Édition du traité
Édition du traité
Note. — Cette édition intègre des repères facilitant la consultation du manuscrit original, BnF, Français 5734, f° 41 à 64 :
- Numérotation des feuillets :
42r (indique le début du feuillet 42 recto) - Passages non transcrits par Noël Valois :
43v, l. 12 – 44r, l. 2 (signale l’omission du texte situé du feuillet 43 verso, ligne 12, au feuillet 44 recto, ligne 2)
41rO vos omnes qui transitis per viam, attendite et videte si est dolor similis sicut est dolor meus34. O vous tous qui passés par la voye, attendés et voiés s’il est douleur semblable à la mienne.
O vous, tres sacré et tres chrestien roy et empereur des Francois, qui passés par la voye de ceste mortelle vie, attendés et veez, c’est à dire ne vous hastés pas, mais medités, contemplés, ex[aminés] et assavourés par pure contem[placion] ce petit traictié que vous presente vostre povre petit et ignorant subgiet ; et vous verrés s’il est douleur semblable à la sienne, considerant par pitié et compacion la douleur et tribulacion que portés en vostre cuer et en vostre ame et pareillement la perte et dampnacion de plusieurs personnes de vostre povre desolé royaulme tant en biens et corps comme ès ames. Pourtant considerés la douleur en vostre cuer et en vostre ame que porte et soustient vostre povre peuple, en ramenant à memoire la douleur que soustint en son ame ceste douloureuse et piteuse mere du doulx Jhesus, en voiant mener son enfant, sa crois sur ses dignes espaules, au lieu de tourment, en le voiant pendant en la crois, en le meditant et contemplant quant il fut despendu de la crois, et que on luy mist en son geron. Et, en ce faisant, je ne doubte point que ne habondiés en larmes, mais que aiés ce don precieux qui est dit donum pietatis. Lequel don, quant le Saint Esperit l’ara creé en vostre ame, je ne fais nulle doubte qu’il ne vous face acquerir la vertu de charité et vous fera resister au vice d’envye, et vous feront iceluy don et vertu parvenir à ceste beatitude qui est dicte Beati qui lugent35. 41v, 42r, 42v
21443rTrés doulz, tres begnin et tres humble roy et empereur des François par la grace de Dieu, il vous plaise, en la dicte vertu d’umilité, que Jhesu Crist monstra envers Dieu son pere, et pareillement en la vertu de charité, que demonstra le doulz Sauveur envers l’umain lignage en mourant en l’arbre de la croix pour la redempcion d’iceluy, et vueillés diligentement mediter et contempler tout ceu qui est contenu en cest petit traictié et ou contenu en cest petit livre, le quel vous est neccessaire de veoir tout au long ou cas que desirés le salut de vostre ame, de vostre posterité et lignée et de tout vostre royaume ; non pourtant que ung des povres, mendres et ignorant[s] subject[s] que aiés en vostre royaume l’ait fait moyennant l’aide et grace du Saint Esperit : au quel Saint Esperit il vous plaise en attribuer la gloire et la louenge de ce qui est bon et bien fait. Et, s’il y a aucune chose qui sonne mal, en soit attribuée la faulte audit povre ignorant ; le quel povre ignorant vous supplie en pitié et en charité que vueillés supplier à sa dicte ignorance, en protestant que, se faulte y a par vous trouvée ou par quelque personne qu’il vous plaira y commettre à veoir et visiter ledit livret, il s’en soubsmet en tout et par tout en vostre noble et bonne discipline et correction, comme vray subgiet est tenu de faire à son souverain prince. 43r, l. 29 – 43v, l. 1
43vRecevés en gré ce petit traictié de vostre povre et ignorant subgiet, lequel a si grant amour et charité à vous que cest amour et charité ne luy a point souffert considerer la haultesse, noblesse et puissance de vostre personne, mais luy est advis que devés vraiement congnoistre l’incomprehensible amour qu’il a à vous, à vostre ligniée et à vostre royaulme. Pour tant, tres chier sire, son outraige luy vueillés pardonner, en l’honneur du begnin Jhesus.
Tres hault, tres noble et tres excellent et tres puissant prince, roy et empereur des François par la grace de Dieu, tres benignement et piteusement vous gracie et mercie vostre povre petit et ignorant subgiect Jehan du Bois, lequel vous ayme, s’il estoit possible du dire, plus que sa propre ame, desirant de toute icelle le salut de vous et de vostre posterité et ligniée et de tout vostre royaume, de ce qu’il vous plaist à vous souvenir de si povre creature comme il est, et qu’il vous a pleu à luy distribuer de voz biens par vostre serviteur. 43v, l. 24 – 44r, l. 2 44r/3Devés bien louer le Createur qui ceste grace et vertu vous a donnée comme de non avoir desprisié si povre creature comme est vostre povre et ignorant subgiet, lequel n’est pas digne que doiés ouyr ne ses fais ne ses dis. 44r, l. 7 – 46r, l. 25
46r/25Ainsi est il souvent des folz marchans de ce monde qui n’ont 215pas congnoissance de celle pierre precieuse, leur ame, la quelle souvent ilz baillent pour la faulte et contrefaute, c’est assavoir pour ung preu36 temporel, comme sont seigneuries, dominacions ou aultres choses temporelles, ou pour une vaine gloire ou honneur mondain, ou pour ung plaisir ou delit charnel, par gloutonnie ou par luxure ; bien sont folz marchans qui baillent si precieux jouel comme est leur ame, la quelle est faicte à l’ymage de la benoiste Trinité, et la quelle est pardurable, et ce pour quoy ilz la baillent est transsitoire. 46r, l. 38 – 46v, l. 41
46v/41Quant le paon regarde et contemple sa queue, que nature luy a si bien aournée, il se commence à eslever par vaine gloire et par ung grant orgueil, en considerant qu’il est le plus bel de tous les aultres oiseaulx et le mieulx aourné, et en ceste elacion s’oublie et se mescongnoist en faisant la roue ; mais quant il vient à contempler ses piés, qui sont si vilz et si abhominabiles, soudainement tout le hait37 luy chiet, et laisse cheoir sa queue à terre. Ainsi fait pareillement le noble ou le riche de ce monde, quant il se est eslevé par vanité par sa noblesse, richesse ou ès aournemens de ses curieux habis, ès quelz il se mire, comme fait le paon à sa queue. Et la vertu d’umilité adont vient en ceste creature, par la quelle il se congnoist estre mortel, et qu’il est si vil comme du limon de la terre, et qu’il fault que briefment il soit et deviengne terre et viande à vers, non pas que les vers qui sont en la terre en daignassent mengier, mais seulement ceulx qui sont formés et qui se forment dudit corps vil, plus vil que on ne pourroit dire. 47r, l. 20 – 47v, l. 18
47v/18Tres excellant, tres hault et tres puissant prince, roy et empereur des François par la grace de Dieu, je, vostre povre et petit subgiet, desirant de tout mon cuer et de toute mon ame le salut de vostre ame, de vostre corps, de vostre posterité et lignié[e] et de tout vostre royaume, ay medité aucunes escriptures non approuvées, par les quelles j’ay aucunement peu comprendre que il semble que n’aiés povoir de prosperer aucunement en vostre royaume jusques à ce que aiés satisfait à aucun deffault que voz predecesseurs ont commis ; c’est assavoir en ce qu’ilz parmirent estre fait substraction au pape Benedic38, pour quoy le dit pape Benedic, en iceluy temps, fist une croisée en getant sentence sur vostre royaume39 ; depuis la quelle sentence vostre noble ligniée et 216vostredit royaume ne fina puis de venir à tribulacion et ruyne, et est taillé de faire se par vostre noble discrecion n’y est remedié. Si seroit bon, selon vostre noble discrecion et prudence de vous et de vostre bon Conseil, que eussiés six poins neccessairement requis au sacrement de penitence, c’est assavoir congnoissance du pechié et deffault, desplaisance, 48rcontriction, propos que, se il estoit à faire, que jamais ne voudriés parmettre estre fait, confesser le pechié pour et ou nom de ceulx qui l’ont commis, en demandant penitance et absolucion, avec certain propos d’en faire ladicte penitence pour et ou dit nom de voz dis predecesseurs. Et sachiés, se avés les six poins devant diz, se vostre ame à cause de ce estoit morte, elle a vie : mais il la fault deslier, c’est assavoir fault [de]mander une absolucion de nostre saint pere le pape Eugene. Et, en ce faisant, je ne doubte point que Dieu ne se apaise vers vous et vers vostre peuple.
Item, si sont aucuns qui n’en facent compte, dictes leur que tout chrestien doit craindre la sentence de l’Eglise, en quelque maniere qu’elle soit donnée, soit justement ou injustement, considerant la doctrine du doulx Jhesus disant et adressant sa parole aux prelas : Quodcumque ligaveris super terram erit ligatum et in celis40. Jà soit ce que on me pourroit dire que ceste sentence n’est point à doubter, et qu’il n’est point besoing d’aler querir absolucion, c’est assavoir de la sentence que geta ledit pape Benedic, pour cause que, quand il geta la dicte sentence sur ce povre royaume, il estoit jà demis : c’est assavoir on luy avoit devant fait sustraction. A ce je respons, selon ceu que dit Marie Robine, dicte la Gasque d’Avignon, en une vision que Dieu luy demonstra, comme elle recite en icelle vision, comment Dieu mandoit au roy de France par la dicte Marie que il ne fist ne parmist estre fait substraction audit pape, mais l’empeschast de tout son povoir41. 48r, l. 32 – 48v, l. 14
48v/14Faictes ce que vous conseille, non pas vostre serviteur, mais vostre povre et petit subgiet indigne d’estre vostre serviteur, non presumant estre juste ne prophete, mais ignorant. Et aussi faictes à l’exemple de la sacrée mere du doulx Jhesus, la quelle doulcement et humblement conservoit et conferoit en son cuer toutes les paroles que les petis pastoureaux luy disoient de son enfant. 217Ce consideré, il vous plaise, de vostre benigne humilité et charité (desquelles vertus le Saint Esperit luy plaise vous aourner !), de recevoir ce petit advertissement de vostre povre petit et ignorant subgiet, soy reputant indigne de soy nommer serviteur, mais luy suffist d’estre vostre loyal subgiect, de quoy mercie le Createur de la grace qu’il luy a pleu faire d’estre en vostre subgection.
Item, se faictes ce que dit est, je ne doubte point que ne attraiés à vous la grace de Dieu et sa misericorde : car Dieu donne sa grace aux humbles, et si les exausse, et plus plaist à Dieu obedience que sacrefice ; car c’est le fondement de toutes vertus.
Pour ce, humiliés vous soubz la main du Tout puissant, en demandant misericorde et absolucion dudit deffault perpetré de voz dis predecesseurs, aux quelz fut mandé, comme dit est, qu’ilz ne feissent point sustraction audit pape, mais qu’ilz reparassent les deffaulx de l’Eglise : et, ou cas qu’ilz n’en vouldroient riens faire, il seroit permis de Dieu qu’ilz seroient ostés hors de leurs seigneuries 49ret dominacions par le moyen de leurs subgiés, comme a apparu de fait long temps, par quoy on ne le peut ignorer.
Item, semble par icelles escriptures devant dictes, les quelles je ne appreuve ne ne repreuve, — je en remés la probacion ou reprobacion à l’Eglise, c’est assavoir à messeigneurs les clers en Dieu sapiens, — que Dieu ne doie point oster son ire ne cesser à persecuter ne vous ne vostre royaume, jusques à ce qu’aiés reparé l’Eglise et reduite en l’estat et terme qu’elle estoit ou temps de la mission du Saint Esperit, ou que iceulx mesmes gens d’Eglise le facent par charité et humilité, en observant et gardant vraiement les poins de vraye religion, comme faisoient leurs predecesseurs. 49r, l. 14 – ?
Povés bien avoir de gens d’Eglise bons clers, non pas seulement grans, mais bons, avecques la grandeur pour vous conduire ou fait de vostre salut. ? – 49v, l. 28
49v/28Se vous les soustenez (les mauvais), ne vous ne les princes de vostre royaume, il sera prins vengence de vous aveques eulx telle que se sera horreur d’en ouyr parler, comme est contenu en la dicte escripture de la dicte Marie Robine42.
Item, se remediés à l’Eglise reformer et remettre en son estat deu et convenable, en soustenant les bons, il [est] dist en ladicte escripture que Dieu fera par vous des plus haultes choses qui oncques furent faictes par nulz de voz predecesseurs roys de France.
Item, il seroit bon que, de vostre benigne grace, il vous pleust 218à pourveoir de remede à la reformacion de l’Eglise, pour ce que, à cause de la division, ilz sont plusieurs hors du giron de la foy, tant clers 50rque laiz, pour cause que les ungs tiennent l’un et les aultres tiennent l’autre des papes. Et pour tant ne se peut il faire qu’il n’en y ait en erreur, et, pour y remedier, il seroit bon de remonstrer ausdis papes, dont je n’en tiens que ung à vray pape, prenon que l’autre se die pape, — ce puet estre parmis de Dieu pour aucune cause à Dieu reservée, pour ce qu’il est escript : Neccesse est ut veniant scandala43 ; — pour ce leur faudroit remonstrer ce que recite Marie Robine, la quelle dit que Dieu luy demonstra comment il reprenoit le pape Benedic de ce qu’il ne se estoit voulu consentir à faire cession de sa papalité, ainsi qu’avoit fait son adversaire44 ; ainsi que on pourroit dire que Felix45 fut d’acort de faire cession, et que Eugene46 la fist, et puis qu’il fut regardé par ung Conseil bien ensemble, et là fut esleu quatre ou six preudommes pour aviser en leur conscience le quel est le vray pape des deux qui se dient papes, et qu’il fust reinstitué et remis ; et, ou cas que l’un ou l’autre ne seroit utile pour le salut du peuple, que on en mist ung aultre en lieu de l’un d’eulz deux47.
Item, pour ce que Benedic ne si voult consentir : Dominus reprehendit dominum nostrum papam Benedictum de hoc quod non concesserat cessionem manifestam in casu quod adversarius suus fuisset ad hoc concors, et adhuc plus dixit eis : Filii inimici, vos excusatis vos in iniquitatibus patrum vestrorum [et] eorum patrum, et ego respondeo vobis quod, si fuissent advisati de minori advisamento quod vos habetis, nunquam tenuissent viam quam dicitis de presenti. Ego condempno vos in omnibus excusacionibus quas vos possetis facere debitas vel indebitas videre vestro, et reprobo vos in fide, et approbo vos larrones, homicidas et plenos omnibus maiis. Et ipsi eum audiverunt inobedientes et irreverentes48.
Item, est vray semblable que, se le dit pape Benedic eust eue en soy vraye humilité et charité, il n’eust pas resisté à faire cession, veu que, à cause de ce, il se meut si grant guerre, par la quelle perist tant de creatures raisonnables 219en biens, en corps et en ame. Pour quoy j’ose dire, se il eust esté bien remis en Dieu, et il eust esté promeu à plus grant dignité, ce que 50vne peut estre, et il eust veu et aperceu tant de gens mourir en corps et, par aventure, en ame, il se fust desisté pour eviter le peril de soy et de ceulx qui perissoient soubz luy ; pour quoy on puet conclurre qu’il n’estoit point aveques Dieu, car charité n’estoit point en luy, mais orgueil, envie et convoitise, par quoy estoit imitateur du deable.
Item, soit veu ès cronicques des fais des papes de Rome, et on trouvera plusieurs justes papes, et canoniquement esleus, qui sont desistés de leurs papalités, de leur humilité et charité, avant que on leur ait fait sustraction, pour eviter le peril qui à cause de ce povoit advenir.
Item, tres puissant, tres excellent empereur, plaise vous, de vostre benignité et charité, §, l. 4-5 pourvoir de remede au peril que je, povre ignorant, peus aucunement sentir en vostre royaume ore et pour le temps passé, au fait des ames qui sont trespassées et qui encore vivent, les quelles sont mortes et pevent mourir soubz deux sentences d’excommeniement données de N. S. P. le Pape qui pour lors estoit49, en les pronunçant et getant, à sains50 sonnans et à chandelles ardans, en plusieurs eglises en ceste cité de Paris, l’une contre Mgr de Bourgongne, ses adherans et favorisans son party à l’instance de Mgr d’Orleans et ses consors, l’autre contre Mgr d’Orleans et sesdis consors à l’instance dudit Mgr de Bourgoingnes51 ; lequel cas me semble estre piteux pour ledit pape, qui se confera puis à l’un, puis à l’autre. Car c’est pitié quant ung pasteur, qui est tenu à garder ses ouailles de la gueulle du lou d’enfer, les luy baille et livre sans consideracion du peril qui en peut venir tant à luy que à ses dictes ouailles : car ce n’est pas geu de trois mailles52.
Item, pour y remedier, soubz correction, il seroit bon, selon vostre bonne et noble discrection, d’envoier par devers N. S. 51rP. le pape Eugene 220impetrer une bulle par la quelle le dit pape donnast plain povoir d’assouldre à ung, deux ou trois bons clers, non pas seulement grans clers, mais humbles, grans et bons. Aux quelz docteurs fut, comme dit est, donné povoir, par la vertu de la dicte bulle, d’absouldre tous ceulx et toutes celles qui ont esté instas (sic)53 et sont encore d’icelles sentences d’excommeniement, comme dit est. Car on puet dire qu’il estoit pou de creatures, ou temps desdictes sentences, qu’ilz ne fussent aucunement enclins à favouriser l’un des deux partis.
Item, ne soit pas seulement impetré ceste bulle pour ce cas, mais aussi pareillement pour les enormes pechiés qui furent commis au murtre de Paris54, tant en gens d’Eglise comme en femmes grosses, où le fruit estans en elles fut getté contre les murs, qui est chose inreparable ; et pareillement des biens prins contre la loy de Dieu. Prenon que par vous leur a esté faicte absolucion55, ce que je appreuve bien, et dont vous puet venir ung grant fruit, non pas seulement en ame, mais en corps et en biens, comme Dieu le promet. sept lignes Non pourtant deux lignes pour ce ne sont ilz mie absoulz de Dieu. 51r, dernière l. – 51v, l. 2 51v/2Pour quoy fault aler au vicaire de Dieu, c’est N. S. P. le Pape pour l’avoir. 51v, l. 5–14
Item, seroit encore bon que, par la vertu d’icelle bulle, à ceulx qui aroient le povoir par la vertu d’icelle, que il fust à iceulx donné puissance d’absouldre de tous les cas que ont commis toutes gens de guerre et aultres tant tenans vostre party, celuy Mgr de Bourguongne, comme des Anglois qui ont commis de si enormes cas qu’il n’est creature raisonnable qui n’en eust horreur de l’ouyr raconter, tant violences d’eglises, comme en vierges defleurer, en femmes veuves et mariées efforcier, en femmes grosses arrachier le fruit de leur ventre du conduit de nature, cuidant que ce fust finance muciée dedens ledit conduit, ceu que ne fust onques mais oy d’omme, se ce n’est depuis lesdictes santences données tant du pape Benedic comme de deux sentences d’excommeniement gettées et pronunciées en ceste cité de Paris et ailleurs. Pour quoy on puet clerement veoir que la malediction de ce povre royaume n’est point sans cause ; et ne croy point que nous n’alions de mal en pis jusques à ce que reparacion soit faicte envers le Createur. Prenon qu’il y ait paix temporelle entre vous et vostre peuple, entre Mgr d’Orleans et Mgr de Bourgongne : 221cela ne prisé je que ung pou, et pou proffitera jusques à ce qu’aiés paix avecques Dieu. Pour quoy fault, devant toutes choses, remedier d’avoir absolucion, 52ret absolution de Dieu par le moien de son vicaire. Et, cela fait, je ne doubte point que n’aiés vraye paix ou par l’amour ou par la force et aide du Createur. 52r, l. 4–17.
Item, tout ce devant dit je, vostre povre petit subget, m’en met en tout et par tout à la correction de nostre mere saincte Eglise et de vous, mon souverain prince, requerant vostre aide en mes neccessités, ou cas que on me vouldroit aucunement apprehender par envie, comme on fist au doulz Jhesus, et ce je vous requier en honneur de sa douloureuse passion, en la quelle totalement je me fie plus qu’en homme.
Tres excellent prince et roy tres sacré et tres chrestien, empereur de France, deux lignes il vous plaise une ligne que le nom que ont aquis vos predecesseurs roys de France, c’est assavoir tres crestien et tres sacré roy des François, que iceluy nom ne fine en vous §, l. 10–14, c’est assavoir par vostre faulte, coulpe ou negligence de prendre et faire justice de voz subgiés, les quelz sont si acoustumés à renyer, blasphemer, maugrier, despiter Dieu, 52vsa doulce mere et tous les sains que il semble droictement que il ne soit plus ne foy ne loy. Et sont aucuns qui dient que, à cause d’icelle coustume de blaspheme, oyant vostre chier, unique et seul filz56 s’est enhardi audit blaspheme ; pour quoy seroit bon que luy feissiés tenir le conseil du Saint Esperit parlant par la bouche du prophette David disant : Cum sancto sanctus eris57. Et pareillement, comme dist le poete : Cum bonis ambula. Et, avec ce, que luy remontrissiés par amour ou par rigueur que il s’en abstenist ou cas qu’il y seroit acoustumé, à celle fin telle que par vous ou par luy ne fust estaint ce noble nom qui est sur tous les noms des crestiens ; et non pas seulement à luy, mais à tous aultres vos subgiés. Et, se ne le faictes, je me doubte que ne parvendrés pas à la promesse que vous promettent aucunes escriptures, des quelles vous povés veoir cy apres, en briefve substance, la declaration d’icelles.
Item, encores y ara il pis, selon le tesmoing de la Saincte Escripture contenu en la Bible, où Dieu promet à tous ceulx qui ne garderont ses commandemens toutes maledictions tant en generacion, corps, biens et en l’ame : la quelle chose vous doit bien 222mouvoir à faire justice et prendre vengence de ceulx qui transgressent la loy divine. deux lignes Et croiés, se ne le faictes tant en voz sugiés que en vostre enfant, je me doubte que Dieu ne face à vostre dit enfant briefment finer ses jours et plusieurs aultres aveques luy, à cause dudit pechié, ne n’est pas taillé de succeder à succession que aient ses predecesseurs. 52v, l. 31 – 53r, l. 12
53r/12Se faictes les choses devant dictes ou que aiés certain propos de les faire, croiés fermement que Dieu fera par vous plus grant fruit qu’il ne fist onques par nul de voz predecesseurs roys de France. Ce veu et consideré, tres hault, tres excellent et tres puissant roy et empereur des François, pour le present, d’Alemaigne, de Rome, de Grece et de Jherusalem, pour le temps advenir, comme je treuve par aucunes escriptures, les unes nommées revelacions, les autres propheties et les aultres astrologie, se faictes ce devant dit, non pas que Dieu ne soit par dessus, qui en puet disposer et ordonner à sa benoiste voulenté, et pareillement vostre franc vouloir puet ce empeschier en non acomplissant ce que dit est devant. 53r, l. 25–30 Il vous plaise recevoir en gré ce petit advertissement par le quel vous advertist vostre povre ignorant subgiet. 53r, l. 32 – 53v, l. 13 Et especial, pour la remuneracion des choses devant dictes, il vous prie, en saincte charité, que l’aiés pour recommandé en vos oroisons, prieres et bienffais, et, se Dieu plaist, il priera pour vous tant que Dieu luy prestera vie, etc.
54rCy apres s’ensuit en brief l’extraict d’aucunes escriptures qui parlent des choses advenir, les unes nommées revelacions, les aultres prophecies et les aultres astrologies, par les quelles est promis à vous, tres excellent et puissant empereur des François, des plus haultes prosperités qui furent onques promises à nulz de vos predecesseurs roys de France, mais que croiés les advertissemens devant alegués par vostre povre et ignorant subgiet. Lequel vous supplie, en l’onneur du benoist Filz de Dieu, que le recevés et prenés tout à bon sens. Pour quoy il prie à Dieu qu’il chiée en la bonne terre, et non point jouxte la voie, ne sur la pierre, ne entre les espines ; pour cause qu’ilz sont quatre manieres de gens qui sont gouvernés de quatre manieres d’esperis : les ungs sont gouvernés d’esperit charnel, les aultres d’esperit mondain, les aultres d’esperit diabolique et les aultres d’esperit divin58. Car, je vous promet, se les monstrés à nulz qui soient gouvernés [des esperis] devant diz, c’est assavoir charnel, mondain et dyabolique, ilz n’en entendront jà mot à bon sens, 223mais ne s’en feront que moquier. Et sachiés que, se je ne congneusse aucunement que n’estes pas gouverné de nul des trois esperis devant dis, je ne me fusse pas enhardi de parler si familierement à vous ne devant vous. Car les acteurs des aucunes escriptures que je vous vueil icy reciter, qui parlent à vostre exaltacion, dient et deffendent par exprès que on ne monstre point leurs dis et fais à personne nulle, s’il n’est bien lettré, s’il n’est craignant et amant Dieu, et qu’il ne soit point participant au scisme, ne qu’il ne soit point de Pabit des nouviaux pharisiens : car nul de ces quatre n’en entendra jà mot à bon sens, mais tout au rebours. 54r, l. 33 – 54v, l. 15
54v/15Pourrés veoir que icelles escriptures ne parlent pas pour neant à la confusion desdiz Anglois. Car, aussi bien qu’ilz ont esté esleus de Dieu comme sergens et verges de Dieu pour nous pugnir, c’est assavoir vostre peuple de France pour ses pechiés, ainsi pareillement estes et serés vous esleu verge et fleau de Dieu pour les pugnir. 54v, l. 21–28
Item, je vous vueil monstrer la meditacion que j’ay aucunement peu mediter par l’aide et grace de Dieu, pour quoy Dieu parmet et parmetra par vous ou par vostre enfant estre faicte destruction totalle sur les Anglois, c’est assavoir quant je penssoye à ce que dist Bassigny59, qui dit que ung enfant vendra, ac ipse radicitus et fonditus et destruet filios Bruti et insula[m] ei, sic quod 224amplius non erit memoria eorum, et sic perpetuo remanebunt60. Mon entendement respondoit à ma pensée et à ma 55rmemoire, disant : Tu dois croire que Dieu ne parmet estre riens fait sans cause, comme tu scés que il est escript : De rebus male aquisitis non gaudebit tercius heres. Car tu scés que le roy d’Engleterre tient et usurpe le royaume d’Engleterre par murdre ; car ses predecesseurs tuerent le bon roy legitime, le roy Richart61 : et en ce on puet dire qu’ilz pechierent par impuissance, qui est pechié contre Dieu le Pere tout puissant, le quel pechié puet estre pardonnable, comme Dieu dist en l’evangille.
Item, ont pechié les dis Anglois par ignorance, cuidant à eulx appartenir le royaulme de France, pour quoy l’ont pillié et destruit et tué les habitans d’iceluy : et, en ce faisant, ont pechié contre la Sapience de Dieu le Pere, qui est Fils de Dieu, et encore puet ce pechié estre pardonnable62.
Item, ont pechié par propre malice, qui est dit contre le Saint Esperit, c’est assavoir quant ilz ont esté advertis par les legas deputés du pape et du Conseil de Basle en la ville d’Arras, cuidans reformer les deux royaumes de France et d’Engleterre ; pour la quelle reformacion on avoit envoié le cardinal de la Croix63 par devers vous, tres chier sire, et pardevers les Anglois et aussi par devers Mgr de Bourgongne, affin d’avoir de vous trois les causes qui vous mouvoient à faire guerre, lesquelles luy baillastes, et il les porta audit Conseil ; par le quel fut avisé que à vous apartenoit legittimement la couronne. Et ce fut dit, à Arras, par lesdis legas dudit pape et Conseil deputés64 ; et de ce ne vouldrent ne n’ont voulu riens faire, pour quelque advertissement que leur aient fait les diz legas, ne pour quelque offre raisonnable que leur aient fait voz embassadeurs : par quoy veritablement ilz 225ont pechié contre le Saint Esperit, en resistant à l’ordonnance de l’Eglise, pour quoy on puet conclurre, selon la doctrine de Jhesu Crist, que ce pechié est irremissible. Pour quoy ne prenostiquoit pas pour neant Bassigny, devant allegué, que ilz seroient destruis eternellement.
Item, 55vdit ledit Bassigny que, avant et après ceste dicte destruction desdis Anglois, ne sera creature de Dieu demourant ors totalement desesperée. Et ce à juste jugement Dieu le parmetra, pour cause que les creatures ont encouru l’indignacion de Dieu et sa malediction en esperant plus aux princes et ès hommes qu’ilz n’ont fait en luy. 55v, l. 7–29]
[Item] Si vous gardés de la malediction devant dite, c’est que ne vous fiés plus en la puissance de vostre exercite que en Dieu.
Item, dist ledit Bassigny que la pompe des nobles hommes seroit teue, et Champaigne et Lorraine seroient predées65, aux quelz vendroit en aide ung enfant, le quel, comme dit est, devait mettre à destruction totale lesdis Anglois66. Cela fut acompli l’an passé quatre cens quarante quatre : les princes se leverent contre vous67, et puis alastes vous et vostre dit enfant mettre en paix le dit pas de Champaigne et de Lorraine. Dont ne reste que l’execution des Angloiz.
56rItem, dist ledit Bassigny qu’il sera esleu, par la voulenté de Dieu, un tressaint pape après la molestacion de l’Eglise ou durant icelle, lequel saint pape : ordinabit autem dominus unum imperatorem sanctissimum qui erit de nobilissimo sanguine et semine Francorum regum68, et erit sibi in adjutorium, ei obediens in omnibus mandatis ejus ad reformandum in melius universum orbem ; sub ipsis autem papa et imperatore pacificabitur omnis orbis, quonam, ira Dei quiescet.
Item, à ce propos parle saincte Hildegardis, prophetice : Qui 226libri recepti sunt et canonizati a papa Eugenio in Concilio Treverensi69, presentibus multis episcopis et prelatis tam Francorum quam Theutonicorum et 8. Bernardo, Clarevallensi abbate. Ex libro Divinorum operum, cap. IX secunde partis : Ista dabuntur judicia ante scisma illud sub quo episcopi et clerici a locis propriis expellentur, cum peccata hec in populis se invicem conjunxerint, scilicet odium, homicidium, sodomiticum peccatum ; tunc constitutio legis dividetur, et Ecclesia quasi vidua concutietur70… 56r, l. 19–24
Item, dit Me Gieuffroy Lymart sur la prophetie dessus les vers du psaultier, sur le mil IIIIc et XLe ver d’iceluy, concordant à ce devant dit : Imple facies eorum ignomenia, et querent nomen tuum, Domine71. Item, dist pareillement le jugement ou la revolucion faicte de l’an mil IIIIc XL, à confermer ce devant dit : Christianissimus atque sacratissimus Francorum rex omnino non debet silere a guerra anna futuro, scilicet quadringentesimo quadragesimo, eo quod civitates et opida et gentes obstinate dudum in perfidia, ignominiose ejus precepta spernendo, humiliter reducentur ad obedienciam suam, et parcet malis pro bonis. Or, sentés se tout vient bien au point. Considerés que, l’an IIIc XL, que les princes de vostre royaulme furent honteux, et fut leur face remp[l]ie d’ignomenieuse 56vconfusion, et vindrent requerir vostre pardon humblement et doulcement : à la requeste des bons, leur pardonnastes72.
Item, or, retournons au point. Quant les legaulx deputés du pape et du Conseil vindrent à Arras pour la reformacion de vostre royaulme et de celuy d’Engleterre, qui estoit le XIIIe an de vostre regne, et l’an IIIIc XXXVe, comme dist une des Sebilles : Post Karolum, ejus filius Karolus regnum suscipiet in teneris annis ejus. Iste verus princeps erit, vix ridebit, nares acutos, alta supercilia [habebit|, communis stature remanebit. Temperativus erit in cibo ; tardus erit ad loquendum ; multum cogitabit ; ad arma suspirabit. In XIIIo etatis, id est regni sui, coronam simplicem defferet in capite suo. Ainsi fut il : le IIIIe an de vostre regne, à Arras, vous fut simplement et absoluement baillée et livrée la couronne ; c’est assavoir là fut dit que à vous, et non à aultre, estoit et apartenoit 227la couronne.
Item, dit icelle Sibile, comme le pourrés veoir tout au long, mais que le livre soit fait que je vous fois faire, où est et sera contenu ung livre que je ay pieca fait, où vous pourrés congnoistre mon entencion ; et si pourrés congnoistre sé je vous congnois point en esperit ; et là pourrés vous congnoistre les quelz sont bons conseillers et qui conseillent selon sapience divine ou sapience mondaine. Pour tant dist icelle Sebille que, entre le xiiije an de vostre regne et le xxije d’iceluy regne, insulam ditissimam communicetis et ejus dominium. Cest à dire que l’isle tres riche d’Engleterre destruirés et la seigneurie. Tout ce vient audit propos de Bassigny.
Item, dit que estes piteulx prince et de Dieu amé : se s’estes vous de qui elle parle, la quelle chose vous devés mieulx savoir que moy ne que nul, car vous povés aucunement savoir se en vous sont les poins devant dis ; mais, selon ce que Dieu m’a donné à congnoistre de vous par aucunes escriptures, je ne fais point de doubte que ce ne soiés vous.
Item, elle dit que, après le xxije an de vostre regne, vous passerés parmy Ytalie et destruirés 57rRome, ut presule non sit digna.
Item, dit que vous donrrés gemissemens avec la coulombe, c’est assavoir avec N. S. P. le Pape, et là serés fait empereur de par le saint pape de Dieu esleu, c’est assavoir empereur des Romains, oultre la voulenté des Germenians.
Item, dit que destruirés une aultre cité pecheresse, ut sal seminetur super eam, de quoy Ytalie hulera et criera.
Item, dit plusieurs autres gloires pour vous.
Item, dit, après le xxxvije an de vostre regne, vous deposerés voz trois couronnes de vostre chief et les metrés sur le sepulere de Jhesu Crist, et sera veu en vostre front escript que vous delaissés à Dieu toutes choses terriennes. Ce voiant, plusieurs paiens se convertiront à Jhesu Crist. Et après orrés que la beste tres horrible vendra prochainement des parties d’Oriant, et, à ce temps, sera grant douleur au peuple crestien.
Item, dit ledit Me Gieuffroy sur les vers du psaultier, le mil IIIIc XLIe vers d’iceluy : Erubescant et conturbentur in seculum seculi, et confundantur et pereant73. Et convient bien audit Bassigny devant allegué, qui dist que celuy enfant les metra à destruction eternelle. Pour quoy ? Pour ce, comme appert par ma meditacion, que ilz ont pechié contre le Saint Esperit, en desobeissant à l’Eglise. Pour ce parle saint Jehan à tels gens : Qui dixit se diligere Deum vel credere Deum, et mandata ejus non custodit, 228mendax est74. Pour ce povez veoir que les escriptures ne parlent pas pour neant contre eulx.
Item, à ce propos parle bien le jugement et revolucion d’astrologie fait sur l’an IIIIc XLI, où il dit de vous, tres chier sire : Et deveniet ad acquisitionem totalem regni sui usque ad annum futurum, scilicet quadringentesimum quadragesimum primum, in quo anno erit unio et pax in Francia, et erit Rex potens mirabiliter contra inimicos suos, et obtinebit victoriam contra eos, et apparabit signum victorie in celo pro eo. Et si Angliam transierit, ostendent astra ipsum Regem habere victoriam contra Anglicos, et ex longinquis nacionibus venient od eum multi. Jam immensa et ineffabilis Dei providencia, cujus incomprehensibilia judicia et vie inenarrabiles, inclitissimam et semper gloriosam domum Francorum 57vin suis exacerbationibus signum pietatis accipiet, quod et ipsam corrigendo dirigat et dirigendo viam salutis simul atque serenitatis virgam ostendat. Quid enim non populo Gallorum virius sue majestatis mitius egisse potuit quam proprium ac verum regem heredem, regem Karolum septimum salvasse superstitem, et fortune sevienti inausisque furialibus in eum nocendi negasse licenciam, quatinus doctus preteritis futura providebit, pacisque regni sui et victorie stabilimentum existet ? Etenim quis ingratus abneget quod regno misertus judicium propitiationis ostendit et ostendet, cum virga furoris sui Anglicanum populum et regem Gallice genti inimicum confringet, et ille per XLIum cum Dei potencia clarissimis conteret victoriis, ui ex eo, non ex regni potestate, sed sua virtute, sine Gallica manu Gallica tamen tellus victoriam obtinebit ? Cessabit igitur intus pavor et hostis exterior et bellorum primordialis ipsa materies, ipseque Deus regni concordie clemens aspirabit.
Item, dit Sebille la premiere, en exposant le songe et la vision que virent les senateurs de Rome, c’est assavoir ilz virent neuf soleilz qui figuroient neuf empereurs, passés pour le temps une partie d’iceulx, et les aultres à avenir, entre les quelz estoit le IXe soleil, qui figuroit ung roy nommé Charles, derrain roy de France ainsi nommé, le quel estoit comme eclipsé et n’avoit que une roye clere tant seulement, et, petit à petit croissant, recevoit sa premiere clarté. Or, sentés, sire, se vous avés esté point eclipsé et n’aviés que une roye clere tant seulement : vous avés esté obscur et mucé de vostre peuple, et n’aviés que une roie clere ; on ne vous veoit que en une petite porcion de vostre royaulme.
Item, il me semble que ne vous hastés pas de recouvrer 229vostre royaulme ; vraiement vous faictes bien petite diligence : dont tout vostre peuple est esbahy, et en est comme totallement desesperé, comme dit est devant. Au quel peuple je remonstre souvent qu’il estoit prenostiqué par la dicte Sebille, congnoissant par 58rprovidence que nous estions dignes par noz demerites de demourer ainsi longuement en ceste tribulacion en la quelle nous sommes et sommes taillés d’estre, se ne vous amendés envers Dieu, par la maniere devant touchée, et contraignez voz subgiés à eulx amender. 58r, l. 5–6
Item, dist icelle que, ou temps de ce Charles, l’onneur du liz seroit converti en deshonneur, car le liz seroit defoulé soubz les piés du liepart. Ce ne povés vous ignorer : tout ce a esté veu.
Item, dist que vous ariez en vostre royaulme plusieurs gens convoiteurs et plains de rapines, tirans, menteurs, qui haïront les povres gens et feront oppression à ceulx qui n’y aront coulpe, et les malfaicteurs exausseront et les innocens opprimeront, et seront murdriés, felons, eulx glorifians en leurs malefices. Or, sentés se onques furent veus telz gens que vous avés aujourd’uy : y a il cronique ne romant qui face mencion de telz gens que vous avés d’aucuns ? 58r, l. 19–21
Item, dit que ce Charles seroit griefment guerroié de ses plus prochains. Voiés et lisés en vous mesmes se s’estes vous point, se n’a pas esté que vostre propre enfant, par instigation d’autruy, nait esté contre vous75. Et croy que Dieu l’a parmis, affin que fut accompli le contenu de la dicte prenosticacion de la dicte premiere Sibille, la quelle prophetiza l’advenement du Filz de Dieu à empereur Octovien.
Item, parle d’un regnart goupil, du quel je ne sçay aultrement interpreter se non Terouenne76, pour cause que, quant la cité de Paris congneust sa malice, elle le bouta hors et rapela le cerf, en soy enaherdant77 à luy bien et loiaument : que j’entens par vous, tres chier sire.
Item, dist que ce goupil rassembleroit aveques luy gens ravisseurs, violeurs, avoultres78 et parjures, qui commetra et fera commettre excessis oultraiges et horribles à ouyr : qui oyt onques si grant oultraige que ont monstré les dis Anglois devant Pontoise, par l’instigacion du 58vchancelier 230Terouenne79 ?
Item, semble que vous, qui estes entendu par le cerf, devés lever voz cornes aveques les poussins de l’aigle et plusieurs aultres, assaillant vigueureusement le goupil, le quel sera devorés des poucins de l’aigle, et puis les aides mal vueillans, ravisseurs, avoultres, blasphemeurs de la compengnie du goupil ; couppera au gouppil la queue et l’oreille de son chief. Adonc le malicieux goupil, considerant la transaction de sa queue et de ses oreilles, s’en yra musser ès derrenieres parties de Navarre. Ce oïant, le liepart, comme forcené et hors du sens, en assemblant aveques luy gens de diverses isles, de bois et de mer, appliquera en Eustrie, en la basse Normendie, desirant à vengier la confusion du goupil ; et cil destruira les patis du cerf jusques à la racine, et s’efforcera de submettre le cerf en sa seigneurie. Mais le cerf, alant au devant contre l’orgueil du liepart, les cornes eslevées, assemblera avecques luy grant peuple en cotes de fer, et assauldra vigueureusement le liepart, gros et enflé du sang humain ; et aront ensemble tres crueuses batailles à grant son et espouventable, et sera si grant desconfiture que le plain des champs en decourra de sang. En la fin, le liepart, navré et espaulé, et ses bois detrenchiés et occis, montera en sa nef avec bien pou de ses gens ; mais la mer le soufflera et estourbillon et tempeste en la mer souldra, tant qu’il ara tres grief orage contre luy, et de cest oraige sera getté ès derrenieres parties vers Aquillon, et là, comprins et agravé de grans douleurs, mourra maleureusement. Et, en Albanie, en Escosse, sera despoullié de sa dignité, et quant Albanie sara ce, si ara moult grant joye, et assemblera grant peuple par grant felonnie de bestes sauvaiges, et seront esmeus en manieres de tigres et de serpens, et gasteront la Grant Bretaigne, et delivreront le liz qui là estoit enclos par la cruaulté du liepart. Adonc le cerf, qui ara dix branches en ses cornes, dont les quatre seront 59rd’or et les six de buche, celuy cerf recevra le ceptre d’or de la main du Tout puissant et sera couronné du diademe royal, c’est à dire qu’il sera empereur esleu par le pape de Dieu revelé.
Item, dit Me Jehan de Pensorio, de l’ordre Saint Benoist, que 231ce pape de Dieu revelé prendra et eslira ung empereur qui sera de la nacion françoise, le quel sera tousjours aveques ce pape, tant comme excecuteur du commandement dudit pape, et dit que on le congnoistra à ce qu’il ne voudra pas porter couronne d’or, mais portera couronne d’espines, et dit qu’il sera tres saint80.
Item, est contenu en l’epistre Theolofre81 que il envoia au duc de Gennes… Ès quelles revelacions fait mencion, entre les aultres choses, d’un empereur d’Alemengne nommé Federich tiers, empereur, lequel doit persecuter l’Eglise, et, durant la persecucion qu’il fera sur l’Eglise, Dieu, de sa grace, revelera ung tres saint pape nommé pape Angelique pour sa bonté ; ou quel temps ara ung roy en France nommé Charles, saint homme et vertueux empereur, advenir apres le tiers Federich dessus nommé, lequel doit relever la saincteté de l’Eglise par l’aide dudit saint pape. Sire, le jour est adyenu au regart de l’empereur Federich le tiers : il est au jour d’uy empereur.
Item, est contenu sur les vers du psaultier, comme [dit] Me Gieuffroy Limart sur le nombre de mil IIIc XLIIe ver d’iceluy : Ut cognoscant quia nomen bibi dominus, tu solus altissimus super omnem terram82. Par quoy on puet entendre que la guerre finera totallement ou royaulme de France, mais sera grant destruction de peuple et grant famine.
Item, que, l’an IIIIc XLIIII, sur le ver de Quam dilecta83, descendra flambe de feu du ciel en signe de paix, et dira tout 59vle peuple : Cor meum84. Et de là en aprés sera paix par tout le royaulme, et petit à petit se retournera en sa liberté et franchise, et ne seront plus aucunes subcides, mais toute franchise, et vendront peuples de toutes terres ou royaulme, Pour quoy vous supplie vostre povre et ignorant sugiet que ceste franchise commence en luy et par luy, en l’afranchissant de toutes 232subsides qui courent et pevent courir en vostre royaulme, tant luy que ses enfans pour y habiter et demourer. Et lairont leurs biens immeubles et prophetizeront pour le temps advenir. Et chantera tout le peuple : Benois soient ceulx qui habitent en ton royaulme !
de joye, d’escoissement85 de la franchise en quoy on sera. Et durera celle franchise VIJ ans ; ou quel an joye sera tresple par tout le monde. L’an mil iiijc LJ., sera si grant habondance de paix et de liesse, et sera, celuy an, le jour de Pasques le XXVe jour d’avril, et sera joyeusement celebrée par toute chrestienté ; et la tres saincte journée du Sacrement de l’autel sera le jour saint Jehan Baptiste, et à ce jour, par la grace de Dieu et du Saint Esperit, vendront et s’assembleront XIIJ rois crestiens à Paris, par la divine vertu et permission de Dieu et pour les libertés que Dieu donrra au roy. Et en iceluy jour, devant tous les roys et tout le peuple, descendra manifestement l’ange du ciel, en portant une tres clere espée, d’une part, et, de l’autre part, ung tres resplendissant rubis avec ung anel d’or à pointe, et metra ledit ange l’anel ou doy du Roy, devant tous, emprés le pousse, en signifiance que toute franchise sera ou roiaulme. Et durera icelle leesse XLIJ ans, par le maistre et pseaulme Domine, deus salutis86, comme contenu est plus à plain en la dicte prophetie, que vous envoieray au plus brief que pourray. 60rOù pourrés veoir merveilles ès promesses que Dieu vous promet par icelle, non pas en icelle seulement, mais en plusieurs, se en vous ne demeure par vous ou par vostre negligence de servir à Dieu, en gardant sa loy et faisant garder : car, se faulte y a par ceulx qui vous sont soubzmis en subjection, pour et en lieu d’eulz vous en respondrés.
Item, dist Marie Robine qu’elle demanda quelle retribucion seroit faicte audit roy de France s’il faisoit ceste reparacion de l’Eglise, comme dit est. Luy fut respondu : Il aura cogitacion que nul ne scet que Dieu ; il aura la vie pardurable et ne sentira jà les puantes paines d’enfer. De tous les maulx qu’il fera en ce monde et consentira, il sera punis en ceste mortelle vie ; et luy donray victoire sur tous les hommes chrestiens et des Sarrasins d’une grant partie. Et, s’il fait du contraire de ce que je luy mande, je ne luy aideray ne ne seray contre luy, mais luy laisseray acomplir ses voulentés ; par les quelles luy mesmes se destruira, en abregant ses jours et termes de ceste mortelle vie ; mais 233pour ce ne perdra il pas la vie pardurable, mais il n’ara pas victoire sur les terriennes seigneuries. Se le Roy fait le mandement que je luy ay mandé pour ma loy, il fera plus grant fruit que ne fist homme passé à mil ans. Et, s’il demande qui ce a dit, dy luy que ce à fait Celuy qui est seigneur sur tous les seigneurs87.
Item, dist le dit Bassigny devant allegué : Fere major pars tocius Occidentis destruetur, et gloria Francorum in obprobrium convertetur, quoniam lilium corona sua nobili privabitur, et dabitur alteri cui non est, usque ad confusionem88. Ce à esté acompli ; mais encore n’est pas acomplie la confusion de celuy à qui à esté baillée vostre couronne. Mais le temps aprouche et est prouchain.
60vDum nebulum scisma (sic), dum cancer vi reboabit,
Dum salices rosas, dura sanguinis unda rorabit,
Et mutuis cladibus Galli spretu punient se,
Ethera monstra dabunt, sic fructus prodiga tellus.
Hec sunt pestifere89 Gallorum signa ruine.
Post hec Angligene vires deficient desolate90.
Item, dist Joachim que le roy de France que eslira ledit saint pape de Dieu revelé, que se sera le quart filz d’un roy de Frances91 :
Si leo cum lilio simul sint in prelio,
Leo residebit cum aquile subsidio.
Ibi ceciderunt qui operantur iniquitatem ;
Expulsi sunt, nec potuerunt stare.
Contere brachium peccatoris.
Cognoscetur Dominus judicium faciens.
Posuisti nos in contradictionem vicinis nostris.
Si leo stet in prelio cum lilio,
Ipse carpet de folio cum lilio,
Sed post justus cum suis residebit in gaudio,
Cunctis vietis in prelio cum aquile subsidio.
234S’ensuivent aucuns vers de Bridlyngton d’Angleterre, qui dient que l’eur et la grace que a eue le roy Anglois, que Dieu la vous donrra, et plus encore :
Amodo de tauro taceo : gallo tibi psallo.
Gallum de Bruto nosces genitum fore scuto.
In mundo talis nullus gallus volat allis.
Ad gallum nomen tauri transibit et omen.
Nomen mutatur, species sed continuatur.
Gallus exit magnus, justus, mansuetus ut agnus,
Ut taurus fortis, equalis munere sortis.
Virtus fertilitas hanc gallum nobilitabit,
Actus nobilitas decus illius geminabit92.
Par ses vers veoir, et qui après s’ensuivent ; se le voulés veoir, prenés le livre, et vous povés veoir que le roy d’Engleterre puet dire comme dit saint Jehan Baptiste, quant il vit Jhesu Crist venir prescher : Oportei me minui, illum autem crescere93. Il fault qu’il 61rdecline, et que augmentiés et croissiés. [61r, l. 1–34]
Dieu est merveilleux en ses creatures : car il fait des sapiens ignorans et des ignorans sapiens quant il luy plaist. Car devés penser que c’est plus merveille et grace de Dieu que aultrement, veu que ne suis point clerc. Pour tant, quant je considere ma presumpcion d’avoir tel 61vhardement d’oser entreprendre telles choses comme povés avoir veues et les adrecier devant le plus hault prince de tous les chrestiens, congnoissant que il est, ou que estes le maistre et souverain seigneur sur les plus grans clers de la chrestienté, que puis je à ce respondre, si non fors ce que m’ensengne saint Jehan l’Euvangeliste, en sa canonique, qui dist : Timor non est in caritate, sed perfecta caritas foras mittit hominem94 ? Pour tant povés veoir que la parfaicte charité que j’ay en vous et en vostre royaulme et la jalousie m’a fait oublier toute paour ; pareillement en considerant la doctrine du douls Jhesus, qui dist : Nolite timere eos qui occidunt corpus, sed timete cum qui potest perdere corpus et animam et mittere in gehennam ignis95. 235Pour ce, quant je me suis avisé de telle hardiesse, et que jay consideré mon operation, une petite elation m’est survenue de par le mauvais esperit. Au quel le bon esperit a contredit, en disant : Tu penses et presumes de toy ; je te dy que tu n’es que ung tel instrument que je te monstreray. Tu vois des fondeurs de cloches que, quant ilz veulent fondre une cloche, ilz font ung tuyau de terre, par où le metail coulle pour faire la cloche, la quelle est faicte pour appeler les gens au service de Dieu ; et, quant il a fait dudit tuyau, il le casse et le gette sur le fiens. Pareillement est il de toy. Prenon que Dieu te ait appliquié à son tuyau, par lequel il ait passé le metail, c’est la doctrine ou advertissement cy devant, par le quel Dieu veult appeler ses creatures ; neantmoins, quant il ara fait de toy, il en peut faire comme le fondeur de son tuyeau, il te peut despecier et geter ou feu d’enfer pardurablement…
61v, l. 33 – 62r, l. 17
62r/17Tres chier sire, j’enten que Dieu vous à fait ceste grace que estes speculatif et contemplatif ; pour ce je aroie grant joye que veissiés ce petit traictié present, et pareillement ung que j’ay fait passé a quatre ans, adressant à vous, dont je fus et suis bien esbahy dont ce me vint, par lequel pourriés veoir par quelle grace je ay ce peu faire, et comment je vous ay peu congnoistre sans vous avoir veu. Pour quoy je vous supplie, tres sacré et tres chrestien roy des François, que il vous plaise moy acompaigner à voz oroysons, meditacions et contemplacions. Et, en ce faisant, je prie à Dieu et à la tresoriere de grace que jamais je ne puisse faire oroison, meditacion ne contemplacion ès quelles vous ne alés participation, moy indigne… quatre dernières lignes
62vItem, y a une prophecie de Sebille qui parle du liepart, du sanglier et du lou ; dont aucuns dient et interpretent du sanglier ce que bon leur semble. Maiz, soubz correction, il me semble qui doit estre entendu du roy d’Engleterre trespassé, pour cause qu’elle dit que le faon du rouge lion s’enfuyra devers le lou ; pour ce luy, avec le dragon, le regnart et le lion, s’efforcera d’effondrer le seellier du lyepart. Et fut devant Rouen, quant le duc de Bourgongne assembla si grant ost, cuidant aler lever le siege dudit Rouen96 ; mais le rougaut lyepart se muera et eschauffera à la nature qu batailier sanglier et chassera le lou et les 236siens en leur païs, en degastant leurs terres, ne il ne trouvera qui luy resiste fors chasteaux et villes garnies. Par ce que dit est puet on veoir que le sanglier procede et vient du lyepart, en muant d’une nature en une aultre : car il devint si cruel et si hardy, quant il vit que on donna point de secours à Rouen, que de paour il fist la lune obscurcir, c’est la seigneurie.
Item, en ce temps, l’amy dudit sanglier mourut par glaive, dont le sanglier, estraignant ses dens, cautement et saigement passera la mer et sur le lou fera une embaye97 telle que jamais ne le delaissera jusques à ce qu’il luy ait du tout couppé la queue. Ce fut acompli quant le duc de Clerence fut tué98 : car le roy d’Angleterre passa la mer, et puis revint en France, et derompi de coups les chevaliers de France, et les villes fermées furent par luy froissiées, et demourerent plusieurs femmes veufves et orphenins. On pourroit demander du lou : on puet et doit savoir que le principe de ceste guerre est par le lou. Et prenon qu’il fut prins par le sanglier : si a esté touzjours maintenu la querelle par le moyen et soubz umbre du lou, pour vengier la mort de son pere.
Item, dire que le sanglier pardonra à tous ceulx qui mercy luy requerront : ainsi fut il ; il fist crier que tout homme revenist, et qu’il pardonnoit tout.
Item, dist la dicte 63rSibille qu’il seroit couronné de deux couronnes : ce fut quant Mgr de Bourgongne se consenti que, se le roy qui pour lors estoit mouroit, il estoit content que ledit sanglier roy d’Angleterre fut roy de France99.
Item, qu’il devoit estre tiercement couronné vers Orient : ce fut quant le petit roy fut couronné à Paris, qui vint d’Occident envers Orient100.
Item, on dit : Pleure, pleure, meschant et arragiée, car tes garnisons sont gastées, et, pour ce que tu as esté jadis favourable au lou, tu aras estably prince sur toy, pour ce que l’ire de Dieu descendra sur elle.
Ce j’entens le païs de Caux, qui mieulx sara si le die :
Or, vient le bout concordant à Sebille
Ès grans palus et ou lac des formis,
Qui brief n’aront ne recepte ne ville,
Par le lyon dont ilz sont ennemis,
237Puis que le cerf les aura tous hors mis ;
Ains XIIII ans à grant destruction
L’asne pesant sauldra hors d’Albion
D’un des costés saudra la fourmiere ;
Drecier se doit encontre le lyon :
Là doit Brutus estaindre sa lumiere.
Le cerf volant à la teste subtille,
Quant il saura l’asne sur ses pastis,
De son bestail fera venir maint mille :
Ou lac desert sera la ly escris ;
Ours, loups, lions contre le lis
Se combatront ; grant tribulacion
Sera contre eulx, et grant destruction.
Du sang des mors courra une riviere.
Onques ne fut si grant destruction :
Là doit Brutus estaindre sa lumiere.
Le digne grant, fait contre l’evangille,
Terminera par la mort des occis,
63vNe Dieu n’ara fors une seulle fille. [France]
Le mauvais sang Là doit estre peris.
Le cerf volant en eschapera vifs,
L’asne pesant querra sa region
Poux reposer : mais pour la vision
Du cerf volant saillant de sa bruiere,
Les corps perdront terres, pocessions :
Là doit Brutus estaindre sa lumiere.
On doit entendre de Brutus que c’est le roy d’Angleterre, car c’est la Grant Bretaigne, selonc les anciennes histoires. 63v, l. 11–21
Ilz sont aucuns qui dient que je devroie demander aucune remuneracion pour les choses contenues en ce present traictié. Ausquelz je respons et fais assavoir que je prie au souverain Bien incommutable, le quel Bien tout homme doit demander et desirier, que jà, jour de ma vie, je n’aye, pour remuneracion de bien que je feis onques ou que je feray en toute ma vie, ne office, ne benefice, ne biens de fortune par quoy je puisse ne ne doye estre empeschié de mon salut. Mais seulement luy prie qu’il luy plaise moy donner ou faire donner, par sa grace ou par ses creatures, chose qui soit prouffitable pour le salut de mon ame. 63v, l. 34 – 64r, l. 22
64r/22Ce veu et considéré, tres sacré et tres chrestien roy de France, plaise vous, par les entrailles de la misericorde de Dieu, desoresmais pourveoir aux benefices et offices, et non pas aux hommes, 238en meditant et contemplant la voye et vie de vostre ancesseur Mgr saint Loys, le quel, à cause de ce qu’il a eue justice en soy, c’est assavoir il a rendu à chascun ce qui est sien, deux lignes à ses subgiés toute loyauté, sans les opprimer ne extorcionner, mais les à tenuz en franchise et en liberté, selon le nom de son royaulme, qui est nommé France, qui doit estre franc de toutes subsides, ce qui n’est pas pour le present, mais le puet on au jour d’uy appeler le serf sur tous les serfs. 64r, dernière ligne – 64v, l. 9 64v/9Pour ce, vous suppli, tres begnin roy, que le vueillés ensuivir, non pas que j’apette office ne benefice ; mais je vous suppli, en saincte charité, que ja franchise de vostre royaume commence en moy, en moy afranchissant, moy et mes enfans, de toutes subsides qui pevent courir en vostre royaulme, enfin que en moy et par moy commenciés à recouvrer l’amour de Dieu et de vostre peuple. Car, se il vous plaist à ce faire, je ne doubte point, au plaisir de Dieu, que briefment tout le peuple ne m’ensuyve, à parvenir à ceste franchise et liberté : par quoy totalement recouvrerés l’amour du Createur et de tout vostre peuple. Je [prie] à Dieu que par les intercessions, merites [ ] et de la sacrée mere du doulx Jhesus et par le merite de celle sacrée passion que souffry son doulx enfant pour vous et pour tout l’umain lignage, que à ce faire vous vueille inspirer le Saint Esperit. Amen.
Notes
- [34]
Thren. [Livre des lamentations de Jérémie], I, 12.
- [35]
Math., V, 5.
- [36]
Profit.
- [37]
Joie, plaisir.
- [38]
Pierre de Luna, élu pape à Avignon en 1394.
- [39]
Bulle du 19 mai 1407, envoyée à Paris en même temps que des lettres closes du 18 avril 1408 (la France et le Grand Schisme d’Occident, t. II, p. 515, 606).
- [40]
Math., XVI, 19. [Tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux.]
- [41]
Cf. Jeanne d’Arc et la prophétie de Marie Robine (Mélanges Paul Fabre, p. 456, 465).
- [42]
Voir Jeanne d’Arc et la prophétie de Marie Robine, p. 460.
- [43]
Math, XVIII, 7.
- [44]
Jeanne d’Arc et la prophétie de Marie Robine, p. 460.
- [45]
Amédée VII, duc de Savoie, antipape sous le nom de Félix V (1439-1449).
- [46]
Eugène IV (1431-1447).
- [47]
Cf. Le Pape et le Concile, t. II, p. 332.
- [48]
Passage emprunté à la prophétie de Marie Robine (Bibl. de Tours, ms. 520, fol. 124 r°).
- [49]
Bulle du (5 juin 1412 donnée par Jean XXI, successeur d’Alexandre V, le pape élu au concile de Pise.
- [50]
Cloches.
- [51]
Ce sont d’abord les Bourguignons, appliquèrent à leurs ennemis La bulle renouvelant et ensuite les Armagnacs, qui les anathèmes lancés, au XIVe siècle, contre les Grandes Compagnies (cf. la France et le Grand Schisme d’Occident, t. IV, p. 190, 191).
- [52]
Tremail, filet à trois rangs de mailles, employé pour la chasse des oiseaux.
- [53]
Peut-être pour
instans
, appelants. - [54]
Le massacre des Armagnacs, lors de l’entrée des Bourguignons dans Paris, en 1418.
- [55]
Lettres d’abolition du 28 février 1436 (Félibien, t. IL, p. 598).
- [56]
Charles VII avait perdu successivement, et en bas âge, ses fils Jean, Jacques et Philippe, les ceux derniers en 1436. Quant à Charles, duc de Berry, il ne naquit que le 28 décembre 1446.
- [57]
Psal. XVII, 26.
- [58]
Cf. Math., XIII, 7 : Marc., IV, 7 ; Luc., VIII, 7.
- [59]
Jean de Bassigny, auteur de prédictions rédigées entre les années 1342 et 1345. Elles sont conservées dans le ms. latin 7352 (fol. 2-4) de la Bibliothèque nationale. En voici le début :
Tacui et silui. Nunc autem propter eventus mirabiles quos audivi et didici et diligenter scrutando quesivi, sicut percurrens loquar. Peragratis igitur multis ac diversis mundi partibus, tam ultramarinis quam citramarinis, ac etiam revolutis voluminibus diversis tam 5. Seripture quam aliarum scripturarum, videlicet prophetarum, poetarumque et doctorum multorum…, animum et desiderium meum … saturavi de quibusdam mirabilibus et stupendissimis eventibus in mundo circa finem, et maxime in partibus GCalliarum : sicut quidam Sirus, dum essem in Gadis subtus Quadram, et quidam Chaldeus, dum essem in Bethsedin, juxta montem Thabor, per meum interpretem exposuerunt et dixerunt circa annum 1336. Et hec etiam alias quidam Judeus michi affinis et familiaris, dum essem in Garda Ademari michi declaravit, circa annum Doraini 1342…
Les mêmes prédictions se retrouvent sous le nom du même auteur dans le ms. 520 de la bibliothèque de Tours (fol. 146-149), mais rajeunies de soixante ans : la date de 1342 est transformée en celle de 1411, et ainsi de suite.
- [60]
Voici exactement le passage cité de Jean de Bassigny (ms. lat. 7352, . fol. 4 r°) :
Hibernia et Scocia Britaniam invadent et eam devastabunt ; quibus erit in adjutorium quidam juvenis, qui recuperabit coronam Lilii, et dominabitur per universum orbem, et ipse radicitus et funditus destruet filios Bruti et insulam, ita quod amplius non erit eorum memoria.
- [61]
Richard II, assassiné en 1400 dans la Tour de Londres.
- [62]
Math., XII, 32 ; Luc., XI, 10.
- [63]
Nicolas Albergati, cardinal de Sainte-Croix de Jérusalem.
- [64]
Les cardinaux Albergati et de Lusignan se bornèrent, durant le congrès d’Arras, au rôle de médiateurs entre l’Angleterre et la France ; mais, après l’échec de ces négociations, ils firent jurer et promulguèrent (21 septembre 1435) le traité conclu avec Philippe le Bon, qui consacrait la souveraineté de Charles VII.
- [65]
Ms. lat. 7352, fol. 4 r° :
Nobilium enim pompa silebit, et ecclesiastica peribit disciplina, et breviter totus subjacebit mundus. Lothoringia lugebit spoliata, et Campania auxilium a vicinis implorabit, cui non dabitur, sed spoliabitur et predabitur et remanebit dolorissime et lamentabiliter devastata.
- [66]
Jean du Bois ici à mal compris le texte, ou le fausse volontairement : ce n’est pas du tout à la Champagne et à la Lorraine que devait venir en aide le jeune homme, d’après Jean de Bassigny, mais à l’Écosse et à l’Irlande.
- [67]
Allusion à la Praguerie.
- [68]
Jean de Bassigny avait écrit plus simplement :
Qui erit de reliquiis seminis Francorum regum.
- [69]
Concile de Trèves de 1147, où Eugène III examina les écrits de sainte Hildegarde.
- [70]
Quelques-uns des mots de cette citation sont, en effet, empruntés au Liber divinorum operum simplicis hominis de sainte Hildegarde (pars II, visio V, § 9 ; Patrol. lat., t. CXCVII, col. 919).
- [71]
Psal. LXXXII, 17.
- [72]
Nouvelle allusion à la Praguerie.
- [73]
Psal. LXXXII, 18.
- [74]
I Joan., 20.
- [75]
Allusion au rôle joué par le Dauphin dans le soulèvement de la Praguerie.
- [76]
Louis de Luxembourg, évêque de Thérouanne, archevêque de Rouen, cardinal, chancelier de France nommé par le roi d’Angleterre, mort le 18 septembre 1443.
- [77]
Enharder, attacher ; de
hart
, corde. - [78]
Adultères.
- [79]
Pontoise ayant été repris par les Anglais le 13 février 1437, Charles VII en fit Le siège en 1441 ; mais, à cinq reprises, Talbot ou le duc d’York parvinrent à ravitailler la ville. Ils forcèrent le roi à décamper précipitamment de l’abbaye de Maubuisson et de l’abbaye de Poissy. La ville ne fut enlevée d’assaut que le 16 septembre (Beaucourt, t. XII, p. 10, 22, 181-189).
- [80]
Ce Jean de Pesaro, bénédictin, m’est inconnu ; mais il ne fait que répéter ce que d’autres ont dit d’après Joachim de Flore. Voir par exemple, le ms. lat. 14669 de la Bibliothèque nationale (fol. 129 r°) :
Dictus dominus rex Francie fiet per Pastorem angelicum generalis mundi imperator… ; qui rex renuet coronari eorona aurca, dicens quod Christus fuit corona spinea coronatus, et in hoc veraciter cognoscetur.
- [81]
Théolofore ou Télesphore de Cosenza. Sur son livre de prédictions, dédié au doge de Gênes, voir surtout Fr. Kampers, Kaïserprophetieen und Kaisersagen im Mitelalier, p. 167, 237 et suiv. ; la France et le Grand Schisme d’Ocrident, t, I, p. 371 et suiv.
- [82]
Psal. LXXXII, 19.
- [83]
Psal. LXXXIII, 2.
- [84]
Psal. LXXXIII, 3.
- [85]
Peut-être pour : esjoïssement.
- [86]
Psal, LXXXVII, 2.
- [87]
Jeanne d’Arc et la prophétie de Marie Robine, p. 466.
- [88]
Jean du Bois ombt de dire que cette calamité avait été annoncée par Jean de Bassigny pour l’année 1356 environ (ans. latin 7352, fol. 2), pour l’année 1416 environ d’après le ms. 520 de Tours.
- [89]
Ms. : pestifera.
- [90]
Les mêmes vers, avec quelques variantes, se lisent dans le ms. 1094 de Arsenal (fol. 147 v°).
- [91]
Cf. ms. lat. 14669, fol. 129 r° :
Et dicit Joachim quod quartus filius Galli fiet auctoritate apostolica imperator.
- [92]
Sur saint Jean de Bridlington, mort le 10 octobre 1379, et sur sa prophétie, écrite entre les années 1361 et 1372, voir Diction. of national biografy, t. XXIV, p. 450. Le passage cité par Jean du Bois se lit dans le ms. lat. 15082 de la Bibliothèque nationale (fol. 148 v°).
- [93]
Johan., III, 30.
- [94]
Johan., IV, 18.
- [95]
Math. X, 28.
- [96]
Au mois de novembre 1418, Jean Sans-Peur conduisit Charles VI à Saint-Denis pour prendre l’oriflamme et s’avança jusqu’à Pontoise : ce qui n’empêcha pas Rouen de capituler le 13 janvier 1419.
- [97]
Envaie, attaque.
- [98]
Le duc de Clarence, frère de Henri V, fut tué à la bataille de Baugé le 22 mars 1421.
- [99]
Allusion au traité d’Arras du 2 décembre 1419.
- [100]
Allusion à la proclamation de Henri VI comme roi de France.