E. de Bouteiller, G. de Braux  : La famille de Jeanne d’Arc (1878)

Lettres

13Lettres inédites
de Jean Hordal et de Claude du Lys, petits-neveux de Jeanne d’Arc, à leur cousin Charles du Lys, tirées des archives du Marquis de Maleissye

Armes de Jeanne d’Arc (La famille de Jeanne d’Arc, Bouteiller et Braux, 1878)
14Armes données à Jeanne d’Arc par Charles VII. D’après le ms. de la Biblioth. nat., fonds fr., n° 5524, registre daté de 1559.
La famille de Jeanne d’Arc (Bouteiller et Braux, 1878) vignette Lettres

14Lettre de Jean Hordal à Charles du Lys
du 19 juillet 1609

Monsieur,

Je me réputerois trop mesconnoissant et peu mémoratif de la bonne affection dont il vous plaist m’honorer, si, ayant receu vos lettres avec plusieurs mémoires singuliers concernant l’histoire de la vertueuse Pucelle d’Orléans, notre bonne parente, je retardois à correspondre à vostre amytié, vous priant de croire que les ay receu de bon cœur et m’ont esté d’autant plus aggréables que par iceulx ay cogneu qu’aviez receu quelque contentement de ce que vous avois escry. Quant au nom de l’imprimeur d’Orléans que désirés sçavoir touchant le livre [de Léon Trippault] contenant la justification de la dicte Pucelle, c’est Eloy Gibier1, imprimeur juré de l’université d’Orléans, et le titre du 16livre est : Joannæ Darciæ obsidionis Aurelianæ liberatricis res gestæ, imago et judicium, 15832. Il y a un autre livre plus ample, imprimé au dict Orléans chez Olyvier Boynard3 et Jean Nion, libraires, demeurant au Cloistre de Sainte-Croix, 1606, le titre duquel est : l’Histoire et discours au vray du siège, qui fut mis devant la ville d’Orléans par les Anglois, etc.4, et à la fin se trouvent le jugement et la justification de la dicte Pucelle. J’ay tous les livres et autheurs suscités avec plusieurs autres, exceptée l’histoire en françois de Monsieur Trippault, consr d’Orléans, imprimée l’an 15765, que tascheray d’avoir avec le temps, et si Dieu me fait la grâce de vivre encore quelques années et ayant plus de loysir que n’ay à présent, je pourray faire paroistre de la curieuse recherche qu’ay faicte6 touchant la vérité de l’histoire de la vertueuse Pucelle.

Quant au doute que faictes de la fille de Pierre nommée Hauvy qui espousa Estienne Hordal (que Dieu absolve), duquel suis descendu, c’est chose du tout vérifiée par le tesmoignage de ceux qui l’ont veue, il y a proche de 80 ans, aynsi qu’ils l’ont déposé7 après avoir presté le serment en tel cas requis. Et quand il n’y auroit que le tesmoignage de Monsieur le grand doyen de Toul8, encor vivant, qui est irréfragable et omni exceptione majus, je ne pourrois estre induict à 17croire le contraire, iceluy disant et assurant se souvenir très-bien de la dicte Hauvy, son ayeulle, pour avoir esté porté par elle entre ses bras souventefois, et avoir receu d’elle plusieurs pièces d’argent, et qu’elle estoit fille de Pierre, troisième frère de la dicte Pucelle, et par conséquent sa niepce, ce que feu Monsieur le grand doyen et mon ayeul, son frère, et fils de la dicte Hauvy, ont tousjours maintenu avec plusieurs autres. Et ne sert de dire que la dicte Pucelle ayant eu une sœur que la dicte Hauvy la pourroit avoir esté, car il s’ensuyvroit que ceux qui ont assuré et déposé avoir veu la dicte Hauvy se seroient trompés et abusés, et auraient soustenu chose fauce, ce qui ne peut estre (soub corrections). Et faire se pouroit que la déposition du comte de Dunois9 se devroit entendre de la femme de quelques-uns des frères de la dicte Pucelle, laquelle, parlant d’une sœur, entendoit parler d’une belle-sœur et femme d’un de ses frères. Car il ne se lit ailleurs la dicte Pucelle avoir eu une sœur germaine.

Quant à l’arbre de généalogie qu’avois dressé, je le trouve fort pertinent et me persuade du tout, le dict Pierre, après avoir eu Hauvy de sa première femme espousee en Lorraine10, elle estant morte, avoir eu en France convolé en secondes nopces, et avoir par grâce et concession du Roy pris le surnom du Lis, considéré qu’il portoit le 18lis en ses armes, et que de ce second mariage Messieurs du Lis sont descendus11 : et de cest advis sont plusieurs qui ont cognoissance de la dicte histoire. Quant à Jean, prévost de Vaucouleurs, je suis à présent du mesme advis que vous, suyvant les authorités contenues en vos mémoires et par autrefois ay esté de mesme, et ce néantmoins quelque personnage d’authorité et digne de foy m’en avoit faict croire le contraire. Ainsy il n’y aura eu que Jacquemin et Pierre qui aient faict leur résidence en France12.

Au surplus, quelqu’un de mes amys m’a envoyé depuis peu un livre intitulé : Puellæ Aureliensis causa adversariis orationibus disceptata, authore Jacobo Jolio : Parisiis, apud Julianum Bertaut, in monte divi Hilarii prope collegium de la Mercy, 1609.13 [La cause de la Pucelle d’Orléans, débattue par des arguments contradictoires, par Jacques Joly ; à Paris, chez Julien Bertaut, sur la montagne Saint-Hilaire — ancien nom de la montagne Sainte-Geneviève — près du collège de la Merci.] Lequel livre m’a merveilleusement despleu, attendu les impostures, faucetés et calomnies que l’on objecte à nostre bonne et saincte parente, et déclamations faictes au collége de Navarre contenues au dict livre, joincte la sentence qui est en ces mots : Video placere senatui ut publice in hac civitate ultimo supplicio puniatur et viva flammis ultricibus absumatur. [Je vois qu’il plaît au Parlement qu’elle soit publiquement punie dans cette ville du dernier supplice et qu’elle soit consumée vivante par les flammes vengeresses.] Je m’estonne grandement qu’en France et en une ville si célèbre et fameuse et remplie de doctes personnages et bons François, qu’on tolère que publiquement déclamations se fassent 19contre l’honneur de la France, du Roy Charles 7 et de son conseil, et contre la réputation d’une saincte fille envoyée de Dieu pour délivrer la France de la tyrannie des Anglois, comme tesmoignent infinis autheurs, et entre autres Guydo-Pap, in decisionibus senatus gratianopolitani, in dec. 8414 [Guy Pape, Arrêts du Parlement de Grenoble, arrêt n° 84]. C’est en cela un grand déshonneur des François approuver et ratifier (au lieu de détester et execrer) l’injustice des Anglois qui en ont esté punis divinement (prout exitus acta probavit [comme le dénouement l’a prouvé]), pour avoir esté chassés et exterminés de la France avec leur confusion et grand préjudice de leurs biens et perte de leurs fauteurs, adhérents et satellites. C’est aussy en cela soustenir les anciens ennemis de la France perfides et desloyaux, comme il appert par ces deux versets que Philippe de Valois15 composa en taxant Edouard, Roy d’Angleterre, qui, contre sa foy et promesse, avoit assailly et invadé le Royaume de France.

Anglicus angelus est cui nunquam credere fas est :

Dum tibi dicit ave, sicut ab hoste cave.

[L’Anglais est un ange, à qui il ne faut jamais se fier :

Même quand il te salue, méfie-t-en comme d’un ennemi.]

Quod si Anglici vocantur angeli [Que s’il a appelé les Anglais des anges], il faut dire que c’est par antiphrase, quod minime sunt angeli, quod si sint angeli, oportet intelligere esse infernales et diabolicos et eos minime amabiles Deo [car ils sont tout sauf des anges ; ou s’ils en sont, ce sont des anges infernaux et diaboliques, et qui ne sont aucunement agréables à Dieu]. Comme il est dict au canon : Si gens Anglorum16, 56 dist. Lequel canon faict grandement contre les 20Anglois, les taxant de plusieurs abominations. Communément aussy la trahyson leur est objectée, tesmoing le poëte Bellay17, et comme ordinairement l’on dict en France :

Recipe [Prenez], si vous le trouvés,

Deux Bourguignons de conscience,

Deux Périgordins de science

(N. B.) Et, sans trahisons, deux Anglois, etc.

Voylà pourquoy il ne s’y faut pas fier, veu mesmement qu’ils ont une queue sur le derière (sauf vostre honneur), comme l’on tient assurément, et quidem credere animali bisforato est committere se diabolo [car faire confiance à un animal à deux trous, c’est se livrer au diable], comme disoit un ancien, ita et homini bis caudato18 [et de même pour un homme à deux queues]. Et si en bonne compagnie j’ay ouy objecter aux Anglois que Judas, le prototipe des traistres, estoit Anglois, et que les Anglois représentoient les traistres et desloyaux et injustes, comme ils monstrèrent en la sentence de nostre divine Pucelle, laquelle ils condamnèrent au feu contre toute équité divine et humaine, et contre le droit des gens, sans vouloir déférer à l’appel interjecté par ladicte Pucelle à Sa Saincteté. En quoy ils se sont montrés pires que les payens : Juxta illud ad Cæsarem appellasti, ad Cæsarem ibis : actor. cap. 25.19 [Selon le principe que, puisque tu en as appelé à César, tu comparaîtras devant César (Actes des Apôtres, 25 :12).] Et quant à la sentence de mort si cruelle, et contre une prisonnière de guerre, la plus excellente amazone, la 21plus illustre fille qui ayt esté et qui sera jamais sans évident miracle, les payens aussy se sont monstrés autant pitoyables et gratieux que les Anglois détestables et inhumains, veu que les payens pardonnoient aux femmes dignes de peine, teste Tiraquello20 in tractatu de Poenis, causa 9 ; quo pertinet illud Virgilii, 2 Æneidos [d’après André Tiraqueau dans son traité sur les peines, cause 9, à quoi se rapporte ces vers de Virgile, Énéide, II, 583-584, paroles d’Énée qui hésite à tuer Hélène] :

… nullum memorabile nomen

Fœminea in poena est, nec habet victoria laudem.

… Il n’y a nul titre de gloire

à punir une femme, et cette victoire est sans laurier.

Et que les Anglois avec toute injustice et cruauté ont fait mourir une vierge innocente, la vie de laquelle a esté miraculeuse, et tous ses faicts miraculeux, et qui a esté choisie de Dieu pour le restablissement et confirmation du Royaume de France, de laquelle on chante ces beaux versés prins d’un poëte nommé Humbertus Moremontana21 [Humbert de Montmoret], qui a descry la vie de la glorieuse Pucelle d’Orléans en 7 beaux livres intitulés Bellorum Britannicorum [Guerres des Anglais], et au livre 6 lui donne ces titres :

Virgo pudiciciæ specimen gratissima mundo,

Grata polo, quam blanda Venus mollisque Cupido

Flectere non potuit.

Ô Vierge, modèle de pudeur, chère au monde,

Chère au Ciel ! Toi que ni la douce Vénus ni le tendre Cupidon

Ne purent séduire.

Nous rapporte F. Crespet22, célestin de Paris, au livre intitulé le Jardin de playsir et récréation spirituelle, parlant de la virginité, fol. 498 :

22Pour mon resgard j’ay ceste foy et confiance qu’elle s’eslevera au jour du jugement contre ses juges mesmes et leurs partisants et contre les mesdisants et calumniateurs de sa vie qui, à vray dire, a esté irrépréhensible selon la plus saine opinion de tous ceux qui en ont escry, pour les faire punir esternellement de leurs injustices, calumnies, faucetés et tyrannie. Comme aussy je m’assure qu’elle assistera en la vie et en la mort ceux qui l’honorent et qui désirent estre assurés de ses intercessions.

En après, l’autheur des dictes déclamations et les acteurs mesmes répugnent diamétralement au St-Siége apostolique, contredisant à la sentence des delegués d’icelle par laquelle est dict : que le tout meurement considéré et comme il appartenoit que la sentence de condamnation donnée contre la dicte Pucelle est desclarée abusive et tortionnaire par sages et droicturiers juges, 1456, le 7 de juillet, et que la présente sentence sera notifiée aux villes et lieux plus notables du royaume de France ; en quoy les dicts autheurs et acteurs sont repréhensibles, ne se monstrant fils obéissants du Saint-Siége, comme ils disoient, ny recognoissants des biens et services que la dicte Pucelle a faits à la France, sans le ministère de laquelle ils seroient à présent peut-estre Anglois, non François. Et bien que le dit 23autheur promette une apologie, si ne devoit-il mettre en lumière les fauces raysons et injuste condamnation des Anglois qu’il n’apportât l’entière justification de la dicte Pucelle. Vous excuserés, s’il vous plaist, l’honneste liberté dont j’use en vous escrivant de la dicte histoire, pour le soustenement de la vérité et pour l’intérest que nous y avons, y estant porté d’affection et poussé de zèle, comme il appartient à un bon et entier parent…

Si à l’advenir je peux descouvrir autre chose, ne faudray à vous en advertir, attendant que quelque bonne commodité se présente pour vous aller visiter, pour de bouche vous faire offre des services que par lettres vous voue, m’estimant heureux et grandement honoré de votre cognoissance, amytié et alliance, à rayson des quelles vous chériray et honoreray à jamais et tous ceux qui vous appartiendront. Que si estiez d’avis que Monsr vostre fils vienne estudier en droict en nostre université23, où sans doute il y pourroit plus profiter qu’en plusieurs autres, moyennant qu’il suyve les bons conseils qu’on luy despartiroit, je m’asseure qu’en auriés contentement, et à ceste occasion vous fais offre de tous les bons offices que pourriés souhaiter de moy, et d’aussy bon cœur qu’après vous avoir baizé les mains bien humblement et à mademoizelle vostre 24femme, et à ceux qui vous appartiennent, je prierai Dieu,

Monsieur, vous octroyer ce que sçavés trop mieux desirer.

Vostre très humble et très assuré serviteur et parent,

Hordal.

De notre maison de Pont-à-Mousson, ce 19 de juillet 1609.

P. S. Monsieur, je vous envoye et à Monsr vostre fils, qui a parachevé ses estudes en philie comme j’ay entendu, deux copies des thèses que mon fils aisné a dédiées à Monsr nostre Evesque, son parrain24, et qu’il soustint publiquement avant-hier à son honneur et au contentement de ceux qui l’ont ouy, en une très belle assemblée, dont je loue Dieu. Je désire d’en faire un jurisconsulte, mais il a plus d’inclination à la théologie ou à la médecine25. Je tascheray, Dieu aydant, de le rendre capable, et trois frères qu’il a, de vous faire service et à tous les vostres.

25Autre lettre, du même au même
du 25 mars 1610

Monsieur,

L’extrémité de plusieurs afflictions, angoisses, infortunes et pertes qui m’ont couru sus depuis la fin de juillet dernier, m’a réduict en tels termes que j’ay este contrainct de donner treusve à plusieurs de mes affaires, et entre autres j’ay différé de rendre response aux vostres et à celles de Monsieur de Roully26 [Jacques de Cailly], bien que j’en aye eu très bonne souvenance et volonté d’y satisfaire. Mais pour plusieurs empeschements qui me sont survenus en ay esté, à mon grand regret, destourné ; de quoy vous supplie tous deux m’excuser en attribuant la cause du retardement de ma réponse à vos lettres aux fascheries, desplaysirs et indispositions desquelles ay esté visité de Dieu et me suis envieilly de dix ans, et me sens à présent plus mal à mon ayse pour la santé corporelle que n’ay jamais faict. Et pour vous en escrire clairement, seurement et en parent et amy, j’ay esté 26en 14 jours privé de trois enfants, que j’aymois autant et plus que moy mesme et desquels avois autant d’espérance pour leurs bonnes qualitez qu’eusse sceu désirer. Le 28 de juillet ma petite fille, qui estoit les délices de ma mayson, estant morte ayant esté malade 15 jours, mon fils ayné, aagé de 20 ans, non-seulement versé aux lettres, ayns prest à tout faire, le 2 d’aoust, estant party de ma mayson contre mon gré et sans mon consentement pour se faire jésuiste et entrer au noviciat de Nancy, un jour après m’avoir desclaré sa volonté, laquelle n’estimois estre telle, et de faict n’y avoit aucune apparence, pour plusieurs considérations qu’aymerois mieux vous desduire de bouche que par escrit. Et mon second fils, aagé de 18 ans, martial, courageux et qui promettoit beaucoup, après avoir l’espace de 19 jours resisté virilement acutissimo morbo [à une maladie particulièrement aiguë], estoit allé de vie à tres pas le 20 d’aoust, à mon grand regret et non sans infinis gémissements et pleurs de leur bonne mère, grand’mère et autres, leurs parents et amys.

Depuys, je tombay malade, ma femme aussy, et n’avons esté sans appréhension de la mort.

Enfin Dieu, par sa bénigne grâce, nous regarda de ses yeux de miséricorde en nous renvoyant la santé. Ce néantmoins ne pus me contenir en mon logis, et pour changer d’air et me recréer, m’en 27allay visiter Messieurs nos parents et amys de Toul, et delà à Barisey-au-plein27, où feu Estienne Hordal, mon bisayeul, et la bonne Hauvy, sa femme (que Dieu absolve), ont faict leur résidence et sont morts, et de là à Domremy, lieu de la nativité, baptesme et nourriture de la céleste Pucelle d’Orléans, nostre bonne parente, et puis à Rup, Neufchateau, la Motte28 et autres lieux où la dicte Pucelle avoit hanté et fréquenté et où trouvay plusieurs de ma cognoissance et de mes bons amys et d’où sortis avec une consolation intérieure et contentement extérieur pour le bon recueil qu’y avois receu. Et en retournant en ma maison, rencontray ma femme qui retournoit de Nancy, où elle estoit allée pour voir son jésuiste et sçavoir comme il se portoit et quelle résolution il avoit pris. Et me dict l’avoir trouvé have et defaict et fort maigre, et qu’il continuoit en sa délibération, et ainsy qu’elle n’avoit rien pour ce regard advancé, me protestant au reste que se voyant privée de ma compagnie et de celle de ses enfants, elle avoit esté saysie de telle tristesse qu’elle ne s’estoit peu tenir en ma mayson ; de quoy fus fort ayse, principalement la trouvant avec nos petits enfants en bonne santé, par la grâce de Dieu. Où depuis, ay eu tant d’affaires, d’empeschements et de procès pour mon particulier en plusieurs lieux circonvoisins et de diverses 28juridictions, que n’ay esté sans beaucoup d’exercices, outre plusieurs commissions qu’ay receu de Son Altesse, tant à la ville qu’aux champs. Et nouvellement, depuis un mois, Sadite Altesse29 m’a deslégué avec sept autres Conseillers d’Estat des siens, pour une révision de procès de très grande importance jugé par Messieurs de la Cour souveraine de Saint-Mihiel30 : et commandement nous est faict, incontinent après Pasques, à sçavoir le 29 d’apvril, d’arguer conjoinctement à la dicte révision. Et sy depuis un mois ay esté distraict de mes estudes et autres affaires pour voir toutes les pièces du dict procès, exceptées les secrètes, qui sont en la dicte cour. Et d’ailleurs ay receu lettres depuis deux mois de Monsr de la Saussaye31, doyen de Ste-Croix d’Orléans, que j’ai cogneu pour un vénérable personnage et qui m’a traicté en sa mayson d’Orléans fort honorablement, et aussy luy suis-je obligé ; par lesquelles lettres il me prie bien fort ipsi indicare testimonia exterorum authorum de Aurelianensi Puella scribentium, ut totum ex beneficio meo habeat [de lui indiquer les témoignages d’auteurs étrangers ayant écrit sur la Pucelle d’Orléans, et qu’il compte en tout sur ma générosité]. Je vous envoye copie des dictes lettres, de mot en mot avec ma réponse, laquelle vous ayant leu, Monsr Hordal, mon cousin, la fera tenir au dict sieur de la Saussaye, en laquelle réponse vous verrez plusieurs bons autheurs allégués.

Sy néantmoins, j’en ay encore reservé quelques 29uns cogneus de peu de gents, pour s’en servir en temps et lieux, et sur ce, il vous plaira m’escrire ce qu’il vous en semble. Je m’assure que remarquerés ce que luy escris sur la fin de ma dicte response : Quibus omnibus præmissis ut ratione eorum excusatione dignus videor ob moram in respondendo a me extracta. [Pour toutes les raisons exposées ci-dessus, j’espère que vous me verrez digne d’excuses pour le retard que j’ai mis à vous répondre.] Je respondray briefvement au contenu de vos dernières, au commencement desquelles est inséré le tesmoignage du respect qu’on rend à la mémoire de la dicte Pucelle et à ceux qui sont descendus de sa parenté et ligne féminine. Et c’est la response à ce que je vous ay escry en la fin de mes premières. Sur le milieu aussy desquelles faictes mention de Monsieur de Tournebus et de Monsieur Feron32, qui sont contenus en l’arbre de généalogie qu’il vous a pleu m’envoyer, dont vous remercie bien humblement et dont pourrons, Dieu aydant, quelque jour discourir.

Touchant le double que faictes de la dicte Hauvy, ma bisayeulle, je vous supplie de croire qu’il est très bien vérifié, qu’elle est fille de Pierre Darc, troisiesme frère de la dicte Pucelle, et non de Jean Darc, prévost de Vaucouleurs, et de ce vous en jure en homme d’honneur. Et si, pour preuve de ce, Monsieur le grand doyen de Toul, mon cousin, avelet [petit-fils] de la dicte Hauvy, m’a dict et asseuré qu’il mettrait, si besoing estoit, sa teste 30sur un bloc pour estre coupée, desquels termes il a usé, et pour sa grande preudhomie et fidelité, fais autant d’estat d’un tel tesmoing, qui est omni exceptione major [au-dessus de tout soupçon], que si plusieurs autres en déposaient. Et sy le dict sieur Doyen et autres m’ont assuré le dict Pierre avoir esté marié en Lorraine, c’est à sçavoir en un village proche de Toul, appelé Buré33 ; de sorte qu’il faut inférer nécessairement que, puisqu’il appert qu’il a été résident en France avec femme et enfants, ou qu’il a mesné en France la femme qu’il avoit prise en Lorraine, dont est sortie la dicte Hauvy qui demeura en Lorraine et fut mariée au dict feu Estienne Hordal, et que messieurs vos defuncts prédécesseurs en sont descendus, ou bien que la mère de la dicte Hauvy estant morte, le dict Pierre auroit convolé, en France, à de secondes noces, dont messieurs vos prédécesseurs sont extraicts seulement. D’une chose pouvons-nous estre assurés, qu’estes descendus du dict Pierre en ligne masculine, et nous en ligne féminine, et crois en ma conscience estre chose très véritable. Au surplus, estant dernièrement à Metz, je trouvay en la bibliothèque d’un de mes amys les Mémoires du sieur du Tillet34, et en la vie de Charles 7, mention est faite de la dicte Pucelle, et sa mère est appelée Isabeau de Vouthon, et non Romée35, ce que n’avois encore remarqué 31et qui est pour respondre à un de vos premiers mémoires. Semblablement au dict lieu de Metz, m’informant de feu Monsr Pinguet36, dont m’avez escry, je trouvay sa tombe tout proche de la porte du chœur de l’esglise de St-Estienne, qui est de cuivre et bien gravée, avec 4 vers :

Martinus Pinguet sensu mirandus et annis37, etc.

[Martin Pinguet, admirable tant pour son bon sens que par son grand âge, etc.]

Il est aussy peint en deux lieux des vitres de la dicte Esglise, et ayant rencontré Monsr le Prévost de St-Thibault de Metz, qui a cognoissance de la vie du dict Pinguet, le priay qu’estant à Paris, où il devoit aller bientost, il vous allast voir de ma part pour vous desclairer ce qu’il sçavoit du dict Pinguet, duquel je me souvenois avoir leu quelque chose. Mais pour avoir donné le livre où j’avois veu une description d’une partie de sa vie, j’en doutois aucunement, et voilà pour quoy ne vous escry rien pour lors. Du depuis j’ay descouvert l’autheur du dict livre, qui est Wassebourg38, archidiacre de Verdun, aux Antiquités de la Gaule Belgique, dedans lequel est à sçavoir au livre 7, fol. 539 et seqq., vous voirez merveilles du dit Pinguet, qui est dit estre Poitevin…

Finablement, je vous rends mil et mil remerciements de l’honneur et bonnes offres qu’il vous a plu me faire par vos dernières, de vouloir assister mon fils aisné (à présent jésuiste), au cas qu’il voulust 32estudier en théologie ou en médecine. Mon dessein estoit, dans deux ans, iceluy ayant estudié aux lois et pris son degré, le conduire à Paris pour hanter le barreau et jouyr de vostre honorable compagnie, s’il vous eust pleu, et de faire suyvre aussy mon second fils, pour, avec votre faveur, le mettre avec quelques gentilshommes de Normandie de nos alliez, veu qu’il n’estoit né aux lettres, ayns plus fort aux armes ; mais il a pleu à Dieu d’en disposer autrement, à quoy nous ne pouvons penser, ma femme et moy, sans un resentiment et regret inénarrable. Ce néantmoins nous nous conformons à la volonté de Dieu, qui sçait ce qui nous est nécessaire. Et sy depuis la mort de mon dict fils, ay sceu d’un P. capucin, mien amy, iceluy avoir pris resolution (tant il avoit appréhention des jugements de Dieu) d’estre des leurs, bien qu’il fît le fendant [se faire passer pour brave] à la ville et aux champs, où il alloit souvent : et estoit doué d’une grande force et agilité, de laquelle ayant abuzé en traversant plusieurs fois à nage nostre fleuve de Moselle en temps mal propre, il fut surpris d’une fièvre et dissenterie dont il mourut, nonobstant le bon soing que nous avions de le garantir avec l’ayde de Dieu et l’assistance de plusieurs médecins et apothicaires. Que s’il fût revenu en santé et qu’il eust entré en la Religion des Capucins, n’eusse esté si mal content, (les 33capucins ne prétendant aucunement à la succession de leurs parents) comme j’ay esté pour rentrée de mon aysné aux Jesuistes, qui ne veullent seulement avoir les enfants des gents d’honneur, mais aussy leurs biens. De quoy me suis assuré de plusieurs de ces quartiers icy. Pour mon regard, je tascheray d’y mettre ordre, eu esgard qu’ay encore, par la grâce de Dieu, trois petits fils39 ; le premier desquels n’a que huict ans, le second six, et le troisième trois mois, avec une fille de 9 ans et demy, reste d’unze enfans, auxquels le bien de leur frère appartiendra, puisqu’il ne pourra les assister, comme il devroit et pourroit s’il fût demeuré au monde. Ce qu’ay desclaré assés souvent, mesme en la présence du Provincial des Jésuistes, auquel je dis ma volonté estre de priver mon fils de tous mes biens, veu que contre ma volonté il estoit entré en leur compagnie. Et comme il m’eust demandé si je pourrois estre si cruel, je respondis qu’il n’y avoit pas en cela de cruauté, veu la désobéissance de mon fils et son ingratitude en mon endroict ; et que j’avois d’autres enfants qu’il falloit advancer et nourrir aux estudes, et que les Jésuistes estoient riches et opulents, comme ils sont en ces quartiers icy40, et plus qu’on ne pense, et y on, tel crédit qu’il fault temporiser.

J’ay entendu que le roy a pourveu et ordonné 34sagement à son accoustumé sur ces biens et successions que prétendent ceux qui se font jésuistes. Je vous prie me faire avoir copie de telles ordonnances à votre commodité. Et encor que sois privé de l’espérance que j’avois d’aller en France avec les deux premiers des miens, sy néantmoins je serois marry de mourir que ne vous aye veu, honoré, caressé, embrassé, et Monsieur de Roully et autres de notre parenté, qui se présenteront, avec autant de sincérité et d’affection cordiale qu’il y en puisse avoir entre frères germains bien nés et d’amitiés entières. Et ce, dans un an et demy ou environ, lorsque j’auray, Dieu aydant, esbauché ou parachevé la description de l’histoire de la Pucelle, ne voulant rien du tout, pour ce subject, mettre en lumière, que de vostre advis et approbation. Que si l’occasion se présentoit de nous visiter en ces quartiers, je vous recevray d’aussy bon cœur que pourriez souhaiter et de telle sorte que vostre honnesteté en auroit contentement. Et si telle félicité m’arrivoit, renovaretur juventus nostra ut aquilæ [notre jeunesse serait renouvelée, comme celle de l’aigle (cf. Psaume 102:5)].

Vous baizant les mains et à Mademoizelle vostre femme, à Monsieur votre fils, à Monsieur le conseiller, à Mademoiselle vostre fille et à tous autres qui nous peuvent assurément appartenir, comme aussy faict ma femme, et d’aussy bon cœur que desire vivre et mourir en vos bonnes 35grâces, et que suis, Monsieur, vostre très humble et très affectionné serviteur et parent.

Hordal.

De notre maison de Pont-à-Mousson, le 25 de mars 1610.

Autre lettre, du même au même
du 2 avril 1611

Monsieur,

Pour vallablement m’excuser d’avoir tant tardé à vous rescrire, je vous prieroy de croire que depuis plusieurs mois n’ay cessé, aux heures qu’ay peu desrober à l’exercice de ma charge et à plusieurs autres affaires qu’ay ordinairement, de rechercher auprès d’une infinité de bons autheurs, jour et nuict, et non seulement en ceste ville, mais en d’autres, ce qui peut appartenir à l’histoire de la vertueuse Pucelle d’Orléans41, nostre bonne parente. Et à rayson de mes peines, veilles et travaux, et pour avoir négligé tout exercice 36corporel, j’ay esté longuement mal disposé. J’ay de la dicte histoire 25 feuilles, esquelles en adjouteroy encore plusieurs d’autres, Dieu aydant ; le tout à l’honneur et grandes louanges d’icelle Pucelle et pour monstrer l’injustice, la tyrannie et cruauté des Anglois. Je confirme le tout par l’authorité, non seulement des François et Lorrains, mais des Italiens, Espagnols, Allemands, Anglois, Escossois, Polonois, Grecs, Flamands, Bourguignons, Piedmontois et autres. Entre lesquels il y a Pape, Cardinal, Archevesque, Evesque, plusieurs Prélats, Docteurs en théologie, Chanceliers, bons et doctes religieux et prestres et autres théologiens, jurisconsultes et médecins, poëtes et plusieurs historiens, les propos desquels je couche, ad longum, sine requie [longuement et sans relâche], comme l’on dit communément, pour ce qui touche la dicte histoire.

J’insère aussy la cause de la guerre des Anglois contre les François et fais mention assez ample de la loy salique excluant les femmes et leurs descendants du Royaume de France, et ce à propos de l’histoire que traicte. Je n’obmets la justification de la dicte Pucelle et vice coronidis [à titre de conclusion], sur la fin, j’adjouteroy une apologie pour la dicte Pucelle contre tous ses détracteurs, au moyen de quoy j’aurois besoing de veoir une copie de l’apologie Domini Eliæ episcopi Petrogoricensis pro 37Joanna42 [de Monseigneur Élie de Bourdeilles, évêque de Périgueux en faveur de Jeanne], qui est en la Saincte Chapelle de Paris, comme ay remarqué en un mémoire que m’avés envoyé. Je désire grandement vous communiquer la dicte histoire et la soubmettre à vostre censure. Je voudrois qu’elle vous soit autant aggréable que le souhaitte, l’ayant entrepris selon vostre volonté et pour vostre contentement, et pour agréer à Messieurs de nostre parenté qui sont en Normandie : que si la dicte histoire paroit aggréable, la rayson voudra que pour l’impression et autres frays, iceuxy contribuent, s’il leur plaist, qui seront du parenté, et qui en auront des copies, selon que m’en avés escry par autres fois. D’une chose je me doubte, que dirés qu’en la dicte histoire manque la généalogie de la dicte Pucelle. Mais de ce dernier point, comme de tous autres qu’il vous plaira, en pourons discourir, Dieu aydant, au prochain mois d’aoust à Paris : si ce n’est que les troubles, maladies ou autres empeschements et occasions m’en détournent. Que si je suis empesché d’aller à Paris au dict temps, la dicte histoire sera mise au croc [abandonnée], sans espérance de la faire imprimer que ne l’ayés advoué. Au surplus, je serois fort ayse de sçavoir par vostre moyen de Messieurs les chanoines de Beauvay la vie, les mœurs et la mort de Pierre Cochon, leur évesque43, qui condamna injustement nostre saincte parente, pour luy en donner quelque atteinte 38selon ses desmérites et à l’exemple d’autres : si ce n’est qu’il soit dict : mortuo non esse detrahendum [qu’il ne faut pas dire du mal d’un mort] : lequel Cochon j’ay leu avoir esté excommunié pour son injustice par le Pape Calixte, en la Description de la France, faicte par le sieur des Rues44, parlant de la fondation de Compiègne, fol. 174.

Et d’autant que par vos pénultiesmes me priés d’uzer mutuellement d’une liberté entière et sans cérémonies, je vous diray que Monsieur le grand doyen de l’Eglise de Toul, mon cousin, personnage vénérable et véritable, aagé de 80 ans ou environ, et trois autres miens cousins, chanoines au dict Toul, et moy, sommes grandement estonnés et extrêmement marrys que révoquiés en doute que soyons sortis de Hauvy, fille de Pierre d’Arc, troisiesme frère de la dicte Pucelle : et laquelle Hauvy fut mariée à Estienne Hordal, desquels sommes descendus, comme souvent vous ay escry. Veu que ce est la mesme vérité que cela et que vous en ay juré en homme d’honneur par mes dernières. Une fois pour toutes, proteste devant Dieu, que receus avanthier faisant mes Pasques, par sa saincte grâce et miséricorde, et jure sur la damnation de mon âme que ce que vous ay escry de nostre extraction de la dicte Hauvy, fille de Pierre d’Arc, et d’Estienne Hordal (que Dieu absolve), dont nous sommes descendus 39en légitime mariage, est selon ma conscience et la tradition que nous en avons eue, indubitablement de nos prédécesseurs, et comme je prétends l’avoir vérifié par l’enqueste qui en a esté faicte, lorsqu’obtins de feu Son Altesse de Lorraine, d’heureuse mémoire45, déclaration d’ancienne noblesse46, avec permission de porter les armoiries de la dicte Pucelle. Et n’eusse jamais obtenu la dicte permission, si je n’eusse faict paroistre les Hordals estre du parenté de ladicte Pucelle, c’est à sçavoir descendus du 3e frère d’icelle, qui eut une fille appelée Hauvy, mariée au dict Estienne Hordal, à Buré proche de Vaucouleurs.

Et bien que le dict Pierre ayt esté en France avec sa sœur, tant avant sa mort qu’après, vous escrivis, et c’est la vérité, ne s’ensuit pas qu’il n’aye pas esté marié en Lorraine et qu’ayant eu la dicte Hauvy qui auroit demeuré en Lorraine, il ne s’en soit allé en France avec sa femme ; aussy ne designés vous pas qu’il se soit marié en France. Que si il s’y est marié, la mère de Hauvy estant morte, il faut conclure que Messieurs du Lis sont descendus du second mariage du dict Pierre en ligne masculine et les Hordal du premier mariage en ligne féminine. En somme, il conste que le dict Pierre a esté marié au dict Buré, soit devant la mort de la Pucelle, soit après. Et de faict, entre la dicte mort et justification de la dicte 40Pucelle il y a eu 25 ans, pendant lesquels il auroit peu se marier en Lorraine ; car un mariage est bientost faict et consommé. Et depuis, sa première femme estant morte en Lorraine, en auroit espousé une autre en France, dont estes descendus, comme je vous ay escry en mes dernières. Et comme depuis quelques mois avois prié un mien amy, homme d’honneur et d’authorité et de grand sçavoir, de s’informer à Vaucouleurs de la généalogie des frères de la Pucelle et spécialement de Pierre, son 3e frère, il luy fut rendu par plusieurs personnes qualifiées qu’il n’y avoit personne en Lorraine qui en sceut plus que moy à rayson de l’enqueste qui en avoit esté faicte à ma poursuite et à mes frays. Et sy vous asseure que depuis 4 ou 5 mois un gentilhomme de ces quartiers, mon amy, m’a envoyé une copie semblable aux trois que m’avez envoyées47 et m’escrivoit qu’il s’estonnoit que nous y estions obmis. Le mesme m’a esté dict par un mien amy de robe longue et qu’il vous en falloit advertir pour y remédier, iceux estimants que ne vous en avois escry. Pour mon regard, il n’y a pas d’intérest pour la Lorraine, à cause que suys bien cogneu estre du parenté de la Pucelle par le moyen de son 3e frère et de sa niepse Hauvy, mariée à Estienne Hordal, comme j’en ay des patentes expresses avec le grand sceau de feue sa dicte Altesse de 41Lorraine, mais eu esgard à Messieurs de nostre parenté de Normandie, qui estimeront qu’en Lorraine il n’y a d’autres parents48 de la Pucelle que ceux qui sont contenus en l’extraction qu’en avés dressée et que leur avés envoyée, comme il appert par les lettres de Monsieur de Troismonts49, si ce n’est qu’il vous plaise y remédier, si tant estoit que changiez quelque chose en la dicte extraction, y adjoutant ou diminuant. Ce que, s’il advenoit, pourriés mettre, s’il vous plaist, et avec vérité et conscience (car autrement je ne parleroy ny escriroy jamais ; contra quam conscientiam qui facit, ædificat ad gehennam : cap. lras de rest. spol. [quiconque agit contre sa conscience édifie en vue de la géhenne, cf. chapitre literas / lettres, de restitutione spoliorum / la restitution des biens spoliés.]) : que du mariage du dict Pierre d’Arc, contracté à Duré proche de Vaucouleurs, il y auroit eu une fille nommée Hauvy qui auroit esté mariée à Estienne Hordal, duquel mariage sont issus ceux qui en Lorraine se sont appelés Hordal, ou sont extraits de femmes portant le nom de Hordal. Ce que vous asseure sur les mesmes protestations et serments que vous ay escry cy dessus, que si cela estoit faulx ne voudrois faire telle protestation et serment pour tous les empires et royaumes qui sont au monde. Au demeurant, puisque me conjurés d’adjouter ou changer ce que je trouveray pertinent à l’extraction qu’avés faict imprimer, bien que j’aymerois mieux verbis dictis et scriptis adstipulari et suffragari quam adversari 42seu refragari [tant par la parole que par l’écrit, adhérer et appuyer plutôt que m’opposer ou combattre], toutefois, pour vous satisfaire, je vous envoie une copie où j’ay adjouté ce qu’ay trouvé bon (sauf meilleur advis) pour le présent.

Touchant les autres points de vos lettres, j’y répondray quelque autre fois, ne pouvant pour le présent, faute de loysir, et non de très bonne volonté en vostre endroit, vous remerciant, au reste, de toutes vos offres honorables et courtoysies, me réservant de vous en rendre actions de grâces plus amples, lorsque j’auray l’honneur et le bonheur de jouyr de vostre présence, et d’aussy bon cœur que vous baize très humblement les mains, à Mademoiselle vostre femme, à Monsieur vostre fils, Monsieur le Conseiller, à Mademoiselle vostre fille, à Monsieur de Roully et tous autres du parentage, et que suis, Monsieur, votre très humble et très affectionné serviteur et parent,

Hordal.

De nostre maison au Pont-à-Mousson, ce 2 d’Apvril 1611.

P. S. M. le R. P. Chastelier, docte Jésuiste mien amy, chancelier de l’Université du Pont-à-Mousson, s’est bien voulu charger des présentes pour me faire playsir et avoir occasion de vous aller faire la révérence et vous saluer de ma part. Finablement, je suis fort ayse que les lettres qu’ay envoyées à M. de la Saussaye luy soient 43esté agréables. Par sa réponse, que j’ay reçue par le moyen de vostre grâce, il m’escrit en ces termes :

Hoc vero dicam nihil mihi accuratius visum quam ita te accurate ad me de gentili vestra Johanna puella Franciæ rescripsisse. Litteras tuas mihi reddidit D. du Lys quas ita facio ut pluris nullas. Interea vero dum annales ecclesiæ nostræ refero, meminero suo loco tibi gratias referre de tuo munere singulari. [Ce que j’en dirai, c’est que rien ne m’a paru plus soigné que ta réponse écrite si soigneusement au sujet de votre compatriote Jeanne, la Pucelle de France. Monsieur du Lys m’a remis tes lettres, que j’estime plus que toutes autres. Je travaille en ce moment aux annales de notre église, sache que je n’oublierai pas de t’y remercier pour ta contribution exceptionnelle.] Et ajoute : Si quid præterea fueris nactus quod faciat ad rerum Aurelianarum historiam, cujus ad te mitto tabellam, rem mihi gratissimam feceris si me admonueris. Vale, nobilissime doctor, et me laboresque meos complectare. [Si tu trouvais quelque autre élément pour compléter mon histoire d’Orléans, dont je t’envoie une ébauche, tu me rendrais un précieux service en me le signalant.]

Je désirerais luy satisfaire en cela et en toutes autres choses, mais, pour le présent, il n’y a moyen, que n’aye du tout paraschevé l’histoire qu’ay entreprise, vous suppliant à vostre commodité luy présenter mes recommandations et l’asseurer que je luy suis fort affectionné serviteur. Je vous renvoye aussi, selon vos lettres, les extraits de la Chambre des comptes.

44Lettre de Claude du Lys à Charles du Lys
du 12 août 1609

Monsieur,

Ayant eheu communication par les mains de Monsieur du Puits d’un mémoire venant de vostre part, touchant la généalogie de la Pucelle, dont je suis descendu, j’ay par iceluy recogneu, Monsieur, l’honneur que j’ay de vous appartenir, et en ceste considération beaucoup regretté d’en avoir ignoré le bien, en quinze ou seize mois de séjour que j’ay fait à Paris, où j’eusse réputé à faveur singulière de pouvoir en personne vous offrir les vœux de mon bien humble service, lesquels je vous supplie très-humblement recepvoir autant agréables que ces lignes, comme dextreusement ils partent du mieux de mes plus sincères affections. Pour donc contribuer au contentement que souhaités en cette affaire, j’ai recueilly les fragments que le vice des guerres assidues en nostre pays de frontières n’avoit desrobé à la tradition de mes ancestres, lesquels néanmoins, 45pour avoir de tout temps esté recogneus directement extraicts de ceste famille, jouy sans controverse des honneurs et prérogatives à elle concédées, et habité les lieux et maisons dont ladicte Pucelle estoit issue, ont apporté moins de curiosité à contenter les desirs de leur postérité en la notice de leur estat qu’il ne suffisoit à vous apporter une entière satisfaction. Quant aux père, mère et frère de la Pucelle, leurs noms et acheminement en France en la compagnie d’icelle leur sœur, nous en avons toute telle croyance que porte vostre susdit mémoire, ce que nous justifie un volume escrit à la main à nous laissé par tradition et en idiôme latin50, dans lequel sont recueillis à la diligence de Jehan, frère d’icelle la Pucelle, duquel nous sommes issus, les deux procédures intentées, tant l’encontre d’elle à la poursuite des Anglois pardevant l’évesque de Beauvais, et avant à cour de justice, que autre de révision poursuyvie à la diligence de Isabelle, mère, assistée de Jean et Pierre, ses enfants, frères de la dte Pucelle, le tout extraict des registres et caysiers originaux des ressorts où sont esté faictes les poursuyttes, et le volume estant in secundo espais de quatre doigts, ou, tant par la déposition de plusieurs tesmoings, ouys des lieux mesmes de la naissance, que responses émises par elle, faictes aux interrogata qu’elle a subi, l’on 46collige une véritable certitude de son estre, ses mouvements à ses entreprises, ses progrès aux armes, sa fin, l’iniquité du jugement contre elle rendu, par l’arrest subséquent donné à sa justification par les délégués de Sa Saincteté à la révision de son procès. Touchant ce qui concerne le séjour de Pierre et Jacques ou Jacquemin en France53 et establissement de leur demeure en aucunes provinces d’icelle, notamment en Normandie, nous l’avons de tout temps sceu ; mesmes aucuns gentilshommes descendus du dict Jacques53 ont esté dans le pays et fait honneur à maints des nostres de les visiter et recognoistre à parents : comme j’ay sceu par plusieurs personnes encore vivantes, et même d’une mienne tante résidant pour lors au lieu de Domremy51 ; lesquels sieurs, nommés de Mondreville et de Féron52, laissèrent de leurs mains mémoire de leur résidence, que j’ai bien icy voulu rapporter, afin que la cognoissance d’iceux (si tant est que ne l’ayiez) vous peust donner plus ample notion de ce que desirés ; le mémoire en ces mots : Le nom du seigneur parent de la Pucelle est Lucas du Chemin, sr du Féron, de Mesny-Guillaume, Pommelly, la Haule, Brécy et Bonneuille. La residence du dit sr est à Caen, en Normandie ; l’un des oncles dudit sr qui est porteur de la charte s’appelle le baron de Tornebus, recepveur des tailles pour le roy au dt pays, et son nom 47est Robert Le Fournier. L’autre, son frère de père et de mère, s’appelle Charles Fournier, lieut. général du vicomté de Caen, tous deux frères, enfants de feu Jacques Fournier et de feu Marie de Villebresmes, venue d’Orléans demeurer à Caen. Et a eu icelle Marie plusieurs filles, sçavoir : Françoise, Marie, Charlotte, Jehanne et Barbe, et d’icelle Jehanne est issu le dict sr de Feron.

Qu’est la teneur entière du dt mémoire, par lequel il est facile de savoir quelle parenté a laissé le dit Jacques53 ou Jehan, tronc de nostre famille. Soit ou qu’il n’ait si largement ressenti les fruits de la bonne fortune et de la faveur, ou que la mesme fortune ait plus grassement distribué ses dons au progrès de la maison, comme la vertu en avoit dignement eslevé le principe, a laissé à ses successeurs moins de biens que d’honneur, assés néantmoins pour maintenir en nostre branche le rang que le mérite de la sœur nous avoit acquis, qui nous a tousjours esté afféré aux lieux où ceux de nostre famille ont residé, tant en France qu’en Lorraine. Aussy avons-nous la charte d’anoblissement, pour nous extraicte de l’original par notaire de la ville d’Orléans, à la diligence de nos prédécesseurs, en l’année mil quatre cent soixante et douze, en laquelle, conformément à un vieil mémoire que j’ay recouvert de nostre descente, elle est nommée Jeanne Day54, auquel 48mot a esté, par la corruption du langage (lequel est assés grossier en nostre climat), adjouté une ou deux l, en sorte que les uns se sont nommés Daly par une l simple, les autres deux l : Dally ; erreur en ce cas émanée (à mon advis) du peu de curiosité qu’ils ont eue à en observer l’orthographe, ayant tous esté gens de guerre, sans cognoissance des lettres, fors ung, lequel, ayant esté prostré, curé de Domremy, j’ay trouvé en quelques lettres d’acquits par luy faicts qu’il se nomme du Lys, et de faict m’a-t-on affirmé avoir veu aucuns siens escrits latins, ès quels il se nommoit Claudius a Lilio55 [Claude du Lys], ce qui donne quelque vraisemblance à l’opinion que rapportés en vostre mémoire de Daily à du Lys. Jean Day, donc, frère de la Pucelle, ainsy que dient les anciens mémoires que j’ay recouverts (la disgrâce des troubles nous ayant apporté la perte de tous nos titres), laissa Anne et Didon Day, ses filles, en outre desquelles laissa messire Claude Daly ou du Lys, prestre curé de Domremy, et Didier Daly, gendarme de la compagnie de M. de Guise. Ledit Didier laissa 4 fils et 5 filles : Claude, Anthoine, Nicolas, François, et duquel Anthoine, lieut. de l’artillerie de Son Altesse de Lorraine, je suis issu. Quant aux armes, bien que les lettres d’octroy ne se trouvent, néantmoins les avons nous tousjours portées en la 49mesme sorte que vostre mémoire les dépeint, à tymbre ouvert et grillé, et ainsy se voient elles en plusieurs endroits, mesme en l’esglise Saint-Georges de Nancy56, ville capitale du duché de Lorraine, sur la sépulture d’un mien oncle, decedé au dit Nancy, estant enseigne de feu Monsr le Cte de Salm57, son maistre d’hôtel et capne de ses arquebusiers à cheval. Plusieurs personnes dans le pays ont souhaité de se faire croire descendans de ceste maison, entre autres M. Hordal, professeur de droit en l’université du Pont-à-Mousson, et ce Jehan Royer58 duquel votre mémoire fait mention. Mais ce n’a esté que par l’alliance qu’ils ont eue en la famille59, en laquelle ne restoit plus de masles, synon un mien frère aimé, marié en Lorraine, à la fille du lieutt des gardes de Son Altesse, et moy, qui me suis habitué au lieu de Vaucouleur. L’ung et l’autre égaux en l’extremité d’ung très affectionné désir de vous tesmoigner combien nous est grand l’honneur de vous appartenir, lequel nous accompagnerons de tant de vœux à l’occasion qu’elle nous fournira quelque sujet condigne à mériter la qualité de, Monsieur, votre humble serviteur,

C. Dally.

À Veaucouleurs, ce 12 d’Aoust 1609.

50Autre lettre, du même au même
du 13 mars 1611

Monsieur,

Je m’estois cest hyver promis l’honneur de vous baizer les mains, sous la résolution d’un volage que j’avois dessaigné faire en ceste ville de Paris, et m’estois sous ce respect dispensé de vous satisfaire en l’éclaircissement que desiriés au subjet de la généalogie de nostre devancière, la Pucelle. Mais en ce dessein l’opportunité n’ayant satisfait à mon désir, je croirois faire tort au devoir que je vous doibs sy au moins je ne recherchois les occasions de vous itérer par mes lettres les protestations de mon humble service.

C’est la vérité, Monsieur, que le peu de curiosité de mes devanciers à laisser quelques monuments par escrit de l’entresuytte de leur naissance me donne le regret de ne pouvoir à souhait et conformément a ce qu’avés dignement remarqué de notre descente, vous figurer en détail les degrés de la nostre, bien recogneus, Dieu mercy, 51pour estre telle que l’avés estimée, sçavoir descendus de Jehan, frère de la Pucelle ; laquelle certitude, jointe à la négligence de mes prédécesseurs, leur a fait (comme je croy) obmettre ce qui m’eût beaucoup contenté, qui est de vous en avoir laissé des enseignements plus particuliers, et s’estre satisfait en l’approbation qu’ils y ont constamment recogneue, sans jamais leur avoir esté revoqués en doubte soit d’estre tels, ou empeschés en la jouyssance octroyée aux descendants d’icelle. Je vous eusse envoyé une coppie dudit privilège qui est entre mes mains si je n’eusse esté certain qu’en avés tout tel que je le sçaurois avoir. Seulement vous suppliay-je bien humblement que si nous recepvons l’honneur d’estre jugés de vous tels qu’un chascun nous estime, descendus de la ditte Pucelle et par conséquent vos alliés, vous recepviés agréables les vœux de toute nostre maison, lesquels, par mon organe, elle jure à l’honneur de la vostre pour lui estre éternellement servante, et en mon particulier je desire devancer tous les autres, au tesmoignage de mon très affectionné service. J’ay receu du desplaisir que l’on m’ait faict rapport qu’un vautnéant [vaurien] (soubs vostre respect) se soit advouè des nostres pour mendier le port de vostre assistance en quelques siennes affaires. Je vous supplie croire que ceux qui ont l’honneur de 52vous appartenir en nostre climat sont personnes d’autre estoffe : non que je voulusse dedaigner à parent un homme de bien pour pauvre qu’il fût, mais cestui-ci ne fut jamais ni en effet ni par croyance tel, ce qui m’oblige, après en estre plus à plein informé, à punir son outrecuidance, comme, Dieu aydant, je feray, et vous supplieray, n’adjoutés foy à plusieurs qui, soubs le bénéfice qu’ils recepvroient de la libérale communication que daignés faire de vostre authorité à tous ceux qui se disent tels, vous pourraient indiscrétement aborder et vous apporter de l’importunité. Et que lorsque l’occasion rendra nécessaire à quelques uns de nous l’entremise de vostre faveur, je l’accompagneray de mes humbles prières, qui vous seront ostages au ressentiment que je debvray à vos bons offices, lesquels, bien qu’ils soient desjà tels en mon endroit que mes services ne les puissent égaler, je surchargeray encore de cest aultre qui sera, s’il vous plaist, de croire que je demeureray éternellement, Monsieur, votre très humble serviteur et parent.

C. Dally.

Veaucouleurs, ce de mars 1611.

53Notes et éclaircissements

Anciennes armes des d’Arc, conservées par Jacquemin du Lys, et Jean du Lys, échevin d’Arras (La famille de Jeanne d’Arc, Bouteiller et Braux, 1878)
54Anciennes armes des d’Arc, conservées par Jacquemin du Lys, et Jean du Lys, échevin d’Arras.
La famille de Jeanne d’Arc (Bouteiller et Braux, 1878) vignette Éclaircissements

55Page 15, ligne 17
Éloy Gibier…

Éloy Gibier est mentionné, dès 1553, dans un registre des recettes du chapitre de Saint-Pierre-le-Puellier d’Orléans, à cause d’une rente de quarante sous tournois, payée par lui audit chapitre pour une maison, sise rue du Colombier, que sans doute il habitait. Il est dit en 1558, sur les mêmes registres, époux de Marie Aignan. Gibier est, avec Saturnin Hottot, celui des libraires d’Orléans du XVIe siècle dont il nous est resté le plus de productions. Sa marque ne paraît au frontispice de ses livres que vers 1565 ; elle offre, dans un ovale, le prelum, avec cette devise : In sudore vultus tui vesceris pane tuo. [Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front (Genèse 3:19).]

Page 16, ligne 1
Joannæ Darciæ…

Le Discours des antiquités d’Orléans, par L. Tripault, qui fait partie des diverses éditions de l’Histoire et Discours au vray… du même auteur (vide infra), avait d’abord été imprimé séparément. Orléans, 1573, in-8°. L’auteur de cet opuscule a également publié à Orléans, chez Éloy Gibier, en 1583, un petit volume in-8° intitulé : Joannæ Darciæ obsidionis Aurelianæ liberatricis res gestæ, 56imago et judicium, cum versione gallica (avec les faict, pourtraict et jugement) [Jeanne d’Arc, libératrice du siège d’Orléans : ses exploits, son portrait, son procès, avec version française].

Page 16, ligne 4
Olyvier Boynard…

Rien ne prouve que Boynard ait été imprimeur. Les actes et les livres qui portent son nom ne lui donnent au contraire que le titre de libraire. Il épousa Jeanne Giraud le 23 septembre 1576 et mourut le 26 septembre 1619. Il maria l’une de ses filles au libraire Jean Nyon, qui fut associé quelque temps avec lui.

Sa marque représente un personnage agenouillé devant un calvaire et porte à l’entour la légende : Adoramus te christe et benedicimus tibi quia per sanctam crucem redemisti mundum. [Nous t’adorons, ô Christ, et nous te bénissons, car par ta sainte Croix tu as racheté le monde.]

Page 16, ligne 7
Histoire et discours au vray…

L’Histoire et discours au vray du siège qui fut mis deuant la ville d’Orléans par les Anglais, le mardi 12e jour d’octobre 1428, régnant alors Charles VII, auec la venue de Jeanne la Pucelle, et comment, par grace divine et force d’armes, elle fist lever le siège de deuant aux Anglais : prise de mot à mot d’un vieil exemplaire escript à la main, en parchemin, et trouvé en la maison de ladicte ville d’Orléans. Plus un Écho contenant les singularités de ladicte ville, par Léon Tripault (éditeur de ce livre). Orléans, Saturny Hottot, 1576, pet. in-4° de 4 et 50 ff.

Cet ouvrage est intéressant et très-recherché. Il est fort rare dans l’édition de 1576.

Il fut reproduit dans une forme différente et avec quelques additions trente ans plus tard.

Histoire et discours au vray… (ut supra), et en cette édition a été adjoustée la harangue du roy Charles VII à ses gens et celle de la Pucelle au roy, auec la continuation de son histoire jusqu’à sa mort ; ensemble le jugement contre elle donné par les Anglois à Rouen, rescindé par le conseil privé du roy ; avec les antiquités de ladite ville 57d’Orléans, — Orléans, Olivier Boynard et Jean Nyon, 1606, pet, in-8° de 5 ff. préliminaires, y compris le frontispice gravé par L. Gaultier, et 216 p.

Cette édition a été fidèlement reproduite à Orléans, en 1855 ; in-18, par Alexandre Jacob.

L’Histoire et discours au vray avait déjà été réimprimée :

  1. Revue et augmentée de nouveau outre les précédentes impressions. Orléans, Olyvier Boynard et Jean Nyon, 1611, in-12 ;
  2. Sous le titre de :

    La Vie et déplorable mort de la Pucelle d’Orléans, contenant l’histoire du siège d’Orléans par les Anglais, tirée d’un manuscrit. Lyon, 1619, in-12 ;

  3. A Orléans, chez Saturnin Otto, 1621, in-12 ; feuillets non chiffrés ; sign. A.-N. On y trouve quelquefois une grande planche intitulée : Vray pourtraict de la ville d’Orléans ;
  4. Sous le titre de :

    Jeanne d’Arc, native de Vaucouleur,en Lorraine, dite la Pucelle d’Orléans. Orléans, Louis Foucault, 1621.

    Au verso du dernier feuillet, on lit : Achevé d’imprimer le 15 juillet 1622, en la maison d’Edme Briden, à Troyes ; pet. in-8° de 28 ff. et 199 p. chiffrées.

Page 16, ligne 12
… exceptée l’histoire en français…

Le livre dont Hordal parle ici est la première édition de l’Histoire et discours au vray…, citée ci-dessus. Il est déjà en possession de l’édition de 1600, qui est, d’ailleurs, plus complète. C’est donc simplement un desideratum de bibliophile qu’il énonce.

Page 16, ligne 17
… la curieuse recherche qu’ay faicte…

Il est question ici du livre latin composé par J. Hordal, sur l’histoire et pour la glorification de Jeanne d’Arc, qui devait paraître quatre ans plus tard sous le titre de : Heroinæ Nobilissimæ… historia. Il résulte des indications contenues dans les lettres suivantes, que l’auteur en était 58encore en ce moment à une élaboration assez éloignée de la mise en œuvre, et qu’il était même incertain s’il le ferait paraître, quelque peine qu’il eût prise à le composer. Nous en reparlerons en son temps.

Page 16, ligne 24
… aynsi qu’ils l’ont déposé…

Voir, aux Preuves du chapitre III, l’enquête ouverte, sur la demande de Jean Hordal, les 8 juin et jours suivants de l’année 1596, par Balthazar Crok, poursuivant d’armes de Lorraine, pour établir les preuves de sa parenté avec la Pucelle, enquête où l’on voit figurer dame Isabeau Albert, veuve d’Antoine du Lys, ainsi que ses belles-sœurs, et divers autres membres de la famille.

Page 16, ligne 26
Monsieur le grand doyen de Toul…

Étienne Hordal, grand doyen de la cathédrale de Toul, né en 1529, était fils de Jean Hordal, auteur de la branche établie à Toul, oncle, à la mode de Bretagne, de notre Jean Hordal ; il était de sa part l’objet d’une vénération bien justifiée. Tout le monde, en effet, le considérait comme un ecclésiastique du plus haut mérite dans le diocèse, où sa piété l’avait porté à fonder plusieurs chapelles en l’honneur de la sainte Vierge. Il mourut en 1613, âgé de 84 ans, et, de même qu’il avait succédé, en 1569, à son oncle Claude Hordal en qualité de grand doyen, il eut pour successeur son neveu Étienne Hordal, qui remplit ces éminentes fonctions jusqu’en 1636.

Page 17, ligne 16
la déposition du comte de Dunois…

Les souvenirs de Hordal ne sont pas exacts. Il n’est question dans la déposition de Dunois que d’Isabelle, Pierre et Jean. Il s’agit donc uniquement de la mère de la Pucelle et de ses deux frères pour lesquels il comparaissait comme témoin dans le procès de réhabilitation. (Voy. Quicherat, Procès, t. III, p. 2).

Nous avons en vain cherché dans le texte de la déposition 59de Dunois cette prétendue allusion à une sœur dont se préoccupe mal à propos le méticuleux Hordal. Il n’est question d’elle, par un mot, que dans la déposition de Colin de Greux. [Quicherat, II, 433 : ipsa Johanna, cum quadam sorore sua et aliis mulieribus…]

En dépit du doute exprimé par Hordal, il est certain que Jeanne d’Arc avait une sœur, qui passe généralement pour avoir porté le nom de Catherine. Il est aussi certain que cette sœur n’existait plus au moment de l’anoblissement de la famille, car son nom ne figure pas dans cet acte, à côté de celui des autres membres de la famille. Il ne nous paraît aucunement prouvé ni même croyable qu’elle ait été plus jeune que la Pucelle : car, n’existant plus en 1429, elle serait à peine parvenue à l’âge de dix-sept ans ; or, elle avait été mariée, ainsi que l’indique formellement une enquête faite à Domremy, en 1502, et précisément à Colin, le maire de Greux, celui-là même qui fait allusion à son existence dans sa déposition au procès de réhabilitation. (Voir aux Preuves du chapitre III.)

Page 17, ligne 24
Hauvy de sa première femme…

On ne sait, en vérité, pourquoi Hordal imagine cette hypothèse d’un premier mariage de Pierre du Lys, d’où serait issue Helwide. Cette supposition est inadmissible au premier chef. Que sait-on, en effet, sur l’âge de la bonne Hauvy ? C’est qu’elle mourut en 1530, âgée d’environ 80 ans, ce qui reporte approximativement sa naissance à 1450 ; or, l’aîné de ses frères, Jean du Lys, se mariait en 1456 avec Marie de Vesines ; le contrat en existe3. Ayant sans doute alors plus de vingt ans, il était donc né au plus tard en 1436. On voit combien l’hypothèse de Hordal, d’un premier mariage de Pierre, en Lorraine, faisant de Helwide Hordal l’aînée de la famille, est absolument renversée par des faits positifs.

60Page 18, ligne 2
…Messieurs du Lis sont descendus.

Jeanne de Prouville est partout indiquée comme mère de Helwide Hordal et de Jean du Lys, échevin d’Arras. Nous avons quelque raison de croire que ce nom de Prouville n’était pas un nom de famille, mais une indication de lieu d’origine, comme celui de Vouthon appliqué aux Romée. Nous n’avons, en effet, trouvé aucune famille dans les listes de noblesse lorraine ni champenoise qui portât ce nom. L’origine barisienne de Jeanne est au moins vraisemblable. Or, Proville, Prouville, Prosvilla, aujourd’hui Proiville appartenait, en effet, au Barrois. C’est une ferme, autrefois village, dont l’existence est constatée dès le XIIe siècle, aujourd’hui annexe de Doulcon. Cette dernière commune, village sur la gauche de la Meuse, à 2 kilomètres à l’ouest de Dun, est une localité très-ancienne, autrefois fortifiée et chef-lieu du pays et comté de Dormois (pagus Dulmensis ou Dulcomensis), qui faisait au XVe siècle partie du Barrois mouvant, et fut plus tard, ainsi que son annexe, transféré dans le Clermontois avec la prévôté de Dun ; aujourd’hui arrondissement de Montmédy, canton de Dun.

Le nom de Prouville n’est porté en France par aucune autre localité, sinon deux villages des départements du Nord et de la Somme, où il est plus qu’invraisemblable que Pierre ait été contracter alliance.

Page 18, ligne 10
… que Jacquemin et Pierre…

Il est assez malaisé de savoir où Jacquemin du Lys a passé et fini sa vie, car il n’a laissé aucune trace dans l’histoire ni, autant qu’on a pu le croire jusqu’ici, d’héritier de son nom. Il vivait en 1429, puisqu’il figure dans l’acte d’anoblissement ; il n’existait plus lors de l’instance en réhabilitation : on en a conclu qu’il survécut peu à sa sœur. Quant à son rôle dans les événements auxquels elle prit une part si merveilleuse, il fut si effacé qu’on peut dire qu’il fut nul.

61Voilà tout ce qu’on savait de lui avant la découverte de l’enquête de 1502 et de celle de 1551. Or, il résulte des dépositions contenues dans ces enquêtes que Claude du Lys avait pour mère la nièce de Pierre, le chevalier du Lys, et pour grand-père Jacquemin du Lys. Il ne semble pas possible d’expliquer cette double affirmation autrement qu’en faisant de Jean du Lys, prévôt de Vaucouleurs, le mari de sa nièce, fille de son frère aîné. Les données de la chronologie s’accordent bien avec cette hypothèse, Claude du Lys se déclare né en 1452. On peut très-bien comprendre que Jean, tout entier à ses fonctions de capitaine de Chartres et de bailli de Vermandois, ait tardé à prendre alliance et qu’il ne l’ait fait qu’après avoir atteint sa maturité, vers 1450, en épousant une jeune nièce, parfaitement nubile à cette époque. Ce mariage ne pouvait que lui faire désirer davantage son rapprochement du pays natal, où il avait à remplir le rôle de chef de famille, en y perpétuant une race, désormais entourée de tant d’honneur ; aussi dut-il solliciter activement et accepter avec joie l’emploi de prévôt de Vaucouleurs, auquel il fut appelé vers 1454.

À partir de ce moment, il renoua et resserra sans doute de plus en plus les liens qui l’unissaient à son pays natal, à sa famille et à ses amis d’enfance. Nous ne saurions dire si, lorsqu’il fut remplacé, comme prévôt de Vaucouleurs, en 1468, par le Bâtard de Calabre, et reçut à cette occasion 25 livres de récompense, il revint à Domremy finir paisiblement sa vie auprès de ses enfants ; mais ce qui est certain, c’est que ses fils y étaient établis, que leurs descendants restèrent en Lorraine, y prirent leurs alliances et se rattachèrent au duché par les fonctions qu’ils remplirent, tout en conservant des relations étroites avec la France.

Il y a quelque raison de croire que lors de l’admirable intervention de la Pucelle, Jacquemin était déjà marié et peut-être père. On le voit, en effet, rester silencieusement au logis, retenu sans doute par des devoirs sacrés, pendant 62que ses jeunes frères n’hésitent pas à marcher à la suite de leur sœur, et à courir les aventures guerrières. Il avait, en qualité d’aîné, conservé la maison paternelle. Sa fille, héritant de lui, la transmit à ses enfants et Claude du Lys, devenu à son tour maître de cette maison désormais sacrée où Jeanne d’Arc avait vu le jour, la décora, en 1481, de ses armes associées à celle de Nicole Thiesselin, sa femme. Et en même temps, il manifestait son ardent amour pour la France en y joignant l’écu fleurdelisé et l’invocation en l’honneur du roi Louis. Il était digne du petit-neveu de Jeanne d’Arc de faire ainsi parler à la pierre cette perpétuelle profession de foi du patriotisme français !

(Voir, au sujet de Jacquemin, la note afférente à la page 47 et, au sujet de Jean, la généalogie, chapitre II.)

Page 18, ligne 13
un livre intitulé : Causa puellæ…

Causa Puellæ Aurelian. adversariis orationibus disceptata, auctore Jacobo Jolio ; cum ejusd. Jolii variis poematibus. Paris, 1608-1609, 2 tom. en 1 vol. pet. in-8°. Ce livre, très-rare et très recherché, attire à tort la colère de J. Hordal. Ce n’est qu’une discussion d’école.

63Page 19, ligne 5
Guydo-Pap…

Guy Pape, jurisconsulte célèbre, président au parlement de Grenoble, destitué à l’avènement de Louis XI, mort en 1436, est l’auteur de l’ouvrage cité par J. Hordal.

Guido Papa, Decisiones : (in fine). Hoc opus decisionum excellentissimi parlementi Dalph. fuit Gracionopoli per Stephanum Forets Deo favente ante ecclesiam sancte Clare impressum et finitum die penultima mensis aprilis anno Domini MCCCCLXXXX. Petit in-folio goth. de 400 ff. chiffrés ; premier livre imprimé à Grenoble.

L’article relatif à Jeanne d’Arc se trouve à la question 84.

Page 19, ligne 16
… ces versets de Philippe de Valois…

L’indignation causée au roi Philippe de Valois contre Édouard, d’Angleterre, et à laquelle ce distique aurait dû naissance, fut excitée par une menace d’invasion en France, entreprise sans aucun motif en 1337 et dont une attaque des fidèles Écossais parvint seule à détourner le danger.

Il paraît seulement assez peu d’accord avec les habitudes, fort médiocrement littéraires, du roi Philippe de lui attribuer un distique latin. On serait plus dans la vraisemblance en supposant qu’il fut l’œuvre de son fils, le dauphin Jean, car ce prince affectait beaucoup de goût, et même quelques prétentions pour les lettres. Ce qui est certain, c’est que pendant tout le moyen âge le rapprochement des mots angelus, angelicus et anglicus, dans un sens toujours ironique et blessant, était en France on ne peut plus à la mode.

Page 19, ligne 26
… au canon : Si gens Anglorum…

Corpus juris Canonici, Antverpiæ, Meurice, 1648, fol. E, 97. (Voir Catalogue Bibl. du Roi.)

Note. — Texte du canon (Décret de Gratien, lettre de saint Boniface au roi d’Angleterre), tel qu’on le trouve par exemple dans cette édition de l’Évangile éternel de Saint Bernardin de Sienne, Venise, 1591, Google.

Si gens Anglorum (sicut per istas provincias divulgatum est, et nobis in Francia, et in Italia improperatur, et ab ipsis paganis improperium nobis objicitur) spretis legalibus connubiis adulterando, et luxuriando, ad instar sodomiticæ gentis fœdam vitam duxerit : de tali commixtione meretricum æstimandum est degeneres populos, et ignobiles, et furentes libidine fore procreandos : et ad extremum universam plebem ad deteriora et ignobiliora vergentem : et novissime nec in bello sæculari fortem, nec in fide stabilem, nec honorabilem hominibus, nec Deo amabilem esse venturam, sicut aliis gentibus Hispaniæ, et provinciæ et Burgundionum populis contigit : quæ sic a Deo recedentes fornicatæ sunt, donec vindex talium criminum ultrices pœnas propter ignorantiam legis Dei, et per Saracenos venire permiserit, et servire.

Traduction :

Si le peuple anglais menait effectivement une vie infâme à l’image des habitants de Sodome (comme la rumeur en a couru dans nos provinces, comme on nous le reproche en France et en Italie, et comme les païens eux-mêmes nous en font grief), en méprisant les mariages légitimes pour se livrer à l’adultère et à la débauche : il faut s’attendre à ce qu’un tel mélange avec des prostituées engendre des gens dégénérés, vils et dévorés de luxure ; puis à ce que la nation toute entière s’abaisse et s’avilisse, pour devenir, à terme, un peuple sans force dans les guerres d’ici-bas, sans stabilité dans la foi, méprisable aux yeux des hommes et haïssable à Dieu, ainsi qu’il est arrivé aux autres nations d’Espagne, ainsi qu’aux populations de Provence et de Bourgogne : lesquelles, s’étant ainsi détournées de Dieu par leurs mœurs dissolues, ont subi sa vengeance, puisque le justicier de tels crimes, en punition de leur ignorance de la loi divine, a permis aux Sarrasins de les envahir et de les asservir.

Page 20, ligne 3
… comme dit le poëte Bellay…

Voir dans les Œuvres de Joachim du Bellay, gentil-homme angevin (édition de Rouen, pour Georges Loyselet, pet. in-8°, 1593 :

  1. Chant triomphal sur le voyage de Boulogne, p. 127 ;
  2. Hymne au roy sur la prinse de Calais, p. 185 ;
  3. Exécration sur l’Angleterre, p. 189.

Pièces dans lesquelles respire une haine ardente contre le nom anglais.

Page 20, ligne 14
… homini bis caudato…

Il y a là une allusion, un peu lourde et grossière, il faut l’avouer, à l’opinion vulgaire qui prêtait à certains Anglais l’étrange singularité de naître avec une queue, à 64la façon des animaux. On en trouve la preuve dans le chapitre 30 de l’ouvrage intitulé : Anglicæ descriptions compendium, par Guil. Paradin ; Paris, Gaulterot, 1545. Ce chapitre a pour titre : Anglos quosdam caudatos esse.

Page 20, ligne 26
… ad Cæsarem ibis…

Actes des apôtres, chap. 25, vers. II. Il s’agit du jugement de saint Paul, qui en a appelé à César et auquel Festus, proconsul de Césarée, fait la réponse rappelée par Hordal.

Page 21, ligne 6
Tiraquello

André Tiraqueau, célébré jurisconsulte français, originaire du Poitou, mort en 1558, conseiller à la grande chambre du Parlement de Paris, était un des plus honnêtes et des plus savants magistrats de son temps. Michel de l’Hôpital, qui lui portait la plus haute estime, lui a dédié un poème latin où il fait grandement son éloge. L’existence de cet éminent juriste fut des plus laborieuses ; on a dit de lui que chaque année il donnait à la République un livre et un enfant. Son Traité des peines [De Pœnis legum temperandis aut remittendis, De la modération ou de la rémission des peines légales] est le dixième qu’il ait publié.

Page 21, ligne 16
Humbertus Moremontana

Fratris Humberti montis Moretani poetæ oratorisque clarissimi Bellorum Britannicorum a Carolo Francorum rege eo nomine septimo in Henricum Anglorum regent felici eventu auspice puella franca gestorum prima pars : continens Bellum Cravantinum, Bellum Brossimaricum, Bellum Vernolianum et Bellum Aurelianum ; premissis quibusdam epigrammatis. Venundantur in ædibus Ascensionis, 1512. Pet. in-4° gothique (très-rare), fol. XLVI, vers. 6° et seq.

Frère Pierre Crespet, auteur de plusieurs Traités de théologie ascétique et morale, entre autres : Jardin de 65plaisir et récréation spirituelle. Paris, 1587 et 1602, in-8° ; Lyon, 1598, in-16. — Pomme de Grenade mystique, ou Instruction pour une vierge chrétienne. Paris, 1585 et 1595, in-8° ; Rouen, 1605, in-12 ; Lyon, T. Rigaud, 1609, in-16. — Discours sur la vie de passion de sainte Catherine, plus un Traité encomiastique de l’estat et excellence de virginité et chasteté, par F. P. C. ; Sens, Savime, 1577, in-16.

Page 23, ligne 21
… nostre université…

L’Université de Pont-à-Mousson, principal centre d’études de la Lorraine, fut fondée en 1572 par le grand-duc Charles III. Elle comprenait quatre Facultés : celles de théologie et de philosophie, confiées à la Compagnie de Jésus (ainsi que le collège des humanités), et les Facultés de droit et de médecine réservées à des professeurs laïcs. Cette Université jeta un éclat extraordinaire ; elle comprenait à la fin du XVIe siècle, lorsque son organisation fut tout à fait complète, près de deux mille élèves, tant étudiants qu’écoliers. Des professeurs éminents y attiraient cette foule, non-seulement de toutes les parties de la Lorraine, mais même de France et d’Allemagne.

Elle fut transférée à Nancy, en 1756, par le roi Stanislas et supprimée par la Révolution. Mais l’article 14 du traité de cession de la Lorraine à la France en stipulait le maintien à perpétuité. On fit valoir ce droit pour obtenir la fondation de la Faculté de Nancy, en 1864.

Page 24, ligne 13
… nostre Evesque, son parrain…

Jean des Porcelets de Maillane, quatre-vingtième évêque de Toul, était originaire du Barrois, où son père occupait la dignité de maréchal de la province. Il était né en 1582, à Wally. Il avait fait ses études classiques à Pont-à-Mousson et y retourna, après un premier séjour à Rome, pour y étudier la théologie et le droit, dont il prit la double licence. Il fut ensuite nommé prélat-domestique du pape et son ambassadeur en Angleterre. En 1607, Christophe 66de la Vallée, évêque de Toul, étant mort, il fut choisi par le Souverain Pontife pour le remplacer et sacré le 27 décembre 1608.

C’est sans doute à l’époque où il suivait à Pont-à-Mousson, bien jeune encore, les classes inférieures de ce collège, qu’il avait tenu sur les fonts baptismaux le fils de Hordal. Il mourut à Nancy en 1624.

Page 24, ligne 18
… plus d’inclination à la théologie…

On verra, en effet, dans la lettre suivante, que ce jeune homme, nommé Jean comme son père et né en 1590, avait en ce moment des dispositions beaucoup plus accentuées pour la vie religieuse que pour celle du monde : l’année suivante, en effet, il n’hésitait pas à quitter la maison paternelle pour se retirer au noviciat des Jésuites à Nancy. Mais il paraît qu’il se lassa de cette existence, ou plutôt se décida-t-il à sacrifier sa vocation aux sollicitations de ses parents, car il devint plus tard procureur général de la prévôté de Preny, se maria et eut un fils qui fut, à son tour, docteur en droit et doyen de l’Université de Pont-à-Mousson. Son âge, au moment où il entrait comme novice chez les jésuites, est indiqué par la lettre de son père (vingt ans, en 1610) ; la date de sa naissance est donnée non moins authentiquement, sous son autre titre, par un portrait gravé que possède M. N. Villiaumé, et qui est accompagné des indications suivantes : 1627, ætatis suæ 37. Ce qui établit, à n’en pas douter, l’identité des deux personnages.

Page 25, ligne 11
Monsieur de Roully

Il s’agit de Jacques de Cailly, sieur de Rouilly, beau-frère de Charles du Lys, avec lequel il vivait, ne formant qu’une famille, où la vénérable octogénaire, madame de Cailly, leur mère, était entourée des soins de tous ses enfants. (Voir Ch. du Lys, Traité sommaire, éd. Vallet de Viriville, p. 93.)

Jacques de Cailly était doué de beaucoup d’érudition et 67fort ami des lettres. L’ouvrage de Hordal en donne la preuve : car il débute, suivant l’usage, par des témoignages de sympathie et des louanges des lettrés contemporains : or, de ces petites pièces de vers, la première (6 vers latins) est de Charles du Lys ; la seconde (18 vers italiens), de Madame Catherine de Cailly, dame du Lys ; puis en viennent quatre : la troisième (6 vers espagnols), la quatrième (4 vers latins), la cinquième (14 vers français) et la sixième (4 vers français), qui portent la signature de Jacques de Cailly, gentilhomme orléanais. Ces pièces font voir combien il portait d’intérêt à l’œuvre entreprise par Hordal.

Page 27, ligne 2
Barisey-au-Plein

Barisey-au-Plain, canton de Colombey-les-Belles, arrondissement de Toul (Meurthe).

Page 27, ligne 8
… à Neuf château, la Mothe…

Jeanne d’Arc a certainement été à Neufchâteau. Son souvenir y est religieusement gardé et l’on connaît encore la maison où elle habitait.

Quant à la Mothe, ville célèbre par ses deux glorieux sièges et par l’impitoyable destruction dont elle fut frappée, rien, dans la tradition du pays, n’y rappelle le passage de la Pucelle. Les souvenirs qui s’y rattachent ont un caractère exclusivement lorrain.

Page 28, ligne 3
… de son Altesse…

C’était le bon duc Henry, fils de Charles III et de Claude de France, digne successeur de son père. Sa bonté et sa libéralité excessives étaient ses seuls défauts. Son règne, encore heureux pour la Lorraine, bien que troublé dans les dernières années par l’ambition de son frère et de son gendre, dura de 1608 à 1624. Après ces derniers beaux jours vinrent de cruels orages.

Page 28, ligne 7
… la cour souveraine…

Dans le duché de Lorraine, la justice se rendait devant le tribunal des Assises, comprenant tous les gentilshommes d’ancienne chevalerie des bailliages de Nancy, de Vosges et d’Allemagne : dans le duché de Bar, c’était par le moyen d’un tribunal qui portait le nom de Cour souveraine, et qui siégeait à Saint-Mihiel : on appelait le fonctionnement de cette Cour, les grands-jours de Saint-Mihiel. L’établissement de ces grands-jours paraît dater du XIVe siècle. Charles III confirma cette Cour, avec plus d’étendue et de pouvoir, par son ordonnance du 8 octobre 1571. La Cour de Saint-Mihiel devint plus tard une des deux chambres de la Cour souveraine de Lorraine.

Page 28, ligne 15
M. de la Saussaye

Charles de la Saussaye, doyen du chapitre d’Orléans, qui, en cette qualité, reçut Henri IV à Orléans le jour de la Nativité de saint Jean-Baptiste 1599 ; le siège étant alors vacant.

On a posé à la cathédrale d’Orléans (1876) un vitrail qui le représente avec le souverain, au moment de la reconstruction de Sainte-Croix.

Charles de ta Saussaye fut appelé à la cure de Saint-Jacques-la-Boucherie de Paris. Il mourut dans ces fonctions en 1621. Il est auteur de l’ouvrage Intitulé : Annales ecclesiæ aurelianensis. Parisiis, H. Drouard, 1615. In-4°.

Page 29, ligne 15
MM. de Tournebus et Féron

Il s’agit de Robert Le Fournier, baron de Tournebut et de Lucas du Chemin, sieur du Feron, son neveu, l’un petit-fils et l’autre arrière-petit-fils de Jeanne du Lys, épouse de François de Villebresmes. (Voir leur généalogie, chapitre III.)

Page 30, ligne 8
… appelé Buré…

Burey-la-Côte, sur le ruisseau de Goussaincourt, à 6911 kilomètres de Vaucouleurs, canton dudit, arrondissement de Commercy (Meuse).

Page 30, ligne 25
sieur du Tillet

Mémoires et recherches touchant plusieurs choses mémorables pour l’intelligence de l’estat des affaires en France, Rouan, 1577, in-fol. ; Troyes, 1578, in-8°, par Jean du Tillet, évêque de Meaux.

Page 30, ligne 29
Isabeau de Vouthon

Isabeau Romée était désignée par le nom du lieu dont elle était originaire, Vouthon (haut et bas), à 8 kilomètres de Gondrecourt, canton dudit, arrondissement de Commercy (Meuse), à peu de distance de Domremy.

Ce nom fut porté par son frère et ses neveux et nièces, de préférence à leur nom patronymique.

Page 31, ligne 3
… feu M. Pinguet

Il existait un lien de parenté que nous ne saurions définir, entre la famille du Lys et les Pinguet. Nous en trouvons la preuve dans cette phrase du second mémoire de Charles du Lys (p. 75, chap. VII, in fine) :

Les dicts Charles, Luc et Jacqueline du Lys sont entrez en la parenté de plusieurs honnestes et bonnes familles, des Mariette… et des Pinguets, tant à Paris qu’en Picardie.

Page 31, ligne 7
… sensu mirandus et anni…

Lorsque le vénérable chanoine Martin Pinguet fut enlevé par la mort, on lui érigea dans la nef de la cathédrale de Metz, au bas du grand escalier qui conduisait au jubé, à gauche, une tombe énorme de cuivre massif, sur laquelle il était représenté à genoux, les mains jointes, la face tournée vers la grande allée ; sur cette tombe se trouvait l’inscription suivante, peinte en lettres d’or, et déjà presque 70effacée en 1760, époque où fut exécutée la copie que j’ai sous les yeux :

Martinus Pinguet, sensu mirandus et annuis

Hæc plus accepto reddidit ossa solo.

Æquum qui coluit, clangore vocandus ab alto,

Judicii certus, non timet ille diem.

[Martin Pinguet, admirable tant pour son bon sens que par son grand âge

A pieusement remis ses os à cette terre hospitalière.

Lui qui pratiqua la justice, devant être un jour appelé par les trompettes d’en haut,

Attend sans crainte ce jour, assuré du jugement.]

Jusqu’à la Révolution de 1789, les enfants de chœur de la cathédrale allaient, à l’issue de l’office, s’agenouiller sur la tombe du bienfaiteur du chapitre. — Bégin, Histoire de la cathédrale de Metz, t. I, p. 265.

Richard de Wassebourg, archidiacre de Verdun, auteur des Antiquités de la Gaule Belgique, 2 tomes en 1 volume in-folio, 1549 ; on le vend à Paris… par Vincent Sertenas … et aussi se vendait en la cité de Verdun : (ouvrage rare).

Page 33, ligne 8
… trois petits fils…

À la suite de la double perte qu’il venait de subir, Hordal dit qu’il lui reste trois petits fils, de huit ans, six ans, trois mois, et une fille de neuf ans et demi.

Ces trois fils étaient :

  1. Charles, né en 1602, qui devint conseiller d’État, et fit souche ;
  2. François, né en 1604, qui fut doyen de l’église de Brisach, après son oncle, et siégea au Conseil souverain d’Alsace ;
  3. Christophe, né en 1609, devenu abbé de Saint-Remi de Lunéville.

Sa fille Catherine était née en 1601 ; nous ignorons si elle contracta alliance.

Page 33, ligne 24
… les Jésuites… en ces quartiers…

Dès 1558, les Jésuites avaient été appelés dans le voisinage de la Lorraine, à Verdun, par l’évêque Pseaume, pour y fonder une sorte d’université que le manque de ressources fit réduire à un collège. Peu après, ils avaient établi des maisons à Saint-Nicolas-de-Port, à Pont-à-Mousson et à Sainte-Marie-aux-Mines, et les prédications 71dont ces lieux étaient devenus le centre n’avaient pas été sans rappeler à la religion catholique beaucoup de protestants. La fondation de l’université de Pont-à-Mousson donna une augmentation considérable à l’influence des Jésuites en Lorraine. Il fut convenu qu’ils y fourniraient un personnel de soixante-dix Pères. Leur noviciat, établi à Saint-Nicolas-de-Port, fut, en 1602, transféré à Nancy, dans une maison qui leur fut généreusement donnée par Antoine de Lenoncourt, primat de Lorraine, et à laquelle le prince Éric de Lorraine, évêque de Verdun, attacha une riche dotation. Le noviciat des Jésuites est devenu, en 1768, le collège et, dans les premières années de ce siècle, l’hospice Saint-Stanislas.

Il ne pas faut oublier de rappeler que ce fut de Pont-à-Mousson que fut envoyée à Henri IV, lors de son voyage à Metz en 1602, une députation de Jésuites, à la tête de laquelle était le célèbre père Cotton, pour solliciter de lui la levée de l’édit d’expulsion qui avait été lancé contre la compagnie en France. Les éloquentes instances des députés trouvèrent le chemin du cœur du roi et ils obtinrent gain de cause.

Page 35, ligne 27
… l’histoire de la vertueuse Pucelle…

En se trouvant arrêté à la vingt-sixième feuille de son ouvrage, c’est-à-dire à la page 192, Hordal était fort près de le voir terminé : car ce livre compte en tout 254 pages, y compris le Privilège. Dans les sept feuilles et demie qui lui restaient à publier, figurent, en particulier, les témoignages des auteurs de toute nation et de toute provenance dont il parle à son cousin, sans oublier de nombreux emprunts à l’érudition classique. Nous pouvons, dès à présent, considérer le livre comme assez près d’être livré au public pour pouvoir en donner la description complète.

Le titre, compris sous forme de cartouche dans une superbe gravure de Léonard Gaultier, est le suivant :

Heroinæ nobilissimæ Joannæ Darc Lotharingæ vulgo 72Aurelianensis puellæ historia Ex variis gravissimæ atque incorruptissimæ fidei scriptoribus excerpta, Ejusdem mavortiæ virginia innocentia a calumniis vindicata.

Authore Joanne Hordal serenissimi ducis Lotharingiæ consiliario et IV doctore ac professore publico in alma universitate Ponti-Mussana

Ponti-Mussi
apud Melchiorem Bernardum
ejusdem ser. ducis. typographum

M.DC.XII.

In-4°, 2 planches de Léonard Gaultier (la Pucelle à cheval et son portrait d’Orléans), 6 pp., dédicace et pièces de vers à lui adressées ; 2 pp. de privilège, en tout 254.

Page 37, ligne 2
Domini Eliæ episcopi

Élie de Bourdeilles, né en 1423, cordelier, évêque de Périgueux, de 1447 à 1467, mort archevêque de Tours et cardinal. À la bibliothèque de l’Arsenal se trouve un manuscrit (fonds latin, Histoire n° 88) qui a appartenu aux Célestins de Paris, contenant la dissertation dont parle Hordal. Elle a pour titre :

Justificatio Puelle Francie que a rege celorum sempiterno, arbitratur Karolo regi Francorum directa ad ipsius consolationem et gubernationem ; sed olim per gentem Anglorum capta dignoscitur et morti tradita.

[Justification de la Pucelle de France que l’on croit avoir été envoyée par le roi du Ciel éternel à Charles, roi de France, pour le consoler et le guider ; mais que l’on sait avoir jadis été prise par les Anglais et livrée à la mort.]

À la suite du procès de réhabilitation qui est à Rome, se trouve ajoutée une transcription du même ouvrage.

L’auteur dit avoir été engagé par lettres-patentes du roi à donner son opinion, qu’il formula sur le sommaire du procès et l’instrument de la sentence. (Cf. Quicherat, Procès, t. V, p. 464.)

Page 37, ligne 28
Pierre Cochon, leur évêque

C’est une croyance qui a été longtemps répandue, que celle d’une prétendue excommunication de Pierre Cauchon par Calixte III. Il faut, au contraire, remarquer les 73ménagements gardés à son sujet dans la bulle de ce pape, où le prélat est qualifié de Petrus, bonæ memoriæ, episcopus Belvacensis [Pierre, de bonne mémoire, évêque de Beauvais]. Ce qui est certain, c’est que Pierre Cauchon mourut de mort subite, le 18 octobre 1442, en paisible possession de son siège de Lisieux, et que, au moment où Calixte III prit en main la cause de la réhabilitation de la Pucelle, il n’était plus possible d’agir, en tout cas, que contre la mémoire de ce juge détesté. Rappelons-nous d’ailleurs qu’il n’avait pas représenté l’Église dans le procès, mais uniquement les passions politiques de l’Angleterre.

La chapelle de la Vierge, située au chevet de la cathédrale de Lisieux, fut construite sous son épiscopat. La tradition rapporte qu’il l’éleva et fit de nombreuses fondations de services religieux, comme témoignage de son repentir pour le rôle odieux qu’il avait joué. Mais là, encore, il n’y a qu’une tradition.

Page 38, ligne 7
… le sieur des Rues

François des Rues, né à Coutances, est l’auteur d’un ouvrage qui eut un très-grand succès et fut l’objet de diverses éditions sous différents titres.

En 1608, il parut sous celui de :

Antiquités, fondations et singularités des plus célèbres villes et châteaux, et plans remarquables du royaume de France, Coutances, in-12.

Il fut réimprimé en divers lieux à peu d’Intervalle :

  1. Sous le même titre : Coutances, J. Le Castel, 1608. — Saumur, P. Colla, 1609 ;
  2. Sous le titre de :

    Descriptions contenant toutes les singularités des plus célèbres villes, etc. Rouen, J. Petit, 1611 ;

    — Ibid. Rouen, P. Gueffroy, S. D. — Ibid, Troyes, Noël Lecoq ou Noël Laudereau, in-8°, — 2e éd. S. D., — 3e éd. 1601 ;
  3. Sous le titre :

    Les délices de la France, Lyon, 1610, in-12 ;

  4. Sous le titre de :

    Antiquités des villes de France… Rouen, J. Callloué, 1624, petit in-8°.

    — Autre édition à Troyes, in-4°, fig. sur bois, S. D.

74D’après le titre que Hordal donne à cet ouvrage, on voit que c’est une de ses deux premières réimpressions qu’il possédait.

Page 39, ligne 7
… feu Son Altesse… d’heureuse mémoire…

Charles III, duc de Lorraine, de 1545 à 1608, le plus parfait modèle des princes de son temps, sous le long règne duquel le duché goûta une paix et une prospérité cruellement compensées par les horreurs du règne de Charles IV, son petit-fils.

Page 39, ligne 8
… déclaration d’ancienne noblesse…

À la suite de l’enquête ordonnée en 1596 pour établir les droits de Hordal à la noblesse et parenté de la Pucelle, le grand-duc Charles III de Lorraine accorda, par lettres enregistrées le 16 février 1597, confirmation de la noblesse de cette famille et du droit de porter les armes du Lis. (Voir ces lettres aux Preuves du chapitre III.)

Page 40, ligne 20
… les copies… que m’avez envoyées…

Il est ici question du premier ouvrage publié par Charles du Lys sur la famille de Jeanne d’Arc, sous le titre de :

De l’extraction et parenté de la Pucelle d’Orléans, avec la généalogie de ceux qui se trouvent descendus de ses frères. Paris, 1610. In-4°.

Factum de 4 pages, sans titre ni marque d’imprimeur.

On a lieu d’être surpris, et Hordal a quelque droit d’être blessé, de ce que Charles du Lys, malgré les affirmations et même les preuves que lui avait prodiguées son parent, n’ait pas cru devoir faire figurer les Hordal parmi les descendants de Jean du Lys.

Ce ne fut que dans la seconde édition de son travail, parue deux ans plus tard, édition entièrement refondue et considérablement augmentée, qu’il consacre un chapitre 75aux Hordal, en se servant des indications qu’il avait reçues et qui étaient conformes à la plus pure vérité.

Cette seconde édition a pour titre :

Discours sommaire, tant du nom et des armes que de la naissance et parenté de la Pucelle d’Orléans et de ses frères. Paris, 1612. 70 pp. In-8°.

En 1628, Charles du Lys publie une troisième édition revue et légèrement augmentée qui a pour titre :

Traité sommaire… le reste ut supra.

Imprimé à la suite de l’ouvrage intitulé :

Recueil de plusieurs inscriptions pour les statues du roi Charles VII et de la Pucelle d’Orléans qui sont élevées… sur le pont de la ville d’Orléans dès l’an M.CCCC.LVIII et des diverses poésies faites à la louange de la même Pucelle, de ses frères et de leur postérité. Paris, de l’imprimerie d’Edme Martin, 1628. In-4°.

4 ff. prél. comprennent le frontispice et deux gravures en taille-douce par Léonard Gaultier, datées de 1612 et 1613 et qui ne sont autres que celles qui décorent le livre de Hordal. Il y a là sans aucun doute un bon procédé de parent.

Quelques rares exemplaires possèdent, en outre, une troisième et superbe planche représentant l’Entrée à Reims.

Page 41, ligne 5
… il n’y a d’autres parents…

Après que Charles du Lys eut admis les justes prétentions des Hordal, il y avait encore une branche de la famille du Lys qui restait absolument oubliée : c’était celle issue du mariage de Catherine d’Arc avec Georges Haldat. Cette branche était cependant déjà depuis quelque temps fixée dans le pays ; mais bien que ses titres soient incontestables, il est certain qu’elle n’avait établi aucun rapport de parenté, ni avec les du Lys, ni avec les Hordal. (Voir la Généalogie G, au chapitre III.)

Page 41, ligne 8
Monsieur de Troismonts

Il s’agit de Thomas de Troismonts, sieur de la Mare, conseiller au présidial de Caen, dont les liens de parenté 76avec la Pucelle, par Charlotte Ribault, sa femme, venaient d’être reconnus par lettres patentes du 1er août 1608, enregistrées à Rouen. (Voir la Généalogie Q, au chapitre III.)

Page 45, ligne 13
… un volume escrit à la main…

En marge de cette partie de la lettre de son cousin, Charles du Lys a écrit la mention suivante :

Ce volume est à voir, s’il se peut.

Il nous paraît à propos de rapprocher cette indication d’un paragraphe de l’intéressante et substantielle notice de M. Quicherat sur les pièces et copies des procès de réhabilitation (Procès, t. V, p. 460). Il y est question

d’un original appartenant à M. du Lys, avocat général à la Cour des aides.

On peut, croyons-nous, parfaitement admettre que Claude du Lys n’ait pas hésité à se dessaisir de ce volume en faveur de son parent, haut placé dans la science et dans la hiérarchie sociale. Il serait facile d’expliquer ainsi la présence entre ses mains de la troisième copie originale et authentique sortie du greffe, dont parlent les notaires. Un si précieux document pouvait-il en effet être placé plus naturellement que dans les archives du chef de la famille de l’héroïne ? Mais ce qui serait beaucoup moins aisé à expliquer, c’est qu’il soit arrivé incomplet en la possession de l’avocat général et surtout qu’il ait disparu depuis, sans laisser de traces, alors qu’on voit tous les papiers de cet auteur si soigneusement conservés. N’en avait-il obtenu qu’un dépôt momentané, le mot appartenant ne serait-il synonyme que de entre les mains ? La copie aurait-elle plus tard repris le chemin de la Lorraine ? Les recherches les plus assidues ne nous ont pas mis à même de répondre à ces questions.

Quoi qu’il en soit, voici le texte de M. Quicherat :

§13. Edmond Richer, dans l’Avertissement au lecteur de son histoire inédite de Jeanne d’Arc, dit avoir consulté, outre le manuscrit de Notre-Dame, un autre original appartenant à M. du Lys, avocat général à la Cour des aides. Il était signé, ajoute-t-il, Franciscus Ferrebouc et 77Dionysius Comitis et ne contenait en fait de mémoires justificatifs que les suivants : celui de Gerson, celui d’Élie de Bourdeilles, un traité souscrit M. E. N., la récapitulation de Jean Bréhal, l’opinion de Robert Cibole, et enfin celle de Guillaume Bouillé.

Il faut bien croire Richer quand il dit son manuscrit original et alors ce texte serait le troisième sorti du greffe, d’après ce que témoignent les notaires dans leur préface, mais comment se fait-il que notre auteur n’ait trouvé là que trois mémoires au lieu de neuf, lorsqu’il est certain que le troisième manuscrit de la réhabilitation était le plus complet de tous ? Comment se fait-il encore que Richer ne semble avoir eu aucune connaissance des interrogatoires en français, lorsque le même manuscrit devait les contenir, toutes les pièces de production y ayant été insérées ?

Trop d’éléments nous manquent pour discuter là-dessus ; ou Richer s’est mal expliqué, ou le manuscrit de M. du Lys n’était plus un texte complet. Tout ce que nous pouvons dire, c’est qu’après Richer comme avant lui, la trace du troisième exemplaire authentique de la réhabilitation nous échappe entièrement.

Page 46, ligne 15
… une mienne tante résidant à Domremy…

La vieille tante que les visiteurs normands sont allés voir à Domremy devait être Didon du Lys, veuve de Gérard Noblesse, qui vivait avec son fils Claude Noblesse, curé de Domremy, et prolongea sa vie jusqu’en 1618.

Page 46, ligne 16
… sieurs nommés de Mondreville et de Féron…

Il paraît d’après cela qu’il y aurait encore lieu d’ajouter le titre de sieur de Mondreville à ceux dont est revêtu, dans la généalogie de la branche normande, Robert Le Fournier, baron de Tournebut, car il ne peut pas y avoir de doute sur l’identité du personnage.

78Page 47, ligne 7
… le séjour de Jacquemin en France…

Page 47, ligne 9
… aucuns gentilshommes descendus dudit Jacques…

Page 48, ligne 11
… aucuns gentilshommes descendus dudit Jacques…

Nous appelons une sérieuse attention sur ces différentes paroles de Claude du Lys : elles prouvent qu’il y avait dans la famille une croyance, passée peut-être à l’état de vague mais persistante tradition, d’après laquelle Jacquemin se serait établi en France, y aurait eu postérité, et qu’en particulier les membres normands de la famille devaient le reconnaître pour leur auteur.

Il nous paraît à propos de rattacher à cette importante observation le développement des difficultés assez graves auxquelles nous avons fait allusion dans notre Préface et qui sont relatives à la descendance de Pierre du Lys, telle qu’elle a été adoptée dans toutes les pièces officielles, et, à leur suite, dans le Traité de Charles du Lys.

Pourquoi, en effet, l’auteur de ce dernier ouvrage a-t-il donné, comme chose assurée, que Pierre, de son mariage avec Jeanne de Prouville, avait eu deux fils, Jean, l’aîné, seigneur de Baigneaux, et Jean, le jeune, échevin d’Arras, plus deux filles, Helwide et Jeanne, mariées à Étienne Hordal et à François de Villebresme (auxquelles il faut encore ajouter Catherine, qu’il a omise, et qui épousa Georges Haldat) : disons plus, pourquoi ne pouvait-il pas faire autrement que de l’affirmer ? C’est que, vrai ou non, le fait avait reçu une consécration légale, plusieurs fois répétée ! c’est que, dans toutes les enquêtes, les informations, les déclarations faites devant les corps judiciaires de la Lorraine, de l’Orléanais et de la Normandie, dans les arrêts des Cours de ces provinces, de la Chambre des comptes et de la Cour des aides, partout enfin, on trouve invariablement adopté ce principe généalogique, que les lettres patentes de Louis XIII, en 1612, ne manquent pas elles-mêmes de consacrer à leur tour.

Dans tous ces actes, sans exception, Jean, échevin 79d’Arras, est le second fils de Pierre, et Pierre n’est autre que le chevalier du Lys, Pierre Pierrclot, frère cadet de la Pucelle.

Tel est le système, que nous appellerons légal, authentique, judiciaire, établi par vingt arrêts, auquel s’est conformé Charles du Lys ; tel est le système que, dans l’état actuel des actes parvenus jusqu’à nous, nous sommes bien obligés de respecter et d’adopter, mais non sans faire cependant, comme nous l’avons dit, nos plus expresses réserves, et sans réclamer à son sujet le bénéfice de quelque futur inventaire.

Les objections que nous avons à relever sont de diverses natures : la première, que nous nous étions faite sans attendre la découverte de l’enquête décisive de 1502, réside dans le fait de la succession de Jean du Lys, seigneur de Baigneaux. Ce Jean était fils de Pierre, sans l’ombre d’un doute ; mais non pas fils de Jeanne de Prouville, comme cela est partout écrit, par une erreur que nous ne pouvons pas nous dispenser de relever. Les pièces du procès sont là : Charles du Lys en a connu et même publié une partie, M. Doinel en a ajouté d’autres, M. Boucher de Molandon les a complétées4.

Ce Jean du Lys, l’aîné, meurt donc vers 1501 ; il est à Orléans, où tout ce qui tient à la famille de l’héroïne est connu de tout le monde : là, il ne peut pas y avoir place pour la moindre incertitude sur la qualité des personnes. Or, qui hérite du défunt ? — Son frère et ses sœurs, sans nul doute. — Pas le moins du monde : sa cousine paternelle Marguerite de Brunet et ses cousins maternels les sieurs Tallevart. Et la justice d’Orléans intervient dans le partage, ce qui exclut l’idée de toute fraude et de toute erreur ! Qui saura expliquer cela ?

Mais l’enquête de 1502 vient transformer en une sorte de certitude mathématique ce qu’il y avait encore d’hypothétique dans l’objection. Nous y trouvons des témoignages 80précis : la femme de Pierre, le chevalier du Lys, se nomme Jeanne Baudot, sa sœur a épousé Pierson Tallevart, et c’est ainsi que les membres de cette dernière famille interviennent dans la succession, avec la fille, pour ainsi dire adoptive, que Pierre du Lys a mariée et dotée.

Ce n’est pas tout, et voici qui est plus grave encore : Jeanne Baudot est déclarée n’avoir qu’un fils, Jean, seigneur de Baigneaux, de l’authenticité duquel nous avons d’ailleurs des preuves multipliées. Non-seulement il n’est pas question pour lui de frère ni de sœur, mais il est formellement dit et répété dans l’enquête qu’il n’en avait pas.

Alors se présente immédiatement à l’esprit une explication qui paraît satisfaisante. Jean était le fils unique de Jeanne Baudot, et ses cousins, par une application de la loi d’hérédité, qu’on peut supposer modifiée par ses dernières volontés, recueillent l’héritage provenant de leur tante ; quant à Pierre, il s’est remarié après la mort de sa première femme : il a épousé Jeanne de Prouville, qui se trouve ainsi tout naturellement mise en sa place, et il a pu aisément avoir quatre enfants du second lit, depuis 1450, époque à laquelle nous savons que naquit Helwide Hordal, jusqu’en 1467, année où il n’existait plus. Nous devons même ajouter que le fait de ce second mariage est formellement indiqué dans l’enquête de 1551.

Et cependant les pièces publiées à Orléans présentent de graves objections à ce système qui paraît si rationnel.

En 1442, en effet, Pierre figure avec sa femme Jeanne et son fils Jean, dans le bail qui lui est passé par le chapitre de Sainte-Croix ; en 1443, sa femme est désignée dans les lettres patentes portant concession de l’île aux Bœufs, sous le nom de Jeanne, du pays de Bar.

En 1457, elle comparaît, à titre de mère, au contrat de mariage de Jean avec Marie de Vezeines ; en 1467 enfin, Jean déclare, par acte authentique, reprendre le bail emphytéotique de Baigneaux, à raison des décès récents de son père Pierre et de sa mère Jehanne, du pays de Bar.

81Est-il possible, outre toutes ces dates, de placer la supposition d’un second mariage ? À moins cependant qu’on admette que dans les deux derniers actes c’est d’une belle-mère qu’il est question.

Eh bien, malgré toutes ces raisons, nous dira-t-on, vous maintenez le système de Charles du Lys ? — Il le faut bien, puisque nous n’avons rien de positif à mettre à sa place. Nous nous sommes fait, il est vrai, une conviction sur cette question si obscure, et nous ne craignons pas de la manifester ; seulement, comme rien n’en garantit l’exactitude matérielle, nous regarderions comme une sorte d’outrecuidance de notre part de la substituer à une formule consacrée par les plus hautes juridictions, parlements, cours et chancelleries royales, et revêtue de la signature de la plupart des princes qui ont régné en France et en Lorraine ? Mais si une naturelle réserve ne nous permet pas de la donner officiellement dans nos généalogies, à cette place modeste, nous nous enhardissons à livrer notre pensée.

Cette pensée, donc, la voici : Nous n’avons aucune sorte de raison pour mettre en doute que Jean du Lys, échevin d’Arras, et ses trois sœurs aient été les enfants de Pierre du Lys. Toutes les généalogies et les traditions de famille sont d’accord pour en faire leur auteur ; or, nous mettons volontiers confiance dans les indications de faits qui se transmettent traditionnellement dans les familles ; au contraire, ce qui a le caractère d’interprétation nous en inspire beaucoup moins.

En appliquant ce principe, nous admettons Pierre du Lys comme auteur commun de l’échevin d’Arras et de ses sœurs, mais nous ne croyons pas que ce Pierre ait été le chevalier du Lys, dernier frère de la Pucelle, mort à Orléans en 1467. Celui-là, l’enquête nous l’a appris, n’avait qu’un fils, mort sans postérité. La branche dont il était le chef nous paraît mise par cela péremptoirement hors de cause.

Quant à la branche qui reconnaît pour auteur Jean, capitaine 82de Vaucouleurs, elle est très-exactement connue, et il n’y a ni addition ni retranchement à opérer a son sujet.

Que nous reste-t-il donc de la lignée de Jacques d’Arc, pour que nous cherchions à y rattacher ces enfants en ce moment sans auteurs connus ? Il nous reste ce mystérieux Jacquemin, l’aîné des frères de Jeanne d’Arc, duquel, ainsi que nous l’avons déjà dit, on sait jusqu’à présent si peu de chose. Il vivait en 1430 ; il n’existait plus en 1455. Des auteurs, qui se sont attendris de confiance à son sujet, ont dit

qu’il était mort de douleur de la funeste destinée de sa sœur chérie.

Cela est possible, comme il est possible aussi qu’il ait prolongé pendant plus de vingt ans son existence.

Il est mort sans alliance,

a-t-on dit et répète-t-on généralement. Quant à ce fait, il n’est plus permis de le croire, puisque nous avons vu que Claude du Lys, fils de Jean, le qualifiait de son grand-père dans l’enquête de 1502, et que la même allégation se répète dans l’enquête de 1551. Il s’est donc marié et a eu une fille, qui a épousé son oncle, sorte d’alliance assez rare à cette époque, mais non pas cependant sans exemple.

Si donc il est certain qu’il s’est marié et qu’il a eu une fille, quelle est la raison qui empêche de croire qu’il ait eu également un fils, et que ce fils, il l’ait nommé Pierre, en l’honneur de son jeune frère, le chevalier du Lys, passé dans la famille à l’état de personnage exceptionnellement illustre ? Ce serait ce fils, Pierre, de la branche aînée, qui aurait épousé cette Jeanne de Prouville (dont il n’est guère possible d’attribuer l’alliance au frère de Jeanne d’Arc), et Charles du Lys, et par suite les Maleissye, ainsi que les Hordal, les Villebresme et les Haldat descendraient de lui, sans qu’il y ait lieu de rien changer du reste à leur généalogie. Ils seraient membres de la branche aînée au lieu d’être de la branche cadette, et chacune de leurs générations serait avancée d’une unité.

Enfin, une dernière observation, et qui n’est pas sans 83intérêt. Il est dit, dans les lettres patentes de 1612, que Jean du Lys, supposé le second fils de Pierre, le chevalier,

se serait contenté de porter le nom du Lys, retenant les armes du nom et de leur ancienne famille d’Arc, etc.

Or, voici un extrait d’une note conservée du cabinet des titres (layette Arc), que nous rapprochons de ce texte :

Jacques d’Arc portait les armes de la maison d’Arc ; Jacquemin, son fils, portait les mêmes armes. Jean et Pierre portaient les armes de du Lys.

Les conséquences de ce rapprochement nous paraissent aisées à déduire.

Nous nous arrêtons ici, trouvant que c’est assez longtemps marcher dans l’incertain et multiplier des raisonnements fondés sur des hypothèses : on saura sans doute un jour où réside la vérité. Nous n’avons eu, pour notre part, qu’un rôle fort ingrat à remplir, montrer où il est difficile d’admettre, scientifiquement, qu’elle réside ; nous nous bornons là sans rien affirmer de plus. Mais nous livrons aux méditations du lecteur les indications de Claude du Lys, elles doivent lui suffire pour le convaincre que Jacquemin du Lys a prolongé son existence plus longtemps qu’on le dit, et qu’il a peut-être une part fort considérable à revendiquer dans la perpétuité de la race dont il était le chef.

Page 47, ligne 28
… elle est nommée Jeanne Day

Claude du Lys n’est pas le seul qui ait cherché à établir un rapprochement ou plutôt une identité entre les diverses formes du nom d’Arc, Day, Dali, Dailly, Dalis, Dulis. (Voir Viriville et Ch. du Lys.)

Cette forme d’Ailly avait fait compter par les généalogistes ignorants Hector d’Ailly, évêque de Toul (1524-1532) au nombre des descendants de la famille de la Pucelle. Hector d’Ailly de Rochefort était d’une famille noble d’Auvergne. Cette erreur se retrouve dans les dépositions de plusieurs témoins de l’enquête relative à Hordal et même dans le Mémoire de Charles du Lys qui parle de Messire Hector du Lys, évesque de Toul (éd. Viriville, p. 54).

84L’allusion au langage grossier du pays lorrain n’a pas été perdue par Charles du Lys. Il s’en sert comme d’un excellent argument.

Quelques auteurs ont cru, à l’exemple de Claude du Lys, que la prononciation des rives de la Meuse aurait imposé au nom d’Arc la forme Day, et que, de ce dernier nom, en prononçant les deux voyelles, on aurait tiré Dailly, Daily, Daly, Dalis, Dulis. Nous ne pouvons pas admettre cela : une telle opinion est contredite par le nom de du Lys, porté authentiquement par Pierre et son fils dès le XVe siècle, non moins que par la traduction a Lilio adoptée par le curé de Domremy au XVIe. Il paraît du reste certain que ce fut par ordre du roi, et comme complément de l’anoblissement de la famille de l’héroïne, que le nom de du Lys fut substitué de toutes pièces à l’ancien nom patronymique. Le cabinet des titres constate, malheureusement sans explication précise, l’existence des lettres patentes, du mois de janvier 1429 (N. S., 1430), en vertu desquelles cette substitution eut lieu.

Le roy, y est-il dit, par lettres du mois de janvier dudit an, leur permit d’échanger leur nom d’Arc et de prendre celuy de Du Lys. (Voir aux Preuves.)

Le nom noble de la Pucelle et de sa famille n’est autre que le résumé de son glorieux blason, qui peut se lire ainsi : Son épée a soutenu et sauvé la couronne des Lys. Il a été, il est vrai, défiguré et orthographié de bien des manières ; on ne trouve pas, en effet, dans les actes publics et privés de la famille du Lys moins de onze formes différentes à nous connues : Du Lys, Dulis, Du Liz, Dulix, Dalix, Dalie, d’Aliz, Daly, Dally, Dailly et D’Ailly, sans compter les variantes résultant de l’emploi de l’y à la place de l’i, et inversement. C’est plus particulièrement en Lorraine, dans la branche qui a Jean pour auteur, que se trouvent le plus fréquemment employées les formes Daly et Dailly.

Mais revenons à cette modification du nom d’Arc en Day et de Day en Dailly due au langage grossier du climat lorrain. Pour qui a entendu parler les paysans de la 85vallée de la Meuse et de la Lorraine en général, il est admissible que Darc eût fait Dairc et peut-être Dair en supprimant la consonne finale ; mais quant à Day et Daix, nous ne le croyons pas, et encore moins Daÿ. La forme Dalis est venue sans conteste de la prononciation du pays, où l’on avait coutume de dire une fleur dalis pour une fleur de lis, et les sieurs Dalis, et à la suite Daily, pour les sieurs Dulis. Là s’arrête, à notre avis, l’effet de la corruption du langage. Ce point admis, le reste ne provient plus que du peu de curiosité qu’on a eu de respecter l’orthographe.

Le nom d’Arc, lui aussi, a subi de nombreuses modifications dans son orthographe et sa prononciation. Cette question a été traitée, avec beaucoup de développement, par M. Vallet de Viriville, dans un de ses ouvrages5, nous n’y reviendrons pas. Seulement, nous croyons devoir faire une observation sur l’importance qu’il y attache à supprimer l’apostrophe du nom d’Arc pour l’écrire Darc. Nous croyons, quant à nous, que ce nom, soit qu’il rappelle le pays dont la famille de Jacques d’Arc était anciennement originaire, soit qu’il ait du rapport avec l’arme figurée sur son blason primitif, doit se présenter avec l’apostrophe séparative de la particule. Il nous paraît aussi naturel de dire aujourd’hui d’Arc, que de dire d’Orléans et d’Alençon, alors que ces trois noms s’écrivaient au XVe siècle, époque où l’apostrophe n’était pas en usage, Darc, Dorléans et Dalençon.

Si on a cru démocratiser le nom de la Pucelle en lui enlevant cette apostrophe, et démontrer par là son humble origine, on a fait preuve d’une étroite préoccupation. On n’a point compté en effet que, sauf à notre époque, et encore cela principalement en France, la particule n’a jamais passé pour une marque de distinction. Les qualifications nobiliaires de noble homme, écuyer, chevalier, etc., indiquaient seules la position sociale avant 1789, quand la 86noblesse avait encore des privilèges ; on s’appelait du Bois, du Moulin, sans prétendre pour cela à y participer.

Nous laissons donc à ce glorieux nom sa forme la plus rationnelle, reçue et acceptée depuis longtemps, et nous ne cherchons pas à donner par là à ses parents un autre éclat que celui de leurs vertus modestes et une autre noblesse que celle dont ils furent redevables à leur incomparable fille, en étant associés à son immortalité.

Page 48, ligne 13
… Claudius a Lilio…

Claude du Lys, petit-neveu de Jeanne d’Arc, était curé de Domremy. Il mourut en 1550. Il était poète à ses heures et a laissé des vers latins. Il occupait la chambre du premier étage de la maison de la Pucelle, au-dessus de la chambre commune. On voit encore la disposition des lieux. C’était un logis bien modeste.

Page 49, ligne 3
… l’esglise Saint-Georges de Nancy…

Collégiale célèbre, fondée par le duc Raoul, en 1330, paroisse des ducs de Lorraine, et détruite par Léopold, en 1743, lors de la reconstruction du palais ducal. La cathédrale actuelle remplaça Saint-Georges, comme collégiale, pour le chapitre de la Primatiale.

L’église Saint-Georges contenait les mausolées de plusieurs princes lorrains : les ducs Jean et Nicolas d’Anjou, Charles II, les duchesses Isabelle d’Autriche, Marguerite de Bavière, Marie de Bourbon et ceux d’une foule de grands seigneurs. Le corps de Charles le Téméraire y resta déposé de 1496 à 1550. Ce ne fut qu’à partir de René II que les princes de la maison de Lorraine reçurent leur sépulture aux Cordeliers, et à partir de Charles III, dans la chapelle ducale ou chapelle-ronde où tous les débris de cette auguste famille ont été successivement réunis.

Page 49, ligne 7
le comte de Salm

Jean, comte de Salm, baron de Viviers et de Fénestrange, 87maréchal de Lorraine, était gouverneur de Nancy en 1580. Il avait pour successeur, en 1605, le comte Charles de Gournay.

Page 49, ligne 12
Jehan Royer

Le premier Mémoire de Charles du Lys contient, au sujet des Romée, une erreur typographique. Il y est question de Jean Roger. C’est Jean le Royer qu’il faut lire. Cette erreur, a du reste, été réparée dans la seconde édition. (Voir la Généalogie et les Preuves du chap. IV.)

Page 49, ligne 14
… l’alliance qu’ils ont eue en la famille…

Mais ils n’ont jamais eu non plus d’autre prétention ! Claude du Lys pourrait être plus gracieux pour des alliés qui, après tout, ne lui faisaient pas déshonneur.

Notes

  1. [3]

    Le contrat de Jean du Lis vient d’être publié par M. Doinel dans les Mémoires de la Société d’archéologie et d’histoire de l’Orléanais.

  2. [4]

    Voir l’enquête de 1502 dans les Preuves du chapitre III, due aux recherches de M. B. de Molandon.

  3. [5]

    Nouvelles Recherches sur la famille et sur le nom de Jeanne d’Arc… Paris, Dumoulin, 1854, br. gr. in-8°.

page served in 0.035s (1,6) /