A. Baillet  : Vie d’Edmond Richer (1714)

Au lecteur

Vie
d’Edmond Richer
docteur de Sorbonne

par

Adrien Baillet

Bibliothécaire de monsieur le président de Lamoignon

(1714)

Éditions Ars&litteræ © 2022

Au lecteur

L’histoire que je vous présente, mon cher Lecteur est recommandable par son auteur, et par son sujet. Le célèbre M. Baillet, dont le nom seul fait l’éloge, s’est acquis une réputation si universelle et si juste dans la république des lettres, qu’il suffit qu’un ouvrage porte son nom, pour mériter notre estime, et émouvoir notre curiosité. Il composa celui-ci dans les heures de ses délassements, mais avec cette exactitude, cette précision et cette éloquence, qui brillent dans ses autres écrits, et qui se font sentir de tous ceux qui ont quelque goût pour les ouvrages d’esprit.

En travaillant à la vie d’Edmond Richer, M. Baillet eut en vue le bien de l’Église, les intérêts de la patrie, le salut des rois, et la conservation du dépôt de la doctrine ancienne de la Sorbonne. Telles avaient toujours été celles de Richer, que ni le déchaînement de la nouveauté, ni la conjuration de ses confrères, ni les censures des évêques partiels, ni les menaces des ultramontains, n’ont pu lui faire abandonner. Ce grand homme, vengeur de la doctrine de l’Église gallicane, en soutint l’orthodoxie aux dépens de son repos, et au risque de sa vie. Il fut s’il est permis de le dire, le martyr de sa patrie, dont il était le défenseur. Les persécutions obscurcirent alors la vérité, qu’il soutenait avec zèle : les temps qui ont suivi, ont fait hommage à la pureté de ses sentiments ; et si la Sorbonne la plus cruelle ennemie, entraînée par des considérations politiques, eut la faiblesse de donner les mains à la conspiration ; elle a depuis réparé l’injure, en consacrant par ses décrets, les dogmes qu’elle tenta d’opprimer.

Ces variations de la plus illustre faculté du monde se remarqueront dans le cours de cette histoire. On y verra les raffinements de la plus noire malignité, les détours artificieux de la politique profane, les stratagèmes de l’erreur joints à l’autorité et à la multitude, concourir à la destruction de la doctrine de Richer, et à la ruine de son auteur. M. Baillet a développé tous ces mystères avec cette liberté que l’amour de la vérité inspire, et que la vérité exige d’un historien. Il n’a ni épargné ni dissimulé aucune des circonstances qui pouvaient mettre le Lecteur en possession de la connaissance exacte des faits et des personnes. Tout est essentiel à une narration intéressante ; et l’on n’est en droit de se plaindre du narrateur, que quand il trahit la vérité.

Le public est redevable de cet ouvrage posthume à un ami de cet illustre défunt. Il doit lui savoir gré du présent qu’on lui fait. Il ne pouvait lui être offert dans un temps plus convenable ; et je doute qu’on ait pu lui en faire un plus précieux.

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