Texte intégral
Notice historique sur Jeanne d’Arc et sur les monuments érigés à Orléans en son honneur
par
(1824)
Éditions Ars&litteræ © 2025
Notice historique sur Jeanne d’Arc
Situation désespérée d’Orléans après la journée des Harengs
La perte de la bataille de Rouvray-Saint-Denis, connue sous le nom de bataille des Harengs, avait vivement affecté les généraux qui commandaient dans Orléans. Le départ du comte de Clermont qui sortit de cette ville, le 18 février 1429, avec 2,000 hommes1, avait entièrement abattu leur courage. Ils se persuadèrent qu’on venait de les mettre dans l’impossibilité de défendre la place qui leur avait été confiée, ils crurent donc devoir convoquer les habitants. Ils leur exposèrent qu’ils ne pouvaient attendre aucun secours du Roi ; qu’ils ne se procuraient des vivres qu’avec peine et qu’ils ne pourraient les défendre longtemps ; et ils leur conseillèrent de traiter avec les Anglais aux meilleures conditions possibles2. À cette proposition, tous ceux qui composaient l’assemblée protestèrent que jamais ils ne se rendraient aux ennemis de leur patrie et de leur Roi, et qu’ils mourraient, s’il était nécessaire, les armes à la main. Ces généreux Français n’ayant plus rien à espérer des hommes, mirent leur confiance en Dieu ; et ils eurent 2lieu de se féliciter d’avoir pris un si sage parti. Les Anglais croyaient que bientôt ils seraient maîtres d’Orléans et de la France entière ; mais le moment de leur triomphe était celui qui devait mettre un terme à leurs victoires.
Dieu suscite Jeanne d’Arc
Pour confondre ces fiers insulaires, Dieu se servit d’une jeune paysanne de 17 ans qui vivait à Domremy, sur les bords de la Meuse. Elle se nommait Jeanne d’Arc. Il y avait près de quatre ans que l’archange Saint-Michel, ce zélé protecteur de la France, lui était apparu pour lui recommander de vivre d’une manière régulière et édifiante, afin de se rendre digne d’exécuter un jour les grands desseins que Dieu avait sur elle.
Quelque temps avant la bataille de Rouvray-Saint-Denis, Dieu avait notifié à Jeanne d’Arc qu’il l’avait choisie pour faire lever le siège d’Orléans et faire sacrer Charles VII dans la ville de Reims. Elle représenta modestement que n’ayant été exercée qu’aux occupations obscures d’un ménage et aux travaux de la campagne, elle ne savait pas monter à cheval, et qu’il lui serait impossible de commander des armées. Ses représentations furent inutiles : il fallut obéir. Elle éprouva bientôt que lorsqu’on a Dieu pour maître on apprend promptement ce qu’il enseigne, et qu’il sait aplanir toutes les difficultés que les hommes voudraient opposer à l’exécution de ses desseins.
Levée du siège d’Orléans et sacre du roi à Reims
Baudricourt, gouverneur de Vaucouleurs, qui l’avait d’abord regardée comme une visionnaire et une extravagante, changea tout-à-coup de sentiment, et l’envoya au Roi de la manière la plus honorable. Elle traversa plus de cinquante lieues de 3pays ennemi sans être attaquée, et arriva heureusement à la Cour. Ayant prouvé au Roi la divinité de sa mission d’une manière qui ne lui permit pas d’en douter, elle en reçut les pouvoirs les plus étendus pour commander ses armées. Peu de temps après, elle part pour Orléans ; elle y arrive le 29 avril, et le 8 mai (jour de l’apparition de Saint-Michel), les Anglais sont obligés de lever le siège de cette ville. Rien n’arrête la marche victorieuse de cette héroïne ; les Anglais sont chassés de Beaugency, de Meung, de Jargeau ; ils sont complètement battus dans les plaines de la Beauce, et le 17 juillet, Charles VII est sacré à Reims, à la satisfaction des Français, et au grand étonnement de l’Europe entière.
Capture à Compiègne, procès inique et condamnation au bûcher
Jeanne d’Arc était connue depuis quelque temps sous le nom de Pucelle d’Orléans. Voyant qu’elle avait exécuté les ordres que Dieu lui avaient donnés, elle se jeta aux pieds du Roi, et le conjura de lui permettre de se retirer auprès de ses parents, pour s’exercer de nouveau aux travaux de la campagne ; mais Charles VII refusa d’y consentir. Il était persuadé que personne ne pouvait l’aider plus efficacement que Jeanne d’Arc à conquérir son royaume et à en chasser les Anglais. Elle crut devoir obéir à son souverain, mais dès ce moment elle ne se considéra plus comme envoyée de Dieu, et le Tout-Puissant cessa de lui accorder cette protection spéciale qui ne lui avait jamais manqué lorsqu’elle remplissait la mission qu’il lui avait confiée. Le 25 mai 1430, elle tomba entre les mains des ennemis par la trahison du gouverneur de Compiègne. Les Anglais impatiens de se venger 4de tout le mal que la Pucelle leur avait fait, payèrent sa rançon au seigneur qui l’avait en son pouvoir, nommèrent des juges faibles et vendus à l’iniquité pour instruire son procès, et en obtinrent une sentence qui condamnait au feu une jeune guerrière dont tout le monde admirait la vertu et les talents militaires, dont le nom seul faisait trembler les Anglais, dont l’épée soutenait le trône de Charles VII, et qui était si digne d’un meilleur sort.
Les Orléanais recueillent la mère de Jeanne et soutiennent la révision du procès
Il serait difficile d’exprimer combien les Orléanais furent sensibles à la mort de leur libératrice : ils lui firent un service solennel3 ; ils donnèrent à ses frères les marques de la considération la plus distinguée4. Ysabeau Romée, sa mère, étant venue à Orléans le 7 juillet 1440, y fut accueillie avec bonté. Elle était malade : les procureurs de la ville en eurent le plus grand soin, et payèrent les frais de sa maladie. Elle témoigna le désir de se fixer à Orléans ; elle y fut nourrie aux dépens de la commune jusqu’au jour de sa mort, qui fut le 28 novembre 14585. Il est probable que ce sont les habitants d’Orléans qui lui ont conseillé de présenter, tant en son nom qu’au nom de ses enfants, au cardinal d’Estouteville, et ensuite au souverain Pontife, une requête pour demander la révision du procès de condamnation de Jeanne d’Arc6. Elle trouva aussi dans la générosité des mêmes habitants les fonds qui lui étaient nécessaires pour suivre cette affaire à laquelle ils attachaient la plus grande importance. L’innocence de la Pucelle fut solennellement reconnue à Rouen le 17 juillet 1456. Trois jours après, deux des commissaires de Calixte III, qui venaient de prononcer la sentence 5de réhabilitation, vinrent la faire publier à Orléans. Ces deux juges étaient l’évêque de Coutances et Jehan Bréhal, inquisiteur de la foi en France7 ; ils ordonnèrent que le 21 juillet 1456 on ferait une procession générale pour remercier Dieu de ce qu’on avait enfin rendu justice à la jeune héroïne que la providence avait suscitée d’une manière miraculeuse pour faire lever le siège d’Orléans, et sauver la France entière.
Monuments érigés à Orléans en son honneur
Érection d’un monument en bronze (1458)
À cette époque, les Dames et les Demoiselles d’Orléans sentirent se ranimer en elles les sentiments de vénération et de reconnaissance que leur avaient inspirés les vertus chrétiennes et religieuses de Jeanne d’Arc, et les services qu’elles en avaient reçus. Pour honorer sa mémoire, elles conçurent le projet d’élever à leurs dépens un monument également religieux et national qui fut une gage assuré de leur piété envers J. C., de leur dévotion envers la Sainte Vierge, de leur reconnaissance envers la Pucelle, et de leur inviolable attachement à la personne de leur souverain légitime. Ce monument en bronze était composé d’un Christ, de la statue de la Mère de Dieu debout aux pieds de la Croix, et de celles de Charles VII et de la Pucelle à genoux des deux côtés ; il fut placé sur le pont d’Orléans, en 1458.
Destruction par les calvinistes (1562), restauration (1570), fonte par les révolutionnaires (1795)
Il y est resté jusqu’en 1562 ; à cette époque désastreuse, des soldats calvinistes se précipitèrent avec fureur sur la statue de la Pucelle et la brisèrent8 : il paraît qu’ils n’épargnèrent pas davantage celle de la Sainte Vierge, et que les catholiques parvinrent à soustraire à ces fanatiques le Christ et la statue de Charles VII ; car lorsqu’en 1570, on voulut rétablir 6ce monument, on fit un marché avec Jean Lescot, et on le chargea seulement de refondre la statue de la Pucelle et celle de la Sainte Vierge, de raccommoder le Christ et de faire au reste du premier monument les réparations convenables9. En refondant la statue de la Mère de Dieu, on l’a représentée assise aux pieds de la Croix portant sur ses genoux son divin fils : il a donc fallu donner aux bras du Christ une nouvelle direction, c’est pour cette raison qu’on avait chargé Lescot de le raccommoder. Ce nouveau monument a subsisté jusqu’en 1795, qu’il a été fondu par les révolutionnaires pour en fabriquer des canons.
Un monument voulu par les femmes d’Orléans
Les historiens français supposent que c’est Charles VII, qui a fait ériger en l’honneur de Jeanne d’Arc le premier monument. Cependant c’est à la pieuse générosité des Dames et des Demoiselles d’Orléans, qu’on en est redevable : ce fait est constaté par deux témoins oculaires.
Témoignage de Pontus Heuterus
Le premier est Pontus Heuterus, historien flamand, né en 1535, il atteste avoir vu de ses yeux sur le pont d’Orléans les statues en bronze de Charles VII et de Jeanne d’Arc à genoux devant un Christ du même métal, avec une inscription qui portait que ce monument avait été élevé par les Dames et les Demoiselles d’Orléans à la mémoire de Jeanne d’Arc, qui avait fait tant d’honneur à leur sexe et tant de bien à leur patrie10. Depuis quelques années, M. le Maire d’Orléans s’est procuré un ancien tableau qui représente la vue de cette ville, et qui a été peint environ l’an 1550. On y voit le premier monument tel que l’a décrit Pontus Heuterus. Ce tableau prouve donc l’exactitude de cet 7auteur, ce qui donne une nouvelle force à son témoignage.
Témoignage de Louis d’Orléans
Le second témoin est Louis d’Orléans, fameux ligueur, né à Orléans en 1542, et qui par conséquent a pu voir le premier monument pendant 20 ans. Il dit expressément qu’en 1458, avec la permission du Roi, les procureurs de la ville avaient fait placer sur le pont un monument que les Dames et les Demoiselles d’Orléans avaient fait fondre en l’honneur de Jeanne d’Arc11.
L’héroïsme des Orléanaises pendant le siège
Au reste peut-on s’étonner que les Dames et les Demoiselles d’Orléans se soient intéressées d’une manière si noble et si généreuse à la gloire de la Pucelle ? N’étaient-elles pas elles-mêmes autant d’héroïnes ? Tous les auteurs n’attestent-ils pas que, le 21 octobre 1428, les Anglais ayant attaqué le boulevard des Tourelles, les Dames d’Orléans apportèrent aux combattants non seulement toute sorte de rafraîchissement mais encore des cendres rouges, de l’eau et de la poix bouillantes, des pierres, etc., pour jeter sur ceux qui essayaient d’escalader ce boulevard ; et même que plusieurs d’entre elles s’armèrent de lances, et précipitèrent dans les fossés ceux qui osèrent se présenter devant elles12 ? Loin de blâmer ceux qui avaient pris la ferme résolution de combattre jusqu’à la mort plutôt que de courber leur tête sous le joug honteux des Anglais, elles les auraient regardés comme indignes de porter le nom de Français, et en particulier celui d’Orléanais, s’ils avaient témoigné la moindre lâcheté. Elles étaient chastes et vertueuses ; elles ne se dissimulaient pas ce qu’elles auraient à craindre si leur ville était emportée d’assaut ; elles étaient sincèrement attachées à leur père, à leur 8époux, à leurs fils, à leurs frères ; elles savaient qu’ils allaient être exposés aux plus grands dangers ; mais, s’élevant au-dessus des sentiments de la nature, elles ne s’occupaient que de ce qu’elles devaient à leur Roi et à leur patrie. Si elles n’avaient pas été animées de ces sentiments généreux, ne se seraient-elles pas jetées aux pieds de ceux qui les touchaient de si près ; ne les auraient-elles pas conjurés, en versant un torrent de larmes, d’avoir pitié d’elles, d’avoir pitié d’eux-mêmes, et de ne pas tenter une résistance que les généraux de Charles VII regardaient comme inutile ? Peu d’hommes eussent été assez maîtres d’eux-mêmes pour résister à ces scènes attendrissantes qui se seraient renouvelées pendant plusieurs mois. Je ne crains donc pas d’assurer que si les habitants d’Orléans ont témoigné tant de courage et d’intrépidité pendant le siège de leur ville, ils le doivent en grande partie à l’héroïsme des Dames et des Demoiselles d’Orléans.
Appel à la restauration du monument
Nous admirons dans celles qui vivent actuellement les mêmes sentiments de piété et de générosité : MM. les Missionnaires qui sont venus en 1824 nous porter à la vertu par leurs discours éloquents et leurs exemples édifiants, ont donc eu raison d’espérer que les Dames et les Demoiselles d’Orléans contribueraient volontiers au rétablissement du monument religieux, élevé en 1458, par celles qui les ont précédées13. Ces apôtres infatigables de Jésus crucifié ont coutume de planter une croix dans tous les endroits où ils exercent leur pénible ministère, ils désirent qu’à celle qui vient d’être élevée à Orléans on ajoute la statue de la Sainte Vierge, celle de Charles VII et celle de la Pucelle, afin de rappeler aux Orléanais 9les grâces qu’ils ont reçues du Seigneur pendant la mission de 1824 et celles qu’il a faites à leurs pères en 1429. Je ne doute pas que les vœux de ces respectables ecclésiastiques ne soient pleinement accomplis.
Appel de l’évêque au roi pour récupérer le bronze fondu
Monseigneur l’Évêque d’Orléans qui accueille toujours avec empressement les moyens qui peuvent ranimer la piété de ses diocésains, a réclamé auprès de son Excellence le Ministre de la guerre, le métal du monument de la Pucelle qui se trouve dans les arsenaux de sa Majesté. Les Dames et les Demoiselles d’Orléans ont présenté à son Excellence une semblable requête ; nous espérons que sous un Roi ami de la justice et protecteur de la Religion, elle sera favorablement écoutée, et que bientôt on verra reparaître dans Orléans, un monument en bronze qui honorera la Religion, et qui apprendra à tous les Français quelle gloire est réservée à ceux qui se sacrifient pour leur patrie et leur légitime Souverain.
Notes
- [1]
Journal du siège, p. 187 :
Le vendredi 18 février, se partit d’Orléans le comte de Clermont ; et emmena avec lui plusieurs seigneurs, et bien deux mille combattans, dont ceux d’Orléans les voyant partir ne furent pas bien contans.
- [2]
Histoire abrégée de la Pucelle, p. 6 :
Les capitaines et gens d’armes qui étoient dedans Orléans congnaissant que ceux de la ville ne vouloient aucunement cheoir en l’obéissance des Anglois, appellerent les principaux bourgeois et marchands, auxquels ils remonstrèrent comment ils ne pouvoient avoir vivres qu’à bien grande difficulté, et qu’ils ne voyoient point le moyen comment ils pourroient a long-temps tenir la ville contre les ennemis, attendu qu’il n’avoient que très petite ou point d’espérance, que le Roi leur peut donner secours et leur prièrent qu’ils leur déclarassent ce qu’ils vouloient faire, à quoi tous ensemble repondirent que pour mourir ils ne se rendroient à la subjection des Anglois, et quelques remonstrances que lesdits capitaines sceussent faire du danger auquel ils étoient, ils demeurèrent en leur opinion de ne rendre point ladite ville.
- [3]
Depuis 1431 jusqu’en 1439, on a fait tous les ans aux dépens de la ville dans l’église de Saint-Samson un service solennel pour Jeanne d’Arc auquel les procureurs de la ville assistaient. On ne le célébrait pas le 30 mai, jour anniversaire de sa mort, mais la veille de la Fête-Dieu, parce qu’elle avait été livrée aux flammes la veille de cette fête. En 1439, la Dame des Armoises, qui se disait la Pucelle, et qui était reconnue pour telle par les frères de Jeanne d’Arc, étant venue à Orléans, les procureurs de la ville furent eux-mêmes trompés par cette aventurière, et on cessa dès lors de faire un service solennel pour Jeanne d’Arc. On traita pendant quatre jours de la manière la plus distinguée cette fausse Pucelle, le 1er août 1439, on lui fit présent de 210 fr. ; elle devait encore rester quelque temps à Orléans ; mais quand elle eût reçu l’argent qu’elle désirait, elle craignit qu’on ne découvrît sa supercherie ; et elle partit au moment où on s’y attendait le moins.
Compte de comm., art. 11 :
Le 1er août 1439, payé à Jehanne des Armoises 210 l. parisis pour don à elle fait par délibération faite avecques le conseil de la ville et pour le bien qu’elle a fait à ladite ville pendant le siège.
Ibidem, art. 13 :
Payé 10 s. 8 d. pour huit pintes de vin, despensées à un souper où estaient Jehan Luillier et Thevenon de Bourges, pour ce que on les devait présenter à ladite Jehanne, laquelle se partit plustost que ledit vin fut venu.
- [4]
Compte de comm. de 1436 :
Le 5 août 1436, payé 8 s. 9 d., pour dix pintes et chopine de vin présentées à Jehan, frère de la Pucelle.
Payé 38 s. pour douze poulets, douze pigons, deux oisons, et deux levraz (levreaux), présentés ledit jour audit frère de la Pucelle.
Compte de 1457, art. 8 :
Payé 52 s. à Simon Mazier, le lundi 18 juillet 1457, pour 51 pintes de vin tant blanc que vermeil, présentées par la ville au disner et au souper des nopces du fils Messire Pierre du Lis, chevalier, frère de feue Jehanne la Pucelle, pour ce qu’il estait venu faire sa feste du village en ceste ville et n’avait point de bon vin vieil pour pouvoir festoyer et faire plaisir à Messires de la justice et autres notables gens de la ville et du dehors qui estaient venus ausdites nopces.
Item payé à Michellet Filleul, l’un des procureurs de la ville, la somme de 20 livres tournois, qui par l’ordonnance desdits procureurs a esté par lui présentée au nom de la ville au fils dudit Messeigueur Pierre du Lis, chevalier, le mardi 19 dudit mois en augmentation de son mariage, pour considération des grands biens, bons et agréables services que fist durant le siège feue Jehanne la Pucelle, sœur dudit Messeigneur Pierre du Lis, à ceste cité d’Orléans.
Item payé 2 s. 4 d. pour une bourse en quoi a esté présentée la somme dessusdite en monnoie.
- [5]
Compte de 1440, art. 2
Payé 12 liv. 9 s. 2 d. à Henriet Anquetil et Guillaume Boucher, pour avoir gardé et gouverné Ysabeau, mère de Jehanne la Pucelle, tant en sa maladie comme depuis, et y a esté depuis le 7 juillet 1440 jusques au dernier d’aoust.
Compt. de comm., art. 4 :
Item payé 4 s. à la chambrière qui estoit à feu Messire Bertran Phizicien (Médecin), qui avoit gardé ladite malade.
Ibidem, art. 30 :
Payé à Henriet Anquetil, 4 liv. 16 s. parisis, pour la despence de ladite Ysabeau, pendant les mois de septembre et octobre, de marché fait avec lui.
Depuis ce mois jusqu’à la mort d’Ysabeau Romée, on trouve dans tous les comptes de la ville, à chaque mois :
payé 48 s. parisis, ou 60 s. tournois, à Ysabeau, mère de Jehabne la Pucelle, pour don qu’on lui fait par chacun mois, pour soy vivre.
En 1441, on paya : :
56 s. 4 d. à Geuffroy Dijon, apoticaire, pour avoir baillé des choses de son mestier à la mère de Jehanne la Pucelle, qui a esté très-fort malade.
Enfin, dans le Compte de 1458, art. 49, on lit :
Payé 48 s. à Messire Pierre du Lis, chevalier, frère de feue Jehanne la Pucelle, pour le don que la ville faisoit chacun mois à feue Ysabeau leur mère, pour lui aider à vivre, et pour le mois de novembre dernier passé, auquel mois elle trespassa le 28e jour, pour laquelle cause ladite somme a esté ordonnée estre baillée audit Messire Pierre, son fils, pour faire du bien pour l’ame d’elle et pour accomplir son testament.
En lisant ce qui précède, on sera sans doute étonné qu’on ne donnât à la mère de la Pucelle que 60 s. tournois par mois pour vivre ; mais je prie d’observer,
- Qu’Auquetil s’était chargé de lui fournir tout ce qui lui serait nécessaire pour la même somme et qu’il devait en retirer du profit. Aussi Ysabeau Romée pria-t-elle qu’on lui remit à elle-même les 60 sous tournois qu’on lui accordait par mois.
- Que dans le même temps il y avait un ancien concierge de l’hôtel-de-ville, nommé Jacquet le Prestre, qu’on nourrissait et auquel on ne donnait que 30 s. par mois.
- Qu’en 1441, à l’entrée du Duc d’Orléans, on distribua à Saint-Vincent, 10 jallois et 11 pintes de vin à 2 deniers la pinte (Compte de 1439, art. 45).
- Que dans le compte de 1401, art. 11, il est dit : que de tout temps les boulangers d’Orléans ne doivent faire pain que de 2. deniers parisis et au-dessous, et se ils font autre, les commis ad ce le prenent (ces pains qui n’étaient pas les plus petits devaient peser au moins une livre).
- Qu’en 1408, le 12 novembre, on paya 10 liv. 8 s. pour deux bœufs gras présentés à la royne (Compt. de comm.).
- Que le 28 octobre 1510, Pierre Pincelet ayant donné à l’Hôtel-Dieu plusieurs biens considérables, cet hospice s’engagea à lui fournir pendant sa vie deux chambres meublées et le bois nécessaire pour son chauffage, à l’entretenir d’habits et à lui payer 8 s. parisis par semaine pour sa nourriture (Archives de l’Hôtel-Dieu). Or, si en 1510, on pouvait se nourrir avec 8 s. parisis par semaine, à plus forte raison, en 1460, Ysabeau Romée pouvait-elle vivre en recevant 48 s. parisis par mois.
- [6]
Il est certain que c’est a la requête de la mère et des frères de la Pucelle que Callixte III a ordonné d’instruire le procès de révision ; mais personne ne sait que dès l’année 1452, ils avaient présenté une semblable requête au cardinal d’Estouteville, légat apostolique. C’est ce que nous apprenons du Manuscrit de la Bibliothèque d’Orléans, qui porte le n° 411, page 224 :
Ysabeau Tarc, mère de la Pucelle, Jehan et Guillaume Tarc (il devrait y avoir d’Arc), ses frères baillèrent supplication à Monseigueur Guillaume d’Estouteville, archevesque de Rouen, pour lors légat en France, tendant à fin que il leur voulsit bailler commissaires pour informer de l’innocence et bonne vie de ladite Jehanne, et monstrer que iniquement avoit esté procédé à sa condampnation et exécution ; lequel légat archevesque en obtempérant à la supplication des dessusdits, appela frère Jehan Bredalle [Brehalle], religieux inquisiteur de la foy en France, lesquels deux décernèrent commission pour faire citer les tesmoings que lesdits suppliants vouldroient faire entendre et ordonnèrent Messire Guillaume Prevosteau, licencié en loix, procureur en ceste cause, etc. Les tesmoings entendus furent Jehan Manchon, notaire en la Cour d’Eglise archiépiscopale de Rouen, Pierre de Mugern, Bardin de la Pierre, et Martin Lavenue, frères prescheurs, et Pierre Cusquel, bourgoys de Rouen.
- [7]
Compte de 1456, art. 22 :
Payé 4 sols, à six hommes qui, le 21 juillet, portèrent les six torches de la ville, à une procession qui fut faite le 21 juillet 1456, en l’église de Saint-Sanxon d’Orléans, de l’ordonnance du seigneur evesque de Cotences et de l’inquisiteur de la foy, pour le fait de Jehanne la Pucelle.
Ibidem :
Item payé 22 s. 8 d., à Fournier poulailler, pour douze poussins, deux lapereaulx, douze pigons, et ung levrat, achetés de lui le 22 juillet, et présentés ledit jour de par la ville, à monseigneur l’Evesque de Cotences et à l’inquisiteur de la foy.
Item, payé 8 s. 9 d., pour dix pintes et chopines de vin présentés auxdits sieurs, au prix de 10 d.
- [8]
Toutes les éditions du Journal du siège d’Orléans, même celle de 1576, sont terminées par un avertissement touchant la procession qui se fait tous les ans pour la délivrance de la ville ; l’auteur qui pouvait avoir été témoin oculaire, rapporte que du temps de nos premiers troubles (en 1562),
quelques soldats insolens et insensés, se ruerent sur la statue honorable de ceste chaste amazone Jehanne la Pucelle, qu’ils abattirent de dessus son pilier élevé sur Loire à Orléans, et la brisèrent furieusement.
- [9]
Manuscrit de la bibliothèque publique n° 431. M. Polluche qui en est l’auteur, a trouvé la note de cette dépense dans un compte de la ville qui n’existe plus : on doit donc regretter qu’il ne nous ait pas fait connaître à quelle somme elle s’élevait.
- [10]
Joannæ d’Arc, historia autore Hordal, p. 122 :
Sunt qui fabulant quæ de Puella Joanna scribimus putant, sed præterquam quod recentioris sit memoriæ, omniumque scriptorum libri qui tum vixerunt mentionem de ea præclaram faciant, vidi ego meis oculis in ponte aureliano trans ligerim ædificato, erectam hujus puellæ æneam imaginem coma decore per dorsum fluente utroque genu coram æneo crucifixi Christi simulacro nixam, cum inscriptione, positam fuisse hoc tempore opera sumptuque virginum ac matronarum aurelianensium, in memoriam liberatæ ab ea urbis anglorum obsidione.
[Il s’en trouve pour croire que ce que nous écrivons sur Jeanne la Pucelle relève de la fable. Mais, outre que le souvenir en est encore récent et que les livres de tous les écrivains qui vivaient alors en font une mention éclatante, j’ai vu de mes propres yeux, sur le pont d’Orléans au-dessus de la Loire, une statue en bronze de la Pucelle, les cheveux tombant avec grâce sur son dos, les deux genoux pliés devant une représentation en bronze du Christ en croix, avec une inscription indiquant qu’elle avait été placée là à cette époque, par les soins et aux frais des filles et mères d’Orléans, en mémoire de sa délivrance de la ville du siège des Anglais.]
- [11]
Inscription faite par Louis d’Orléans, et imprimée dans le recueil d’inscriptions en l’honneur de la Pucelle par Charles du Lis, in-4°, 1628 :
Ad Dei gloriam incomparabilem, ad virginis matris commendationem, ad Caroli VII decus, ad laudem Janæ Arxeæ, et tanti operis æternum monumentum, senatus populusque aurelianensis matronæque et virgines aurelianenses, virgini fortissimæ, viragini cordatissimæ post annuas decretas supplicationes, hanc crucem, hasque statuas pontemque tanti miraculi testem, autoritate regia poni curaverunt anno salutis 1458.
[Pour la gloire incomparable de Dieu, la recommandation de la Vierge Mère, l’honneur de Charles VII, la louange de Jeanne d’Arc et comme monument éternel d’un si grand exploit, le sénat et le peuple d’Orléans, ainsi que les dames et demoiselles de la ville, ont fait ériger, à la très courageuse vierge et très sage héroïne, par autorité royale et après l’instauration de supplications annuelles, cette croix, ces statues et ce pont, témoignage d’un si grand miracle, en l’an du salut 1458.]
- [12]
Histoire de la Pucelle, dans l’Histoire de Charles VII, par Godefroy, p. 501 :
A l’assaut du boulevart des tourelles furent tuez et blessez plusieurs Anglois : car les François les abattoient des eschelles dans les fossez dont ils ne pouvoient se relever, attendu qu’on a jettoit sur eux cercles liez et croisez, cendres vives, chaux, gresses fondues et eaux chaudes, que les femmes d’Orléans leur apportoient, et pour rafraischir les François lesdites femmes leur bailloient vin, viandes, fruicts, vinaigre et touailles (serviettes) blanches, et aussi leur portoient des pierres et tout ce qui pouvoit servir à la défense, dont aucunes furent vues durant l’assaut qui repoussoient à coups de lances les Anglois des entrées du boulevart et les abattoient ès fossés.
Le Journal du siège dit à peu près la même chose, p. 61 :
A l’assaut du boulevert des tourelles firent grand secours les femmes d’Orléans ; car elles ne cessaient de porter très déligemment à ceux qui défendoient le boulevert plusieurs choses nécessaires, comme eaux, huiles et gresses bouillantes, chaux, cendres et chausses-trapes.
- [13]
Sous Buonaparte on a placé une statue sur la grande place d’Orléans ; mais elle ressemble plutôt à une femme furieuse qu’à Jeanne d’Arc, dont les traits annonçaient un courage mâle joint à une douceur et à une modestie qui caractérisaient cette jeune héroïne.