Jean Hordal  : Histoire de Jeanne d’Arc (1612)

Défense

Epilogus Épilogue

Sed jam hactenus et historiæ, et documentorum satis. Mais voilà assez d’histoires et d’enseignements. Excitavi in hac historia, non sane jacentem, sed haud satis unquam commemorandam, sparsimque a multis laudatam varie, ab uno aliquo nondum sat abunde, meo judicio celebratam, Christianæ nostræ Amazonis Joannæ Darc prædicabilem omnium gentium linguis, virtutem et gloriam. Dans cet ouvrage, j’ai voulu exalter la vertu et la gloire de Jeanne d’Arc, notre amazone chrétienne, lesquelles sont dignes d’être proclamées dans toutes les langues du monde ; non qu’elles soient tombées dans l’oubli, mais parce qu’à mon sens, elles n’ont jamais été assez rappelées, et parce que, bien que célébrées de manière éparses par divers auteurs, elles ne l’ont pas été avec l’abondance nécessaire dans un ouvrage dédié et par un auteur unique. Produxi 250rerum admirabilium, quas de ea memoravi, gravissimos plurimosque testes : defendi ab obtrectatorum calumniis, defensam olim ab integerrimis sapientissimisque viris, testatam publico Europæ, publica, delegatorum ab Apostolica sede, sententia, ejus integritatem et innocentiam ; collegi aliquot, seu firmamenta meæ causæ, seu vitæ humanæ documenta, quæ in re insita, dissimulari a commodo, et commodandi hominum societati studioso historico, minime debuerunt. J’ai produit sur les faits admirables rapportés sur elle, les témoins les plus dignes de foi et les plus nombreux ; j’ai défendu, contre les calomnies de ses détracteurs, son intégrité et son innocence, déjà défendues jadis par des hommes très probes et très sages, et attestées par la voix publique de l’Europe ainsi que par la sentence officielle des délégués du Siège apostolique ; j’ai rassemblé certains documents, soit pour étayer ma démonstration, soit comme enseignement pour la vie humaine, puisque étant au cœur même de cette histoire, ils n’auraient nullement dû être passés sous silence, ni par facilité, ni par un historien soucieux de servir la société des hommes. Quid multa ? Feci rem sane mihi operosam ; at optatam diu, fateor, et perjucundam ; facere optavi rem et privatim et publice utilem ; utinam spem et voluntatem meam eventus non fallat ! Que dire de plus ? Cette entreprise m’a demandé un travail considérable, mais je l’avais à cœur depuis longtemps et, je l’avoue, y ai pris beaucoup de plaisir ; mon intention était de faire une œuvre utile tant à moi-même qu’au public : puisse le résultat ne pas décevoir mon espérance et mon ambition ! Certe quisquis aut Joannæ Darc pace et bello clarissimæ Virginis, aut Lothareni, Gallicive nominis gloriæ, aut virtuti ipsi non invidebit, favebit, opinor, labori meo : tantoque eum excipiet æquius, quanto diligentiore modestia facere studui, ut ne is cuiquam acerbus aut molestus esset. Je suis convaincu que quiconque, libre de préjugés envers Jeanne d’Arc, vierge éclatante tant à la guerre qu’en temps de paix, envers la gloire du nom lorrain ou français, ou envers la vertu elle-même, favorisera cette entreprise ; il l’accueillera d’autant plus équitablement que j’ai mis un point d’honneur à modérer mon propos de manière à ne blesser ni fâcher personne. Utcunque de mortalibus 251meritus fuero, Deo me spero Divisque gratum fecisse opus ; qui hanc historiam ita scripsi, ut statuisse me putem ante hominum oculos, Dei in res humanas spectatissimæ providentiæ monumentum. Quel que soit le mérite que me reconnaîtront les mortels, j’espère avoir fait une œuvre agréable à Dieu et aux saints ; car j’ai composé cette histoire convaincu d’avoir élevé, aux yeux de tous, un monument à l’éclatante providence de Dieu dans les affaires humaines. Neque id ita explevi tamen, ut non etiam multa addi posse intelligam. Et pourtant, je ne l’ai pas achevée sans mesurer combien de choses pourraient encore y trouver leur place. Sed id erit fortasse alicujus majoris otii, aut mei, aut alterius, qui in hoc argumento, elaborare, cæterosque ante se vincere, pulchrum putabit. Mais cela exigera sans doute beaucoup plus de temps, le mien ou celui de tout autre qui jugera noble de se consacrer à ce sujet et de surpasser l’œuvre de ses prédécesseurs. Quidquid istud nunc est, totum id doctorum hominum, modo ne malevolorum, judicio permitto : Censuræ autem Ecclesiasticæ, multo magis ex animo committo, submittoque. Quoi qu’il en soit de ce travail, je l’abandonne désormais tout entier au jugement des savants, pourvu qu’ils ne soient pas malveillants ; quant à la censure de l’Église, je le lui confie et m’y soumets bien plus encore, et de tout cœur.

Finis. Fin

Laus Deo Opt. Max.
Virgini Matri, Cœlit.
omnibus.
Louange à Dieu très bon et très grand, à la Vierge Mère, à tous les habitants du ciel.

[Pièces finales]

Audict sieur Hordal son intime amy, pour le congratuler de l’heureux parachevement de son livre, contenant l’honneur et merites de la Pucelle d’Orleans.

Tu obliges la France obligeant la Pucelle,

Qui luy donna secours contre le fier Anglois,

Je mourois donc pour toy : car il ny a François

Qui desireux d’honneur ne deust mourir pour elle.

J. D. P.

Audict sieur Hordal pour le mesme subject.

Que l’on ne vante plus d’un Homere la gloire

A chanter, un Virgile d’un Ænee la memoire :

Tu es bien plus, Hordal, d’une veine meilleure

Empeschant Jeanne Darc qu’en la France ne meure.

Vostre tres-affectionné
D. Richard.

Achevé d’imprimer le 28. de May, 1612.

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