Texte intégral
L’abjuration de
Jeanne d’Arc
au cimetière de Saint-Ouen
et l’authenticité de sa formule
Étude critique par le chanoine
(1902)
Éditions Ars&litteræ © 2025
Avant-propos
Ce mémoire a été lu à la Sorbonne, au Congrès des Sociétés savantes, section d’histoire et de philologie, le 1er avril 1902.
On a exclu des notes bibliographiques dont il est accompagné les livres d’intérêt général et aussi les monographies qu’on pourra trouver indiquées, soit dans mon Répertoire des sources historiques du moyen âge (t. I, Bio-bibliographie, colonnes 1247-55, 2684-6), soit dans Lanéry d’Arc, Le Livre d’or de Jeanne d’Arc (Paris, 1894, gr. in-8°, XXVIII-1008 p., fig.).
5L’abjuration de Jeanne d’Arc
Le 24 mai 1481, à l’aube du jour, les paroissiens de Sainte-Croix-Saint-Ouen, à Rouen, étaient réveillés par un bruit de charrettes, dont les essieux de bois grinçaient dans leurs moyeux ; elles transportaient des montants, des poutres et des planches, destinés à élever dans le cimetière de l’abbaye deux estrades ou échafauds. Le bruit se répandit bientôt que la Pucelle d’Orléans allait y être prêchée
.
Pendant que les charpentiers vont poursuivre leur construction et que la foule commencera à s’assembler, nous allons jeter un coup-d’œil sur la vie de Jeanne d’Arc et sur les sources de son histoire. Pour bien apprécier l’abjuration qu’on cherchera à lui arracher, il faut connaître le caractère de l’héroïne, la moralité des témoins et le degré de confiance que méritent les deux procès.
6I. [Les étapes de la vie de Jeanne d’Arc jusqu’à son procès]
[Enfance]
Jeanne eut pour père Jacques d’Arc et pour mère Isabelle Romée1. Née le 6 janvier 1412, à Domrémy, sur la partie nord comprise dans le bailliage de Chaumont-en-Bassigny et relevant directement du roi de France, elle était Champenoise et non Lorraine2. Jeannette était la dernière de cinq enfants ; on lui donna au baptême quatre parrains et autant 7de marraines3. Elle grandit sans recevoir d’autre instruction que les éléments de la religion, ne sachant ni A ni B, comme elle l’affirmera plus tard4, occupée des travaux du ménage, habile à filer et à coudre. Pensive, pieuse, charitable, dès l’âge de douze ans elle cessa de prendre part aux ébats de la jeunesse5.
[Les voix]
Dans l’été de 14246 peut-être le 31 mai7, à l’heure de 8midi, elle entendit pour la première fois la voix mystérieuse qui devait décider de sa vocation de libératrice de la France et l’inspirer jusqu’à la fin8. Ses voix (saint Michel, sainte Catherine, sainte Marguerite) ne lui manifestèrent sa mission que par degrés.
L’ange lui racontait la pitié qui était 9au royaume de France9 ;
elle devait y aller au secours du roi. En mai 1428, vers l’Ascension encore, les voix devinrent plus pressantes : il fallait aller trouver Robert de Baudricourt, gouverneur de Vaucouleurs10. Un parent, Durand Laxart, la conduisit ; le résultat fut un ordre de la ramener à son père et de la corriger. Le 28 octobre, Orléans était cerné par les Anglais. Les voix devinrent plus impératives : Je suis une pauvre fille, répondait-elle, qui ne sait ni monter à cheval ni faire la guerre.
C’est Dieu qui l’ordonne
, répliquait la voix.
[Départ de Domrémy]
Elle partit de Domrémy en janvier 142911, sans prévenir ses parents. Laxart la logea à Vaucouleurs12 chez les Le Royer. Un homme d’armes, Jean de Nouillonpont, fut le premier à ajouter foi à sa mission et lui promit de la mener au roi. Le duc de Lorraine voulut la voir à Nancy13 et lui fit cadeau d’un mauvais cheval. De retour à Vaucouleurs le 13 février, elle annonçait à Baudricourt la défaite du roi à la bataille des Harengs (12 février), fait confirmé plusieurs 10jours après. Elle partit le 2314 habillée dès lors en homme, pour conserver mieux sa virginité de pensée et de fait15
. Trois hommes d’armes, avec leurs serviteurs, l’accompagnaient. On passa par l’abbaye de Saint-Urbain, Auxerre, Gien, Sainte-Catherine-de-Fierbois. De cette halte, Jeanne fit écrire au roi.
[Arrivée à Chinon]
On arriva à Chinon16 le 6 mars ; elle dut attendre deux jours avant d’être introduite. On envoya des religieux à Domrémy pour s’enquérir de son enfance. Le secret d’une triple prière révélé par Jeanne à Charles VII le convainquit17, mais il voulut qu’elle fût solennellement interrogée à Poitiers18 par des évêques, des membres du Parlement et de l’Université de Paris. Elle y arriva le 28 mars et fut logée, 11non au château, mais chez Jean Rabateau, avocat général au Parlement19. Les interrogatoires se poursuivirent durant treize séances et la décision finale fut entièrement favorable. L’ardeur de sa foi, la chaleur de ses convictions lui avaient conquis le cœur et l’esprit des examinateurs20.
La disparition des procès-verbaux de cette enquête constitue la lacune la plus regrettable dans l’histoire de la Pucelle. Elle y renvoya plusieurs fois ses juges de Rouen21 ; existaient-ils encore ? Les juges de la réhabilitation ne les connurent que par le rapport des témoins. On peut, grâce à eux, en reconstituer une partie22, indépendamment du sommaire qui en subsiste23.
[Libération d’Orléans]
Jeanne revint à Chinon au milieu d’avril ; le roi lui donna une maison militaire24 et l’envoya à Tours. Elle prit l’épée dont elle avait révélé la présence sous terre derrière l’autel 12de Sainte-Catherine-de-Fierbois25. La Pucelle commanda elle-même son étendard et un pennon26. Elle prédit, dès lors, qu’elle ferait lever le siège d’Orléans et qu’elle y serait blessée27. Avant de partir, elle fit écrire au duc de Bethford, qui se dit régent du royaume de France pour le roi d’Angleterre28
: elle restera toujours fidèle à son principe d’offrir la paix avant d’engager la bataille ; sa mission était de rétablir Charles VII dans son royaume et d’en chasser l’Anglais. On quitta Blois le 28 avril ; on fit pénétrer un convoi dans Orléans par la rive gauche de la Loire, puis la Pucelle y entra en triomphe par la rive droite le 29, à 8 heures du soir. Elle fit preuve, dès l’entrée en campagne, d’une sobriété et d’une endurance à cheval29 qui ne se démentirent jamais. Sa présence releva le courage des assiégés et décupla leurs forces. Du 4 au 7 mai on s’empara des bastilles élevées autour de la ville par les Anglais30. À l’attaque de celle des Tourelles31, Jeanne fut blessée d’une 13flèche au sein droit ; elle arracha elle-même le fer et retourna au combat32. Dès le 10, elle se rendit à Blois, puis à Tours, où le roi vint la remercier avec effusion33, enfin à Loches. Elle voulait le mener immédiatement à Reims, pour l’y faire sacrer, sa mission ne devant durer qu’un peu plus d’un an34. Le conseil des prudents l’emporta, malgré l’autorité de Gerson et de Gelu. De Rome, un clerc français n’hésitait pas à déclarer divine une mission qui se manifestait par des merveilles, conforme au droit, favorable à la foi et aux mœurs, justifiée par la sainteté de la vie.
[Campagne de la Loire ; chevauchée vers Reims ; sacre de Charles VII]
Cependant on confia à Jeanne une petite armée, sous les ordres du jeune duc d’Alençon, pour dégager les bords de la Loire ; les renforts arrivèrent par enchantement. Du 11 au 17 juin on prit Jargeau, Meung, Beaugency ; le 18, la victoire de Patay35 racheta les défaites de Crécy, Poitiers et Azincourt. Dès le début, la Pucelle montra l’expérience et le génie d’un général émérite, soit pour ranger l’armée en bataille, soit surtout pour disposer l’artillerie36. Pitoyable à tous, Français et Anglais, elle veillait au salut de l’âme des 14soldats. La vertu dont tout son être resplendissait, commandait le respect aux plus libertins37 ; elle purgea l’armée des femmes de mauvaise vie et réprima les excès dont la guerre est accompagnée.
Ses succès, aussi rapides qu’inespérés, auraient dû lui gagner la confiance de la Cour : l’opposition de La Trémouille, maître du roi, paralysa toujours ses plans de campagne. Après avoir évité Auxerre, on arriva devant Troyes le 5 juillet ; Jeanne écrivit aux habitants de se rendre, puis dirigea l’assaut et le roi entra, le 10, dans la ville38. Cette conquête entraîna celle de Châlons. Reims ouvrit ses portes le 16 et Charles VII fut sacré, dans la cathédrale, le lendemain39. On a souvent écrit, sur le témoignage de Dunois40, que la mission de la Pucelle était finie. En combinant ceux du carme Séguin41, qui l’interrogea à Poitiers, et du duc d’Alençon42, un de ses familiers, on constate qu’elle avait un quadruple but : 1° défaite des Anglais et levée du siège d’Orléans ; 2° sacre du roi à Reims ; 3° soumission de Paris ; 4° délivrance du duc d’Orléans43. Que Jeanne ait exprimé le 15souhait de revoir le toit paternel, c’était conditionnellement à la volonté de Messire44 (Dieu). Qu’elle n’ait pas rempli la 3e et 4e partie de sa mission, il n’en faut chercher d’autre cause que la mauvaise volonté et l’inertie qui contre-carrèrent constamment ses plans45. Il lui en coûta moins d’efforts pour mettre en fuite l’ennemi que pour triompher de son parti.
[Échec devant Paris]
Le jour même du sacre, elle somma le duc de Bourgogne de faire la paix avec le roi de France. La Cour, lasse de cette campagne rapide, préféra négocier. Cependant le prestige des derniers succès et du sacre décida toutes les villes entre Reims et Paris à se soumettre :
Et n’estoit fortresse qui à se simple parolle et semonce ne se volsist rendre46.
Beauvais ouvrit ses portes, malgré son évêque, Pierre Cauchon, qui s’en vengera cruellement sur la libératrice. Compiègne en fit autant le 17 août. Jeanne en partit le 23 et occupa Saint-Denis le 25. Le roi n’y arriva que le 7 septembre, après avoir signé un armistice désastreux avec le duc de Bourgogne47 (28 août). Dès le lendemain, Jeanne fit donner l’assaut à la porte Saint-Honoré48. Blessée à la cuisse d’un trait d’arbalète, elle persistait à continuer l’attaque, 16affirmant que Paris serait pris. Le duc d’Alençon l’entraîna : c’était le premier insuccès. Jeanne déposa ses armes sur l’autel de la Vierge à l’abbaye de Saint-Denis49. En quatre mois, elle avait repris aux Anglais ce qu’ils avaient mis dix ans à conquérir.
[Prise devant Compiègne]
Soit lassitude, soit jalousie, à la Cour on fut enchanté de la retraite outre Seine. Toutefois, pour satisfaire son impatiente ardeur belliqueuse, on lui donna quelques troupes, qui prirent Saint-Pierre-le-Moûtiers, mais insuffisantes pour s’emparer de la Charité-sur-Loire50 (novembre). Peu après, Charles VII anoblit la Pucelle avec sa famille, à la plaisance de ses frères, sans requête d’elle
(29 décembre). Réduite à l’inaction, l’hiver dut lui paraître long. Elle s’échappa de la cour à Sully-sur-Loire dans les derniers jours de mars (1430), puisse rendit, à la mi-avril, à Melun51, qui venait de rentrer dans l’obéissance du roi ; là ses voix lui annoncèrent sa capture avant la Saint-Jean. À Lagny52, elle s’empara d’une bande d’Anglais commandés par Franquet d’Arras. Entrée le 23 mai (surveille de l’Ascension) au matin dans Compiègne53, dont les habitants ne se résignaient pas à être Bourguignons, elle tente le soir une sortie. Écrasée par le nombre, sa petite troupe cherche à rentrer dans la ville par la porte laissée ouverte. Quand Jeanne, restée à l’arrière-garde, y arrive, le pont-levis était levé, la herse abaissée. Un archer du bâtard de Wandonne la fait tomber 17de cheval : elle était prisonnière54. Guillaume de Flavy a-t-il trahie ? Les avis sont partagés55. L’ardent désir que Jeanne manifestera à Beaurevoir de retourner au secours de Compiègne semble absoudre le gouverneur d’avoir cherché avant tout le salut de la ville qu’il était chargé de défendre et qu’il garda au roi malgré lui. Ceci, je le crains, prouve simplement l’absence de rancune dans le cœur de la Pucelle. Flavy, on ne saurait l’oublier, était le lieutenant de La Trémouille, sur qui les contemporains firent peser cette prise56.
Toujours populaire dans la foule, parmi les soldats et les paysans, Jeanne recueillit bientôt, comme récompense de ses services, l’ingratitude de la Cour qu’elle avait sauvée, mais à qui il tardait d’être débarrassée d’un chef désireux sans cesse de combattre et de vaincre. Le chancelier de France, Regnault de Chartres, annonçant à ses diocésains de Reims la capture de la Pucelle, y voit une punition de son orgueil, de sa suffisance, de sa vanité.
Peu communicatif, Charles VII n’a pas transmis à la postérité ses doléances sur la perte immense que sa cause venait d’éprouver : on a vainement cherché le moindre acte authentique de lui en faveur de la Pucelle durant toute l’année de sa captivité. Même en admettant qu’il ait été incapable de la délivrer par force ou négociations, il lui fut loisible durant de longs mois d’en appeler à Rome et de faire 18réserver au pape le jugement d’un procès où les visions tiendront une si grande place57.
[Elle est vendue aux Anglais]
Dans le camp ennemi, la joie fut prompte à se manifester. Le jour même de la capture, le duc de Bourgogne en écrivait à ses amez
de Saint-Quentin et probablement d’autres villes. Les Anglais — que Jeanne protestera jusqu’au bout vouloir bouter dehors
— firent montre d’une joie féroce. La nouvelle parvint à Paris le 25 : dès le lendemain, le vicaire général de l’inquisiteur et l’Université demandaient que la captive fût remise à l’Église, pour être jugée comme hérétique et idolâtre ; en juillet, ils se plaignaient des délais et enjoignaient à Jean de Luxembourg de la céder au roi de France et d’Angleterre. La négociation fut conduite par le prélat qui, plus que tout autre, a assumé devant la postérité la responsabilité du drame qui va commencer. Chassé de sa ville épiscopale, Pierre Cauchon résidait d’ordinaire à Rouen, dont le siège vacant fut demandé pour lui par le Conseil privé d’Angleterre (15 décembre 1429) ; mais le Chapitre n’y voulut pas entendre. C’est lui qui, venu devant Compiègne le 14 juillet, offrit à Jean de Luxembourg 6.000, puis 10.000 livres de sa captive, plus 300 de rente au bâtard de Wandonne. En août, les trois États du duché de Normandie 19 votèrent dix mil livres tournois, au paiement de l’achapt de Jehanne la Pucelle, que l’en dit estre sorcière, personne de guerre, conduisant les ostz du Daulphin58
. Cauchon reçut pour ses courses, du 1er mai au 30 septembre, 765 livres59.
De Compiègne Jeanne fut menée à Margny, où le duc de Bourgogne l’entrevit60, puis au château de Beaulieu en Vermandois, où elle fut sur le point de s’échapper après avoir enfermé ses gardiens61, enfin à celui de Beaurevoir, entre Saint-Quentin et Cambrai62. Son désir de secourir Compiègne la fit contrevenir à ses voix, en se laissant choir du haut du donjon (60 à 70 pieds de haut), suspendue à un drap (?) qui rompit (juillet). Payé de la rançon convenue, Jean de Luxembourg la livra aux Anglais, qui l’emmenèrent 20par Arras63 (avant 30 sept.), Drugy, le Crotoy64, Saint-Valéry-sur-Somme, Eu et Dieppe65, à Rouen66, où elle arriva vers Noël. On résista au désir des membres de l’Université de la juger à Paris ; on craignit que dans le trajet vers la capitale elle ne fût délivrée par un coup de main ; son itinéraire atteste qu’on la tint toujours plus éloignée de cette ville. Prisonnière de guerre, elle ne pouvait être au civil l’objet d’un procès ; on ne pouvait qu’exiger une rançon avant de la rendre à la liberté. Mais, bien avant la délivrance d’Orléans, les Anglais avaient parlé de la brûler67.
[Puis remise à Pierre Cauchon ]
Un procès ecclésiastique pouvait seul permettre d’atteindre ce but. On la remit à cet effet à Pierre Cauchon. Edmond Richer est le premier historien de la Pucelle qui ait signalé un cas de nullité au début du procès qui va s’ouvrir. Jeanne n’était pas justiciable de l’évêque de Beauvais, ayant été prise sur un point du territoire du diocèse de Soissons, dont Compiègne, aujourd’hui du département de l’Oise, faisait alors partie68. Un second cas de nullité fut le maintien 21 de la captive dans un cachot du château de Rouen, alors que l’archevêché avait ses prisons, avec chambre spéciale pour les femmes, où elles étaient gardées par des personnes de leur sexe69 : Jeanne le réclamera en vain. On la mit d’abord dans une cage de fer, le cou, les mains et les pieds enchaînés. Au bout de plusieurs semaines, on se contenta de la tenir jour et nuit attachée à une forte chaîne à serrure70. La duchesse de Bedford défendit de la maltraiter : il est à remarquer que toutes les femmes ont été sympathiques à la Pucelle durant sa captivité, tant son maintien décent et la douceur de ses paroles les touchaient. Le procès criminel en matière de foi qui lui est intenté a moins pour but la défense et exaltacion de la sainte Église et foy catholique71
que de venger les Anglais de celle à qui ils attribuaient justement toutes leurs défaites et aussi de déshonorer le roi de France, en le montrant complice d’une sorcière.
22II. [Les sources manuscrites du procès]
Avant de suivre les séances du procès, il faut étudier les sources qui nous en feront connaître les péripéties. Il comprend trois phases distinctes : le procès d’enquête (ex officio, 17 séances, du 21 février au 25 mars), le procès ordinaire (12 séances, du 26 mars au 24 mai) et le procès de rechute (2 séances, 28 et 29 mai).
[La minute française]
La minute du compte rendu des interrogatoires fut écrite en français par les notaires Manchon, Boisguillaume et Taquel72, qui à la suite de chaque séance conféraient entre eux sur la rédaction définitive. On n’y inséra pas les pièces officielles, qu’on était sur de retrouver. Manchon certifia plus tard qu’elle était véridique et qu’il n’escripvit oncques fors selon son entendement et conscience73
. Il est vrai que le président, dirigeant les débats, est plus d’une fois intervenu pour interdire l’insertion au procès-verbal de réponses trop favorables à l’accusée, et un jour Jeanne lui dira : Vous faites écrire tout ce qui est contre moi, vous refusez d’écrire ce qui est pour moi74.
Il est vrai encore qu’au début on cacha derrière les rideaux d’une fenêtre deux secrétaires anglais, qui reproduisaient les réponses d’une manière déloyale, les falsifiant pour fournir des arguments à la condamnation. Manchon protesta contre ce double procès-verbal et les affidés disparurent75. Est-ce de leurs notes que furent extraites certaines assertions du promoteur, qui renvoient 23à des réponses absentes du texte officiel ? La minute française fut remise par Manchon aux juges du procès de réhabilitation76. Elle était intacte alors et aurait dû être transcrite dans tous les exemplaires de ce procès : elle ne le fut que dans celui dit de d’Urfé77 (Paris, Bibliothèque Nationale, ms. lat. 8838), malheureusement incomplet de tout ce qui précède la séance du 3 mars (12e interrogatoire).
[L’instrument latin ; ses cinq expéditions authentiques]
La minute française resta pour un temps le seul texte du procès de condamnation. Plusieurs années après le supplice de Jeanne78, elle fut traduite en latin, sous forme de lettres-patentes de l’évêque et de l’inquisiteur, avec addition des documents justificatifs, par Thomas de Courcelles et Manchon. Il n’est pas aisé d’apprécier pour quel motif celui-ci réduit à peu de choses le travail de son collaborateur79. Si telle a été cette part, il devrait porter lui-même la responsabilité des graves altérations dont il sera question plus loin : il répugne de l’en charger. S’il ne fut pas héroïque dans sa résistance aux exigences de Cauchon, il resta honnête. En une circonstance, Courcelles se montra cruel envers la malheureuse accusée : seul il a eu intérêt à faire disparaître son nom de la séance qui le constatait80. De cet instrument du procès 24les notaires firent cinq expéditions ; trois étaient de la main de Manchon, destinées an roi d’Angleterre, à l’évêque de Beauvais et à l’inquisiteur. De ces cinq manuscrits, trois sont encore conservés, tous à Paris (Bibliothèque de la Chambre des députés, n° B. 105. g ; Bibliothèque Nationale, latin 5965 et 5966). Celui qui fut remis aux juges de la réhabilitation, le 15 décembre 1455, fut lacéré, six mois après, quand on en arracha les 12 articles81. Un autre se trouvait à Orléans en 1475 ; un enfin à Pont-à-Mousson, à la fin du XVIe siècle82. Des copies prises sur ces instruments originaux il n’y a pas lieu de s’enquérir.
[La sentence de condamnation et le manuscrit d’Urfé]
De la sentence de condamnation (instrumentum sententiæ) on fit des expéditions séparées, dont aucune ne s’est conservée. Malgré le témoignage de Manchon83, on en ignorerait la forme, si le procès de réhabilitation ne l’avait insérée84. Sous le règne de Louis XII, on fit une traduction française des deux procès, dont un manuscrit est conservé à la bibliothèque d’Orléans85. On a soutenu jadis qu’il contenait la minute même dont le manuscrit d’Urfé ne représenterait qu’un fragment : un examen minutieux a permis à J. Quicherat d’affirmer qu’il fallait renoncer à cet espoir86.
[La rédaction du procès de réhabilitation ; ses trois expéditions authentiques]
Deux notaires de l’Université de Paris, Le Comte (Comitis) et Ferrebouc, remplirent les fonctions de greffiers dans le 25procès de réhabilitation. Les enquêtes menées en diverses parties de la France furent confiées à des substituts ; leurs minutes, traduites en latin (sauf une) par eux, semblent avoir toutes disparu. Quicherat a démêlé deux modes de rédaction pour ce procès. Une première fois les notaires lui donnèrent la forme de lettres-patentes : il en reste des fragments étendus dans le manuscrit d’Urfé cité plus haut. Cette rédaction n’ayant pas reçu de caractère authentique, ils recommencèrent leur travail sous une forme didactique et divisèrent la matière en neuf chapitres, précédés d’un préambule. Ils en firent trois expéditions, dont une contenait le procès de condamnation87. Par malheur, elle ne nous est pas parvenue. Et cependant on possède encore trois expéditions originales du procès de justification : deux sont conservées à la Bibliothèque Nationale de Paris, sous les numéros du fonds latin 5970 et 17013 (anc. Notre-Dame 138) ; une troisième sous le numéro 84 du fonds Stowe (anc. Ashburnham) au Musée Britannique88 : à la différence des autres (duo magni processus), le manuscrit Notre-Dame ne renferme pas les mémoires consultatifs, sauf celui de Gerson. Parmi les copies il y aurait lieu de signaler celle du Vatican89 (Christ. 1916).
[Comparaison de la rédaction des deux procès]
26On a exalté les mérites de rédaction du procès de condamnation au détriment de celui de réhabilitation. Malgré 27la réputation de lettré
dont il aurait joui90, le notaire Ferrebouc ne saurait être comparé à Thomas de Courcelles, ancien recteur de l’Université de Paris. Toutefois, le mérite littéraire des deux factums se vaut : il est assez mince. Comme agencement, le premier procès paraît supérieur ; on l’a allégé volontairement de ce qui alourdit la marche du second : citations, enquêtes et mémoires. Mais, comme œuvre juridique et morale, comme recueil de documents historiques, la proportion est renversée. On a parlé de suppressions dans les dépositions des témoins ; il est bien plus facile d’en constater dans les réparties de la Pucelle.
[Contexte politique et religieux à l’ouverture du procès de condamnation]
Avant de nous rendre à la première audience, il sera bon d’examiner dans quelles circonstances politiques et religieuses le procès va s’ouvrir.
[L’Université de Paris]
On l’a vu, personne n’a devancé l’Université de Paris à demander la vente de la Pucelle aux Anglais, personne ne mettra autant d’acharnement à en poursuivre la perte. Le roi s’appuya sur son sentiment pour consentir au procès, Cauchon sur l’un et l’autre pour le commencer ; sauf à l’Université et à l’évêque d’invoquer plus tard l’ordre d’Henri VI et de se faire donner des lettres de garantie.
Faire des membres de l’Université, au début du procès, des schismatiques, c’est aller contre les faits : le concile de Bâle commença à la fin de juillet 1431, la première session s’ouvrit le 14 décembre suivant, tout cela après le martyre de Jeanne.
Si Courcelles fut l’âme du concile, — dit le père Ayroles, — Érard en fut le père91.
Le père Denifle répond92 : 28Érard n’y parut jamais ; Courcelles y fut seulement en 1433 et ne peut être dit en avoir été l’âme qu’en 1437. L’Alma mater était si peu schismatique à ce moment que Martin V et Eugène IV continuaient à faire son éloge ; à la fin de 1431 elle envoya à ce dernier des ambassadeurs, parmi lesquels Lohier, qui avait figuré au procès. Elle n’était alors pas plus schismatique que Charles VII. Elle le devint lors du transfert du concile de Bâle à Ferrare, mais à ce moment elle était redevenue fidèle au roi de France et n’aurait pas entrepris le procès qui nous occupe. Son importance avait baissé depuis le départ de Gerson ; ses meilleurs représentants demeuraient fidèles à Charles ; ceux qui étaient restés à Paris adhéraient aux Bourguignons et aux Anglais. Le traité de Troyes avait consacré un nouvel état de choses politique, contre lequel la papauté ne protesta pas. En présence des opinions confuses et opposées qui couraient au sujet de la Pucelle, il était naturel que la question de l’examiner se posât. Récemment, en 1428, l’Université avait obtenu de Martin V la confirmation à son chancelier du privilège d’être juge dans les questions d’hérésie à Paris et dans les environs ; de loin on requérait son avis dans les procès en matière de foi. Son tort dans l’affaire présente fut de n’y mettre aucune équité, de recueillir les seuls témoignages défavorables et de ne tenir aucun compte du mémoire de Gerson et du jugement des examinateurs de Poitiers, presque tous ses suppôts. Les échos apportaient aux docteurs des menaces de mort sans mercy
, qui leur paraissaient peu convenir à une envoyée de Dieu. L’attaque malheureuse de Paris, en pleine fête de la Nativité de la Sainte Vierge, fut traitée d’impiété. On arriva vite à attribuer les succès de la Pucelle au mauvais esprit. Sa 29capture à Compiègne acheva de la discréditer : la Providence semblait donner un démenti à sa prétendue mission de chasser les Anglais de France. Il n’y eut pas jusqu’à sa tentative d’évasion de Beaurevoir qui ne fut taxée de péché mortel. L’opinion en était là quand commença le procès. L’Université aurait voulu qu’il se fît à Paris : le gouvernement anglais décida qu’il aurait lieu à Rouen. Le petit roi Henri VI y résidait depuis le 29 juillet ; avec lui étaient les duc de Bedford et le grand Conseil, dont plusieurs membres assisteront au procès93 : Henri Beaufort, évêque de Winchester et cardinal d’Angleterre, Louis de Luxembourg (frère du vendeur de la Pucelle), évêque de Thérouanne, les évêques d’Ely, de Norwich et de Noyon, les abbés de Fécamp et du Mont-Saint-Michel, le comte de Warwick enfin, geôlier de la Pucelle.
[Le Chapitre de Rouen]
Membre aussi du Conseil, l’évêque de Beauvais, Pierre Cauchon, eut tout d’abord besoin d’une délégation pour entamer, dans une province et un diocèse qui n’étaient pas les siens, un procès en matière de foi. Moins en droit qu’en fait, l’archevêché et le doyenné étaient en même temps vacants94. Il s’adressa au Chapitre : malgré des protestations 30et des hésitations, la chose fut accordée le 28 décembre95. Les chanoines de la cathédrale de Rouen étaient au nombre de cinquante. Plusieurs d’entre eux joueront un rôle important dans le procès. Il est utile d’apprécier la mentalité
de ce corps ecclésiastique, puisqu’on rejette sur l’Église la condamnation de Jeanne d’Arc. Depuis le transfert de l’archevêque Jean de la Rochetaillée au siège de Besançon (12 oct. 1429, le roi Henri VI, en vertu du droit de régale, nommait aux bénéfices. Dès l’année 1421, par sentence des vicaires généraux, à l’instigation d’Henri V, treize chanoines, fidèles à la cause du Dauphin, avaient été privés de leurs stalles. Ceux qui les remplacèrent durent prêter serment de fidélité au roi d’Angleterre ; quelques-uns devinrent membres du grand Conseil. Ceux qui intervinrent au procès étaient tous redevables de bénéfices aux nouveaux maîtres de la Normandie96. On peut ajouter que le corps du Chapitre était fort avancé dans la question du schisme qui désolait l’Église : ceux qu’il délégua au concile de Bâle — et qui participèrent tous au procès de Jeanne — y soutinrent sans ambages la suprématie du Concile sur le Pape et l’autorité des simples clercs pour définir les questions de foi et de discipline97.
III. [L’instruction du procès]
[Constitution du tribunal]
Le 3 janvier 1431, le jeune roi Henri VI, sous la régence de son oncle Bedford, fit remise de la Pucelle entre les mains de l’Église, mais sous réserve de la reprendre au cas où elle ne serait pas condamnée pour faits louchant la foi : on protestait 31d’agir sur l’exhortation de l’Université de Paris, par mouvement de zèle envers l’Église, par obéissance à ses ordres. Le 9 suivant, Cauchon fit une réunion préparatoire : y assistèrent les abbés de Fécamp et de Jumièges, le prieur de Longueville98, le trésorier de la cathédrale et quatre chanoines ; on examina la marche à suivre. L’évêque choisit pour promoteur ou procureur général (représentant le ministère public) un chanoine de Beauvais, Jean d’Estivet, surnommé Benedicite, son homme de confiance — j’allais dire son âme damnée — et qui le méritait99 ; on fit choix de deux greffiers parmi les notaires de la Cour archiépiscopale, plus d’un huissier. Le 13, le tribunal prit connaissance des informations faites sur l’accusée à Domrémy et en d’autres localités100. Contre le droit, ces enquêtes ne furent ni soumises à l’inculpée, ni communiquées aux nouveaux assesseurs, ni reproduites parmi les pièces du procès101. Elles étaient de tout point favorables à Jeanne, puisque les commissaires furent traités d’Armagnacs déguisés102.
Le 13 février parurent les six délégués de l’Université : Beaupère, 32Midi, Maurice, Courcelles, Texier et Feuillet, ces deux derniers franciscains. Le 19, le président annonce que l’information préparatoire a eu lieu ; lecture est donnée aux assesseurs des articles remis par le roi et des dépositions des témoins ; après une longue délibération, Cauchon décide qu’il y a lieu à poursuite. À la même séance, on constata un autre vice dans la procédure : l’affaire ne pouvait être conduite sans l’inquisiteur ou son vicaire à Rouen, le dominicain Jean Lemaître. Celui-ci ne s’y prêta qu’à contre-cœur103 et après avoir obtenu par lettres spéciales une délégation de son supérieur, Jean Graverent.
[Les interrogatoires publics]
Rendant compte de la citation à comparaître signifiée de la part du tribunal à la Pucelle, l’huissier Massieu rapporte la demande qu’elle avait faite, que des ecclésiastiques Français fussent en nombre égal aux Anglais et qu’on lui permît d’entendre la messe avant la séance. De la première requête, il ne fut pas question ; le promoteur refusa d’admettre la seconde, sous prétexte de l’habit monstrueux
(difformitate habitus) qu’elle portait.
Le premier interrogatoire eut lieu dans la chapelle du château, le 21 février, en présence de Cauchon, entouré de quarante-deux assesseurs. Dans tout le cours du procès on en compte 113, dont un (Midi) assista à 37 séances ; par contre 31 ne figurèrent qu’à une seule104. Dans ce nombre de 113, au moins 82 tenaient à l’Université de Paris. Presque tous gardèrent jusqu’au bout leurs idées préconçues contre l’inculpée. L’ensemble des questions posées montre à l’évidence que les interrogateurs 33cherchaient moins à éclairer leur religion sur la foi de la prévenue qu’à l’embarrasser, pour extraire de ses réponses matière à de nouvelles accusations et à une sentence de condamnation. Ils multipliaient les demandes simultanées et Jeanne était obligée de leur dire : Beaux seigneurs, faictes l’un après l’autre105.
À supposer que ses visions ne vinssent pas de Dieu et n’eussent qu’une cause naturelle, il fallait en examiner les conséquences, qui jamais ne la poussèrent au mal et ne constituaient pas ombre de péché. Ils virent un commerce avec le diable dans une âme virginale, qui ne redoutait rien tant que l’offense de Dieu et poussait chacun à le servir. Ils n’eurent pas honte de poursuivre de questions insidieuses, auxquelles les plus habiles auraient été parfois incapables de répondre, une fille simple, malade, épuisée106. Ce qui rehausse encore l’héroïne, c’est sa constance à porter seule la responsabilité de ses dits et faits
, sans récriminer jamais contre ses adversaires ou les ingrats qui la délaissaient. Son âme est pour ainsi dire transparente : elle laisse voir à nu les mobiles les plus intimes de sa conscience et ne devient réservée qu’à l’égard des secrets qu’elle ne peut révéler ou de l’honneur du prochain, surtout de son roi.
On a cru disculper Cauchon de n’avoir donné à l’accusée, dès le début, ni conseil ni défenseur. Il ne suffit pas de jeter un coup d’œil sur le Directorium Inquisitorum de Nicolas Eymeric, pour devenir canoniste et saisir dans tous ses détails la procédure compliquée de l’Inquisition. La défense n’était refusée au prévenu qu’après l’aveu de son crime :
Quand l’accusé n’avoue pas, il doit être admis à se défendre ; les défenses de droit doivent lui être accordées et ne 34peuvent lui être refusées. Ainsi donc, on doit lui donner un avocat, un procureur et copie de tout le procès107.
En toute hypothèse, une mineure avait d’ailleurs droit à un curateur, dont l’absence rendait le procès nul108.
La seconde séance eut lieu le lendemain, dans une chambre attenante à la grande salle du château. Il y eut cinquante assistants ; Cauchon chargea Beaupère, ancien recteur de l’Université, de faire les interrogations109. Jeanne récusa comme juges l’évêque de Beauvais et tout le clergé de Rouen et de Paris, comme étant ses ennemis ; c’est alors que Cauchon lui aurait répondu : J’ai ordre du roi de faire votre procès et je le ferai110.
À quatre reprises 35elle témoigna que ses voix lui avaient ordonné de répondre hardiment. Les articles dont il a été question devaient-ils servir de thème aux interrogations ? il n’y a pas lieu de le croire, car on n’y suivit aucun ordre. Les questions étaient amenées par des incidentes. Jeanne ayant terminé son serment, le 1er mars, par ces mots : Je dirai la vérité autant que si j’étais devant le pape de Rome
, la première question fut : Que dites-vous de notre seigneur le Pape et quel est celui que vous croyez être le vrai ?
[Les interrogatoires en prison]
Les six premiers interrogatoires tenus en public n’avaient point tourné à la confusion de l’accusée : ce n’était pas le résultat que Cauchon s’en promettait. Des assesseurs montraient de la sympathie : Warwick les menaça de les jeter à la Seine. Un lord anglais s’écriait : Cette femme est vraiment bonne, que n’est-elle Anglaise ?
À la fin de la séance du 3 mars, l’évêque de Beauvais chargea Beaupère, Texier, Midi, Maurice, Courcelles et Loiseleur d’extraire des réponses de Jeanne les points sur lesquels elle devait encore être interrogée. Il commit Fontaine pour le remplacer. À partir du 10 mars, les séances se tinrent dans la prison : avec le commissaire, deux docteurs, un avocat et l’huissier. Le 12, Lemaître, pourvu de lettres de délégation de son supérieur, l’inquisiteur Gravèrent, accepta de se joindre comme juge à Cauchon ; dans la séance du soir, Jeanne laisse entendre que sa mission n’était pas finie à Reims : elle devait durer moins de trois ans et plus d’un ; au besoin, elle aurait passé la mer pour aller quérir le duc d’Orléans en Angleterre. Lemaître prit séance le 13, confirma d’Estivet dans sa charge de promoteur111 et nomma un troisième greffier, Taquel. Le 14, Jeanne renouvela à Cauchon la menace du 36grand danger où il se mettait en jugeant mal ; ce même jour, elle manifesta ce que sainte Catherine lui avait prédit de sa délivrance : Prends tout en gré, ne te chaille pas de ton martyre, tu t’en viendras enfin en royaume de Paradis112
; la Pucelle l’entendait de sa sortie de prison. Ces douze interrogatoires aboutirent à quatre points, où on l’accusait d’avoir péché mortellement : elle y répondit dans la séance du soir.
On chercha à la prendre autrement sur la soumission due à l’Église. Dès le début et toujours, elle protesta ne rien penser contre la foi et vouloir se soumettre à l’Église comme le doit une bonne chrétienne
. Elle aimait l’Église et voudrait la soutenir de tout son pouvoir pour la foi chrétienne
. Le 17, on lui demanda de soumettre ses faits à la détermination de l’Église ; elle n’avait jamais entendu distinguer l’Église triomphante, Dieu, la sainte Vierge et les saints, à qui elle s’en rapportait, de l’Église militante, que ses juges disaient représenter devant elle. En somme, ces quinze interrogatoires, terminés la veille des Rameaux, avaient surtout roulé sur d’insidieuses subtilités : 13 fois on l’avait questionnée sur ses voix, 10 fois sur saint Michel, 18 fois sur sainte Catherine et sainte Marguerite.
Épuisée de fatigue, elle tomba malade113. On fit venir deux médecins, Tiphaine et La Chambre. Le gouverneur du château leur enjoignit de la guérir, car le roi ne voulait pas qu’elle mourût de mort naturelle, mais par justice et brûlée, l’ayant achetée assez cher114. 37Pendant la semaine de la Passion, il y eut quatre réunions, dont la minute française ne porte pas de traces. Cauchon fit décider de réduire les aveux de l’inculpée à un certain nombre de propositions, sur lesquelles on délibérerait. Le samedi 24, on aurait lu en français à Jeanne le registre contenant les interrogations et ses réponses
. On se trouve en présence de ce dilemme : ou la minute des procès-verbaux a singulièrement écourté le dialogue entre les juges et l’accusée, ou il a été impossible de relire la matière de quinze séances en une. L’instruction se termina le 25, jour des Rameaux, par une injonction d’avoir à quitter l’habit masculin pour communier à Pâques.
IV. [Le procès ordinaire]
[Les 70 articles du réquisitoire]
Le lundi saint, 26, commença le procès ordinaire, au domicile de Cauchon. Le lendemain, on fit comparaître Jeanne dans une chambre voisine à la grande salle du château, devant 38 assesseurs ; Courcelles commença la lecture des 70 articles qui devaient servir de base au promoteur pour le procès d’office. Chaque article est suivi, dans l’expédition latine, d’extraits des interrogatoires qui sont censés prouver l’accusation. Outre que ces citations des paroles de Jeanne sont d’ordinaire la justification de sa conduite incriminée, on y constate des interpolations et surtout de perfides interprétations. Il est douteux qu’on ait pu lire, même en deux séances (27 et 28), le texte des 70 articles et leurs prétendues preuves, qui occupent 124 pages de l’imprimé. À chacun la Pucelle répondit avec le calme de l’innocence et la netteté d’une inspirée, niant ce qui était faux et renvoyant aux procès-verbaux. Le samedi saint, 31, elle fut admise à compléter ses explications sur divers points. On la ramena encore 38sur la soumission due à l’Église115 : Vous soumettez-vous au Pape, aux cardinaux, archevêques et évêques ?
; Oui, mais Notre-Seigneur premier servi.
[Les 12 articles de l’accusation]
Du 2 au 4 avril, Cauchon fit réduire le factum de d’Estivet à 12 assertions ; d’après Courcelles, leur rédacteur fut Nicolas Midi. Rien ne transpira des discussions auxquelles le libellé de ces nouveaux articles donna lieu. Au procès de réhabilitation, Manchon déposa cinq feuillets de papier, de la main de Jacques de Touraine, où ces articles étaient d’une forme souvent différente ; une autre feuille, de la plume de Manchon, contenait les corrections à y opérer. Elles étaient bien insuffisantes pour ramener les 12 articles à l’exacte reproduction des dits et faits de Jeanne. Le 4 avril, ces corrections à faire furent renvoyées par les juges aux maîtres et docteurs : on n’en tint à peu près aucun compte. Ces 12 articles, chose capitale, ne furent pas communiqués à l’inculpée, qui n’aurait pas manqué d’en faire une lucide réfutation. Le 5, Cauchon en fit expédier copie aux gradués de Rouen et à l’Université de Paris : ils devaient lui faire retour avant le 10 du mois, chaque proposition accompagnée d’une qualification théologique. Voici celles que leur appliquèrent les juges de la réhabilitation, qui furent la probité même
, au dire de Jules Quicherat :
Nous prononçons que les articles ont été mensongèrement, perfidement, calomnieusement, frauduleusement et malicieusement extraits du prétendu procès et des prétendus aveux de la défunte. On y supprime la vérité, on y introduit la fausseté dans plusieurs points substantiels, de manière à égarer l’intelligence de ceux qui se sont prononcés d’après ce texte. Plusieurs circonstances 39aggravantes, non contenues dans les procès et aveux, y sont ajoutées ; quelques circonstances atténuantes et justifiant le sens des paroles y sont en plusieurs points passées sous silence ; la forme des paroles y est altérée de manière à en changer le sens116.
C’est la réponse du Saint-Siège à la déclaration de soumettre leur appréciation au jugement de l’Église romaine117, que formulèrent les théologiens rouennais dans la séance solennelle du 12 avril.
[Avis des docteurs de Rouen]
Leur sentence doctrinale fut conforme au désir de la Cour : Jeanne avait erré dans la foi. Si elle refusait d’abjurer, elle devait être livrée au bras séculier ; si elle y consentait, à une prison perpétuelle, au pain de douleur et à l’eau d’angoisse
. Ce fut le sentiment du premier qui opina, Denis Gastinel, membre du grand Conseil ; il prévalut. L’évêque de Beauvais en donna connaissance aux assesseurs absents, qui se trouvèrent devant la perspective de s’opposer témérairement à des maîtres de grand renom ou à faire acte d’hostilité envers le gouvernement anglais. Ceux qui ne donnèrent pas un avis suffisamment accentué, furent invités à le modifier. Le Chapitre de la cathédrale fut convoqué pour le 14 avril : trente chanoines seulement se rendirent à la réunion ; l’opinion de la majorité fut que les 12 articles fussent exposés en français à l’accusée : ce qui n’eut jamais lieu et on se garda bien d’insérer la délibération du Chapitre dans le procès-verbal. Cauchon demanda également leur avis aux onze avocats de la Cour archiépiscopale : ils s’abstinrent de se prononcer sur l’origine des révélations et l’official, Jean Basset, laissa entendre que le procès n’avait pas été conduit en conformité avec la décrétale De hæreticis 40du Sexte. Raoul Sauvage estima, en fin décompté, que ces articles devaient être soumis au Siège apostolique. L’évêque d’Avranches fut du même avis, mais on omit de le mentionner au procès-verbal. L’évêque de Coutances donna un plein assentiment, aussi sa lettre a été couchée dans le registre ; il enfui de même de celle de l’évêque de Lisieux, qui ne connaissait Jeanne que par ces mensongères imputations. Le 18, Jeanne reçut la visite caritative
de Cauchon et de sept assesseurs ; elle était malade et, à ce qui lui semblait, en grand péril de mort
. On la pressa de nouveau de se soumettre à l’Église : J’aime Dieu, répondit-elle, je le sers, je suis bonne chrétienne, je voudrais aider et soutenir la sainte Église de tout mon pouvoir.
Trois jours après, quatre docteurs partaient pour Paris, à l’effet de conférer avec le régent (qui avait quitté Rouen dès le 13 janvier118) et l’Université.
[Admonestation]
Le 2 mai se déroula la séance la plus solennelle, dans la chambre voisine de la grande salle du château : 64 ecclésiastiques y assistèrent, sans compter les juges, notaires et huissier. Cauchon chargea l’archidiacre d’Évreux, Jean de Châtillon, d’admonester la malheureuse prisonnière sur la nécessité de soumettre ses faits
aux clercs
; elle s’en référa à ses précédentes déclarations, tout en protestant de sa croyance que l’Église militante ne peut errer ni faillir
et qu’elle en répondrait au Pape, si on voulait la mener vers lui. Cet appel au Souverain Pontife n’était pas le premier : on n’en tint jamais compte. Et cependant, peu d’années avant, on l’avait admis pour des sortilèges avérés. Les docteurs 41ne trouvaient pas Rome trop loin, quand il s’agissait pour eux d’obtenir des bénéfices et des dispenses, ou même de prévaloir dans de simples questions de préséance119. On revint encore sur l’habit d’homme, qu’elle s’obstinait à garder, comme contraire à toutes les lois divines et humaines. Les procès-verbaux atténuent, au point de les rendre inintelligibles, les raisons que la Pucelle donna de sa conduite à cet égard, au dire de plusieurs témoins de la réhabilitation. Cet habit lui était indispensable pour résister aux tentatives criminelles dont elle fut plusieurs fois l’objet et peut-être la victime120. Elle consentait à le quitter pour entendre la messe et communier, sauf à pouvoir le reprendre ensuite : on lui en refusa toujours la facilité. À ceux qui croiraient voir dans sa conduite l’obstination d’une illuminée, il est facile de répondre : en présence de deux préceptes incompatibles, l’accomplissement du supérieur annule l’obligation d’exécuter le moindre. La conservation de sa virginité, consacrée à Dieu par vœu, était d’un ordre supérieur aux prescriptions ecclésiastiques. On lui proposa de soumettre son cas à l’archevêque de Reims et divers seigneurs, à des chevaliers de son parti ou encore à l’église de Poitiers. Elle y consentit, à la condition de leur écrire ou de les entretenir : la lecture des 70 articles lui faisait percevoir d’instinct qu’on dénaturerait sa conduite et ses paroles.
[Menace de torture]
42Le 9 mai, veille de l’Ascension, on voulut la terroriser par l’appareil et la menace de la torture, dans la grosse tour du château121. Elle protesta que, si la douleur lui arrachait des aveux contraires à ses dépositions, elle les révoquerait ensuite. Le procès-verbal écourte l’interrogatoire, mais on sait par le témoignage de l’appariteur chargé de la tourmenter, qu’elle répondit avec beaucoup de sagesse et que les assistants en furent dans l’admiration. Le 12, Cauchon interrogea chez lui une douzaine de conseillers sur l’opportunité d’employer la torture : Morel, Courcelles et Loiseleur en furent seuls partisans ; on y renonça. Son application était-elle légale dans ce cas ? On en peut douter.
[Avis de l’Université de Paris]
Saisie des 12 articles, l’Université de Paris décida, le 28 avril, que les Facultés de théologie et de droit canon qualifieraient les propositions, chacune de leur côté. Le 14 mai, lecture fut donnée de la sentence des théologiens ; elle rappelle un mot cruel : les haines théologiques sont implacables. Les canonistes condamnaient conditionnellement : si l’accusée avait en réalité soutenu les propositions incriminées. L’Université entière ratifia l’appréciation des deux Facultés : elle avait comme base un exposé mensonger. Les députés rapportèrent en outre deux lettres adressées, l’une au roi, l’autre à Cauchon, qu’on couvrait d’éloges pour leur zèle. Jeanne était dès lors condamnée sans miséricorde. Si l’opinion des docteurs de Paris avait suffi pour entraîner celle des consulteurs rouennais, combien plus celle du corps de l’Université ! L’Alma mater demandait que la cause fût par justice menée à fin brièvement
. On se hâta.
[Exhortation caritative]
Le 19 mai, dans la chapelle de l’archevêché, Cauchon communiqua le jugement des Facultés et demanda aux 48 assesseurs présents 43leur avis : personne n’osa contredire l’Université ; cinq seulement demandèrent un supplément d’information. On décida de tenter encore une démarche caritative
auprès de la prévenue. Elle eut lieu le 23, dans une chambre voisine de la prison. Les évêques de Thérouanne et de Noyon y furent présents avec celui de Beauvais. Pierre Maurice fut chargé de l’exhortation. Il commença par la lecture des 12 articles, ajoutant à chacun les qualificatifs dont l’Université les avait chargés. Jeanne se contenta de déclarer s’en rapporter à ce qu’elle avait affirmé tout le cours du procès touchant ses faits et dits
, et de protester que, dans le feu du bûcher, elle n’en dirait pas autre chose122. Sincère ou feinte, une réelle commisération se manifeste dans l’admonition de Maurice. La suite montrera quels efforts Cauchon tenta par ses affidés pour obtenir de Jeanne une abjuration : ce serait la preuve éclatante de la clairvoyance des juges et de la légitimité du procès. Il était de toute importance pour la cause anglaise de la déshonorer et le roi de France avec elle, en prouvant au monde chrétien que c’était une aventurière123. Le vulgaire anglomane, dont la haine était attisée par l’attente, réclamait le dernier supplice, pour rendre courage aux Anglais dont elle était la terreur. À la fin, Cauchon conclut en la cause et renvoya au lendemain le prononcé de sa sentence124.
44V. [L’abjuration]
[Le cimetière de l’abbaye de Saint-Ouen]
Le soleil s’est levé radieux le 24 mai, jeudi après la Pentecôte. Les charpentiers ont terminé leur œuvre ; il est 8 heures. Deux estrades ont été dressées dans le cimetière de l’abbaye de Saint-Ouen125, l’une en face de l’autre. La plus grande est destinée aux deux juges, Cauchon et Lemaître, et au monde ecclésiastique : on distingue à son chapeau rouge le cardinal d’Angleterre, Henri Beaufort, évêque de Winchester, les évêques de Thérouanne, de Noyon et de Norwich, les abbés de Fécamp, de Saint-Ouen, de Jumièges, du Bec-Hellouin, de Cormeilles, du Mont-Saint-Michel, de Mortemer et de Préaux, les prieurs de Longueville-Giffard et de Saint-Lô de Rouen, 27 maîtres, docteurs, licenciés ou bacheliers, et plusieurs autres personnages. Sur l’autre montent Guillaume Érard, recteur 45émérite de l’Université de Paris et chanoine de Langres, chargé de la prédication126, les greffiers Manchon et Boisguillaume, l’huissier Massieu. Entre deux, des soldats anglais et une foule de curieux. De côté, le bourreau avec sa charrette, prêt à emmener la victime qu’on lui livrera127. Dès le matin, maître Beaupère128 s’était rendu par ordre auprès de Jeanne, dans sa prison ; il lui annonça qu’elle allait être conduite sur un échafaud pour y être prêchée
: Si vous êtes bonne chrétienne, ajouta-t-il, vous direz là que vous mettez tous vos faits et dits en l’ordonnance de notre mère saincte Église et en espécial des juges ecclésiastiques129
. Elle était sous cette impression quand une charrette vint la prendre pour la mener à Saint-Ouen130. Arrivée à une petite porte, elle se rencontra avec Loiseleur131, qu’on lui donnait pour conseil132 : Jeanne, croyez-moi, il ne tient qu’à vous d’être sauvée. Reprenez votre habit et faites ce qu’on décidera ; sans cela, vous serez en péril de mort. Si vous faites ce que je vous dis, il vous en arrivera tout bien 46et aucun mal ; vous serez mise entre les mains de l’Église133.
[La prédication de Guillaume Érard]
Jeanne montée sur l’ambon, Cauchon donna la parole à Érard. Le prédicateur prit pour texte ce verset de l’Évangile selon saint Jean : Le sarment ne peut porter de fruit par lui-même, s’il ne demeure attaché à la vigne.
Il développa solennellement son thème, nous dit le procès-verbal officiel : tous les catholiques doivent demeurer dans la véritable vigne, qui est notre sainte mère l’Église, plantée de la main du Christ. Par ses erreurs nombreuses et ses crimes graves, Jeanne s’est séparée de l’unité de l’Église, et a scandalisé le peuple chrétien. Le texte complet existait encore du temps d’Edmond Richer :
J’ay veu et leu ce sermon plain d’impostures,
dit-il dans son Histoire de la Pucelle d’Orléans134. En son absence, nous allons recourir aux témoins de la réhabilitation : sept en ont donné des extraits, qui semblent de simples variantes d’une seule idée. Courcelles est en cela, comme dans tout le reste de sa déposition, d’une nullité désespérante ; il n’avait retenu qu’un mot :
L’orgueil de ceste femme135.
— Ha ! noble maison de France, — dit Érard, — qui as toujours été protectrice de la foi et la maison très chrétienne, as-tu été ainsi abusée ! et Charles, qui se dit roi et de toi gouverneur, a adhéré comme hérétique et schismatique (tel est-il) aux paroles et faits d’une femme inutile et pleine de tout déshonneur ; et non pas lui seulement, mais tout le clergé de son obéissance et seigneurie, par lequel elle a été examinée et non reprise. C’est grand pitié !
À deux ou trois reprises, le prédicateur renouvela ses injures, puis levant le doigt :
— C’est à toi, Jeanne, à qui je parle et je le dis que ton roi est hérétique et schismatique.
— Par ma foi, 47sire, — répondit la Pucelle indignée, — révérence gardée, je vous ose bien dire et jurer sous peine de ma vie, que mon roi est le plus noble et sage chrétien qui soit au monde et qui mieux aime la foi et l’Église, et n’est point tel que vous le dites.
Agacés par cette verte réplique, Érard et Cauchon dirent à l’huissier :
— Faites-la taire136.
[L’appel au pape]
Le prédicateur n’en continua pas moins à la charger d’opprobres, l’accusant d’avoir outragé la majesté royale, Dieu et la foi catholique, d’avoir erré dans la foi ; que si elle ne s’abstenait désormais de ces péchés, elle serait brûlée137. Son sermon fini, Érard s’adressa de nouveau à Jeanne :
— Voici messeigneurs les juges, qui plusieurs fois vous ont sommée et requise de vouloir soumettre tous vos faits et dits à notre sainte mère l’Église, et que en ces dits et faits étaient plusieurs choses qui, comme il semblait aux clercs, n’étaient bonnes à dire ou soutenir.
— Je vous répondrai, — répartit Jeanne. — Pour ce qui est de la soumission à l’Église, j’ai demandé aux juges que toutes les œuvres que j’ai faites et mes dits soient envoyés à Rome, devers notre saint père le Pape, auquel et à Dieu premier je me rapporte. Quant aux dits et faits que j’ai faits, je les ai faits de par Dieu. De ces dits et faits je ne charge personne, ni mon roi ni autre ; et s’il y a quelque faute, c’est à moi et non à un autre qu’il la faut attribuer.
Interrogée si elle veut révoquer les faits et dits qu’elle a faits, qui sont réprouvés, elle répond :
— Je m’en rapporte à Dieu et à notre saint père le Pape.
On lui dit que cela ne suffisait pas et qu’il ne pouvait se faire qu’on allât quérir pour cette affaire notre saint père le Pape si loin ; que les ordinaires aussi étaient juges, chacun en leur diocèse, et à cause de cela il était nécessaire qu’elle s’en 48rapportât à notre sainte mère l’Église et qu’elle tînt ce que les clercs et gens en ce connaissant en disaient et avaient déterminé de ses dits et faits. On lui renouvela jusqu’à trois fois cette admonition138. Telle est la version de la minute officielle. Un des assesseurs témoigna plus tard qu’on aurait offert à Jeanne d’envoyer son procès au Pape pour qu’il en jugeât :
— Je ne veux pas que la chose se passe ainsi, reprit-elle ; je ne sais pas ce que vous mettriez dans le procès. Je veux être menée au Pape et qu’il m’interroge139.
L’appel au Pape était catégorique, ce qui n’empêchera pas Cauchon, dans sa sentence de condamnation, de reprocher à Jeanne d’avoir
refusé expressément et à plusieurs reprises de se soumettre au Pape notre seigneur et au sacré Concile général140.
Cet appel était de droit et cependant on ne voulut rien entendre.
— Cela ne suffit pas, on ne peut aller quérir le Pape si loin.
Il ne s’agissait pas de l’aller chercher, mais d’y conduire l’accusée ou de transmettre son procès. On a fait remarquer que les suppôts de l’Université ne redoutaient pas la longueur du voyage de Rome quand leurs intérêts étaient en jeu. Les ordinaires sont juges dans leur diocèse des causes de leur ressort, mais non des causes majeures, comme dans le cas de la Pucelle ; les privilèges de l’Université ne s’étendaient pas à l’évêque de Beauvais. La prétention de faire tenir par Jeanne comme vérités définies ce que les clercs et gens en ce connaissant
disent et ont déterminé, dénature complètement la notion de l’Église : ce n’est plus Jeanne qui est hérétique, c’est Érard qui est schismatique. D’ailleurs, combien de théologiens s’étaient prononcés en faveur de la Pucelle : les examinateurs 49de Poitiers, Gerson, Gelu, Jean de Mascon141, Quiéville.
[Lecture de la sentence et soumission de Jeanne]
Cauchon s’était rendu au preschement
, muni du texte de deux sentences préparées à l’avance : l’une, si elle ne se rétractait pas, l’abandonnait à la justice séculière ; l’autre, si elle consentait à abjurer ses erreurs, la condamnait à une prison perpétuelle142. Érard n’ayant pas obtenu la soumission de l’accusée, l’évêque de Beauvais commença la lecture de la sentence la plus rigoureuse. Il en avait prononcé la plus grande partie, quand Jeanne aurait pris la parole, pour dire qu’elle voulait tenir tout ce que les juges et l’Église voudraient dire et sentencier, et obéir du tout à leur ordonnance et volonté143.
Tout ce que nous savons d’elle, de son caractère, de son énergie, de sa foi, proteste contre le récit officiel. Pour reconstituer la scène de cette prétendue abjuration, nous allons recourir aux témoins du procès de réhabilitation, mais la difficulté n’est pas mince pour agencer dans un ordre chronologique et méthodique les divers incidents qu’ils relatent. On est comme en possession des pièces d’un jeu de patience, dont le plan est incertain144 ; à la fin on n’aura pas la preuve que les pièces ont été exactement entrelacées. Pour saisir la valeur des incidents et leur portée sur l’esprit de Jeanne, notons d’abord que les assistants éprouvaient les impressions les plus opposées : les Anglais comptaient sur une exécution immédiate, trop longtemps différée à leurs yeux ; ceux qui étaient persuadés de l’innocence 50de la Pucelle on émus de pitié désiraient sa délivrance.
[Essai de reconstitution chronologique des événements]
Pendant que Cauchon lisait la sentence de condamnation, Loiseleur s’approche de Jeanne et l’engage à faire ce qu’il lui avait conseillé et à reprendre l’habit féminin145. Érard intervient à son tour :
— Jeanne, nous avons grande pitié de toi ; il faut que tu révoques tes dits, ou nous t’abandonnerons à la justice séculière.
— Je n’ai rien fait de mal, — répond-elle ; — je crois aux douze articles du Symbole et aux dix préceptes du Décalogue. Au surplus, je m’en remets à la cour Romaine et veux croire tout ce qu’enseigne la sainte Église146.
L’évêque interrompt sa lecture. Érard en profite pour insister. Il lit une cédule préparée d’avance, qui contenait les points que Jeanne devait abjurer et révoquer, bille répond qu’elle n’entend point ce que c’est qu’abjurer et sur ce demande conseil. Érard charge Massieu de lui rendre ce service. L’huissier, après s’en être excusé, lui donne à entendre que si elle allait à l’encontre de ces articles, elle serait brûlée ; mais il lui conseillait de s’en rapporter à l’Église universelle si elle devait abjurer lesdits articles ou non. Elle dit donc à haute voix à Érard :
— Je m’en rapporte à l’Église universelle si je dois abjurer ou non.
À quoi Érard réplique :
— Tu abjureras et signeras présentement cette cédule, ou lu seras brûlée147.
Il ajoutait qu’en ce faisant, elle serait délivrée de prison148. Cette promesse ne fut pas la seule ; de l’interrogatoire du 28 mai et du témoignage de Manchon, il ressort qu’on lui fit les suivantes : elle serait remise aux 51mains de l’Église ; elle aurait une femme avec elle ; elle irait à la messe, elle recevrait l’Eucharistie ; on la mettrait hors des fers149.
— Jeanne, — lui criait-on de la foule, — faites ce qui vous est conseillé ; voulez-vous vous faire mourir150 ?
Harcelée d’obsessions, elle finit par s’écrier :
— Vous vous donnez beaucoup de peine pour me séduire151.
L’arrêt que venait de subir le prononcé de la sentence ne pouvait manquer d’offusquer ceux qui commençaient à craindre de voir frustrer leur espoir d’un supplice immédiat. Un grand murmure s’éleva dans l’assistance. Laurent Calot, secrétaire du roi d’Angleterre, et d’autres dirent à Cauchon qu’il tardait trop à proférer sa sentence, jugeait mal, était traître au roi son maître :
— Vous en avez menti, — riposta l’évêque, — et vous m’en rendrez raison152.
Le comte de Warwick lui-même témoigna de son mécontentement contre Cauchon et les docteurs :
— Les affaires du roi vont mal ; cette fille va nous échapper.
— Seigneur, n’ayez cure, — lui répondit l’un d’eux ; — nous la rattraperons bien153.
Le trouble agitait l’âme de la Pucelle ; au milieu de son émotion, sa mémoire, si fidèle et si vive d’habitude, oubliait les avertissements de ses voix, qui l’avaient prévenue par avance de ce qui arrivait ; sur l’échafaud, elle n’avait pas suivi leurs conseils, de répondre hardiment à ce faux prêcheur, qui lui reprochait des choses qu’elle n’avait point faites154. 52Oppressée155, terrifiée156, illusionnée par la perspective de sa délivrance157, qui semblait concorder avec les promesses antérieures de ses voix, décidée à ne rien révoquer qu’aillant que cela plût à Dieu158, elle dit à liante voix :
— Je me soumets au jugement de l’Église, priant saint Michel de me diriger et de me conseiller159.
Érard s’empresse de prendre acte de ce consentement. Il charge Massieu de lui relire la cédule d’abjuration, dont Jeanne redit après lui les articles160 ; elle fit au bas une croix avec une plume qu’il lui donna161, et en le faisant elle souriait162.
[Cédule d’abjuration insérée au Procès]
Le procès-verbal de condamnation renferme le texte de l’abjuration que Jeanne aurait signé ; il est indispensable de le reproduire :
Toute personne qui a erré et mespris en la foy chrestienne, 53 et depuis, par la grâce de Dieu, est retournée en lumière de vérité et à l’union de notre mère saincte Église, se doit moult bien garder que l’ennemi d’enfer ne le reboute et face recheoir en erreur et en damnacion. Pour ceste cause, je Jehanne, communément appellée la Pucelle, misérable pécherresse, après ce que j’ay cogneu les las de erreur ouquel je estoie tenue, et que, par la grâce de Dieu, sui retournée à nostre mère saincte Église, affin que on voye que non pas fainctement, mais de bon cuer et de bonne volonté, sui retournée à icelle, je confesse que j’ay très griefment péchié, en faignant mençongeusement avoir eu révélacions et apparicions de par Dieu, par les anges et saincte Katherine et saincte Marguerite, en séduisant les autres, en créant folement et légièrement, en faisant supersticieuses divinacions, en blasphémant Dieu, ses Sains et ses Sainctes ; en trespassant la loy divine, la saincte Escripture, les droits canons ; en portant habit dissolu, difforme, et deshonneste contre la décence de nature, et cheveux rongnez en ront en guise de homme, contre toute honnesteté du sexe de femme ; en portant aussi armeures par grant présumpcion ; en désirant crueusement effusion de sang humain ; en disant que toutes ces choses j’ay fait par le commandement de Dieu, des Angelz et des Sainctes dessusdictes, et que en ces choses j’ay bien fait et n’ay point mespris ; en mesprisant Dieu et ses sacremens ; en faisant sédicions et ydolatrant, par aourer mauvais esperis et en invocant iceulx. Confesse aussi que j’ay esté scismatique et par pluseurs manières ay erré en la foy. Lesquelz crimes et erreurs, de bon cuer et sans ficcion, je, de la grâce de Nostre Seigneur,retournée à voye de vérité, par la saincte doctrine et par le bon conseil de vous et des docteurs et maistres que m’avez envoyez, abjure déteste, regnie, et de tout y renonce et m’en dépars. Et sur toutes ces choses devant dictes me soubzmetz à la correccion, 54disposicion, amendement et totale déterminacion de nostre mère saincte Église et de vostre bonne justice. Aussi je vous jure et prometz à monseigneur saint Pierre, prince des apostres, à notre saint père le Pape de Homme, son vicaire, et à ses successeurs, et à vous, mes seigneurs, révérend père en Dieu, monseigneur l’évesque de Beauvais, et religieuse personne frère Jehan Le Maistre, vicaire de monseigneur l’Inquisiteur de la foy, comme à mes juges, que jamais, par quelque enhortement ou autre manière, ne retourneray aux erreurs devant diz, desquelz il a pleu à Nostre Seigneur moy délivrer et oster ; mais à tousjours demourray en l’union de nostre mère saincte Église, et en l’obéissance de nostre saint père le Pape de Homme. Et cecy je diz, afferme et jure par Dieu le Tout Puissant et par ces sains Evangiles. Et en signe de ce, j’ay signé ceste cédule de mon signe.
Ainsi signée :
Jehanne ✝.
Ce texte français est suivi d’une version latine, commençant par ces mots : Quotiens humanæ mentis oculus163…
[Ce n’est pas celle présentée à Jeanne]
La formule ci-dessus est-elle bien, dans son étendue et son contenu, celle que Jeanne a lue et signée ? Je ne suis pas le premier à affirmer : non. Pas un témoin n’a attesté leur identité, cinq l’ont niée. Voici leurs attestations. — Massieu : Je sais fort bien que ladite cédule (de l’abjuration) contenait environ huit lignes, et pas davantage164. — De la Chambre : Jeanne lut à la suite (de Massieu) une petite cédule, contenant six ou sept lignes, sur un feuillet de papier double : et j’étais si près que je pouvais aisément voir les lignes et leur disposition165. — Taquel : Je fus présent à Saint-Ouen, lors du premier 55preschement
, mais je n’étais pas avec les autres notaires sur l’ambon. J’étais cependant assez près et en position de pouvoir entendre ce qui se faisait et se disait. Je me souviens bien d’avoir vu la même Jeanne, quand la cédule d’abjuration lui fut lue, et celui qui la lut fut maître Jean Massieu : elle pouvait contenir environ six lignes de grosse écriture. Et Jeanne la redisait elle-même après ledit Massieu. Cette lettre d’abjuration était en français, commençant par Je Jehanne, etc.166 — Monnet : Je vis une certaine cédule d’abjuration, qu’on lut alors ; il me semble que c’était une petite cédule, comme de six ou sept lignes167. — Migiet : Quant au fait de l’abjuration qu’elle fit et qui était écrite, elle dura autant, ou à peu près, qu’un Pater noster168.
En résumé, la formule prononcée par Jeanne était contenue en six ou sept lignes, huit au plus : celle du Procès en a une cinquantaine. Autre différence : la première commençait par : Je Jehanne ; la seconde débute par : Toute personne qui a erré.
À sa déposition, l’huissier Massieu a ajouté cette déclaration formelle : Je suis absolument sûr que la cédule (lue par 56la Pucelle) n’était pas celle dont il est fait mention au Procès ; car celle qui a été insérée dans le Procès est différente de celle que j’ai lue et que Jeanne a signée169. Le témoignage de Massieu a une valeur exceptionnelle, car ayant lui-même lu et fait prononcer à Jeanne la formule, il avait dû en conserver un souvenir plus vivace que personne170.
[Reconstitution de la cédule authentique]
Pouvons-nous savoir exactement ou par approximation ce que renfermait la formule authentique, dont le texte n’a pas été inséré au procès-verbal et a disparu depuis ? Interrogeons de nouveau les témoins entendus pour la réhabilitation. Taquel nous a indiqué le début de la pièce. — Massieu : Je me souviens bien que dans cette cédule il était spécifié que désormais Jeanne ne porterait pas les armes, l’habit d’homme, les cheveux rasés et beaucoup d’autres choses dont je n’ai pas mémoire171. — Du Désert : J’entendis Jeanne faire l’abjuration, se soumettant à la détermination, au jugement et aux commandements de l’Église172. — Moreau : Je fus présent à 57Saint-Ouen, à la prédication dont ladite Jeanne fut l’objet. Je vis qu’on lui lisait une cédule ; mais que contenait-elle, je l’ignore. Je me souviens cependant qu’il était dit qu’elle avait commis le crime de lèse-majesté et qu’elle avait séduit le peuple173.
En réunissant ces fragments dans un ordre méthodique, M. le chanoine Dunand est arrivé à reconstituer la formule authentique perdue174 ; pour avoir la longueur et le contenu indiqués par les témoins, ce texte ne reste pas moins hypothétique, à cause des mots multa alia175 du témoin principal, Jean Massieu.
[Jeanne a-t-elle signé une autre cédule ?]
Cette cédule d’abjuration est-elle la seule que Jeanne ait signée ? Non, à s’en rapporter au témoignage du chevalier Aimon de Macy. Lorsque Jeanne eut manifesté l’intention de se soumettre, un secrétaire du roi d’Angleterre, nommé Laurent Calot, tirant de sa manche une petite cédule, la présenta à Jeanne pour la signer. Elle répondit qu’elle ne savait ni lire ni signer. Ce nonobstant, ledit secrétaire Laurent Calot lui donna ladite cédule et une plume pour signer ; Jeanne, en guise de moquerie, fit un signe rond. Alors Laurent Calot saisit sa main avec la plume et lui fit faire 58un autre signe dont le témoin n’avait pas souvenance176, c’est-à-dire qu’il n’avait pas été assez rapproché pour l’apprécier. Faut-il voir dans ce récit une simple variante de celui que Massieu nous a raconté ? Les deux faits doivent-ils au contraire être considérés comme distincts ? Et dans cette hypothèse, en quel ordre se sont-ils succédé ?
Dans sa déposition embarrassée, Courcelles avoue être certain que Nicolas de Venderès avait écrit une cédule qui commençait par ces mots : Quotiens cordis oculus ; il croit l’avoir vue entre ses mains avant l’abjuration177. Passa-t-elle des mains de Venderès en celles de Calot et, après avoir été signée par Jeanne, en celles de Cauchon, pour être ensuite couchée dans le procès-verbal ? M. Dunand incline fort à le croire ; il en semble même très persuadé. Ce point, je l’avoue, est de tous ceux qui concernent la vie de la Pucelle celui qui m’a le plus intrigué et sur lequel je demeure perplexe. Entre autres difficultés, comment Calot, après avoir objurgué l’évêque de Beauvais, lui reprochant de ne pas achever la sentence de condamnation, a-t-il pu, peu d’instants après, se prêter à faire signer à Jeanne un document qui devait lui épargner le dernier supplice ?
[Examen de l’opinion de Quicherat sur l’identité entre la cédule lue et celle insérée au Procès]
59Pour établir l’identité entre la formule lue à la Pucelle et celle du procès-verbal, Jules Quicherat a fait valoir que
Cauchon ne se serait point hasardé à une fabrication, ni même à une substitution de pièce178.
Observons qu’aucune ne figure dans la minute originale179 ; rappelons aussi que l’acte authentique ne fut mis en forme que longtemps après180. On a parfois supposé à Cauchon des scrupules que l’ensemble du procès ne justifie pas. Il fit lire, à la séance du 29 mai, la veille du supplice, la formule, grande ou petite, signée par Jeanne : trente-sept assesseurs à la suite de l’abbé de Fécamp, tout en la reconnaissant relapse, opinèrent
qu’il était cependant bon de lire devant elle la cédule et de la lui exposer, en lui prêchant la parole de Dieu181 ;
le prieur de Longueville ajouta cette réserve :
si, en dehors de toute contrainte, cette femme a confessé ce qui est dans la cédule182.
[Validité de l’acte juridique]
La grande majorité, chez qui la passion ne l’emportait pas sur le sentiment de la justice, éprouvait donc des doutes sur la validité de l’acte juridique de l’abjuration. Le président, nous le verrons, ne déféra pas à ce désir et passa outre. Les témoins sont nombreux qui vont nous affirmer l’ignorance de Jeanne à l’endroit de la renonciation qu’on lui arracha. Ceux qui l’avertirent le matin de la cérémonie de Saint-Ouen, se gardèrent bien de la prévenir de ce qu’on allait exiger d’elle. Au premier mot d’abjuration, elle déclara ne savoir ce que c’était ; 60et Érard, s’apercevant que Massieu la mettait en garde contre le péril auquel une réponse imprudente pouvait l’exposer, signifia à l’huissier de ne plus parler avec elle183. La formule et son contenu ne lui furent pas autrement exposés, quoi qu’on en ait dit184.
En la redisant à la suite de Massieu, elle prononça des mots vides de sens pour elle : on faisait d’ailleurs grand bruit dans la foule185, au point que plusieurs témoignèrent s’être bien aperçus de l’acte d’abjuration, mais n’avoir rien compris. — Boisguillaume : Je sais que la cédule d’abjuration fut lue en public ; par qui, je n’en ai pas souvenance ; mais je crois que Jeanne ne la comprenait en aucune façon, et qu’elle ne lui fut pas exposée186. — Manchon : En ce qui concerne les autres choses (en dehors du port de l’habit viril) qu’on lui disait avoir été abjurées par elle, elle protestait n’avoir rien compris au contenu de l’abjuration187. — Massieu : Je voyais bien que Jeanne ne comprenait pas ladite cédule ni le péril qui la menaçait188. — Elle-même, dans le dernier interrogatoire affirma que ce qui était en la cédule d’abjuration, elle ne l’entendait point ; quant à ce qui lui fut dit, qu’en l’échafaud avait dit, mensongèrement s’être vantée que 61[ses voix étaient celles de] saintes Catherine et Marguerite, répond qu’elle ne l’entendait point ainsi faire ou dire189.
[Dimension de l’acte moral]
Si nous cherchons à pénétrer dans la moralité de son acte, si réduite qu’elle fût par les circonstances, nous trouverons comme objet une soumission louable à l’Église, comme mobile la crainte et l’espérance. — Du Désert a dit plus haut que Jeanne fit une abjuration, se soumettant au jugement de l’Église189b. — Manchon : Pendant cet intervalle (interruption de la sentence), Jeanne répondit qu’elle était prête à obéir à l’Église ; alors ils lui firent prononcer une abjuration dans ce sens190. — Bouchier a témoigné qu’au moment d’y consentir elle dit à haute voix qu’elle se soumettait au jugement de l’Église190b. — Cusquel déclara avoir entendu de la bouche même de Jeanne, au sermon de Saint-Ouen, qu’elle ne voulait rien tenir contre la foi catholique191. — Enfin Beaupère l’ayant, comme il a été relaté précédemment, engagé à mettre tous ses faits et dits en l’ordonnance de notre mère sainte Église, elle répondit qu ainsi ferait-elle192. Jeanne eut peur de la mort. Érard l’en menaçait, le bourreau l’attendait avec sa charrette. Les assistants s’en aperçurent et elle-même l’avoua. — Manchon : Tout ce qu’elle a fait, ce fut par crainte du feu, voyant le bourreau prêt avec sa charrette193. — Boisguillaume : Elle refusa longtemps de signer la cédule d’abjuration, mais enfin contrainte par frayeur elle signa et fit une croix194. — Massieu : (Violentée 62par Érard), elle répondit : j’aime mieux signer que brûler195. — Dans l’interrogatoire du 29, elle dit que de peur du feu elle a dit ce qu’elle a dit196. — D’après l’évêque de Noyon, aux yeux des spectateurs, l’abjuration avait l’air d’une plaisanterie ; Jeanne elle-même n’en tenait pas de cas, elle s’y décida vaincue par les prières des assistants197. — D’après De la Chambre, elle se décida sur la parole d’Érard qu’elle serait délivrée de prison198.
[Examen théologique]
Avant de passer aux conséquences de cette abjuration pour la malheureuse inculpée, examinons-la brièvement au point de vue théologique, c’est-à-dire des conséquences qu’elle pourra avoir touchant la béatification. M. Dunand a traité cette question avec compétence199, et il suffira de le résumer. Par abjuration, exigée des accusés coupables ou suspects en cause de foi, on entend une rétractation extérieure, par devant témoins, et une détestation solennelle de toute hérésie, avec affirmation de la vérité catholique et engagement de persévérer dans la foi de l’Église, sous peine des châtiments édictés par le droit, le tout sous la foi du serment200. On a vu les motifs qui poussèrent Cauchon, sauf à mécontenter pour un temps les Anglais, à exiger de Jeanne une abjuration : la double sentence et la double cédule préparées 63à l’avance ne laissent aucun doute à cet égard. Les règles prescrites aux juges pour qu’il y ait abjuration véritable, relèvent les unes du droit canonique, les autres du droit naturel.
D’après les règles canoniques d’ordre positif, le cas de l’abjuration de la Pucelle aurait dû être examiné et décidé en séance officielle. Le procès-verbal n’en dit rien : il n’y eut aucun intervalle entre la conclusion de la cause et le prêche de Saint-Ouen201. Cet acte aurait dû être annoncé au peuple quelques jours auparavant : ce fut un coup de surprise, surtout pour l’accusée. Le juge lui-même aurait dû lui faire sommation publique d’abjurer, en précisant les points de la foi catholique sur lesquels elle avait erré. Quoi qu’en dise le texte de la fausse cédule, Jeanne ne prêta pas de serment : aucun témoin n’y fait allusion et elle-même, au dernier interrogatoire, répondra n’avoir jamais compris qu’elle eût fait serment de ne pas reprendre l’habit d’homme202. Enfin, séance tenante, un notaire aurait dû dresser un procès-verbal de l’abjuration, exposant les faits, constatant les termes : rien n’en fut exécuté203.
Au point de vue du droit naturel, il était indispensable que l’inculpée fût mise en mesure d’avoir conscience de l’acte qu’on lui demandait et qu’elle le fît librement : ni les juges ni le prêcheur ne lui donnèrent aucune explication ; elle-même et les témoins de la réhabilitation ont affirmé qu’elle n’eut pas la claire intelligence de la situation. Inutile de rappeler les violences, les menaces, les promesses mensongères dont on usa pour déterminer sa volonté : elle réserva d’ailleurs entièrement les droits et les devoirs de sa conscience, en protestant qu’elle 64entendait ne rien révoquer si ce n’était pourvu que cela plût à Dieu204. Il y eut donc un semblant d’abjuration canonique ; il n’y eut pas d’abjuration canonique réelle. Nous allons voir ce qu’on en pensa vingt-cinq ans après.
[Avis des docteurs de la réhabilitation]
Le promoteur du procès de réhabilitation a exposé ainsi les motifs de fausseté qui pèsent sur la cédule du procès-verbal : La prétendue abjuration imposée à Jeanne par des juges iniques doit être pesée, car celle qui a été insérée dans le procès fut fabriquée après l’achèvement du procès ; elle est très longue, composée avec artifice, au-dessus de l’intelligence d’une fille simple et ignorante ; il y a plus, c’est une autre qui lui a été présentée, toute différente et plus courte ; l’eût-elle prononcée par crainte, son acte n’aura aucune portée ; c’est sous le coup de la frayeur produite par la présence du bourreau, le pétillement du feu du bûcher et la menace d’une mort cruelle qu’elle a agi205.
Aussi les juges apostoliques cassèrent-ils et déclarèrent-ils nulle cette prétendue abjuration, fausse, subreptice, extorquée par la violence et la terreur, en présence du bourreau et sous la menace des flammes du bûcher, sans que ladite défunte l’ait aucunement prévue et comprise206.
[Lecture de la seconde sentence ; Jeanne retourne en prison]
Dès que Jeanne eut signé, Loiseleur s’empressa auprès d’elle pour lui dire :
— Jeanne, vous avez fait une bonne journée, s’il plaît à Dieu, et avez sauvé votre âme207.
65Beaucoup se réjouissaient de sa soumission208. D’autres, parmi les Anglais, étaient furieux de voir échapper leur proie. On jeta même des pierres contre l’estrade des juges209. Ils se mirent à reprocher à l’évêque de Beauvais et aux universitaires de Paris de favoriser les erreurs de Jeanne210. Un ecclésiastique, docteur, garde du petit sceau du cardinal d’Angleterre, dit à Cauchon :
— Continuez donc ! Vous êtes trop bienveillant pour l’accusée. Vous agissez mal en admettant cette abjuration ; c’est une dérision !
L’évêque, rouge de colère, lui répartit :
— Vous en avez menti. J’agis suivant ma conscience. Juge en matière de foi, je dois chercher plutôt le salut de l’accusée que sa mort.
Et il jeta le procès à terre, ajoutant qu’il n’en ferait pas davantage ce jour-là. Le cardinal intervint alors et réprimanda son chapelain, lui ordonnant de se taire211.
La soumission de Jeanne constatée, Cauchon demanda au cardinal ce qu’il convenait de faire ; celui-ci lui répondit qu’il y avait lieu de l’admettre à la pénitence. Mettant donc de côté la première sentence, l’évêque de Beauvais se mit en devoir d’en lire une autre, dont il avait eu soin de se munir. Il y déclara Jeanne très gravement coupable pour avoir feint mensongèrement des révélations et apparitions divines, séduit les autres, cru à la légère et témérairement, deviné superstitieusement, blasphémé Dieu et les saints, prévariqué contre la loi, la sainte Écriture et les sanctions canoniques, méprisé Dieu dans ses sacrements, apostasié, commis le crime de schisme et erré fréquemment en la foi catholique. (Pour être conformes aux articles qualifiés par l’Université de Paris, 66ces accusations ne tiennent pas devant les interrogatoires et les faits.) En considération de sa soumission, on la déliait des chaînes de l’excommunication ; mais, comme elle avait péché témérairement contre Dieu et la sainte Église, on la condamnait à la prison perpétuelle, au pain de douleur et à l’eau d’angoisse212. Jeanne n’avait naturellement rien compris de cette sentence prononcée en latin ; la lecture finie, elle dit aux juges :
— Or ça, entre vous, gens d’Église, menez-moi en vos prisons, et que je ne sois plus entre les mains de ces Anglais.
Sur quoi l’évêque de Beauvais répondit :
— Menez-la où vous l’avez prise213.
Durant le retour à la prison du château, les soldats l’insultaient sous l’œil approbateur des officiers anglais214. Interrogé sur les motifs qui déterminèrent les juges à la condamner à la prison perpétuelle, après lui avoir promis qu’il ne lui serait fait aucun mal, Manchon répondit que la diversité des obédiences n’y fut pas étrangère ; on craignait qu’elle ne s’échappât215.
[Visite du vice-inquisiteur ; fureur des Anglais]
Le même jour, après midi, Lemaître et plusieurs autres se rendirent au château, pour encourager la prisonnière à réaliser ses promesses : elle reprit des vêtements de femme216. Les seigneurs Anglais étaient fort en colère contre l’évêque de Beauvais, les docteurs et autres assesseurs, de ce que Jeanne n’avait pas été incontinent condamnée et livrée au supplice. Leur indignation se traduisit, au retour de Lemaître du château, par des voies de fait ; ils dégainèrent contre eux leurs épées, disant que le roi n’en avait pas pour son argent217. Durant les jours suivants, tous ceux qui par sympathie 67voulurent pénétrer jusqu’à la prisonnière, furent rudoyés et menacés de mort218.
VI. [Jeanne a repris ses vêtements d’homme]
[Justification de Jeanne d’après le Procès]
Le 27 mai, dimanche de la Trinité, le bruit se répandit dans Rouen que la Pucelle avait repris ses vêtements d’homme. La curiosité amena nombre de clercs au château. Cauchon vint lui-même le lendemain, accompagné du vice-inquisiteur et de sept assesseurs, pour constater la prétendue rechute de la prisonnière.
Interrogée sur les motifs qui lui avaient fait reprendre son vêtement d’homme, elle aurait, d’après le procès-verbal, donné pour raisons une préférence, une convenance et aussi le mécontentement de n’avoir pas vu exécuter les promesses qu’on lui avait faites. Elle a bien pu répondre d’une manière réservée et à mots couverts aux personnages officiels ; mais, pour apprécier la moralité de l’acte qui servit de premier prétexte au nouveau procès, il faut en connaître toutes les circonstances. Dans le même interrogatoire, elle avait répondu à Cauchon :
— J’aime mieux mourir que d’être dans les fers… J’aime mieux faire ma pénitence en une fois, c’est à savoir mourir, que d’endurer plus longtemps peine en chartre219.
[Justification de Jeanne d’après les témoins de la réhabilitation]
Durant sa captivité, ses gardes avaient tenté plusieurs fois de lui faire violence ; un jour, le comte de Warwick entendit ses cris et vint à son secours220. De la Chambre et Massieu ont raconté le guet-apens qui contraignit Jeanne à prendre son habit viril : on a essayé de révoquer en doute le témoignage de 68l’huissier : sans raison, à mon avis ; il a précisé le moment où la Pucelle lui raconta ces faits : le mardi suivant, avant dîner221. Pourquoi, après avoir été contrainte de reprendre son vêtement habituel, refusa-t-elle de le quitter ? L’honnête Manchon a été plus explicite dans sa déposition que dans sa minute :
Jeanne, interrogée sur la cause qui lui avait fait reprendre l’habit viril, répondit qu’elle avait fait cela pour défendre sa pudeur, qu’elle n’était pas en sécurité sous l’habit de femme avec ses gardiens, qu’ils avaient voulu attenter à son honneur, ce dont elle s’était plainte plusieurs fois à l’évêque et au comte222.
Les dominicains Ladvenu et La Pierre, qui témoignèrent entre tous de la compassion à Jeanne à ses derniers moments, avaient reçu de la malheureuse de poignantes confidences. Le premier déposa avoir ouï de sa propre bouche qu’un grand seigneur anglais pénétra de nuit dans son cachot et tenta de lui faire violence223. Le second tenait également d’elle qu’un personnage de grande autorité avait tenté de lui faire violence ; pour être plus apte à résister, elle avait repris l’habit viril, qu’on avait laissé à mauvaise intention près d’elle dans la prison224. On comprend dès lors que, par déférence pour ses juges, elle ait offert de se vêtir en femme, à la condition d’être en lieu sûr, où sa vertu n’aurait rien à craindre225. Il est profondément triste de constater que ces considérations d’honneur de femme, de pudeur de vierge laissèrent Cauchon insensible : ce n’est certes pas la procédure inquisitoriale qui l’y obligeait. On avait trouvé un prétexte à une accusation de rechute : on n’y renoncera pas. Et quand l’archidiacre de Caux, Marguerie, se permit de dire :
— Avant 69d’aller plus loin, il serait bon de rechercher pour quelle cause elle a pris de nouveau l’habit viril,
un Anglais, brandissant sa hallebarde, lui dit :
— Taisez-vous, au nom du diable226 !
En sortant de la prison, Cauchon parut tout joyeux ; à Warvick et aux Anglais qui attendaient dehors le résultat, il jeta ces paroles en riant :
— Farewell, farewell, il en est faict, faictes bonne chière227.
[Suite de l’interrogatoire d’après le Procès]
Reprenons la suite de l’interrogatoire du 28 :
— Depuis jeudi, n’avez-vous point entendu vos voix ?
— Oui.
— Que vous ont-elles dit ?
— Dieu m’a mandé, par saintes Catherine et Marguerite, la grande pitié de la trahison que j’ai consentie, en faisant l’abjuration et révocation pour sauver ma vie ; je me damnais pour sauver ma vie. Avant jeudi, mes voix m’avaient annoncé ce que je ferais ce jour-là et ce que je fis. — Mes voix me dirent sur l’échafaud que je répondisse hardiment à ce prêcheur, qui n’était qu’un faux prêcheur et me reprocha plusieurs choses que je n’avais pas faites — Mes voix m’ont dit depuis que j’avais fait grande mauvaiseté en faisant ce que j’ai fait, en confessant que je n’eusse pas bien fait228.
Arrêtons nous ici : il importe de bien peser la signification des reproches des saintes. Quant à contester la véracité de la minute française, je ne le crois pas possible. On a reproché à Courcelles d’avoir commis, dans sa traduction latine, des suppressions et des interpolations : elles n’ont peut-être pas la portée intentionnelle qu’on leur attribue229 ; en tout cas, elle ne tirent à aucune conséquence, puisque je 70m’en tiendrai au texte primitif. Celui-ci, j’en conviens, ne donne pas la sténographie de l’interrogatoire du 28 mai : il ne la fournit probablement jamais. Des séances de trois à quatre heures le matin, de deux à trois le soir sont résumées en peu de pages ; mais le notaire Manchon a affirmé que, si son résumé a pu pécher par omission des réponses dont on lui interdisait l’insertion, il n’a pas conscience d’y avoir sciemment inséré des choses fausses. C’est en majeure partie de ses procès-verbaux qu’on a tiré un portrait historique à nul autre pareil.
[Examen de l’opinion du chanoine Dunand sur l’abjuration ; désaccord et proposition alternative]
De ce que cet interrogatoire — le dernier de tous — ne fut pas lu à la Pucelle, est-il permis d’affirmer que
l’évêque de Beauvais a fait rédiger le tout comme il lui a plu230 ?
Ceci dépasse, ce me semble, la limite des conjectures permises. Contraint d’admettre la réalité des reproches énoncés, est-on autorisé à les expliquer par
cette peur du feu à laquelle Jeanne a un instant cédé, ce désir trop peu chrétien de sauver sa vie, cette horreur de la mort dont elle n’a pu se défendre à la vue du bourreau et à la pensée du bûcher231 ?
L’étude approfondie des textes me paraît interdire de se ranger à cette solution. Jeanne a mérité le blâme sévère de ses saintes, mais pour une tout autre cause. Reprenons ses réponses : ses voix lui ont reproché d’avoir consenti à faire l’abjuration et révocation, pour sauver sa vie, d’avoir fait ce qu’elle a fait et confessé qu’elle n’eut pas bien fait ; c’est par peur du feu qu’elle a dit ce qu’elle a dit232. L’objet et les mobiles sont bien distingués. Elle qui ne recula jamais devant les Anglais, qui bravait intrépidement la mort à l’assaut des remparts, venait de céder devant ses ennemis, en leur accordant ce qu’ils avaient mis tout en œuvre, violences, menaces et 71promesses, pour obtenir d’elle. Ses voix lui ordonnaient de résister à Érard. Elle hésita longtemps, les témoins l’affirment233. Elle mit à sa soumission les réserves que lui suggéra la délicatesse habituelle de sa conscience, mais enfin elle céda. Que fût-il advenu si elle eût persévéré dans sa résistance ? Cauchon aurait repris la lecture de la sentence de condamnation ; livrée incontinent au bras séculier, comme elle le sera dans six jours, elle mourait triomphalement sur le bûcher et réalisait la prédiction de ses voix : Ne te chaille de ton martyre, tu t’en viendras enfin au royaume de Paradis.
En cédant elle fit le jeu de ses juges qui, avant de donner aux Anglais la suprême satisfaction de sa mort violente, voulaient la déshonorer et avec elle son roi, en lui faisant confesser elle-même qu’elle était sorcière et hérétique ; en cédant, elle s’exposa aux violences dont elle fut l’objet et qui lui firent considérer la prison comme pire que la mort.
Cette explication — on le reconnaîtra, j’aime à le croire — est bien conforme aux textes et ne les contraint en aucune façon. Il n’en est plus de même si on rattache les avertissements des saintes à la crainte de la mort ou à la peur du feu. Ces sentiments, qualifiés par les théologiens de primo primi, sont involontaires et ne constituent par eux-mêmes aucune faute. Ses voix l’avaient prévenue de ce qu’elle ferait le jeudi : ce sont ses propres termes. Ce qu’elle a fait, c’est de signer une formule d’abjuration, préparée et sollicitée ardemment par ses ennemis. Qu’elle n’y ait rien compris, comme elle l’affirma ensuite, qu’elle ait formulé les réserves nécessaires pour mettre sa conscience à l’abri d’un péché grave, cela ne change rien à la nature du fait. Ses saintes, qui l’appelaient Fille de Dieu
, la voulaient mener par la voie royale de l’héroïsme au milieu des saints qu’elle-même 72nommait ses frères du Paradis
. Elle leur désobéit en cette circonstance décisive, comme jadis à Beaurevoir.
[Conclusion]
Le but principal de ce mémoire est atteint. On m’avait demandé d’étudier : L’abjuration de Jeanne d’Arc au cimetière de Saint-Ouen et l’authenticité de sa formule
. Je crois avoir établi les points suivants :
- La formule d’abjuration insérée dans le procès-verbal de condamnation n’est point celle qu’on a lue à la Pucelle et qu’elle a signée ;
- La formule authentique ne constituait pas une abjuration canonique en matière de foi ;
- En s’y soumettant, Jeanne a contrevenu à ses voix, mais son acte manqua des conditions essentielles de connaissance et de volonté.
VII. [Le procès de rechute]
[Délibération]
Il me reste à résumer les derniers jours de la condamnée : ce sera œuvre pie de l’accompagner au supplice, de recueillir son dernier souffle, qui sera pour Jésus.
Le procès de condamnation avait duré plus de quatre mois ; celui de rechute fut terminé en moins de trois jours. Pour constater la prétendue rechute, Cauchon était venu accompagné de sept assesseurs seulement, dont trois ne figurèrent en aucune autre réunion. À la séance décisive du 29, il y mit plus de solennité : trente-huit docteurs, licenciés ou bacheliers, en théologie, en droit canonique et civil, s’assemblèrent avec les juges dans la chapelle de l’archevêché. L’accusée n’y vint pas : on jugea inutile et sans doute dangereux pour l’issue qu’on avait en vue de la faire comparaître ; la simple équité réclamait cependant sa présence. À la suite de l’abbé de Fécamp, trente-cinq assesseurs trouvèrent 73bon que la cédule d’abjuration lui fût lue et exposée. L’évêque de Beauvais n’en fit rien et se borna à déclarer qu’il y avait lieu de conclure contre la relapse. Tout en la reconnaissant hérétique, la majorité fit appel à la mansuétude de la justice séculière : comme toujours, ce fut une formule vaine. Le même jour, les deux juges signifièrent aux prêtres et curés de la ville et du diocèse de Rouen d’avoir à citer Jeanne, dite la Pucelle, à comparaître le lendemain, 30, veille de la Fête-Dieu, à huit heures du matin, sur la place du Vieux-Marché, pour s’y voir déclarée relapse, excommuniée et hérétique. Avant sept heures, Massieu manifesta avoir exécuté la citation234.
[Dernier jour du procès]
Vers six heures et demie, Jeanne fut instruite dans sa prison par les dominicains Ladvenu et Toutmouillé du terrible supplice auquel la vengeance de ses ennemis la condamnaient.
— Hélas ! me traite-t-on ainsi horriblement et cruellement, qu’il faille que mon corps net en entier, qui ne fut jamais corrompu, soit aujourd’hui consumé et rendu en cendres !… Oh ! j’en appelle devant Dieu, le grand juge, des grands torts et ingravances qu’on me fait.
Survint l’évêque de Beauvais :
— Évêque, je meurs par vous… Si vous m’eussiez mise aux prisons de cour d’Église…, ceci ne fut pas advenu ; pour quoi, j’en appelle de vous devant Dieu235.
Apercevant Pierre Maurice :
— Maître Pierre, où serai-je aujourd’hui ce soir ?
— N’avez-vous pas bonne espérance en Notre-Seigneur ? lui répondit-il.
— Oui, Dieu aidant, je serai en Paradis236.
Tous retirés, frère Martin Ladvenu la confessa deux fois237, puis envoya Massieu faire part à l’évêque 74de Beauvais du désir de la condamnée de recevoir le sacrement de l’Eucharistie. Après avoir pris conseil, Cauchon autorisa Ladvenu à lui donner la communion et tout ce qu’elle demanderait. Le dominicain envoya chercher le viatique à l’église voisine ; on l’apporta avec irrévérence sur la patène, enveloppé dans le corporal, sans luminaire ni cortège, sans surplis ni étole. Ladvenu fut mal content
de ce manque de respect. D’après un témoin, le Corps du Christ fut porté en grande solennité, avec quantité de flambeaux ; on psalmodiait les litanies et les assistants répondaient : Priez pour elle !
Tous sont d’accord pour témoigner que Jeanne reçut la communion fort dévotement, avec grande abondance de larmes ; Ladvenu renonçait à l’exprimer238.
[Lecture de la sentence et mort]
Sur les neuf heures, le cardinal d’Angleterre239, les évêques de Beauvais, de Thérouanne et de Noyon, dix assesseurs et de nombreux ecclésiastiques se rendirent à la place du Vieux-Marché, près de l’église Saint-Sauveur. La place était déjà garnie d’hommes de guerre ; une foule innombrable240 en avait envahi les abords, ainsi que les rues avoisinantes et jusqu’aux toits des maisons et des halles241. Cent-vingt soldats étaient allés chercher Jeanne à la prison ; en habit de femme, un chaperon sur la tête, elle monta sur la fatale charrette des condamnés, avec Massieu et Ladvenu. En larmes, elle se recommandait à Dieu, à la sainte Vierge et aux saints. Bourrelé de remords, Loiseleur se précipita sur la charrette pour lui demander pardon de ses perfidies ; 75sans l’intervention de Warwick, les Anglais l’auraient tué. On avait disposé un échafaud ou ambon, où Jeanne fut placée. Nicolas Midi, chargé du preschement
, développa longuement le texte de saint Paul : Si un membre souffre, tous les membres souffrent.
Il termina par ces mots :
— Jeanne, va en paix ! L’Église ne peut plus te défendre et t’abandonne au bras séculier.
L’évêque de Beauvais prit alors la parole ; après une exhortation caritative
, il donna lecture de la sentence qui déclarait l’inculpée relapse et hérétique, la retranchait du corps de l’Église ; il terminait en demandant à la justice du roi de modérer ses rigueurs et d’épargner à la coupable la mort et la mutilation des membres, lui promettant le sacrement de pénitence si elle témoignait d’un vrai repentir. Cette finale ne concordait ni avec les évènements du matin ni avec ceux qui vont suivre.
L’arrêt prononcé, Jeanne se répandit en lamentations et en prières, invoquant la Vierge, les archanges, ses saintes. Elle sollicita des prêtres présents l’aumône d’une messe. Sur son désir d’avoir une croix, un Anglais en fit une petite avec le bout d’un bâton ; elle la baisa et la mit dans son sein. Mais elle voulait avoir l’image de Jésus crucifié ; sur la demande d’Isambart de la Pierre, qui était près d’elle, le clerc de Saint-Sauveur apporta celle de cette église ; elle l’embrassa et la tint longtemps pressée, continuant ses invocations. Les Anglais s’impatientaient : Comment, prêtre, crièrent-ils à Massieu, nous ferez-vous dîner ici ?
Deux sergents la firent descendre de son estrade et la menèrent à celle du bailli de Rouen, Raoul Bouteiller. Elle demeura un moment (aliquandiu) en sa présence242. Que se passa-t-il ? On n’a pas le témoignage du bailli, mais ceux de son lieutenant, Laurent Guédon, et de Pierre Daron, qui le fut ensuite, 76sont assez explicites : l’un et l’autre affirmèrent que, la sentence ecclésiastique rendue, la condamnée fut immédiatement (illico et sine intervallo, sine plure, sine aliquo intervallo), sans aucune sentence du juge laïque, livrée au bourreau243, à qui le bailli se borna à enjoindre de faire son office244 : c’était une dernière iniquité. On avait hâte de donner satisfaction aux Anglais, qui ricanaient, tandis que dans la foule et jusque sur l’estrade des juges, on pleurait245.
On ôta à Jeanne son chaperon et on lui couvrit la tête d’une mitre, avec ces mots : Hérétique, relapse, apostate, idolâtre246
; elle protesta :
— Je ne suis ni hérétique, ni schismatique247.
Elle monta sur le bûcher, qui était fort haut ; frère Ladvenu ne la quitta pas. Pendant qu’on la liait au poteau, elle implorait spécialement saint Michel248. Elle avait prié frère La Pierre de tenir la croix élevée devant elle durant le supplice. Le bourreau mit le feu par en bas ; quand la flamme commença à monter, elle dit à Ladvenu de descendre et demanda de l’eau bénite. Ce dominicain va nous faire le récit des moments suprêmes :
Estant dedans la flambe, oncques ne cessa jusques en la fin de résonner et de confesser à haulte voix le saint nom de Jhesus, en implorant et invocant sans cesse l’ayde des saincts et sainctes de 77Paradis ; et encore, qui plus est, en rendant son esperit et inclinant la teste, proféra le nom de Jhesus249 ;
elle le fit d’une voix si forte qu’elle fut entendue de tous les assistants250. La plupart des ecclésiastiques, soit émotion insurmontable, soit crainte d’encourir l’irrégularité, s’étaient retirés pour ne point assister à son agonie.
[Réactions et jugements de l’opinion publique]
Vers quatre heures après none, le feu avait terminé son œuvre ; par ordre du cardinal, les cendres et les parties de son corps qui n’avaient pu être consumées — au grand étonnement du bourreau — furent jetées dans la Seine251. Comme jadis au Calvaire, la foule s’était retirée en se frappant la poitrine.
— Celle qui vient de mourir, — disait Tressart, secrétaire du roi d’Angleterre, — était une fidèle chrétienne ; je crois son âme entre les mains de Dieu, et damnés tous ceux qui ont adhéré à sa condamnation252.
— Plût à Dieu, — disait en pleurant le chanoine Alespée, — que mon âme fût où je crois qu’est l’âme de cette femme253 !
Le plus ému était le bourreau,
craignant de non savoir jamais impétrer pardon et indulgence envers Dieu, de ce qu’il avait faict à ceste saincte femme254.
D’autres racontèrent avoir vu le nom de Jésus écrit dans les flammes255 ; l’âme s’était envolée, sous forme d’une colombe, du côté de la France256. Il n’en fallait pas tant pour produire une réaction dans l’opinion publique. D’après 78le notaire Boisguillaume, dès que Jeanne eut été brûlée, le peuple (populares) accola une note infamante de flétrissure au nom des juges et de tous ceux qui avaient participé au procès ; on les montrait au doigt et on leur témoignait de l’horreur257.
VIII. [L’Information posthume]
[Addition au Procès sans authentification des notaires]
Cauchon comprit la nécessité de réagir contre ce mouvement de l’opinion publique, qui faisait retomber sur lui l’iniquité du jugement et la cruauté du supplice. Neuf jours après, le 7 juin, il prit258 des informations auprès de sept assesseurs, qui avaient entendu Jeanne dans son cachot, le 30 mai, avant son départ pour la place du Vieux-Marché. Cette enquête posthume se présente dans des conditions matérielles qui préviennent tout d’abord contre son authenticité. Le procès de condamnation est clos par les attestations autographes des trois notaires et l’apposition des sceaux sur cire rouge des deux juges. Elle a bien été écrite à la suite ; mais, alors que les pages précédentes sont toutes revêtues de la signature du notaire Boisguillaume, il n’y en a aucune, ni au commencement ni à la fin de ces additions. On est fixé d’une manière indubitable sur la cause de cette omission. Après avoir raconté dans sa première déposition qu’il
fut à la continuation du procez jusques à la fin,
le notaire Manchon ajoute :
excepté qu’il ne fut point à quelque certain examen de gens qui parlèrent à elle à part, comme personnes privées ; néanmoins monseigneur de Beauvais le voulut contraindre à ce signer, laquelle chose ne voulut faire259.
Cette 79résistance est d’autant plus significative que le même Manchon, interrogé sur les différences palpables entre les 12 articles et les confessions de la Pucelle, répondit :
Ni moi ni mon collègue n’aurions osé faire d’observations (redarguere, contradicere) à de si haut personnages (tantos viros260).
[Questions qu’elle soulève]
Les deux collègues de Manchon ont-ils été sollicités de prêter leur ministère ? La chose est vraisemblable : ils auront refusé comme lui261. Mais il y avait à Rouen d’autres notaires. Pourquoi avoir omis de donner à une enquête de cette importance une forme authentique, qui lui obtint foi auprès de la postérité ? Pourquoi au moins ne pas l’avoir fait signer par les témoins ? Ces dépositions d’outre tombe n’ont aucune valeur juridique262. Méritent-elles créance pour nous instruire des derniers sentiments de Jeanne ? Elles émanent d’un juge devenu partie dans sa propre justification. La première, celle de Venderès, suffira pour nous édifier sur le sens et le but de toutes les autres :
Jeanne, encore en prison au château de Rouen, a déclaré que, attendu que ses voix lui avaient promis qu’elle serait délivrée de prison et qu’elle voyait le contraire, elle comprenait et savait avoir été et être déçue par elles263.
Elle aurait donc affirmé que ses voix l’avaient trompée et ne pouvaient par conséquent venir de Dieu. Interrogeons à notre tour ceux des témoins du 7 juin qui déposèrent 80au procès de réhabilitation : Ladvenu, Toutmouillé et Courcelles ; leur interrogatoire ne confirme en aucune façon leurs dires devant Cauchon. Inutile de les croire influencés plus tard par la réputation d’innocence et de sainteté de la Pucelle. Ceux qui n’y croyaient pas, comme Beaupère et Courcelles, n’eurent pas un mot de sympathie pour leur victime. Il y a plus : frère Ladvenu déposa que toujours, jusqu’à la fin de sa vie, Jeanne maintint et affirma que les voix qu elle avait eues étaient de par Dieu ; tout ce qu elle avait fait, elle l’avait fait par commandement de Dieu ; elle ne croyait pas avoir été déçue par ces mômes voix ; et les révélations qu elle avait eues étaient de Dieu264. C’est par là qu’il termina sa dernière déposition et on a pu croire que Jeanne fit ces protestations sur le bûcher. Comment accorder ces affirmations catégoriques du dominicain qui l’assista à ses derniers moments avec les paroles que Cauchon lui attribue265 ? On y reviendra dans un instant. Comment enfin, si Jeanne a recommandé à son confesseur de lui rappeler de faire sur le bûcher une déclaration dans le sens de l’enquête266, ni celui-ci, ni Cauchon, ni les autres n’y ont songé ? Les témoins ont pu tous entretenir Jeanne dans sa prison : il n’y a pas de motif de révoquer la chose en doute ; trois sur sept rappelleront d’ailleurs le fait, mais bien différemment, dans leurs dépositions à la réhabilitation. Cinq ou six267 d’entre eux l’avaient condamnée comme hérétique et relapse — hérétique pour n’avoir pas reconnu l’Église dans ses juges, relapse pour avoir sauvegardé sa vertu. L’atmosphère de haine et de 81cruauté qui pesait sur le tribunal avait influencé le verdict. Sous le coup de leurs préjugés, les sept témoins ont dû mal interpréter les propos de l’innocente jeune fille, épuisée d’émotions. Dès le 14 mars, tout en reproduisant exactement les promesses de ses voix concernant sa délivrance, elle leur donnait une fausse interprétation, y voyant l’annonce de sa libération du cachot. De ce fait, elle a pu se croire déçue, mais, d’après Venderès lui-même, elle maintenait la réalité de ses voix, loin de les renier : elle s’était trompée elle-même, mais ses voix ne l’avaient pas déçue.
[Elle servit à justifier le procès]
Cette information posthume était le point de départ et la justification de la lettre latine que Cauchon et le grand Conseil écrivirent, le lendemain 8 juin, sous le nom du roi Henri VI à l’empereur Sigismond. La divine clémence ayant fait tomber la Pucelle entre les mains des Anglais, sans vouloir se venger des torts qu’elle leur avait faits ni la livrer à la justice séculière, ils l’ont remise à l’Église. Convaincue d’être devineresse, idolâtre, superstitieuse, invocatrice des démons, blasphématrice…, elle a été après une rechute condamnée au supplice du feu. Le 28 du même mois, nouvelle lettre aux prélats, ducs, comtes, nobles et cités du royaume de France268. Dans l’une et dans l’autre on n’omettait pas d’ajouter que, sur sa fin, elle avait reconnu la fausseté et les mensonges de ses voix. L’Université de Paris, qui avait eu la haute main dans l’affaire, ne pouvait manquer d’intervenir ; son recteur écrivit au pape, à l’empereur et aux cardinaux, exaltant le service signalé rendu à la religion chrétienne par Cauchon et Lemaître269. En fait, la conscience des juges était-elle si tranquille ? Trois jours après sa lettre à l’empereur, le 12, 82Henri VI leur délivrait des lettres de garantie270. Pourquoi prendre des précautions contre le Pape et le Concile, après leur avoir soumis par avance la décision ? Inutile de relever les erreurs de celte lettre et des précédentes.
[Vers la révision du procès]
Le gouvernement anglais endossa toute la responsabilité du procès, de même qu’il en paya tous les frais. Les juges prévaricateurs demeurèrent donc à couvert sous sa garantie ; ils le furent davantage par l’amnistie qu’accorda Charles VII lors du recouvrement de la Normandie (1449).
Le roi, qui semble avoir perdu jusque-là le souvenir de sa libératrice, entra à Rouen le 10 novembre. Dès le 15 février, il donnait commission à un ancien recteur de l’Université de Paris, Guillaume Bouillé, de rechercher la vérité sur le procès de la Pucelle271. Bien au fait de la question, sur laquelle il semble avoir rédigé le premier mémoire pour provoquer la réhabilitation272, il fit comparaître, les 4 et 5 mars, sept témoins, dont quatre Dominicains ; cette enquête préliminaire (en français) ne fut pas insérée au corps du procès : elle ne pouvait avoir de valeur canonique273. Condamnée par un tribunal ecclésiastique, la Pucelle devait être réhabilitée par un représentant de l’Église muni d’une juridiction souveraine.
En avril 1452, le cardinal légat d’Estouteville ouvrit d’office 83à Rouen une information canonique ; il s’adjoignit l’inquisiteur de France, Jean Bréhal274 ; leur promoteur fut Guillaume Prevosteau. Les 2 et 3 mai, ils entendirent cinq témoins, sur un formulaire en douze articles275. Le 6, le cardinal délégua pour le remplacer Philippe de la Rose, trésorier du chapitre de Rouen. Sur la demande du promoteur, le questionnaire fut réparti en 27 articles, sur lesquels on reçut, les 8 et 9, les réponses de 16 témoins276. Le 10, le procès-verbal fut signé par les notaires. On le porta à Paris au cardinal, qui le transmit au roi, le 22, à Chissay en Touraine. Après le départ de d’Estouteville pour Rome, Bréhal garda la direction de l’affaire, avec l’appui effectif de Charles VII. Dans l’intervalle, plusieurs canonistes étudièrent à fond la question.
La procédure judiciaire subit un temps d’arrêt : le rapprochement des deux cours de France et d’Angleterre rendait délicate la poursuite de l’œuvre de réhabilitation. On eut l’heureuse idée de mettre en cause la famille même de Jeanne d’Arc : sa mère et ses frères réclamèrent à Rome l’annulation du procès de Rouen en 1454 ; leur supplique fut portée par Bréhal à Nicolas V, qui mourut peu après. Son successeur Calixte III commit, le 11 juin 1455, l’archevêque de Reims, les évêques de Paris et de Coutances pour procéder, de concert avec l’inquisiteur, à la révision de la condamnation.
[Procès de révision et sentence de réhabilitation]
La séance d’ouverture eut lieu, le 7 novembre, à Notre-Dame de Paris. Du 28 janvier au 14 mai, on interrogea de nombreux témoins à Domrémy, Vaucouleurs, Toul, Orléans, Paris et Rouen277. Jean d’Aulon déposa entre 84les mains du vice-inquisiteur de Lyon le 28 mai278. Les mémoires de Gerson, Bourdeilles, Basin, Bouillé, Ciboule, Montigny, Berruyer et Bochard furent joints au dossier279. La séance solennelle de réhabilitation eut lieu à Rouen, dans la grande salle de l’archevêché, le 7 juillet 1456. Au nom du Pape, les juges promulguèrent une sentence qui déclarait Jeanne indemne de toute note ou tache d’infamie ; comme réparation, on lacéra publiquement les 12 articles, on ordonna deux processions générales et la plantation d’une croix expiatoire sur la place du Vieux-Marché. Le monument d’iniquité était détruit280.
[Conclusion]
Pour produire la certitude dans l’esprit, la critique historique doit se rapprocher des opérations mathématiques, mais la preuve est souvent difficile à faire. Dans l’espèce, au terme de cette étude, j’ai vérifié la sincérité de mes recherches par un examen de conscience. J’ai recherché et je vais constater dans quelles dispositions d’esprit j’ai entrepris cette enquête historique.
Tout d’abord, comment ai-je été amené à m’occuper d’une question spéciale en dehors de mes recherches d’objet général sur le moyen âge ? Il y a plusieurs mois, la poursuite de la béatification de Jeanne d’Arc 85se trouva arrêtée à Rome par ce fait de l’abjuration. Le cardinal Parocchi, protecteur de la cause, déclara à Mgr Touchet que les consulteurs ne semblaient pas disposés à passer outre : si la cédule insérée dans le procès était inattaquable, Jeanne avait manqué de l’héroïsme nécessaire. L’évêque d’Orléans confia l’examen de cette difficulté à un érudit français de marque281. J’ignore le contenu et la trame de sa dissertation : peut-être se borna-t-il à plaider les circonstances atténuantes. Aux yeux du cardinal, cette étude ne faisait pas avancer la question d’un pas.
Le prélat s’adressa alors à M. le chanoine Dunand, théologal du chapitre de Toulouse, qui venait de terminer une Histoire complète de Jeanne d’Arc, en trois gros volumes. L’auteur avait consacré tout un chapitre à l’abjuration extorquée dans le cimetière Saint-Ouen ; il la reprit à fond et en fit l’objet d’une Étude critique. Sa brochure a fait une impression favorable auprès des avocats et des consulteurs de la congrégation.
Le 7 janvier dernier, il me fit part de son désir de voir porter la question au tribunal du Congrès des Sociétés savantes. Après des hésitations que justifiait la difficulté du sujet, je me chargeai de lui présenter les conclusions auxquelles un examen approfondi du travail de M. Dunand et des éléments qu’il mettait en œuvre pourrait m’amener. J’ai donc lu et relu ce qui a été écrit sur la matière, maintenant jusqu’à la fin mon esprit dans un état d’indifférence à l’égard des résultats auxquels j’aboutirais. Il fallait éviter à tout prix de me laisser influencer par la perspective des graves conséquences qui s’ensuivraient : arriver à conclure en faveur de Jeanne sans preuves péremptoires, c’était m’exposer à recevoir un démenti de la part d’érudits plus avisés ou circonspects ; conclure contre elle, c’était peut-être entraver à tout jamais la cause de béatification qui tient au cœur de tant de chrétiens. J’avoue, sur ce point, que durant tout mon travail, 86je n’ai jamais ouvert la fenêtre et regardé du côté de Rome. J’ai cherché d’abord à m’identifier au milieu intellectuel dans lequel les événements se sont passés. J’ai relu les règles des procès inquisitoriaux et il ne pas m’a été difficile de constater, comme j’en ai fait la remarque, que celui de la Pucelle était entaché de vices de nullité indiscutables. Mais ceci ne la justifiait pas de son abjuration et de sa rétractation in extremis. J’ai fait effort pour m’assimiler tous les textes relatifs à mon sujet, cherchant à établir entre eux un ordre chronologique, celui des faits auxquels ils se rattachent, et à préciser le degré de confiance que méritent les témoins de qui ils émanent.
À mes confrères en érudition de dire si mon enquête sur ce sujet lugubre et angoissant a été bien conduite et si mes conclusions sont rigoureuses.
Appendice
[Actes de la sainte Faculté de théologie de Paris]
Acta sacræ facultatis theologiæ Parisiensis
Collecta ab Henrico Baudrand (1673), t. I (1208-1496). (Bibliothèque de Saint-Sulpice, à Paris.)
P. 509. Opusculum magistri Joannis Gersonis, de mirabili victoria cujusdam Puellæ, de post fœtantes receptæ in ducem belli exercitus regis Francorum contra Anglos. — Præsupponendum… (Quicherat, Procès, t. III, p. 299, l. 4),… (l. 20) Advertendum… (p. 300, l. 5) metricum salubre… (p. 304, l. 20) Prima veritas. Lex… (p. 306, l. 6, finit) meritorum.
P. 513. De Jana puella Aurelianensi. — Eodem anno, 87mense maio, Jana Puella vulgo dicta Aurelianensis, in urbe Compendiensi obsessa, cum erupisset, capta est a Burgundionibus, spemque fecit certissimæ victoriæ. Quia vero magiæ vulgo insimulabatur, aliorumque criminum contra fidem, universitas instigante m[agistro] Petro Cauchon, episcopo Belvacensi, suorum privilegiorum conservatore, scripsit ad ducem Burgundum uti eam Ecclesiæ traderet examinique christianæ religionis submitteret ; scripsit quoque ad regem Henricum et ad ipsum episcopum Belvacensem, datis litteris die 21 novemb[ris] an[ni] 1430.
Tandem die martis 9 jan[uarii], cœpit lis instrui adversus Janam Belvacensem, auditi testes, producta instrumenta ; quæ omnia ad universitatem transmissa sunt, ut super ijs deliberaret. Illa vero, habitis pluribus concilijs, negotium commisit facultatibus theologiæ et decretorum examinandum. Quibus officio functis reque ad comitia generalia relata, universitas instrumentum confecit quod sequitur, ut habetur in MS. San-Victorino.
P. 514. Universitatis instrumentum confection contra Janam Puellam Aurelianensem. — In nomine… (Procès, t. /, p. 411)… (I. 9) tore carente. Alma universitas P-s… (I. 20) Gouda… (l. 28) omet aperuit… (p. 328, l. 9) annorum vel circa… (p.329, l. 12) armatorum… (p. 330, l. 29) auro pretiosissimo tradendum. Item angelus… sanctiones.
P. 520. Sequuntur deliberata et c. p. s. f. theologicam (add. et decretorum) in u. P. in q… (p. 415, l. 17) g. mutando.
P. 521. Sequitur deliberatio (p. 417)…
P. 523 v°. (p. 421, l. 2) Gueruldo Boisseleti… (l. 3) Tybour… (l. 4) Gerobso de H. et Richardo… (l. 7) Bemundo …(l. 11) Guerouldo Boisseleti… (l. 13) Ohochart…(l. 14) Trop. Hardy… (l. 21) Bourilleti… (p. 422, l. 12) Jo. Bourilleti… Hebert.
P. 524 v°. Scripsit quoque eadem universitas ad Henricum regem, his verbis :
88P. 525. A très excellent (p. 407)… (l. 5) Très excellent, très haut et très puissant prince, très redouté et souverain seigneur et pere. Vostre royalle…
P. 526. Epistola universitatis ad s (effacé) pontificem Belvacensem (en interligne), circa judicium Puellæ Aurelianensis. — Reverendo (p. 408)…
P. 527. Cum vero tandem episcopi Belvacensis judicio Jana tradita fuisset brachio, ut vocant, seculari, ea postmodum flammis damnata, ne quid probri in episcopum Belvacensem, in doctores aliosque qui in causam inquisierant, jaceretur, suis litteris eos Henricus immunes esse voluit. — Henry (t. III, p. 240-3)…
P. 529 v°. Epistola universitatis ad summum pontificem, circa judicium Puellæ Aurelianensis. — Eo diligentius (t. I, p. 496)…
P. 531 v°. Epistola universitatis ad collegium cardinalium, circa judicium Puellæ Aurelianensis. — Quod audivimus (p. 499)… Altissimus. Datum, etc.
Notes
- [1]
Sur l’orthographe du nom d’Arc et l’origine de la famille de la Pucelle, voir les opuscules décrits par Lanéry d’Arc, ouvr. cité, p. 289-94.
- [2]
Sur son lieu de naissance et sa nationalité :
- Lanéry d’Arc (Pierre), ouvr. cité, p. 295-304 et 958 ;
- Georges (Étienne), Jeanne d’Arc considérée au point de vue franco-champenois, Troyes, 1894, gr. in-8°, V-538 p. ;
- Arbeltier de la Boullaye (Ernest), Étude dans Mémoires de la Société académique de l’Aube (1893), 3e série, t. XXX, p. 337-43 ;
- Lefèvre-Pontalis (Germain), dans Bibliothèque de l’École des Chartes (1895), t. LVI, p. 154-68 ;
- Dubarat (abbé Victor), dans Études historiques et religieuses de Bayonne (1895), t. IV, p. 149-57 ;
- Nalot (abbé), Recherches sur la nationalité de Jeanne d’Arc ; Montreuil-sur-Mer, 1894, in-18, 58 p., carte.
- Misset (abbé Eugène), Jeanne d’Arc Champenoise, étude critique sur la véritable nationalité de la Pucelle, d’après les documents officiels de l’époque et les plus récentes publications ; Paris et Orléans, 1895, in-8°, 4 f., 86 p. ;
- Thibault (abbé), dans Mémoires de la Société d’agriculture de la Marne (1894/5), p.345-69.
- L’Hôte (Edmond), Jeanne d’Arc la bonne Lorraine ou réponse à Jeanne d’Arc Champenoise, dans Semaine religieuse de Saint-Dié (1895) ; Saint-Dié, 1895, in-8°.
- Misset (abbé Eugène), Jeanne d’Arc Champenoise, première réponse à M. l’abbé L’Hôte… ; Paris et Orléans, 1895, in-8°, 14 p. ; deuxième réponse à M. l’abbé L’Hôte, ibid., 1895, in-8°, 29 p.
- Poinsignon (Maurice), Ni Lorraine ni Champenoise, ou nouvel aperçu sur Domrémy, pays de Jeanne d’Arc, dans Mémoires de la Société d’agriculture de la Marne (1894/5), p. 325-43 ; Châlons, 1895. in-8°, 19 p.
- Misset (abbé Eugène), Jeanne d’Arc Champenoise, réponse à M. Poinsignon… ; Paris et Orléans, 1895, in-8°, 32p. ;
- Moignon (Ernest), dans Mémoires de la Société d’agriculture de la Marne (1894/5), p. 371-8 ;
- Froussard (Victor), dans Travaux de l’Académie de Reims (1895-6/7), t. XCIX, p. 223-32.
- Badel (Émile), Jeanne d’Arc est Lorraine ; Nancy, 1896, in-8°.
- Jehet (abbé), La nationalité de Jeanne d’Arc, réponse à M. l’abbé E. Misset ; Bar-le-Duc, 1895, in-8°.
- Mourot (abbé Victor), Jeanne la bonne Lorraine et la grande Française, la nationalité de Jeanne d’Arc, réponse à… Misset ; Laveline, 1895, in-8°.
- Nicolas (Joseph), Jeanne d’Arc est-elle Champenoise ou Lorraine ?… ; Paris, 1895, gr. in-8°.
- Petit-Dutaillis (Charles), Une question de frontière au XVe siècle, dans le Moyen âge (1897, nov.-déc.) ; Paris, 1897, in-8°.
- Misset (abbé Eugène), Jeanne d’Arc Champenoise, réponse à M. Ch. Petit-Dutaillis, dans même recueil ; Chalon-sur-Saône, 1898, in-8°, 24 p.
- [3]
On lui assigne jusqu’à huit marraines, ce qui n’est pas impossible d’après son propre témoignage (Quicherat, Procès, t. I. p. 46).
- [4]
Quicherat, Procès, t. I, p. 46-7 ; t. III, p. 74.
- [5]
Sur son séjour à Domrémy, voir les ouvrages cités par Lanéry d’Arc, p. 330-55 et 961 ; et surtout : Siméon Luce, Jeanne d’Arc à Domrémy, recherches critiques sur les origines de la mission de la Pucelle, accompagnées de pièces justificatives ; Paris, 1886, in-8°, CCCXV-416 p. ; 2e édit., ibid., 1887, pet. in-8°, 3 f.-XIX-335 p.
Ce livre de M. Luce débute, dès la couverture, par une erreur : Vive labeur (= labour) n’était pas la devise de Jeanne, qui n’eut (c’est elle-même qui l’affirma à deux reprises) jamais d’écu, mais celle de la famille Thiesselin ; sur son étendard, il y avait un coulon (colombe) blanc sur fond d’azur et au-dessous :
De par le roy du ciel
(voir E. Misset : Un double contresens ou le prétendu blason de Jeanne d’Arc et sa prétendue deviseVive labeur
… ; Paris, 1897, in 8°, 19 p.).Une autre erreur, inconcevable de la part d’un savant comme M. Luce, a été de faire de Jean Petit,
l’apologiste effronté de l’attentat commis par Jean sans Peur contre le duc d’Orléans
(2e éd., p. 243), un dominicain : le père Marie-Dominique Chapotin a protesté dans La guerre de Cent Ans, Jeanne d’Arc et les Dominicains ; Évreux, 1888, in-8°, 2 L-191 p. ; Paris, 1894, in-8°, 197 p. - [6]
Et non en 1425, ce qui écarte les coïncidences remarquées entre certains événements de cette année et la première vision : d’après Boulainvilliers, elle avait alors douze ans accomplis (sa 12e année finit le 5 janv. 1424) ; en février 1429, elle-même disait que ses frères du Ciel lui parlaient de sa mission depuis quatre ou cinq ans ; le 27 février 1431, que les voix s’étaient chargées de la gouverner depuis sept ans révolus ; le 22, qu’elle était dans ses treize ans quand elle les entendit pour la première fois ; etc.
- [7]
D’après le P. Ayroles, La vraie Jeanne d’Arc (t. II, 1894, p. 281). Par les dimensions de ses cinq volumes (La Pucelle devant l’Église de son temps, La paysanne et l’inspirée, La libératrice, La vierge guerrière, La martyre), cet ouvrage pourrait faire l’illusion d’être la plus ample histoire de Jeanne d’Arc : il n’en est rien. C’est un chaos de mémoires traduits ou mis en français de notre temps, de réflexions et de controverses contre la libre-pensée, représentée par Michelet, Henri Martin, Quicherat, Vallet (de Viriville), Siméon Luce et Joseph Fabre. Deux titres suffiront pour donner une idée du ton :
Les pseudo-théologiens bourreaux de Jeanne, bourreaux de la Papauté
(t. I, p. 87) ;L’Université de Paris et le brigandage de Rouen
(p. 149). L’auteur juge trop souvent le XVe siècle d’après les préoccupations du XIXe. Est-il sûr que, membre de l’Université de Paris en 1431, il eût pensé et jugé en faveur de Jeanne d’Arc, à l’encontre de l’unanimité de ses collègues ? - [8]
Sur l’inspiration ou l’hallucination de la Pucelle, voir Lanéry d’Arc, p. 312-25 et 960-1.
La question des Voix de Jeanne d’Arc a été traitée à fond dans une thèse de doctorat en théologie soutenue devant la Faculté catholique de Lyon par un de mes anciens élèves, M. l’abbé Hyacinthe Chassagnon ; Lyon, 1890, in-8°, 4 f. 386 p. ; cf. Belon (Marie-Joseph), dans Univers. cathol. (1897), t. XXIV, p. 464-6, dont voici le résumé :
Après avoir mis en lumière la conscience intime que la Pucelle eut de ses communications avec les êtres inspirateurs de son œuvre et conseillers habituels de ses actes, la critique cherche l’explication des phénomènes affirmés. L’imagination, l’hallucination, l’hystérie, dont certains effets affectent quelque analogie plus ou moins lointaine, peuvent-elles jouer ici le rôle de facteurs ? Pour écarter pareille prétention, il suffit de montrer que la constitution physique de Jeanne et son organisme n’ont rien de commun avec les dispositions maladives et les éléments pathologiques, dont la présence cause les perturbations des sens et les accidents de la névrose ; que sa physionomie intellectuelle et morale, la trempe vigoureuse de son esprit et l’énergie patiente de sa volonté, l’éloignent complètement du type ordinaire des hystériques et des hallucinés, dont l’âme découronnée, sans mesure, sans harmonie, est livrée au caprice du hasard, au désordre et à l’impuissance ; que ses visions enfin, comparées à celles qui se rencontrent chez les névrosés (fussent-ils des hommes de génie), offrent des caractères essentiellement différents et doivent par là même être attribuées à une force productrice de tout autre nature. Ajoutons que les hallucinations du génie n’expliquent pas Jeanne d’Arc ; que les voix ne sont pas l’écho de sa pensée et de son amour ; et que le milieu dans lequel l’humble fille a vécu n’a pas eu une influence décisive sur la création de sa mission et de son héroïque dévouement.
Voir encore sur ce sujet, Jules Doinel, Jeanne d’Arc telle qu’elle est, dans Mémoires de la Société archéologique de l’Orléanais (1892), t. XXIV, p. 354-73 ; Orléans, 1892, in-8°.
Les prophéties relatives à la Pucelle sont indiquées dans Dunand, Histoire complète de Jeanne d’Arc (1898), t. I, p. 136-9, 477-8 ; et Germain Lefèvre-Pontalis, Chronique d’Antonio Morosini (1902), t, IV, p. 318-27.
- [9]
Quicherat, Procès, t. I, p. 171.
- [10]
Voir :
- Mougenot (Léon), Jeanne d’Arc, le duc de Lorraine et le sire de Baudricourt, contribution à l’histoire de la Pucelle et de la région Lotharingique ; Nancy, 1895, in-8°, 153 p.
- Nioré (Charles), Le pays de Jeanne d’Arc, dans Mémoires de la Société académique de l’Aube (1894), 3e sér., t. XXXI, p. 307-20.
- [11]
Plusieurs historiens de la Pucelle se sont appliqués à dresser son itinéraire, de 1428 à sa mort. Le premier en date est Jacques Berriat-Saint-Prix, dans sa Jeanne d’Arc (Paris, 1817, in-8°) ; son ébauche fut traduite en anglais par William Henry Ireland, dans Memoirs of Jeanne d’Arc (London, 1824, in-8°, t. II). J. Quicherat l’améliora sensiblement dans sa collection de textes (1849), t. V, p. 377-82. Citons ensuite :
- Stein (Paul), dans Jeanne d’Arc, dans Revue hebdomadaire (1889), t. I, p. 3-4 ;
- Rouette (Casimir), Itinéraire de Jeanne la Pucelle ou Jeanne d’Arc suivie jour par jour et pas à pas ; Vulaines-sur-Seine, 1894, 2 vol. in-16°.
- Eude (Émile), Éphémérides et pèlerinage de Jeanne d’Arc, dans le Cosmos (1895), nouvelle série, t. XXXI, p. 181-4, 214-7, 243-5.
- Ayroles, La vraie Jeanne d’Arc, t. IV, 1898, p. 431-6.
- Dunand, Histoire complète de Jeanne d’Arc, 1899, t. I, p. 485 ; t. II, p. 576-7, 583, 595, 599, 603, cartes.
- [12]
Voir Lanéry d’Arc, p. 356-62 et 962-4.
- [13]
Voir Lanéry d’Arc, p. 363-71.
- [14]
Cette date est fixée par celle de l’arrivée à Chinon le 6 mars, le voyage ayant duré onze jours. Cette dernière date a pour garant la Chronique du Mont-Saint-Michel, dont le continuateur français de Guillaume de Nangis n’est qu’une réplique ; d’autres chroniqueurs indiquent aussi le mois de mars, sans préciser le jour. La relation du greffier de l’Hôtel de Ville de La Rochelle (publiée eu 1877) dit que la Pucelle vint à Chinon le 23 février et on peut interpréter dans ce sens le témoignage de Jean de Nouillonpont. Ces textes et la difficulté de comprendre entre le 6 et le 10 mars les évènements qui suivirent ont amené M. de Boismarmin, dans son Mémoire sur la date de l’arrivée de Jeanne d’Arc à Chinon, mai (!) 1429 (Bulletin philologique et historique du Comité des travaux historiques et scientifiques, 1892, p. 350-9) à fixer au 13 février le départ de Vaucouleurs. Cette date est sujette à des difficultés analogues, qu’il serait trop long et en dehors de mon sujet de faire valoir.
- [15]
Réponse de Jeanne aux dames de Poitiers (Quicherat, Procès, t. IV, p 211).
- [16]
Voir Lanéry d’Arc, p. 372-8.
- [17]
Voir :
- Quicherat, Aperçus nouveaux sur l’histoire de Jeanne d’Arc (1850), p. 61-6 ;
- Dunand, Histoire complète de Jeanne d’Arc (1898), t. I, p. 224, 244-53, 490-3.
- [18]
Voir :
- Donizeau (abbé Edmond), Jeanne d’Arc à Poitiers ; Poitiers et Saint-Sauvant, 1891, in-16°, 70 p. ;
- Ledain (Bélisaire), dans Revue poitevine (1891), t. VIII, p. 149-54.
- Ledain (Bélisaire), Jeanne d’Arc à Poitiers, dans recueil cité (1891), t. VIII, p. 65-77 ; Saint-Maixent, 1891, in-8°, 15 p. ; Paris, 1894, in-8°.
- Ledain (Bélisaire), La maison de Jeanne d’Arc à Poitiers, dans rec. cité (1892), t. IX, p. 1-10 ; Saint-Maixent, 1892, in-8°, 12 p. ; = Bulletin de la Société des antiquaires de l’Ouest (1892), t. VI, p. 33-49.
- [19]
Cf. Daniel-Lacombe (Henri), L’hôte de Jeanne d’Arc à Poitiers, maître Jean Rabateau, président au Parlement de Paris, dans Revue du Bas-Poitou (1891), p. 48-66 ; Poitiers, 1891, in-8°, 18 p. ; Paris, 1895, in-8°.
- [20]
Voir :
- Raguenet de Saint-Albin (Octave), Les juges de Jeanne d’Arc à Poitiers, membres du Parlement ou gens d’Église ? dans Lectures et mémoires de l’Académie de Sainte-Croix d’Orléans (1894), t. VII, p. 399-442 ; Orléans, 1894, in-8°, 46 p. ;
- cf. Lefèvre-Pontalis (Germain), dans Bibliothèque de l’École des Chartes (1895), t. LVI, p. 171-2.
- Mercier (V.), Jeanne d’Arc à Poitiers, reconnaissance officielle de sa mission divine, dans Études religieuses, philosophiques, historiques et littéraires (1896), t. LXVII, p. 120-38, 224*34 ; Paris, 1896, in-8° ; cf. Dunand, ouvr. cité, t. I, p. 493-4.
- [21]
Si vero de hoc faciatis dubium, mittatis Pictavis, ubi alias ego fui interrogata. — (Quicherat, Procès, t. I, p. 71.)
Si vos non credatis mihi, vadatis Pictavis. — (p. 72).
Et est positum in registro apud Pictavis. — (p. 72).
Bene vellet quod interrogans haberet copiam illius libri qui est apud Pictavis. — (p. 73)
Et illud est scriptum in villa Pictavensi. — (p. 94).
- [22]
Voir :
- Quicherat, Procès, t. V, table analytique, v° Poitiers ;
- Denifle et Châtelain, Chartularium universitalis Parisiensis (Paris. 1897), t. IV, n° 2369.
- [23]
Voir :
- Quicherat, Procès, t. III, p. 391-2 ;
- Dunand, ouvr. cité, t. I, p. 498-7.
- [24]
Elle se composait d’un intendant (Jean d’Aulon), de deux pages (Louis de Coûtes et Raymond), deux écuyers (Bertrand de Poulengy et Jean de Metz), ses frères Jean et Pierre, deux hérauts d’armes (Ambleville et Guyenne), des varlets, un confesseur (Jean Pasquerel, augustin).
- [25]
Voir :
- Quicherat, Aperçus nouveaux, p. 68-70 ;
- Lanéry d’Arc, p. 373.
- [26]
Voir :
- Martin (Gabriel), L’étendard de Jeanne d’Arc, à Notre-Dame de Paris, dans Notes d’art et d’archéologie (1894)) 6° an., p. 65-71, 81-8, pl. ; Paris, 1894, in-fol., pl.
- Lefèvre-Pontalis (Germain), Chronique d’Antonio Morosini (1902), t. III, p. 110-1 ; t. IV, p. 313-5. Voir encore :
- Eude (Émile), Armures et chevaux de Jeanne d’Arc, dans le Cosmos (1893), t. XXIX, p. 181-4, 210-3, 242-6, 306-9, 338-42, 368-72 ; Paris, 1893, pet. in-4°, 26 p.
- [27]
La prédiction, extraite d’une lettre écrite à Lyon le 22 avril, quinze jours avant l’événement, fut consignée dans un registre de la Chambre des comptes de Brabant par le greffier de la Cour (Quicherat, Procès, t. I, p. 79 ; t. IV, p. 426-7 ; Aperçus nouveaux, p. 71-6).
Sur les dons psychiques de la Pucelle, voir Doinel (Jules), Jeanne d’Arc telle qu’elle est, dans Mémoires de la Société archéologique de l’Orléanais (1892), t. XXIV, p. 374-80.
- [28]
Sa lettre parait avoir été écrite à Poitiers, le 22 mars, à moins qu’elle ne soit antidatée (Quicherat, Procès, t. I, p. 240 ; t. IV, p. 139, 215, 306 ; t. V, p. 95-8).
- [29]
Voir Champion (Louis), Jeanne d’Arc écuyère ; Paris, 1901, in-8°.
- [30]
Sur ces bastilles, voir la Chronique d’Antonio Morosini, t. IV, p. 306-10.
- [31]
Hello (Henri), La prise des Tourelles (Orléans, 7 mai 1429) ; Paris, 1894, in-8°.
- [32]
Sur le siège d’Orléans (12 oct. 1428-8 mai 1429), voir :
- Lanéry d’Arc, p. 384-485, 964 ;
- Répertoire des sources historiques du moyen âge, t. II, c. 2199-201 ; et encore :
- Guerrier (Louis), L’âge de Jeanne d’Arc à l’époque du siège d’Orléans, dans Bulletin de la Société archéologique et historique de l’Orléanais (1895), t. XI, p. 71-82.
- Colas de La Noue (Édouard), Jeanne d’Arc et le siège d’Orléans ; Angers, 1896, in-8°. Le Souvenirs de Jeanne d’Arc à la cathédrale d’Orléans… ; Orléans. 1898, in-8°.
- [33]
Voir les textes donnés par J. Quicherat, dans Revue historique (1882), t. XIX, p. 61-2
- [34]
Témoignage du duc d’Alençon (Quicherat, Procès, t. III, p. 99).
- [35]
Voir Lanéry d’Arc, p. 484-6.
- [36]
Voir :
- Lebailleul (Maurice), Jeanne d’Arc tacticien et stratégiste, dans L’Étendard de Jeanne d’Arc (1888), t. I, p. 99-102, 126-8, 146-9, 170-4, 193-6, 217-22, 241-60, 266-72, 289-98, 313-21, 337-43 ;
- Marin (Paul), L’art militaire dans la première moitié du XVe siècle, Jeanne d’Arc tacticien et stratégiste ; Paris, 1889-90, 4 vol. in-12, 321, 330, 322 et 324 p. ;
- Lefèvre-Pontalis (Germain), dans Bibliothèque de l’École des Chartes (1892), t. LIII, p. 472-3 ;
- Pfister (Christian), dans Revue critique (1892), t. XXXIII, p. 489-90.
- [37]
Charles VII, qui ne l’était pas alors, se retint de l’embrasser à Tours (Revue historique, t. XIX, p. 62). Plus d’une fois la Providence la vengea de ses insulteurs, comme il arriva à un homme à Chinon (Procès, t. III, p. 102) et à Glasdale à Orléans (t. III, p. 110 ; t. IV, p. 463).
- [38]
Pernin (C. R.), Jeanne d’Arc à Troyes ; Paris, 1894, in-8°, 46 p.
- [39]
Jadart (Henri), Jeanne d’Arc à Reims, ses relations avec Reims, ses lettres aux Rémois, notice accompagnée de documents originaux, dans Travaux de l’Académie de Reims (1884-5/7), t. LXXVIII, p. I-VII, 1-134, planches, figg. ; Reims, 1887, gr. in-8°,vij-133 p., 16 grav., blas., fac. sim. Le même, L’entrée de Jeanne d’Arc à Reims, le 16 juillet 1429, poème de Nicolas Bergier…, dans Revue de Champagne (1890), 2e sér., t. IJ, p. 561-86, pl. ; Reims et Orléans, 1890, in-8°, 31 p., 3 pl. Cf. Lanéry d’Arc, p. 494.
- [40]
Quicherat, Procès, t. III, p. 16.
- [41]
Quicherat, Procès, t. III, p. 205.
- [42]
Quicherat, Procès, t. III, p. 99.
- [43]
Voir :
- Lanéry d’Arc, p. 326-9 ; et encore :
- Quicherat, Aperçus nouveaux, p. 37-44.
- Delvigne (Adolphe), Jeanne d’Arc et sa mission, étude historique et critique, dans Revue Générale (1878), t. XXVIII, p. 64-85 (ni martyre, ni sainte).
- Dubarat (abbé Victor), La mission de Jeanne d’Arc (1412-30), dans Études historiques et religieuses du diocèse de Bayonne (1896), t. V, p. 97-114.
- [44]
Sa mission accomplie, elle se proposait de se retirer à Orléans, comme semble le prouver la location par elle d’une maison du Chapitre, rue des Petits-Souliers, pour un bail de soixante ans (Jules Doinel, dans Mémoires de la Société archéologique de l’Orléanais, t. XV, p. 495 ; Jules Quicherat, dans Aperçus nouveaux t. XIX, p. 66-7).
- [45]
Quicherat, Aperçus nouveaux, p. 30-7.
- [46]
Chronique dite des Cordeliers (Aperçus nouveaux t. XIX, p. 73).
- [47]
Voir :
- Quicherat (Jules), Nouveaux documents sur Charles VII et Jeanne d’Arc, dans Revue de Normandie (1866) ; Rouen, 1866, in-8°, 8 p. ; cf.
- Lanéry d’Arc (Pierre), p. 001-2. Le même, dans Revue historique, t. XIX, p. 69-72, 76-8.
- Lefèvre-Pontalis (Germain), Chronique d’Antonio Morosini, t. IV, p. 332-50.
- [48]
Voir :
- Rigaud (I.), Chronique de la Pucelle, campagne de Paris ; Bergerac et Paris, 1886, in-8°, 14 f., 8 pl.
- Lefèvre-Pontalis (Germain), Un détail du siège de Paris par Jeanne d’Arc, dans Bibliothèque de l’École des Chartes (1885), t. XLVI, p. 5-15 ; Nogent-le-Rotrou, 1885, in-8°, 11 p.
- [49]
Ses voix lui défendirent de quitter Saint-Denis : on l’entraîna encore (Procès, t. I, p. 57).
- [50]
Pérot (F.), Un document sur Jeanne d’Arc, dans Bulletin de la Société archéologique et historique de l’Orléanais (1899), t. XII, p. 231-2.
- [51]
Bouteyre (Joseph), Jeanne d’Arc à Melun, mi-avril 1430…, étude historique… ; Paris, 1896, in-8°, 32 p.
- [52]
Denis (abbé Frédéric-Auguste), Le séjour de Jeanne d’Arc à Lagny ; Lagny, 1890, in-8°.
- [53]
Sur sa compagnie, voir Jules Quicherat, dans Revue historique, t. XIX, p. 67-8.
- [54]
Elle fut prise le 23, d’après une lettre du duc de Bourgogne (Procès, t. V, p. 166-7) ; le 24 d’après Monstrelet (
l’anuit de l’Ascension
, t. IV, p. 400) et Chastellain (vigille de l’Ascension
, p. 445). - [55]
Voir :
- Lanéry d’Arc, p. 513-8 ; et encore :
- Quicherat, Aperçus nouveaux, p. 77-95 ;
- Cacouault (Lucien), Jeanne d’Arc faite prisonnière devant Compiègne, sa captivité, son supplice ; Creil, 1900, in-16, 46 p.
- [56]
Et ce firent faire par envie les capitaines de France, pour ce que, se aucuns fais d’armes se faisoient, la renommée estoit telle que la Pucelle l’avoit fait
, disent les Chroniques de Normandie (1223-1453), imprimées à Rouen en 1487 et réimprimées par A. Hellot (1881), p. 77-8, cf. p. 237-8. - [57]
La dernière partie de la Chronique d’Antonio Morosini, publiée récemment, semble donner un démenti à cette appréciation de l’inertie de Charles VII. D’après des nouvelles apportées de Bruges à Venise le 15 décembre, il aurait envoyé dire aux Bourguignons qu’il userait de représailles s’ils livraient la Pucelle aux Anglais (t. III, p. 336-9). Ceux-ci ayant voulu par deux ou trois fois la faire brûler, il leur fit parvenir force menaces (p. 350-1). Il ressentit très amère douleur de son martyre, promettant d’en tirer terrible vengeance sur les Anglais et femmes d’Angleterre (p. 352-5). Le public suppose et croit vrai ce qui aurait dû être. Ces racontars de gazetier n’ont sans doute pas plus de fondement que les lettres du dauphin au pape Martin XI (!) au sujet de Jeanne (pp. 54, 58), dont on a vainement cherché trace au Vatican.
- [58]
Quicherat, Procès, t. V, p. 179.
- [59]
Quicherat, Procès, t. V, p. 194-5. — Sur Cauchon, voir :
- Répertoire, t. I, cc. 410 et 2500 ;
- Lanéry d’Arc, p. 504-5 ; et encore :
- Quicherat, Procès, t. I, p. 1-2 ;
- Beaurepaire (Charles de), dans Précis analytique des travaux de l’Académie des sciences de Rouen (1888-9/90), p. 382-94 ;
- Doinel (Jules), dans Mémoires de la Société archéologique de l’Orléanais (1892), t. XXIV, p. 404-11 ;
- Cerf, Pierre Cauchon, de Sommièvre, chanoine de Reims et de Beauvais, évêque de Beauvais et de Lisieux, son origine, ses dignités, sa mort et sa sépulture, dans Travaux de l’Académie de Reims (1896-7/8), t. CI, p. 363-81.
- Sarrazin (Albert), Pierre Cauchon ; Paris, 1901, in-8°, grav.
- [60]
Sur les témoignages discordants, voir Revue historique, t. XIX, p. 66.
- [61]
Elle y demeura une quinzaine de jours, en mai et juin (Germain Lefèvre-Pontalis, Chronique d’Antonio Morosini, t. III, p. 300-2 ; t. IV, p. 354-5). Cf. Lanéry d’Arc, p. 521.
Peut-être l’a-t-on menée à Noyon, où la duchesse de Bourgogne arriva le 6 juin (Ayroles, La vraie Jeanne d’Arc, t. III, p. 459).
- [62]
De juin à septembre (Chronique de Morosini, t. III, p. 301-3 ; t. IV, p. 351 -3, 356-9). Cff :
- Quicherat, Aperçus nouveaux, p. 55-8.
- Gomart (Charles), Jeanne d’Arc au château de Beaurevoir, dans Mémoires de la Société d’émulation de Cambrai (1865), t. XXVIII, 2e part., p. 305-48 ; Cambrai, 1865, in-8°, 47 p., plan, fig.
- Salembier (Louis), Jeanne d’Arc et la région du Nord, dans Revue de Lille (1890), t. II, p. 624-36 ; t. III, p. 16-28, 113-28, 263-77 ; Lille, 1891, in-8°.
- [63]
Debout (Henri), Jeanne d’Arc prisonnière à Arras, précis historique, dans Semaine religieuse d’Arras ; Arras, 1894, in-16.
- [64]
Voir Lanéry d’Arc, p. 521. — M. Germain Lefèvre-Pontalis estime que la transmission de Jeanne au gouvernement anglais eut lieu au Crotoy, avant le 21 novembre (La panique anglaise en mai 1429, 1894, p. 8, n. 5).
- [65]
Voir Lanéry d’Arc sur Eu et Dieppe, p. 522 ; et surtout A. Sarrazin,
L’itinéraire présumé de la Pucelle en Normandie
, dans sa Jeanne d’Arc et la Normandie au XVe siècle (Rouen, 1896, in-4 0 ), p. 63-145, dess. - [66]
Voir :
- Lanéry d’Arc, p. 524-49.
- Poulain (abbé François), Jeanne d’Arc à Rouen ; Paris, 1899, in-16.
- [67]
Quicherat, Procès, t. IV, p. 42, 141, 220.
- [68]
Histoire de la Pucelle d’Orléans (Paris, Bibliothèque Nationale, ms. franç. 10448) :
Estant certain qu’elle fust prise au territoire de Compiègne, qui est en la juridiction spirituelle de l’evesque de Soissons. — (liv. II, f° 8 v°).
Les actes du procès portent que Jeanne fut prise au delà du pont de Compiègne, du costé de Picardie, c’est à dire tirant sur Noyon… ; la partie du pont qui est à l’Occident est du diocèse de Beauvais et l’autre partie, qui est à l’Orient du côté de Noyon, est du diocèse de Soissons. — (liv. I, f° 85 r°).
On lit dans la requête de l’Université de Paris à Jean de Luxembourg pour faire livrer la Pucelle à l’évêque de Beauvais :
En la juridiction duquel elle a esté appréhendée, comme on dit. — (Procès, t. I, p. 11).
La chose n’était donc pas sûre.
- [69]
Pour justifier cette anomalie, contraire à la procédure inquisitoriale et à la décision des assesseurs dans la première séance (Procès, t. II, p. 7-8), on objecte que
la loi n’avait pas prévu le cas où l’hérétique serait en même temps un grand capitaine de guerre… (Quicherat, Aperçus, p. 112).
L’Inquisition ne mettait pas dans ses prisons que des agneaux. Le roi d’Angleterre consentit à ce que
Jehanne fut baillée et délivrée… quantes fois que bon semblera (Procès, t. I, p. 19)
Il la prêtait. C’était à l’évêque à ne pas accepter une condition contraire au droit ou à la justifier.
- [70]
Sur la situation exacte du cachot de Jeanne, M. Léopold Delisle a produit un texte formel :
… Parties d’ouvrages… faittes ou chastel de Rouen… ; fait ung prannel ou degré de la chambre ou soulloit être logiée Jehanne la Pucelle. — (Revue des sociétés savantes, 1867, 4e série, t. V, p. 440-1).
Voir :
- Bouquet, dans Revue de Normandie (1867), t. VI, p. 873-83 ;
- Lanéry d’Arc, p. 528-34.
- [71]
Même lettre du roi d’Angleterre (Procès, t. I, p. 19).
- [72]
Jean Monnet écrivit en français, comme secrétaire de Beaupère, les interrogatoires de trois ou quatre séances ; son manuscrit fut intercalé dans la minute (Procès, t. III, p. 63).
- [73]
Dans son interrogatoire en 1450 (Procès, t. I, p. 13) ; voir aussi celui de 1452 (p. 340).
- [74]
Quicherat, Procès, t. II, p. 350.
- [75]
Quicherat, Procès, t. III, p. 132, 135-6, 145-6.
- [76]
Quicherat, Procès, t. II, p. 156 ; t. III, p. 135.
- [77]
Abbé Claude-Odon Reure, Études foréziennes : les deux procès de Jeanne d’Arc et le manuscrit d’Urfé, dans Université catholique (1894), t. XVI, p. 161-70 ; Lyon, 1894, in-8°.
- [78]
Longe post mortem et exsecutionem factam de ipsa Johanna. — (Procès, t. III, p. 135.)
Per magnum temporis spatium post mortem ipsius Johannæ. — (p. 196.)
Que faut-il entendre par ce long espace de temps ? au moins quatre ou cinq ans.
- [79]
Son témoignage est assez obscur :
Dicit tamen ipsum magistrum Thomam in facto processus de libello (ms. lilo) et aliis quasi nihil fecisse, nec de hoc se multum interposuisse. — (Procès, t. III, p. 135.)
La place de cette phrase interdit une allusion au procès lui-même.
- [80]
Il a même eu l’impudence de se disculper, dans sa déposition en 1456, d’avoir jamais voté pour lui infliger une peine corporelle :
Asserit etiam quod nunquam deliberavit de aliqua pœna eidem Johannæ infligenda. — (Procès, t. III, p. 58.)
Il croyait avoir suffisamment pris de précautions en supprimant dans sa version latine les noms de ceux qui avaient voté pour la torture, mais le souvenir de son inhumanité est resté dans la minute (t. I, p. 403).
- [81]
Quicherat, Procès, t. III, p. 360. Faut-il l’identifier avec celui qui, au dire du poète Martial d’Auvergne, fut envoyé à Rome (t. V, p. 77).
- [82]
Ces manuscrits sont tous décrits dans Quicherat, Procès, t. V, p. 392-410.
- [83]
Quicherat, Procès, t. III, p. 145.
- [84]
Quicherat, Procès, t. III, p. 377-87.
- [85]
Ms. n° 411, provenant du Chapitre de la cathédrale.
- [86]
Quicherat, Procès, t. V, p. 411-8.
- [87]
Hoc nostrum integrale authenticumque registrum sub volumine triplicato censuimus redigendum ; in altero tantum dictorum voluminum, propter processuum amborum prolixitatem permaximam, antedictum processum adnectendo pariter et conjungendo ad longum. — (Procès, t. II, p. 76).
- [88]
Catalogue of the Stowe manuscripts in the British Museum (Londres, 1895), t. I, p. 52 ; Bibliothèque de l’École des Chartes (1895), t. LVI, p. 428-9.
- [89]
Voir :
- L’Averdy (de), Notice du procès criminel de condamnation de Jeanne d’Arc, dite la Pucelle d’Orléans, tirée des différents manuscrits de la Bibliothèque du Roi, dans Notices et extraits des manuscrits (1790), t. III, p. 1-553.
- Belbeuf (de), Recherches faites à Rouen, des originaux latins et françois concernant le procès de Jeanne d’Arc, dans recueil cité, p. 554, pl.
- Quicherat (Jules), Procès de condamnation et de réhabilitation de Jeanne d’Arc, dite la Pucelle, publiés pour la première fois d’après les manuscrits de la Bibliothèque royale, suivis de tous les documents historiques qu’on a pu réunir et accompagnés de notes et d’éclaircissements ; Paris, 1841-9, 5 vol. in-8°, VI-507, VI-472, VI-473, VIII-540 et VIII-575 p., pl.
- Lanéry d’Arc, p. 9-15 ;
- Ayroles, La vraie Jeanne d’Arc (1894), t. II, p. 501-6 ; t. V, p. 174-5 (errata).
- Puymaigre (Théodore de), Procès de condamnation et de réhabilitation de Jeanne d’Arc, dite la Pucelle, dans l’Union des Arts (1851), p. 157.
- Vallet (Auguste) de Viriville, Procès de condamnation de Jeanne Darc, dite la Pucelle d’Orléans, traduit du latin et publié intégralement pour la première fois en français, d’après les documents manuscrits et originaux ; Paris, 1867, in-8°, ex-324 p.
- O’Reilly (Ernest), Les deux procès de condamnation, les enquêtes et la sentence de réhabilitation de Jeanne d’Arc, mis pour la première fois intégralement en français d’après les textes latins originaux officiels, avec notes, notices, éclaircissements, documents divers et introduction ; Paris, 1868, 2 vol. in-8°, 2 f.-CXII-428 p. et 2 f.-540 p., 3 pl.
- Beaurepaire (Charles de Robillard de), Recherches sur le procès de condamnation de Jeanne d’Arc, dans Précis anal. des travaux de l’Académie de Rouen (1867-8), p. 321-448 ; Rouen, 1869, in-8°, 128 p.
- Quicherat, Relation inédite sur Jeanne d’Arc, extraite du Livre noir de l’Hôtel de Ville de La Rochelle, dans Revue historique (1677), t. IV, p. 327-44, Orléans, 1879, in-8°, 40 p.
- Quicherat, Documents nouveaux sur Jeanne d’Arc, supplément aux témoignages contemporains sur Jeanne d’Arc, dans recueil cité (1882), t. XIX, p. 60-83 ; Paris, 1882, in-8°, 23 p.
- Fabre (Joseph), Procès de condamnation de Jeanne d’Arc, d’après les textes authentiques des procès-verbaux officiels, traduction avec éclaircissements ; Paris, 1884, in-12, XX-(21-)433 p., 2 pl. ; 2e éd. revue et corrigée, ibid., 1884, in-12, 432 p.
- Fabre (Joseph), Procès de réhabilitation de Jeanne d’Arc, raconté et traduit d’après les textes latins officiels ; Paris, 1888, 2 vol. in-12, XII-(13-)372 et 399 p.
- Procès de Jehanne dite la Pucelle, dans Bibliothèque de l’École des Chartes (1889), t. L, p. 674-6 (faux).
- Fesch (Paul), Le martyre de Jeanne d’Arc, documents officiels du procès de Rouen, traduits directement des manuscrits authentiques, avec annotations, dans Jeanne d’Arc, revue hebdom. ill. (1889), t. I, p. 5-505 ; t. II, p. 9-469.
- Taxil (Léo) et Fesch (Paul), Le martyre de Jeanne d’Arc, seule édition donnant la traduction fidèle et complète du procès de la Pucelle d’après les manuscrits authentiques de Pierre Cauchon ; Paris, 1890, in-18, XII-528 p.
- Lanéry d’Arc, p. 550-71.
- Bois de la Villerabel (André du), Les procès de Jehanne la Pucelle, manuscrit inédit légué par Benoît XIV à la bibliothèque de l’Université de Bologne et publié avec une introduction, Saint-Brieuc, 1890, in-18, 2 f.-c-213 p. (identique aux mss. de Soubise et de l’Arsenal, décrits par Quicherat, t. V, p. 420-3).
- Probst (Emanuel), Der Prozess der Jungfrau von Orleans, wissenschaftl. Beilage ; Basel, 1896, in-4 0, 19 p. — On trouvera en appendice à ce mémoire le texte inédit des Acta sacræ facultatis theologiæ Parisiensis.
- [90]
Voir Quicherat, Procès, t. II, p. 95, n. 1 ; t. V, p. 434.
- [91]
Ayroles, La vraie Jeanne d’Arc, t. I, p. 127.
- [92]
Chartularium universitalis Parisiensis, t. IV, p. 510. Cette longue note (Universitas Parisiensis et Johanna d’Arc, p. 510-4) a été utilisée dans ce qui va suivre ; j’ai pu me rencontrer avec la traduction que le P. Denifle et M. Châtelain en ont donnée dans les Mémoires de la Société de l’histoire de Paris (1897), t. XXIV : Le procès de Jeanne d’Arc et l’Université de Paris ; Paris, 1897, in-8°, 32 p.
- [93]
Voir :
- Quicherat, Aperçus nouveaux, p. 98-107.
- Beaurepaire (Charles de), Notes sur les juges et assesseurs du procès de condamnation de Jeanne d’Arc, dans Précis anal. des travaux de l’Acad. de Rouen (1888-9/90), p. 370-504 ; Rouen, 1890, in-8°, 137 p.
- Doinel (Jules), dans Mémoires de la Société archéologique de l’Orléanais (1892), t. XXIV, p. 403-25.
- Motey (Henri Renault du), Les juges de Jeanne d’Arc, dans Bulletin de la Société historique et archéologique de l’Orne (1894), t. XIII, p.297-315.
- Denifle et Châtelain, Chartular. universit. Paris. (1897), t. IV, p. 518-25.
- [94]
Martin V préconisa bien pour l’archevêché de Rouen, — après le refus de Louis de Luxembourg, évêque de Thérouanne, agréé par le Chapitre — le 19 janvier 1431, Hugues d’Orges, évêque de Chalon-sur-Saône, mais il ne prit possession que le 4 avril 1432. Le doyen, Guillaume Lentrant, pourvu par le Pape dès 1414, ne résida jamais, malgré les injonctions du Chapitre (Charles de Beaurepaire, dans Précis des travaux de l’Académie de Rouen, 1867-8, p. 470-9).
- [95]
Quicherat, Procès, t. I, p. 20-3. Cf. Beaurepaire (Charles de), Notes sur les juges et assesseurs, p. 416.
- [96]
Beaurepaire, Notes sur les juges, p. 415-66.
- [97]
Beaurepaire, Recherches sur le procès de condamnation, p. 366-9.
- [98]
Cette présence de dignitaires ecclésiastiques étrangers à la ville de Rouen pourrait faire croire que Cauchon choisit pour assesseurs les meilleurs canonistes de la Normandie : il n’en est rien. Ils étaient résidants à Rouen pour des causes politiques ou de convenance (Beaurepaire, Recherches sur le procès, p. 339-41).
- [99]
Beaurepaire, Notes sur les juges, p. 396-7 ; Doinel, ouvr. cité, p. 412-3. Nul n’injuria Jeanne plus grossièrement et il me répugne d’en reproduire les termes (Procès, t. III, p. 16, 49, 52, 162).
Erat malus homo
, dira de lui un notaire (p. 162). - [100]
Jean de Torcenay, bailli de Chaumont, commit à cet effet Gérard Petit, prévôt d’Andelot, et Nicolas Bailly, notaire du même lieu (Procès, t. II, p. 441, 451, 453, 463).
- [101]
Cette omission, dans un instrument où abondent les pièces de pure formalité, est à tout le moins étrange. Ni Courcelles, ni Manchon n’y songèrent lors de la rédaction définitive. Peut-être avaient-elles été détruites ; en tout cas elles n’existaient plus en 1452 (Procès, t. II, p. 453).
- [102]
Procès, t. II, cf. p. 453, p. 381. Il semble qu’il y ait eu une contre-enquête dont Cauchon aurait chargé des Frères Mineurs (t. II, p. 394, 397 ; cf. p. 385).
- [103]
Beaurepaire, Notes sur les juges, p. 394-6 ; Doinel, ouvr. cité, p. 411-2, qui relève vertement (p. 403) le père Chapotin d’avoir plaidé les circonstances atténuantes en faveur de son confrère (La guerre de Cent ans, p. 141).
- [104]
En vertu du droit, on ne pouvait porter un jugement dans une cause semblable, qu’à la condition d’avoir assisté à tous les interrogatoires de l’accusée : bien peu remplirent ces conditions.
- [105]
Quicherat, Procès, t. III, p. 155.
- [106]
Voir Dunand, Histoire complète de Jeanne d’Arc, t. III, p. 63-8.
- [107]
Quando vero crimen diffitetur [delatus],… ad se defendendum admittendus est, ac defensiones juris sunt ei concedendæ et nullatenus denegandæ. Et sic concedetur sibi advocatus, … procurator ac processus totius copia. — (Directorium Inquisitorum, Romæ, 1078, p. 296).
- [108]
Si reus fuerit minor viginti quinque annis, priusquam accusationi responderit, sibi dabitur curator, cujus auctoritale ratificabit confessiones factas et formabitur lotus processus. Sed curator non sit ex officialibus Sancti Officii et potest ejus esse advocatus, vel quælibet alia persona gravis, fidelis et bonæ conscientiæ. Si quid vero cum minoribus gestum sit absque horum curatorum auctoritate, id ipso jure irritum est et nullum. — (Directorium Inquisitorum, Schol., p. 147)
- [109]
Dans les causes criminelles et de haute gravité, l’évêque devait procéder par lui-même à tous les interrogatoires ; Cauchon ne le fit que deux ou trois fois.
- [110]
Rex ordinavit quod ego faciam processum vestrum et ego faciam. — (Procès, t. III, p. 154).
Dans une séance préparatoire l’évêque de Beauvais avait déclaré qu’on voulait faire contre Jeanne un beau procès :
Dixit episcopus … quod intendebant facere unum pulchrum processum contra diclam Johannam. — (p. 137).
On a relevé celte expression contre Cauchon : Il serait inexact de la prendre dans un sens plaisant. À cette époque l’adjectif beau accolé au mot procès avait le sens de régulier. M. de Beaurepaire en témoigne d’après les documents et il faut l’en croire ; mais il se hâte d’ajouter que, pour être moins choquante, l’expression ne devient pas plus juste. Le procès de condamnation ne saurait se défendre de deux causes de nullité : l’accusée et les assesseurs manquèrent de la liberté nécessaire ; l’appel au Pape fut méprisé, à l’encontre du droit canonique et de l’usage (Recherches sur le procès, p. 419-20).
- [111]
Il aurait pu en nommer un particulier, comme on l’observe dans d’autres procès.
- [112]
Quicherat, Procès, t. I, p. 155.
- [113]
Elle eut des vomissements après avoir mangé d’une carpe, que Cauchon lui avait envoyée (Procès, t. III, p. 49). À cette occasion, on a accuse l’évêque de Beauvais d’avoir voulu l’empoisonner : ce qui va suivre montrera l’invraisemblance de cette supposition. On aura fait cuire le poisson dans un vase de cuivre, métal qu’attaquent l’huile, le beurre, surtout le vinaigre ; mais il possède des propriétés émétiques énergiques, qui suffisent pour le faire évacuer avant qu’il ait été absorbé.
- [114]
Quicherat, Procès, t. III, p. 51-2.
- [115]
Il semble, d’après les dires de Manchon, que Fontaine, Isambart et Ladvenu vinrent au commencement de la Semaine-Sainte instruire Jeanne de ce qu’il faut entendre par Église et lui conseiller de se soumettre au Pape et au Concile (Procès, t. II, p. 13).
- [116]
Quicherat, Procès, t. III, p. 309.
- [117]
Protestati sunt… quod omnia dicenda et deliberanda per eos… submittunt examinationi, correctioni et omnimodæ determinationi sacrosanctæ Romaine ecclesiæ… — (Procès, t. I, p. 339 ; cf. p. 414, 417.)
- [118]
Bedford avait été admis comme chanoine de la cathédrale de Rouen en imposante cérémonie, le 23 octobre précédent ; les évêques de Beauvais, d’Avranches et d’Évreux le reçurent au grand portail. Le 31 décembre, il fonda deux messes ; il contribua aussi à la fondation des Carmes et des Célestins. Rouen ne le revit qu’en septembre de l’année suivante (Beaurepaire, Recherches sur le procès, p. 381-6).
- [119]
Beaurepaire, Notes sur les juges et assesseurs, p. 498-9.
- [120]
Un seul texte semble tristement formel à cet égard ; c’est celui du dominicain Ladvenu, en 1450 :
La simple Pucelle lui révéla que, après son abjuracion et renonciacion, on l’avoit tourmentée violemment en la prison, molestée, bastue et deschoullée, et qu’un millourt d’Angleterre l’avoit forcée. — (Procès, t. II, p. 8.)
Mais cette expression brutale doit être corrigée par le témoignage du même en 1452 :
Ex ore ejusdem Johannæ audivit quod quidam magnus dominus Anglicus introivit carcerem dictæ Johannæ et tentavit eam vi opprimere. — (Procès, t. II, p. 365).
La question est tranchée par ces paroles de Jeanne elle-même, le jour de son supplice :
Mon cors net en entier, qui ne fut jamais corrompu. — (Procès, t. II, p. 3).
- [121]
Ce donjon est tout ce qui subsiste de l’ancien château ; on a placé dans l’intérieur la maquette de la statue de la Pucelle par Antonin Mercié, membre de l’Institut ; le marbre est à Domrémy.
- [122]
Pour montrer combien ces douze articles sont infidèles, L’Averdy a publié, sur quatre colonnes parallèles, en regard de leur texte, celui de la censure de la Faculté de théologie de Paris, celui des canonistes et les réponses tirées des interrogatoires de Jeanne qui établissent la fausseté des assertions (Notices et extraits des manuscrits, t. III, p. 58-98).
- [123]
Quicherat, Procès, t. III, p. 316 (témoignage de Martin Berruyer).
- [124]
M. de Beaurepaire a établi une instructive analogie entre le procès intenté à Jeanne et d’autres en matière de foi, qui eurent lieu à Rouen vers la même époque (Recherches sur le procès de condamnation, p. 388-412).
- [125]
En mars 1871, l’abbé Cochet explora 120 mètres carrés du jardin de Saint-Ouen, au sud de la magnifique église, non loin et un peu à l’est du portail des Marmousets. Ces fouilles amenèrent la découverte d’un cimetière remontant au VIIe siècle, avec tombes mérovingiennes et carolingiennes. Il crut avoir découvert l’emplacement de l’abjuration de Jeanne d’Arc en 1431 (Bulletin de la Commission des antiquités de la Seine-Inférieure, 1871/2, t. II, p. 216-57, figg. ; Mémoires de la Société des antiquaires de Normandie, 1876, 3e série, t. VIII, p. 482, 3 pl.).
Par un sentiment de délicatesse, devenu un peu étranger à nos mœurs, M. Charles de Beaurepaire s’abstint, du vivant du docte archéologue normand, de le contredire. Dans de modestes Notes sur le cimetière de Saint-Ouen de Rouen (Précis analytique des travaux de l’Académie de Rouen, 1875-6, p. 211-30, plan ; cf. p, 192-3), il a montré qu’il avait pour limites :
- une ligne partant de l’église paroissiale Sainte-Croix-Saint-Ouen et la porte méridionale de l’église abbatiale ;
- la nef de cette même église ;
- une ligne du bas de cette nef à la rue Saint-Amand ;
- la rue venant du pont de Robec et la grande rue Saint-Ouen.
On peut voir aussi le plan dressé pour l’Histoire de l’abbaye de Saint-Ouen (1602) et A. Sarrazin, Jeanne d’Arc et la Normandie au XVe siècle, p. 351. L’abjuration a dû avoir lieu entre la façade de Saint-Ouen et le portail des Marmousets.
- [126]
Beaurepaire, Notes sur les juges, p. 402-8. Il n’était pas fier d’avoir à remplir cette mission. Il disait au célestin Jean de Lenozoliis que cette besogne lui déplaisait et qu’il aurait bien préféré être en Flandre à ce moment (Procès, t. III, p. 113). On va voir qu’il remplit néanmoins avec âpreté le rôle que Cauchon lui avait imposé.
- [127]
Tortor cum quadriga erat in vico, expectans quod daretur ad comburendum. — (Procès, t. III, p. 65, 147, 149, 273.)
L’exécuteur des hautes œuvres à Rouen se nommait Geoffroi Therage (Beaurepaire, Recherches sur le procès de condamnation, p. 358-9 ; Siméon Luce, Discours à la Société d’histoire de Normandie (189.). Le procès de réhabilitation semble supposer le bûcher allumé (Procès, t. III, p. 273, 360).
- [128]
Beaurepaire, Notes sur les juges, p. 397-400 ; Doinel, ouvr. cité, p. 421-2.
- [129]
Quicherat, Procès, t. II, p. 21.
- [130]
Fuerat adducta in quadriga usque ad cœmeterium Sancti Audoeni Rothomagensis. — (Procès, t. II, p. 351).
- [131]
Sur ce fourbe, qui remplit le rôle d’espion auprès de Jeanne, voir Beaurepaire, Notes sur les juges, p. 445-52 ; Doinel, ouvr. cité, p. 413-5.
- [132]
Assistente sibi pro consilio magistro Nicolao Loyseleur. — (Procès, t. III, p. 146).
- [133]
Quicherat, Procès, t. III, p. 146.
- [134]
Histoire de la Pucelle d’Orléans, livre II, f° 198 v° ; voir encore son Advertissement au lecteur, livre I, f° 8 v°.
- [135]
Quicherat, Procès, t. III, p. 61.
- [136]
Quicherat, Procès, t. II, p. 15, 16-7, 335, 345, 353, 367.
- [137]
Quicherat, Procès, t. III, p. 194.
- [138]
Quicherat, Procès, t. I, p. 444-6.
- [139]
Quicherat, Procès, t. II, p. 358 (témoignage de Richard de Grouchet).
- [140]
Quicherat, Procès, t. I, p. 474-5.
- [141]
Boucher de Molandon, dans Mémoires de la Société archéologique de l’Orléanais (1884), t. XVIII, p. 304-28, 333-40, 344-5.
- [142]
Erant compositæ duæ sententiæ, una abjurationis et alia condemnationis, quas habebat penes se episcopus. — (Procès, t. III, p. 146.)
- [143]
Quicherat, Procès, t. I, p. 446.
- [144]
L’attention des assistants était sollicitée par des incidents divers et parfois simultanés qui se succédaient comme dans un cinématographe ; chacun, à vingt-cinq ans de distance, a déposé sur ce qui l’avait particulièrement impressionné.
- [145]
Quicherat, Procès, t. III, p. 146.
- [146]
Quicherat, Procès, t. III, p. 122-3.
- [147]
Triple témoignage de Massieu (Procès, t. II, p. 17, 331 ; t. III, p. 156). On peut y relever des variantes : d’après le deuxième, c’est Jeanne qui sollicita l’huissier de la conseiller ; il lui répondit à voix basse, car Érard lui demanda ce qu’il disait :
Il l’engage à signer.
Il lui défendit de s’entretenir désormais avec elle. - [148]
Ipsa esset a carceribus liberata. — (Procès, t. III, p. 52).
- [149]
Ipsi judices sibi promiserant quod esset in manibus et carceribus Ecclesiæ, et quod secum haberet unam mulierem. — (Procès, t. III. p. 149.)
Quod iret ad missam, reciperet corpus Christi et poneretur extra compedes ferreas. — (Procès, t. I, p. 455.)
- [150]
Quicherat, Procès, t. III, p. 55.
- [151]
Quicherat, Procès, t. III, p. 123, cf. p. 157.
- [152]
Quicherat, Procès, t. III, p. 90, 146-7, 156.
- [153]
Domine, non curetis ; bene rehabebimus eam. — (Procès, t. II, p. 376.)
- [154]
Au devant de jeudi, ses voix lui avoient dit ce que elle feroit et qu’elle fist ce jour… Ses voix lui distrent en l’escharfault que elle respondit ad ce prescheur hardiement, et lequel prescheur elle appelloit faulx prescheur, et qu’il avoit dit plusieurs choses qu’elle n’avoit pas faictes. — (Procès, t. I, p. 456-7.)
- [155]
Fuit multum oppressa de se revocando. — (Procès, t. III, p. 123.)
Oppressa ut signaret dictam schedulam. — (p. 157.)
- [156]
Par la présence du bourreau et peut-être la flamme du bûcher (voir la note 127).
- [157]
Sub hac conditione (quod ipsa esset a carceribus liberata) et non alias hoc fecit. — (Procès, t. III, p. 52.)
- [158]
Elle dist en l’eure, qu’elle n’en entendoit point révoquer quelque chose, se ce n’estoit pourveu qu’il pleust à nostre Sire. — (Procès, t. I, p. 408.)
- [159]
Post prædicationem factam apud Sanctum Audoenum, junctis manibus, (Johanna) dixit alla voce quod se submittebat judicio Ecclesiæ, deprecando sanctum Michaelem, quod eam dirigeret et consuleret. — (Procès, t. II, p. 323.)
- [160]
Quicherat, Procès, t. III, p. 156, 197 (témoignages de Massieu et de Taquel) ; cf. p. 147.
- [161]
Quicherat, Procès, t. II, p. 17 ; t. III, p. 164 (témoignages de Massieu et de Boisguillaume).
- [162]
Subridebat. — (Procès, t. III, p. 147.)
Ridendo pronuntiabat aliqua verba dictæ abjurationis. — (t. II, p. 338).
Quelle était la signification de ce sourire ? Les Anglais y virent une moquerie (t. I, p 465, 1. 10 ; t. III, p. 55, 143). M. Dunand nous semble avoir trouvé la véritable signification de ce phénomène psychologique (Histoire, t. III, p. 403-4 ; Étude critique, 1901, p. 145-8) : c’était la détente qui suivait une extrême tension physique et morale.
- [163]
Quicherat, Procès, t. I, p. 447-9.
- [164]
Bene scit (testis) quod ilia schedula continebat circiter octo lineas, et non amplius. — (Procès, t. III, p. 156.)
- [165]
(Legit Johanna) quamdam parvam schedulam, continentem sex vel septem lineas, in volumine folii papyrei duplicati ; et erat ipse loquens ita prope, quod verisimiliter poterat videre lineas et modum earumdem. — (Procès, t. III, p 52.)
- [166]
Ipse fuit præsens in Sancto Audoeno, quando facta fuit prima prædi catio, sed non fuit cum aliis notariis in ambone ; erat tamen satis prope, ei in loco ubi poterat audire quæ fiebant et dicebantur. Et bene recordatur quod vidit eamdem Johannam, quando schedula abjurationis fuit sibi lecta ; et sibi legit eam dominus Johannes Massieu, et erat quasi sex linearum grossæ litteræ. Et dicebat ipsa Johanna post dictum Massieu ; et erat ilia littera abjurationis in gallico, incipiens : Je Jehanne, etc. — (Procès, t. III, p. 197.)
- [167]
Tunc vidit ipse loquens quamdam schedulam abjurationis, quæ tune fuit lecta, et eidem loquenti videtur quod erat unaparva schedula, quasi sex vel septem linearum. — (Procès, t. III, p, 65.)
- [168]
Quantum ad factum abjurationis, dicit quod facta fuit per eam et erat in scriptis, et durabat totidem vel circiter sicut Pater noster. — (Procès, t. III, p. 132.)
- [169]
Et scit firmiter quod non erat ilia (schedula) de qua in processu fit mentio ; quia aliam ab ilia quæ est inserta in processu legit ipse loquens et signavit ipsa Johanna. — (Procès, t. III, p. 156.)
Le promoteur de la réhabilitation l’affirme expressément (t. II. p. 187, 255).
- [170]
On a relevé dans la vie de cet ecclésiastique des faits peu honorables (Beaurepaire, Rech. sur le procès, p. 435). Je ne vois pas en quoi cela peut vicier son témoignage sur le point qui nous occupe. Huissier dans le procès, il eut
hac de causa magnam familiaritatem cum ea
(Procès, t. III, p. 151). Sur un mot de lui :Je n’ai veu que bien et honneur à elle
, Cauchon le menaça de le faire noyer :on lui feroit boire une fois plus que de raison
(t. II, p. 16). Pour s’être prêté à laisser Jeanne faire oraison en passant devant la chapelle du château, il reçut d’Estivet cette semonce :Truant, je te ferai mettre en telle tour, que tu ne verras lune ne soleil d’icy à ung mois
(Ibid.). Quel intérêt personnel pouvait-il trouver à travestir la vérité dans la question de la cédule ? Il s’exposait à un démenti : il n’y en eut aucun. - [171]
Et est bene memor quod in eadem schedula cavebatur quod de cætero non portaret arma, habitum virilem, capillos rasos, et multa alia de quibus non recordatur. — (Procès, t. III, p. 156.)
- [172]
Audivit abjurationem fieri per dictam Johannam, se submittendo détermination !, judicio et mandalis Ecclesiæ. — (Procès, t. II, p. 338.)
- [173]
Ipse fuit præsens in Sancto Audoeno, in prædicatione de eadem Johanna facta… Vidit etiam ipse loquens quod eidem Johannæ legebatur quædam schedula ; sed quid in ea continebatur nescit : recordatur tamen quod dicebatur quod commiserat crimen læsæ majestatis et quod seduxerat populum. — (Procès, t. III, p. 193-4.)
Le mot dicebatur ne paraît pas signifier :
on disait dans le public
, mais plutôtla cédule contenait
. - [174]
Je, Jehanne, promets de ne plus porter à l’avenir l’habit d’homme, ni des armes, ni les cheveux courts. Je confesse avoir commis le crime de lèse-majesté et avoir séduit le peuple. Je me soumets à la détermination, au jugement, aux commandements de l’Église ; et pour les apparitions et révélations que j’ai dit avoir eues, je m’en rapporte totalement à notre mère la sainte Église. — (Étude critique, p. 156-7.)
- [175]
Je les vois traduire par
plusieurs autres choses
, en conformité, paraît-il, avec certains passages du procès. Ce n’est peut-être que l’équivalent d’unetc.
. - [176]
Tunc quidam secretarius régis Angliæ tune præsens, vocatus Laurentius Calot, extraxit a manica sua quamdam parvam schedulam scriptam, quam tradidit eidem Johannæ ad signandum ; et ipsa respondebat quod nesciebat nec legere, nec scribere. Non obstante hoc, ipse Laurentius Calot, secretarius, tradidit eidem Johannæ dictam schedulam et calamum ad signandum ; et, per modum derisionis, ipsa Johanna fecit quoddam rotundum. Et tune ipse Laurentius Calot accepit manum ipsius Johannæ cum calamo, et fecit fieri eidem Johannæ quoddam signum de quo non recordatur loquens. — (Procès, t. III, p. 123.)
- [177]
Bene est memor quod magister Nicolaus de Venderez fecit quamdam schedulam, quæ incipiebat Quotiens cordis oculus ; sed si sit ilia schedula contenta in processu, nescit. Nescit etiam si viderit illam schedulam in manibus ipsius magistri Nicolai ante abjuralionem ipsius Puellæ vel post, sed crédit quod ante viditeam. — (Procès, t. III, p. 61).
Manchon n’a pas vu faire la cédule, mais il affirme qu’elle était prête avant la cérémonie de Saint-Ouen (p. 147).
- [178]
Aperçus nouveaux sur l’histoire de Jeanne d’Arc, p. 135.
- [179]
Elle révoqua et fist son abjuracion en la manière qui en suit. — (Procès, t. I, p. 446.)
Suivent trois points : selon son habitude, Manchon se proposait d’insérer le texte plus tard.
- [180]
Je ne m’attarde pas aux autres erreurs de détail de Jules Quicherat dans cette question de l’abjuration (Aperçus, p. 133-8). On les trouvera réfutées dans l’Étude critique de M. Dunand (p. 93-100).
- [181]
Tamen bonum est quod schedula nuper lecta legatur iterum coram ipsa et sibi exponatur, proponendo ei verbum Dei. — (Procès, t. I, p. 463).
- [182]
Si, cessante passione, dicta mulier confessa est ilia quæ continentur in schedula. — (Procès, t. I, p. 464.)
- [183]
Prohibuit Erard dicto loquenti ne amplius cum dicta Johanna loquerelur aut sibi aliquid consuleret. — (Procès, t. II, p. 331.)
- [184]
Quicherat, Aperçus, p. 135. Le témoignage de Manchon est formel :
Nec est memor quod unquam eidem Johannæ fuerit exposita ilia schedula abjurationis nec data intelligi, nec lecta nisi illo instante quo fecit hujusmodi abjurationem. — (Procès, t. III, p. 147.)
- [185]
Ilia hora fuit magnus tumultus populorum adstantium. — (Procès, t. III, p. 157.)
- [186]
De schedula abjurationis quæ fuit facta in prima sententia scit quod fuit lecta in publico, sed per quem non recordatur ; et crédit quod ipsa Johanna nullo modo intelligebat nec sibi fuit exposita. — (Procès, t. III, p. 164.)
- [187]
De aliis quæ dicebantur per eam abjurata, dicebat nihil de contentis in eadem abjuratione intellexisse. — (Procès, t. III, p. 149.)
- [188]
Bene videbat loquens quod ipsa Johanna non intelligebat dictam schedulam, nec periculum quod sibi imminebat. — (Procès, t. III, p. 167.)
- [189]
Quicherat, Procès, t. I, p. 457-8.
- [189b]
Cf. note 172 (p. 56, n. 4).
- [190]
His intermediis, ipsa Johanna respondil quod erat parata obedire Ecclesiæ et tunc fecerunt sibi dicere hujusmodi abjurationem. — (Procès, t. III, p. 147.)
- [190b]
Cf. note 159 (p. 52, n. 5).
- [191]
Quicherat, Procès, t. II, p. 346, cf. p. 313.
- [192]
Quicherat, Procès, t. II, p. 21.
- [193]
Et quidquid fecerat, hoc fuerat metu ignis, videns tortorem paratum cum quadriga. — (Procès, t. III, p. 149.)
- [194]
Magno tempore recusavit illam schedulam abjurationis signare ; et tandem compulsa, præ timore signavit et fecit quamdam crucem. — (Procès, t. III. p. 164.)
- [195]
Et tunc ipsa Johanna respondit quod malebat signare cpiam cremari. — (Procès, t. III, p. 157.)
- [196]
Quicherat, Procès, t. I, p. 457.)
- [197]
Post hujusmodi abjurationem, plures dicebant quod non erat nisi truffa et quod non faciebat (Johanna) nisi deridere… Postmodum plures de assistentibus dicebant quod de ilia abjuratione non multum curabant et quod non erat nisi truffa ; et, ut videtur loquenti, ipsa Johanna de ilia abjuratione non multum curabat nec faciebat de eadem compotum, et illud quod fecit in hujusmodi abjuratione, fecit precibus adstantium devicta. — (Procès, t. III, p. 55.)
- [198]
Voyez la note 148.
- [199]
Dunand, Étude critique, p. 101-20.
- [200]
Est abjuratio solemnis hæresum detestatio, cum assertione catholicæ veritatis et obligatione, juramento et pœna munita, permanendi in fide christiana. — (Directorium Inquisitorum, Schol., p. 169.)
- [201]
Quicherat, Procès, t. I, p. 442.
- [202]
Quicherat, Procès, t. I, p. 455.
- [203]
Sit cautus notarius, quod ponat in actis quomodo talis abjuratio facta est per talem, […] ad hoc ut, si relabalur, sciatur qualiter puniretur pœna relapsis debita. — (Directorium Inquisitorum, Schol., p. 318.)
- [204]
Quicherat, Procès, t. I, p. 458.
- [205]
Item, et ipsa prætensa per judices iniquos abjuratio ponderanda est ; quoniam et ilia quæ processui inserla est, fabricata est de novo post completum processum adversum, et prolixa est valde, arlificio confecta valido, quam nec concipere ipsa potuisset innocens fdia etignara : imo altera sibi præsentata est, dissimilis et brevi schedula comprehensa. — (Procès, t. III, p. 273.)
- [206]
Attentisque circa dicti processus materiam, quadam abjuratione prætensa, falsa, subdola, ac per vim et metum, præsentiam tortoris et comminatam ignis cremationem extorta, et per dictam defunctam minime prævisa et intellecta… — (Procès, t. III, p. 360.)
- [207]
Quicherat, Procès, t. II, p. 14.
- [208]
Reducta erat, de quo multi gaudebant. — (Procès, t. III, p. 113.)
- [209]
Fuerunt projecti multi lapides. — (Procès, t. III, p. 157.)
- [210]
Par aucuns Anglois fut impropéré à l’évesque de Beauvais et à ceulx de Paris qu’ilz favorisoient aux erreurs d’icelle Jehanne. — (Procès, t. II, p. 21.)
- [211]
Quicherat, Procès, t. II, p. 322, 338, 355 ; t. III, p. 55.
- [212]
Quicherat, Procès, t. I, p. 450-2.
- [213]
Quicherat, Procès, t. II, p. 14.
- [214]
Quicherat, Procès, t. II, p. 376.
- [215]
Quicherat, Procès, t. III, p. 147.
- [216]
Quicherat, Procès, t. I, p. 452-3.
- [217]
Quicherat, Procès, t. II, p. 376.
- [218]
Quicherat, Procès, t. II, p. 14, 19, 21, 349, 356-7, 364 ; t. III, p. 148, 158, 180.
- [219]
Quicherat, Procès, t. I, p. 456, 458.
- [220]
Quicherat, Procès, t. III, p. 147-8.
- [221]
Quicherat, Procès, t. II, p. 18 ; t. III, p. 53, cf. p. 164.
- [222]
Quicherat, Procès, t. III, p. 148-9.
- [223]
Voyez la note 120.
- [224]
Quicherat, Procès, t. II, p. 5, 305.
- [225]
Quicherat, Procès, t. III, p. 149.
- [226]
Quicherat, Procès, t. III, p. 158, 180.
- [227]
Quicherat, Procès, t. II, p. 5, 8, 305.
- [228]
Quicherat, Procès, t. I, p. 456-7. Ceci étant la reproduction à peu près littérale de la minute française, mise comme ailleurs en style direct, je crois inutile de donner le texte latin.
- [229]
Dunand, Étude critique, p. 179-83, 186, 192.
- [230]
Dunand, Étude critique, p. 187.
- [231]
Dunand, Étude critique, p. 127.
- [232]
Quicherat, Procès, t. I, p. 456-7.
- [233]
Quicherat, Procès, t. III, p. 52, 65, 130-1, 156, 197.
- [234]
Quicherat, Procès, t. I, p. 402-69.
- [235]
Quicherat, Procès, t. II, p. 3-4, 8.
- [236]
Quicherat, Procès, t. III, p. 191.
- [237]
J’inclinerais à croire, d’après le texte de la déposition de son confrère Toutmouillé (Procès, t. II, p. 3), qu’à son arrivée dans la prison il la confessa une première fois avant de lui annoncer la fatale nouvelle.
- [238]
Quicherat, Procès, t. I, p. 482-3 ; t. II, p. 19, 308, 320, 334 ; t. III, p. 114, 108, 173, 197.
- [239]
Le procès-verbal ne mentionne pas sa présence ; elle est attestée par Isambard de la Pierre seul (Procès, t. II, p. 6).
- [240]
Dix-mille personnes, au dire de Pierre Bouchier (Procès, t. II, p. 324).
- [241]
Beaurepaire (Ch. de), Note sur la prise du château de Rouen par Ricarville, dans Précis des travaux de l’Académie de Rouen (1856) ; Rouen, 1857, in-8°, p. 5.
- [242]
Quicherat, Procès, t. II, p 324.
- [243]
Quicherat, Procès, t. III, p. 165, 169-70, 186, 187-8, 201-2.
- [244]
Quicherat, Procès, t. II, p. 20. D’après Manchon, il fit un geste de la main et dit :
Emmenez-la ! emmenez-la !
(p. 344). Guédon et Ladvenu ont ajouté à leur déposition que, peu de temps après, un nommé Georges Folenfant fut également abandonné à la justice séculière ; mais l’archevêque et le vice-inquisiteur envoyèrent Ladvenu au baillipour l’advertir qu’il ne seroit pas ainsi faict dudit Georges comme il avoit faict de la Pucelle, laquelle, sans sentence finale et jugement deffinitif, fut au feu consommée
(p. 9). - [245]
Procès, t. II, p. 6 ; t. III, p. 53 (
Plures flebant, aliqui autem Anglici ridebant
), 177, 186 (Quasi omnes flebant præ pietate
). - [246]
Quicherat, Procès, t. IV, p. 469.
- [247]
Quicherat, Procès, t. II, p. 303.
- [248]
Quicherat, Procès, t. II, p. 324.
- [249]
Quicherat, Procès, t. II, p. 6-7.
- [250]
Quicherat, Procès, t. III, p. 186. Voir :
- Choussy (Joseph-Édouard), Jeanne d’Arc, preuves de son martyre à Rouen ; Orléans, 1894, in-18.
- Lanéry d’Arc (Pierre), p. 578.
- Belon (Marie-Joseph), Le martyre de Jeanne d’Arc, dans Univers cathol. (1894), t. XV, p. 161-86.
- [251]
Cochard (Théophile), Existe-t-il des reliques de Jeanne d’Arc, dans Mémoires de la Société archéologique de l’Orléanais (1892), t. XXIII, p. 191-240 ; Orléans, 1891, in-8°, 61 p., grav.
- [252]
Quicherat, Procès, t. II, p. 307.
- [253]
Quicherat, Procès, t. II, p. 375 ; t. III, p. 191.
- [254]
Quicherat, Procès, t. II, p. 7, 9.
- [255]
Quicherat, Procès, t. II, p. 372.
- [256]
Quicherat, Procès, t. II, p. 63, 352.
- [257]
Quicherat, Procès, t. III, p. 165.
- [258]
Ex officio
, ajoute-t-il : son office avait pris fin avec la sentence définitive. - [259]
Quicherat, Procès, t. II, p. 14.
- [260]
Quicherat, Procès, t. III, p. 143, 145.
- [261]
Taquel y fut présent, d’après ces mots de sa déposition :
Et venit loquens, post susceptionem (Corporis Christi), in camera qua fuerunt interrogationes factæ. — (Procès, t. II, p. 320).
Ces termes ont fait conjecturer qu’elles sont un fragment d’interrogatoire.
- [262]
De l’autorisation accordée par Cauchon, d’administrer à la condamnée les derniers sacrements, M. de Beaurepaire a conclu à la réalité d’une seconde rétractation et, par conséquent, à la véracité de l’enquête posthume (Recherches sur le procès, p.437). L’évêque de Beauvais a pu impunément braver, pour ce fait, les poursuites de l’Inquisition, de même qu’il n’a pas été inquiété pour les nombreux cas de nullité du procès.
- [263]
Quicherat, Procès, t. I, p. 477-8.
- [264]
Quicherat, Procès, t. III, p. 170. Manchon dira de son côté : jamais elle n’a voulu révoquer ses révélations, mais elle y a persévéré jusqu’à la fin (p. 150).
- [265]
Quicherat, Procès, t. I, p. 478-9.
- [266]
Quicherat, Procès, t. I, p. 480.
- [267]
Jacques Le Camus figure dans le manuscrit d’Urfé, mais non dans la version latine (Procès, t. I, p. 409).
- [268]
Quicherat, Procès, t. I, p. 485-96. Le roi d’Angleterre écrivit, dans le même sens, à son allié, le duc de Bourgogne (Monstrelet, chap. CV ; Procès, t. IV, p. 403).
- [269]
Quicherat, Procès, t. I, p. 496-500.
- [270]
Quicherat, Procès, t. III, p. 240-3.
- [271]
Quicherat, Procès, t. II, p. 1-2.
- [272]
Quicherat, Procès, t. III, p. 322-6. Lanéry d’Arc (Pierre), Mémoires et consultations en faveur de Jeanne d’Arc par les juges du procès de réhabilitation, d’après les manuscrits authentiques, publiés pour la première fois pour servir de complément et de tome VI aux Procès de condamnation et de réhabilitation de Jules Quicherat ; Paris, 1889, in-8°, 602 p. Ces mémoires et consultations extra-judiciaires, au nombre de 15, émanent de :
- Théodore Lelli (p. 17) ;
- Paul Pontano (p. 35, 55) ;
- Jean L’Hermite (p. 73) ;
- Guy de Verseilles (p. 83) ;
- Jean Bréhal (pp. 91, 395) ;
- Élie de Bourdeilles (p. 99) ;
- Thomas Basin (p. 187) ;
- Martin Berruyer (p. 237) ;
- Jean Bochard (p. 269) ;
- Jean de Montigny (p. 277) ;
- Guillaume Bouillé (p. 323) ;
- Robert Ciboule (p. 351) et
- Jacques Gelu (p. 565).
- [273]
Quicherat, Procès, t. II, p. 3-21.
- [274]
Belon (Marie-Joseph) et Balme (François), Jean Bréhal, grand inquisiteur de France, et la réhabilitation de Jeanne d’Arc ; Paris, 1893, in-4°, VII-152-208-(153-)188 p. (donnent à nouveau le texte de la Recollectio, d’après le seul ms. 5970).
- [275]
Quicherat, Procès, t. II, p. 292-309.
- [276]
Quicherat, Procès, t. II, p. 331-77.
- [277]
Quicherat, Procès, t. II, p. 378-468 ; t. III, p. 1-206.
- [278]
Quicherat, Procès, t. III, p. 206-21.
- [279]
Quicherat, Procès, t. III, p. 298-359.
- [280]
L’Averdy apprécie ainsi le procès de réhabilitation :
Il ne peut pas y avoir de jugement plus réfléchi, mieux préparé ni plus juste en lui-même. — (Notes, t. III, p. 532).
Sur le culte de Jeanne d’Arc, voir :
- Lanéry d’Arc, p. 599-600.
- [Colin (Alex.) et Desnoyers], Évêché d’Orléans, Procès de l’ordinaire relatif à la béatification et à la canonisation de Jeanne d’Arc, surnommée la Pucelle d’Orléans, questionnaire ; Orléans, 1874, in-8°, XV-92 p.
- Sacra Rituum congregationis… Aurelianen. Beatificationis et canonizationis servæ Dei Joannæ de Arc, Puellæ Aurelianensis nuncupatæ, positio super introductione causæ ; Romæ, 1893, in-fol.
- Belon (Marie-Joseph), Les auréoles de Jeanne d’Arc, dans Université catholique (1895), t. XIX p. 22-36, 176-93, 379-401 ; Lyon, 1895, in-8°, 54 p.
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[Note de la présente édition.] Il s’agit du père Ayroles, si décrié dans la note 7, que Mgr Touchet avait convoqué à Orléans du 12 au 21 avril 1901.