Dossier
Comparaison de la version originale de Barbier (1873) d’avec celle de Darbélit (1894)
L’édition jeunesse de Darbélit, consiste pour l’essentiel en une suppression des rôles féminins et de celui du fiancé éconduit de Jeanne, et des remaniements inévitables qui en résultent. Les voici énumérés avec, si nécessaire, juxtaposition des passages affectés :
Barbier à gauche. |
Darbélit à droite. |
1. Disparition chez Darbélit d’Isabelle et Catherine, mère et sœur de Jeanne.
Acte I, scène 1, la pièce débute par un ajout qui justifie l’absence des deux femmes :
Laxart Où donc est Isabelle ? Jacques À Greux, avec la sœur de Jeanne, pour le fisc. Laxart Hélas ! temps de malheur ! | |
Jeanne Mon père !… |
Jeanne Mon père !… |
(Note : le père d’Henri Darbelit était employé des impôts.)
Pour suppléer au rôle d’Isabelle, Darbélit introduit Durand Laxart, personnage historique et oncle de Jeanne, qui devient dans la pièce son grand-père. Laxart dira l’essentiel des répliques d’Isabelle.
Acte I, scène 2, Jacques, le père de Jeanne, tutoyait sa femme (chez Barbier), mais vouvoie Laxart (chez Darbélit) :
Jacques Tu te trompes sur elle. |
Jacques Vous vous trompez sur elle. |
Toutefois, lorsque la rime l’impose, Durand tutoie Jacques.
Isabelle Non ! par la sainte croix, toi-même tu le sais, |
Laxart Non ! par la sainte croix, toi-même tu le sais, |
2. Disparition de Thibaut, le fiancé éconduit.
Jacques, dans l’espoir de calmer les ardeurs de Jeanne, comptait (chez Barbier) favoriser son mariage avec le voisin Thibaut, qu’il sait amoureux. Isabelle devait le lui annoncer.
Jacques Aussi tout mon désir est de la marier ; | Un esprit se rassoit aux soucis du foyer. | J’ai cru voir que Thibaut l’aimait au fond de l’âme, | Et je veux, s’il est vrai, la lui donner pour femme. |
Jacques Mais la voici qui vient. C’est à vous, son aïeul, | De la persuader : parlez-lui seul à seul. |
3. Suppression des scènes 3 et 4 de l’Acte I, entre Thibaut et les parents de Jeanne. L’action reprend à la scène 5 (scène 3 chez Darbélit).
Chez Barbier, Thibaut avouait son amour à Jeanne ; elle répondait n’y pouvoir consentir, invoquant ses voix et de la mission reçue de Dieu. Chez Darbélit, Laxart tient le rôle de Thibaut et Jeanne ne lui parle que des voix et la mission.
Jeanne Mais quoi !… d’autres destins pour moi sont résolus ! | Je ne peux me donner, ne m’appartenant plus ! |
Jeanne Mais pourquoi me parler de ces temps révolus ? Laxart Je veux te retrouver. Jeanne Je ne m’appartiens plus. |
4. Suppression des scènes 6 à 9 de l’Acte I, qui voyait l’irruption de Mengette, l’amie de Jeanne, poursuivie par un soldat anglais ; Jeanne se découvrant une force inconnue, parvenait à le faire fuir. L’action reprend à la scène 10 (scène 4 chez Darbélit).
5. Suppression des scènes 1 à 3 de l’Acte II, où Agnès Sorel se languissait du roi, puis soupirait des malheurs du pays. L’action reprend à la scène 4 (scène 1 chez Darbélit) entre De Thouars (La Trémoille) et La Hire.
Dans la scène 6 (scène 3 chez Darbélit), De Thouars dit les répliques d’Agnès au sujet des festivités qu’on annonce. Le page Loys disparaît de la scène 7 (scène 4 chez Darbélit) ; la 8 (rencontre en Jeanne et La Hire) est légèrement raccourcie de l’évocation d’Agnès.
6. Les scènes 9, 10 et 11 (rencontre entre Jeanne et Agnès) sont fondues en la scène 6 chez Darbélit ; De Thouars dit les répliques d’Agnès (au sujet de l’habit d’homme, de la prétention de Jeanne à batailler). Dans la 13 (8 chez Darbélit), De Thouars prenait la place du roi pour recevoir Jeanne ; Darbélit fait jouer le rôle à D’Aulon.
7. Acte III, les scènes 1 et 2 sont fondues en la scène 1 chez Darbélit ; disparition de Perrine la ribaude.
8. Dans la scène 3 (2 chez Darbélit), La Hire ne jure plus jarnidieu
, mais jarnibleu
.
9. Dans les scènes 4 et 5 (3 et 4 chez Darbélit), disparition de l’anglais Siward (le même qui avait attaqué Mengette) ; capturé par d’Aulon, il mourrait dans les bras de Jeanne. Darbélit n’évoque que de loin un prisonnier qu’on a jeté à la Loire.
10. Acte IV, suppression de la scène 1, où Jeanne ressuscitait un nourrisson devenant sa marraine. L’enfant n’est qu’évoqué au début de la scène suivante chez Darbélit.
11. Suppression des scènes 4 et 5, où Agnès cédait sa place protocolaire à Jeanne pour le sacre. La scène 6 (3 chez Darbélit) est raccourcie des vers mentionnant la maîtresse du roi.
12. Isabelle, Catherine et Thibaut disparaissent des scènes 7 et 8 (4 et 5 chez Darbélit) où Jeanne retrouve ses parents. Darbélit justifie à nouveau l’absence d’Isabelle et Catherine :
Jeanne Chers bien-aimés, que j’ai quittés sans un adieu ! | Qui m’avez pardonné !… Jacques Te pardonner ta gloire !… |
Jeanne Chers bien-aimés, que j’ai quittés sans un adieu ! | Et ma mère ? Jacques Ployant sous le fardeau de l’âge, | Sa force défaillante a trahi son courage. |
Laxart et Pierrelo, le frère de Jeanne, se partagent les répliques des trois absents.
Catherine Et c’est bien vrai que tu te trouvais là, | Sans peur, où des Anglais étaient tués ? Jeanne Cela | Je l’ai vu ! […] Isabelle Mais tu pouvais mourir ! Jacques N’as-tu jamais reçu | De blessure ? Jeanne Une fois ! Isabelle Dieu ! si je l’avais su !… Thibaut Ô Jeanne !… Et je n’étais pas là pour la défendre ! |
Pierrelo Et c’est bien vrai que tu te trouvais là, | Sans peur où des Anglais étaient tués ? Jeanne Cela | Je l’ai vu ! […] Pierrelo Mais tu pouvais mourir ! Jacques N’as-tu jamais reçu | De blessure ? Jeanne Une fois ! Laxart Dieu ! si je l’avais su !… Pierrelo Ô Jeanne !… Et je n’étais pas là pour la défendre ! |
Dans la scène 9 (6 chez Darbélit) où Jeanne se soumet au roi et renonce à rentrer chez elle, c’est elle qui prononce la seule réplique de Thibaut.
Thibaut, à part. Ô bonheur effacé ! |
Jeanne Ô mon père ! ô bonheur effacé ! |
13. Acte 5, scène 1. Darbélit en a supprimé l’introduction où les gardiens chantent et boivent.
14. Acte 5, scène 4. Darbélit ampute la cédule d’abjuration des quatre vers suivants :
Par révélations fausses et sacrilèges ;
Évoqué les démons et fait des sortilèges ;
Cherché l’effusion du sang, et fomenté
La révolte, l’orgueil et l’impudicité ;
15. Acte 5, scène 7. Darbélit supprime l’échange où Warwick rappelle à Jeanne sa tentative de viol :
Jeanne Ah ! c’était vous, milord ? Ainsi, je vais mourir, | Et ce n’est pas assez ! vous voulez me flétrir, |
Jeanne Moi, renier mon Dieu ! Blasphème ! Quoi ! mourir, | Ce n’est donc pas assez ? Vous voulez me flétrir, |
16. Acte 5, scène 8. Darbélit raccourcit l’entrée et ne mentionne plus que Jeanne a communié :
Warwick Pas de long préambule, | N’est-ce pas ? Lisez-nous simplement la formule ; | Je ne veux pas dîner ici. Qu’avez-vous donc ? Jean d’Estivet, avec émotion. Elle a reçu son Dieu saintement ! Warwick Mais pardon ! | J’ai hâte comme vous, que tout ceci finisse ! |
Warwick Vite ! qu’on en finisse ! |
17. Acte 5, scène 8. Darbélit ampute la sentence de condamnation de quatre vers, et remanie légèrement ceux qui suivent :
Toi, Jeanne, par devant tes juges légitimes, | Pour schisme, idolâtrie et beaucoup d’autres crimes, | Admise à pénitence, et, malgré ton serment, | Ô douleur ! retombée en ton aveuglement, | Nous t’avons déclarée hérétique et parjure, | Et, de même qu’un membre atteint de pourriture |
Toi, Jeanne, déclarée hérétique et parjure, | De même que tout membre atteint de pourriture |