Texte intégral
1Discours sommaire tant du nom et des armes, que de la naissance et parenté de la Pucelle d’Orleans, et de ses freres.
Extraict,
De plusieurs Patentes et Arrest, Enquestes et Informations, Contracts et autres tiltres, qui sont pardevers les aisnez, de chacune des familles descendues des freres de ladicte Pucelle,
En Octobre 1612.
Origine et nationalité de Jeanne
Jeanne Darc, vulgairement appellee la Pucelle d’Orleans, nalquit et fut baptisee au Village de Domp-remy, Parcoisse de Greux en France, situez sur la Riviere de Meuze, frontiere de Champagne, au ressort de la Prevosté d’Andelot, Bailliage de Chaumont en Bassigni, Eslection de Langres, et Diocese de Toul : et d’autant 2qu’on dict communement Toul en Lorraine, aucuns ont escrit qu’elle estoit Lorraine, mais erronément, pour ce qu’il est notoire, que ledit Dioceze de Toul, a son estendue et ressort, partie sur la France, partie sur l’Empire, et partie sur la Lorraine, comme les autres Eveschez proches Metz et Verdun, pareillement situez sur les frontieres desdicts pays : Qui faict qu’en toute la Lorraine, n’y ayant un seul Evesché, on dict ainsi communement Toul en Lorraine ; qui est a dire, en ce qui est de la Lorraine ; comme on peut dire Toul en France, en ce qui est de France ; ce qui ne se dit toutesfois si souvent ny si facilement, pource qu’en France il y a assez d’autres Eveschés ; aussi que la plus grande part de la Lorraine est dudict Evesché de Toul.
Aucuns ont escrit aussi, qu’elle estoit native de Vaucouleur, par un pareil abus, qui procede de ce qu’elle s’addressa au Gouverneur de ladite ville, à ce qu’il la fist conduire vers le Roy Charles 7. suivant les revelations qu’elle avoit de Dieu d’ainsi le faire ; d’autant qu’ayant à faire un si long voyage pour aborder le Roy et passer par plusieurs villes et places de guerre qui restoient en son obeissance, il estoit necessaire d’avoir un 3passeport, qui la peust faire recognoistre. Et n’ayant pres de sa naissance et demeure, autre ville de guerre proche, où y eust plus forte garnison pour le Roy, ny Capitaine mieux recognu que Pierre de Baudricourt, qui commandoit pour lors ladite Ville de Vaucouleur, frontiere de la France, et en laquelle y avoit un fort Chasteau ; elle fut addressee, fort à propos vers luy, par l’instinct et Conseil de Dieu qui la conduisoit, et qui disposa l’esprit dudict sieur de Baudricourt, quasi contre son sens, de la croire et luy donner convenable escorte.
Autres soustiennent encores que les Villages de Greux et Domp-remy, sont du Barrois, et que par consequent le Duché de Bar appartenant au Duc de Lorraine, ladite Pucelle se peut appeller Lorraine : Il peut bien estre, que lesdictz villages de Greux et de Domp-remy, estant situez sur la frontiere de Champagne, il y en ait quelques maisons ou partie d’icelles en Barrois qui est limitrophe : Mais quand ils en seroient du tout ou en partie, cela ne seroit pas que la consequence soit necessaire ny veritable, qu’elle fust Lorraine, ny autre que Françoise : Le Comté de Charolois 4appartient en proprieté au Roy d’Espagne, il y commet des juges tels qu’il veult pour y rendre la justice à ses subjects ; mais pour ce que le ressort de la justice souveraine, en appartient au Roy de France, et que ledict Comté doit la foy et hommage à la Couronne de France, on n’a jamais veu ny ouy dire, que ceux dudict Comté de Charolois fussent appellez Espagnols, ny autres que François : Ainsi nos Roys de France ayant de tout temps le ressort de la Justice souveraine, et l’hommage sur le duché de Barrois, on ne peut revoquer en doute, que ladicte Pucelle ne soit entierement et veritablement Françoise de naissance et de diocese, et nullement Lorraine, ny en aucune façon.
La preuve s’en void par les premieres lettres patentes qu’elle obtint dudit sieur Roy Charles septiesme, pour exempter les habitants desdits village de Greux et Domp-remy, en faveur de sa naissance, de toutes tailles Aides et subventions, donnees a Chasteautiery le dernier Juillet 1429. au retour du sacre du Roy, signées par le Roy en son Conseil Budé, qui portent par expres, que lesdicts villages sont au ressort dudit Bailliage de Chaumont 5en Bassigny : Ce qui se void confirmé par la sentence donnee le mesme jour, pour l’entherinement et execution desdites patentes, par M. Regnier de Bouligny lors general et Conseiller du Roy sur le faict et gouvernement de toutes ses finances, qui mande ainsi le faire, et est signé N. Continelles.
Et par autres patentes du mesme Roy Charles septiesme, donnees à Chinon, le sixiesme Fevrier 1459. le trente huictiesme an de son regne, Signées par le Roy, à la relation de son Conseil, Continelles ; se void comme les habitans desdits villages de Greux et de Dompremy, estans troublez en ladite exemption, est mandé par le Roy de les y conserver et maintenir, suyvant lesdites premieres patentes de l’an 1429. en ces mots, En faveur de ladite Pucelle, natisve d’icelle parroisse, et en laquelle sont ses parens : Lesdictes secondes patentes verifiees et executees par sentence des Esleus de Langres, du premier Avril audit an 1459. avant Pasques.
Lesquels habitans de Greux et Domp-remy, ont depuis tousjours obtenu lettres de confirmation de ladite exemption de toutes Aydes et Tailles, de Roy en Roy,6jusques au Roy Louys 13. à present regnant, duquel ils les ont obtenues, donnees à Paris au mois de Juin 1610. verifiees et registrees en la Cour des Aydes à Paris, le 28. dudit Juin audit an 1610. apres avoir veu les susdictes patentes originalles de premiere concession du Roy Charles septiesme, les confirmations des autres Roys ses successeurs ; mesmes les extraicts de la Chambre des Comptes de Paris, où se void comme ès comptes des Tailles de l’Eslection de Chaumont, ladite parroise de Greux et Dompremy est tirée à neant ; avec ces mots, à cause de la Pucelle, pour les années 1598. et autres suyvantes jusques en l’annee 1608.
Se void encores aujourd huy, par les Registres de tous les departemens des tailles, qui se font par chaune annee en l’eslection dudit Chaumont en Bassigny, comme à coté desdicts villages de Greux et Dom-remy, est escrit de tout temps d’annee en autre, Neant, la Pucelle. Et pour entendre pourquoy maintenant en l’eslection de Chaumont, se faict le departement desdictes deux paroisses, lesquelles par les lettres patentes cy-dessus du sixiesme Fevrier 1459. estoient de l’eslection de 7Langres ; Est à sçavoir que le premier establissement des eslections en France. estoit par Dioceses, ez villes seullement ou y avoit Evesché, et que depuis elles ont esté multipliees et establies par les autres villes, esquelles y avoit Baillage, ou Seneschaussee : Et que par l’establissement de la nouvelle eslection dudit Chaumont, on luy attribue lesdicts deux villages, qu’on a pour ce distraicts de ladicte eslection de Langres avec plusieurs autres.
Son patronyme
Ceste Pucelle se trouve encores nommee par aucuns autres, Jeanne Day, mais par equivoque et corruption de langage, pour ce que peut estre, ses freres ayant porté le nom du Lys, que le Roy leur avoit donné en faveur d’elle, comme les descendans d’eux le portent encores aujourd’huy, ainsi qu’il sera justifié cy apres, ils le prononçoient grossierement, à la mode de leur pays, Dalis ou Dulis, comme on y dit encores à present une fleur Dalis, pour une fleur de lys : de sorte que pour concilier ces deux noms differents Darc et Dulis, n’en sçachant la cause et l’origine, ils l’ont appelle Day, pour se conformer à la prononciation du pays : Ou bien par quelque autre vice d’escriture, 8ou par incuriosité d’en rechercher plus avant la verité. Il est bien certain que son pere s’appelloit Jacques Darc, comme il se voit par plusieurs titres de ses anceltres, et de ses freres, oncles de ladite Pucelle ; et par le procez qui luy fut fait à Rouën, et par celuy de sa justification, où y a grand nombre de tesmoins qui en deposent pertinemment : Et par les armoiries mesmes, des parents et autres descendants dudit Jaques Darc, qui portoient un arc bandé de trois fleches, qui se sont conservées jusques à present, comme il se vera cy-apres.
La Pucelle de Domrémy, la Pucelle de France, la Pucelle d’Orléans
Aussi tost que ceste Pucelle fut receue et authorisée par le Roy, de porter les armes, et qu’elle fut reconnue par sa valteur et le grande recommandation de sa virginité, elle fut appellee la Pucelle Jehanne, ou la Pucelle de Dompremy : Mais apres ses grandes et miraculeuses expeditions de guerre, entre autres du siege d’Orleans de la reduction de la ville de Troyes, et de plusieurs autres, et du sacre du Roy à Rheyms, Elle fut appellée par commune acclamation, la Pucelle de France, comme il se voit par pluiseurs tiltres et patentes de son temps. Et depuis les Historiens qui 9se sont estendus et arrestez plus particulierement, sur ce qui estoit du siege d’Orleans, dont honneur et le principal effect luy est attribué, l’ont remarquee par ce tiltre special de la Pucelle d’Orleans, qui luy est demeuré. Aussi que le Roy Charles septiesme luy fist eriger une statuë sur le pont d’Orleans, au pair et comme à l’esgal de luy mesme ; ainsi qu’elle si vot encores aujourd’huy : ce qui la maintient en ce tiltre de la Pucelle d’Orleans.
Son père Jacques d’Arc, ses frères Nicolas et Jean
Ceste Pucelle donc, non seulement nee et baptisee à Domp-remy parroisse de Greux en France, du diocese de Toul en ce qui est de France, appellee la Pucelle de France ; Mais encores est oriunde de France, par ses ancestres provenus du village de Sefondz prest de Montirandel en Champagne, où naquit Jacques Darc son pere, de bonne, riche, et ancienne famille dudit lieu, comme il se void par plusieurs tiltres et contracts du pays qui se trouvent en la ville S. Disier.
Lequel Jacques Darc pere de la Pucelle eust deux freres ; l’un Nicolas Darc l’aisné, la vesve duquel nommee Jeanne fut sa marraine, qui luy donna sur les fonds ce nom heureux de Jeanne ; de 10perpetuelle memoire : l’autre frere fut Jean Darc son oncle, qu’elle pria de la conduire pour la premiere fois à Vaucouleur, comme il se void par son histoire, et par les procedures de son proces.
Sa mère Isabelle Romée, son frère Jean, sa sœur Aveline
La mere de ladite Pucelle fut Isabel Romee, ainsi qu’il se void par l’un et l’autre des deux proces, faits pour et contre elle : Monsieur du Tillet et quelques autres l’ont nommee Isabeau Vaultheur, au lieu de Vouthon, pource qu’elle estoit natisve du village de Vouthon, distant d’environ une lieuë de Domp-remy. Et eu frere et sœur, Jean et Aveline, de chacun desquels sont descenduës de Nobles et honorables familles, qui en tirent leur genealogie et noblesse, en laquelle ils sont reconnus et maintenus, en consequence des patentes du Roy, qui voulut ennoblir non seulement ladite Pucelle et ses freres, mais ses pere et mere, et toute leru famille et parenté.
Le frere nommé Jean, se retira au village de Sermaize, Prevosté de Vitry le François en Champagne, où il fut surnommé de Vouthon, pource qu’il venoit dudit village de Vouthon, d’où il estoit natif, et y espousa Marguerite Conil, de 11laquelle il eut plusieurs enfans, entr’autres, frere Nicolas Romee, dit de Voulthon, Religieux profez en l’Abbaye de Cheminon, auquel ladite Pucelle fit donner dispense et permission de son Abbé, par commandement du Roy, de la suivre par les armees, pour luy servir de Chappellain et Aumosnier, comme estant son Cousin germain : Il eust aussi une fille nommée Marguerite de Voulthon, qui fut mariee à Pierre de Pertes, demeurant à Faveresses pres dudit Sarmaize, d’une des bonnes familles du pays ; duquel mariage nasquit Collet de Perthes, qui fut homme d’armes des Ordonnances du Roy, sous la charge du sieur de Bazillieres, et espousa Damoiselle Jeanne des Chiens, de laquelle il eut Damoiselle Marguerite de Pertes, qui fut mariee a Claude Marquin, fils de Collet Marquin sieur de Lignon, et de Damoiselle Marguerite Drouët, de noble et ancienne lignee, duquel Claude Marquin est issu Estienne Marquin, qui a laissé de Marguerite Jacobe sa femme, plusieurs enfants vivans, et diversement pourvueus en la Province de Champagne, entr’autres Damoiselle Jeanne Marquin, qui espousa Jean le 12Feure Docteur en Medecine, qui a pour un de ses enfans Estienne le Feure Esleu à Chaalons : et autre Damoiselle Louise Marquin, qui espousa Michel le Besgue sieur de Vaux pres S. Disier, pere de M. Jules Cesar le Besgue Advocat du Roy au Bailliage et Presidial de Vitry, qui a un fils au College de Navarre, Michel le Besgue, fort bien né, et de grande esperance. Ceste genealogie se trouve fort bien verifiee, tant par une sentence, que pieces produites, veuës et contredites par icelle, donnee solemnellement et contradictoirement au siege presidial de Vitry, le 16. Aoust 1585. entre le Procureur du Roy demandeur en saisie, pour les droicts de Juree et Bourgeoisie, faite dès l’an 1582. et les susdits deffenseurs et opposans soustenans n’en devoir rien, comme nobles, à cause de ladite genealogie et descente du frere de la Mere de la Pucelle d’Orleans ; par laquelle sentence ayans esté reconnus pour tels, a esté jugé à leur profit, pource qu’il suffit d’estre de noble extraction du costé de pere ou de mere seulement, soit qu’on vive noblement ou roturierement.
La sœur de la mere de la Pucelle nommee 13Aveline, espousa Jean de Vauseul, duquel elle eut un fils Domange de Vauseul, appellé le vieux Vauseul, demeurant à Burey en Vaux pres Vaucouleur, et une fille Jeanne de Vauseul, qui espousa Durant Lassois demeurant audit Burey, qui eut un fils Thibault Lassois surnommé le Noble, pource que par sentence du Bailly de Chaumont du 27. Janvier 1525. il fut déclaré tel, comme cousin remué de germain de ladite Pucelle : ledit Domange de Vauseul eut entr’autres enfants, Jean de Vauseul demeurant à Savigni, qui mourut en 1551. laissant sa vesve nommee Marguerite Galliselle, de laquelle il avoit eu une fille Marguerite de Vauseul, qui espousa Medard le Royer, demeurant à Chalaines pres Vaucouleur, lequel entre autres enfans, eut Jean le Royer, qui obtint lettres de confirmation de sa Noblesse, à cause de ladite Pucelle d’Orleans, pource qu’elle avoit esté ennoblie avec ses pere et mere, et tous leurs descendans, tant en ligne masculine que feminine : lesdites lettres donnees à Paris au mois de Juin 1555. pour l’entherinement desquelles, enqueste fut faicte le 8. Octobre ensuivant, par M. Jean de Gondrecourt 14Lieutenant particulier au Bailliage de Chaumont, contenant preuve fort ample de ladite genealogie : duquel Jean Royer vivant Lieutenant general des traittes foraines et domaniales au bureau de Vaucouleur, est issu Medard Royer Gentilhomme ordinaire de la maison de Monsieur le Duc de Lorraine, fort reconnu et recommandé audit pays de Lorraine, pour plusieurs grands services par luy faits à son Altesse, pendant les guerres, et en autres ses plus importants affaires : il a espousé Damoiselle Rachel Dourche, de l’une des meilleures maison du pays : et a reprins le nom de Vauseul son trisayeul Cousin germain de la Pucelle, voyant qu’il ne restoit aucun masle en ladicte famille, pour en conserver le nom qu’il porte aujourd’huy.
Ses frères
Or entre tous les parens de la Pucelle, les plus Nobles et recommandables, ont esté les propres freres d’elle : Non seulement pour avoir esté specialement nommez et comprins és Chartres de l’ennoblissement de ladite Pucelle, donnees à Meun sur Yeure, au mois de Decembre 1429. Registrees en la Chambre des 15Comptes de Paris, lors transferee à Bourges, le 16. Janvier ensuivant audit an 1429. mais pource qu’ils ont aussi poursuivi le proces en revision de son injuste condemnation, où se voyent les plus solemnelles procedures qui ayent jamais esté faictes en pareil cas, sur lesquelles est intervenu le jugement tres-notable de son innocence, donné par les Archevesque de Reims, et Evesques de Paris et de Constance, tous trois Commissaires deleguez par le Pape en ceste partie, apres avoir prins conseil et advis des plus signalez personnages de France, appellez pour en juger avec eux, prononcée et solennellement executée en la ville de Rouën, le 7. Juillet 1456, Auquel procez se void comme ils ont sollicité courageusement et incessamment par l’espace de pres de deux ans entiers, ceste solennelle justification de l’innoncence de ladite Pucelle leur sœur, avec leur mere lors encore vivante, et qu’ils y sont nommez et designez en tous les actes principaux du proces ; l’un par la qualité de Chevalier, l’autre de Prevost à Vaucouleurs : mesme en l’acte contenant le reglement de la qualité des parties, du 2. Juillet 1456. assignees pour ester à droict, 16sur lequel est donné et executé ledit jugement à la louange et exaltation de ladite Pucelle, par l’establissement d’une Croix, et d’une procession solemmnelle en ladite ville de Rouen, qui s’y void et se continuë encores aujourd’hui : Et principalement sont encores recommandables lesdits freres de la Pucelle, pour avoir esté tellement favorisez et reconnus par le Roy Charles 7. que non seulement il ait donné à l’un l’office de Prevost à Vaucouleur, qui estoit le plus bel office qui fust lors és environs du lieu de sa naissance, pour son contentement et de ses parents ; et à l’autre faisant et continuant la profession des armes, luy ait donné le tiltre de Chevalerie : mais à tous deux par apres ensemble, ait octroyé ceste permission precieuse de porter le Lys en leur nom et en leurs armes, ainsi qu’il se justifiera plus particulierement cy apres.
Les freres dont de ladite Pucelle, se trouvent expressement designez au nombre de trois, par les susdites Lettres ou Chartes de leur ennoblissement, à sçavoir Jacquemin, Jean et Pierre : ledit Jacquemin, ainsi appellé par un nom diminutif, comme qui diroit le petit Jacques, 17ou Jacques le jeune, à cause de Jacques Darc leur pere qui vivoit encores, et est pareillement nommé et designé par les mesmes lettres dudit ennoblissement : Comme aussi ledit Pierre y est exprimé par un autre nom diminutif de Pierrelo, comme qui diroit Pierrot, ou le petit Pierre pource qu’il estoit le plus jeune, et le plus petit des trois.
Quant au premier frere aisné de la dite Pucelle nommé Jacquemin, s’en trouve peu de mention par les contracts, ny par les histoires, pource qu’il demeura sur les lieux prest de ses pere et mere, quand la Pucelle sa sœur vint pour servir le Roy, accompagnee de ses deux autres freres ; et y deceda sans enfans, peu de temps apres son pere, qui mourut de regret et desplaisir, aussi tost qu’il sceut les tristes nouvelles de la cruelle mort de ladite Pucelle sa fille.
Jean le second frere, se fit surnommer du Lis, suivant la susdite permission du Roy, et porta les Armoiries telles que le Roy les leur avoit donnees ; et a laissé ce nom et ses armes à sa postérité, qui les a conservees jusques à present de pere en fils, apres avoir vescu en ladite ville de Vaucouleur, 18en l’exercice dudit office de Prevost, jusques en l’an 1460. qu’il mourut.
Leurs armoiries
Or pour preuve particuliere desdites Armoiries, outre ce qui s’en void par les vestiges des anciennes sepultures, et autres remarques du pays, où elles ont esté peinte, gravees et conservees de temps en temps jusques à present, elles se trouvent tesmoignees par des lettres patentes mesmes, du Roy d’Angleterre qui fit si cruellement et injustement mourir ladite Pucelle, pour l’en signaler et recommander davantage, comme Dieu toutesfois a permis qu’il soit ainsi tourné à la gloire d’elle, contre le gré et intention dudit Roy d’Angleterre ;
Condamnation à Rouen et absence de jugement séculier
Car il est remarquable et misterieux, qu’en l’histoire de sa mort tyranniquement executee, il n’y en ait jamais eu aucun jugement particulier qui fust de mort, ny de juge aucun qui l’eust donné ny prononcé ; comme il ne s’en est jamais trouvé ny remarqué juge ny jugement quelconque, que celuy de l’Evesque de Beauvais, qui la rendit au bras seculier, non d’aucuns juges, mais des satellites du Roy, qui dés le mesme jour et à l’instant de la prononciation de ladite sentence, par laquelle elle fut renduë et19delaissee audit bras seculier, la firent brusler, sans forme ny figure de proces, ny de Juges, ny de jugement quelconque :
Réprobation publique et condamnation du frère Bosquier
Dont fut fait un si grand murmure dans la ville de Rouën, que plusieurs des Ecclesiastiques mesmes, parloient publiquement pour l’innoncence de ladite Pucelle, et de l’iniquité de sa mort : Entr’autres un Religieux de l’ordre des freres Prescheurs, frere Pierre Bosquier fut emprisonné, et par sentence du mesme Evesque de Beauvais du 8. Aoust audit an 1431. fut absous de l’excommunication prononcée contre luy, pource qu’il avoit dit, Quod male feceramus, dist le dit Evesque par sadite sentence, et omnes qui eam judicaverant, male fecerant, Moyennant la declaration par luy faite en son interrogatoire, quod ea verba post potum dixerat.
Information posthume
De façon que ledict Evesque, voyant qu’on l’accusoit de beaucoup de faulces suppositions et de plusieurs suppressions de ce qui estoit de la verité au procez de ladicte Pucelle, fut contrainct de faire de nouvelles informations d’office, dit-il, sans requisition de Promoteur, ny ministere d’aulcune personne, les 7. et 8. Juin, qui estoit huict jours apres sa mort, super 20multis per eam dictis in fine suo et articulo mortis, Où y a sept tesmoins de ses domestiques et ministres de ses faulsetez, qui déposent qu’elle avoit esté relapse en la prison, mais qu’en l’execution elle avoit esté fort repentante de tout ce qu’elle avoit faict et dit ; Et ajoustent la pluspart desdits tesmoins, qu’elle n’avoit l’esprit troublé, pource que la verité estoit, qu’elle avoit esté tant mal traittée et menacée, que c’estoit assez pour en perdre l’esprit : Et est notable qu’en tout son procez il n’y eut jamais un seul tesmoing examiné contre elle, que ces sept, qui ont esté ouys huict jours apres sa mort, pour la justification dudict Evesque.
Lettres du roi d’Angleterre au pape et aux grands
Comme doncques l’Evesque avoit peur et estoit menacé au dedans de la Ville, le Roy eust peur aussi, que ces justes plaintes s’espandant par son Royaume, allassent jusques au Pape qui avoit esté negligé, pource qu’elle avoit requis souvent y estre renvoyée ; Et que l’innoncence de ladite Pucelle ainsi tiranniquement opprimee, ne rendist son party plus odieux aux grands seigneurs et au peuple : C’est pourquoi il fist dresser deux patentes, l’une en Latin pour le Pape, l’Empereur et autres potentats21hors du Royaume, données à Roüen du mesme jour huictiesme Juin 1431. que ledit Evesque avoit faict les susdites informations, lesquelles patentes sont intitulees au transcrit du procez que le dict Evesque fit faire à Rouën, où il n’a rien voulu oublier pour se couvrir, en ces mots, Tenor literarum quas dominus noster Rex scripsit Imperatori, Regibus, Ducibus et aliis Principibus totius Christianitatis : l’Autre en François, donnees en ladicte ville de Roüen, le 28. jour dudict mois de Juin 1431. intitulees audict procez en ces mots, Tenor literarum quas Dominus noster Rex scripsit Prælatis Ecclesiæ, Ducibus et Comitibus, et aliis Nobilius et Civitatibus regni sui Franciæ : Par lesquelles est mandé de les faire notifier, tant aux Prosnes des grandes Messes que par predication publiques et autrement.
Description des armes en ces lettres
Ces deux patentes comme elles furent publiees et connues en plusieurs lieux, aussi ont esté recueillies et remarquees par plusieurs Autheurs, par lesquelles entr’autres crimes qu’il impute à ladite Pucelle, pour soustenir sa condemnation de mort : L’un est expres, concernant ses Armoiries, en ces mots : Se vestit aussi d’armes22appliquees pour Chevaliers et Escuyers, leva estendart, et en trop grand outrage, orgueil, et presomption, demanda avoir et porter les tres-nobles et excellentes Armes de France. Ce qu’en partie elle obtint, et les porta en plusieurs conflicts et assauts, et ses freres, comme l’on dict : C’est à sçavoir un escu en champ d’azur, avec deus fleurs de Lys d’or, et une espée la pointe en haut, feruë en vue Couronne : en cest estat s’est mise aux Champs, a conduit gens d’armes et de trait, etc.
Description des armes en l’interrogatoire du 10 mars
Et neantmoings ce qui en est escrit par lesdictes patentes, est desguisé contre la verité, et faulsement imputé à l’orgueil de ladicte Pucelle, pource que lors qu’elle fut interrogée audict procez sur le faict desdites Armoiries, il se void qu’elle en respondit tout autrement, ce fut le Samedy 10. Mars 1430. avant Pasques, et dans la prison : en ces mots, Interrogata utrum haberet scutum et arma, Respondit quod ipsa nunquam habuit, sed Rex suus dedit fratribus suis arma, videlicet, unum scutum azureum, in quo erant duo lilia aurea et ensis in medio ; Item dixit, quod illud fuit datum per regem suum fratribus suis, sine requesta ejusdem Joannæ et absque revelatione.
Description des armes en l’article 58 du réquisitoire
23Duquel Interogatoire et autres infinis faicts à la dicte Pucelle incessamment depuis le 20. fevrier 1430. pour la troubler et confondre, Furent extraicts 70. articles, faulsement et malicieusement dressez et detorquez, sur lesquels elle fut de rechef interogee les Mardy, Mercredy et Jeudy de la sepmaine saincte : etnre lesquels par le 58. article luy est imputé en ces mots, Quod per ejus superbiam et inanem gloriam, fecit etiam depingi arma sua, in quibus posuit duo Lilia aurea in campo azureo, Et in medio Liliorum ensem argenteum, cum capulo et cruce deauratis, habentem cuspidem erectum sursum, in cujus summitate est corona ; Quæ videntur ad fastum et vanitatem, et non ad religionem vel pietatem pertinere ; Et attribuere tales vanitates Deo et Angelis, est contra reverentiam Dei et Sanctorum : Sur quoy elle respond en ces mots Latins (non qu’elle parlast Latin, mais on luy interpretoit lesdits 70. articles tous couchez en Latin par parolles Françoises, Et ce qu’elle respondoit en François, on l’escrivoit en Latin, par tout son procez, pour mieux couvrir les suppositions et faulsetez, Et empescher qu’elle ne peut rien signer, ny sçavoir au vray de ce qu’on escrivoit) Respondit 24donc, quod numquam habuit scutum, sed Rex suus dedit fratribus suis, videlicet, unum scutum azureum ad duo Lilia aurea et unum ensem in medio ; Quæ arma distinxit uni pictori, in hac civitate Rhotomagensi, quia ipse petierat qualia arma ipsa habebat ; Item dixit quod hoc fuit datum fratribus suis per Regem suum ad complacentiam eorum, absque ejusdem Joannæ requesta et sine revelatione.
Conclusions
Ce qui sert pour monstrer non seulement ce qui est de la verité des Armoiries de ladicte Pucelle et de ses freres, Mais comme elle a esté legerement et faulsement condamnee, sur faits supposez et desguisez, autrement qu’elle ne les avoit confessez.
Le nom du Lys
Que les freres n’ayent porté le Lys en leur nom, aussi bien qu’en leurs dictes Armoiries, suivant la permission du Roy, la preuve s’en trouvera plus particulierement en la deduction de la Genealogie de Pierre du Lis son dernier et plus jeune frere, qu’en celuy cy nommé Jean, qui fut prevost à Vaucouleur ; pour ce que les tiltres et les contracts de ses enfans et autres descendants, ne se sont si facillement trouvez ny conservez en ceste petite ville de Vaucouleurs, pays de guerre et frontieres, 25Que dudit Pierre son puisné, qui a vescu à Orleans, où il a possedé plus de biens, et a receu plus de bienfaicts du Roy luy et ses enfans, pour avoir suivy la profession des armes.
Descendance de Jean du Lys, Prévôt de Vaucouleurs
Suffit pour ledit second frere de la Pucelle nommé Jean du Lys, qu’il se verifie plainement par le proces de la justification de ladite Pucelle, qu’il a esté et est encores en l’an 1456 Prevost en ladite ville de Vaucouleurs, comme il se void par les procedures d’iceluy, et par plusieurs contracts : Par lesquels il est aussi manifeste qu’il eut trois enfants, qui porterent le mesme nom du Lys, Claude, Estienne appellé Thevenin à la mode du pays, et Marguerite.
Claude du Lys
Claude l’aisné, fut Procureur Fiscal ez Seigneuries de Greux et Domp-remy, et se nommoit tousjours Claude du Lis, comme il se veoid par plusieurs contracts, qui se sont conservez en bonne forme, l’un du 19. Apvril, 1483. pardevant de Murey Notaire à Neufchastel en Lorraine, l’autre du 20. Apvril 1489. signé de Marcheville Sieur de Seraumont et de Greux en partie, et sellé du seau Armoirié de ses armes, qui sont les mots dudicts contracts : Le troisiesme est en datte 26du 20. Septembre 1490, passé pardevant Estienne Girard Curé de Greux et Domp-remy, Prestre Notaire juré en la Cour de Toul, qui est un partage d’entre ledict Claude du Lis et Jehan Thiesselin son beau-pere à cause de Nicolle Thiesselin sa femme : Le quatriesme, est en datte du 4. Juillet 1498, par lequel les Seigneurs de Domp-remy et Greux sur Meuse, cedent quelques heritages audit Claude du Lis leur Procureur esdites Seigneuries, en la fin duquel contract est dit en ces mots, et pour tesmoignage de verité, Nous Jehan Comte de Salme devant nommé, ez noms et nous faisant fort de nos Conseigneurs, comme dessus, avons fait apprendre nostre sceau à ces presentes lettres qui furent faites l’an que dessus. Et le cinquiesme est datté du XI. Juillet 1502, passé et signé par Girard Thierreli, Prestre Curé de Greux et Domp-remy, Notaire juré de ladite Cour de Toul : esquels cinq contracts il est tousjours nommé Claude du Lys, lequel mourut peu apres le dernier contracts sans enfants.
Marguerite Dulis
Quant à Marguerite Dulis, elle fut menee par son ayeusle, mere de ladite Pucelle, à Orleans vers Messire Pierre Dulis Chevalier son dernier fils, frere de 27ladite Pucelle et Oncle d’icelle Marguerite, laquelle il maria à un Gentil-homme son voysin Anthoine de Bonnet Escuier Sieur de Montz en la paroisse Sainct Denis en Vaux pres d’Orleans, et laquelle recueillit par apres en l’an 1502, la succession de Jehan Dulis fils aisné dudit Pierre Dulis son oncle, decedé sans enfans audit Orleans, comme sa Cousine Germaine, ainsi qu’il sera justifié cy apres.
Estienne ou Thevenin Dulis, ses enfants Claude, Didier et Didon
Reste Estienne ou Thevenin Dulis, qui eust trois enfans Claude, Didier et Didon, ledit Claude Dulis l’aisné, fut prestre et Curé de Greux et Domp-remy, qui ne s’est jamais aultrement surnommé que Dulis, et en plusieurs de ses escritz qu’il a laissez en Latin, se nommoit Claudius a Lilio ; duquel nous ne representerons qu’un seul contract, qui est un testament solemnel et notable, qu’il fit, escrit et signé de sa main, soubz ce mesme nom de Claude Dulis, en presence de sa mere et de son frere, le 8. Novembre 1549, Lequel testament apres son deceds, fut reconnu par sadite mere et sondit frere, par devant un Notaire public de la Cour de Toul le 16 May 1550 et signé Boleti, par lequel après 29 legs pieux, qu’il laisse à 28diverses Eglises et plusieurs pauvres personnes, et neuf autres legs, qu’il fait aussy à cinq Niepces pour ayder à les marier, et à quatre Nepveux pour les faire estudier, veut estre enterré en l’eglise Sainct Remy dudit Domp-remy, dans la Chapelle nostre Dame de la Pucelle, où il dit que son enterrez et reposent les corps de ses predecesseurs, et pour ayder à l’entretenement d’icelle, donne et legue dix francs de rente : comme de fait ceste Chappelle est encores aujourd’huy appellee la Chappelle de la Pucelle et des Dulis, entretenuë et reparee de leurs bienfaits.
Pour le regarde de Didon Dulis sa seur, elle fist pareillement une donation fort solemnelle ausdits quatre nepveux et cinq niepces tant d’elle que dudit Claude Dulis son frere lors decedé, pour estre tous enfans dudit Didier Dulis son autre frere, des lors aussi decedé, depuis le testament dudit feu Claude Dulis leurdict frere ; lesquels quatre nepveux et cinq niepces sont par elle specifiquement designez par noms et surnoms au contracts de ladite donation, et par ordre de leur naissance en ces mots, Fut presente en sa personne 29Noble femme Didon Dulis, vesve feu Thevenin Thierreli demeurant à Domp-remy sur Meuse, laquelle a reconnu, que pour le bon amour quelle a et peut avoir de Antry Colin dit des Hazars, au nom et comme administrateur des corps et biens de Jeanne Dulis sa femme, Claudin Dulis, Anthoine Dulis, Françoise Dulis, Didon Dulis, Colas Dulis, Barbe Dulis, Nicole Dulis et François Dulis, tous enfans de feu noble homme Didier Dulis leur pere, et que aussy plaist à ladite donateresse ; Elle a donné et donne etc. Et est ladite donation fort ample, passée par devant Jaspard Bernard et Claudin Collet Tabellions jurez et establis en la Chastellenie et Prevoté de Gondrecour, de par nostre tres-redoubté Seigneur Mr. le Duc de Calabre et Lorrain Bar etc. (qui est la qualité que prennent lesdicts Notaires par ledict contract) signé Bernard, Collet et sellé.
Laquelle donation est en outre insinuee cinq ans apres, du vivant encores de toutes lesdites parties, par sentence et acte judiciaire du Bailly de Chaumont en ces mots : A tous ceux etc. Jehan le Genevois Escuier Sieur de Comignon, Conseiller du Roy nostre Sire, Lieutenant General au Bailliage et siege Presidial de Chaumont en Bassigni 30Salut sçavoir faisons, Que ce jourd’huy Mercredy 26. Janvier 1557. à l’expedition des causes ordinaires, en presence du Procureur du Roy, sont comparus Didon Dulis, vesve feu Estienne Thierriel, par Maistre Pierre Gaucher son Procureur d’une part : Et Autry des Hazars au nom et comme mary et administrateur des corps et biens de Jeanne Dulis sa femme, Claude Dulis, Anthoine Dulis, Françoise Dulis, Didon Dulis, Nicolas Dulis, Barbe Dulis, Nicole Dulis et François Dulis, tous enfans de feu Noble homme Didier Dulis, par maistre Jacques Picard leur Procureur, et encores ledit Antry en personne d’autrepart : Lesquelles parties nous ont presenté lettres de donation, faites et passees soubz le scel Du Tabellionnage de Gondrecourt le 26. Fevrier 1552, par ladite Didon Dulis vesvue au proffit des dessudits etc. Et est signé Guevarre et scellé.
La qualité d’iceluy Didier Dulis, se trouve verifiee tant par un contract passé de son vivant, par devant Verneson Simon Prestre Notaire juré en la Cour de l’officialité de Toul le 22. Fevrier 1578, par lequel Dieudonné de Massey, soy faisant fort de Marguerite sa femme, vend à noble homme Didier Dulis Archer et 31Damoiselle Nicolle sa femme, les heritages qui y sont mentionnez, et est ledit contract Signé simon et sellé ; Que par une enqueste faicte le 8. Juin et autres jours ensuivant 1596. par Balthasar Crock, poursuivant d’armes de Monsieur le Duc de Lorraine au tiltre de Vaudemont, par Commission du sieur Comte de Salin Maréchal de Lorraine, Gouverneur de Nancy en datte du 7. dudit Juin, à la requeste de maistre Jehan Hordal Docteur ez droicts et l’un des quatre professeurs en iceux, en l’Université de Pontamousson (à present Conseiller de son Altesse) pour la preuve de sa noblesse et extraction de l’un des freres de ladite Pucelle, dont il sera plus amplement parlé cy-après ; En laquelle enqueste, le premier tesmoing est Damoiselle Isabeau Alber vesve Anthoine Dulis vivant Sr. de Gibaumel fils aisné dudit Didier Dulis, les deux et troisiesme tesmoings sont, Damoiselle Françoise Dulis, vesve noble homme Jehan Debonnaire demeurant à Vaucouleur, et Barbe Dulis vesve Mongin Hierosme demeurant à Domp remy, filles dudit Didier Dulis et sœurs dudit Anthoine Dulis sieur de Gibaumel leur frere aisné : 32et entre autres tesmoings est messire Estienne Hordal, Doyen de l’Eglise de Toul, agé de 66 ans, qui depose, que ledit sieur de Gibaumel fils dudict Didier Dulis, estoit notoirement reconnu pour chef des armes de ladite Pucelle : Et d’abondant, atteste et depose avoir veu plusieurs fois Halloüis Dulis vesve Estienne Hordal son ayeul, et elle fille de Pierre Dulis frere de ladite Pucelle, qui mourut, dit-il, y a environ 60 ans, aagée de plus de 80 ans, comme la genealogie en sera representee cy apres : disent d’ailleurs la plus part des tesmoings de ladite enqueste, que Messire Hector Dulis Evesque de Toul, estoit de la parenté de ladite Pucelle.
Il est vray que le nom du Lis, qui est bien et nettement exprimé par tous les contracts susdits, est escrit en ladite enqueste, comme il est prononcé vulgairement par l’Idiome grossier du pays, qui est Dalis pour du Lis, comme il est notoire qu’on y prononce communément encore aujourd’hui, une fleur Dalis pour une fleur de Lys : La verité duquel nom toutesfois, se reconnoist assez par la force des genealogies verifiees par les Contracts 33qui portent ledit nom du Lys par tout, et par la conversion d’iceluy en Latin qui se trouve a Lilio ; Et encores par la genealogie entiere de l’autre frere de ladite Pucelle, Pierre du Lys, laquelle sera incontinent representee et verifiee, en laquelle ne se trouve jamais ledit nom du Lys avoir esté douteusement escrit ne changé.
Ce Didier du Lys donc, fils de Thevenin ou Estienne du Lys son pere, et petit fils ou nepveu en terme de droict, de Jean du Lys Prevost de Vaucouleur son ayeul et frere germain de la Pucelle, ayant fait profession des armes, en qualité d’Archer et de gendarme de la compagnie du grand Duc de Guise, qui fut tué au siege d’Orleans, laissa ledit Anthoine du Lys (ou Dalis à la mode du pays) son aisné, Chef des armes de la Parenté de ladite Pucelle, comme il a esté dit, Pource que Claude, Nicolas et François du Lys ses autres freres, moururent sans enfans : lequel Anthoine, continuant la profession des armes, fut Commissaire de l’artillerie dudit sieur Duc de Lorraine, et a laissé six enfans, qui vivent aujourd’huy, Cousins au 5. degré de ladite Pucelle, L’un Jean Jacques Dalis Escuyer 34sieur de Gibaumel comme son pere, et y demeurant, Gentilhomme de grande valeur et merite, qui conserve les tiltres et armes de la maison, comme chef et l’aisné de ceste branche ; L’autre est Claude Dalis aussi Gentilhomme de singuliere erudition, demeurant à Vaucouleur, des plus capables et recommandez du pays : Les quatre autres sont filles, l’une Damoiselle Claude Dalis, mariée à François de Naves Escuyer sieur dudit lieu, demeurant à Chamigney, qui est du temporel de l’Evesché de Toul ; L’autre Damoiselle Catherine Dalis, qui a espousé M. Louis Massis Lieutenant general au Bailliage de Champuis du Comté de Bourgongne, les deux autres filles ne sont mariees : Les preuves desquels derneirs dénommez de ladite parenté et genealogie de jean du Lys frere de ladite Pucelle, sont trop recentes et communes au pays pour en faire icy plus particuliere description. Ne se peut obmettre, que l’une des filles de cest estoc, nommée Didon Dalis, mariée à feu Girard Noblesse, Maire de Domp remy, est morte en ceste annee seulement vesve d’iceluy, et aagee de plus de 80 ans, qui a laissé M. Claude Noblesse son fils à 35present Curé de Domp-remy, reconnu pour Noble et des plus hommes de bien de sa profession.
Descendance de Pierre du Lys, Chevalier
L’autre frere de ladite Pucelle d’Orleans, Pierre du Lys, bien que le plus jeune et le dernier, a esté neantmoins le plus renommé et le plus advancé, pource qu’il suivit la profession des armes, apres la mort de sa sœur, où par sa valleur obtint le tiltre de Chevalerie, comme il se void par des lettres patentes qu’il obtint du Duc d’Orleans, données à Orléans le 28. Juillet 1443. verifiees par M. Jean le Fuselier general Conseiller ordonné par ledit sieur d’Orleans, sur le faict et gouvernement de toutes ses finances, le lendemain dudit 29. Juillet, desquelles patentes le Vidimus collationné en la Chambre des Comptes dudit sieur Duc, avec reconnoissance dudit Pierre du Lys Chevalier escrite au dos d’iceluy, est rapporté au compte du Domaine d’Orleans, rendu par M. Robin Bassard en la Chambre des Comptes de Paris, pour l’annee finie à la S. Jean 1444. clos le 15. Fevrier 1446. au feuillet 32. Par lesquelles patentes dudit sieur Duc, est dit en ces mots, Ouys la supplication de messire Pierre du Lis Chevalier, 36contenant que pour acquiter sa loyauté envers le Roy nostre sieur et nous, il se partit de son pays, pour venir au service du Roy nostredit sieur, en la Compagnie de Jeanne la Pucelle sa sœur, avec laquelle jusques à son absentement, et depuis jusques à present, il a exposé son corps et ses biens audit service, et au faict des guerres du Roy, tant à la resistance des anciens ennemis de ce Royaume, qui tindrent le siege devant la ville d’Orleans, comme en plusieurs voyages faits et entreprins par le Roy nostredit sieur et ses Chefs de guerre, et autrement en plusieurs et divers lieux : et par fortune desdites guerres a esté prisonnier desdits ennemis, et contrainct vendre les heritages de sa femme pour payer sa rançon : requerant qu’il nous pleust luy donner etc. Pourquoy nous en consideration des choses dessusdites, avons donné et donnons audit Pessire Pierre du Lys Chevalier, de grace special, en faveur et contemplation de ladite Pucelle sa sœur Germaine, et des grands et notables services, qu’elle et ledit Messire Pierre son frere, ont faict au Roy nostredit sieur et à nous, Les fruits, proffits, usufruits, revenus, et emoluments d’une Isle appellée l’isle aux beufs, size en la Riviere de Loire, pres la Salle au droit de Checy, comme elle se comporte, Pour en jouir sa vie durant et de 37Jehan du Lys son aisné fils, Et chacun d’eux tant que le survivant d’eux deux vivra et aura vie en corps etc.
Ce qui faict bien cognoistre, que comme le Roy Charles septiesme, avoit donné permission aux freres de ladicte Pucelle, de porter le Lys en leurs Armoiries, ainsi qu’il est justifié cy dessus : il leur avoit permis aussi de le porter en leur nom ; n’estant vraysemblable qu’ils eussent osé s’addresser à un tel Prince, le Duc d’Orleans, lors premier Prince du sang (fils de ce grand Duc d’Orleans qui fut tué à Paris vers la porte Barbette, frere du Roy Charles sixiesme, Oncle du Roy Charles septiesme, et qui fut pere du Roy Loys douziesme) pour luy supposer fausement, un tel nom ; en le suppliant de luy donner de son domaine, s’il neust esté bien fondé de se nommer ainsi.
N’estant croyable aussi que le Chambre des Comptes à Paris, eust approuvé une telle alienation du domaine de ladite isle aux bœufs, contenant plus de deux cens arpens de prairie et bons pasturages, sous un nom supposé : veu qu’il estoit trop notoire que la Pucelle d’Orleans s’appelloit Jeanne Darc, comme elle estoit ainsi nommee 38par les lettres de son ennoblissement et de sesdits freres, que la dite Chambre avoit verifiees et registrees dix ou douze ans seulement auparavant ; de laquelle neantmoins ledit sieur Duc d’Orleans reconnoist par sesdites patentes, ledit Messire Pierre du Lys Chevalier estre frere germain ; et n’eust fait du bien à un homme supposé, sans le bien connoistre : et n’eust aussi ladite Chambre souffert, que le dit Pierre du Lys et Jean du Lys son fils aisné, eussent si long temps joüy de ladite isle aux bœufs, qui estoit du Domaine, comme ils en ont joüy, depuis ledit don fait en l’an 1443. audit Pierre du Lys, jusques au deceds dudit Jean du Lys son aisné fils, qui fut en l’an 1501. tousjours sous le mesme nom du Lys, sans l’avoir jamais changé ny varié : ainsi qu’il se void par tous les comptes du Domaine d’Orleans, qui se trouvent en ladite Chambre des Comptes à Paris, rendus d’an en an, en chacun desquels est fait mention sur l’article de ladite Isle, que le revenu en est tiré à neant, à cause de ladite donation faite audit Pierre du Lys Chevalier et frere de la Pucelle de France : laquelle donation est tousjours alleguée et repetée de compte 39en compte, principalement ès années dernieres de 1499. 1500. 1501. et autres suivantes jusques en l’année 1524. Que ladite Isle ayant esté reunie au Domaine, nouveau don en fut fait par le Roy, à François et Raoul Burgensis : En tous lesquels derniers comptes est notable que ledit Messire Pierre du Lys Chevalier, est qualifié et reconnu pour frere de la Pucelle de France : Qui sert en outre pour justifier ce qui a esté dit cy devant, qu’elle fut premierement appellee Pucelle de France, par les patentes et Cours souveraines de nos Rois, et depuis par les Historiens esté appellée Pucelle d’Orleans, à cause de la levée du siege de ladite ville d’Orleans, qu’ils ont principalement descrit par leur Histoires, dont ils luy ont voulu attribuer le nom et la gloire.
Joinct qu’il se void en mesme temps, par les vers qui sont escrits et gravez à l’entour de la grosse horologe de la ville d’Orleans, que le mesme Roy Charles 7. lors qu’elle fut faite et baptisée en l’an 1458. luy fit donner le nom de Cœur de Lys : Qui est le pareil nom des trois Cœurs de Lys, dont les Armoiries de ladite ville d’Orleans sont composées, que le vulgaire appelle 40grossierement et abusivement les trois Caillots ou Caillous : Pour monstrer que ce mesme Roy leur avoit bien peu donner ce nom du Lys, aussi bien qu’à une cloche, quasi pour un mesme subjet, en faveur et consideration de ce que la levee du siege de ceste ville et la conservation d’icelle, estoit le salut et la conservation du nom, et des Lys, et de l’Estat de la France.
Il se void d’ailleurs, comme ledit Jean du Lys fils aisné dudit Messire Pierre du Lys Chevalier frere de la Pucelle, a joüy sous le mesme nom du Lys, de la mesme Isle aux Bœufs, par le deceds de son pere, et qu’elle leur estoit de valeur et grande commodité par plusieurs contracts, desquels n’en sera representé qu’un, pour accourcir ce discours, passé le 15. Oct. 1481 pardevant Jean Courtin, Notaire Royal au Chastellet d’Orleans, qui porte en ces mots : Noble homme Jean du Lys, dit la Pucelle, Escuyer sieur de Villers en la parroisse d’Ardon, confesse avoir baillé à ferme et pension, de la Toussaincts prochaine jusques à six ans, à Estienne Mignon marchand Boucher du grand Bourg d’Orleans, l’Isle aux Bœufs, en ce qui est enclos en eau, non comprins les prez, ny les terres qui sont à present en labour, que 41le bailleur retient à soy : moyennant et pour la somme de dix escus d’or de ferme et pension par chacun an, etc.
Ce dernier et plus jeune frere de la Pucelle, Messire Pierre du Lys Chevalier, fut celuy qui poursuivit plus courageusement le proces de revision et de justification de l’innocence de sa sœur : et y assista plus continuellement leur mere, qui vivoit encores, auquel procez bien souvent, il est nommé le premier avant Jean son frere, à cause de ladite qualité de Chevalier qu’il portoit, et qui luy est attribuee par tous les actes du proces : Il avoit espousé Damoiselle Jeanne de Prouville, de laquelle il eut quatre enfans, deux fils et deux filles, Jean du Lys l’aisné, et autre Jean du Lys le jeune.
Jean l’aîné
Il maria son aisné de son vivant, par contract passé pardevant Jean Bureau le jeune, Notaire Royal Tabellion et Gardenote du Roy en son Chastellet d’Orleans, le 26. Mars avant Pasques 1456. en ces mots : Entre Jean du Lys Escuyer, fils de Messire Pierre du Lys Chevalier, et de Dame Jeanne sa femme, en la presence et de l’autorité de sesdits pere et mere, d’une part : Et Jean de Vezines, Escuyer sieur de Villers, et Damoiselle Jeanne sa femme 42stipulans pour Damoiselle Macée leur fille aussi presente d’autre-part : Ledit de Vezines estoit de Noble et fort ancienne maison, qui tenoit ladite Seigneurie de Villers, par succession d’un Hervé de Vezines son ayeul, qui dès l’an 1341. en avoit fait hommage au sieur de la Ferté Nabert, dont elle releve, et de Nandon de Vezines son pere ; qui en avoit fait pareil hommage par le deceds dudit Hervé dès le 10. May 1390.
Le nom de la Pucelle estoit en si grande recommandation et veneration pour lors envers tous ceux d’Orleans, qu’ils se trouve par une enqueste, faite par M. Nicolas Berruier Lieutenant general d’Orleans le 14. May 1550. à la requeste de François de Villebresme, qu’un des tesmoins depose, qu’estant serviteur dudit Jean du Lis en sa jeunesse, il auroit veu que le jour de la procession qui se fait tous les ans le 8. May, fort solennellement en l’honneur de ladite Pucelle, où l’on porte son guidon avec une banniere expresse et particuliere pour representer la reduction de ladite ville, ledit Jean du Lys son Maistre, venoit de sa terre de Villers, expres en la ville d’Orleans, 43pour assister à ladite procession : Et qu’on lui faisoit cest honneur de le faire marcher le premier, et faire porter devant luy un grand cierge blanc allumé.
Et de faict se trouve encores, que le mesme Jean du Lys, par tous les contracts presque qu’il a fait, a esté surnommé la Pucelle, comme il s’est veu cy dessus, au contract du 15. Octobre 1482. quand il faisoit des baux de son Isle aux bœufs : Mesmes que par une adveu qui luy fut rendu, pardevant Pierre Priault Clerc Notaire Juré de la Chastellenie de la Ferté Nabert, le 14. Juillet 1466. par Nicolas de Courvie l’un des vassaux de sa terre de Villers, il confesse et advouë tenir en foy et hommage son fief de la Chefniere, en ces mots : de Noble homme Jean de la Pucelle, dit du Lys Escuyer, Seigneur de Villers Charbonneau, assis en la Parroisse d’Ardon, à cause de sondit lieu de Villers : Et par un autre adveu à luy rendu du mesme fief, par Pierre de Courvie fils dudit Nicolas le 12. Juin 1497. par devant Laurent Serrier Clerc substitud juré, pour l’absence de Pierre Priaut Notaire Juré de ladite chastellenie de la Ferté Nabert, il advouë tenir son fief en ces mots : De Noble homme Jean du Lys, dit la 44Pucelle, Escuyer seigneur de Villers Charbonneau, en la parroisse d’Ardon, à cause de sondit lieu de Villers : Au dos duquel acte de foy et hommage, est escrit en ces mots, de la propre main dudit Jean du Lys : L’an 1497. le jour S. Jean Baptiste, Je Jean du Lys Escuyer, sieur de Villers Charbonneau confesse avoir receu un semblable adveu de Pierre de Courvie bon et vallable, et baillé en temps deu et accoustumé, dont je le tiens quitte, tesmoin mon sein manuel cy mis, etc, et est signé du Lys, sans paraphe.
Par un autre contract passé pardevant Benoist Martin, Clerc Notaire juré du Roy au Chastellet d’Orleans le 9 mars 1496, il donna sadite terre de Villers, en ces mots : Fut present en sa personne Noble homme Jean du Lys, aliez de la Pucelle, Escuyer sieur de Villers Cherbonneau, à present demeurant à Bagnaux, paroisse S. Aignan de Sandillon, lequel confesse avoir donné et donne par ces presentes, à Nicolas le Berruier Marchand demeurant en la paroisse S. Sulplice d’Orleans sadite terre et seigneurie de Villers Cherbonneau, ainsi qu’elle se poursuit et comporte, en fiefs, vassaux, arriere fiefs, etc. sauf et reservé audit donateur et à Damoiselle Macée de Vezine sa femme, l’usufruit et entiere jouissance, 45le plain cours de leurs vies, suivant le don mutuel d’entre eux, et ce pour recompense des agreables plaisirs et services que ledit Nicolas et Pierre Berruier son pere luy avoient faits, etc.
Apres le deceds duquel Jean du Lys, le Procureur du Roy ayant fait saisir tous ses biens par faute d’hoirs et d’heritiers apparens : Par sentence du Prevost d’Orleans du 3. Octobre 1501. main-levee en fut faicte, en ces mots : Comme n’agueres apres le trespas de feu Jean du Lys, dit la Pucelle, Escuyer vivant sieur de Baignaux, de Villers et de l’Isle aux Bœufs pres d’Orleans, le Procureur du Roy eust fait saisir, et depuis fut venu par devers nous et les Advocats et Procureurs dudit seigneur Roy, Damoiselle Marguerite du Lys, à present femme d’Anthoine de Bonnet, Escuyer demeurant en la paroisse S. Denys en Vaux, et nous eust esposé, qu’elle estoit Cousine germaine dudit defunct Jean du Lys, et sa plus prochaine parente et lignagere habile à luy succeder, etc. Sur quoy eussions apointé, etc. Sçavoir faisons, que veu la requeste baillee par ladite Damoiselle Marguerite du Lys, les informations sur icelle faictes suivant nostre appoinctement, etc. En entherinant ladite requeste, avons fait et faisons 46pleine et entiere main levee à ladite du Lys, comme Cousine germaine et plus proche parente habille à luy succeder, etc.
Ceste Marguerite du Lys, estoit fille de Jean du Lys Prevost de Vaucouleur, qui avoit esté amenée par son ayeulle mere de la Pucelle à Orleans, chez ledit feu Messire Pierre du Lys Chevalier, frere d’icelle Pucelle, qui l’avoit mariée audit Anthoine Bonnet, peu avant son deceds, comme a esté dit cy dessus, et en est faict mention par un contract du XI. Janvier 1469. passé pardevant Tassin Berthelin Clerc Notaire Juré du Chastelet d’Orleans : par lequel, Noble homme Jean de la Pucelle, dit du Lys, Escuyer demeurant en la parroisse S. Agnan de Sandillon pres d’Orleans, baille à rente fonciere, à Pierre Chauvet Laboureur demeurant en la parroisse S. Denys en Vaux, le fief de Mont, scis en ladite parroisse, qu’il dit luy appartenir de son propre, par le trespas de Messire Pierre du Lys son pere, vivant Chevalier : Lequel fief du Mont, neantmoins avoit esté baillé par le mesme Pierre du Lys son pere, à ladite Damoiselle Marguerite du Lys sa niepce, en la mariant avec ledit Anthoine Bonnet, en faveur et consideration de ce que 47Jean du Lys Prevost de Vaucouleur, avoit aussi marié audit Vaucouleur, une des filles dudit Pierre du Lys son frere, qu’il avoit nourrie et gardée, en eschange de ladite Marguerite du Lys, fille d’iceluy Prevost de Vaucouleur : Laquelle donation du fief du Mont faicte à ladicte Marguerite du Lys par ledit Pierre du Lys son Oncle, ledit Jean du Lys fils d’iceluy Pierre, ne voulut approuver apres le deces de son pere, et en avoit longuement plaidé.
Jean le jeune et sa postérité jusqu’à Charles du Lys
L’autre fils de ce Pierre du Lys Chevalier, nommé Jehan du Lys le jeune, se voyant pauvre cadet, apres le decez de son pere en l’an 1469, suivit la profession des Armes ès guerres de Picardie, et se fist tellement aymer et reconnoistre par le Roy Louys XI. fils du Roy Charles 7. qu’en l’an 1481, ledit Sieur Roy Louys XI ayant prins la ville Darras par force, toute destruitte et depeuplée, la voulant relever et repeupler de subjects ses plus loyaux et affidez, Apres avoir mandé par les meilleures villes de la France, qu’on luy envoyast des familles de marchands et autres pour les y habituer, s’en voulant servir comme d’une frontiere forte, et fidelle à son Royaume ; Outre plusieurs 48grands et signalez privileges qu’il leur donna, Il voulut y mettre et nommer de sa part des Eschevins, entre lesquels il nomma ledict Jean du Lys le jeune, Comme il se void par les lettres patentes sur ce données au mois de Juillet audit an 1481, verifiees et registrees en la Cour des Aydes le 10 Septembre ensuivant : En laquelle charge d’Eschevin apres avoir esté expressement esleu et nommé par le Roye esdites lettres patentes, Il fut continué les annees suivantes 1482 et 1483, comme il se void, entre autres preuves, par un acte authentique delivré par les Maire et Eschevins de ladite ville Darras, soubz la signature de Hatte leur Greffier, Et le grand scel de ladite ville qui y est attaché en cire verte, lesquels arrestent et certifient, Que par extraict d’un registre en parchemin, contenant la reception des Bourgeois, commençant en l’an de grace 1464, reposant en la Chambre Eschevinalle de ladite ville, Appert que le 2. May 1483, Isabeau Raoul vesve feu Gilles de Habart, a recreancé sa Bourgeoisie et promis non y renoncer, par devant Sires Jean du Lys et Gilles Menuet Eschevins 49de ladite ville : Et par un autre pareil acte, signé et scellé comme le precedent, et extraict du mesme Registre, Appert encores, que le 30. jour d’Octobre audit an 1483 ledit Jean du Lys estant sorti de l’Eschevinage, auroit esté receu à la Bourgeoisie de ladite ville sans paier finance, pour ce qu’il estoit estranger ou forain de ladite ville, estant natif d’Orleans : Non que par ladite qualité de Bourgeois, ny le mot de Sire, qui luy est attribué par le premier acte comme Eschevin, il ait aucunement derogé à la noblesse, qu’il tenoit et conservoit precieusement, avec son nom du Lys, par les octrois et gratification du Roy Charles 7. en faveur de la Pucelle d’Orleans sa Tante : Aussi que le Roy Louys XI, par lesdites Chartres et patentes tres amples du mois de Juillet 1481, entre autres privileges de ladite ville Darras, avoit ennobly les Escevins d’icelle : pour marque et tesmoignage de laquelle noblesse, ce mot et tiltre de Sire, estoit pour lors attribué ausdits Eschevins et non à autres ; Ce qui se peut remarquer en quelques autres villes, ou la noblesse fut octroyee aux Maire et Eschevins du mesme temps, comme à Poitiers, où le Maire est appellé Sire, à cause 50de son ennoblissement, privativement aux autres qui ne sont ennoblis, et en plusieurs autres villes : Ce mot de Sire, ayant esté anciennement attribué pour les Nobles et Escuiers, comme Messire pour les Chevaliers, d’où vient qu’on appellle les Sires de Paris, en consequence de quelques anciens privileges, par lesquels les Roys les avoient autres fois tous ennoblis.
Et de fait que ledit Jean du Lys, se voyant Cadet du frere Cadet de ladite Pucelle, esperant faire nouvelle fortune de son chef, comme il eust faict, sans la mort qui survint peu apres en l’an 1484, dudit Sieur Roy Louys XI son maistre qui l’aimoit, retint les Armoiries anciennes de la famille Darc, que portoit son ayeul Jacques Darc pere de la pucelle, qui estoient d’un arc bandé de trois fleches, ausquelles ajousta le Timbre comme Escuier, et le chef d’un Lion passant, à cause de la Province à laquelle son Roy l’avoit habitué, Lesquelles armes se trouvent peintes, gravees et conservees de pere en fils, en plusieurs Eglises et autres lieux jusques aujourd’huy.
Chacun sçait comme en l’an 1491, la ville Darras fut soustraitte de l’obeissance des 51Roys de France, par les entreprises, trahisons et menees de Maximilian d’Austriche et des siens, qui fut cause que les vrays François en furent chassez, apres avoir esté pillez, Entre lesquels le susdit Jean du Lys ne fut oublié, y ayant esté mis et nommé par le Roy Louys XI, comme il a esté dit ; Il se refugia donc en Picardie à Lihoms en Sangterre, fort desnué de moyens, où il mourut valetudinaire et maladif quelque temps apres, sans relever sa fortune, laissant un fils aussi nommé Jean du Lys, lequel ayant esté quelque temps entretenu au Barreau du parlement de Paris en sa premiere jeunesse, voyant son pere mort sans beaucoup de commodités, se desbaucha en la profession des armes, aux guerres de Milan, Naples et d’Italie ; pendant laquelle absence, Jean du Lys sieur de Villers son oncle, et frere aisné de son pere, estant decedé à Orleans sans enfans, la succession qui luy debvoit apartenir comme Nepveu, fut recueillie par Damoiselle Marguerite du Lys, comme cousine Germaine, à cause de Jean du Lys Prevost de Vaucouleur son pere, Oncle dudit Jean du Lys sieur de Villers, pource qu’elle estoit mariee et habituée pres d’Olreans, 52laquelle s’en dit heritiere, et se fist declarer habile à lui succeder, par sentence du Prevost d’Orleans du 3. Octobre 1501 cy devant mentionnee ; Et fut à la verité la plus habille, bien qu’elle ne fust la plus proche, pour l’absence et grand esloignement dudict Jean du Lys surnommé le Picard, plus proche et plus capable de succeder.
Enfin ledit Jean du Lys, apres ses desbauches, faisant retraitte desdites guerres d’Italie, se maria à Paris, assez agé, apres la mort du Roy Louys 12, Et eut plusieurs enfans, tous decedez sans hoirs, et sans beaucoup de biens, sinon Michel du Lys le plus jeune de tous, lequel avoit commencé de relever sa fortune, à la suitte du Roy Henry 2, qui luy fut aussi tost racourcie, par la mort encores dudit sieur Roy son Maistre, Ayant esté quelque temps entre ses officiers Domestiques et commençaux, en qualité de vallet de Chambre : Il se maria pareillement à Paris, où il mourut assez jeune en l’an 1562, laissant trois enfans en fort bas aage, Charles du Lys, à present Conseiller du Roy et son avocat general en la Cour des Aydes à Paris, Luc du Lys son frere, Escuyer sieur 53de Regnemoulin, Conseiller Notaire et Secretaire du Roy et Audiencier en la Chancellerie de Paris, Et Damoiselle Jacqueline du Lys, vesve de feu Jean Chanterel Escuier sieur de Besons, de Cordon et de Champigni, conseiller du Roy et Auditeur en sa Chambre des Comptes à Paris : Entre les mains de l’aisné desquels sont la plus part des patentes, contracts, enquestes, informations et autres tiltres desquels est extraict le present discours. Et se peut dire, sans en rien exprimer plus au long pour accourcir cest escrit, que lesdits Charles, Luc et Jacqueline du Lys, par le moyen de leur mere, Ayeulles et bisayeulles sont entrez en la parenté de plusieurs honnestes et bonnes familles des Mariettes, Malingres, Debreban, du Vivier, et des Pinguetz, tant à Paris, qu’en Picardie.
Haloüys du Lys et la branche lorraine des Hordal
La premiere des deux filles dudit Pierre du Lys Chevalier frere puisné de la Pucelle, fut nommée Haloüys, du Latin Helvidis, et fut envoyee par son pere, chez Jean du Lys Prevost de Vaucouleur son Oncle, en eschange d’une autre fille dudit Jean du Lys nommée Marguerite, que son ayeulle, mere de la Pucelle, avoit menee vers 54ledit Pierre du Lys son Oncle demeurant à Orleans, où il l’avoit retenuë et mariee avec Anthoine Bonnet, comme il a esté dit cy devant : Laquelle Haloüys ou Havüys, selon le langage et prononciation du pays, le dit Jean du Lys Prevost de Vaucouleur son Oncle, maria avec Estienne Hordal, Gentil-homme d’une ancienne famille de Champagne, residant à Barisey, duquel mariage sont procedez, Messire Claude Hordal Archidiacre et depuis grand Doyen de l’Eglise de Toul, Jean Hordal et Valtrin Hordal : Dudit Jean Hordal, est descendu Messire Estienne Hordal, vivant encores aujourd’huy, grand Doyen en ladite Eglise de Toul, aagé de plus de 80 ans, personnage de grande recommandation au pays, qui se souvient d’avoir veu, en ses premiers ans, ladite Halüs son ayeulle, vivant aagee d’environ 80 ans, comme il a esté dit : Et lequel garde soigneusement un cachet d’or, auquel sont gravees les armes de la Pucelle, que ledit feu Messire Claude Hordal aussi grand Doyen son oncle, luy a donné, qu’il disoit avoir esté gravées du temps de ladite Pucelle et de ses freres ; Dudit Jean Hordal sont aussi descendus 55plusieurs autres enfans, qui ont laissé quelques familles en ladite ville de Toul, de par les femmes seulement en ligne feminine : Mais de Valtrin Hordal, est descendu par Nicole Hordal, Maistre Jean Hordal vivant aujourd’huy, Docteur ez droicts et professeur ordinaire en iceux en l’Université de Pontamousson, Conseiller d’estat de Monsieur le Duc de Lorraine, l’un des plus sçavants hommes de sa profession : lequel apres avoir obtenu lettres patentes de son Altesse, pour se faire declarer noble, comme extraict de la parenté de ladite Pucelle, en datte du 10 Juillet 1596, sur l’enqueste cy devant mentionnee pour ce faicte à sa requeste, en grande connoissance de cause, et sur plusieurs autres preuves et tiltres, desquels comme aisné de ladite branche, il s’est rendu curieux gardien et depositaire, ne s’est contenté, Mais a faict un tres docte et rare discours sur l’histoire de ladite Pucelle, intitulé, Heroinæ nobilissimæ Joannæ Darc vulo Aurelianensis Puellæ, Historia, qu’il a donné au public et fait imprimer en son Université de Pontamousson ceste presente annee 1612, Où se void un recueil inestimable de tous les Autheurs qui en ont 56escrit, en nombre de plus de cent, curieusement recherchez et fidellement rapportez des meilleures Bibliotheques qui sont en la France et dehors, par un laborieux artifice et travail, qui ne se peut assez loüer ny estimer : Aussi qu’il a des enfants entre autres Jean Hordal son aisné, de singulire erudition et de tres-grande esperance, pour recueillir les honneurs et charges de son Pere, et les accroistre et perpetuer à la posterité.
Catherine du Lys et la branche normande des Le Fournier, baron de Tournebus, et des Du Chemin
Reste la derniere fille dudit Pierre du Lys Chevalier, frere puisné de ladite Pucelle, qui fut damoiselle Catherine du Lys, mariee à Robert Fournier l’un des plus riches habitants de la ville de Caen en Normandie, qui venant pour affaires à Orleans, l’espousa pour sa grande beauté, Et en eust Jacques Fournier Receveur des Tailles audit Caën, qui espousa Marie de Villevresme, fille de François de Villebresme Receveur du Domaine à Orleans, de laquelle il eut trois fils et plusieurs filles, le premier fut Nicolas le Fournier, Baron de Tournebuz, lequel pour ses grands moyens espousa Damoiselle Isabeau de Boullenc, fille de maistre Simon de Boullenc sieur de Garambouville, premier 57Conseiller au Parlement de Roüen, Et petite fille de Messire Richard de Boulenc Chevalier, et Capitaine des villes et chasteaux d’Eureux et Beaumont le Roger, qui fut fils du Milort de Boulenc d’Angleterre ; Et mourant ledict Nicolas le Fournier sans enfans, ladicte de Boulenc sa veusve, espousa en seconde nopces, Robert preud’homme sieur Destalleville pres de Roüen, Et ladicte Baronnie de Tournebus escheut à Robert le Fournier son frere, recepveur des Tailles à Caën : le troisiesme fils puisné des trois, fut maistre Charles le Fournier, Lieutenant General en la vicomté de Caën, qui eust un fils Jacques le Fourneir, duquel est descendu Josias le Fournier Sieur d’Allemagne, qui vit encore aujourd’huy pres de Caën, en la profession des armes, comme avoit faict son pere, lequel fut tué par un duel, estant en l’armée du Roy en Gascogne l’an 1586.
L’une des filles dudict Jacques le Fournier, fut Jeanne le Fournier, qui espousa Lucas du Chemin, premier Conseiller au Presidial de Caën, Sieur du Feron, de la Haulle et de plusieurs autres Seigneuries, et fut grandement Riche : Il eust un fils 58du mesme nom Lucas du Chemin, qui fut Conseiller au siege Presidial de Sainct-Lo en Normandie, et une fille Damoiselle Denise du Chemin, qui espousa Nicolas le Verrier sieur de Touille, assesseur en la Viconté de Valognes. Tous lesquels se sont faict declarer nobles, en consequence de la parenté de ladicte Pucelle d’Orleans, comme il se veoid par ce qui s’ensuit.
Le susdict Robert Fournier, Baron de Tournebus par la mort de son frere, homme fort riche, n’ayant aucune charge d’enfans, comme il est mort sans en laisser aucuns ; voyant qu’en l’année 1550, on faisoit recherche des francs-fiefs et nouveaux acquests, pour y prevenir, obtint des lettres patentes sous son nom, et dudit Lucas du Chemin son nepveu, à cause de ladicte Jeanne le Fournier sa sœur, que l’autre Lucas du Chemin son pere avoit espousee, Donnees à Rouën au mois d’Octobre 1550, par lesquelles en consequences des lettres d’ennoblissement de la Pucelle d’Orleans de l’an 1429, qui y sont au long inserees, ils sont tous deux declarez nobles, comme descendus de Pierre du Lys frere de ladicte Pucelle, par ladicte Catherine du Lys sa fille leur ayeulle : Et 59sur une information faicte de ladicte extraction et parentelle, par vertu d’un Arrest interlocutoire de la Chambre des Compte à Paris, Ils y auroient faict Registrer lesdictes lettres le dernier Avril 1551.
Sur lesquelles patentes et declaration de leur noblesse, le dit Lucas du Chemin obtint deux Jugements ou Arrests des commissaires deputez par le Roy, sur le faict des francs fiefs et nouveaux acquests pour les ressors des Parlements de Paris et Rouën, donnés en la Chambre du Tresor à Paris, l’un du 13 Aoust 1551, l’autre du 29 Juillet 1553, par lesquels il est declaré exempt, comme noble : et ordonné que les sommes de 80 livres d’une part, et de 30 livres d’aultre, prises sur ses biens, luy seroient restituees.
Et d’autant que sur la poursuitte que faisoit ledict Lucas du Chemin, pour avoir restitution des deniers qu’il avoit esté contraincts payer pour lesdits Francs fiefs et nouveaux acquests, le partisan ou recepveur desdicts deniers, obtint lettres patentes sous le nom du Procureur General du Roy, en ladite commission, donnees à Amboise le 26. Mars 1555 avant Pasques, par lesquelles, 60en interpretant le privilege de noblesse, octroyé par le Roy Charles 7, a tous ceux qui seroient de la parenté de ladite Pucelle d’Orleans, il est restraint pour ceux là seulement, qui en seroient descendus, de par son pere ou ses freres, en ligne masculine, et non en ligne feminine ; ledict Robert le Fournier Baron de Tournebus, accompagné de Charles le Fournier son frere sieur du Bois sur Coq, Lieutenant General en la Vicomté de Caën, obtiennent autres lettres patentes, donnees à Fontaine-bleau le 2 Juillet 1556, signees Bourdin, par lesquelles le Roy veut, en faveur des services signalez faicts au Royaume de France, par ladite Pucelle d’Orleans, et conformément aux lettres d’ennoblissement, qui luy furent octroyees par le Roy Charles 7, en l’an 1429, que lesdicts Impetrans et tous autres qui seroient de la parentelle de ladicte Pucelle par ses freres, tant en ligne masculine que feminine, fussent maintenus comme nobles en l’exemption de la recherche desdicts francs fiefs et nouveaux acquests, eten tous autres droicts de Noblesse, nonobstant lesdictes lettres de revocation ou de reduction du 26 Mars precedent, 61ausquelles est derogé par icelles.
La mort estant intervenuë dudit Robert le Fournier Baron de Tournebus, sans enfans, ledit Lucas du Chemin son Nepveu grandement riche, fut pour ce taxé à la somme de deux mil livres, pour nouvelles recherches qu’on continuoit desdicts francs fiefs et nouveaux acquests, dont il se porta pour appellant, et se pourveut par devant les commissaires deputez pour en juger en dernier ressort au parlement de Rouën, où la cause ayant esté plaidée solemnellement, et appointee au Conseil, en l’an 1564, intervint Arrest interlocutoire desdicts commissaires du dernier Juin 1565, Entre ledict Lucas du Chemin appellant et le Procureur General du Parlement de Rouën, prenant la cause pour le Procureur General en la Cour des Aydes inthimé, par lequel avant que proceder au jugement diffinitif de ladite appellation, est ordonné que par Maistre Nicolas le Comte Sieur de Draqueville, Conseiller et Maistre des Requestes ordinaire du Roy, l’un desdicts Commissaires, seroit faict entendre au Conseil Privé dudict Seigneur Roy, les jugements ou Arrests obtenus par ledict du Chemin, et 62autres poincts et articles dudict procès, suivant les memoires qui en seroient faicts pour ce faict, et le rapport ouy dudit sieur de Draqueville, ordonner ce qu’il appartiendra par raison.
Sur le rapport duquel Sieur de Draqueville, faict au Roy et ausdicts sieurs du Conseil, furent decernees lettres patentes donnees à la Rochelle le 15 Septembre audict an 1565, par lesquelles en grande connoissance de cause, est ordonné que les jugements et Arrests donnez par les commissaoires deputez sur le faict desdits francs fiefs et nouveaux acquests, au proffit dudict Lucas du Chemin les 13 Aoust 1551 et 29 Juillet 1553, sortiroient leur plein et entier effet, Et que suivant iceux, ledict du Chemin demeuroit exempt de la constribution desdits francs fiefs et nouveaux acquests : Sur lesquelles lettre patentes, intervint Arrest diffinitif desdicts Commissaires, en grande connoissance de cause, le 29 Décembre audict an 1565, par lequel, sans avoir esgard à la Requeste dudit Procureur General du Roy, pour estre recueu à impugner lesdictes lettres et jugements mentionnez par icelles, les appellations, et ce dont estoit appel, sont mise au 63neant, Et en emandant et ayant esgard ausdites lettres, ledit du Chemin est declaré exempt de la contribution ausdits francs fiefs et nouveaux acquests, Et ordonne que sa taxe de deux mil livres seroit rayee.
Et depuis Jean et Nicolas du Chemin freres, et enfans heritiers dudit feu Lucas du Chemin leur pere, par Arrest d’autres Commissaires encore deputés pour la recherche desdicts francs fiefs et nouveau acquests, en datte du 19 Aoust 1576, en ont esté déclarez exempts du consentement de Mr. le Procureur General au parlement de Rouën, avec main-levee de leurs fiefs pour ce saisis, et sont encore vivant aujourd’huy noblement, et avec grande reputation de bons Gentils-hommes entre les meilleures maisons du pays, sçavoir est Jean du Chemin l’aisné, Sieur du Feron, de la Haulle et Seuilly pres de Caën, Et Nicolas du Chemin son frere, Sieur de Vausselles et du Mesnil Guillaume, pres de Sainct Lo, demeurant audict lieu du Mesnil.
Ledit Lucas du Chemin derneir decedé, fils d’autre Lucas du Chemin qui avoit espousé Jeanne le Fournier sœur du susdict Robert le Fournier, Baron de Tournebus 64avoit une sœur nommée Denise du Chemin, niepce aussi dudit Baron de Tournebus, qui fut mariée à M. Nicolas le Verrier, Conseiller Assesseur en la Viconté de Vallongnes, duquel elle eut Guillaume le Verrier sieur de Touille, lequel obtint encores autre jugement, des Commissaires députez par le Roy, pour la liquidation des droicts de Francs fiefs, et nouveaux acquests ès generalitez de Rouën et Caën, en datte du 22. Juin 1599. signé Hennequin : par lequel, en grande connoissance de cause, du consentement du Procureur general du Roy, il est deschargé de la somme de 350 escuz, à laquelle il avoit esté taxé, pour lesdits Francs-fiefs et nouveaux acquests, à cause de sondit fief de Touille, en consequence des Arrests et jugemens susdits.
Outre ce que dessus, est encore plus notable, que ladite Damoiselle Jeanne Fournier, sœur du Baron de Tournebus, apres la mort de Lucas du Chemin son premier mary, espousa en secondes nopces M. Estienne Patris, Conseiller du Roy au Parlement de Rouën, duquel elle eut Claude Patris, Conseiller au Presidial de Caën, et Magdeleine Patris sa sœur, mariée 65à Jean Ribault sieur du Mesnil S. Jorres, duquel mariage estant issuë Damoiselle Charlotte Ribault, elle auroit esté conjoincte par mariage, avec M. Thomas de Troismonts, sieur de la Mare, Conseiller au Presidial de Caën, lequel poussé de Noble courage, comme il est tout remply de valleur, de lettres et de merites, auroit obtenu nouvelle patente du Roy, données à Paris, le premier Aoust 1608. signées en commandement de Monsieur Potier, Par lesquelles est mandé à la Cour des Aydes de Normandie, Que si sadite femme se trouve extraicte et descenduë de la parentelle et lignee des freres de la Pucelle d’Orleans, elle soit declarée Noble et maintenuë en tous droicts et privileges de Noblesse, en vertu des Chartres d’ennoblissement accordées par le Roy Charles 7. à la Pucelle d’Orleans, et à toute leur postérité née et à naistre, tant en ligne masculine que feminine : sur lesquelles patentes, apres avoir fait ample preuve par escrit de sadite parenté et genealogie, et avoir representé et fait veoir en pleine Cour, l’original des Chartres du dit premier ennoblissement de ladite Pucelle, 66nonobstant les empeschemens et contredicts de Monsieur le Procureur general du Roy en ladite Cour, il auroit fait ordonner que lesdites lettres par luy obtenuës, ensemble celles de ladite Pucelle, de l’an 1429, et autres de confirmation d’icelles, obtenuës par les susdits Robert et Charles Fournier freres, le 2. Juillet 1556, pour revoquer la restrinction et reduction dudit privilege d’ennoblissement, aux descendans des freres de ladite Pucelle en ligne masculine seulement, seroient registrées en ladite Cour, pour en joüir par ladite Damoiselle Charlotte Ribault espouse dudit sieur de Troismonts, et les descendans d’elle, selon leur forme et teneur, sauf audit Procureur general de faire telles remonstrance au Roy, sur la consequence desdites lettres, qu’il advisera bon estre.
Conclusion
Il sera donc raisonnable, que ce discours commancé en faveur de ladite Pucelle, finisse quant à present, par celuy qui est le plus merité d’elle, afin que luy et le susdit sieur Hordal, qui en sont des plus esloignez en ligne feminine seulement, ayant fait si generausement et utilement, à l’exaltation de ladite Pucelle, puissent exciter 67les autres plus proches et interessez de plus pres en l’honneur de sa parenté, d’y adjouster ce qui est de plus precieux en son histoire, qui a esté obmis et caché jusques à present.
Guy de Cailly
Se peut adjouster toutesfois une belle alliance à la parenté de ladite Pucelle, qui en tourne qu’à sa gloire et plus grande recommandation : Quand par l’inspiration de Dieu, elle vint pour faire lever le siege d’Orleans, Elle arriva premierement, au village de Checy sur Loire, distant de deux lieues de ladite ville, où elle fut logee au fort, qui estoit lors, en la terre de Rouilly, qui est le premier et plus ancien fief de la Proisse dudit Checy ; Le Seigneur duquel lieu, nommé Guy de Cailly, fut tellement espris des vertus celestes de ladite Pucelle, qu’il s’adonna du tout à la suivre et servir en toutes les saillies, assaultz et combats qu’elle fit, jsuques aux dernier, qui fut d’une forteresse, qui seule restoit aux Anglois, sur le bout du pont de ladite ville, qu’ils appelloient les Tournelles, Où ladite Pucelle ayant esté blessée d’une fleche au col, s’estant retiree un peu a l’escard, se mit en prieres ; Et voyant ledit Cailly qui l’assistoit tousjours, 68le pria de prendre garde quand la queüe de son Guidon ou estendart, seroit dressee et tendue vers lesdits Anglois, et l’en advertir, Ce qu’il fit, et trouva ladite Pucelle comme en extase, qui avoit une apparution de Cherubins, lesquels sembloient combattre pour elle contre lesdits Anglois : comme de fait et à l’instant de son retour, ils abandonnerent la place, et se noyerent la plus part en s’enfuiant, Ce qui fut assez tard vers la nuit, Et des le matin, leverent le siege de devant ladite ville, et se retirerent à la grande joye et admiration des habitans.
Ce qui fut cause que ladite Pucelle peu de temps apres en Juin 1429. fit donner des lettres comme d’ennoblissement, audit Guy de Cailly, avec permission particuliere de changer ses armes, et porter en faveur de ladite apparition à laquelle il avoit participé, trois testes de Cherubins aislées et barbelées de gueulles en champ d’argent, Comme elles se trouvent dès le mesme temps peintes, gravées et conservees jusques aujourd’hui : Car ledit Guy ou Guidon de Cailly eust un fils jean de Cailly, qui espousa Damoiselle Gilette de l’Aubespine, desquels est procedé 69autre Guy de Cailly sieur dudit Rouilly, de Marville, d’Ernonville, de Centimaisons, de Villers la Hart, et de plusieurs autres Seigneuries, qui fut si riche, qu’on appeloit sa maison, la Tuille d’or : Il fut Lieutenant du grand Prevost de France, Et espousa Damoiselle Charlote Boileue, de laquelle il eust plusieurs enfans, Remy de Cailly son aisné, Et entre les autres, Agnan de Cailly Vicomte D’argues et de Carentam, qui espousa Damoiselle Hypolite Violle, desquels la sepulture se void en la cave du Convent des Billettes à Paris : Ledit Remy de Cailly aisné eust un fils unique Jacques de Cailly, la vesve duquel est vivante encores aujourd’huy, en l’age de quatre vingts ans, toute remplie de vertus et de benedictions, ayant ce contentement de voir pres d’elle tous les jours son fils unique, autre Jacques de Cailly, Seigneur de la mesme terre de Rouilly, ou logea premierement ladite Pucelle, pour entrer à Orleans ; Et d’avoir encore sa fille aisnée Damoiselle Catherine de Cailly, mariee avec le susdit Maistre Charles du Lys Conseiller du Roy et son Advocat general en la Cour des Aydes à Paris, Cousin au cinquiesme 70degré de ladite Pucelle, pour joindre ensemble en un mesme cœur, comme leurs armes sont en un mesme Escusson, et fortifier d’autant plus, les graces et faveurs qu’ils ont eu separément, et tiennent de pere en fils et en pareil degré de ladite Pucelle, Et les conserver aux enfans qu’ils ont de leurs enfans, Et les perpetuer à leur posterité, à laquelle est dedié cest extraict sommaire et veritable des tiltres de ladite Pucelle et de sa parenté.
Fin.