose ait pu être tenté pour la réhabilitation de Jeanne. On pourrait s’en étonner si l’on oubliait le rôle néfaste et décisif que dut prendre sur l’esprit du roi Regnault de Chartres, son conseiller, l’archevêque de Reims qui n’avait pas craint de désavouer publiquement la Pucelle. Il y a lieu aussi de retenir que dans la harangue que prononça Jean Jouffroy devant le pape Pie II, en 1459, il déclara que c’était pour ménager Charles, admirateur de Jeanne, qu’il n’insistait pas davantage sur l’usage qu’il fit de la Pucelle. Pie II, qui a eu pour informateurs les Universitaires de Bâle et Jean Jouffroy, déclare, lui, qu’il n’y a rien de répréhensible en elle, sauf le port des habits d’homme, et que Charles supporta très acerbement la mort de la Pucelle (Commentarii, l. VI, éd. de Francfort, 1614, p. 158). C’est un fait que Charles s’estima atteint dans son honneur par la condamnation de Jeanne et qu’il ordonna les premières démarches pour la révision de son procès.

    Charles VII était représenté à genoux, face à Jeanne d’Arc, au pied du crucifix et de la Vierge douloureuse, dans le premier monument élevé en mémoire de la Pucelle sur le pont d’Orléans à la fin du XVe siècle P. Lanéry d’Arc, Le Livre d’or, p. 482 ; H. Wallon, Jeanne d’Arc, 1876, p. 374).

  103. [103]

    Greux, aujourd’hui un petit hameau limitrophe de Domrémy. Le nom de Domrémy-sur-Meuse apparaît pour la première fois dans un diplôme de Hadevis, duchesse de Lorraine, veuve du duc Gérard. Greux et quelques maisons de Domrémy ne furent incorporés au royaume que sous les premiers Valois ; auparavant c’était une terre de l’évêché de Toul. Jusqu’au XVIe siècle inclusivement, cette récente acquisition du royaume fut rattachée, non pas à Vaucouleurs, mais à Andelot. (Comte Maurice de Pange, Les Lorrains et la France au Moyen-Âge, p. 12, n. 1.)

  104. [104]

    Jacques d’Arc, et mieux Jacquot d’Arc, père de la Pucelle, serait né vers 1575 à Ceffonds, au diocèse de Troyes, suivant le Traité sommaire de Charles du Lys, édition de 1628. C’est donc vers le temps de son mariage qu’il vint s’établir à Domrémy, puisque Isabelle Romée était de Vouthon, village distant de sept kilomètres. Il semble avoir joui d’une situation honorable dans ce pays, sans qu’on puisse le dire riche, comme on l’a insinué. On voit qu’en 1419 il fut adjudicataire du château de File, avec ses appartenances, mis aux enchères pour cette année. Dans un acte de 1423 il est qualifié de doyen ou sergent du village ; il prenait donc rang après le maire et l’échevin, et il était chargé de recueillir les tailles, exerçant des fonctions analogues à celles de garde champêtre. La même année, on le trouve parmi les sept notables qui répondent pour le village du tribut imposé par le damoiseau de Commercy. En 1427, dans un procès important soutenu par devant Robert de Baudricourt, capitaine de Vaucouleurs, on trouve encore qu’il agit comme délégué de ses concitoyens. On sait qu’il s’opposa de toutes ses forces à la mission de sa fille, qu’il désirait sans doute marier. Quoi qu’il en soit, il se rendit à Reims à l’époque du sacre, où le roi et la municipalité le défrayèrent et lui donnèrent un cheval pour s’en retourner chez lui. Anobli au mois de décembre 1429, Jacques d’Arc mourut, dit-on, du chagrin que lui causa la fin de sa fille (Boucher de Molandon, Jacques d’Arc, père de la Pucelle, Orléans, 1886 ; S. Luce, Jeanne d’Arc à Domrémy, p. XXVIII, 360).

  105. [105]

    Isabelle et mieux Isabeau d’Arc, mère de la Pucelle, alias Romée, Zabillet en son patois, née à Vouthon, près de Domrémy. On voit par la déposition de frère Pasquerel au procès de réhabilitation qu’elle se rendit au grand pèlerinage du Puy-en-Velay, au temps où sa fille avait été conduite vers le roi, tandis que se préparait l’expédition d’Orléans. Anoblie au mois de décembre 1429, après le décès de son mari sans doute, Isabelle quitta Domrémy et vint s’établir à Orléans où on la trouve fixée dès 1440. On se rappelle que Jeanne avait désiré de s’établir dans cette ville, puisqu’avant d’entreprendre le voyage de Reims elle avait passé un long bail pour un hôtel sis rue des Petits-Souliers, paroisse Saint-Maclou, proche le chevet de Sainte-Catherine.

    Très fort malade, à son arrivée, Isabelle, qui avait alors soixante ans environ, fut soignée aux frais de la ville d’Orléans et gardée par la chambrière de feu messire Bertrand, physicien. Elle résida dans la maison de Henriet Anquetil et la municipalité lui alloua 48 s. parisis par mois pour lui aider à vivre et acquérir ses nécessités en ladite ville.

    Elle agit comme demanderesse lors du procès de réhabilitation, et résida dans l’hôtel que son fils Pierre occupait rue des Africains. On la dit alors décrépite par l’âge, et elle sollicitait de ne point assister à toutes les audiences. Elle comparut devant l’archevêque de Reims, non comme témoin, mais toujours comme demanderesse. Elle mourut le 28 novembre 1458, après avoir testé. En 1428 elle avait fondé à Domrémy un obit de deux gros barrois, ainsi que Jacques d’Arc. (Cf. chanoine Cochard, La mère de Jeanne d’Arc à Orléans, 1906, in-8 ; E. de Bouteiller et G. de Braux, Nouvelles recherches sur la famille de Jeanne d’Arc, p. X-XIII ; G. Hanotaux, Jeanne d’Arc, p. 46 et s.)

  106. [106]

    La petite église de Domrémy existe encore. Mais elle a été très remaniée. Le chœur, entre autres, a été retourné. On y voit une très antique cuve baptismale. (Voir l’abbé Jeangeot, Jeanne d’Arc et ses souvenirs à Domrémy et à Vaucouleurs, Nancy, 1898, p. 80-83.) — Sur la topographie de Domrémy cf. la carte rectifiée publiée par Henri Lepage, Jeanne d’Arc est-elle Lorraine ?, Nancy, 1855, p. 91.

  107. [107]

    Corruption d’lsabelle, Zabillet, Sibille.

  108. [108]

    Un document, cité plus loin, montre que les prisons étaient dans la grosse tour du château (Bibl. nat., ms. fr. 26055, n° 1683). Les témoins du procès de réhabilitation qui visitèrent Jeanne dans sa prison parlent tous d’une tour, de la prison, située vers les champs. La chambre de Jeanne était sous un degré, c’est-à-dire sous un escalier. — La topographie du château de Rouen, dont l’aspect général a été conservé par le Livre des fontaines datant de 1525 (voir la reproduction donnée par V. Sanson, 1911), par un plan dressé en 1635, a été sérieusement étudiée par F. Bouquet, Jeanne d’Arc au château de Rouen, Rouen, 1865, in-8°.

  109. [109]

    La question de l’évasion des prisonniers a été examinée par Honoré Bonet au ch. 55 de son Arbre des Batailles. Si un homme a donné sa foi à son ennemi, il la doit garder. Cependant la liberté est un droit de nature imprescriptible. Item, nous disons que permission ou obligacion faicte par force ne par violence, riens ne vault ; mais il est notoire que quant [le chevalier] se rendy et donna sa foy, ce fist il par force et par violence ; dont je dy qu’il est advis qu’il s’en puisse aller et rompre l’arest… De même si son maître lui fait étroite prison, tant qu’il feust en péril de venir en maladie mortelle ou adesaissement de son corps, se il trouvoit voie de s’en aler, il ne se mesferoit en riens. Item, se son maistre ne vouloit prendre deue finance, selon son povoir et selon ses biens, et selon ses richesses aussy, mais que il feust clere chose que oultre son povoir il lui demandast finance, il en rien ne se mesfait… Item, se son maistre estoit homme sy cruel que il eust acoustumé de tuer ses prisonniers en ses prisons… La question était donc très controversée entre les nobles. Certains disaient encore : bien que le prisonnier ait juré de demeurer dans sa prison, son maître le tient dans une bonne tour. Puizqu’il le tient enfermé et le tient en garde, ne son maistre ne s’y fie point en la foy ne ou serment du prisonnier, donc puisque en sa foy ne se fie point, quelle foy luy peut il rompre et brisier ? (Ms. de la fondation Smith-Lesouëf à Nogent-sur-Marne.)

    Dans tous les cas les corrections les plus rigoureuses étaient réservées au prisonnier suspect d’hérésie qui cherchait à s’évader, ou qui était repris par la justice (Nicolas Eymerich, Directorium inquisitorum, Rome, 1585, p. 502).

  110. [110]

    John Grey ( ?), nommé le plus souvent Jean Gris. Est-ce le même personnage que ce John Grey, Knight, capitaine of Yomins que l’on trouve en 1435 dans la retenue du duc de Bedford ? (J. Stevenson, Letters and papers…, vol. II, part II, p. 436) ou sir John Gray ? — Un Jehan Gray est remis en possession de ses biens par le roi d’Angleterre en 1419, le 3 octobre (Bibl. nat., fr. 26043, p. 5430) ; on trouve encore un Jean de Grey, capitaine d’Argentan, pour le roi Henri en 1420 (Bibl. nat., fr. 26043, p. 5507) ; — un Regnault Gray, capitaine de Gournay en 1422 (Bibl. nat., fr. 26046, pièce 26), de Gisors en 1424 (Bibl. nat., fr. 26047, p. 204), dit seigneur de Heugueville en 1426 (Bibl. nat., fr. 26048, p. 532) ; — Jean Gray, chevalier, capitaine d’Exmes [1430 ?] donne quittance de ses gages à P. Baille, receveur général de Normandie (Bibl. nat., fr. 26054, n° 1588) ; il était nommé capitaine d’Exmes en 1436 pendant un an, si d’ici là la place n’était pas démolie (Bibl. nat., fr. 26061, p. 2985).

  111. [111]

    John Berwoit, et mieux Barow, surveillant de Jeanne ; peut-être est-ce le même personnage que la rédaction définitive désigne plus loin sous le nom de Johannes Baroust, commis avec John Grey à la garde de la geôle de Jeanne (séance du 13 mars).

  112. [112]

    William Talbot, surveillant de Jeanne. — Un Richard Talbot est dit lieutenant du château de Touques, en 1426 (Bibl. nat., fr. 26049, p. 571). Voir note 52.

  113. [113]

    La chambre de parement du château de Rouen était la salle d’apparat, près de la chambre du roi, dans la partie sud-est de la cour intérieure (F. Bouquet, Jeanne d’Arc au château de Rouen, p. 39).

  114. [114]

    Jean Pinchon, licencié en droit canon à Paris avant 1414, archidiacre de Josas, en 1418, et de Melun, prit possession, en 1421, d’un canonicat en l’église de Rouen, qu’il avait obtenu dès 1414 : il fit à cette occasion sa soumission à Henri V. On voit qu’il prend le titre de scribe et d’abréviateur des lettres apostoliques. Le 9 novembre 1422, il réclamait des lettres d’appel au souverain Pontife à propos d’une contestation où il s’estimait lésé, et il batailla pour la nomination de Jean de La Rochetaillée à l’archevêché de Rouen ; alors que la majorité avait été acquise à Nicolas de Venderès, il alla jusqu’à demander la nomination des nouveaux officiers à l’archevêché pendant la vacance du siège, ceux qui étaient nommés lui paraissant suspects. Député vers le concile en 1424, nommé, le 3 décembre 1429, vicaire général pendant la vacance de l’archevêché de Rouen, ce clerc batailleur, qui dut se réconcilier avec son confrère Jean de Besançon, contre lequel il s’était élevé en paroles injurieuses, jouissait de la pleine confiance du gouvernement anglais puisque Bedford le chargea de présenter au chapitre l’acte par lequel le duc anglais se rendait le second fondateur des Carmes à Rouen (9 janvier 1431). Jean Pinchon convoita aussi les canonicats de Tournai et d’Évreux ; il dut mourir à Paris, avant le 25 juin 1438 (Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 88-90 ; Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 22).

    Juge assidu aux séances du procès, Jean Pinchon opina en conformité avec les théologiens de Paris et allégua l’autorité de Guillaume Le Boucher.

  115. [115]

    Jean Moret, Bénédictin, licencié en l’un et l’autre droit, prieur de la petite abbaye de Préaux au diocèse de Lisieux, puis abbé le 27 novembre 1420. Il était mort le 11 septembre 1432 (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 22-23). Rallié de bonne heure à la cause anglaise, Jean Moret rendit aveu et dénombrement de son temporel au roi Henri V, dès 1420. Guillemin Halle, capitaine de brigands, dirigea une expédition contre l’abbaye de Préaux en 1426 (P. Le Cacheux, Actes de la chancellerie d’Henri VI, I, p. 318 et n.).

  116. [116]

    Guillaume l’Ermite, personnage inconnu.

    On trouve un personnage de ce nom curé de La Haye, au diocèse de Coutances, en 1420 (ap. Rymer, Fœdera, t. IV, p. III, p. 167).

  117. [117]

    Guillaume Desjardins ou Desgardins, de Gardinis ou Jardinis, docteur en médecine, né vers 1370, à Caudebec en Caux. Il apparaît, en 1403, comme prêtre du diocèse de Rouen, maître ès arts, étudiant en médecine. En 1408, il fut classé le premier à la licence de médecine et, dès le mois suivant, il est au nombre des maîtres régents de cette Faculté. De novembre 1412 à novembre 1413, Guillaume Desjardins n’enseigna pas à Paris ; mais il reprit ses cours à la rentrée de 1414. Le 6 décembre 1418, la Faculté de médecine le considérait, toujours comme régent, parce qu’il était enfermé dans la ville de Rouen, alors assiégée, et qu’il ne lui était pas possible de se rendre à son poste. G. Desjardins ne devait pas rentrer à Paris (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 22 ; Chart. Univ. Paris., IV, p. 355, 522). Personat de Mireville en 1415, pourvu par lettres de Henri V de la cure de Saint-Laurent de Bacquepuits, au diocèse d’Évreux, qu’il permuta avec la cure de Saint-Pierre de Neufmarché ; il s’était sûrement rallié, dès ce temps-là, au parti anglais, puisqu’il fut nommé, coup sur coup, en 1421, à deux canonicats, l’un à Bayeux, l’autre à l’église de Rouen où son frère, Robert Desjardins, docteur en théologie, était également chanoine. Guillaume Desjardins dut mourir dans les premiers jours d’août 1438 (Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 67-69).

    C’était un homme riche ayant à Sahurs un fief assez important, possédant de beaux livres (un Bréviaire à l’usage de Rouen provenant de sa succession fut acheté 30 saluts d’or. Arch. de la Seine-Inférieure, G. 40). Guillaume Desjardins exerçait la médecine à Rouen et peut passer pour un homme libéral : il protégea à Paris les écoliers de sa nation, contribuant à l’acquisition de la maison où ils devaient tenir leurs écoles ; il fut, à Rouen un des bienfaiteurs de l’Hôtel-Dieu de la Madeleine.

    On sait qu’il visita Jeanne dans sa prison, sur les ordres du comte de Warwick, alors que les Anglais redoutaient sa mort naturelle. Guillaume Desjardins l’ausculta au côté gauche et lui trouva de la fièvre ; avec son collègue et confrère, Guillaume de La Chambre, il prescrivit une saignée. Sa détermination s’abrita derrière celle de l’abbé de Fécamp, Gilles de Duremort.

  118. [118]

    Robert Morellet, Moreleti, Morelli, maître ès arts à Paris. Dans une supplique de l’an 1442, il est qualifié de chanoine et de chancelier de l’église de Rouen (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 23). On voit qu’un arrêt du conseil du roi Henri VI décide que l’archevêque pourra faire procéder contre lui par-devers son official : il est dit alors fermier de la prébende de Saint-Éloi, et, au grand scandale des paroissiens, il avait jeté à terre une tablette sur laquelle les trésoriers de la paroisse exposaient en vente des chandelles de cire (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 1227). On trouve encore que le 14 novembre 1441, on lui fit un procès en madère de foi pour avoir blasphémé le nom de Dieu. Mais on voit que le 2 novembre, Jean Le Maistre, le vicaire général de l’inquisiteur, intervint pour qu’il fût rétabli dans sa bonne renommée (Ibid., G. 2130). Le 51 octobre 1442, la formule d’excommunication qui l’atteint est affichée à la porte de la cathédrale avec une épitaphe de grosse écriture (Ibid.). — Un Robert Morelet, prêtre, est dit patron de l’église de Canouville (Ibid., G. 1634).

    Le 16 mai 1425, Henri V mande à ses gens des comptes de payer à Colette, veuve de Jean Morellet, son fils, ce qui restait dû des gages de Jean Morellet, son premier avocat en Normandie, mort le 24 janv. 1422 (Bibl. nat., fr. 26048, p. 418).

  119. [119]

    Jean Le Roy, Regis, maître ès arts à Paris en 1403, étudiant de quatrième année à la Faculté du Décret en 1416, prêtre du diocèse de Meaux (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 23).

    Un compte de Johannes Regis, prêtre, chanoine de l’église de Rouen, dit maître des testaments, est rendu en 1435-1434 (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 282), en 1434-1435 (G. 283). — Un Jean Le Roy, chanoine, promoteur de Rouen, curé de Londinières puis de Bourdainville, 1429-1430, est dit promoteur pendant la vacance du siège, le 13 décembre 1429 ; il décéda le 25 janvier 1460 (Inventaire des Archives départementales de la Seine-Inférieure, série G, t. II, p. VIII).

  120. [120]

    Étoffe de lin.

  121. [121]

    La réputation des femmes de Rouen dans ce genre de travail n’est pas attestée par les proverbes. Mais tisserands et toiliers de Rouen étaient célèbres (Ch. Ouin-Lacroix, Hist. des anciennes corporations… de la capitale de la Normandie, 1850, p. 107-108).

  122. [122]

    Neufchâteau, ville de transit en Lorraine, aux confins de trois frontières, qui tenait ses libertés communales d’une confirmation du duc Mathieu II (M. de Pange, Les Lorrains et la France au Moyen-Âge, p. 13) ; rattachée féodalement et judiciairement à la Champagne, le roi de France y comptait des bourgeois dévoués qui avaient fait apposer ses armes sur leurs maisons. Les panonceaux du roi furent arrachés au temps de Charles II qui appelait les gens de Neufchâteau des Jaques (Aug. Digot, Essai sur l’histoire de la commune de Neufchâteau, Nancy, 1847, p. 51). C’était de temps immémorial le marché de Domrémy (Siméon Luce, Jeanne d’Arc à Domrémy, p. XXXI). Les gens de Neufchâteau confiaient à ceux de Domrémy des bestiaux à nourrir pendant l’été. On en exportait, dans les pays de Basse Meuse et jusqu’en Flandre, les vins de Bourgogne. — L’église du Couvent des Cordeliers, où Jeanne se confessa, a disparu à l’époque révolutionnaire.

  123. [123]

    Au témoignage de tous les paysans qui déposèrent au procès de réhabilitation, Jeanne allait à la charrue avec son père, bêchait, gardait les vaches et les porcs, vaquait aux soins du ménage comme toutes les autres filles du village. Aussi la légende de Jeanne, bergère, se forma de bonne heure (Journal d’un Bourgeois de Paris, Perceval de Boulainvillier, correspondants de Morosini, etc.). Elle fut surtout répandue, au moment du procès de réhabilitation, par les théologiens favorables à la cause française intéressés à exalter l’œuvre de Dieu par la simplicité de celle qui l’accomplit. Jeanne d’Arc est représentée sous l’aspect d’une bergère dans le manuscrit du procès de réhabilitation dit de Saint-Victor (Bibl. nat., ms. lat. 14665. Cf. Marty, L’histoire de Jeanne d’Arc d’après les documents originaux, n° 35.)

  124. [124]

    Messire Guillaume Frontey de Neufchâteau, mentionné dans un acte de 1423 (S. Luce, Jeanne d’Arc à Domrémy, p. 100 n.).

  125. [125]

    Sur cette vague déclaration a été édifiée par Siméon Luce toute sa théorie rattachant Jeanne d’Arc au mouvement des ordres mendiants, thèse dont le père Denifle a fait justice. Cf. G. Hanotaux, Jeanne d’Arc, p. 74 n.

  126. [126]

    La négation a ici son importance. Omise par Quicherat (qui l’avait rétablie seulement dans ses errata), elle a servi de point de départ à toutes sortes d’explications physiologiques qui n’ont pas plus de fondement. Cf. article X du réquisitoire (Le P. Ayrolles, La vraie Jeanne d’Arc, la paysanne et l’inspirée, p. 137, 503).

  127. [127]

    Robert de Baudricourt, fils du lorrain Liébaud, chambellan du duc de Bar, et d’une dame champenoise, Marguerite d’Aunoy. Capitaine de Vaucouleurs au temps de Jeanne d’Arc, puis bailli de Chaumont pour le roi Charles VII, le 17 octobre 1437, ce personnage, avisé et riche, très fort en faveur auprès de René d’Anjou, qui l’avait fait son conseiller et chambellan, vivait encore en 1450. Écuyer. puis fait chevalier, il était seigneur de la terre de Baudricourt dans les Vosges, mouvant du duché de Lorraine. Cette famille avait déjà servi contre les Anglais. Jean, fils de Robert, sera le premier lorrain qui ait porté le bâton de maréchal de France (M. de Pange, Le Pays de Jeanne d’Arc, le fief et l’arrière-fief, les Baudricourt, Paris, 1903 ; Les Lorrains et la France au Moyen Âge, 1919, p. 91 et s. ; S. Luce, Jeanne d’Arc à Domrémy, p. CLXII et suiv.).

  128. [128]

    Durand Laxart, et mieux Lassois, laboureur, de Burey-le-Petit (aujourd’hui Burey-la-Côte), l’oncle de la Pucelle qui la conduisit à Vaucouleurs, puis à Saint-Nicolas-du-Port. C’était alors un homme de 34 ans. Il déposera au procès de réhabilitation (Procès, t. II, p. 443). — Au bourg de Burey on voit une maison ancienne, avec porte à arc surbaissé, ornée de fleurs de lys, qui passe pour être celle de l’oncle de la Pucelle (Cf. H. Wallon, Jeanne d’Arc, p. 267, planche ; C. Chevelle, Jeanne d’Arc à Burey-le-Petit, Nancy, 1899, in-8 ; S. Luce, Jeanne d’Arc à Domrémy, p. CLXXXIII et ss. ; Le P. Ayrolles, La vraie Jeanne d’Arc, la paysanne et l’inspirée, p. 320).

  129. [129]

    Vaucouleurs, châtellenie française, avec un fort château, le dernier lambeau de terre que possédât Charles VII à l’extrémité orientale du royaume. Les habitants de Vaucouleurs étaient bourgeois du roi depuis l’an 1365. C’est pourquoi Jeanne dira qu’elle y vint à chambre du roi pour parler à Robert de Baudricourt (Déposition de Jean de Metz).

    Vaucouleurs était une ville de transit, avec son port, pour le passage des marchandises vers Chaumont et l’Empire. Mais pressé par les Anglo-Bourguignons, par le seigneur de Commercy, entre les possessions des ducs de Bar et de Lorraine, toujours en lutte avec leurs voisins, le pays d’alentour était alors ravagé par des chefs de bande, les Lorrains aussi terribles pillards que les Bretons (cf. Siméon Luce, Jeanne d’Arc à Domrémy, p. LXII). — On montre à Vaucouleurs, dans la chapelle Sainte-Marie, la crypte dans laquelle Jean Le Fumeux nous a dit que Jeanne allait prier (P. Lanéry d’Arc, Le Livre d’or, p. 357, 358 ; H. Wallon, Jeanne d’Arc, p. 41).

  130. [130]

    Charles II, duc de Lorraine, qui fit venir Jeanne à Nancy. Mais il ne la reçut, point avec Baudricourt. Ce prince, qui avait fait échec aux tentatives d’un établissement de Louis d’Orléans sur le Rhin, était absolument inféodé à la puissance anglo-bourguignonne. Il avait épousé la très pieuse Marguerite de Bavière qui ne lui donna que des filles. — La remontrance de Jeanne vise la passion du vieux prince pour Alison May, de Nancy, sa maîtresse, dont la mère vendait des légumes dans une échoppe voisine du palais ducal et dont le père était un chantre de la collégiale de Saint-Georges. Le 11 janvier 1425, Charles II lui avait cédé la maison qu’elle habitait, avec les meubles, la vaisselle d’or et d’argent, rue de la Bouduté. Quand il mourut, Alison fut promenée par les carrefours et mise à mort par le populaire.

    On sait que Charles II écouta Jeanne avec étonnement, qu’il lui donna une somme de 4 francs pour l’indemniser de son voyage (déposition de Durand Laxart) et qu’il lui fit présent d’un cheval de robe noire (déposition de Jean Morel). Sur quoi la Pucelle revint de Nancy à Vaucouleurs (début de février 1429).

    La fabuleuse Chronique de Lorraine, qui ne peut guère être suivie, affirme que Jeanne fut armée par Charles II, qu’elle courut une lance sur la place du château à Nancy (cf. Ch. Pfister, Histoire de Nancy, t. I, 1902, p. 301-306).

  131. [131]

    Il s’agit non pas du fils de Charles II (il n’en eut point de légitime), mais bien de son gendre, René d’Anjou, alors âgé de vingt ans.

    Ce fils de Louis II (✝1417), roi de Sicile, duc d’Anjou, comte de Provence, et d’Yolande d’Aragon, élevé avec le dauphin Charles, avait épousé Isabelle, l’héritière de Lorraine, en 1419. C’était alors un bel et robuste adolescent. Après avoir vu son comté d’Anjou passer aux mains de Bedford, il avait dû endurer, bien à contre-cœur, que Jean de Luxembourg, allié des Anglais, s’emparât de son comté de Guise (1424). Il avait pris part au siège de Vaudémont, puis à l’expédition, dirigée contre Metz.

    On peut croire qu’il était en sympathie secrète avec Jeanne. Mais on trouve que le 15 avril 1429, il rendait encore hommage au lieutenant du roi d’Angleterre ; et le 5 mai, en son nom, le duc de Lorraine prêtait serment à Bedford : de même, il est porté sur une liste de seigneurs soumis au roi anglais, hommage qu’il ne tarda pas à désavouer (5 août). On croit qu’il arriva trop tard à Reims pour assister au sacre ; René figure désormais dans les rangs de l’armée royale, demandant, à la suite de la Pucelle, la marche en avant. Mis en possession du duché de Bar, puis du duché de Lorraine, René est fait prisonnier à la bataille de Bulgnéville, le le 50 juin 1451. Prisonnier à Dijon, il ne fut délivré par Philippe le Bon qu’en 1457. Malheureux dans ses efforts chevaleresques pour conserver son royaume de Naples, le roi René vécut désormais en épicurien, dans son Anjou et sa Provence, se montrant ami des livres, des poésies, des femmes, composant des bergeries et peignant de petits tableaux suivant la manière des peintres Flamands (✝10 juillet 1480). Cf. A. Lecoy de la Marche, Le Roi René, sa vie, son administration, ses travaux artistiques et littéraires, Paris, 1875, 2 vol. in-8°.

  132. [132]

    Jean de Nouvilonpont, aujourd’hui Nouillonpont, sur la rive droite de l’Othain, arrondissement de Montmédy, dit aussi Jean de Metz, écuyer.

    C’est lui qui découvrit Jeanne, alors qu’elle était vêtue de pauvres vêtements rouges de femme, et qu’elle était logée dans la maison d’Henri le Royer. Et il lui dit : Ma mie, que faites-vous là ? Faut-il que le roi soit chassé du royaume et que nous soyons Anglais ? Et la Pucelle lui répondit : Je suis venue ici à chambre de roi pour parler à messire Robert de Baudricourt, afin qu’il veuille me mener ou faire mener au roi. Or il n’a cure de moi ni de mes paroles. Toutefois, avant que soit la mi-carême, il faut que je sois vers le roi, dussé-je user mes pieds jusqu’aux genoux. Car il n’y a au monde ni rois, ni ducs, ni fille de roi d’Écosse ou autres qui puissent recouvrer le royaume de France ; car il n’y a secours que de moi-même, quoique j’aimasse mieux me noyer devant les yeux de ma pauvre mère, car ce n’est pas de mon état. Mais faut que j’y aille, et que je le fasse, car Notre Seigneur veut qu’ainsi se fasse. (Déposition de Jean de Nouvilonpont.) Alors le jeune écuyer crut en elle, lui fit promesse de la mener vers le dauphin, lui bailla les vêtements de ses serviteurs.

    On voit qu’à l’arrivée de la Pucelle en France, le 21 avril 1429, Jean de Nouvilonpont reçut de Guillaume Charrier, receveur général du roi, 100 livres pour ses dépenses et celles des gens de la compagnie de la Pucelle en la ville de Chinon (Quicherat, Procès, t. V, p. 257). Ce même mois, il reçut encore 200 livres pour la despense de la Pucelle et 125 livres pour se procurer des harnois (Ibid., p. 258). Il fut logé chez Jacques Boucher, le trésorier d’Orléans, et anobli par le roi au mois de mars 1441, considéré les louables et très gratuits services qu’il nous a faits dans nos guerres et ailleurs (Ibid., p. 364). Gobert Thibault, écuyer d’écurie du roi et élu de la ville de Blois, qui déposa au procès de réhabilitation en faveur de Jeanne, le comptait au nombre de ses amis (Ibid., IV, p. 153).

    Jean de Nouvilonpont fut interrogé comme témoin au cours du procès de réhabilitation en 1455. Il est dit noble homme, demeurant à Vaucouleurs et âgé de 67 ans environ.

  133. [133]

    Ce ne peut être que Bertrand de Poulengy. On voit qu’il fut armé aux frais du roi, qu’il fut logé à Orléans chez le trésorier Jacques Boucher et qu’il eut pour ami Gobert Thibault, l’élu de Blois. Il fut interrogé à Toul, lors de la réhabilitation de Jeanne, en 1455. Il est dit noble homme, écuyer d’écurie du roi de France, âgé de 68 ans environ.

    Jeune homme, il avait connu les parents de Jeanne et demeura plusieurs fois dans la maison de ces bons laboureurs. Il la dira une bonne fille, aussi bonne qu’une sainte et bien dévote, gardant parfois les animaux et les chevaux de son père. Bertrand rencontra Jeanne à Vaucouleurs. Avec Jean de Metz, il lui procura un équipement militaire. Puis, ils prirent le chemin de France, avec son serviteur Julien, Jean de Honnecourt, serviteur de Jean de Metz, Colet de Vienne et Richard, l’archer.

  134. [134]

    Saint-Urbain, en Champagne, abbaye où Jeanne passa une nuit, vers le 25 février 1429, avant d’atteindre la grand-route de Langres. (Cf. Le marquis de Pimodan, La première étape de Jeanne d’Arc, p. 50-51.)

  135. [135]

    C’est-à-dire la cathédrale d’Auxerre dont le chœur remonte au XIIIe s. (Max Quantin, Congrès archéologique de France, XVII, 1850, p. 55).

  136. [136]

    Charles d’Orléans (1394-1465), fils de Louis d’Orléans et de Valentine Visconti. L’assassinat de son père par Jean sans Peur (23 novembre 1407) avait fait de cet enfant le chef de la faction pour qui combattaient les Armagnacs et le parti national (ses ennemis iront jusqu’à dire qu’il aspira à se faire roi et qu’il avait été sacré tel, à Saint-Denis). Charles dépensa toute sa fortune à poursuivre la vengeance du meurtre paternel, tomba aux mains des Anglais, que les factions Orléanaises et Bourguignonnes avaient tour à tour appelés en France, au triste jour d’Azincourt, en 1415. Délivré seulement en 1440, grâce aux efforts de la duchesse de Bourgogne, inféodé dès lors à Philippe le Bon, fait chevalier de la toison d’or, pacifique de nature et en partie ruiné, après une tentative vaine en Italie pour recouvrer l’Astesan, il coula à Blois des jours nombreux, remplis de douces méditations, s’occupant à composer de mélancoliques poésies.

    C’était en somme un épicurien celui que Jeanne, la fille au grand cœur, savait aimé de Dieu, celui-là qu’elle avait charge d’aller délivrer en Angleterre : mais elle voyait toujours en lui, avec tout le bon peuple de France, le prince malheureux, le chef de parti très actif qu’il avait été jusqu’en 1414, le prisonnier dépouillé de ses états et qui ne pouvait les défendre. (Cf. le passage de Jouvenel des Ursins qui traduit si bien le sentiment populaire : Hélas ! Sire, considérez la grand charité que vous ferez de délivrer vostre cousin germain qui, si longuement, a esté faict prisonnier pour le faict de la chose publique de ce royaume, c’est à sçavoir vingt cinq ans, lequel est la tierce peisonne de ce royaume. Car après vous et Monsieur le Daulphin, vostre fils, c’est le plus prochain de la couronne… Bibl. nat., ms. fr. 16259, p. 199. — C’est exactement ce que nous dit Jeanne qui est venue pour reclamer le sang royal.)

    Charles d’Orléans sut-il tout ce que Jeanne avait fait pour lui, sa ville d’Orléans délivrée ? C’est possible, car de nombreux messagers passèrent en ce temps-là en Angleterre pour lui porter de l’argent. Mais il ne faut pas oublier, d’autre part, que Charles était au secret. Tout ce que nous pouvons savoir c’est qu’après la prise de la Pucelle un écolier de Pavie, Antonio Astesano, adressa au duc au sujet de Jeanne des vers latins développant les termes d’une missive que Perceval de Boulainvillier avait adressée au duc de Milan ; mais il demeure douteux que Charles reçût jamais ces vers (Pierre Champion, Vie de Charles d’Orléans, p. 193 n. 1).

    On peut penser cependant que le duc d’Orléans attendait sa délivrance de voies pacifiques. Dans la suite il n’a jamais parlé de la Pucelle, tandis que la bonne ville d’Orléans né cessa jamais d’honorer sa mémoire par la procession annuelle du 8 mai (dès 1435 la municipalité fit les frais de la fête). Il faut avouer que l’indifférence de Charles d’Orléans, si nonchalant mais si bon, est pour nous un grand sujet de scandale. On doit noter toutefois que la donation de Charles d’Orléans à Pierre d’Arc de la jouissance à titre héréditaire de l’Île aux Bœufs, le 29 juillet 1443, fut faite en faveur et contemplation de Jeanne la Pucelle sa sœur. Cf. Étienne Pasquier, Recherches, l. VI, ch. V (Œuvres, Amsterdam, 1723, col. 544).

  137. [137]

    Voir l’Introduction. — J. Quicherat a déjà fait remarquer que ces altérations ne doivent pas être imputées aux ennemis de la Pucelle et qu’elle se trouvent dans toutes les copies de ce document dont Jeanne a reconnu l’authenticité. Cf. Germain Lefèvre-Pontalis, Les sources allemandes de l’histoire de Jeanne d’Arc, p. 42 et s.

  138. [138]

    Au début du mois de mars 1429. — On sait qu’il y avait à Fierbois un sanctuaire renommé sous l’invocation de Sainte-Catherine, et très visité par les pèlerins (H. Wallon, Jeanne d’Arc, p. 59). Il avait été restauré, à la fin du XIVe siècle, par un saint homme, aveugle et paralytique, Jean Godefroy. La sainte y accomplit force miracles ; les gens d’armes prisonniers et rendus à la liberté y déposaient leurs harnois (cf. l’abbé J.-J. Bourassé, Les Miracles de Madame Sainte Katherine de Fierboys en Touraine (1375-1446), 1858).

  139. [139]

    Jeanne arriva au château de Chinon, séjour accoutumé du roi Charles VII, le 6 mars 1429. On voit encore les ruines de cette grande et forte demeure. Un dessin, conservé dans la collection de Gaignières, donne une vue de la chambre du roi Charles 7e dans le chasteau de Chinon, ou il receut la Pucelle d’Orléans, M. le duc de Richelieu, à qui appartient ledict chasteau, a donné ordre pour le démolir. 1639. Cf. P. Lanéry d’Arc, Le Livre d’Or, p. 377, H. Wallon, Jeanne d’Arc, p. 51.

  140. [140]

    Ceci ne doit pas être entendu trop rigoureusement, car plusieurs témoins, dont Dunois, assurent que Jeanne attendit deux jours avant d’être reçue par le roi.

  141. [141]

    Charles de Bourbon, comte de Clermont, puis duc de Bourbonnais, qui livra la bataille des Harengs. Il demeura à Blois pendant le siège d’Orléans ; mais il contribua à la défense de cette place, figura au siège de Troyes, assista au sacre de Reims où il remplit les fonctions de pair. Il communia avec Jeanne à Senlis. Mécontent du retour de Reims, il assista à la journée de Montépilloy, à l’attaque de Paris, et il fut établi lieutenant général de l’Île-de-France. Mais Charles de Bourbon renonça à cette fonction et perdit le château de Gournay-sur-Aronde.

    Beau comme Absalon, fort adonné aux aventures et plein de faconde, il avait été fort rigoureux envers Philippe le Bon qui le contraignit à plier devant lui. On le tint dans la suite pour fort suspect, ayant pris part à la brouille de Charles VII et de son fils. Il mourut en 1456, en ses pays, martir doloureux tout impotent de goutes (Chastellain, II, p. 163).

    Un de ses maîtres d’hôtel donna à Lyon des renseignements sur la Pucelle (Relation du greffier de la Chambre des Comptes de Brabant, ap. Quicherat, IV, 425).

  142. [142]

    Jeanne demeura à Saint-Denis entre le 9 et le 13 septembre 1429. — Elle avait demandé dès le matin du 9 au duc d’Alençon de faire sonner les trompettes et à retourner devant Paris (Perceval de Cagny, p. 168). Le sire de Montmorency était venu se joindre aux assaillants : l’armée se rendait à nouveau devant Paris quand le comte de Clermont et le duc de Bar vinrent arrêter cette marche, par ordre du roi qui restait à Saint-Denis. Sans doute Charles VII espérait recouvrer la capitale autrement que par assaut (cf. G. Lefèvre-Pontalis, Un détail du siège de Paris par Jeanne d’Arc, dans la Bibl. de l’École des chartes, 1885).

    Jouvenel des Ursins, qui a fait un si triste portrait de la timidité et de la nonchalance du roi, toujours caché en petites chambrettes, commente ainsi cette retraite : Et après vostre parlement, combien que les ennemis ayent tousjours esté forts, toutesfois y avez vous résisté tellement que avez honorablement esté consacré en vostre ville de Rheims de la saincte Ampolle, et vostre povre et loyal peuple, joyeux de vostre venue, vous fesoit ouverture de vos villes comme Troyes, Chaalons, Laon, Rheims, Senlis, Compiegne, Beauvais, Melun, Lagny et plusieurs autres ; et se la chose eust esté bien conduicte, vous ariez sans difficulté recouvré toute vostre seigneurie ; lesquelles obeyssances à vous faictes, sont retournées comme à leur totale destruction et perdition. Car de présent elles sont comme toutes depopulées, desolées et destruites, et tout par faute de justice, laquelle vous devez faire. Mais en ce vous en ostez vostre face, et mettez leurs povretez et tribulacions en oubli… (Épître aux États d’Orléans, 1440. Bibl. nat., fr. 16259, p. 72)

  143. [143]

    Le 8 septembre 1429, à l’assaut de la porte Saint-Honoré, où Jeanne eut la cuisse traversée d’un trait d’arbalète (cf. Journal d’un bourgeois de Paris, éd. Tuetey, p. 245, et la relation du greffier du chapitre de Notre-Dame, Ibid. p. 244 n.).

    On sait que l’on vient de mettre à jour cette partie de l’enceinte de Paris. — La Porte Saint-Honoré se voit sur les plus vieux plans de Paris, ceux de Truschet et Hoyau entre autres. Cf. A. Marty, l’Histoire de Jeanne d’Arc…, nos 12, 93.

  144. [144]

    Au chapitre 50 de son Arbre des Batailles, Honoré Bonet fait observer que les fêtes sont ordonnées pour servir Dieu et qu’on doit s’abstenir de livrer bataille ces jours-là. Mais je puis bien prouver tout le contraire ; car tout premièrement je treuve en l’anchien testament comment tout le peuple ordonne que, se aulcune gent venoit contre eulx, que ilz ississent pour faire bataille. Or sus cestuy débat je dy vraiement, pour cause de nécessité, au jour de feste l’on peult faire bataille…

  145. [145]

    La chambre de parement, c’est-à-dire la salle d’honneur, au bout de la grande salle du château, près de la chambre du roi (F. Bouquet, Jeanne d’Arc au château de Rouen, p. 39).

  146. [146]

    Érard Émengart, originaire du diocèse de Rouen, maître ès arts et bachelier en théologie en 1403, licencié dès 1410, figura de longues années parmi les maîtres régents en théologie (Denifle et Chatelain, Chart. Univ. Paris., IV, p. 98, 195, 279, 530). Au mois de février 1414, il fut au nombre des docteurs qui demandèrent le renvoi de l’affaire de Jean Petit devant le pape. En 1431, au mois de septembre, il professait encore à Paris. — En 1434, un Robin Émengart, voiturier, transporte de Caen à Rouen, sur six chevaux de bât, la somme de 9.600 livres pour Michel Durand (Bibl. nat., p. 26058, p. 2320).

  147. [147]

    John Carpenter, Carpentarii, Anglais, clerc du roi, qualifié de maître en théologie. En 1429, il était recteur de l’église paroissiale de Beaconsfield au diocèse de Lincoln ; en 1435, gardien de l’hôpital Saint-Antoine à Londres (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 23 ; Chart. Univ. Paris., IV, p. 529 ; Calendar of patent rolls, Henry VI, III, 262, 466).

  148. [148]

    Denis de Sabrevois (Sabrevays, Sabreuvras) étudia à Paris. Reçu bachelier en théologie en 1422, en même temps que Guillaume Adelie, licencié en théologie à Paris en 1426, et ses condisciples Jean Le Fèvre et Jean Gravestain, il est dit maître, le 30 mars 1430, et enseigna la théologie aux côtés de Jean Beaupère, d’Érard Émengart, de Jacques de Touraine, de Nicolas Midi, de Guillaume Adelie. Le 23 décembre 1451, à Bâle, Denis de Sabrevois était chargé de recevoir le nonce du pape. En 1433, on le voit, avec J. Beaupère, intervenir contre la présence des présidents apostoliques au concile. Au mois d’octobre 1437, la Faculté le nomme son ambassadeur et le charge d’obtenir du concile de Bâle que nul ne puisse obtenir l’office de chancelier de Notre-Dame s’il n’est maître en théologie. En 1438, arrêté près de Bâle par ordre d’Eugène IV, Denis de Sabrevois est relaxé grâce à l’intervention d’Albert, duc d’Autriche, gendre de Sigismond. Cette année-là, il écrit aux Pères que le roi Charles VII irait jusqu’à verser son sang pour la défense de l’autorité conciliaire, ce qui était exagéré. Avec Thomas de Courcelles, Denis de Sabrevois demeura à Bâle, en dépit de la peste. Il y était de nouveau, à la date du 10 novembre 1439. L’année suivante, dans l’assemblée générale de l’Université, il joua un rôle important ; et le gouvernement français, y compris le chancelier et le prévôt, durent se résigner à voir l’Université prendre parti pour Félix V. En 1444, Denis de Sabrevois argumentait encore en faveur du concile. Il figure parmi les maîtres régents de l’année 1452. Il est dit doyen de la Faculté de 1456 à 1472 (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 23 ; Chart. Univ. Paris., t. IV, passim ; N. Valois, Le Pape et le Concile, t. I, p. 130, 132 ; t. II, p. 138, 141, 177, 225, 238-241, 302).

  149. [149]

    Guillaume de Baudribosc, originaire de Rouen, maître ès arts, bachelier en théologie dès 1403, chanoine de la cathédrale de Rouen en 1431. Scelleur de la Cour de l’église en 1422, on voit qu’il est chargé du soin des archives du chapitre (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 2123) ; pénitencier du chapitre en 1424, il procédait à l’inventaire des biens de l’hôtel de la fabrique, avec le chancelier Gilles Deschamps, en 1425 (Arch. de la Seine-Inférieure G. 2094) ; il était dispensé par ses confrères, en 1439, de venir l’église à cause de sa vieillesse et de ses infirmités. Il mourut vers le 15 janvier 1447, en son hôtel de la rue aux Oues (Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 56-57 ; Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 23 ; Chart. Univ. Paris., p. 98).

    On peut croire que Guillaume de Baudribosc était lettré puisqu’il légua trois livres à la librairie de la cathédrale ; éloquent, puisqu’il fut chargé par le chapitre de féliciter le duc de Bedford, lors de sa joyeuse entrée à Rouen en 1424, et de réclamer de lui justice en termes généraux. Mais il était à coup sûr fort dévoué au parti anglais : il laissa pour héritière une nièce qui avait épousé un Anglais.

    Guillaume de Baudribosc, juge assidu au procès, se réfugia derrière l’autorité de l’abbé de Fécamp lorsqu’il prononça sa sentence. — On trouve un Adam de Baudribosc, exécuteur du testament du cardinal Gilles Deschamps en 1408 (Bibl. nat., lat. 17025, fol. 148).

  150. [150]

    Nicolas Lemire, Medici, qualifié ici de bachelier en théologie et ailleurs (27 mai) de maître.

    Denifle et Chatelain ont proposé la correction de Nicolaus en Petrus. On trouve en effet à l’Université de Paris un Petrus Medici, clerc d’Évreux, maître ès arts en 1403, licencié en théologie en 1428, maître la même année, prêtre du diocèse d’Évreux et qui ambitionnait, d’obtenir, en 1425, un vicariat dans cette église (Denifle et Chatelain, Chart. Univ. Paris., t. IV, p. 518). Mais il convient d’être prudent dans ce genre de correction ; et il faut admettre que Thomas de Courcelles devait bien connaître ses comparses.

  151. [151]

    Richard Le Gagneux, Lucratoris, originaire de Coutances, qualifié ici de bachelier en théologie ? On le trouve seulement maître ès arts et bachelier en décret à Paris, licencié en droit canon le 3 décembre 1456 (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 24).

  152. [152]

    Jean Duval, de Valle, prêtre du diocèse de Rouen, maître ès arts à Paris, en 1403, puis étudiant en théologie sous l’abbé de Fécamp ; il demandait, en 1422, un canonicat à Meaux ; en 1425, l’église d’Estrain, au diocèse de Rouen. En 1439, il est dit maître en théologie et prenait part à l’élection de l’antipape à Bâle (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 24).

  153. [153]

    Guillaume Le Maistre, Magistri, nommé parmi les maîtres en théologie, personnage inconnu.

  154. [154]

    Guillaume Le Mesle, Bénédictin, qui professa le droit canon à Paris en 1418, abbé de Sainte-Catherine à Rouen, puis, en 1428, abbé de Saint-Ouen (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 24 ; Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 108 ; Gal. Christiana, XI, col. 152). Il prêta serment de fidélité à l’église de Rouen, au mois de novembre (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 2125). — Un Guillaume Le Mesle, en 1434, est dit lieutenant particulier du bailli d’Évreux (fr. 26058, p. 2365).

  155. [155]

    Jean Labbé, Bénédictin, abbé de Saint-Georges de Boscherville depuis le 11 novembre 1417, suivant la Gallia Christiana, XI, p. 272. Son temporel ayant été saisi par les Anglais, il sollicita de la cour de Rome une restitution. Il abdiqua en 1444, sans avoir obtenu justice. Il mourut l’année suivante et fut enterré dans la chapelle de la Vierge.

  156. [156]

    Guillaume Le Bourg, chanoine régulier, prieur de Saint-Lô de Rouen après le décès de Guillaume Le Couette (1411). On voit qu’en 1442, l’official de Rouen le mettait à l’amende pour avoir, dans un procès avec l’abbaye de Saint-Ouen, fait intervenir un juge séculier. Il mourut en février 1456 (Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 133-134).

    Pierre Cauchon, député par Martin V pour présider à la levée des décimes accordés à Henri VI, eut recours à ce religieux comme commissaire.

  157. [157]

    Le prieur de Sigy (Sagy dit le Procès) prés Neufchâtel, suivant Quicherat, I, p. 59 n., était Frère Pierre de La Crique, bénédictin, licencié en décret à Paris en 1424 (Cf. Denifle et Chatelain, Chart. Univ. Paris., t. IV, p. 455 ; Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 24). — S’il s’agit du curé de Sagy, ce peut être Georges Martel que l’on rencontre dans un procès en 1432 (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 5520).

  158. [158]

    Jean Duchemin, ou Du Quemin, de Quemino, licencié en décret à Paris en mars 1428. Il étudia sous Thomas Fiesvet, juge de la Pucelle, et eut pour camarade Jean Jolivet. Avocat à la Cour de Rouen, en 1432 il figure comme avocat en Cour d’église dans un procès à Rouen (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 3520) (Cf. Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 24 ; Chart. Univ. Paris., IV, p. 475). Jean Duchemin est désigné par le chapitre, en 1436, pour assistera l’élection de l’archevêque (Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 98). — On rencontre, en 1428, un Jaquet Duchemin, commis par le vicomte du Pont-de-Larche, pour examiner Pierre Le Bigordoys traistre, larron et ennemy du roy (Bibl. nat., fr. 26050, p. 896).

  159. [159]

    Richard des Saulx, de Salicibus, est qualifié dans un rôle de 1403 de prêtre de Rouen, maître ès arts et bachelier en décret (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc p. 24). En 1414, il est dit à Rouen, jurisperitus, advocatus curie officialis. En 1423, les chanoines le condamnèrent à l’amende à cause d’une parole ordurière prononcée tandis qu’il plaidait contre le chanoine Jean de La Porte (Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 98). On voit qu’en 1435 il fut, suivant une sentence de l’officialité de Rouen, débouté de ses prétentions à la cure de Theuville-aux-Maillots, à laquelle le roi Henri V avait présenté Aubert Morel, en 1419 (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 284).

  160. [160]

    Nicolas ou Nicole Maulin, sur lequel les documents parisiens ne nous renseignent pas. Licencié en lois, il est dit chanoine de Notre-Dame-de-la-Ronde à Rouen, en 1432 (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 3525). On le trouve chapelain de la chapelle Saint-Honoré en l’église des Filles-Dieu en 1438 (Ibid., G. 4308).

  161. [161]

    Pierre Carel, et quelquefois Carré, Carelli, nommé dans une supplique maître ès arts de Paris, clerc de Lisieux (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 24) ; cité en 1452 dans un titre de la fabrique de Saint-Cande-le-Vieux à Rouen (Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 96). — Un nommé Pierre Quarré, avocat en Cour d’église, est mentionné dans un procès de 1452 (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 3520). Un Guillaume Carrel fut chanoine de Rouen (✝1414. — A. Deville, Tombeaux de la cathédrale, p. 218).

  162. [162]

    Bureau de Cormeilles, Burellus de Cormeliis, licencié en droit civil qui semble bien être l’étudiant de l’Université d’Orléans qui est dit, en 1394, Burellus de Cormeilles, clericus Rothomagensis, licenciatus in legibus, Francis regine secretarius, et qui convoitait un canonicat dans l’église d’Avranches (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 24-25). Entre 1404 et 1420, Bureau avait le bénéfice de la cure de Touffreville-la-Corbeline (Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 98). En 1426, il donne quittance au vicomte de Rouen de 20. s. t. pour la Saint-Michel à cause d’une rente (Bibl. nat., fr. 26049, p. 569). Sign. aut. Buryau.

  163. [163]

    Nicolas de Foville, de Fovilla, peut être celui qui est cité comme maître ès arts en 1435 (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 25). On trouve un Nicolas de Foville, curé d’Écrainville, en procès devant l’officialité de Rouen, en 1451, au sujet des dîmes de cette paroisse (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 1608).

  164. [164]

    Sans doute une façon proverbiale de parler. Nous savons que Jeanne ne buvait pas d’ailleurs de vin pur (Chronique de la Pucelle, ap. Quicherat, t. IV, p. 219, 231). Elle suivait en cela les enseignements que nous voyons Jean Gerson donner à ses sœurs en ce temps-là (éd. Ellies Dupin, t. III, col. 840).

  165. [165]

    Autre façon proverbiale de parler.

  166. [166]

    Cf. Article LX — on aurait pu ajouter non devant habeo : Ego vobis [non] habeo dicere. Mais la note marginale superbe responsum laisse plutôt entendre que la phrase de Jeanne était une interrogation narquoise aux juges.

  167. [167]

    Ce dicton ne se rencontre pas dans les Proverbes français de Leroux de Lincy. — On sait que Jeanne affectionnait les proverbes et les sentences.

  168. [168]

    Domrémy ne relevait pas en totalité de la châtellenie de Vaucouleurs, incorporée au domaine royal par Charles V. Un très petit ruisseau, affluent de la Meuse, coupait le village en deux parties : celle du midi, comprenant une maison forte située dans une île de la Meuse et une trentaine de chaumières que possédait la famille de Bourlemont, dépendait de la châtellenie de Gondrecourt, c’est-à-dire d’une partie de la Champagne cédée en 1308 par Philippe le Bel au comte de Bar (Siméon Luce, Jeanne d’Arc à Domrémy, p. XXII). On sait que Jeanne naquit dans la partie septentrionale, où se trouvait l’église paroissiale, relevant de la châtellenie de Vaucouleurs ; que le cours du filet d’eau, une simple rigole dont on a fait une frontière, a été modifié depuis le XVe s. — Il est plus important de remarquer que l’église avait pour patron l’apôtre des Francs qui baptisa Clovis et l’oignit à Reims ; que Domrémy appartenait au jeune beau-frère de Charles VII, René d’Anjou (Comte M. de Pange, Les Lorrains et la France au Moyen Âge, p. 12 n.).

    Le diplôme de Philippe 1er, roi de France (1090), cité par Michelet, auquel Luce fait allusion et suivant lequel Domrémy, pendant les premiers siècles du Moyen Âge, aurait été un fief de l’abbaye de Reims (Jeanne d’Arc à Domrémy, p. XXXIV) concerne non pas le village de Jeanne d’Arc, mais Domrémy-en-Ornois, non loin de Joinville (M. de Pange, Ibid., p. 12 n.).

  169. [169]

    169. Maxey-sur-Meuse, village situé sur la rive droite du fleuve, en aval de Domrémy. Il ne fut rattaché au duché de Lorraine qu’au XVIIe siècle. Au temps de Jeanne d’Arc, Maxey était en Barrois, prévôté de Foug. Mais ce village était en la garde du roi de France, c’est-à-dire du roi d’Angleterre. La prévôté de Foug appartenait au vieux et faible cardinal de Bar (M. de Pange, Les Lorrains et la France au Moyen Âge, p. 12 n.). On ne saurait rigoureusement, comme l’a fait Luce (Jeanne d’Arc à Domrémy, p. 18), opposer les enfants de Domrémy à ceux de Maxey.

  170. [170]

    L’Île était cette prairie basse, formée par un méandre de la Meuse, inondée au temps de la crue des eaux, où s’élevaient la maison forte des Bourlemont et la chapelle de Notre-Dame (Siméon Luce, Jeanne d’Arc à Domrémy, p. XXV). Cf. le plan publié par Le Page, Jeanne d’Arc est-elle Lorraine ?, Nancy, 1852, p. 54-55.

  171. [171]

    Jeanne ne gardait pas les troupeaux habituellement. Elle allait aux champs, comme les autres enfants du village (voir la note 123). Mais les Bourguignons feront d’elle une vachère (Monstrelet, Jean Jouffroy).

  172. [172]

    Ces fontaines de Lorraine ont, de tout temps, été l’objet de vénération, en particulier celles à l’orée des bois. J’ai été, enfant, au pèlerinage de Saint-Ouen et chacun rapportait une bouteille d’eau de la fontaine sacrée, propre à guérir tous les maux. Au témoignage des curés du pays, les habitants de la Meuse ne font plus leurs fontaines. — On identifie la fontaine avec cette source, comme intermittente, dont l’orifice a été plusieurs fois changé de place durant la construction de la moderne basilique, et qui sortait non loin de l’ancienne chapelle de Notre Dame que Étienne Hordal avait fait édifier, au début du XVIIe siècle, en souvenir de la Pucelle (Le P. Ayrolles, La vraie Jeanne d’Arc : la paysanne et l’inspirée, p. 515), au lieu dit l’Ancien pierrier. Non loin est la fontaine aux groseilliers. — Sur la question des fées, voir les remarques de Marcel Hébert, Jeanne d’Arc a-t-elle abjuré ?, Paris, 1914, p. 65 et ss.

  173. [173]

    Le hêtre, dont le beau tronc est gris et lisse, et dont le feuillage, à l’automne, forme un buisson de feu, est un arbre extrêmement fréquent dans cette région des côtes de la Meuse. — L’arbre que Montaigne vit, en 1580, ne lui parut en rien remarquable : Il y a un arbre le long d’une vigne, qu’on nomme l’arbre de la Pucelle, qui n’a nulle autre chose à remarquer (Journal de voyage, éd. Lautrey, p. 63). Il existait encore dans le premier quart du XVIIe siècle et il est ainsi décrit par Edmond Richer (éd. H. Dunand, p. 67) : Les branches de ce fau sont toutes rondes et rendent une belle et grande ombre pour s’abriter dessous, comme presque l’on feroit au couvert d’une chambre. Et faut que cet arbre aye pour le moins trois cents ans, qui est une merveille de nature… Il fut détruit au temps des guerres du XVIIe siècle par les Suédois (E. Stofflet, Bull. Arch. Lorraine, 1910, p. 102). Quicherat (Procès, II, p. 390 n.) dit que les anciens de Domrémy se rappelaient avoir entendu dire qu’il avait été arraché par un habitant nommé Soudart ! — Sur la place de l’arbre, voir la déposition de Jean Morel au procès de réhabilitation.

  174. [174]

    Le gui ou le feuillage de la fête de mai. Suivant Edmond Richer, le fau était dit le beau mai. C’est un beau et grand hestre, assez proche de l’église de Domrémy, lequel est sur le grand chemin de Neufchastel, auprès duquel il y a une fontaine. Et durant le printemps et tout l’esté, fils et filles s’y vont pourmener ; et, comme j’ai appris des gens du pais, continuent encore aujourd’huy… (éd. H. Dunand, p. 67). Les seigneurs de Domrémy allaient s’ébattre et goûter sous son ombre. Jacob, curé de Moutiers-sur-Saulx, au procès de réhabilitation, dit qu’au printemps il était beau comme les lys, large et touffu, que ses branches descendaient jusqu’à terre. — Il faut entendre que du hêtre venait le feuillage de la fête de mai, extrêmement populaire au Moyen Âge, qui a été chantée tant de fois par Charles d’Orléans et par des poètes anglais de ce temps. (Cf. Pierre Champion, Vie de Charles d’Orléans, p. 431-453.) Le 1er mai, à l’orée du jour, au son du tambourin, en joyeuse cavalcade parfois, les gens de la campagne allaient au bois chercher un arbre que l’on plantait au milieu du village, en formant des rondes ; des rameaux de charme, de hêtre, que l’on fixait aux maisons, en particulier devant celles des jeunes filles et des fiancées. C’était là un très vieux rite animiste, expliqué dans le Rameau d’or de Frazer. (Cf. l’inscription gallo-romaine : Fago Deo.) Mais personne n’en savait le sens au temps de Jeanne et il fallait la malveillance de ses juges pour chercher quelque chose de coupable dans ces pratiques innocentes. (Sur l’iconographie de la fête du Mai, voir les Très riches heures du duc de Berry, le Bréviaire Grimani, le May d’A. Watteau, gr. par Aveline, où l’on voit une jeune fille cueillir le mai à un arbre enrubanné tandis que dansent des paysans ; des couronnes sont également accrochées à l’arbre.)

  175. [175]

    Pierre de Bourlemont, chevalier, seigneur de la partie méridionale de Domrémy, mais dont la dame était de France (Déposition de Zabillet, femme de Girardin d’Épinal). — Les Bourlemont possédaient les serfs de la partie barroise de Domrémy, soit trente-cinq familles environ, à la fin du XIVe siècle. Ils demeuraient parfois dans une maison forte située en face du village dans l’île formée par les deux bras de la Meuse (Siméon Luce, Jeanne d’Arc à Domrémy, p. XXV) et ils étaient seigneurs en partie de Greux, de Maxey et de Bourlemont. Le château de Bourlemont domine la Meuse, sur la rive gauche, en amont de Domrémy (voir M. de Pange, Les Lorrains et la France au Moyen Âge, p. 24-25). — On sait que Pierre de Bourlemont, sa dame et ses demoiselles ne manquaient pas d’assister à la fête du Mai.

  176. [176]

    Nous avons adopté le terme du vieux traducteur. Il s’agit de couronnes.

  177. [177]

    Le maire Aubry était l’intendant rural représentant le seigneur de Bourlemont. Cet office était parfois concédé à titre héréditaire.

  178. [178]

    Le Bois Chenu, non loin de Domrémy, à mi-côte d’une colline assez abrupte vers la route de Neufchâteau, là où s’élève aujourd’hui la Basilique Neuve qui éloigne toute poésie de ce lieu. Le Pierrier y marque la place de l’ancien Ermitage de Notre-Dame (voir note 172). — Le Bois Chenu n’est plus qu’un souvenir ; les chênes ont disparu ; les flancs de la colline ont été en partie défrichés et plantés de vignes qui achèvent de mourir. — On consultera avec profit la carte de César-François Cassini, 8 L, et la vue du village de Domrémy d’après une aquarelle de Charles Pensée en 1819 (H. Wallon, Jeanne d’Arc, p. 52).

  179. [179]

    Jeanne connaissait donc la prophétie, qui courait alors le monde, et annonçait que la France, perdue par une femme, serait sauvée par une vierge des marches de Lorraine (Déposition de Catherine Le Royer). On connaissait également cette prophétie parmi les Anglais, et tous, en France, la répétaient alors sous une forme ou sous une autre. C’était un dicton bien ancien, certainement d’origine ecclésiastique, qui rapportait que ce qui avait été perdu par une femme devait être sauvé par une autre femme. L’application la plus commune en a été faite très anciennement par les Pères à Ève et à Marie.

  180. [180]

    Sur la chambre de parement, voir note 113.

  181. [181]

    Giovanni da Fano (et non de Favo), un Italien de la Marche, Mineur, qualifié de maître en théologie inexactement. En 1428-1429 ce personnage n’était que sententiarius et ne fut licencié en théologie qu’en 1433. On le voit régent la même année. On le retrouve dans cette fonction à Paris, au mois de septembre 1435 (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 25 ; Chart. Univ. Paris., IV, p. 478, 523, 550, 555, 574).

  182. [182]

    Jean, et non pas Nicolas Le Vautier, bachelier en théologie, religieux Ermite de Saint-Augustin, sententiarius à Paris, en 1431 (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 25).

  183. [183]

    Nicolas Caval, né vers 1390, maître ès arts et bachelier en décret à Paris en 1403, licencié en 1428, qui obtint de Henri V, le 16 janvier 1421, un canonicat en l’église de Mortain ; il fut reçu, la même année, chanoine de la cathédrale de Rouen à la place de Robert de Faubuisson, demeuré fidèle à la France. Il résidait antérieurement à cette date à Rouen, fut député aux États de Paris, en 1424. En 1428, il est dit doyen de Notre-Dame d’Andely. Il fut nommé scelleur de la Cour d’église en 1443, curé de Critot et chapelain de la chapelle de Notre-Dame aux Béguines de Rouen. Nicolas Caval mourut peu de jours avant le 27 août 1457 (Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 58-59 ; Denifle et Chatelain, Chart. Univers. Paris., IV, p. 106, 109).

    C’était, à ce qu’il semble, un homme instruit, ami des livres (il fait payer 20 s. au bonhomme qui retrouva le livre fait par un archevêque de Rouen en quel livre estoient contenues moult de notables choses touchant l’archevesché. Arch. de la Seine-Inférieure, G. 28, compte de 1426-1427 ; le 4 août 1430, il emprunte à la librairie du chapitre Isidorus super vetus testamentum. Ibid., G. 2126). Nicolas Caval était tout à la dévotion de Pierre Cauchon, dont il fut l’exécuteur testamentaire (c’est lui qui régla les frais de la procession qui suivit le corps de P. Cauchon de l’église Saint-Cande jusqu’à la Seine, en priant, et il accompagna jusqu’au bout le corps de son ami. Arch. de la Seine-Inférieure, G. 2130). C’était aussi un ami de Zanon de Castiglione, l’évêque de Lisieux qui conclut si rigoureusement contre Jeanne. Caval, lui, détermina contre elle, suivant l’opinion des théologiens et l’autorité de l’abbé de Fécamp, Gilles de Duremort. Cité au procès de réhabilitation en 1452, Nicolas Caval prétendit, ce qui n’était pas, avoir entendu Jeanne une seule fois. Il fut lamentable, ne se rappela plus de rien, disant par exemple qu’il croit bien que les Anglais n’avaient pas grand amour envers ladite Jeanne, qu’il sait bien qu’elle a été brûlée ; si ce fut justement ou injustement, il s’en rapporte au droit et au procès.

  184. [184]

    Le texte latin dit : garantizationem, gallice en garant. J’ai conservé ce vieux mot qui a un sens juridique et chevaleresque.

  185. [185]

    Sainte Catherine d’Alexandrie, dont le culte était si répandu en France, protectrice des jeunes filles et des philosophes, patronne de l’église de Maxey où Jeanne allait prier quand l’église de Domrémy fut incendiée. Les legs pieux de Jean de Bourlemont, seigneur de Domrémy et de Greux, datés de 1398, en faveur Sainte Catherine de Maxey, prouvent la popularité dont le culte de cette sainte jouissait à Domrémy (Siméon Luce, Jeanne d’Arc à Domrémy, p. CXXVIII).

    La légende de sainte Catherine fut extrêmement répandue au XVe siècle. En 1453, on voit que Nicolas de Cues, comme évêque de Brixen, recommandait à ses curés de ne pas prêcher au peuple choses superstitieuses que contenait la Légende dorée sur sa vie (Edmond Vansteenberghe, Le cardinal de Cues, p. 142). Dans presque chaque église on voyait une image de la pure et candide enfant tenant les attributs de son martyre, la roue dentelée et l’épée.

  186. [186]

    Sainte Marguerite, protectrice des femmes, en particulier dans la période de leurs couches, et des paysans. — On verra que dans leur esprit les juges avaient établi un rapport entre les apparitions de la Pucelle et les représentations des statues placées dans les églises ; et, des déclarations de Jeanne relatives aux offrandes de fleurs qu’elle faisait aux saintes, il semble bien résulter que l’église de Domrémy, comme presque toutes celles de France, devait abriter leurs images. On croit posséder encore la statue de pierre de sainte Marguerite qui se trouvait dans l’église de Domrémy au temps de Jeanne d’Arc. Elle est représentée tenant la palme du martyre, les cheveux dénoués. Mais il semble bien difficile de dater cette figure avec quelque certitude.

  187. [187]

    Au mois d’avril 1429.

  188. [188]

    Saint Michel, l’archange du Seigneur, l’ambassadeur de Dieu, le saint des Valois, le beau chevalier qui tranche la tête du serpent et tient la balance où les âmes seront pesées. — Un grand pèlerinage, très fréquenté depuis le XIVe siècle, avait lieu en son honneur dans la célèbre abbaye du Mont-Saint-Michel en Normandie. La dévotion à saint Michel fut générale au XVe siècle (l’église de Moncel, près de Domrémy, était dédiée à saint Michel) ; et le dauphin avait eu des étendards à son image (la bannière de saint Michel fut portée dans Paris lors de la rentrée du roi Charles VII et sa légende fut mimée sur des échafauds. Cf. Charles-François du Fresne de Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. III, p. 52). Abandonnée en 1419 par son abbé, Jean Jolivet, qui passa aux Anglais, celui-là que nous retrouverons parmi les juges de Jeanne, l’abbaye fortifiée résista à tous les assauts des Anglais ; en 1425, les défenseurs du Mont remportèrent même un brillant succès sur les Anglais grâce au secours apporté par les Malouins (Chronique du Mont Saint-Michel, éd. S. Luce, p. 202, 205 ; Jeanne d’Arc à Domrémy, p. CV). On sait encore qu’en dépit de l’état de guerre, le pèlerinage ne fut jamais interrompu : succès où l’esprit populaire a pu voir un miracle du saint. En 1469, quand Louis XI fonda l’ordre de chevalerie destiné à récompenser les actes de vaillance, il en plaça le siège au Mont, sous le vocable du saint qui a toujours gardé, préservé et deffendu, sans estre subjugué ni mis es mains des anciens ennemis, nostre royaume.

    Toutefois il ne faut pas oublier la place que tient la tradition biblique dans les croyances de la France de ce temps. Or, à propos de la délivrance des Israélites, on lit dans la vision de Daniel, XII, 1 : En ce temps se lèvera Michel, le grand chef qui tient pour les enfants de ton peuple.

    Mais il n’est pas absolument rigoureux de dire que saint Michel fut opposé à saint Georges, patron des Anglais. Plusieurs images de saint Michel se voient dans le bréviaire dit de Salisbury ; dans celui de Bedford, saint Michel porte même l’uniforme anglais sur sa cotte d’armes : la croix rouge sur fond blanc. (Cf. Paul Durrieu, Les souvenirs historiques dans les manuscrits à miniature de la domination anglaise en France au temps de Jeanne d’Arc, Paris, 1905.) Peut-on dire d’ailleurs qu’un saint a une autre patrie que le ciel ?

    Un texte très curieux de Jouvenel des Ursins met en scène les saints de France et d’Angleterre priant ensemble pour la paix (1436) : Et tantost survindrent sainct Clovis, sainct Louis et sainct Charlemagne et sainct Denis, et pareillement sainct Édouard et sainct Thomas de Cantorbye, lesquels très humblement se agenouillèrent devant la benoiste Trinité, en priant qu’elle voulsist envoyer paix en France et aussy en Angleterre (Bibl. nat., ms. fr. 16259, p. 496).

    Les Normands, soumis aux Anglais, étaient naturellement fort dévots envers saint Michel dont le culte était général en France à cette époque et très souvent associé à celui des saintes de Jeanne, Catherine et Marguerite, qui demeurèrent ses conseillères habituelles. On verra, en 1437, des indulgences accordées en faveur d’une confrérie de Saint-Nicaise à Rouen pour ceux qui visiteront l’église les jours de la fête de saint Michel, des saintes Catherine et Marguerite (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 7291).

  189. [189]

    On sait que ce document n’a pas été retrouvé. Nous n’en connaissons plus que les conclusions insérées dans le Registre Delphinal de Mathieu Thomassin (Quicherat, Procès, t. IV, p. 306), par une refonte qui se trouve dans la Chronique de Tournai (éd. de Smedt, III, p. 406). Eberhard Windecke en a reproduit les conclusions (G. Lefèvre-Pontalis, Les sources allemandes de l’histoire de Jeanne d’Arc, 1903, p. 36-41).

  190. [190]

    Cf. article LX.

  191. [191]

    M. Antoine Thomas a publié une curieuse lettre de rémission, datée de juin 1437, sur ces signes (Le Signe royal et le secret de Jeanne d’Arc, Nogent-le-Rotrou, 1910, in-8). Elle met en scène un vieux paysan auvergnat, Jean Batiffol, qui s’écrie après boire : Le roy est roy, mais il ne lui appartenoit pas que fusse roy, car il n’est pas du lieu ; car quant le roy nasquit, il n’apporta pas enseigne de roy, et n’avoit pas la fleur de lys comme vray roy.

    L’historiographe bourguignon Georges Chastellain a rapporté d’autre part que le père de Charles VII l’aurait désavoué comme bastard.

    Un texte de Jouvenel des Ursins, tiré de la Remonstrance pour la réformacion du royaume, est bien intéressant à cet égard, puisque l’auteur faisait en 1430 partie du conseil. Il s’adresse dans ces termes au roi : En quel péril fustes vous à Paris quant vos ennemis, à proprement parler par une manière vulpineuse et soubs umbre de paix, y entrèrent, qui eschapastes, qui fust et est la salvation du royaume et empeschement qui ne vint à estrange main, qui estiez seul fils unique et heritier du roy et du royaume, comme depuis on a veu evidemment, sans plus declairer la manière. En quel peril fustes vous à Monstereau sur le pont ! Car, comme aucuns dient, on avoit intention de faire de vostre personne tellement que vostre pere fust mort, et sans hoirs masles descendans de son corps. Et qu’il en est, je ne sçay. Mais ce sont les parolles et langaiges qui couraient (Bibl. nat., ms. fr. 16259, p. 859). Ce texte donne tout son sens à la lettre aux Anglais, qui est vraiment comme le cri de Jeanne, quand elle nous parle de Charles le vrai héritier, qu’elle annonce qu’elle est venue pour réclamer le sang royal.

  192. [192]

    Sainte-Catherine-de-Fierbois, Indre-et-Loire, arr. de Chinon, cant. de Sainte-Maure. Voir plus, haut, note 38.

  193. [193]

    On sait qu’aux belles épées, Jeanne préférait les armes simples, propres à donner de bons coups, bien qu’elle n’en ait jamais fait un usage sanglant. Quand elle fut prise devant Compiègne Jeanne portait l’épée d’un Bourguignon en manière de trophée. On a fait, depuis longtemps, justice de la prétendue armure de la Pucelle conservée au Musée d’Artillerie à Paris et qui remonte à l’année 1515. (Cf. Émile Eudes, Armures et chevaux de Jeanne d’Arc, Paris, 1893, in-40 ; l’appendice Germain Demay, armes et vêtements militaires, dans H. Wallon, Jeanne d’Arc, p. 391-402 ; Henri Martin, Images historiques. La guerre au XVe siècle, Paris, 1916.)

  194. [194]

    Coulange-la-Vineuse, près d’Auxerre.

  195. [195]

    Au mois d’avril 1450. — Jodocus Sincère, dans son Itinerarium Galliæ, 1649, raconte qu’il a vu cette épée dans l’église de Saint-Denis. Une lettrine gravée par Sébastien Leclerc au XVIIe siècle pour une Histoire de l’abbaye de Saint-Denis rappelle cette scène (cf. H. Wallon, Jeanne d’Arc, p. 392). — Cette épée était conservée dans l’armoire IV du trésor. Elle est ainsi décrite dans Le voyageur Fidèle ou le guide des Étrangers dans la ville de Paris, 1716, p. 503 : L’épée de la Pucelle d’Orléans, si recommandable dans l’histoire.

  196. [196]

    C’est-à-dire de bons coups et de bonnes torgnoles.

  197. [197]

    Les frères de Jeanne d’Arc, Jean et Pierre d’Arc.

    Jean d’Arc, qui s’enfuit avec sa sœur à Neufchâteau, l’accompagna en France, fut logé chez Jacques Boucher à Orléans et anobli au mois de décembre 1429. Il prétendit avoir reconnu sa sœur à Metz, en 1436, se fit attribuer des gratifications par la ville d’Orléans. Cette conduite est assez singulière en cette circonstance, même s’il admettait la commune croyance au pouvoir que Jeanne aurait eu de s’échapper du feu (Journal d’un bourgeois de Paris, p. 354). Prévôt de Vaucouleurs, il poursuivit la réhabilitation de sa sœur, comparut à Rouen et à Paris, eut une commission pour informer dans son pays natal et produisit des témoins. Bailli de Vermandois et capitaine de Chartres, Jean fut déchargé de la prévôté de Vaucouleurs en 1468.

    Pierre vint retrouver sa sœur en France, combattit avec elle devant Orléans, demeura dans la même maison qu’elle en cette ville, l’accompagna à Reims, fut anobli avec le reste de sa famille. Il fut pris à Compiègne avec Jeanne. Il déclara, comme Jean, avoir reconnu sa sœur à Metz en 1456, reçut divers dons du roi, de la ville d’Orléans, du duc Charles, entre autres l’Île-aux-Bœufs en 1443 (Cf Ernest de Bouteiller, Nouvelles recherches sur la famille de Jeanne d’Arc, Paris, 1879, p. XIV-XVI ; Jules Doinel, La maison de la famille de P. d’Arc, Orléans, 1877, p. 6, 7).

  198. [198]

    Monnaie frappée pour la première fois en 1336 sous le règne de Philippe de Valois, puis sous Charles VI et Charles VII. L’écu tirait son nom de ce que le roi y était représenté séant sur son trône, tenant d’une main une épée, et, de l’autre, un écu semé de fleurs de lys. La valeur de cette monnaie subit de nombreuses variations indiquées par Le Blanc dans son Traité des Monnaies. En 1429-1430, l’écu d’or à la couronne correspondait à i livre tournois, 2 sols, 6 deniers (Chéruel, op. cit., 2e partie, p. 825 ; N. de Wailly, Mémoire sur les variations de la livre tournois, p. 74 ; H. Wallon, Jeanne d’Arc, p. 190). — Sur le désintéressement de Jeanne, voir le témoignage du clerc du temps de Martin V : Elle ne recherche aucun avantage temporel. De l’argent qu’on lui donne, elle ne dépense rien, elle en fait des cadeaux (L. Delisle, Nouveau témoignage relatif à la mission de Jeanne d’Arc, p. 5).

  199. [199]

    C’est-à-dire Dieu le père tenant le monde dans sa main.

  200. [200]

    Au chapitre 150 qu’Honoré Bonet consacra dans son Arbre des Batailles à la couleur des armes, il est dit que le blanc, aprez l’asur, est le plus noble des autres, car plus que les aultres est prochains des corps luisans et lumineulx. Et pour ce que moult est noble est signifiée pour sa ignossence : dit l’escripture que ses vestemens apparoissaient blans comme neige. Et ceste couleur de blanc représente l’eaue, laquelle aprez l’air est le plus noble.

  201. [201]

    Une futaine de couleur blanche qui servait surtout pour la doublure des vêtements (Godefroy, supp. ad. v. boucassin).

  202. [202]

    Sur la restitution de l’étendard de Jeanne d’Arc. Cf. [E. de Certain], Note sur l’étendard de Jeanne d’Arc, dans la Bibl. de l’École des chartes, 1859 ; André Marty, L’histoire de Jeanne d’Arc d’après les documents originaux, Paris, 1907, in-4, n° 84.

  203. [203]

    Une armée de 10 à 12.000 hommes était une des grosses armées de l’époque. (Voir l’Introduction.) En 1440, Jouvenel des Ursins estime que les Anglais, y compris leurs partisans français, disposaient de 3.000 à 4.000 combattants (Bibl. nat,, ms. fr. 16259, p. 160). Un rassemblement de 2. 500 hommes qui courut devant Lihons-en-Santerre est tenu par le même auteur pour une force très considérable.

  204. [204]

    La Bastille Saint-Loup sur la rive droite de la Loire, en face de l’Île de Saint-Loup (cf. P. Mantellier, Histoire du siège d’Orléans, 1867, plan).

  205. [205]

    La Bastille du Pont ou les Tourelles (cf. Charles-François Vergnaud-Romagnesi, Notice historique sur le fort des Tourelles, Paris, 1852, plan).

  206. [206]

    Le capitaine de Jargeau sir Henry Biset, qui fut tué. Il avait figuré à la bataille de Cravant en 1423 (J. Stevenson, Letters and papers, vol. II, part II, p. 585), puis à Verneuil en 1424 (Ibid., p. 394).

  207. [207]

    Ces traités de reddition à terme étaient alors très fréquents.

  208. [208]

    Sans rien d’autre que les vêtements qui se portaient sous l’armure.

  209. [209]

    Philippe Le Maréchal ou Maréchal, Marescalli, licencié en droit canon à Paris en 1424 (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 25). Dès 1420, comme procureur de la Nation de France, avec Jean Basset, procureur de l’Université, il était envoyé en ambassade auprès du roi d’Angleterre et vers le duc de Bourgogne, pour la conservation des privilèges universitaires. Les ambassadeurs leur recommandaient aussi Pierre Cauchon (Chart. Univ. Paris., t. IV, p. 384).

  210. [210]

    Pierre Cavé, qualifié de licencié en droit civil. Ce nom ne se rencontre pas dans les documents universitaires parisiens. Mais il y avait une famille de ce nom possédant une maison à Rouen (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 4398).

  211. [211]

    Jean IV, comte d’Armagnac (1418-1450), fils du connétable Bernard VII d’Armagnac, victime des émeutes parisiennes. On sait que ce prince, qui avait épousé Isabelle de Navarre et prêté serment de fidélité au roi d’Angleterre en 1421, suivit une politique fort ondoyante, et dont il fut plus tard la victime. Dans la question du schisme il avait d’abord soutenu Benoît XIII (✝1422) puis Clément VIII (Gilles Muñoz). Rebelle et soumis tour à tour, le 4 mars 1429, Jean IV fut déclaré schismatique, relaps et interdit. Après la renonciation de Clément VIII, Jean fit demander à Martin V son pardon. Le 4 mars 1430, il était relevé de l’interdit et rétabli dans ses dignités. Quel motif l’incita à consulter Jeanne sur une question qui paraissait apaisée ? A-t-il eu une croyance naïve dans l’inspiration de Jeanne ? a-t-il voulu colorer son changement d’attitude d’un prétexte pieux ? (Cf. Ch. Samaran, La Maison d’Armagnac au XVe siècle, 1907, p. 50 et s. ; N. Valois, La France et le grand Schisme d’Occident, t. IV, p. 442 et suiv., 470-471.)

  212. [212]

    Le pape de Rome est peut-être une locution toute faite. Martin V était mort le 20 février 1431. Eugène IV sortit du Conclave de la Minerve le 3 mars 1431.

  213. [213]

    On a tiré des conséquences infinies du choix de cette devise, qui figurait aussi sur l’anneau que Jeanne reçut de sa mère. Certes le culte du nom de Jésus fut propagé en ce temps-là par frère Bernardin de Sienne et par les prédications des moines populaires ; mais il est difficile devoir dans la réunion de ces deux noms une invocation directe au roi du ciel, et surtout une protestation contre la féodalité épiscopale et terrienne. Cette pieuse invocation était courante. Catherine de Sienne commençait ses lettres par ces mots : Au nom de Jésus crucifié et de Marie pleine de douceur…

  214. [214]

    Jean, duc de Bedford (1389-1455), troisième fils de Henri IV, régent du royaume à la mort de Henri V, époux d’Anne, sœur de Philippe de Bourgogne. Le meilleur artisan de l’alliance anglo-bourguignonne, ce grand politique, ferme et patient tout à la fois, travailla chez nous à réparer les malheurs de la guerre, à réprimer aussi et à prévenir toutes les velléités du réveil national. Au témoignage du bon Français, Jouvenel des Ursins, il avait presque réussi dans cette entreprise, car l’évêque de Beauvais déclarait, en 1433, que de présent les choses sont aucunement amendées par la venue des Anglois. Bedford avait noué des intelligences avec la noblesse locale, dans le Beauvaisis par exemple, par l’entremise des familles attachées au parti de Bourgogne. Mais il ne compta pas assez avec le peuple de France, le pauvre peuple des campagnes (Épîtres de Jouvenel des Ursins, Bibl. nat., ms. fr. 16259, p. 64-75).

    Il n’a pas tenu à Bedford que la France ne devînt anglaise. Il avait déployé une extraordinaire activité à mettre Paris en défense, dès le mois de juillet 1429 ; il avait détourné de leur destination les troupes anglaises levées contre les Hussites, dénoncé Charles VII comme faisant usage du secours d’une femme de vie dissolue pour abuser son peuple. Après l’assaut infructueux de Jeanne contre Paris, Bedford 9e rendit à Saint-Denis pour châtier ses habitants. Son initiative militaire et diplomatique a certainement causé la perte de Jeanne. Il sut rattacher à sa cause le duc de Bourgogne, alors louvoyant dans un système de trêves, en lui cédant l’investiture de la Champagne, en lui offrant une sorte de régence de France ; lui, il prit le parti de se consacrer aux affaires de Normandie, fit de Rouen une citadelle anglaise et le siège du gouvernement. C’est le conseil anglais de Bedford qui désigna Cauchon afin qu’il réclamât Jeanne comme sorcière, lui qui fournit les 10.000 livres nécessaires à son achat. Encore que Bedford n’ait paru qu’une seule fois au cours du procès, et dans une singulière attitude pour un noble duc, encore qu’il semblât avoir passé la main au cardinal Beaufort, ce prélat violent et orthodoxe, il n’est pas douteux que Bedford ait conduit personnellement toute l’affaire (cf. Henri Debout, Jeanne d’Arc et les archives anglaises, 1894). On y reconnaît partout son esprit puissant. C’est ce que Perceval de Cagny (p. 179) affirme d’ailleurs.

    Car il est évident que Bedford tenait sous sa main le chapitre de Rouen, où Jeanne trouva plutôt des ennemis que des juges. Le 5 avril 1430, on délibérait en réunion capitulaire au sujet de deux pièces d’or que Bedford avait offertes, ainsi qu’Anne de Bourgogne, sa femme, à la messe célébrée dans le chœur de la cathédrale (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 2126) ; le 25, il fait annoncer au chapitre cette bonne nouvelle que le roi Henri VI avait débarqué à Calais (Ibid.). Le 20 octobre, le duc prend l’habit canonial et il est admis à la distribution du pain et du vin (Ibid.). Le 13 janvier 1431, des processions sont faites dans l’église pour la prospérité du duc et de la duchesse (Ibid.). Ce grand duc reposera au chœur de la cathédrale, non loin du corps du roi Henri, parmi ses confrères (Ibid., G. 2127, 30 septembre 1435)Sur sa pompe funèbre (Ibid., G. 3469). On sait aussi que Bedford favorisa beaucoup les Carmes de Rouen (lettre du 31 décembre 1430, Ibid., G. 2126, 3573 ; Bibl. de l’École des Chartes, t. XXXIV).

    Un magnifique portrait du duc de Bedford et celui de la duchesse Anne se trouvent dans le célèbre livre d’heures conservé au British Museum, add. ms. 18850.

  215. [215]

    Cf. article XXXIII : Je le sais aussi bien comme vous êtes ici !

  216. [216]

    Saint Gabriel, Bonne nouvelle était un dicton de ce temps.

  217. [217]

    La doctrine catholique sur l’existence et la nature des anges a été formulée par le quatrième concile de Latran (1215). On y affirma l’existence et la complète spiritualité des anges ; ils sont donc distincts des créatures corporelles et des hommes composés d’une âme et d’un corps. Dieu créa ces esprits sans les destiner à un corps. Les chrétiens ont toujours cru à la réalité des esprits angéliques dont il est si souvent question dans l’ancien et le nouveau Testament. Mais ce fut longtemps une question débattue de savoir si les anges n’avaient point de corps. Plusieurs Pères en ont douté. La doctrine orthodoxe l’affirme : leur apparition a lieu sous forme corporelle ; mais ce n’est point la nature des anges d’en avoir. Si l’on n’a présentes à l’esprit ces théories, impossible de comprendre un mot aux questions posées par les juges.

  218. [218]

    Cf. article XXXIV : Je le sais bien et reconnais les saintes à leur voix.

  219. [219]

    Cf. article XXXIV : Il est bon à savoir !

  220. [220]

    Il serait de peu de profit de rapprocher ces paroles de Jeanne d’autres textes qui déclarent le français la langue angélique ou la plus délectable. Toutefois on peut signaler qu’un Anglais des premières années du XVe siècle, désirant enseigner à ses compatriotes le droit langage de Paris, l’a qualifié ainsi : laquelle language en Angleterre on appelle doulce France (Donat françois, de John Barton).

  221. [221]

    Les anneaux furent très souvent dans l’antiquité des amulettes superstitieuses. Ceux que nous possédons encore du XVe siècle, sans doute parce qu’ils étaient riches, nous présentent surtout des devises amoureuses (cf. Dr Boucher, Sur un anneau du XVe siècle dit anneau de Jeanne d’Arc, Rouen, 1910, in-8).

    La croyance à la divination par les anneaux se rencontre encore chez de bons esprits au XVIe siècle.

  222. [222]

    La mandragore, plante du même genre que la belladone, caractérisée par une énorme souche souterraine à racine pivotante ayant la forme d’un corps humain. Elle répand une violente odeur à laquelle fait allusion le Cantique des Cantiques (VII, 14). Sa vertu magique est bien ancienne, et on la tenait pour propre à se faire aimer : les fruits de la mandragore sont appelés pommes d’amour. Lia céda à la stérile Rachel des mandragores (Genèse, XXX, 14-16). Les mandragores avaient donc des vertus analogues à l’herbe martagon souveraine pour être en la grâce des dames, suivant un texte du procès du duc d’Alençon (Bibl. nat., fr. 18441, fol. 92).

    Au temps de Jeanne, frère Richard fit brûler de ces mandragores que de sottes gens conservaient précieusement dans de beaux draps de soie et de lin afin de n’être jamais pauvres. On les nommait aussi, par corruption, Mains de gloire, et on brûlait avec elles des sorciers qui en usaient, à Dijon par exemple, à la fin du XVe siècle.

    Dans les inventaires des princes, des rois, il est souvent question d’étuis et de coffrets pour les conserver (cf. Marcel Hébert, Jeanne d’Arc a-t-elle abjuré ?, in-8, 1914, p. 76, et Paul Ladame, Les Mandragores, ou Diables familiers à Genève au XVIe et au XVIIe siècle, extrait des Mém. de la Soc. d’Histoire et d’archéologie, t. XXIIl).

  223. [223]

    Forteresse du Ponthieu (Somme, arr. d’Abbeville) où Jeanne fut menée à la fin du mois de novembre 1430 (cf. A. de Florival, Jeanne d’Arc dans le Ponthieu (1430), Abbeville, 1904, in-8 ; l’abbé E. Outrequin, Jeanne d’Arc au Crotoy, Amiens, 1909, in-16).

  224. [224]

    Voir note 191.

  225. [225]

    Les ornements royaux, déposés au Trésor de Saint-Denis après le sacre, étaient alors aux mains des Anglais.

  226. [226]

    Quand on a parcouru les registres des municipalités de ce temps, on sait que c’était là une constante préoccupation des villes.

  227. [227]

    Nicolas Lami, Amici, cursor en théologie en 1422, bachelier en 1423, licencié à Paris en 1428, recteur en 1426 et 1429. En vertu de lettres de régale de Henri, roi d’Angleterre, il prend possession du canonicat de Jean Chuffard à Beauvais, au temps de Cauchon (Reg. de délib. du chapitre, 23 février 1427, n. st.).

    Il n’assista que ce jour-là au procès et partit de suite pour le concile de Bâle où il arriva entre le 9 et le 13 avril 1431 (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 26 ; Chart. Univ. Paris., IV, p, 405, 419, 523). Nicolas Lami joua un rôle important au concile. Le 18 octobre 1431, il écrivait au chancelier Rolin pour qu’il intervînt auprès des capitaines bourguignons qui opéraient entre Belfort et Altkirch, menaçant la sécurité aux environs de Bâle. Le 18 mars 1432, à Paris, devant le Parlement, il faisait un récit des événements du concile et protestait, avec la dernière violence, contre sa dissolution à la très grant honte et infamie du pape. On retrouve Nicolas Lami, chargé de missions par les Pères, à Cologne, en France, en Angleterre. Le 10 mars 1436, le concile décide de lui conférer un canonicat à Tournai. Le 10 novembre 1439, Nicolas Lami est mandé à Bourges par Charles VII, lors de la consultation du clergé de France ; on le retrouve, en 1447, à la conférence de Lyon qui devait définir la question de l’abdication de Félix V (N. Valois, Le Pape et le Concile, t. I, p. 115, 131, 140, 200, 369 ; t. II, p. 225, 333).

    On sait que Nicolas Lami rencontra à Bâle le célèbre docteur alsacien, Jean Nider, prieur des Dominicains, et auteur du Formicarium qu’il avait composé pour diriger les religieux de son ordre dans la recherche de l’hérésie. Ce très zélé découvreur de sorcières, suivant le mot de Trithème, tint de Lami son information sur Jeanne d’Arc et sur les deux femmes se disant envoyées de Dieu qui furent condamnées à Paris.

    Au rapport de Nicolas Lami, Jeanne avait avoué avoir eu familiarité avec un ange de Dieu qui, au sentiment d’un grand nombre de personnes très lettrées, n’était qu’un esprit malin, ainsi qu’il résulte de beaucoup de preuves et de conjectures.

  228. [228]

    Guillaume Evrard (Evrandi, Eurardi, Eurart, Euerard), il ne faut donc pas l’appeler Érart) reçu le premier à la licence en théologie le 31 décembre 1429, ne parvint à la maîtrise que le 18 mars 1437. Du 24 mars au 25 juin 1450, il fut recteur de l’Université. On voit qu’il était maistre du neveu de monseigneur, l’archevêque de Rouen. Le chapitre lui fit donner 10 l., quant il partit des grammairiens de Navarre (Arch. de la Seine-Inférieure. G. 30, compte de 1428-1429). Guillaume Evrard est dit maître des artiens et il accompagna à Rouen le neveu et les livres de Mgr (Ibid.). En 1434, on le trouve curé de l’église de Saint-Pierre-des-Arcis en la Cité et, en 1441, il tendait à obtenir la cure de Saint-Gervais de Paris. Depuis 1440 Guillaume Evrard était principal du Collège de Navarre, la vieille maison lettrée qui avait été pillée par les Bourguignons en 1418 et qui inspirera la grande réforme universitaire. Reçu chanoine de Notre-Dame, le 12 avril 1458, où il obtint de continuer son enseignement en vertu du décret de Bâle et de la Pragmatique (Arch. nat., LL. 241), Guillaume Evrard mourut le 6 novembre 1470 (Denifle et Châtelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 26).

    Gérard Machet, le confesseur de Charles VII et l’examinateur de Jeanne à Poitiers, le présente dans sa correspondance comme un homme d’une très illustre vertu et d’une sagesse quasi céleste. Il lui déclare tout le plaisir qu’il aura de le recevoir à Castres et se défend d’avoir écouté des calomnies à son endroit (Bibl. nat., ms. lat. 8577, fol. 34, 41 v°, 50 v°, 53).

    Son rôle dans le procès se borne à avoir assisté à la séance du 3 mars, où il ne prit pas la parole. Guillaume Evrard partit aussitôt, avec d’autres universitaires, pour le concile de Bâle où il arriva entre le 9 et le 21 avril 1431 (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 26 ; Chart. Univ. Paris., IV, passim). Dans l’affaire du schisme, G. Evrard joua un rôle assez considérable ; il fut une façon d’agent de liaison entre les Pères, l’Université, le Parlement. Le 21 février 1438, Guillaume Evrard requérait du Parlement l’enregistrement des décrets de la 31e session. Au mois de décembre 1440, ce maître solennel rendait compte à Louis Aleman de la mission de Sabrevois, déclarant que chaque jour éclataient la vérité et la justice du concile. Il offrait de se rendre auprès du roi pour l’éclairer à ce sujet. En 1446, Guillaume Evrard argumentera pour le parti du pape Eugène IV et l’union (N. Valois, Le Pape et le Concile, t. II, p. 122, 238-240, 302). Ce personnage n’a donc rien à voir avec le violent Guillaume Érart, dont on parlera ailleurs. M. Georges Recouna, ancien élève de l’École des chartes, prépare des notices sur ces deux religieux.

  229. [229]

    Gilles Canivet, Ægidius Caniveli, ou Quenivet, de la nation Picarde. Licencié en médecine le 20 mars 1422, il prit part à l’enseignement de la Faculté dès le 9 novembre 1423 (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 26 ; Chart. Univ. Paris., IV, p. 403, 421, 437, 446, 461, 486, 500, 549, 574). Le 20 mai 1437, il est dit maître ès arts et en médecine : par faveur apostolique Gilles Canivet fut reçu par procuration comme chanoine de Notre-Dame de Paris à la place de Jean Hubert (Arch. nat., LL. 241).

    En 1439, un Eustache Quenivet est dit lieutenant du bailli de Caen (Bibl. nat., fr. 26066, p. 3833).

  230. [230]

    Roland L’Escrivain, Scriptoris, reçu licencié en médecine en mars 1424, figure parmi les maîtres régents de cette Faculté à partir du mois de décembre de la même année ; il est doyen, de novembre 1427 à novembre 1430 (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 26). On le trouve mentionné, pour la dernière fois, comme maître régent au mois de novembre 1443 (Denifle et Chatelain, Chart. Univ. Paris., t. IV, p. 635).

  231. [231]

    Guillaume de La Chambre, le jeune, de Camera, né vers 1403, licencié en médecine le 6 mars 1430, qui prit part ensuite à l’enseignement de la Faculté (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 43). On voit qu’il était toujours régent au mois de novembre 1452 (Denifle et Chatelain, Chart. Univ. Paris., t. IV, p. 738).

    Fils de Guillaume, physicien de la reine, il vendit en 1430 à la Nation de Normandie une maison qu’il possédait rue Galande, en commun avec son frère Jean, écuyer (Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 43).

    Juge assidu du procès, Guillaume de La Chambre visita Jeanne comme médecin et il assista à son supplice. Il assura, lors de la réhabilitation, que sa sentence lui fut arrachée par l’évêque de Beauvais. Son témoignage, entièrement favorable à la Pucelle, est celui d’un esprit clairvoyant et très précis.

  232. [232]

    Faire bonne chère à quelqu’un c’est lui faire bon visage.

  233. [233]

    Marie d’Anjou, née le 18 octobre 1404, qui épousa le roi Charles VII en 1413. C’était une personne pieuse, crédule même, bonne et sans beauté.

  234. [234]

    Le château de Beaurevoir, où Jeanne demeura prisonnière du mois d’août au mois de novembre 1430 n’existe plus (cf. Gomart, Jeanne d’Arc au château de Beaurevoir, Cambrai, 1865, in-8 ; Ch. Poette, Beaurevoir, son ancien château fort, Saint-Quentin, 1894, in-8).

  235. [235]

    La demoiselle de Luxembourg, Jeanne, sœur du comte Waleran, moult ancienne dit Monstrelet en 1430 (IV, p. 401), et qui était alors à Beaurevoir ou gouvernement de messire Jehan de Luxembourg, son nepveu. Elle venait d’hériter des seigneuries de son frère, comme la plus proche héritière de Philippe de Brabant, et prit dès lors le nom de comtesse de Ligny et de Saint-Pol. Et pour tant qu’elle amoit moult cordialement son dit neveu, elle lui légua la plupart de ses seigneuries, au grand mécontentement du seigneur d’Enghien, son frère aîné. Cette vieille demoiselle était la sœur de l’illustre saint, Pierre de Luxembourg, et la marraine du roi Charles VII. Elle mourut à Boulogne-sur-Mer, le 13 octobre 1430.

  236. [236]

    Jeanne de Béthune, vicomtesse de Meaux, mariée à Jean de Luxembourg, de tendance française à ce que l’on croit.

  237. [237]

    Jeanne d’Arc demeura à Arras depuis octobre 1430. On sait peu de chose sur ce séjour. C’est dans cette ville, à son entrée ou lors de sa sortie, que Jeanne aperçut entre les mains d’un Écossais l’image où elle était représentée devant le roi et sous les armes, un genou à terre. La ville de Tournai lui fit porter 20 à 25 écus d’or. Le gouverneur d’Arras, David de Brimeu, correspondit à son sujet avec Jean de Luxembourg et Philippe le Bon, alors à Malines (Pierre Champion, Notes sur Jeanne d’Arc, I, dans le Moyen Âge, t. XI, 1907 ; H. Debout, Jeanne d’Arc prisonnière à Arras, 1894 ; Jeanne d’Arc et les villes d’Arras et de Tournai, 1906).

  238. [238]

    Au chapitre 125 de son Arbre des Batailles, Honoré Bonet traite des bannières et des panonceaux ; il résulte de ce texte que la plus grande liberté régnait sur le mode de les prendre, comme le dit précisément Jeanne : Veoir nous fault une autre chose des armes, des banières et des penonchaulx que les gens d’armes et aultres gentilz hommes ont coustume de porter et de paindre en draps et en pareraens es sales et es parois, et la ou leur vient à plaisir, se chacun les peult paindre et porter à son vouloir. Car il y en a aucunes qui sont faictes et ordonnées pour Testât de dignités, si comme est le signal de l’église, lequel est député pour la dignité impériale, la fleur de lis pour Thostel de France, le lièpart pour Engletere… après nous avons armes selon les offices, si comme nous dirions des capituliers de Thoulouse, lesquels durans leurs offices portent les armes de la ville… Et sy avons une aultre manière de ces armes, lesquelles chascun a pris à son plaisir…

  239. [239]

    Lance réelle, et non pas la lance entendue comme unité militaire. Voyez plus bas.

  240. [240]

    Le 11 juin 1429.

  241. [241]

    Une sorte d’auréole ?

  242. [242]

    Frère Richard, Mineur, qui prêcha à Paris devant une grande assemblée de peuple que l’Antéchrist était né et que le jour du jugement dernier se lèverait en 1430. Sa dernière prédication date du 26 avril 1429. Peu après frère Richard dut fuir cette ville, menacé de poursuites par la Faculté de Théologie à cause de ses erreurs.

    On le rencontre à Troyes, où il alla au devant de Jeanne, au mois de juillet. Et là ce frère Mineur prêcha que Jeanne connaissait les secrets de Dieu, aussi bien que n’importe quel saint du Paradis, et qu’elle avait pouvoir d’introduire dans chaque cité toute une armée. Suivant Monstrelet, frère Richard aurait été obligé de s’enfuir encore, comme tenant le parti durci Charles VII. On le voit à Poitiers, au mois de mars 1451, prisonnier au couvent des frères Mineurs de cette ville : les vicaires généraux de l’évêque et l’inquisiteur, auxquels la Cour de Parlement s’était jointe, lui interdisaient encore de prêcher (Denifle et Chatelain, Chart. Univ. Paris., IV, p. 481).

    Frère Richard était en somme un personnage d’orthodoxie fort suspecte, un illuminé, dont la mauvaise réputation, auprès des universitaires et du clergé, retomba certainement sur Jeanne, par la suite.

  243. [243]

    Au mois de juillet 1429.

  244. [244]

    On sait qu’aucun portrait contemporain de Jeanne d’Arc ne subsiste aujourd’hui. Le croquis dessiné sur le registre du greffier du Parlement de Paris, Fauquemberge, à la date du 10 mai 1429 (Arch. nat., Xia, 1481), est, plus que toute autre chose, une remarque marginale (Cf. A. Lecoy de La Marche, Les Manuscrits et la miniature, p. 193 ; H. Wallon, Jeanne d’Arc, p. 94 ; A. Marty, L’histoire de Jeanne d’Arc d’après les documents originaux, n° 6). Mais de telles images ont existé : outre celle que Jeanne vit à Arras, un de ses portraits fut montré en Allemagne (extrait d’un compte de Ratisbonne de 1429, cité par Quicherat, t. V, p. 270). Il y a lieu toutefois de remarquer qu’il résulte des déclarations de Jeanne qu’aucun portrait ne fut fait de son consentement et d’après elle. Une des représentations les plus anciennes de Jeanne d’Arc est donnée par la miniature où elle est représentée à côté d’Olopherne dans le Champion des Dames de Martin Le Franc, manuscrit daté de 1440 et exécuté à Arras (Bibl. nat. ms. fr. 12476). Ch. Samaran a prouvé que l’effigie du Musée de Versailles n’était qu’un ex-voto d’origine provençale ou catalane. (Sur tout ceci voir Anatole France, Vie de Jeanne d’Arc, t. II, appendice IV ; A. Marty, op. cit., nos 20, 42 et 55.)

  245. [245]

    Jacques Boucher, trésorier puis receveur des finances du duc Charles d’Orléans, et serviteur très dévoué de ce prince. Sa maison était située à la Porte Renard (P. Mantellier, Histoire du siège d’Orléans, 1867, p. 88).

    Le 10 février 1416 Jacques Boucher est dit clerc des garnisons du duc et il était ordonnancé de 14 l. pour être allé de la part des gens du conseil d’Orléans à Calais où le duc se trouvait au mois de novembre 1415 (Bibl. nat., P. orig. 430, Boucher, 10). Entre février et septembre 1421, il remplaça comme trésorier Pierre Renier (Arch. nat., K. 64, n° 3718). Le 18 décembre 1422, il obtient un sauf-conduit pour aller traiter de la rançon du comte d’Angoulême (Rymer, IV, 4e part., p. 84). Au mois de juin 1439, à Calais, Jacques Boucher délivrait au duc Charles 40 écus d’or pour faire son plaisir (Arch. nat., K. 64). Le 3 janvier 1444, il était mort et remplacé par Jean Chardon, secrétaire du duc (Bibl. nat., P. orig., 678, Chardon 12). Jacques Boucher a sans doute pu voir Charles d’Orléans durant sa captivité.

  246. [246]

    Sur les messes et oraisons dites pour Jeanne d’Arc, cf. Quicherat, t. V, p. 104, 165 ; E. Maignien, Oraisons latines pour la délivrance de Jeanne d’Arc, Grenoble, 1867, in-8 ; H. Wallon, Jeanne d’Arc, p. 146.

  247. [247]

    C’est-à-dire, je m’en remets à leur cœur, à leur pensée. Je n’ai pas cru devoir changer ces termes qui sont ceux de Jeanne.

  248. [248]

    C’est-à-dire trompés.

  249. [249]

    La rédaction définitive modifie la minute.

  250. [250]

    Le 11 juillet 1429. — Sur le séjour à Troyes, cf. E. Socard, Reddition de la ville de Troyes à Charles VII, Troyes, 1854 ; A. Assier, Une Cité champenoise au XVe siècle, Paris, 1875 ; C.-R. Perrin, Jeanne d’Arc à Troyes, Paris, 1894.

  251. [251]

    Du 16 au 21 juillet 1429. Cf. H. Jadart, Jeanne d’Arc à Reims, 1887.

  252. [252]

    On demeure dans l’incertitude sur le sens de ce passage.

  253. [253]

    Jeanne y passa le 7 août 1429.

  254. [254]

    Comprenez : Ceux du parti des Anglais l’ont inventé.

  255. [255]

    Dès le XIIIe siècle, les gants faisaient, comme aujourd’hui, partie du costume des personnes des deux sexes qui prétendaient être mises convenablement. Ils étaient de rigueur dans certaines cérémonies officielles séculières et religieuses (Viollet-le-Duc, op. cit., t. III, p. 397-399).

  256. [256]

    Il est très souvent question dans les comptes royaux de ces distributions de gants, à l’occasion de fêtes, de promotions de chevaliers, etc. De même dans les archives capitulaires, à l’occasion d’entrées d’évêques, d’élections, etc. (Godefroy, Dictionnaire de l’ancienne langue française, 1888), t. V, p. 6 ; cf. Du Cange, Glossarium, t. IV, p. 96, v° liberata).

  257. [257]

    L’évêque de Senlis était, depuis 1423, Jean Fouquerel, qui tenait le parti des Anglais. Il était allé à Paris porter une grosse somme d’argent à l’approche de l’armée royale (E. Dupuis, Jean Fouquerel évêque de Senlis, dans les Mém. du Com. archéologique de Senlis, 1875).

    Prêtre de Beauvais, Jean Fouquerel avait étudié la théologie à Paris, depuis l’année 1394. Licencié en 1409, le 5 février 1414 il succéda à Regnault de Chartres, doyen de Beauvais, nommé archevêque de Reims, dans la maîtrise du collège des Cholets (Extraits des registres du chapitre de Beauvais par M. Le Mareschal de Fricourt).

  258. [258]

    Salut d’or, monnaie frappée pendant que Henri VI était maître d’une partie de la France (1422-1453). Les saluts d’or tiraient leur nom de ce que la Salutation angélique y était représentée ; on y voyait la Vierge recevant d’un ange une bandelette sur laquelle était écrit Ave (Chéruel, op. cit., 2e partie, p. 1152). Le salut d’or équivalait en 1430 à 1 livre tournois, 8 sols (D’Avenel, op. cit., t. I, p. 482 ; H. Wallon, Jeanne d’Arc, p. 190).

  259. [259]

    La minute en français dit qu’elle alla visiter à Lagny.

  260. [260]

    260. Jeanne passa à Lagny au mois d’avril et au mois de mai de 1450 (cf. l’abbé Denis, Le séjour de Jeanne d’Arc à Lagny. Lagny, 1896, in-8° ; J. A. Lepaire, Jeanne d’Arc, Lagny, 1880 ; Petite histoire populaire de Lagny, 1906, p. 106).

  261. [261]

    Devant l’autel de Notre-Dame-de-Lagny en l’église Saint-Pierre.

  262. [262]

    La rédaction définitive a modifié la minute.

  263. [263]

    Catherine de La Rochelle, femme de dévotion comme la nomme une quittance de la ville de Tours. Le 4 juillet 1431, on sait qu’à la procession de saint Martin, Jean Graverent, l’inquisiteur, prononça à Paris un discours violent contre Jeanne. Il rappela aussi que frère Richard avait eu en son gouvernement quatre femmes, dont trois avaient déjà été prises, savoir la Pucelle, Pierrone la bretonne et sa compagne, et Catherine de La Rochelle laquelle dit que quant on sacre le precieulx corps de Nostre Seigneur, qu’elle veoit merveilles du hault secret de Nostre Seigneur Dieu (Journal d’un bourgeois de Paris, éd. Tuetey, p. 271). On trouve que, le 10 septembre 1430, la ville de Tours fit payer 10 l. t. à l’augustin Jean Bourget qui avait été à Sens, au mois d’août, vers le roi et le conseil, porter des lettres pour se défendre contre des calomnies que cette Catherine avait répandues au sujet de la ville et de ses habitants : lesquelles paroles estoient que, en ceste ditte ville, avoient charpentiers qui charpentoient non pas pour logeys ; et, qui ne s’en donroit garde, laditte ville estoit en voie de prandre briefvement ung mauvais bout ; et que en icelle ville avoient gens qui le savoient bien (Vallet de Viriville, Procès de condamnation de Jeanne d’Arc, p. LXI et suiv. ; Quicherat, Procès, I, p. 473 n.).

    On verra (article LVI d’accusation) que cette Catherine comparut à Paris devant l’official et qu’elle déclara que Jeanne sortirait de la prison par l’aide du Diable, s’il n’était bien gardée (entre décembre 1450 et mai 1431).

  264. [264]

    Montfaucon-en-Berry a pris le nom de Villequiers depuis 1666 (L. Jeny et P. Lanéry d’Arc, Jeanne d’Arc en Berry, Paris, 1892, p. 73).

  265. [265]

    La Charité-sur-Loire qui fut vainement assiégée par Jeanne au mois de novembre 1429. La ville fut défendue par un aventureux capitaine bourguignon, Perrinet Gressart. Mais l’insuccès de la Pucelle fut attribué par Jean Jouffroy, évêque d’Arras, à la constance de Philippe le Bon : Or, Philippe que ne sauraient effrayer les fantômes, Philippe, le premier, a arrêté les progrès de la Pucelle à la Charité-sur-Loire par la garnison mise dans cette place ; le premier, il l’a repoussée de Paris et seul il l’a prise (Discours prononcé en 1459 au congrès de Mantoue devant Pie II).

  266. [266]

    Après le siège de Saint-Pierre-le-Moutier (novembre 1429).

  267. [267]

    Voir note 234.

  268. [268]

    C’est-à-dire bonne figure, bonne contenance.

  269. [269]

    Ceci est seulement dans la minute.

  270. [270]

    Les gens de Compiègne que Jeanne portait dans son cœur, et pour leur fidélité et parce qu’ils étaient alors rigoureusement assiégés. La place fut délivrée le 15 octobre 1430. Cf. Pierre Champion, Guillaume de Flavy, p. 54.

  271. [271]

    J’ai suivi la minute française qui a plus de sens. On ne voit pas bien les Bourguignons disant à Jeanne qu’elle avait sauté de la tour ; ils durent lui faire observer qu’elle avait manqué à ses engagements en se sauvant.

  272. [272]

    Guichard Bournel, dit aussi de Thiembronne, écuyer de Picardie que l’on rencontre sous les murs de Paris lors du malheureux assaut de Jeanne, mais qui, au mois de mai 1430, refusa l’entrée de la ville de Soissons aux troupes de la Pucelle, puis la livra laidement au roi d’Angleterre pour 4000 saluts d’or, avancés par Philippe le Bon, au mois de juillet. Après la paix d’Arras, Guichard Bournel fut employé contre les Anglais, envoyé à Ardres par le duc de Bourgogne pour défendre cette ville. Il était encore capitaine de cette place en 1446 et il est dit, en 1463, bailli souverain du comté de Guines (Pierre Champion, Guillaume de Flavy, p. 168 ; Félix Brun, Jeanne d’Arc et le capitaine de Soissons en 1430, Soissons, 1904 ; Nouvelles recherches sur le fait de Soissons, Meulan, 1907).

  273. [273]

    Cette forme, solennelle et publique, est plutôt exceptionnelle dans les procès d’hérésie (cf. Nicolas Eymerich, Directorium inquisitorum).

  274. [274]

    Le château que Philippe Auguste fit construire en 1205 sur la colline de Bouvreuil, lorsque, vainqueur de Jean sans Terre, il remit la Normandie sous la domination des rois de France (cf. F. Bouquet, Jeanne d’Arc au château de Rouen, 1866 ; Le Livre enchaîné ou Livre des Fontaines par Jacques Le Lieur, éd. V. Sanson, Rouen, 1911, planche II).

    La chapelle, contemporaine de la construction du château, se trouvait à peu près au milieu de la cour, en face de la porte d’entrée de la grosse tour, vis-à-vis le Bailliage.

  275. [275]

    Jean Secard (et non pas Fécard), Secardi, avocat, licencié en décret avant 1416.

    Curé de Saint-Vivien dès 1411, alors qu’il n’était encore que sous-diacre et écolier à Paris, on voit qu’il s’était employé dans la composition de la ville de Rouen payée à Henri V. En 1421, il est mentionné comme maître ès arts à Paris et chanoine à Rouen, nomination obtenue seulement en cour de Rome ; aussi le chapitre lui interdit de porter l’habit de l’Église (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 27). On trouve qu’en 1421, Jean Secard figure à côté de Robert Le Barbier, parmi les membres du clergé normand réunis dans la chapelle archiépiscopale de Rouen qui déclarèrent privés de leurs bénéfices, pour absence, leurs confrères résidant dans les terres soumises à l’obéissance du dauphin (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 1202). C’était donc un personnage tout dévoué aux Anglais. Il permuta, vers 1429, la cure de Saint-Vivien pour celle de Valliquierville qu’il posséda jusqu’à sa mort, en novembre 1449 (Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 8).

  276. [276]

    Le 22 mai, Jeanne apprit, à Crépy-en-Valois, que le siège allait être mis devant Compiègne. Elle partit à minuit et entra dans Compiègne par la porte de Pierrefonds, entre quatre et cinq heures du matin, le 23 mai 1430 (Perceval de Cagny, p. 174).

  277. [277]

    Sur ces événements, voir A. Sorel, La prise de Jeanne d’Arc devant Compiègne et l’histoire des sièges de la même ville sous Charles VI et Charles VII, Paris, 1889 ; Pierre Champion, Guillaume de Flavy, capitaine de Compiègne, Fans, 1906.

  278. [278]

    Heure tenue secrète. Voir note 276.

  279. [279]

    On sait en effet que Jeanne fut prise le 23 mai sur les six heures du soir, et non le 24, comme on le dit quelquefois.

  280. [280]

    Le pont de Compiègne, construit en pierre, datait du XIIIe siècle ; sa tête était de bois. Il était en aval de celui qui existe de nos jours. Voir le plan de Compiègne gravé par Aveline ; un autre document, dans H. Wallon, Jeanne d’Arc, p. 211 ; G. Hanotaux, Jeanne d’Arc, p. 229 ; Bonnault d’Houet, Compiègne pendant la Ligue, p. 54.

  281. [281]

    Le boulevard était cette fortification avec pont-levis, qui défendait la tête du pont sur l’Oise.

  282. [282]

    Les gens de Monseigneur de Luxembourg, c’est-à-dire les hommes de Baudot de Noyelles qui se trouvaient sur la falaise de Margny.

  283. [283]

    Le gros des Bourguignons campa à Clairoix.

  284. [284]

    Les Anglais se tenaient à Venette.

  285. [285]

    Ceci a été abrégé dans la rédaction définitive.

  286. [286]

    Voir plus loin. — La lettre d’anoblissement, du mois de décembre 1429, a été publiée pour la première fois par J. Hordal (Puellæ historia, 1612, p. 21) d’après un diplôme de la Chambre des Comptes, et par Quicherat, t. V, p. 150-153, d’après un vidimus de Henri II ; elle est cependant accordée à Jeanne et à sa famille, et leur concède tous les privilèges de la noblesse. On voit que les frères anoblis de Jeanne prirent le nom de du Lys.

  287. [287]

    Ce mot est seulement dans la minute française.

  288. [288]

    Coursier (emissarius), l’étalon, le cheval de bataille.

  289. [289]

    La haquenée (gradarius), ou palefroi, ou cheval ambiant, était le cheval de service ou de fatigue de ce temps.

  290. [290]

    Fin de phrase empruntée à la minute française.

  291. [291]

    Le cheval de trot était peu apprécié, comme aujourd’hui en Orient.

  292. [292]

    Voir note 198.

  293. [293]

    Il y a divergence entre les deux rédactions. La minute française dit interrogée quel est le signe qui vint à son roi….

  294. [294]

    Voir note 191.

  295. [295]

    Regnault de Chartres, archevêque de Reims, prélat et diplomate. Fils d’Hector de Chartres, seigneur d’Ons-en-Bray, grand maître des eaux et forêts en Normandie et Picardie (Bibl. nat., P. orig. 693 ; Clair., Titres scellés, t. XXIX), massacré à Pans au cours des émeutes de 1418, lors de la rentrée des Bourguignons, tandis que Regnault était jeté en prison (Journal d’un Bourgeois de Paris, p. 109 ; Bulletin de Li Soc. de l’hist. de Paris, 1877). Trois frères de Regnault avaient déjà trouvé la mort au désastre d’Azincourt. Une immense fortune allait récompenser le dévouement de ces fidèles serviteurs en la personne du jeune prélat.

    La carrière ecclésiastique de Regnault fut en effet très rapide ; doyen de la cathédrale de Beauvais avant 1410, il était maître des grandes écoles des Cholets (Collection Bucquet) ; il est dit, le 17 septembre 1412, camérier du pape, référendaire et continuel commensal ; et il intriguait pour être élu évêque de Beauvais (Reg. du chapitre) : dès 1414 Jean XXIII le nommait archevêque de Reims, malgré la municipalité et le chapitre. Créature pontificale (Chart. Univ. Paris., IV, 275), il fut chargé à Constance d’expliquer la fuite du pape : il rejoignit en août 1414 l’empereur Sigismond afin qu’il déterminât la translation du concile (N. Valois, Histoire du grand Schisme, IV, p. 289, 299, 342) ; Jean XXIII l’adressait comme ambassadeur à Louis II d’Anjou ainsi qu’à Charles VI. Ces missions durent fort grandir notre Regnault en France puisqu’on le voit, dès 1414, s’entremettre dans les feintes réconciliations des maisons d’Orléans et de Bourgogne (Pierre de Fenin, p. 51). Qualifié de conseiller du roi en 1417 (Bibl. nat., Clair., Titres scellés, t. XXIX, p. 107), on le trouve en 1418 a la conférence de Montereau représentant le roi de France et le comte d’Armagnac (Monstrelet, VI, p. 247). En 1417, on le voit passer en Angleterre ; en 1418, en Languedoc, où il lève des troupes (Clair., Titres scellés, t. XXIX) ; en Savoie (Guichenon) : en 1420, il allait en Écosse chercher des secours (Raoulet ; Bibl. nat., fr. 20887) ; en 1422, en Espagne (Bibl. nat., lat. 6024, fol. 12) ; en 1425, on le retrouvait à Rome.

    Ce jeune homme passait alors pour un grand prud’homme, un bon diplomate, chargé des plus difficiles missions, comme un vieil ambassadeur : le 8 mai 1424, il était chancelier (Fr. Duchesne, Hist. des Chanceliers, 1680, p. 483). Les Anglais confisquaient son hôtel à Paris (Sauvai, III, p. 270) et Charles VII lui faisait remettre 4.000 écus d’or pour l’aider à marier une sienne nièce au sire de Vauvert (Bibl. nat., fr. 20887, 16 octobre 1425) : le roi lui vendait la seigneurie de Vierzon.

    Personne prudente, raisonnable à l’excès, ayant toute confiance dans sa diplomatie, Regnault pressent que la fin de la guerre anglaise est liée à l’alliance bourguignonne. Témoin de l’entrevue décisive du roi et de Jeanne, l’un de ses examinateurs, envoyé à Blois pour diriger les secours sur Orléans, Regnault écrit de Troyes aux habitants de Reims pour les disposer à recevoir le roi honorablement : il sacre Charles VII et recouvre sa métropole. Il semble, dès cet instant, que tout soit accompli, pour lui comme pour Jeanne. La singulière question qu’il pose à Jeanne sur le chemin de Crépy-en-Valois nous le montre déjà en défiance et, dès ce moment, on voit Regnault revenu à sa vieille et grande idée de paix par l’alliance bourguignonne (Bibl. nat., fr. 20887, 18 juin, 1425). La lettre extraordinaire qu’il adressa aux habitants de Reims, au lendemain de la prise de Jeanne, est peut-être d’un politique ; mais elle témoigne aussi de la plus grande sécheresse de cœur. Jeanne était devenue, du jour au lendemain, une gêneuse, contrariant le système de trêves qui arrêta net la marche de l’armée victorieuse et détermina l’échec devant Paris. Mais, dans aucun cas, on ne saurait voir là des manœuvres ténébreuses ; plus imprudent encore serait de regarder Guillaume de Flavy, le demi-frère de Regnault, comme un traître ayant abandonné la Pucelle devant sa ville assiégée. Regnault, après Reims, représenta toujours dans le conseil du roi le parti de la paix, contre Jeanne et ceux qui désiraient des aventures, comme le duc d’Alençon. Dans cette mesure, on peut dire que Regnault de Chartres perdit Jeanne. C’est dommage qu’il n’ait pas lu, comme nous pouvons le faire dans les papiers de Ghillebert de Lannoy, les mémoires bourguignons préconisant la continuation de l’alliance anglaise. Mais n’oublions pas non plus que la pensée de Regnault se réalisera cinq ans plus tard : ce sera l’heureuse paix d’Arras, pour laquelle il travailla beaucoup, et qui amena tout de même la fin de la guerre de Cent ans. Regnault de Chartres mourut chargé d’honneurs, l’an 1445, après la. Mi-Carême, à Tours, tandis que, pacifiste obstiné, il traitait de la paix entre la France et l’Angleterre (Fr. Duchesne, op. cit., p. 487).

    M. G. Hanotaux a publié un portrait fantaisiste de Regnault de Chartres. Cette figure se rencontre en effet sous une autre effigie, celle de Charimère, chancelier de France l’an 595 (cf. Chronologie Collée).

  296. [296]

    Charles de Bourbon, d’abord comte de Clermont (1401-1456), fils de Jean I, quatrième duc de Bourbon qui fut fait prisonnier à Azincourt et mourra captif en Angleterre en 1435. Après le meurtre de Montereau Charles combattit pour le parti armagnac et renvoya à Philippe le Bon sa petite fiancée Agnès. Le duc de Bourbon reçoit le gouvernement du Languedoc et de la Guyenne, puis celui du Dauphiné. Il est fait lieutenant général du roi dans le Bourbonnais, l’Auvergne et le Forez. Il attaque vivement La Trémoïlle, met la main sur le chancelier de France, Gouge de Charpaigne, puis se rapproche un instant du duc de Bourgogne à qui il. redemande sa fiancée. Beau, entreprenant, très aventurier mais fort versatile, Charles de Bourbon conduit à Charles Vil une armée au secours d’Orléans ; il est blessé et vaincu à la journée des Harengs. On le retrouve au siège de Troyes, à Reims où il remplit les fonctions de pair et fait des chevaliers. Présent à la journée de Montépilloy, il communie avec Jeanne devant Senlis, prend part à l’attaque de Paris et témoigne du mécontentement de la rapide retraite de Charles VII. Établi lieutenant général de l’Île de France, Charles de Bourbon montra très peu de caractère dans cet office. On sait que plus tard, jaloux de l’influence de son beau-frère Charles du Maine dans le gouvernement, il prit part à la Praguerie, se rapprocha des Bourguignons. Il mourut fatigué des plaisirs et de la guerre, et fort goutteux. Voir n. 141.

  297. [297]

    297. Georges, le sire de la Trémoïlle (i 382-1446). Élevé à la cour de Jean sans Peur, qu’il accompagna à Paris en 1413, il fut nommé, cette année-là, grand chambellan de Charles VI. Prisonnier à Azincourt, Georges ne recouvra sa liberté qu’au prix d’une forte rançon. Il épousa, en 1416, la très riche et vieille Jeanne de Boulogne, la veuve du duc de Berry, qui mourut vers 1423. Dès 1418, Georges avait rempli le rôle de médiateur entre Charles VI et les princes. Le 21 janvier 1420, Philippe de Bourgogne mandait aux gens des Comptes de lui accorder le comté de Boulogne à charge d’hommage. Envoyé en mission près du duc de Bourgogne, en décembre 1425, Georges fut arrêté à La Charité-sur-Loire par Perrinet Gressart, le capitaine que combattra vainement Jeanne d’Arc. Au mois de février 1427, Georges s’emparait d’Issoudun, où il enlevait Pierre de Giac, le favori et le ministre de Charles VII. Giac fut noyé, et sa femme, Catherine de l’Île-Bouchard, donna à l’audacieux Georges les joyaux et l’argent de Giac ; puis elle se donna elle-même à lui. Ainsi, au mois de juillet 1427, l’ancien chambellan de Jean sans Peur, le puissant baron dont la famille appartenait au parti bourguignon, arriva au pouvoir comme premier ministre. Georges avait d’ailleurs en main les grands seigneurs militaires de ce temps ; et ce gros homme savait, à propos, avancer de l’argent au roi Charles VII, toujours besogneux.

    Après la réduction de Baugency, de Jargeau et de Troyes, Georges de la Trémoïlle assista au sacre de Reims. On sait qu’après l’échec devant Paris, Jeanne passa quelque temps à Sully-sur-Loire, que ce séjour paraît avoir été une demi-captivité. On sait encore qu’en 1433 le connétable de Richement, qui a été, lui aussi, accusé d’avoir confisqué l’influence de Jeanne, surprit La Trémoïlle à Chinon. Georges, blessé d’un coup de dague au ventre, ne dut la vie qu’à son embonpoint. Confirmé dans ses pensions, mais toujours éloigné de la Cour, Georges se jeta dans la Praguerie, à la suite du dauphin Louis. Il mourut, le 6 mai 1446, à Sully (Les La Trémoïlle pendant cinq siècles, I, Nantes, 1890 ; P. Champion, Le Complot de Louis d’Amboise dans le Moyen âge, 1910, mai-juin).

  298. [298]

    Jean duc d’Alençon, qui eut son père tué à Azincourt en 1415. Dès qu’il put le faire, vers l’âge de 18 ans, Jean suivit le métier des armes, cherchant à recouvrer ses terres occupées par l’ennemi : il avait épousé, en 1423, Jeanne, fille de Charles d’Orléans et d’Isabelle de France. Lieutenant du dauphin Charles en Normandie, Jean livra, en 1424, la malheureuse bataille de Verneuil où périrent tant de seigneurs de France et d’Écosse (17 août 1424). Fait prisonnier par le duc de Bedford, détenu trois ans au Crotoy, Jean avait dû payer pour sa délivrance 200.000 saluts d’or. Il vendit aux Anglais tout ce qu’il possédait ; sa seigneurie de Fougères, au duc de Bretagne. Quand il sortit de prison, en 1424, Jean d’Alençon était l’homme le plus povre de France.

    Fidèle, n’ayant rien à perdre et tout à gagner, le duc d’Alençon se fit chef de compagnie de gens d’armes. On sait comment il conduisit partout le fait de la Pucelle, la confiante amitié que Jeanne avait pour son beau duc. Jean espérait bien la mener un jour conquérir son duché d’Alençon en Normandie. (Le 29 mars 1431, certificat de Guillaume Millez, dit le Tailleur, des réparations du château d’Alençon faites par le roi d’Angleterre : Bibl. nat., fr. 26054, n° 1526.) Vers 1440, Jean d’Alençon, qui avait eu jusque là la plus haute renommée de prouesse et de fidélité, change tout a coup. Il prend part à la révolte des princes, reçoit la Toison d’or, se fait révoquer de son office de lieutenant général, se croit persécuté par le comte du Maine, dit que le roi se moque de lui et qu’il ne le traite pas comme il le mérite. Jean prononce des paroles insensées, entre en relations avec les Anglais, leur promet Granville, se donne à la boisson, aux filles, à la magie. Il était devenu fou. Le 3 mai 1456 Jean déposait à Paris au procès de réhabilitation ; mais il fut arrêté le 31, par Dunois. Condamné à mort par les Pairs de France, en 1458, comme criminel de lèse-majesté, puis gracié et délivré à l’avènement de Louis XI, Jean, duc d’Alençon, fut de nouveau condamné à mort lors d’un second procès, en 1474, et cette fois encore, remis en liberté : il mourut en 1476.

  299. [299]

    Ce mot dans la minute française.

  300. [300]

    Thomas Fiesvet ou Fievé, dit de Penenche, clerc du diocèse de Cambrai, maître ès arts et bachelier en décret en 1403, docteur en décret en 1426, maître régent cette même année, recteur de l’Université le 24 mars 1427, official de Notre-Dame de Paris en 1429. Il n’assista qu’un seul jour au procès (12 mars) ayant été désigné, avec Guillaume Evrard et d’autres, pour représenter l’Université au concile de Bâle où il arriva entre le 9 et le 21 avril 1431. Thomas y demeurait encore en 1435 (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 26 ; Denifle et Chatelain, Chart. Univ. Paris., IV, p. 69, 451, 465, 744 ; Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 38).

  301. [301]

    Pasquier de Vaux, Pasquerius de Vallibus, originaire des environs d’Évreux, fut reçu à un canonicat à Notre-Dame par lettres du roi d’Angleterre, le 3 février 1426 (Arch. nat., LL. 241) ; il sera plus tard (7 décembre 1435) procureur du chapitre de Notre-Dame pour ses terres de Tourny près de Rouen (Ibid.). Licencié en décret en 1426, sous Guillaume de Conti, un autre des juges de la Pucelle, puis docteur en même temps que Thomas Fiesvet, puis maître régent de cette Faculté dès 1427, en 1433 Pasquier de Vaux ira à Caen protester contre la création de cette Université. Reçu en 1435 à un canonicat à Rouen, secrétaire et chapelain de Bedford, il fut chargé par Henri VI de se rendre à Rome afin d’obtenir la promotion de Louis de Luxembourg à l’archevêché. Pasquier le représenta, lors de sa réception à Rouen, cérémonie d’un caractère plus politique que religieux, où l’on trouve présents Pierre Cauchon, les abbés de Fécamp et du Mont Saint-Michel, autres juges de la Pucelle (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 2128). Le 23 septembre 1435, Pasquier de Vaux fut appelé à l’évêché de Meaux (comme vicaire général de L. de Luxembourg on le voit réformer l’Hôtel-Dieu de Rouen et enjoindre aux religieux d’avoir à s’abstenir de jouet de la cithare et d’user de dés. Arch. de la Seine-Inférieure, G. 1296) ; puis, en 1439, on retrouve Pasquier à l’évêché d’Évreux où il fut translaté par Eugène IV, les Français venant de s’emparer de Meaux. Quand les Français entrèrent à Évreux, il se fit donner l’évêché de Lisieux, vacant par la mort de Pierre Cauchon (1443). Il était en effet si déterminé partisan des Anglais qu’après la prise d’Évreux par Robert Floques, en 1441, il ne voulut pas reconnaître Charles VII pour seigneur et maître. Eugène IV, qui lui avait déjà rendu service, le fît passer à Lisieux, la métropole anglaise par excellence, avec Coutances. Mais Charles perdit alors patience et mit la main sur tous ses biens (Gallia Christiana, t, XI, col. 603, 794). À Lisieux, on voit Pasquier de Vaux prendre le titre de conseiller du roi anglais et de président de la Chambre de ses Comptes. Le 20 juillet 1445, le Parlement de Paris faisait mettre ses biens en vente. Le 26 juillet 1443, il assista au sacre de Raoul Roussel à Rouen. Pasquier de Vaux mourut le 11 juillet 1447, au moment même où Charles VII faisait son entrée dans la ville de Lisieux. Il fut enterré dans la cathédrale, prope aquilam chori (Gallia Christiania, t. XI, col. 794). (Cf. Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 92-93 ; Inventaire des archives départementales de la Seine-Inférieure, série G, t. I, p. 39 ; Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 27 ; Denifle et Chatelain, Chart. Univ. Paris., t. IV, passim.)

    Cet homme considérable et riche, très attaché au gouvernement anglais (il était vicaire général in spiritualibus et in temporalibus du cardinal Louis de Luxembourg dont il fut un des exécuteurs testamentaires, conseiller du roi Henri VI et président de la Chambre des comptes de Normandie en 1447) résidait habituellement à Rouen, dans un hôtel près de la Monnaie. Il joua un rôle considérable en Normandie pendant la domination anglaise. Auditeur assez assidu au procès de condamnation, Pasquier de Vaux se déclara surtout associé de pensée à la délibération de l’Université de Paris. Il fonda un obit à Notre-Dame de Rouen (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 3574).

  302. [302]

    Nicolas de Hubent, de Henbento ou Hubanto, secrétaire apostolique (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 27). Qualifié de scriptor et abreviator litterarum apostolicarum, il fut reçu par grâce de l’expectative apostolique à une prébende et à un canonicat vacant à Notre-Dame de Paris à la suite du décès de Jean Gerson, le 12 septembre 1429 (Arch. nat., LL. 241). Comme toutes les charges de Gerson furent distribuées à la curée à des anglo-bourguignons notoires, nous sommes fixés sur les sentiments de ce personnage. Le 3 juillet 1430, Nicolas de Hubent recevait en outre l’office de sous-chantre et la prébende de défunt R. Liejart (Ibid.).

  303. [303]

    Frère Ysambard de La Pierre, de Petra, dominicain. Personnage tout à fait inconnu.

  304. [304]

    On retrouve un personnage de ce nom tabellion de Rouen (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 1626). — On voit un Oger signer bien souvent, comme notaire de la chancellerie, des lettres de Henri VI. Cf. P. Le Cacheux, Actes de la Chancellerie de Henri VI, 1907, 2 vol. in-8.

  305. [305]

    Comme on l’a déjà fait remarquer, cette question a surtout un sens si l’on considère que saint Denis est le patron des rois de France, et que les Anglais l’ont mis dans leur parti en s’emparant de l’abbaye et de l’oriflamme, depuis 1419. (Cf. Siméon Luce, Jeanne d’Arc à Domrémy, p. XCII.) Entendez dans ce même esprit les questions relatives à Dieu, et s’il aime les Anglais. Cf. également note 188.

  306. [306]

    Ces sortes de procès, au sujet des promesses de mariage, se rencontrent assez fréquemment dans les registres des officialités de ce temps.

  307. [307]

    Ce mot dans la minute seulement.

  308. [308]

    Ceci dans la minute seulement.

  309. [309]

    Voir note 139.

  310. [310]

    Tout ceci est omis par la rédaction latine. Le traducteur a commis un bourdon.

  311. [311]

    Ceci ne se trouve que dans la minute française.

  312. [312]

    Sans doute la petite chapelle où Jeanne déclare qu’elle alla en quittant le roi. (Voir séance du 10 mars.)

  313. [313]

    Ceci ne se trouve que dans la minute française.

  314. [314]

    Sur ces événements cf. Journal d’un bourgeois de Paris, éd. A. Tuetey, p. 244-246, et relation du greffier du chapitre de Notre-Dame (Ibid., p. 244-245).

  315. [315]

    Au mois d’avril 1430, les Anglais venaient d’occuper la place (Chronique anonyme dite des Cordeliers, Bibl. nat., fr. 23018, fol. 497 v°). Cf. P. Champion, Guillaume de Flavy, p. 163.

  316. [316]

    Jeanne passa à Melun pendant la semaine de Pâques qui tomba le 16 avril en 1430 (voir séance du 10 mars).

  317. [317]

    Nicolas Taquel et mieux Nicole Taquet, greffier du procès, notaire de l’officialité de Rouen, curé de Bacqueville-le-Martel. En 1452, il est dit notaire en cour d’église et curé du Mesnil-Durescu (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 3520) ; en 1436, prévôt de la confrérie des notaires (Ibid., 0. 45 14) ; il signe une lettre de l’official en 1438 (Ibid., G. 7468). Il est dit doyen, à l’officialité de Rouen, en 1441, et faisait publier l’adjudication des réparations de Saint-Martin d’Oissel (Bibl. nat., fr. 26068, p. 4379) ; on le retrouve doyen de la Chrétienté en 1445 (Arch. de la Seine-Inférieure, G. 1910).

  318. [318]

    Mot qui se trouve seulement dans la minute en français.

  319. [319]

    C’est-à-dire jura, sacra. — Ce mot dans la minute seulement.

  320. [320]

    Omis dans la rédaction latine.

  321. [321]

    Cette réponse n’est pas à sa place dans la rédaction définitive. Cf. l’article d’accusation XLIV.

  322. [322]

    Jules Quicherat identifie Jean Manchon, qui ne figure que cette fois-là au procès, avec un chanoine de la collégiale de Mantes (Rymer, t. X, p. 41). Ce ne paraît pas être le même personnage que Jean Manchon, originaire du diocèse de Bayeux, licencié en théologie en 1397, maître régent à Paris en 1403, confesseur du roi en 1413, que l’on rencontre avec Pierre Cauchon, parmi les Universitaires qui travaillèrent à la réforme Cabochienne. Chanoine de Chartres, on le trouve cette année-là au concile de Paris parmi les maîtres qui délibèrent sur l’urgence qu’il y avait à extirper l’hérésie au royaume de France. En 1414, on négligea de lui demander son avis sur la condamnation de Jean Petit (il lui eût été favorable). En 1420, ce Jean Manchon est envoyé à Troyes, comme ambassadeur de l’Université, avec Pierre Cauchon et Jean Beaupère. L’Université le recommanda au pape, puis, au doyen et au chapitre de Bayeux pour en faire un évêque (Chart. Univ. Paris., t. IV, p. 27 et n., 76, 255, 273, 280, 377). Il semble qu’il y ait erreur dans la transcription.

  323. [323]

    Saint Jehan ! était également le juron de Charles VII (Chronique Martiniane, éd. P. Champion, p. 45).

  324. [324]

    Franquet d’Arras, capitaine de routiers, vaillant homme d’armes… tenant le parti du duc de Bourgogne, qui était allé courre sur les marches de ses ennemis, vers Laigni sur Marne, avec 300 combattants ; ils furent défaits par la Pucelle et ses gens, au mois de mai 1430, et passés à l’épée (cf. Monstrelet, Cagny, Chartier, Chastellain).

  325. [325]

    Le seigneur de l’Ours, c’est-à-dire le propriétaire de l’hôtellerie de ce nom, à la porte Baudoyer à Paris. Cette maison de l’Ours est encore signalée comme hôtellerie dans un document de 1465 (Arch. nat., KK. 1009, fol. 71). — M. Anatole France (Vie de Jeanne d’Arc, t. II, p. 142 et suiv.), le premier, a reconnu dans ce seigneur Maître Jacquet Guillaume, un homme du parti armagnac sur lequel nous renseignent des documents parisiens (A. Longnon, Paris pendant la domination anglaise, Paris, 1878, p. 118 et s., 307).

  326. [326]

    Château de Beaulieu en Vermandois près de Compiègne, place de Jean de Luxembourg où Jeanne séjourna entre mai et juillet 1430 au témoignage de Perceval de Cagny.

  327. [327]

    C’est-à-dire, une occasion fortuite de partir. — Cf. La Practicque et enchiridion des causes criminelles… par Josse de Damhoudere. Louvain, 1555 p. 31 : Quiconque est constitué prisonnier criminel, et il en sorte et rompt par force, trouvant l’huys ouvert, est à punir par bannissement, ou aultrement arbitrairement à la discrétion du juge ; mais s’il en sorte à violence et forcé, et que le delict pour lequel il estoit emprisonné est divulgé et notoire, ou qu’il en est convaincu par tesmoings, lors fait il a pugnir corporellement, ores que le delict, ou crime, ne fust au paravant capital, car l’infraction de prisons le rend coulpable. Tout emprisonné s’enfuyant de prisons, navrant ou tuant le cipier, vient à punir capitallement par l’espée…

  328. [328]

    La robe ou cotardie constituait le vêtement usuel. Sa jupe, très ample, comportait en général une traîne ou queue de longueur variable en rapport avec le rang social de la dame qui la portait. Quant au corsage de la robe, il était ajusté, avec des manches moyennement étroites et un décolletage assez hardi, qui, à l’époque de Charles VII, s’étendit même jusqu’à la ceinture, placée, il est vrai, toujours très haut (Camille Enlart, Manuel d’Archéologie française…, t. III : Le Costume, 1916, p. 109).

  329. [329]

    Houppelande, robe très étoffée à l’usage des deux sexes, pourvue de très amples manches, froncée à la taille, serrée par une ceinture et dont le bas traînait à terre. Les bourgeoises cherchaient à imiter les modes dispendieuses et gênantes des dames nobles, bien que des vêtements aussi longs fussent particulièrement gênants pour circuler librement par la ville. La houppelande se porta à partir de 1370 environ et fut abandonnée sous Charles VII, sauf dans les Flandres (Enlart, op. cit., p. 109, 573 ; Viollet-le-Duc, Dictionnaire du mobilier français, (1872), t. III, p. 472).

  330. [330]

    Le chaperon des femmes se distinguait de celui des hommes notamment en ce que l’encolure ou goulée, fendue de haut en bas et laissée ouverte, dégageait le devant du col que les femmes couvraient d’une touaille. La partie inférieure du chaperon flottait sur les épaules et la nuque en manière de bavolet ; enfin, outre la coiffe, le bavolet ou couvre-nuque et la goulée, le chaperon féminin se complétait par des oreillettes ou coquillons qui retombaient sur les côtés du visage. Cette coiffure, composée, ainsi qu’il vient d’être dit, de diverses pièces dont la terminologie fut toujours assez flottante, subit au cours des âges, notamment du XIVe au XVIe siècle, de nombreuses modifications de détail (Enlart, op. cit., p. 220).

  331. [331]

    Ces mots ont été omis dans la rédaction définitive.

  332. [332]

    Ce clerc était sans doute Nicolas Taquel.

  333. [333]

    Le procès, et non pas le livre de Poitiers, comme on le dit souvent. Il s’agissait, comme on le verra plus loin, d’un registre en français dont Guillaume Manchon est dit avoir donné lecture dans la séance du 24 mars.

  334. [334]

    La minute dit langage des anges. — Cf. article XXXIV : Interrogée comment elle reconnut que c’était langage des anges…

  335. [335]

    Le procès. Voir note 333.

  336. [336]

    C’est-à-dire au jour de sa condamnation.

  337. [337]

    Ceci est omis par la rédaction définitive.

  338. [338]

    S’en rapporte, suivant la rédaction définitive.

  339. [339]

    La chemise de femme était, au XVe siècle très longue, avec encolure ouverte et longues manches assez larges. La matière en était plus ou moins riche et luxueuse. (Enlart, op. cit., p. 107,) La chemise d’homme était au contraire très courte, descendant un peu plus bas que le ventre.

  340. [340]

    Couvre-chef, capitegium, terme générique et très compréhensif servant à désigner toute pièce de tissu enveloppant la chevelure et la coiffure. (Enlart, op. cit., p. 558.) Suivant V. Gay (Glossaire archéologique du Moyen Âge et de la Renaissance, t. I, p. 485), il faut entendre généralement par ce nom un voile de toile fine ou de gaze légère approprié aux exigences du costume féminin.

  341. [341]

    Voir plus haut note 339.

  342. [342]

    La minute met ceci au passé.

  343. [343]

    Déjà Henri V avait pu dire que la défaite d’Azincourt était la punition des voluptés, péchés et mauvais vices des Français (Le Fèvre de Saint Rémy, I, p. 260). C’était là l’opinion de tous les esprits religieux et moroses de ce temps. Dans la célèbre Complainte de France, un gentil prince français, Charles d’Orléans, a développé cette idée que le malheur du très chrétien royaume de France venait de grand orgueil, de gloutonnerie, de paresse, de convoitise et de luxure (Poésies, éd. J.-M. Guichard, p. 181).

  344. [344]

    Blanc harnoys, c’est-à-dire celui des écuyers qui ne portaient pas d’armoiries, par opposition au harnois doré des chevaliers.

  345. [345]

    Saint-Denys !, tel était en effet le cri de France, avec Montjoie. Mais il ne faut pas écrire que, pour Jeanne d’Arc, le cri de Saint-Denis s’identifia avec l’oriflamme. — Par l’oriflamme, c’est-à-dire le drapeau rouge à croix blanche, souvenir du labarum que Charlemagne reçut du pape Léon III, Jeanne n’a jamais entendu que le roi Charles VII (Mathieu Thomassin, Procès, éd. Quicherat, IV, 304).

  346. [346]

    Ce pouvait être la marque de l’armurier, sans plus. Maison sait aussi que les Arabes attachent des versets du Coran à leurs armes et les cinq croix pouvaient former une invocation tacite au bonheur. Le nombre 5 est significatif à cet égard et doit être rapproché de la Kamsa des vieux magiciens orientaux, traduite religieusement par la main de Fathma d’une façon courante.

  347. [347]

    Par le commandement de Dieu suivant la rédaction définitive.

  348. [348]

    La rédaction définitive a mis ici le présent.

  349. [349]

    Question dont il faut s’émerveiller quand on pense qu’elle est posée par des clercs habitués à rencontrer des invocations au Christ et à la croix sous les formes les plus diverses dans les actes rédigés alors.

  350. [350]

    Bien des personnes en usaient pieusement ainsi dans les formules de lettres.

  351. [351]

    Jean sans Peur, fils aîné de Philippe et de Marguerite de Flandre, époux de Marguerite de Bavière, assassiné à Montereau, le 10 septembre 1419, par les gens du dauphin. On sait que ce prince, ambitieux et implacable, hypocrite et mauvais Français, avait fait assassiner Louis d’Orléans en 1407.

  352. [352]

    Entre ces deux princes suivant la rédaction définitive.

  353. [353]

    Les inquisiteurs ne reconnaissaient pas d’autre supérieur que le pape. Les plus anciens textes semblent exclure tout appel en matière d’hérésie. Si l’appel était fondé, le juge corrigeait son erreur et ramenait le procès en arrière pour le régulariser ; ainsi il rendait nul l’appel. Quand l’inquisiteur voyait que l’appel n’était invoqué que pour traîner les choses en longueur, il délivrait à l’appelant des lettres dites apostoli refutatorii et déclarait poursuivre le procès. En somme l’appel ne suspendait le cours du procès que si l’inquisiteur le trouvait fondé ; dans ce cas il donnait à l’appelant des lettres nommées apostoli reverentiales, déclarait en référer à l’appel par révérence pour le Saint-Siège, devant qui il assignait l’appelant. Pratiquement l’appel n’interrompait presque jamais le procès et, comme les procédures en cour de Rome étaient longues, le procès était jugé, quant au fond, avant qu’il eût été statué sur l’appel (Jean Marx, L’Inquisition en Dauphiné, p. 143, qui résume les théories du Directorium de N. Eymerich).

  354. [354]

    Quelques guirlandes ou chapeaux dit la rédaction définitive.

  355. [355]

    C’est-à-dire à la suite des fées, et cheminant en leur compagnie.

  356. [356]

    Enguerrand de Champrond, de Campo Rotundo, official de Coutances. Il est dit, en 1426, licencié en l’un et autre droit, en litige avec Raoul Palouin, confesseur et médecin de la duchesse de Bedford, au sujet d’une certaine prébende ; cité comme défunt, le 3 mars 1435 (Denifle et Chatelain, Le Procès de Jeanne d’Arc, p. 27 ; Chart. Univ. Paris., IV, p. 138, 523 ; Ch. de Beaurepaire, Notes, p. 121).

  357. [357]

    Sobriquet donné aux gens qui avaient fait, en ce temps-là, le si fréquent pèlerinage de Rome, ou à leurs descendants.

  358. [358]

    Le secrétaire du roi Henri VI dont on voit si souvent la signature dans les documents anglais avait pour prénom John, Jehan. Un J. Milet est secrétaire de Bedford en 1425 (Stevenson, Letters and papers, vol. II, part I, p. 6, 27).

  359. [359]

    William Brolbster. Cité plus loin comme prêtre à la date du 27 mars.

  360. [360]

    Pierre Orient, du diocèse de Châlons. Ce personnage n’est pas mentionné dans les documents universitaires parisiens.

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2. Jean Le Maistre, Magistri, dominicain, bachelier en théologie...

3. Jean Graverent, dominicain, grand inquisiteur de France. Il est dit,...

4. Ceci a été nié, mais assez vainement. (Voyez l’Introduction.) — Parmi...

5. Pour qu’une procédure puisse être engagée, il faut qu’il y ait...

6. Martin Billorin, Martinus Billorini, dominicain, professeur en...

7. Philippe le Bon, fils de Jean sans Peur, le grand duc...

8. Jean de Luxembourg, seigneur de Beaurevoir, comte de Ligny, frère...

9. Le petit Henri VI, fils de Henri V et de Catherine de France, né à...

10. Il y a lieu de remarquer que Jean de Luxembourg réserva longtemps sa...

11. Voir ce qui a été dit dans l’Introduction sur le rôle du chapitre. —...

12. À rapprocher de la formule communicato multorum prelatorum et...

13. Martin V (Othon Colonna), élu en 1417, reconnu par le royaume presque...

14. On sait qu’après le siège de 1418 un local convenable avait été...

15. Gilles de Duremort, (Ægidius Duræmortis), bénédictin, le plus...

16. Nicolas Le Roux, Ruffi, bénédictin, d’une famille noble de...

17. Pierre Miget, ou Muguet, nommé aussi de Glenesiis, Migecii,...

18. Raoul Roussel, né à Saultchevreuil, près de Villedieu, licencié en...

19. Nicolas de Venderès, seigneur de Beausseré, né vers 1372. Licencié en...

20. Robert Le Barbier, Barberii, né vers 1388, maître ès arts,...

21. Nicolas Couppequesne, du diocèse de Rouen, cité comme maître ès arts...

22. Nicolas Loiseleur, Aucupis, né à Chartres en 1390, maître ès...

23. Jean d’Estivet, dit Benedicite, promoteur général du diocèse de...

24. Jean de La Fontaine, de Fonte, clerc du diocèse de Bayeux, dit...

25. Guillaume Colles, dit Boisguillaume, et mieux Boscguillaume, d’une...

26. Guillaume Manchon, greffier du procès, notaire de l’Officialité de...

27. Jean Massieu, prêtre, curé doyen, qui remplit les fonctions d’huissier...

28. C’est-à-dire syndic des curés d’une division du diocèse. Cf. note 27

29. Sur le rôle de l’Université de Paris, voir ce qui a été dit dans...

30. Il me semble que les historiens de Jeanne d’Arc ont passé rapidement...

31. Philippe le Bon était en effet issu de la maison de France. Son père,...

32. On remarque qu’aucune des expéditions authentiques ne donne la date de...

33. Voir la note 30

34. Le 14 juillet 1450. Cette date a été restituée par Quicherat suivant...

35. Vincent Le Fourbeur, de Meaux, clerc, bachelier en décret, notaire de...

36. Michel Hébert, maître ès arts, notaire de l’Université. On le trouve...

37. Le bâtard de Wandomme, que l’on rencontre dans l’armée de Jean de...

38. Honoré Bonet, cependant très informé des coutumes juridiques...

39. Le franc était une pièce d’or valant une livre de comptes,...

40. 200 ou 300 livres équivalent au traitement d’un bailli au temps de...

41. Un passage de Jean Jouvenel des Ursins (Épître aux États d’Orléans,...

42. Nicolas et mieux Colard de Mailly, seigneur de Blangy-sur-Somme et de...

43. Jean de Pressy, en Artois, chevalier. On trouve un Jean de Pressy,...

44. Il n’y a que trois articles.

45. Nicolas Rolin, de famille bourgeoise, qui fut l’avocat de Jean sans...

46. Triquellot, notaire pontifical ?

47. Le couvent des Mathurins, au coin de l’ancienne rue des Mathurins et...

48. Le recteur de l’Université, le 21 novembre 1450, était Thomas de...

49. Cette petite phrase est capitale. Le procès demeurera la chose des...

50. Le sceau ordonné en l’absence du grand sceau, qui suivait toujours le...

51. Jean de Rinel (Quicherat a imprimé Rivel, qui se lit très nettement...

52. Rouen, la bastille de l’Angleterre en Normandie, avec son pont...

53. L’hérétique diffamé comparaît devant le tribunal soit comme prévenu...

54. C’était là une façon de proverbe.

55. Il y a deux personnages de ce nom que l’on trouve comme notaires dans...

56. Jean Rubé, chanoine de Rouen, mentionné dans un compte de 1426-1427...

57. E. de Rosières, signataire des lettres de Pierre Cauchon.

58. Le reste comme dans l’acte précédent.

59. Cf. Nicolas Eymerich, Directorium inquisitorum, Rome, 1585, p....

60. Suivant G. Manchon, c’était la maison de Rubé, le chanoine, où demeure...

61. William Haiton, mieux orthographié Heton, Anglais, bachelier en...

62. On sait que ces informations ne se trouvent pas dans le procès et...

63. Suivant la procédure inquisitoriale, les dépositions des témoins...

64. Jean Beaupère, Pulchripatris, né dans le diocèse de Nevers,...

65. Jacques de Touraine ou Le Teissier, Textoris, Mineur, licencié...

66. Nicolas Midi, licencié en théologie en 1424, fut nommé par Henri VI,...

67. Pierre Maurice, Mauricii, reçu le premier à la licence...

68. Gérard Feuillet, Feuleti de Salinis, Fuleti, frère Mineur,...

69. Thomas de Courcelles, né à Amiens en 1393, insigne universitaire,...

70. Martin Lavenu, ou Ladvenu, Dominicain, du couvent des Jacobins de...

71. La chapelle royale du château de Rouen qui se trouvait au milieu de la...

72. Jean de Châtillon, de Castellione, de Castilliono, de...

73. Jean de Nibat, frère Mineur, licencié en théologie en 1424, maître...

74. Jacques Guesdon, frère Mineur. Frère gardien du couvent de Rouen en...

75. Jean Le Fèvre, Fabri, Ermite de Saint-Augustin. Le 23 janvier...

76. Du Quesnay, de Quesneio, nommé Maurice Duchesne, de...

77. Guillaume Le Boucher, Boucherii, Carme, licencié en théologie à...

78. Pierre Houdenc, et mieux de Houdenc, Carme, licencié en théologie de...

79. Richard Praty, Anglais, mentionné parmi les religieux qui...

80. Guillaume de Conti, Bénédictin, prévôt de Cérisy, abbé de Saint-Pierre...

81. Guillaume Bonnel, du diocèse de Lisieux, Bénédictin, abbé de...

82. Jean Garin, Guarin, alias Guérin, en latin Garini,...

83. Richard de Grouchet, maître ès arts, cité dans un rôle de l’Université...

84. Pierre Minier, ou Le Minier, Minerii, maître ès arts, dans sa...

85. Jean Pigache.

86. Raoul Le Sauvage, Silvestris, Dominicain, licencié en théologie...

87. Denis Gastinel, licencié en droit canon à Paris en 1418, avait étudié...

88. Jean Le Doulx, Dulcis, cité comme maître ès arts à Paris en...

89. Jean Basset, Basseti, né en 1381 au diocèse de Coutances,...

90. Jean Brouillot, Bruillot, Brulloti, prêtre du diocèse de...

91. Aubert Morel, Morelli, licencié en décret à Paris en 1428, où...

92. Jean Colombel, Columbelli, clerc de Lisieux, bachelier ès arts...

93. Laurent du Busc, de Busco, clerc de Rouen, bachelier en décret...

94. Raoul Anguy, avocat en cour d’église, maître ès arts, licencié en...

95. André Marguerie, maître ès arts en 1403 à Paris, bachelier en décret,...

96. Jean Alespée, Ad Ensem, né en 1357, fils de Pierre Alespée,...

97. Geoffroy du Crotay ne se rencontre pas parmi les suppôts de...

98. Gilles Deschamps, licencié en droit civil, d’une ancienne et riche...

99. La chrétienté de Rouen, division du diocèse, voir note 27

100. La composition du tribunal est beaucoup plus étroitement limitée...

101. Au témoignage de certains des commentateurs de Nicolas Eymerich, les...

102. Charles VII, âgé de vingt-six ans, à l’époque de la venue de Jeanne....

103. Greux, aujourd’hui un petit hameau limitrophe de Domrémy. Le nom de...

104. Jacques d’Arc, et mieux Jacquot d’Arc, père de la Pucelle, serait né...

105. Isabelle et mieux Isabeau d’Arc, mère de la Pucelle, alias Romée,...

106. La petite église de Domrémy existe encore. Mais elle a été très...

107. Corruption d’lsabelle, Zabillet, Sibille.

108. Un document, cité plus loin, montre que les prisons étaient dans la...

109. La question de l’évasion des prisonniers a été examinée par Honoré...

110. John Grey ( ?), nommé le plus souvent Jean Gris. Est-ce le même...

111. John Berwoit, et mieux Barow, surveillant de Jeanne ; peut-être...

112. William Talbot, surveillant de Jeanne. — Un Richard Talbot est dit...

113. La chambre de parement du château de Rouen était la salle d’apparat,...

114. Jean Pinchon, licencié en droit canon à Paris avant 1414, archidiacre...

115. Jean Moret, Bénédictin, licencié en l’un et l’autre droit, prieur de...

116. Guillaume l’Ermite, personnage inconnu. On trouve un personnage de ce...

117. Guillaume Desjardins ou Desgardins, de Gardinis ou...

118. Robert Morellet, Moreleti, Morelli, maître ès arts à...

119. Jean Le Roy, Regis, maître ès arts à Paris en 1403, étudiant de...

120. Étoffe de lin.

121. La réputation des femmes de Rouen dans ce genre de travail n’est pas...

122. Neufchâteau, ville de transit en Lorraine, aux confins de trois...

123. Au témoignage de tous les paysans qui déposèrent au procès de...

124. Messire Guillaume Frontey de Neufchâteau, mentionné dans un acte de...

125. Sur cette vague déclaration a été édifiée par Siméon Luce toute sa...

126. La négation a ici son importance. Omise par Quicherat (qui l’avait...

127. Robert de Baudricourt, fils du lorrain Liébaud, chambellan du duc de...

128. Durand Laxart, et mieux Lassois, laboureur, de Burey-le-Petit...

129. Vaucouleurs, châtellenie française, avec un fort château, le dernier...

130. Charles II, duc de Lorraine, qui fit venir Jeanne à Nancy. Mais il ne...

131. Il s’agit non pas du fils de Charles II (il n’en eut point de...

132. Jean de Nouvilonpont, aujourd’hui Nouillonpont, sur la rive droite de...

133. Ce ne peut être que Bertrand de Poulengy. On voit qu’il fut armé aux...

134. Saint-Urbain, en Champagne, abbaye où Jeanne passa une nuit, vers le...

135. C’est-à-dire la cathédrale d’Auxerre dont le chœur remonte au...

136. Charles d’Orléans (1394-1465), fils de Louis d’Orléans et de Valentine...

137. Voir l’Introduction. — J. Quicherat a déjà fait remarquer que ces...

138. Au début du mois de mars 1429. — On sait qu’il y avait à Fierbois un...

139. Jeanne arriva au château de Chinon, séjour accoutumé du roi Charles...

140. Ceci ne doit pas être entendu trop rigoureusement, car plusieurs...

141. Charles de Bourbon, comte de Clermont, puis duc de Bourbonnais, qui...

142. Jeanne demeura à Saint-Denis entre le 9 et le 13 septembre 1429. —...

143. Le 8 septembre 1429, à l’assaut de la porte Saint-Honoré, où Jeanne...

144. Au chapitre 50 de son Arbre des Batailles, Honoré Bonet fait...

145. La chambre de parement, c’est-à-dire la salle d’honneur, au bout de la...

146. Érard Émengart, originaire du diocèse de Rouen, maître ès arts et...

147. John Carpenter, Carpentarii, Anglais, clerc du roi, qualifié de...

148. Denis de Sabrevois (Sabrevays, Sabreuvras) étudia à Paris. Reçu...

149. Guillaume de Baudribosc, originaire de Rouen, maître ès arts,...

150. Nicolas Lemire, Medici, qualifié ici de bachelier en théologie...

151. Richard Le Gagneux, Lucratoris, originaire de Coutances,...

152. Jean Duval, de Valle, prêtre du diocèse de Rouen, maître ès...

153. Guillaume Le Maistre, Magistri, nommé parmi les maîtres en...

154. Guillaume Le Mesle, Bénédictin, qui professa le droit canon à Paris en...

155. Jean Labbé, Bénédictin, abbé de Saint-Georges de Boscherville depuis...

156. Guillaume Le Bourg, chanoine régulier, prieur de Saint-Lô de Rouen...

157. Le prieur de Sigy (Sagy dit le Procès) prés Neufchâtel, suivant...

158. Jean Duchemin, ou Du Quemin, de Quemino, licencié en décret à...

159. Richard des Saulx, de Salicibus, est qualifié dans un rôle de...

160. Nicolas ou Nicole Maulin, sur lequel les documents parisiens ne nous...

161. Pierre Carel, et quelquefois Carré, Carelli, nommé dans une...

162. Bureau de Cormeilles, Burellus de Cormeliis, licencié en droit...

163. Nicolas de Foville, de Fovilla, peut être celui qui est cité...

164. Sans doute une façon proverbiale de parler. Nous savons que Jeanne ne...

165. Autre façon proverbiale de parler.

166. Cf. Article LX — on aurait pu ajouter non devant...

167. Ce dicton ne se rencontre pas dans les Proverbes français de...

168. Domrémy ne relevait pas en totalité de la châtellenie de Vaucouleurs,...

169. 169. Maxey-sur-Meuse, village situé sur la rive droite du fleuve, en...

170. L’Île était cette prairie basse, formée par un méandre de la Meuse,...

171. Jeanne ne gardait pas les troupeaux habituellement. Elle allait aux...

172. Ces fontaines de Lorraine ont, de tout temps, été l’objet de...

173. Le hêtre, dont le beau tronc est gris et lisse, et dont le feuillage,...

174. Le gui ou le feuillage de la fête de mai. Suivant Edmond Richer, le...

175. Pierre de Bourlemont, chevalier, seigneur de la partie méridionale de...

176. Nous avons adopté le terme du vieux traducteur. Il s’agit de...

177. Le maire Aubry était l’intendant rural représentant le seigneur de...

178. Le Bois Chenu, non loin de Domrémy, à mi-côte d’une colline assez...

179. Jeanne connaissait donc la prophétie, qui courait alors le monde, et...

180. Sur la chambre de parement, voir note 113

181. Giovanni da Fano (et non de Favo), un Italien de la Marche,...

182. Jean, et non pas Nicolas Le Vautier, bachelier en théologie, religieux...

183. Nicolas Caval, né vers 1390, maître ès arts et bachelier en décret à...

184. Le texte latin dit : garantizationem, gallice en...

185. Sainte Catherine d’Alexandrie, dont le culte était si répandu en...

186. Sainte Marguerite, protectrice des femmes, en particulier dans la...

187. Au mois d’avril 1429.

188. Saint Michel, l’archange du Seigneur, l’ambassadeur de Dieu, le saint...

189. On sait que ce document n’a pas été retrouvé. Nous n’en connaissons...

190. Cf. article LX.

191. M. Antoine Thomas a publié une curieuse lettre de rémission, datée de...

192. Sainte-Catherine-de-Fierbois, Indre-et-Loire, arr. de Chinon, cant. de...

193. On sait qu’aux belles épées, Jeanne préférait les armes simples,...

194. Coulange-la-Vineuse, près d’Auxerre.

195. Au mois d’avril 1450. — Jodocus Sincère, dans son Itinerarium...

196. C’est-à-dire de bons coups et de bonnes torgnoles.

197. Les frères de Jeanne d’Arc, Jean et Pierre d’Arc. Jean d’Arc, qui...

198. Monnaie frappée pour la première fois en 1336 sous le règne de...

199. C’est-à-dire Dieu le père tenant le monde dans sa main.

200. Au chapitre 150 qu’Honoré Bonet consacra dans son Arbre des...

201. Une futaine de couleur blanche qui servait surtout pour la doublure...

202. Sur la restitution de l’étendard de Jeanne d’Arc. Cf. [E. de Certain],...

203. Une armée de 10 à 12.000 hommes était une des grosses armées de...

204. La Bastille Saint-Loup sur la rive droite de la Loire, en face de...

205. La Bastille du Pont ou les Tourelles (cf. Charles-François...

206. Le capitaine de Jargeau sir Henry Biset, qui fut tué. Il avait figuré...

207. Ces traités de reddition à terme étaient alors très fréquents.

208. Sans rien d’autre que les vêtements qui se portaient sous l’armure.

209. Philippe Le Maréchal ou Maréchal, Marescalli, licencié en droit...

210. Pierre Cavé, qualifié de licencié en droit civil. Ce nom ne se...

211. Jean IV, comte d’Armagnac (1418-1450), fils du connétable Bernard VII...

212. Le pape de Rome est peut-être une locution toute faite. Martin V était...

213. On a tiré des conséquences infinies du choix de cette devise, qui...

214. Jean, duc de Bedford (1389-1455), troisième fils de Henri IV, régent...

215. Cf. article XXXIII : Je le sais aussi bien comme vous êtes...

216. Saint Gabriel, Bonne nouvelle était un dicton de ce temps.

217. La doctrine catholique sur l’existence et la nature des anges a été...

218. Cf. article XXXIV : Je le sais bien et reconnais les saintes à...

219. Cf. article XXXIV : Il est bon à savoir !

220. Il serait de peu de profit de rapprocher ces paroles de Jeanne...

221. Les anneaux furent très souvent dans l’antiquité des amulettes...

222. La mandragore, plante du même genre que la belladone, caractérisée par...

223. Forteresse du Ponthieu (Somme, arr. d’Abbeville) où Jeanne fut menée à...

224. Voir note 191

225. Les ornements royaux, déposés au Trésor de Saint-Denis après le sacre,...

226. Quand on a parcouru les registres des municipalités de ce temps, on...

227. Nicolas Lami, Amici, cursor en théologie en 1422, bachelier en...

228. Guillaume Evrard (Evrandi, Eurardi, Eurart, Euerard), il ne...

229. Gilles Canivet, Ægidius Caniveli, ou Quenivet, de la nation...

230. Roland L’Escrivain, Scriptoris, reçu licencié en médecine en...

231. Guillaume de La Chambre, le jeune, de Camera, né vers 1403,...

232. Faire bonne chère à quelqu’un c’est lui faire bon visage.

233. Marie d’Anjou, née le 18 octobre 1404, qui épousa le roi Charles VII...

234. Le château de Beaurevoir, où Jeanne demeura prisonnière du mois d’août...

235. La demoiselle de Luxembourg, Jeanne, sœur du comte Waleran, moult...

236. Jeanne de Béthune, vicomtesse de Meaux, mariée à Jean de Luxembourg,...

237. Jeanne d’Arc demeura à Arras depuis octobre 1430. On sait peu de chose...

238. Au chapitre 125 de son Arbre des Batailles, Honoré Bonet traite...

239. Lance réelle, et non pas la lance entendue comme unité militaire....

240. Le 11 juin 1429.

241. Une sorte d’auréole ?

242. Frère Richard, Mineur, qui prêcha à Paris devant une grande assemblée...

243. Au mois de juillet 1429.

244. On sait qu’aucun portrait contemporain de Jeanne d’Arc ne subsiste...

245. Jacques Boucher, trésorier puis receveur des finances du duc Charles...

246. Sur les messes et oraisons dites pour Jeanne d’Arc, cf. Quicherat, t....

247. C’est-à-dire, je m’en remets à leur cœur, à leur pensée. Je n’ai pas...

248. C’est-à-dire trompés.

249. La rédaction définitive modifie la minute.

250. Le 11 juillet 1429. — Sur le séjour à Troyes, cf. E. Socard,...

251. Du 16 au 21 juillet 1429. Cf. H. Jadart, Jeanne d’Arc à Reims,...

252. On demeure dans l’incertitude sur le sens de ce passage.

253. Jeanne y passa le 7 août 1429.

254. Comprenez : Ceux du parti des Anglais l’ont inventé.

255. Dès le XIIIe siècle, les gants faisaient, comme...

256. Il est très souvent question dans les comptes royaux de ces...

257. L’évêque de Senlis était, depuis 1423, Jean Fouquerel, qui tenait le...

258. Salut d’or, monnaie frappée pendant que Henri VI était maître...

259. La minute en français dit qu’elle alla visiter à Lagny.

260. 260. Jeanne passa à Lagny au mois d’avril et au mois de mai de 1450...

261. Devant l’autel de Notre-Dame-de-Lagny en l’église Saint-Pierre.

262. La rédaction définitive a modifié la minute.

263. Catherine de La Rochelle, femme de dévotion comme la nomme une...

264. Montfaucon-en-Berry a pris le nom de Villequiers depuis 1666 (L. Jeny...

265. La Charité-sur-Loire qui fut vainement assiégée par Jeanne au mois de...

266. Après le siège de Saint-Pierre-le-Moutier (novembre 1429).

267. Voir note 234

268. C’est-à-dire bonne figure, bonne contenance.

269. Ceci est seulement dans la minute.

270. Les gens de Compiègne que Jeanne portait dans son cœur, et pour leur...

271. J’ai suivi la minute française qui a plus de sens. On ne voit pas bien...

272. Guichard Bournel, dit aussi de Thiembronne, écuyer de Picardie que...

273. Cette forme, solennelle et publique, est plutôt exceptionnelle dans...

274. Le château que Philippe Auguste fit construire en 1205 sur la colline...

275. Jean Secard (et non pas Fécard), Secardi, avocat, licencié en...

276. Le 22 mai, Jeanne apprit, à Crépy-en-Valois, que le siège allait être...

277. Sur ces événements, voir A. Sorel, La prise de Jeanne d’Arc devant...

278. Heure tenue secrète. Voir note 276

279. On sait en effet que Jeanne fut prise le 23 mai sur les six heures du...

280. Le pont de Compiègne, construit en pierre, datait du XIIIe...

281. Le boulevard était cette fortification avec pont-levis, qui défendait...

282. Les gens de Monseigneur de Luxembourg, c’est-à-dire les hommes de...

283. Le gros des Bourguignons campa à Clairoix.

284. Les Anglais se tenaient à Venette.

285. Ceci a été abrégé dans la rédaction définitive.

286. Voir plus loin. — La lettre d’anoblissement, du mois de décembre 1429,...

287. Ce mot est seulement dans la minute française.

288. Coursier (emissarius), l’étalon, le cheval de bataille.

289. La haquenée (gradarius), ou palefroi, ou cheval ambiant, était...

290. Fin de phrase empruntée à la minute française.

291. Le cheval de trot était peu apprécié, comme aujourd’hui en Orient.

292. Voir note 198

293. Il y a divergence entre les deux rédactions. La minute française dit...

294. Voir note 191

295. Regnault de Chartres, archevêque de Reims, prélat et diplomate. Fils...

296. Charles de Bourbon, d’abord comte de Clermont (1401-1456), fils de...

297. 297. Georges, le sire de la Trémoïlle (i 382-1446). Élevé à la cour de...

298. Jean duc d’Alençon, qui eut son père tué à Azincourt en 1415. Dès...

299. Ce mot dans la minute française.

300. Thomas Fiesvet ou Fievé, dit de Penenche, clerc du diocèse de Cambrai,...

301. Pasquier de Vaux, Pasquerius de Vallibus, originaire des...

302. Nicolas de Hubent, de Henbento ou Hubanto, secrétaire...

303. Frère Ysambard de La Pierre, de Petra, dominicain. Personnage...

304. On retrouve un personnage de ce nom tabellion de Rouen (Arch. de la...

305. Comme on l’a déjà fait remarquer, cette question a surtout un sens si...

306. Ces sortes de procès, au sujet des promesses de mariage, se...

307. Ce mot dans la minute seulement.

308. Ceci dans la minute seulement.

309. Voir note 139

310. Tout ceci est omis par la rédaction latine. Le traducteur a commis un...

311. Ceci ne se trouve que dans la minute française.

312. Sans doute la petite chapelle où Jeanne déclare qu’elle alla en...

313. Ceci ne se trouve que dans la minute française.

314. Sur ces événements cf. Journal d’un bourgeois de Paris, éd. A....

315. Au mois d’avril 1430, les Anglais venaient d’occuper la place...

316. Jeanne passa à Melun pendant la semaine de Pâques qui tomba le 16...

317. Nicolas Taquel et mieux Nicole Taquet, greffier du procès, notaire de...

318. Mot qui se trouve seulement dans la minute en français.

319. C’est-à-dire jura, sacra. — Ce mot dans la minute seulement.

320. Omis dans la rédaction latine.

321. Cette réponse n’est pas à sa place dans la rédaction définitive. Cf....

322. Jules Quicherat identifie Jean Manchon, qui ne figure que cette...

323. Saint Jehan ! était également le juron de Charles VII...

324. Franquet d’Arras, capitaine de routiers, vaillant homme d’armes…...

325. Le seigneur de l’Ours, c’est-à-dire le propriétaire de l’hôtellerie de...

326. Château de Beaulieu en Vermandois près de Compiègne, place de Jean de...

327. C’est-à-dire, une occasion fortuite de partir. — Cf. La Practicque...

328. La robe ou cotardie constituait le vêtement usuel. Sa jupe, très...

329. Houppelande, robe très étoffée à l’usage des deux sexes, pourvue de...

330. Le chaperon des femmes se distinguait de celui des hommes notamment en...

331. Ces mots ont été omis dans la rédaction définitive.

332. Ce clerc était sans doute Nicolas Taquel.

333. Le procès, et non pas le livre de Poitiers, comme on le dit souvent....

334. La minute dit langage des anges. — Cf. article XXXIV : Interrogée...

335. Le procès. Voir note 333

336. C’est-à-dire au jour de sa condamnation.

337. Ceci est omis par la rédaction définitive.

338. S’en rapporte, suivant la rédaction définitive.

339. La chemise de femme était, au XVe siècle très longue, avec...

340. Couvre-chef, capitegium, terme générique et très compréhensif...

341. Voir plus haut note 339

342. La minute met ceci au passé.

343. Déjà Henri V avait pu dire que la défaite d’Azincourt était la...

344. Blanc harnoys, c’est-à-dire celui des écuyers qui ne portaient pas...

345. Saint-Denys !, tel était en effet le cri de France, avec...

346. Ce pouvait être la marque de l’armurier, sans plus. Maison sait aussi...

347. Par le commandement de Dieu suivant la rédaction définitive.

348. La rédaction définitive a mis ici le présent.

349. Question dont il faut s’émerveiller quand on pense qu’elle est posée...

350. Bien des personnes en usaient pieusement ainsi dans les formules de...

351. Jean sans Peur, fils aîné de Philippe et de Marguerite de Flandre,...

352. Entre ces deux princes suivant la rédaction définitive.

353. Les inquisiteurs ne reconnaissaient pas d’autre supérieur que le pape....

354. Quelques guirlandes ou chapeaux dit la rédaction définitive.

355. C’est-à-dire à la suite des fées, et cheminant en leur compagnie.

356. Enguerrand de Champrond, de Campo Rotundo, official de...

357. Sobriquet donné aux gens qui avaient fait, en ce temps-là, le si...

358. Le secrétaire du roi Henri VI dont on voit si souvent la signature...

359. William Brolbster. Cité plus loin comme prêtre à la date du 27 mars.

360. Pierre Orient, du diocèse de Châlons. Ce personnage n’est pas...