Personnalité

Marie Robine (†1399)

Visionnaire originaire du Béarn et protégée par les papes d’Avignon, on reconnut en Jeanne d’Arc l’accomplissement d’une de ses prophéties, lorsque celle-ci se présenta à la cour de Charles VII.

Chronologie

La chronologie est essentiellement fondée sur Jeanne d’Arc et la prophétie de Marie Robine de Noël Valois (1902) et le Livre des révélations de Marie Robine de Matthew Tobin (1986).

  • 1378

  • Début du Grand schisme d’Occident.

    Depuis 1305 et l’élection de Clément V, la papauté résidait à Avignon (et les papes étaient français). En 1377, Grégoire XI retourne à Rome, où il meurt l’année suivante. Son successeur à Rome, Urbain VI (un italien), est rejeté par les cardinaux français, qui élisent un autre pape à Avignon, Clément VII, marquant ainsi le début du schisme.

  • ~1387

  • Marie Robine, humble illettrée originaire d’un hameau des Hautes-Pyrénées et atteinte d’une paralysie partielle jugée incurable, se rend à Avignon sur la tombe du cardinal Pierre de Luxembourg.

    Pierre de Luxembourg (1369–1387), issu de l’illustre maison de Luxembourg, suivit de brillantes études théologiques à Paris. Il y devint chanoine à 8 ans, chanoine de Cambrai à 13 ans, avant d’être nommé évêque de Metz à 15 ans (1384) et créé cardinal à 17 ans (1386) par le pape d’Avignon Clément VII. Menant une vie pieuse et austère, il mourut le 2 juillet 1387 à l’âge de 18 ans et fut inhumé dans le cimetière des pauvres d’Avignon. Immédiatement vénéré comme un saint, sa tombe devint un lieu de pèlerinage réputé pour ses guérisons miraculeuses. En 1389, la reine Marie de Sicile fit édifier une chapelle sur son tombeau.

    Marie Robine est guérie sur-le-champ, en présence de Clément VII.

    La malade éprouva, dans le pied, puis dans la main, des contractions subites et douloureuses. Sa main notamment se referma et demeura crispée en serrant la corde de je ne sais quelle clochette. C’est alors qu’intervint Clément VII [qui] donna sa bénédiction : il n’en fallut pas plus pour rendre aux membres de la malade leur souplesse normale. (Valois, p. 454.)

    Les partisans du pape d’Avignon voient dans cette guérison miraculeuse une confirmation de sa légitimité.

  • 1394

  • 16 sep.

    Mort de Clément VII. Le 28 septembre, les cardinaux avignonnais élisent Pierre de Lune, qui prend le nom de Benoît XIII.

    À Rome, Boniface IX avait succédé à Urbain VI en 1389.

    L’avènement du nouveau pape relance le désir de mettre fin au schisme. Après avoir reçu les suggestions de l’Université de Paris, Charles VI convoque un concile des évêques et prélats de France pour la Chandeleur suivante (2 fév. 1395).

    Voir : Le vote de la soustraction d’obédience en 1398 (Millet, Poulle, 1988)

  • 1395

  • En 1395, Marie Robine vit alors recluse dans un petit oratoire situé à l’intérieur même du cimetière Saint-Michel, près de la tombe de Pierre de Luxembourg. On ignore si elle est restée à Avignon depuis sa guérison ou si elle y est revenue. Le 3 janvier, une bulle de Benoît XIII lui accorde une pension considérable, témoignant de l’estime que lui portait le nouveau pape d’Avignon.

    Cette bulle prévoyait le paiement de 60 florins d’or d’Avignon par an pour l’entretien de Marie qui vivait à cette époque au cimetière de Saint-Michel, auprès de la tombe de Pierre de Luxembourg. (Tobin, p. 232.)

    Lire : Bulle de Benoît XIII, du 3 janvier 1395 (éd. Valois, 1902)

  • 1395–1398

    Schisme : vers la soustraction d’obédience.

    Un premier concile s’ouvre à Paris en février 1395, réunissant cent neuf prélats. La majorité se prononce en faveur de la cession — le renoncement simultané des deux papes et l’organisation d’une nouvelle élection. La cour envoie alors des émissaires auprès des cours européennes pour promouvoir cette solution. Pendant ce temps, un second concile, plus nombreux que le premier, se tient à Paris en 1396 pour examiner les modalités de sa mise en œuvre.

    L’émissaire envoyé en Espagne revient avec un message de soutien, auquel s’ajoute l’appui des Anglais, mais non celui des Allemands. Au printemps 1397, une triple ambassade — française, castillane et anglaise — se rend à Avignon et à Rome pour persuader les deux papes rivaux d’abdiquer. En vain.

    Cet échec inspire une proposition plus radicale : la soustraction d’obédience, formulée par l’évêque Simon de Cramaud, patriarche d’Alexandrie et porte-parole habituel du clergé français. Partant du principe qu’en refusant la cession les papes agissaient contre l’unité de l’Église et se rendaient coupables de schisme et donc d’hérésie, il devenait licite de se soustraire à l’une ou l’autre autorité — pour la France, à Benoît XIII, pape d’Avignon. Pour sonder l’avis du clergé, la cour convoque un troisième concile pour le 7 mai 1398.

  • 1398

  • Début des visions de Marie Robine, à l’origine de son Livre de ses révélations.

    Une première vision (non consignée dans le Livre) lui commande d’écrire à Charles VI pour lui transmettre des ordres relatifs aux schisme.

  • 22 fév.

    Une nouvelle vision l’enjoint d’aller trouver le roi à Paris afin

    qu’il se garde de faire ou de laisser faire soustraction d’obédience à Benoît XIII. (Valois, p. 456.)

    Son programme va cependant au-delà de la question du schisme, et propose une réforme de l’Église qui

    vise avant tout à éliminer les parasites qui peuplent les rangs du clergé. (Tobin, p. 233.)

  • 26–27 avr.

    Deuxième et troisième vision. Dans une ambiance apocalytpique Marie Robine voit la Vierge Marie retenir le bras d’un Jésus prêt à laisser éclater sa colère.

  • 22 mai

    Ouverture à Paris du troisième concile sur la soustraction d’obédience à Benoît XIII.

    Le 22 mai, trois cents personnes assistent, au palais royal, à la messe inaugurale. Les partisans et les adversaires de la soustraction présentent tour à tour leurs arguments durant plusieurs jours. L’Université de Paris prend la parole en dernier, le 4 juin, et se prononce en faveur de la soustraction.

    Benoît XIII envoie, ou du moins laisse partir Marie Robine à Paris pour défendre sa cause.

  • jun.

    Marie arrive à Paris et, le 2 juin, tente de pénétrer dans le palais où se tient le concile, sans succès. Sa quatrième vision, le jour même, lui reprochera de ne pas avoir insisté.

    Quatre jours plus tard, toujours à Paris, elle reçoit sa cinquième vision, où Jésus lui reproche son manque de foi.

  • 10 jun.

    Le concile décide que chaque prélat exprimera son avis, par écrit ou oralement. Les opinions seront recueillies du 11 juin au 5 juillet.

  • 28 jul.

    Enfin, le dimanche 28 juillet, après avoir recueilli et pris en compte près de trois cents avis, le chancelier Arnaud de Corbie proclame solennellement la soustraction d’obédience à Benoît XIII.

    Ces votes provenaient d’une cinquantaine d’évêques, d’autant d’abbés, de représentants des universités, d’universitaires, ainsi que de membres du conseil du roi (dont les ducs de Bourbon, d’Orléans, de Bourgogne et de Berry), etc. Environ deux cent cinquante étaient favorables à la soustraction.

  • 9 nov.

    Marie Robine est toujours à Paris, lorsque sa sixième vision lui montre

    les docteurs en théologie de l’Université de Paris, qui ne croient ni à la véracité ni à l’utilité des visions, mais qui font de leurs propres œuvres des idoles. (Tobin, p. 240.)

    Sa mission parisienne en faveur de la papauté d’Avignon a donc échoué, mais sa présence dans la capitale ne passa pas inaperçue, puisqu’elle parvint à convaincre la reine Isabeau de Bavière du crédit dont elle jouissait auprès de Benoît XIII. Celle-ci la renvoya en Avignon

    accompagnée d’un clerc et d’un théologien chargés d’une contre-mission diplomatique destinée à fléchir l’obstination de Benoît XIII. (Tobin, p. 241.)

  • 1399

  • mar.

    Marie retrouve Benoît XIII assiégé par les troupes du sacré collège dans son Palais. Elle n’est pas autorisée à entrer en contact avec lui ; son escorte est arrêtée, puis renvoyée à Paris.

    Elle regagne son oratoire du cimetière Saint-Michel d’Avignon.

  • 6 mai

    Septième vision. Marie est transportée dans la maison de Saint Jean l’Évangéliste, qu’elle implore d’intercéder

    auprès de Dieu en faveur des chrétiens divisés contre eux-mêmes. (Tobin, p. 241.) [...] le Seigneur ne dit plus rien du Schisme, il conseille simplement aux hommes de bien se garder de mal finir leurs jours.

  • 12 mai

    Huitième et neuvième vision (12 et 13 mai) qui indiquent une prise de distance avec la papauté d’Avignon. Clément VII lui apparaît, mais elle ne lui fait plus confiance.

  • 18 mai

    Dixième vision. Après avoir condamné l’orgueil des clercs des deux camps, Benoît XIII est directement visé,

    accusé de ne pas avoir voulu abdiquer au cas où son rival aurait été d’accord pour faire de même. [...] Cette rupture confirme le rejet de la papauté d’Avignon, et par conséquent de toute la hiérarchie ecclésiastique. (Tobin, p. 244.)

  • 12 oct.

    Sa onzième vision se termine par une condamnation de Charles VI prononcée par Dieu, ainsi qu’une prédiction le concernant :

    Nous avons ordonné au roi de France qu’il répare comme il se doit l’état de l’Église militante, mais lui ne veut rien faire pour nous. Nous le déposerons de son trône par l’intermédiaire de ses propres sujets, et certains d’entre eux mourront dans de grands fleuves de sang… (Trad. Gratteloup, Tobin, p. 246.)

    Le clergé serait décimé, mais

    nos fils légitimes, les vrais confesseurs qui resteront, relèveront l’Église plus qu’elle ne le fut jamais depuis l’Ascension de Jésus-Christ. (Trad. Gratteloup, Tobin, p. 246.)

  • 1er nov.

    La douzième et dernière vision lui laisse entrevoir un sombre avenir, dont la ruine de Paris.

  • 18 nov.

    Décès de Marie Robine, qui meurt en maintenant ses révélations tout en les soumettant à l’Église.

  • 1403

  • 1403–1422

    Fin de Benoît XIII et du schisme.

    Benoît XIII parvient finalement à fuir Avignon le 11 mars 1403. Il trouve refuge auprès du comte de Provence, Louis II d’Anjou, opposé à la soustraction d’obédience. La Castille et la France rétablissent leur obédience. Après avoir séjourné dans plusieurs places de Provence, il gagne Gênes en 1405 pour négocier avec le pape de Rome. L’échec de ces pourparlers le conduit à s’installer à Perpignan, sous la protection du roi d’Aragon. En 1407, la France lui retire à nouveau son obédience. En 1409, le concile de Pise dépose les deux papes rivaux et élit Alexandre V ; Benoît XIII refuse de reconnaître sa déposition. Isolé, il se replie dans la forteresse de Peñíscola, dans le royaume de Valence (couronne d’Aragon), son dernier bastion, où il meurt en 1422 ou 1423.

    Après sa mort, trois des quatre cardinaux avignonais élisent Clément VIII ; le quatrième, considérant l’élection irrégulière, proclame à Rodez celle de Benoît XIV. Clément VIII se ralliera à Martin V en 1429 (lequel avait été élu lors du Concile de Constance en 1417) ; Benoît XIV inaugurera la lignée des antipapes imaginaires, perpétuant le Grand Schisme dans le midi de la France.

  • 1429

  • mar.

    Peu après son arrivée à la cour de Charles VII, Jeanne d’Arc est examinée par des clercs à Poitiers. L’un des examinateur, Jean Érault, professeur de théologie, se rappelle qu’une Marie d’Avignon s’étaient autrefois présentée devant Charles VI, affirmant avoir reçu la révélation que le royaume serait envahi, mais qu’une Pucelle en armes viendrait le délivrer. Il est convaincu que Jeanne était cette Pucelle annoncée.

    Propos rapporté lors du procès de réhabilitation (ci-dessous).

  • 1445

  • Un laïc, Jean du Bois, adresse à Charles VII une liste de conseils politiques, appuyés par un recueil de prédictions contemporaines, dont celles de Marie Robine.

    Lire : Conseils et prédictions adressés à Charles VII par un certain Jean du Bois (Valois, 1909)

  • 1456

  • 30 avr.

    Procès de réhabilitation. — Lors de son audition à Paris devant Jean Jouvenel des Ursins, archevêque de Reims, et Guillaume Chartier, évêque de Paris, le juriste Jean Barbin rapporte les propos de Jean Érault sur Marie Robine lors de l’examen de Jeanne à Poitiers en mars 1429.

    Lire : Déposition de Jean Barbin

Images (1)

Incipit du Livre des révélations de Marie Robine, ms. 520 de Tours, f° 115 r°.

(Source Biblissima)

Références

Livre des révélations de Marie Robine :

Textes contemporains mentionnant Marie Robine :

  • Robert Gervais, évêque de Senez (ancien diocèse des Alpes-de-Haute-Provence), Myrrha electa (~1388). Manuscrit BnF latin 1467, Gallica (XIVe s.).
  • Philippe de Mézières (~1327-1405), Le Songe du Vieil Pelerin (1389). Manuscrit BnF NAF 25164, Gallica (~1490).

Textes de Jean du Bois :

Documentation sur la soustraction d’obédience :

  • Hélène Millet et Emmanuel Poulle, Le vote de la soustraction d’obédience en 1398, CNRS, 1988, Persée
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