Jeanne d’Arc et la prophétie de Marie Robine (1902)
Article
Jeanne d’Arc et la prophétie de Marie Robine
- Article
- Pièces justificatives
- Bulle de Benoît XIII (du 3 janvier 1395, attribuant une pension à Marie Robine et à son confesseur)
- Extraits du Livre des révélations de Marie Robine
Introduction
452Les interrogatoires que firent subir à Jeanne d’Arc les prélats et docteurs réunis à Poitiers au mois de mars 1429 ne nous sont malheureusement point parvenus. Nous ne possédons pas davantage le compte rendu des délibérations dont la vocation de Jeanne fut l’objet à ce moment critique. On sait cependant — tel est du moins le sens de la déposition faite, vingt-sept ans plus tard, par l’avocat Jean Barbin1 — qu’un de ces examinateurs, Jean Érault, professeur de théologie, cita en faveur de la Pucelle, au cours de la discussion, une prophétie émanée dune certaine Marie d’Avignon
.
C’était sous Charles VI. Marie d’Avignon était venue, dit-on, trouver le roi et lui avait annoncé que le royaume traverserait de grandes calamités. J’ai eu, lui avait-elle dit, de nombreuses visions à ce sujet. Quantité d’armes me sont apparues ; j’ai eu peur, un instant, d’être obligée de les porter moi-même : il me fut dit de ne rien craindre, qu’elles ne m’étaient pas destinées, mais bien à une pucelle qui viendrait après moi et délivrerait le royaume. Jean Érault ne doutait pas, en 1429, — toujours d’après le témoignage de Jean Barbin, — que cette pucelle annoncée par Marie d’Avignon ne fût Jeanne d’Arc elle-même.
Il m’a paru curieux de rechercher ce que fut cette Marie d’Avignon, dont tout ce qu’on savait jusqu’ici est qu’elle se confond sans doute avec une certaine Marie Robine, dite la Gasque d’Avignon
, dont les visions
sont rappelées dans un mémoire inédit du milieu du XVe siècle, découvert par Jules 453Quicherat2. Des documents de diverses natures, de provenances française, romaine ou espagnole, vont nous fournir, à cet égard, des renseignements beaucoup plus détaillés.
Vie et visions de Marie Robine
Robert Gervais, évêque de Senez, dans le livre qu’il intitule prétentieusement Myrrha electa, pour indiquer qu’à l’aide de cet aromate
, comme il appelle son ouvrage, il prétend dissiper les puanteurs
du schisme, nous apprend que Marie Robine était originaire d’Essach
, au diocèse d’Auch3. Cette localité porte aujourd’hui le nom de Héchac et fait partie de la commune de Soublecause, dans le département des Hautes-Pyrénées4. Ainsi s’explique le surnom de Gasque
ou de Gasconne donné à Marie Robine. On va voir quelle circonstance la fit également désigner sous le nom de Marie d’Avignon.
Elle souffrait, vers l’année 1387, d’une maladie réputée incurable. Or, il n’était bruit alors que de miracles opérés à Avignon, sur la tombe d’un cardinal de dix-huit ans, le pieux et noble Pierre de Luxembourg. Marie Robine fit comme tant d’autres : elle prit le chemin d’Avignon. Très simple en Dieu et très dévote et catholique créature
, ainsi que la dépeint le célèbre Philippe de Mézières, elle se sentit appelée auprès du bienheureux : elle vint et fut guérie.
Les circonstances de sa cure, réputée miraculeuse, firent d’autant plus d’impression sur ses contemporains que le pape d’Avignon Clément VII y avait pris une part personnelle. La chrétienté, est-il besoin de le rappeler ? était alors partagée entre deux pontifes rivaux. Théologiens et canonistes opposaient l’un à l’autre Clément VII et Urbain VI ; de part et d’autre, on invoquait d’excellents arguments, et la question, au fond, était si délicate qu’on n’est peut-être pas encore parvenu à la trancher définitivement. C’est dire avec quelle joie, dans le camp clémentin, on crut s’apercevoir que le Ciel lui-même se prononçait en faveur du pape d’Avignon, en lui accordant le don des miracles. Marie Robine fut l’occasion de cette agréable constatation.
454Que s’était-il passé au juste ? Je ne saurais le dire. Philippe de Mézières, le seul écrivain qui nous renseigne à cet égard, se borne à de rapides allusions à des circonstances qu’il sait connues de la plupart de ses lecteurs5. Je crois comprendre que la malade éprouva, dans le pied, puis dans la main, des contractions subites et douloureuses. Sa main notamment se referma et demeura crispée en serrant la corde de je ne sais quelle clochette. C’est alors qu’intervint Clément VII ; il invoqua probablement Pierre de Luxembourg et donna sa bénédiction : il n’en fallut pas plus pour rendre aux membres de la malade leur souplesse normale. À ce propos, Philippe de Mézières donne à entendre que la confiance qu’inspirait aux partisans de Clément sa légitimité s’accrut grandement par suite de ce prétendu miracle, et l’auteur déjà cité de la Myrrha electa y voit positivement l’indice d’une désignation providentielle. Dieu, pour lui, a parlé : les fidèles s’en reposeront dorénavant sur son témoignage, certains qu’il ne saurait les induire en erreur ; à cette occasion même, il répète le mot de Richard de Saint-Victor : Domine, si error est. a te ipso decepti sumus6.
Cette guérison dut avoir lieu entre 1387 et 1389 ; elle est, en effet, postérieure à la mort de Pierre de Luxembourg (2 juillet 1387) et antérieure à celle d’Urbain VI (15 octobre 1389) ; le 455traité de Robert Gervais où il en est question est lui-même rédigé du vivant de ce pape7.
La miraculée de Héchac parvint donc aussitôt à la célébrité. Elle demeura en Avignon, ou revint s’y fixer. Nous l’y retrouvons, dans tous les cas, en 1395.
À cette date, Marie Robine mène la vie de recluse. Elle s’est enfermée dans un petit oratoire situé dans l’enceinte même du cimetière de Saint-Michel, où se trouve la sépulture de Pierre de Luxembourg. Le fait nous est révélé par une bulle de Benoît XIII, du 3 janvier 13958, qui montre, en même temps, à quel point la protégée de Clément VII était en honneur auprès du successeur de ce pontife. Benoît XIII pourvoit à tous les besoins de la sainte femme : elle entendra chaque jour une messe dite dans son oratoire par un prêtre de son choix, qui lui servira de confesseur ; elle pourra également choisir une servante honnête. Le pape prélève, à cet effet, une somme assez considérable, 60 florins d’or d’Avignon, sur les offrandes faites, chaque année, à la chapelle construite sur le tombeau de Pierre de Luxembourg. Marie Robine étant un témoignage vivant de la puissance du saint, il ne croit pas détourner ces aumônes de leur destination en les affectant à l’entretien d’une recluse qu’il met par là même en état de poursuivre, sous les yeux des pèlerins, ses édifiantes austérités : 24 florins assureront donc la vie de Marie Robine, 24 autres le traitement de son aumônier ; 12 enfin serviront de gages à sa servante. Les religieux Célestins d’Avignon, auxquels, précédemment, le pape avait attribué les offrandes faites au tombeau de Pierre de Luxembourg, sont astreints à servir cette rente, en deux termes, et un retard de plus de vingt jours dans un de ces payements, doit entraîner, pour le prieur, l’excommunication, pour les religieux, la suspense et l’interdit pour le couvent, sans compter la déchéance momentanée du droit d’administrer les deniers provenant des offrandes. Par ce luxe de pénalités, on peut juger de l’importance que Benoît XIII attachait au maintien de la résidence de Marie Robine dans le cimetière de Saint-Michel d’Avignon.
456La recluse ne tarda pas à être doublée d’une voyante. La preuve en était fournie déjà par Jean du Bois, auteur fort peu connu d’un mémoire adressé à Charles VII, en 14459, que Jules Quicherat a eu le mérite de signaler le premier10. Mais cette circonstance est encore mieux établie par le livre même dont Jean du Bois n’avait fait que citer des extraits, je veux parler du Livre des révélations et visions de Marie Bobine, dont un exemplaire subsiste dans le ms. 520 de la Bibliothèque de Tours11. On y découvre qu’une première fois la voyante se crut chargée par Dieu de transmettre à Charles VI des ordres relatifs aux schisme. Puis la voix céleste se fit entendre, une seconde fois, à Marie Robine, le 22 février 1398 :
— Va, lui dit-elle, trouver le roi. Dis-lui… qu’il procure l’union de l’Église par les moyens que j’ai déjà indiqués, et qu’il se garde de faire ou de laisser faire soustraction d’obédience à Benoît XIII.
C’était, en effet, le moment où, lasse des tergiversations du pape d’Avignon, la cour de France songeait sérieusement à se retirer de son obédience.
— Cet expédient, poursuivit la voix, a pour principes l’orgueil, l’envie et l’avarice… Dis aussi au roi qu’il opère la réforme dans l’Église : les prélats d’aujourd’hui appliquent à rebours les préceptes de l’Évangile… Dis lui de fonder dans chaque diocèse trois maisons ou collèges, un pour les indigents et les vieillards, un pour les pauvres étudiants, le troisième en vue de la défense des Églises contre les ennemis de la foi…
Si Charles VI manquait de suivre ces recommandations, son salut éternel n’était pas compromis ; mais, abandonné 457de Dieu, livré aux impulsions de sa propre fantaisie, il devait abréger le cours de sa vie mortelle, au lieu qu’en se conformant à ces prescriptions, il était sûr de réussir d’une façon merveilleuse dans ses entreprises et d’obtenir pleine victoire, non seulement sur tous les chrétiens, mais sur une grande partie des Sarrasins.
Cette révélation
paraît avoir vivement impressionné la recluse. Elle adressa au roi de France une lettre contenant le récit de toute sa vision. Puis, au bout de quelques mois, durant lesquels sa réputation de voyante n’avait fait que s’affermir, ses extases ayant eu pour témoins parfois de grands personnages, tels que Marie de Bretagne, reine de Sicile12, elle sortit de sa retraite et osa entreprendre le voyage de Paris ; c’était pour mieux remplir la mission dont elle se croyait désormais investie.
Nous la retrouvons, effectivement, le 2 juin, à Paris, cherchant à se faire entendre des membres du concile national qui, depuis cinq jours, discutaient la question de la soustraction d’obédience. Bravement elle se présenta au Palais de la Cité, disant avoir des ordres d’En haut. Elle eut beau faire : on refusa de l’écouter. Invitée à rentrer chez elle et à y demeurer jusqu’à ce qu’on la fît appeler, elle obéit ; mais, le soir même, la voix céleste lui prescrivit de nouveau de mettre la crainte de Dieu au-dessus de la crainte des hommes :
— Va, lui dit-elle, va-t-en vers ces prélats chaque fois qu’ils se rassembleront. Courage et hâte-toi ! Tu trouveras grâce devant moi.
J’ignore si Marie Robine renouvela sa tentative et fut plus heureuse une autre fois. En tout cas, il n’en est fait mention dans aucun des comptes rendus ou relations du concile de Paris, et l’intervention de la voyante n’empêcha pas la royauté de décréter, à l’issue de cette assemblée, la soustraction d’obédience.
Marie Robine cependant, à Paris comme à Avignon, continuait d’éprouver des extases, le 6 juin, par exemple, jour de la Fête-Dieu, pendant quelle entendait la messe dans son oratoire, puis le 9 et le 10 novembre. Ce dernier jour, la voix divine qu’elle croyait entendre lui enjoignit de transmettre ses ordres, 458par écrit, aux maîtres en théologie de l’Université de Paris :
— S’il y en a parmi eux d’idolâtres, qu’ils brisent leurs idoles ; ils acquerront ainsi la force de renverser les idoles des autres. Dis leur, ajoutait la voix, qu’ils cessent de se glorifier : leurs œuvres sont peu méritoires13.
La présence de la voyante à Paris ne passa pas inaperçue. C’est ce que nous apprend un chroniqueur attaché à la cour de Benoît XIII, dont l’œuvre, singulièrement instructive, n’était jusqu’ici connue que par les emprunts que lui avait fait l’historien Zurita. D’après Martin d’Alpartil, dont le R. P. Ehrle a bien voulu me communiquer le récit complet, par lui retrouvé et transcrit en Espagne, Marie Robine réussit tout au moins à convaincre la reine qu’elle jouissait auprès du pape d’un crédit considérable : Isabeau de Bavière résolut donc de se servir d’elle, probablement pour tâcher de fléchir l’obstination de Benoît XIII. Elle la renvoya escortée, entre autres compagnons, d’un clerc et d’un théologien, appelés sans doute à faire entendre au pape d’utiles exhortations.
C’est vers le mois de mars 1399 que Marie Robine reparut à Avignon. Elle y retrouva Benoît XIII assiégé ou du moins bloqué, dans son Palais, par les troupes du sacré collège. Vainement elle sollicita la permission de communiquer avec lui dans l’intérêt de l’union. Les cardinaux, qui faisaient bonne garde autour du rocher des Doms, virent d’un mauvais œil une protégée du pape qui ne sut peut-être pas justifier du mandat qu’elle avait reçu de la reine. Jean de la Grange, cardinal d’Amiens, alla jusqu’à faire arrêter le clerc et le théologien qui accompagnaient Marie Robine. Il les relâcha peu de jours après, mais pour leur faire reprendre en hâte le chemin de Paris.
Marie Robine se borna donc à poursuivre dans son oratoire du cimetière de Saint-Michel sa vie de pénitente. Elle y fut favorisée de nouvelles visions, par exemple, les 6, 12, 13 et 18 mai, le 12 octobre et le 1er novembre 1399. Un jour, il lui arriva de se croire transportée dans la demeure de saint Jean l’Évangéliste, 459dont elle admettait la survivance, suivant une croyance assez répandue dans l’antiquité et au moyen âge14. Le saint apprit d’elle, avec stupéfaction, la prolongation du schisme et ne trouva moyen de l’expliquer que par quelque manque de foi dont se serait rendue coupable l’Église d’Occident. Il promit de prier pour l’union et tint parole aussitôt ; il implora, à cet effet, la miséricorde divine à l’issue d’une messe dite par le Christ lui-même en présence de saint Pierre, de saint Paul, de saint Laurent et de saint Nicolas : curieuse scène dont la description, dans le livre de Marie Robine, ne manque pas d’une certaine poésie étrange15.
Dans les derniers temps de sa vie, la recluse d’Avignon paraît plus que jamais pénétrée de tristesse et d’indignation à la vue des fautes du clergé. C’est l’impression quelle rapporte surtout de sa visite
du jour de la Pentecôte à la vallée de Josaphat. Elle y a vu comparaître devant le Christ tous les curés du monde, chacun suivi de son troupeau, les prieurs, les abbés, les évêques, les archevêques, le pape et douze cardinaux. Leurs habillements étaient somptueux, mais leurs paroles mensongères. Un patriarche hypocrite y parlait au nom de tous, et l’on ne peut s’empêcher de penser au patriarche d’Alexandrie, Simon de Cramaud, porte-parole habituel du clergé de France à cette époque. Une immense clameur s’était élevée soudain vers le tribunal de Dieu, cri de vengeance de tous les hommes morts par la faute des prélats. Le châtiment aurait été immédiat sans l’intervention de la Vierge, qui, faisant valoir l’approche de l’année jubilaire, — elle allait commencer, en effet, le 25 décembre, — avait obtenu de son Fils un sursis de vingt mois et de quarante jours16.
Il n’est pas jusqu’aux papes d’Avignon dont la conduite n’ait causé à Marie Robine une pénible désillusion. Clément VII, ce 460pontife auquel on attribuait une part dans sa guérison, avait perdu toute sa confiance. Elle ne le croyait plus quand il lui apparaissait pour lui annoncer une vision surnaturelle ; elle ne le croyait plus, parce que, de son vivant, il l’avait déçue, il lui avait menti17. Benoît XIII lui-même, dont elle avait reçu tant de marques d’intérêt, était blâmé de n’avoir pas promis dune façon claire et nette d’abdiquer au cas où son rival, le pape de Rome, voudrait en faire autant18. On voit que la recluse ne se laissait guère tromper par les engagements illusoires que Benoît XIII avait consenti à prendre, pour apaiser ses adversaires, le 10 avril précédent19.
Enfin Marie Robine avait perdu probablement jusqu’à l’espoir de modifier la conduite de la royauté. Déjà, si le gouvernement persévérait dans sa politique, elle voyait la France devenir la proie de l’Antéchrist20, des flots de sang couler à travers le royaume et l’insurrection victorieuse jeter Charles VI à bas du trône21. Une de ses dernières paroles semble avoir été une prédiction de l’anéantissement de la capitale22.
En proie à ces sombres pressentiments, Marie Robine expira le 16 novembre 1399. Elle avait eu le temps d’affirmer une dernière fois, devant la mort, la réalité et l’origine divine de ses révélations23.
461J’ai tenu à faire connaître avec quelque détail une existence mêlée à de grands événements et une œuvre ignorée jusqu’ici, où, à côté du merveilleux, l’histoire peut glaner, ainsi que dans la plupart des prophéties de l’époque, d’utiles indications. Le confesseur de Marie Robine est sans doute l’auteur de la rédaction du Livre de ses révélations ; présent à plusieurs de ses extases, il écrivait sous sa dictée ou sous son inspiration. C’est ainsi que procédait probablement le confesseur d’une autre illuminée du même temps, Constance de Rabastens24. Les visions
de Marie Robine ont l’avantage d’être toutes datées d’une façon précise : au nombre de douze, elles s’échelonnent entre le 22 février 1398 et le 1er novembre 1399. Dune sincérité évidente, elles révèlent un état d’esprit qui doit être celui d’une grande partie de la classe populaire, en France, à cette époque : elles respirent, à la fois, un tendre intérêt pour le malheureux roi Charles VI, une vive rancune à l’égard du clergé, rendu principalement responsable du schisme, un, ardent désir de réforme et d’union. Leur place est marquée à coté des prophéties de Hildegarde, de sainte Brigitte, d’Ermine, de Télesphore et de tant d’autres, dont l’influence a été considérable, et dont on sait maintenant tirer de précieuses indications tant sur les mœurs que sur les idées de la dernière partie du moyen âge25.
Ses révélations au sujet de la venue d’une Pucelle
Nous nous sommes laissés entraîner bien loin de Jeanne d’Arc. Il est temps d’y revenir. Une fois en présence du Livre des révélations de Marie Robine conservé dans le manuscrit de Tours, j’y ai recherché avec curiosité, et j’ai eu le regret de n’y point trouver le passage où la voyante prédisait, suivant le témoignage de Jean Barbin, la venue d’une vierge guerrière qui délivrerait le royaume. Rien, dans les douze visions de 1398 et de 1399, qui, de près ou de loin, puisse s’interpréter comme l’annonce de la mission de la Pucelle.
462Il est bien question d’armes, à diverses reprises, dans les visions de Marie Robine. Le 26 avril 1398 notamment, la recluse aperçoit une roue de feu à laquelle sont fixées trois mille quatre cent cinquante épées et d’innombrables flèches. Mais la pensée ne lui vient pas un seul instant que ces armes lui soient destinées à elle-même, encore moins à une future libératrice du royaume. Ce sont des armes vengeresses suspendues sur la tête du genre humain coupable, et dont l’intervention de la Vierge Marie conjure seule, pour le moment, les effets foudroyants26.
Aussi Jean Bréhal, l’inquisiteur qui poursuivit avec tant de zèle la réhabilitation de Jeanne d’Arc, se garda-t-il d’évoquer le souvenir de Maine Robine. Dans un mémoire qu’il composa vers 1455, il cite comme se rapportant à Jeanne de prétendues prophéties de Bède et de Merlin ; il énumère même plusieurs saintes femmes précédemment favorisées de révélations célestes : mais il passe entièrement sous silence les visions de la recluse d’Avignon27.
Faut-il donc rejeter dans le domaine de la légende le fait rapporté par Jean Barbin en 1456, ou admettre que Jean Érault, en 1429, s’est mépris sur le sens des prophéties de Marie Robine ? C’est l’une de ces deux hypothèses, à vrai dire, qui offre le plus de probabilité.
Et pourtant il n’est pas tout à fait impossible que Jean Érault ait tenu le langage qu’on lui prête, et qu’en le tenant, il ait cité avec exactitude une prophétie de Marie Robine. Remarquons que le fait, auquel il se réfère, de la venue de la voyante à Paris et de sa démarche auprès du roi, est attesté non seulement par Martin d’Alpartil, mais par le Livre des révélations. Si la mémoire de Jean Érault s’est montrée fidèle sur ce point, peut-être l’a-t-elle servi également bien quant au reste. À lire attentivement le Livre des révélations, on s’aperçoit, d’ailleurs, qu’il ne contient pas toutes les visions de Marie Robine28. Il y manque 463même précisément la vision au cours de laquelle la recluse crut recevoir, pour la première fois, des instructions à l’adresse de Charles VI29. Ces instructions étaient relatives aux moyens de terminer le schisme ; mais rien n’empêche de supposer qu’elles avaient également trait aux moyens de sauver le royaume, et l’annonce de la vierge guerrière et libératrice a pu y trouver place à côté des recommandations d’ordre purement religieux. Une rédaction plus complète des révélations de Marie Robine dans laquelle se trouvait le récit de cette vision a pu exister et parvenir à la connaissance de Jean Érault. Ou encore l’examinateur de Poitiers a pu recueillir, à cet égard, un renseignement oral.
Nous n’avons, ce qui est fâcheux, aucune donnée certaine sur la personnalité de Jean Érault. Si pourtant il se confond, comme il y a lieu de le croire, avec un certain Jean Héraud, du diocèse de Clermont, il aurait commencé vers 1393 à étudier en la faculté de théologie de Paris30. Sa présence dans la capitale au moment de la visite qu’y fit Marie Robine, en 1398, lui aurait, en ce cas, permis de se renseigner sur le langage tenu au roi par la voyante avignonnaise.
Quoi qu’il en soit, et dans l’état actuel de nos connaissances, il est difficile de dire si les prophéties de Marie Robine purent, en 1429, fournir un argument plausible en faveur de la vocation patriotique de Jeanne d’Arc31.
464Pièces justificatives
I. Bulle de Benoît XIII, du 3 janvier 1395, attribuant une pension à Marie Robine et à son confesseur
(Archives du Vatican, Reg. Avenion. III Benedicti XIII, fol. 197 v°.)
Dilecte in Christo filie Marie Robine, Auxitane diocesis, salutem, etc. Devocionis tue sinceritas qua nos et Romanam Ecclesiam revereris, necnon laudabilia tue pietatis et virtutis merita, super quibus apud nos fidedignorum commendaris testimonio, promerentur ut illa tibi libenter concedamus que tibi fore conspicimus oportuna. Nos igitur ut tu, que, spretis mundanis oblectacionibus, in arto quodam oratorio infra cimiterium S. Michaelis sito in parochia ecclesie S. Desiderii Avinionensis constructo, sub austeritate vite, Altissimo diceris laudabiliter familiari, in hujusmodi tuo laudabili proposito persistere, tuque et unus presbyter, confessor tuus, qui missam cotidie in tua presencia celebrabit, et una servitrix honesta, que tibi serviet, quos duxeris eligendos, valeatis sustentari, providere volentes teque favore prosequi gracioso, tuis in hac parte supplicationibus inclinati, tibi de et super obvencionibus, oblacionibus et emolumentis ad capellam sepulture recolende memorie Petri S. Georgii ad Velum Aureum diaconi cardinalis, de Luczembourch vulgariter nuncupati, in eodem cimiterio quiescentis, proventuris, pensionem annuam sexaginta florenorum auri monete Avinionensis communiter currentis, tibi videlicet pro tuis supportandis viginti quatuor, et pro presbytero alios viginti quatuor ac servitrice predictis alios duodecim florenos, sexaginta florenorum predictorum, vel procuratori tuo ad hoc legitime constituto, per priorem pro tempore existentem et dilectos filios conventum monasterii Avinionensis ordinis S. Petri confessoris, medietatem videlicet in Resurrectionis dominice, et aliam medietatem sexaginta florenorum hujusmodi in celebritatis Omnium Sanctorum festivitatibus annis singulis persolvendam, apostolica tibi auctoritate concedimus, constituimus, deputamus et assignamus. Volumus autem quod, si idem prior et conventus hujusmodi pensionem annuatim predictis terminis, aut saltim infra viginti dies terminos ipsos immediate sequentes, non persolverint, ut prefertur, eo ipso singulis terminis et viginti diebus predictis elapsis, nisi a te super hoc dilacionem habuerint, ipsi prior excomunicacionis et conventus suspensionis sentencias incurrant, dictumque monasterium ecclesiastico subjaceat interdicto, ac iidem prior et conventus ab administracione obvencionum, oblacionum 465et emolumentorum hujusmodi supensi existant, ipsique prior ab excommunicacionis et conventus suspensionis sentenciis absolvi et interdictum hujusmodi relaxari, ac iidem prior et conventus ad administracionem dictorum bonorum restitui nequeant, donec de ipsa pensione tibi et presbytero ac servitrici predictis tunc debita fuerit integre satisfactum. Non obstantibus quibuscunque constitutionibus apostolicis ac statutis et consuetudinibus monasterii et ordinis predictorum contrariis juramento, confirmacione apostolica vel quacunque firmitate alia roboratis, aut si eidem priori et conventui a Sede apostolica, [videlicet] a felicis recordacionis Clemente papa VII, predecessore nostro, indultum existat quod ad solucionem alicujus pensionis, et presertim super obvencionibus, oblacionibus et emolumentis prefatis quibusvis personis, et cujuscunque dignitatis aut preeminencie existant, minime teneantur et ad id compelli, aut quod interdici, suspendi vel excommunicari non possint per litteras apostolicas non facientes plenam et expressam ac de verbo ad verbum de indulto hujusmodi mencionem, et quibusvis aliis privilegiis, indulgenciis et litteris apostolicis generalibus vel specialibus, quorumcunque tenorum existant, per que presentibus non expressa vel totaliter non inserta effectus earum impediri valeat quomodolibet vel differri, et de quibus quorumque totis tenoribus habenda sit in nostris litteris mencio specialis. Volumus autem quod, quamprimum ab hac luce migraveris, dicta pensio cesset penitus et expiret. Nulli ergo, etc., nostre concessionis, constitucionis, deputacionis, assignacionis et voluntatis infringere, etc. Datum Avinione, III nonas januarii, anno primo.
Gratis ubique de mandato.
II. Extraits du livre des révélations de Marie Robine
(Bibl. de Tours, ms. 520.)
[fol. 115 r°]
Sequuntur quedam visiones ac revelationes facte Marie Rubine, alias dicte Vasconensi, super facto Ecclesie et pape ac regis Francie. Et primo sequitur epistola per eam missa Karolo, regi Francie, in tali forma.
Excellentissime princeps et mi metuendissime domine, placeat vobis recordari super rebus per me vobis alias narratis dominica proximo preterita. Namque, prout dixi vobis alias, quadam die, videlicet prima veneris quadragesime anni Domini 1397, ego indigna, existens in oratione et desiderio ardenti super salvatione anime vestre, vidi visionem quamdam valde mirabilem, et audivi, ac intellexi vocem quamdam per virtutem divinam et secundum Dei voluntatem me alloquentem et dicentem michi : Vade ad rogem Francie et die ei ex 466parte mea quod me nolit oblivisci, quoniam causam non habet hoc faciendi : nam ego eum feci et exaltavi super omnes homines hujus mundi. Castigo etiam eum quando michi placet et bonum etiam videtur, ut pater dulcis. Et tu remorare eidem verbum contentum in sacra Scriptura, scilicet : Maledictus est homo qui confidit in homine, et benedictus est ille qui confidit in Deo32. Habeat igitur illam erga populum suum pietatem quam vult me habere ad ipsum. Faciat unionem in Ecclesia per media illa que ego ei per te alias mandavi ; et caveat ne substractionem pape, scilicet Benedicto XIII°, faciat, nec eam fieri permittat ; ymo eam toto posse suo impediat, quoniam hec tria peccata mortalia, videlicet superbia, invidia et avaricia, eam gubernant et fieri procurant. Die etiam quomodo apud Deum non sunt accepta omnia consilia hominibus complacentia, et quod faciat reparationem in Ecclesia mea super statibus qui sunt michi displiciti et odiosi. Deus enim ostendit in anno gracie et tempore passionis sue status ei placentes et qui teneri debebant a prelatis, qui, tociens quociens contrarium agunt, operantur et contra Dominum et contra se ipsos. Non enim colorare possunt verbis vel factis neque cooperire quod nunc deberent in tantum super eis dolere in quantum eis complacent et ipsi delectantur in eisdem. Die etiam ei quod in qualibet diocesi faciat tres mansiones sive collegia vel etiam plures vel pauciores, juxta reditus in eisdem existentes : quarum una sit dedita pro pauperibus et personis indigentibus bene approbatis in paupertate et fidelitate, necnon pro antiquis senibus laborare non valentibus, altera vero sit data pro pauperibus scolaribus, ut studeant et addiscant scientiam quamlibet utilem et probabilem et necessariam ad insti[t]uendam vitam humanam et ad relevandam fidem eamque docendam ignorantes ; aliam vero mansionem tribuat sive fundet pro deffendendis ecclesiis ab infidelibus inimicis fidei catholice ; vivatque prelatus eum duobus servitoribus in administratione earumdem ecclesiarum, habendo tantum unum animal ad equitandum, siquando etiam contingat eum infirmari, vel ita senem effici quod laborare in negociis Ecclesie ambulando nequeat.
Tuncque michi supervenit quedam nova cogitatio talia in me premeditans : O domine, Deus pater omnipotens, quam ei retributionem dabis, si faciat ut tu vis et dicis ? Cui cogitationi vox predicta talia respondit. dicens : Nemo scit, nisi solus Deus. Ego enim dabo ei vitam perpetuam, nec senciet penas fetidas et corruptas infernales ; ymo de omnibus malis per eum perpetratis punietur in hac mortali vita, daboque ei etiam victoriam super omnes homines christianos et super unam magnam partem Sarracenorum. Sed, si 467eorum que ei mando fecerit contrarium, ego non juvabo eum in factis, nec etiam agam contra eum, sed dimittam eum ire et adimplere voluntates suas, per quas se ipsum destruet abreviando terminos suos hujus mortalis vite. Verumptamen ipse propter hoc non amittet vitam eternam ; non tamen habebit victoriam super homines terrenos sive inimicos suos. Dico etiam tibi quod, si rex faciat istud preceptum et alia que ei mandavi in lege mea, ipse plus fructificabit in factis et proficiet in agendis quam aliquis alius in centum annis citra. Et si ipse querit a te quis tibi hec dixit, responde ei : Dominas dominantium Deus.
[fol. 118 r°]
Anno Domini 1398, 3a mensis junii, Maria Rubina ivit mane ad Palacium regis pro habenda audientia in Concilio prelatorum, ad dicendum eis preceptum quod a Domino erat ei factum, ut dicit. Et intravit Concilium prelatorum ; sed repulsa fuit sine audientia : et fuit ei dictum quod iret ad cameram suam usque quo mandaretur ei. Et tunc ipsa non expectavit plus, sed recessit juxta eorum preceptum et ivit ad cameram suam. Et, dum in camera sua oraret hora fere circa finem diei et principium noctis, audivit quamdam vocem, sed vociferantem non vidit. Que ei sic ait : Ego dixi tibi quod tu non dubites magis hominem quam me ; ego in brevi loquar tibi. Vade totiens ad eos quotiens tu scies eos esse congregatos, usquequo ego dicam tibi. Festina ergo et fac diligentiam tuam, et sic tu eris absoluta coram me.
[fol. 121 v°]
Anno autem ut supra, die lune ante festum Penthecostes Domini, papa Clemens ultimate deffunctus apparuit Marie, hora tertiarum, existenti in oratorio suo, dicens ei : Maria, sta in Domino et custodi te a peccato tantum quantum poteris, quia in die Penthecostes Domini ostendentur tibi aliqua que nunquam vidisti, nec similia illis.
Et tunc disparuit. Et nichil aliud dixit ei. Et in illa visione propter defectus suos quos ipsa viderat in vita sua, dubitabat in dictis suis, cogitans in mente sua : Tu defecisti mihi invita tua : et nunc tu posses michi etiam defficere.
Item, die martis sequenti, idem papa eum angelo suo apparuerunt Marie, hora ut supra, et angelus ejus locutus est, papa Clemente nichil dicente, dicens Marie sic : Maria, non dubites in illo quod papa Clemens dixit tibi : illud enim erit verum. Et in vita sua mentitus est tibi, modo non potest amplius tibi mentiri.
Maria respondit : Fiat voluntas Greatoris mei.
Et tunc ambo disparuerunt.
Notes
- [1]
J. Quicherat, Procès de condamnation et de réhabilitation de Jeanne d’Arc, t. III, p. 83.
- [2]
Aperçus nouveaux sur l’histoire de Jeanne d’Arc (Paris, 1850, in-8°), p. 73.
- [3]
Bibl. nat., ms. latin 1467, fol. 52 r°.
Cuidam mulieri vocate Maria Robine, loci de Essach, Auxitanensis diocesis.
- [4]
Arrondissement de Tarbes, canton de Castelnau-Rivière-Basse. — La forme
Eschac
se trouve encore dans Expilly. - [5]
Songe du Vieil pèlerin ; Bibl. nat., ms. français 22542, fol. 108 r°.
La tres simple en Dieu et tres devote et catholique creature Marie Robine, appellée des parties de Gascoigne par revelacion et relacion dudit benoist cardinal, son pié premierement tout sain et à grant doleur tortu en un moment, et, après, sa main saine et ouverte et en ung moment close et restraincte, tenant la corde de la clochete, à la seule benediction du Pasteur Debonnayre [Clément VII] du pié et de la main la dicte Marie publiquement guerie, en sa doulce creance conforte ma doulce suer en son election…
- [6]
Myrrha electa, loco cit.
Et nichilominus miracula facta, divina Providentia ordinante, ex fide B. Petri apostoli, per sanctissimum in Christo patrem et dominum dominum Clementem VII cuidam mulieri vocate Maria Robine…, que secundum cursum nature non poteral curari, hec quidem omnia predicta protestantur ipsum dominum Clementem VII predictum esse verum monarcham universalis Ecclesie catholice…, ita ut cum omni confidencia possimus domino Deo dicere verba Ricardi que ipse dicit in prologo sui primi libri de Trinitate : Domine, si error est, a te ipso decepti sumus !
Cette dernière phrase est empruntée au chap. II du livre Ier, et non, comme le dit Robert Gervais, au Prologue du De Trinitate.
- [7]
N. Valois, La France et le Grand Schisme d’Occident, t. I, p. 375.
- [8]
- [9]
Bibl. nat., ms. français 5734, fol. 41-64.
La date de la rédaction est précisée dans un passage qui se trouve au fol. 55 v°.
- [10]
Ms. cité, fol. 48 r°, 50 r°, 60 r°.
A ce je respons selon ceu que dit Marie Robine, dicte la Gasque d’Avignon, en une vision que Dieu luy demonstra, comme elle recite en icelle vision, comment Dieu mandoit au roy de France par la dicte Marie que il ne fist, ne permist estre fait substraction audit pape… Pour ce leur faudroit remonstrer ce que recite Marie Robine, la quelle dit que Dieu luy demonstra comment il reprenoit le pape Benedic de ce qu’il ne se estoit voulu consentir à faire cession de sa papalité… Item, dist Marie Robine qu’elle demanda quelle retribucion seroit faicte audit roy de France, s’il faisoit ceste reparacion de l’Eglise, comme dit est : luy fut respondu…
- [11]
Ms. du XVe siècle, provenant de l’abbaye de Marmoutier. Fol. 115 r° :
Sequuntur quedam visiones ac revelationes facte Marie Rubine, alias dicte Vasconensi, super facto Ecclesie et pape ac regis Francie.
- [12]
Le 26 et le 27 avril 1398.
- [13]
Tous ces détails sont empruntés au Livre des révélations de Marie Robine, dont on trouvera plusieurs extraits parmi nos Pièces justificatives, II.
- [14]
Joann., XXI, 22, 23.
Dicit ei Jesus :
Sic eum volo manere donec veniam, quid ad te ? tu me sequere. Exiit ergo sermo iste inter fratres quia discipulus ille non moritur.
Cf. Isidore de Séville, De ortu et obitu Patrum, 43, et un article d’A. Sabatier, dans l’Encyclopédie des sciences religieuses (t. VII, p. 176).
- [15]
Ms. 520 de Tours, fol. 120, 121.
- [16]
Ibid., fol. 122-124.
- [17]
- [18]
Ms. 520 de Tours, fol. 124 r°.
Et recitavit omnino [Jhesus] concilium quod ipse tenuerat sursum, et reprehendit dominum nostrum papam Benedictum de hoc quod non concesserat cessionem manifestam in casu quo adversarius suus fuisset ad hoc concors.
- [19]
Martène et Durand, Amplissima collectio, t. VII, c. 636.
- [20]
Ms. cité, fol. 125 r°.
Lucrabitur regem et XII pares Francie… Et hoc intelligitur si rex Francie et alii continuent modum quem inceperunt.
- [21]
Voici les paroles que Marie Robine met, le 12 octobre 1399, dans la bouche de Dieu (Ibid., fol. 126 r°) :
Nos autem mandavimus regi Francie quod ipse reparet debite status Ecclesie militantis, et ipse nichil vult facere pro nobis. Nos deponemus eum de sedibus suis per medium subjectorum suorum, et erunt aliqui eorum qui morientur in magnis fluminibus sanguinis, et nostri erunt veri martires.
- [22]
Ibid., fol. 127 v° ; cf. fol. 15 r°.
Dicetur : Hic fuit Parisius.
- [23]
Ibid., fol. 128 r°.
Hec igitur omnia et alias revelaciones quas Maria tradidit, ipsa posuit correctioni S. matris Ecclesie et omnium quorum interest. Et in articulo mortis sue eas tenuit et asseruit fore veras et a Deo sibi revelatas. Et in illa fide migravit ad Dominum die dominica, hora misse, infra octabas B. Martini, anno Domini 1399.
- [24]
Amédée Pagès et Noël Valois, La prophétesse de Rabastens et le Grand Schisme, dans les Annales du Midi, 1890, p. 243.
- [25]
Parmi les travaux récents publiés dans cet ordre d’idées, v. surtout Franz Kampers, Kaiserprophetieen und Kaisersagen im Mittelalter (Munich, 1895) et Ignaz Rohr, Die Prophetie im letzten Jahrhundert vor der Reformation als Geschichtsquelle und Geschichtsfaktor, in Historisches Jahrbuch, t. XIX (1898), p. 29 et 447.
- [26]
- [27]
P. Lanéry d’Arc, Mémoires et consultations en faveur de Jeanne d’Arc par les juges du procès de réhabilitation (Paris, 1889, in-8°), p. 400, 402, 418, 450, 451, 453.
- [28]
Ms. cité, fol. 128 r°.
Hec igitur omnia et alias revelationes quas Maria tradidit, ipsa posuit correctioni S. matris Ecclesie…
- [29]
Ibid., fol. 115 r°.
Faciat unionem in Ecclesia per media illa que ego ei par te alias mandavi.
- [30]
H. Denifle, Chartularium Universitatis Parisiensis, t. IV, p. 89.
- [31]
Plusieurs auteurs se sont figuré que les révélations de
Marie d’Avignon
avaient été faites, non à Charles VI, mais à Charles VII lui-même. Cette erreur a passé de l’Histoire générale de France de Scipion Dupleix (Paris, 1629. in-fol., t. II, p. 829) dans Les mémorables journées des François du P. Antoine Gérard (Paris, 1047, in-4°, p. 131) et jusque dans l’Histoire de France de Henri Martin, t. VI, p. 136). On a même été jusqu’à prétendre que le souvenir de cette prédiction avait été évoqué par le roi à Chinon, lors de la première annonce de la venue de la Pucelle (Baudot de Juilly, Histoire de Charles VII, Paris, 1697, in-12, t. I, p. 336 ; Rapin de Thoyras, Histoire d’Angleterre, la Haye, 1724, in-4°, t. IV, p. 57 ; marquis de Cambis-Velleron, Annales historiques d’Avignon ; ms. 2779 d’Avignon, fol. 32 v°). - [32]
Jérémie, XVII, 5, 7.
Présentation
En 1456, l’un des témoins du procès de réhabilitation, le juriste Jean Barbin, se souvenait avoir assisté à l’examen de Jeanne d’Arc à Poitiers, peu après son arrivée à la Cour en 1429. Il rapporta qu’un des théologiens présents, Jean Érault, évoqua alors le souvenir d’une certaine Marie d’Avignon. Cette femme s’était autrefois présentée devant Charles VI, affirmant avoir reçu la révélation que le royaume serait envahi, mais qu’une Pucelle en armes viendrait le délivrer. Érault était convaincu que Jeanne était cette Pucelle annoncée.
Depuis la publication des sources contemporaines par Quicherat, on n’en savait guère plus sur cette Marie d’Avignon, sinon qu’on la connaissait aussi sous le nom de Marie Robine, la Gasque d’Avignon
. Noël Valois s’est penché sur son cas et découvert des documents inédits, dont un manuscrit conservé à la Bibliothèque de Tours contenant un Livre des révélations de Marie Robine. Dans cette étude, il retrace la vie de cette femme célèbre en son temps, notamment grâce à une guérison miraculeuse qui lui valut la protection du pape d’Avignon Benoît XIII, ainsi que ce que l’on sait de sa prophétie.
La publication se clôt par l’édition de deux pièces justificatives en latin : la bulle pontificale accordant à Marie une pension, et plusieurs extraits du Livre de ses révélations.