Jean Hordal  : Histoire de Jeanne d’Arc (1612)

Liminaires

Heroinæ nobilissimæ Joannæ Darc Lotharingæ
vulgo Aurelianensis Puellæ
Historia
Histoire de Jeanne d’Arc,
très noble héroïne de Lorraine,
communément appelée la Pucelle d’Orléans

[Frontispice]

Jean Hordal, Histoire de Jeanne d’Arc, 1612, Frontispice

Statua in memoriam Joannæ virginis Aureliæ ponti superposita Statue en mémoire de la vierge Jeanne, placée sur le pont d’Orléans.

Fortitudo comes est perpetua virginitatis Le courage est l’éternel compagnon de la virginité.

Heroinæ nobilissimæ Joannæ Darc Lotharingæ vulgo Aurelianensis Puellæ Historia, Ex variis gravissimæ atque incorruptissimæ fidei scriptoribus excerpta. Histoire de Jeanne d’Arc, très noble héroïne de Lorraine, communément appelée la Pucelle d’Orléans, tirée de divers auteurs de la plus grande et incorruptible autorité.

Ejusdem Mavortiæ Virginis Innocentia a calumniis vindicata Authore Joanne Hordal Serenissimi Ducis Lotharingiæ Consiliario, Et J. U. [juris utriusque] Doctore ac professore publico in alma universitate Ponti-Mussana. L’innocence de cette vierge guerrière est défendue contre les calomnies par Jean Hordal, conseiller du sérénissime duc de Lorraine, docteur en droit et professeur public en l’illustre université de Pont-à-Mousson.

Ponti-Mussi, Apud Melchiorem Bernardum Ejusdem Ser. Ducis Typographum. M. DC. XII. Cum privilegio Regis. À Pont-à-Mousson, chez Melchior Bernard, imprimeur du sérénissime duc. 1612. Avec privilège du Roi.

Leonard. Gaultier Sculp. Gravé par Léonard Gaultier.

[Dédicace liminaire]

Æternæ gloriæ, À la gloire éternelle

Dei opt. max. salutis ac victoriæ datoris ; De Dieu, très bon et très grand, qui accorde le salut et la victoire ;

Deiparæ Virginis, missione auxiliatricis, ac liberatricis puellæ Joannæ Darc, optime de Gallia meritæ ; De la Vierge Mère de Dieu, pour la mission de la Pucelle Jeanne d’Arc, auxiliatrice et libératrice, ayant si bien mérité de la France ;

Divi Michaelis, quo Dei ac Mariæ internuncio excitata Joanna, quo Ecclesiæ Galliæque præside, belli principe ac ductore, sacro ipsius apparitionis die Liberata per Joannam Aurelia, Gallia omnis ad spem salutemque vocata est ; De saint Michel, messager de Dieu et de Marie par qui Jeanne fut suscitée, protecteur de l’Église et de la France, prince et guide de la guerre, le jour sacré de son apparition, Orléans fut libérée par Jeanne et toute la France appelée à l’espoir et au salut ;

Joannæ Darc, natæ immortalitati clarissimæ Virginis, De Jeanne d’Arc, très illustre Vierge née pour l’immortalité ;

Lotharingiæ, unde illa orta ; De la Lorraine, d’où elle est issue ;

Galliæ, cui subsidio divinitus est missa ; De la France, à qui elle fut envoyée comme secours divin ;

Deditissimus Joannes Hordal, Perenne hoc monumentum, statuit, dicatque. Le très dévoué Jean Hordal a érigé ce monument perpétuel et le dédie.

[Première gravure]
Jeanne d’Arc en arme

Jeanne d’Arc en armes, gravure, Jean Hordal, Histoire de Jeanne d’Arc, 1612

Talis in arma ruit bellaci schemate virgo. Voici comment s’élançait la Vierge guerrière en armes.

Johanna Darc Aurelianensis Puella vulgo nuncupata Jeanne d’Arc, communément appelée la Pucelle d’Orléans.

L. Gaultier Sculp. 1612 Gravé par L. Gaultier, 1612.

Pugnate audentes Galli : si tale tenebat Palladium titubans Troia, perennis erat. Combattez hardiment, Français : avec un tel protecteur, Troie vacillante eût été éternelle.

[Dédicace au prince François de Lorraine]

Illustrissimo generosissimoque principi Francisco a Lotharingia Marchioni de Hatonchastel, Comiti de Vaudemont, etc. Baroni de Vivier, Ruppe, Brandebourg, Domino de Dompremy, etc. À l’illustrissime et très généreux prince François de Lorraine, marquis de Hattonchâtel, comte de Vaudémont, etc., baron de Viviers, de La Roche, de Brandebourg, seigneur de Domrémy, etc.

Virilem hanc Puellam pietate illustrem, armis nobilem, castimonia singularem, Gallorum saluti, Lotharenorum decori, Hostium exitio, suo partim commodo olim natam, partim denatam incommodo, nunc vero cum nationum prope omnium elogiis renascentem ut dicarem ego tibi (Princeps illustrissime) effecit tum mea virginisque in te hujus, tum tua in me Virginemque istam propensio. Cette vierge courageuse, illustre par sa piété, noble par ses armes, unique par sa chasteté, née jadis pour le salut des Français, l’honneur des Lorrains et la ruine de ses ennemis, décédée dans la douleur mais renaissant aujourd’hui avec les éloges de presque toutes les nations, c’est à toi que je la dédie (illustrissime Prince), poussé à la fois par mon attachement et celui de cette vierge envers toi, ainsi que par ton attachement envers moi et envers cette vierge. Et vero ad quem reverteretur nisi ad te Joanna quæ a ditione tua originem traxit suam ? Et en vérité, à qui d’autre que toi Jeanne pourrait-elle être rendue, puisque c’est de ton domaine qu’elle tire son origine ? Quidni rediret suum ad Patronum Cliens, ad Dominum famula, ad Ducem miles ? amat pedamentum vitis, pastorem ovis, navis nautam, ut servetur, ut foveatur, ut regatur. Pourquoi ne te reviendrait-elle pas, telle le protégé à son bienfaiteur, la servante à son maître, le soldat à son chef ? la vigne s’attache à son échalas, la brebis à son berger, le navire à son commandant, pour être protégée, chérie, et guidé. At in quo facilius inveniat, a quo æquius præsidia hæc impetret, quam ab illo dignitatis suæ conservatore ac vindice, quem in rebus arduis magnanimitas, in dubiis prudentia posse faciunt, velle autem effusa in omnes, singulari stipata felicitate benignitas ? Chez qui trouverait-elle plus facilement ces protections, de qui les obtiendrait-elle plus justement, sinon de celui qui veille sur sa dignité et la défend, de celui que la magnanimité dans les difficultés et la prudence dans les incertitudes rendent capable, et dont la bienveillance universelle est entourée d’une félicité exceptionnelle ? Hinc est cur te Asylum oppressis, afflictis subsidium, portum naufragis, inferioribus benignum, æqualibus familiarem, amicis beneficum, hostibus terribilem, omnibus admirabilem videamus. C’est pourquoi nous te voyons comme un refuge pour les opprimés, un soutien pour les affligés, un port pour les naufragés ; bienveillant envers les inférieurs, familier avec les égaux, bienfaisant envers les amis, terrible pour les ennemis, et admirable aux yeux de tous. Nimirum ita se res habet ut a felici arbore fructus optimi, a progenitore præstantissimo eximii fœtus, a nobilissima indole omnibus virtutum locupletata dotibus, generosissima facta a nequeant non existere. Comment en serait-il autrement, puisque qu’un arbre heureux donne certainement les meilleurs fruits, l’ancêtre éminent des descendants exceptionnels, et une nature très noble dotée de toutes les vertus, les actions les plus généreuses. Nam ut Imperatorum, Regum, Dynastarum tum orientis tum obeuntis solis vetustissimas clarissimasque omittam imagines, ut sileam virorum genti tua Principum pulchram per vulnera pro Catholica Religione mortem obeuntium, memoriam immortalitati consecratam, quis non obstupescat tam absolutum virtutum omnium uno in te vigentium cumulum ut delegisse te præsertim videantur in quo una omnes sedem sibi et gratam figerent et perennem ? Car, sans même rappeler les très anciennes et très célèbres figures des empereurs, rois ou dynastes, tant du Levant que du Couchant, sans évoquer les hommes de ta race, princes tombés glorieusement sous les coups pour la foi catholique et dont la mémoire est vouée à l’immortalité, qui ne s’émerveillerait de voir en toi l’union parfaite de toutes les vertus, comme si elles t’avaient élu entre tous pour y établir leur demeure, à la fois agréable et éternelle ? Me ut interdum delectet, Principum permultos templis iis conferre (fas sit vetera illa quamquam rite antiquata meminisse) in quibus Dei unius Deæve sola coleretur effigies ; te vero Pantheo illi in quo residerent omnes Dii. Je me plais parfois à comparer tous ces princes à des temples (qu’il me soit permis de remémorer ces anciens rites, bien que révolus) où l’on vénérait l’effigie d’un seul dieu ou d’une seule déesse ; mais toi, en vérité, tu es semblable à un Panthéon où siégeraient toutes les divinités. Floruit in bello aliquis sed emarcuit in pace, alium toga sed non arma decorarunt, reverentiam ille terrore, alius amorem facilitate captavit. Ille quæsitam domi gloriam in publico hic in publico partam domi perdidit. Postremo pauci admodum extitere quorum virtutes nullo vitiorum confinio læderentur. Un tel s’est épanoui dans la guerre mais s’est flétri dans la paix, un autre a été honoré par la toge mais non par les armes, celui-ci a obtenu le respect par la crainte, celui-là l’amour par la bonté. L’un a perdu en public la gloire acquise chez lui, l’autre chez lui celle remportée en public. Rares, enfin, sont ceux dont les vertus n’ont été entachées par la proximité d’aucun vice. At tibi (ut cum Plinio loquar in Panegyrico) quanta concordia, quantusque concentus omnium laudium, omnisque gloria contigit, ut nihil severitati tuæ hilaritate, nihil gravitati simplicitate, nihil majestati humanitate detrahatur ? Mais à toi (comme le dit Pline dans son Panégyrique) quelle harmonie et quel concert de louanges lorsqu’il est question de ta gloire, car ta sévérité n’est pas altérée par ta gaieté, ta dignité par ta simplicité, ni ta majesté par ton humanité. Jam cultus et religionis cura, jam constantia in adversis, in prosperis æquabilitas, in factis dignitas, in dictis sapientia nonne Principem votis omnibus majorem loquuntur ? talem profecto esse oportuit eum cujus fidei maximum Regum urbes potentissimas, cujus fortitudini equites numero multos, stirpe nobiles, bellica laude spectatos committeret : quem Veneta Respublica externo militi Præfectam deposceret, quem Austrasia universa primum a Duce suo intueretur. Déjà le soin du culte et de la religion, déjà la constance dans l’adversité, l’égalité d’âme dans la prospérité, la dignité dans les actions, la sagesse dans les paroles, ne proclament-elles pas un Prince dépassant toutes les promesses ? ainsi devait être celui à la fidélité duquel le plus grand des rois confiait les villes les plus puissantes, à la bravoure duquel tant de chevaliers, nobles par la lignée et illustres par la gloire guerrière, se ralliaient ; celui que la République de Venise réclamait comme chef de ses troupes étrangères, celui que toute l’Austrasie contemplait comme son premier duc. Ego certe ut te aspexi te suspexi, et salutaribus vultus tui radiis saucius ita te intrinsecus intueri, gloriamque tuam tueri extrinsecus statui, ut quemadmodum a sole heliotropium non abscedit, sic a virtutum contemplatione tuarum animus meus, a præconiis vox, et stylus, a beneficentia manus abitura non sit. Quant à moi, dès que je t’ai vu, je t’ai admiré, et, frappé par les rayons salutaires de ton visage, j’ai résolu de te contempler intérieurement et de défendre ta gloire extérieurement, de sorte qu’à l’image du tournesol qui jamais ne se détourne du soleil, mon âme ne cesse de contempler tes vertus, ma voix et ma plume de chanter tes louanges, et ma main d’œuvrer à ton bien. Accipe igitur Joannam hanc gente nostram, ditione tuam, ut a te ad nos projecta, per nos ad te redeat ; tuo in solo nata educataque, tua tuorumque gloria nata sit ; te habeat gloria sua vindicem ; quibusque e terris salutem Galliæ intulit, in eas quod per hostilem invidiam redire viva haud potuit, immortaliter vivaci gloria nobilis, per te una mecum, tuo favore, meis laboribus revertatur. Aussi reçois cette Jeanne, nôtre par la naissance, tienne par le domaine, afin que, projetée par toi vers nous, elle retourne par nous à toi ; née et élevée sur ton sol, qu’elle soit née pour ta gloire et celle des tiens ; que sa gloire te tienne pour défenseur ; et des terres d’où elle apporta le salut à la France mais où la jalousie ennemie l’empêcha de rentrer vivante, qu’elle y revienne désormais pour une gloire immortelle et vivante, par toi et avec moi, par ton soutien et par mes efforts.

Tua Excellentia re et studio addictissimus
J. Hordal.
À Votre Excellence, entièrement dévoué en actes et en pensée,
J. Hordal.

Extraict du Privilege

Par grace et privilege de son Altesse, il est permis à Melchior Bernard, son Imprimeur juré en l’Université du Pont-à-Mousson, d’imprimer, ou faire imprimer le livre de nostre tres-cher et feal Conseiller d’estat, et Docteur és droicts et Professeur Ordinaire en nostre Université dudict Pont, intitulé Heroinæ nobilissimæ Joannæ Darc Lotharingæ vulgò Aurelianensis Puellæ historia. Avec deffence tres-expresse à tous autres Imprimeurs et Libraires d’imprimer ledict livre : et ce pendant le terme et espace de six ans, à compter du jour qu’il aura esté achevé d’imprimer, sur peine d’amende arbitraire et de confiscation des exemplaires. Car ainsi nous plaist. Expedié à Nancy le 17. de Mars, Mil six cens et douze. Les Sieurs de Gournay Chef du Conseil, de Stainville Doyen de la Primatialle, de Valhey, Gouverneur de Marsal, de Myon, Bardin, Baillivy, Rouyer, Maistres aux requestes ordinaires et autres presens.

Ainsi signé : Henry.

Et plus bas. : J. Rolin.

Approbatio Approbation

Ego infra scriptus Societatis Jesu Theologus legi hunc librum, in quo de Joanna Puella rebus gestis quid sentiendum sit, docte et accurate demonstratur. Je, soussigné, théologien de la Compagnie de Jésus, ai lu ce livre, dans lequel il est démontré de manière savante et précise ce qu’il faut penser des exploits de Jeanne la Pucelle. Nihilque in eo reperi quod sanctissimæ nostræ fidei adversetur, aut bonis moribus possit officere. Hoc mei nominis adscriptione testor. Je n’y ai rien trouvé qui soit contraire à notre très sainte foi, ou qui puisse nuire aux bonnes mœurs. Je l’atteste par l’ajout de mon nom.

Joannes Mamburgus. Jean Mambourg

Privilege du Roy

Louis par la grace de Dieu Roy de France et de Navarre, A nostre Prevost de Paris, Bailly de Chaumont, Senechal de Lion, et tous noz autres Justiciers ou Officiers ou leurs Lieutenants Salut. Nostre amé et feal M. Jehan Hordal Conseiller d’estat de nostre Tres-cher et tres-amé Cousin le Duc de Lorraine Docteur és droicts Professeur ordinaire en l’Université du Pont-à-Mousson en Lorraine, Nous a faict remonstrer qu’il avoit depuis peu de temps en ça faict imprimer en l’université dudict Pont-à-Mousson l’histoire de la Pucelle d’Orleans soubs ce tiltre, Heroinæ nobilissimæ Johannæ Darc vulgo Aurelianensis Puellæ historia. Lequel livre ledict Hordal desireroit de faire vendre et mettre en lumiere en cestuy nostre Royaume. Mais il doubte que autres que luy ou ceux ausquels il auroit donné charge se voulsissent ingerer de l’imprimer frustrant par ce moyen ledict suppliant de son labeur s’il ne luy estoit sur ce pourveu de noz lettres à ce convenables, humblement requerant icelles. A ces causes desirant ledict suppliant estre recompensé de son labeur, frais et mises, Avons a iceluy permis et octroyé, permettons octroyons par ces presentes d’imprimer ou faire imprimer, vendre distribuer par tout nostre Royaume ledict livre sans que autres, que ledict suppliant ou autre ayant droict et pouvoir de luy le puisse imprimer ou faire imprimer, vendre distribuer jusques au terme de six ans à compter du jour et datte de l’Impression dudict livre, et ce sur peine de confiscation desdicts livres et amande arbitraire.

Si vous mandons et à chacun de vous commettons endroit soy si comme à luy appartiendra que de nostre privilege et du contenu en iceluy vous faictes et souffrez iceluy Suppliant, les ayans charger, jouyr et user plainement et paisiblement, et à ce faire, souffrir et obeyr contraignez tous ceux qui pour ce feront à contraindre par toutes voyes et manieres deuës et raisonnables. Car tel est nostre plaisir, nonobstantes quelconques lettres à ce contraires. Donné à Paris le dixseptiesme jour de Decembre, l’an de grace Mil six cens unze, et de nostre regne le deuxiesme. Et signees par le Roy en son Conseil, du Lis, et sellees en simple queüe du grand seel de cire jaune.

Collationé à l’Original par moy Conseiller Notaire et Secretaire du Roy.

Du Lis.

[Pièces liminaires]

Carolus du Lis Charles du Lys

Nobili, clarissimo doctissimoque viro D. D. [Domino Doctori] Joanni Hordal, J. U. D. [Juris Utriusque Doctori] atque in alma Universitate Pontimussana Professori ordinario, Cognato suo. Au noble, très illustre et très savant homme, monsieur le docteur Jean Hordal, docteur en l’un et l’autre droit et professeur ordinaire en l’Université de Pont-à-Mousson, son parent.

In depictam et descriptam Virginis Aureliæ statuam et historiam. Au portrait fidèle et saisissant de la Vierge d’Orléans et à son histoire

Pumice quum duplici, picta scriptaque tabella, Lorsque de ta double pierre ponce, cet ouvrage d’images et de textes,

Pene exesa tuæ Virginis arma polis : Tu polis les exploits de ta Vierge, usés par le temps,

Te Natura movet, siquidem genus inde tulisti ; C’est la Nature qui t’anime, puisque tu es issu de son sang ;

Ipse tuos picta Virgine, pingis avos. En peignant la Vierge, tu peins tes aïeux.

Nec mirum, nam quæ armis gloria parta puellæ Ne t’étonne pas que la gloire que la Pucelle a acquise par les armes,

Est eadem et scriptis gloria parta tibi. Soit la même que celle que tu as acquise par la plume.

Car. du Lis Consiliarius et Advocatus Reg. Paris. Charles du Lys, conseiller et avocat du Roi au parlement de Paris.

Cat. [Catharina] de Cailly Catherine de Cailly

Al Medesimo Signor Hordal. Au même sieur Hordal

Questa guerriera, si come io, Francese, Cette guerrière, comme moi, est Française,

Ache ti parlo in lingua non vulgare ! Alors je te parle dans un langage qui n’est pas populaire.

Perche Ariosto gentil che ser mi pare, Car le noble Arioste, qui me paraît fort digne,

Questa par’ Bradamente fiera è cortese A fait sa Bradamante fière et courtoise ;

Non chabbi volsuto l’ardite Imprese Mais toi tu n’as pas voulu que les exploits hardis

Di questa Pulcella, in versi cantare, de la Pucelle soient chantés en vers,

Mà con grave è fedel stile narrare Mais racontés dans un style grave et fidèle

Mandate dal’ Ciel’ luiute è difese. Car elle fut envoyée du Ciel.

Ora, di quanto questa valorosa Or, cette valeureuse

Fanciulla supera la favolosa Jeune fille surpasse autant la fabuleuse

Bradamante, Di quanto piu buggia Bradamante ; et cette fiction,

Grada si, ma sbelletata è fallace, Si plaisante soit-elle, mais fardée et fallacieuse,

Cede a la verita, nuda che sia, Cède autant à la vérité, si nue soit-elle,

Di tanto ti cede Ariosto mendace. Que te cède l’Arioste, ce fabulateur.

Al Medesimo signor. Au même sieur.

Mira che con l’arte è la dotta mano Vois comme avec de l’art et une main savante,

Con chiaro stille è eccellente ingegno Avec un style clair et un esprit excellent,

Quest’ opra è salita in si altero segno Cette œuvre s’est élevée à un si haut sommet,

Che rimaner fa ogni scrittor lontano. Qu’elle laisse bien loin tout autre écrivain.

Cat. de Cailly. Catherine de Cailly

Jacobus de Cailly Jacques de Cailly

En loor de la obra y historia de Juana Virgen Aureliana hecha por el noble y doctissimo Señor Don Juan de Hordal Consejero d’estado de Su Alteza Doctor en los derechos y Professor ordinario en la alma, celebre, y nombrada Vniversidad de Puente-Mussone deudo y pariente d’essa misma Virgen. À la louange de l’œuvre et histoire de Jeanne la Pucelle d’Orléans, composée par le noble et très docte seigneur Jean Hordal, conseiller d’État de son Altesse, docteur ès droits et professeur ordinaire dans l’illustre, célèbre et renommée Université de Pont-à-Mousson, parent et allié de cette même Pucelle.

Parate aqui, ô hermano passagero ; Arrête-toi ici, ô voyageur, mon frère ;

Porque passas de priessa, y tan ligero ? Pourquoi passes-tu si vite, si leste ?

Mira à este auctor, honrra y gloria Contemple cet auteur, honneur et gloire

D’esta ciudad, y de tierras de Lirios : De cette cité, des terres du lys ;

Mira à nuestra Virgen, y à nuestros rios ; Vois notre Pucelle, vois nos rivières,

Y por siempre queden en tu memoria. Et qu’à jamais elles restent en ta mémoire.

Por el Señor Jac. de Cally. Gentil. Aurel. Par le sieur Jacques de Cailly, gentilhomme d’Orléans.

Ad eundem Au même

Cuncta tuo cedant impigro scripta labori, Que tous les écrits cèdent devant ton laborieux travail,

Veris falsa, sacris vana, vetusta novis. Les faux aux vrais, les vains aux sacrés, les anciens aux nouveaux.

Virginis Aureliæ nam quis monimenta recenset Car qui peut rapporter plus de témoignage sur la Vierge d’Orléans

Plura his quæ memoras, vera, sacra atque nova. Que ceux que tu rapportes, vrais, sacrés et nouveaux.

Idem de Cailly Nob. Aurel. Du même de Cailly, noble orléanais.

Sur le très-docte et agréable livre de Sieur Hordal, par lequel il semble nous vouloir ravir la Pucelle d’Orleans, sa bonne parente, et l’emmener en son païs.

Si mes ayeux, jadis pleins de valleur,

Ont acconduit sur la rive de Loire,

(De ton pays) Jehanne de Vaucouleur ;

Qui de l’Anglois remporta la victoire :

Si que son nom, par tiltre meritoire,

Nostre la dit ; Or sous quelle couleur

Nous voudrois tu laisser ceste douleur

De l’emmener dedans ton territoire ?

Pense tu point du charme de ton livre

Soudainement la ravir à noz yeux ?

Ne t’y attens, ny moins qu’on te la livres.

Plustost faisant comme mes peres vieux,

Pour la querir et leur prouesse ensuivre,

J’iray chez toy et en tous autres lieux.

Par le mesme Sieur de Cailly G. Orl.

Sur le tableau de la Pucelle d’Orleans.

Ce maintien Martial, et ce visage beau :

Pouvoient ils rencontrer plus fidel pinceau ;

L’esprit en est au ciel, son honneur et sa gloire,

Ne periront jamais au temple de memoire.

Par le mesme Sieur de Cailly G. Orl.

Nicolaus Guinetus Nicolas Guinet

Nobili, clarissimo, doctissimoque Viro D. D. [Domino Doctori] Joanni Hordal in utroque et Principis, et Juris auditorio Collegæ suo, de restituta dignitati Jana Darcia. Nicolaus Guinetus. Au noble, très illustre et très savant homme, monsieur le docteur Jean Hordal, son collègue tant à l’auditoire du Prince qu’à celui du droit, au sujet de la dignité rendue à Jeanne d’Arc. Nicolas Guinet.

Francia, quæ victrix populorum, colla Britanno France, victorieuse des peuples, courbes-tu l’échine

Subdis ? Et irato numine pressa jaces ? Devant l’Anglais? Gis-tu écrasée sous la colère divine ?

Heu pietas ! sic strata gemis ? sic Lilia marcent ? Hélas, piété ! Ainsi gémis-tu, abattue ? Ainsi se fanent les Lis ?

Languida probrosum sic patiere jugum ? Vas-tu, languissante, supporter ainsi ce joug honteux ?

At miseret miseræ superos : monituque superno Mais les Cieux ont pitié de ton malheur : et sur un ordre d’en haut,

Finibus e Lotharis arma virago capit ; Des Marches de Lorraine, une héroïne prend les armes

Reddat ut attonitæ vires : Angloque minaci Pour rendre ses forces à ton cœur stupéfait,

Præcipiat versum trans mare ferre pedem. Et sommer l’Anglais menaçant, de repasser la mer.

Non prius occiderent Franci Diadematis hostes, Les ennemis du diadème français ne devaient pas tomber

Quam nova Dux belli fœmina facta foret. Qu’une femme ne devienne le nouveau chef de guerre,

Non prius acciperes patriam Delphine coronam, Ni toi, ô Dauphin, recevoir la couronne de la patrie,

Quam tutum ad Rhemos Virgo pararet iter. Que la vierge ne t’ouvrît un chemin sûr vers Reims.

Qualis in Argivas vel Pentesilea phalanges, Telle Penthésilée chargeant les phalanges grecques,

Vel ruit in medios Volsca puella Phryges : Ou la jeune Volsque se ruant au milieu des Phrygiens,

Talis per densas acies Jana instat, et acta Jeanne s’élance à travers les lignes serrées et, dans son élan,

Fertur in adversos cuspide Brutigenas. S’enfonce, lance en avant, contre les fils de Brutus.

Auxilium præsens obsessa Aurelia sentit, Orléans assiégée ressent un secours immédiat,

Et grata, in memori marmore gesta notat. Et reconnaissante, grave ces exploits dans un marbre mémoriel.

Sed frustra in summo scalpta est victoria Ponte, Mais c’est en vain que la victoire fut sculptée au sommet du pont,

Frustra Servatrix Gallica, Jana cluet. En vain que Jeanne fut appelée Libératrice de la France.

Janæ iterum laudes oblivia longa tegebant Car de longs oublis allaient recouvrir les gloires de Jeanne,

Jana iterum probris mille petita fuit. Et Jeanne allait être attaquée par mille outrages,

Verum dum linguas Hordalle retundis inanes, Jusqu’à ce que toi, Hordal, tu réduises au silence ces langues médisantes,

Vindice te Gallis Darcia viva redit. Et les ayant vaincues, d’Arc revienne vivante aux Français.

Stephanus Hordal Étienne Hordal

Frater Fratri consultissimo. D’un frère, à son frère très avisé.

Francigenum vindex, sceptri tutela virago Cette héroïne, vengeresse des Français et gardienne du sceptre,

Quam facis a sera posteritate legi. C’est toi qui la fait lire à une postérité lointaine.

Teque tuosque suo prognatos sanguine clarat, Elle fait briller ton nom et celui des tiens, issus d’un même sang,

Si lubet addatur laus ut avita tuæ. Et puisse la gloire de tes aïeux venir rehausser la tienne.

Digerat ast longo fumosas ordine ceras Que d’autres alignent avec orgueil les portraits de cire de leurs aïeux, noircis par le temps,

Qui volet, et patria laude superbus eat ; Et qu’ils se parent, s’ils y tiennent, de la renommée de leurs pères.

Nam proprius tibi (Frater) honos meritusque paratur: Mais pour toi, mon frère, un honneur plus vrai, plus personnel est promis :

Nempe tuis per te gloria surgit avis. Car c’est par toi que la gloire revient illuminer tes ancêtres.

Tibi addictissimus L. Stephanus J. U. Licen. [Juris Utriusque Licentiatus] Civit. et Marchion. Pontimuss. [Civitatis et Marchionatus Pontimussi] Procognitor. Ton très dévoué L. Étienne, licencié en l’un et l’autre droit, substitut du procureur de la ville et du marquisat de Pont-à-Mousson.

Eidem Cognato suo plurimum colendo. À ce même parent, qu’il honore au plus haut point.

Nascitur en iterum flammis consumpta Virago : Voici qu’elle renaît, l’Héroïne consumée par les flammes,

Qualis aromatico funere solis avis. Comme l’oiseau du soleil, de son bûcher parfumé.

Sol cujus radii dant vitam Hordallius ille est : Ce soleil dont les rayons donnent la vie, c’est Hordal lui-même :

Cujus ab illustri Virgo renata stylo. C’est par sa plume illustre que la Vierge est rendue à la vie.

Nascere secura æternum fruitura salute : Renais sans crainte, assurée d’un salut éternel :

Flammaque cum fama te sciat esse Deam. Et que les flammes comme ta renommée proclament ta divinité.

Steph. Hordal. J. P. L. Étienne Hordal, licencié en droit.

Dominicus Guillot Dominique Guillot

Eidem lectissimo Cognato suo. Au même, également son parent très distingué.

Floruerat meritis quondam celebrata triumphis Elle avait fleuri, jadis, célébrée pour ses mérites et ses triomphes,

Aurelii virgo spesque, salusque soli. La Vierge d’Orléans, l’espérance et le salut de ce sol.

Illa sed adverso nuper marcescere vento Mais voici que récemment, on la croyait flétrie par un vent contraire,

Credita, non meritis insimulata notis. Accusée à tort, de crimes qu’elle n’avait pas commis.

Hordale Juris honos insontem protegis, illo Toi, Hordal, honneur du droit, tu défends l’innocente,

Nempe decet fungi munere juridicum. Car c’est bien à l’homme de loi que revient ce rôle.

Dominicus Guillot Canonicus Tullensis. Dominique Guillot, chanoine de Toul.

Adamus Marotus Adam Marot

Eidem D. D. Joanni Hordal acerrimo Aureliæ Puellæ integritatis vindici, Amico suo fidelissimo. À ce même monsieur le docteur Jean Hordal, le plus fervent défenseur de l’intégrité de la Pucelle d’Orléans, son ami le plus fidèle.

Ne te ultra Aureliæ jactent à stirpe Puellæ : Qu’on ne te vante plus comme parent de la Pucelle d’Orléans :

Jactanda est potius laudibus illa tuis. Qu’on la vante plutôt elle, comme destinataire de tes louanges.

An genus Aurelia tibi plus illustre Puella D’être parent de la Pucelle d’Orléans t’a-t-il rendu plus illustre

Quam fuit hæc calamo nobilitata tuo ? Que de l’avoir anoblie par ta plume ?

Non reor (Hordalli) : nec quisquam dicat an alter Je ne le pense pas, Hordal, et nul ne saurait dire

Majus ab alterius lumine lumen habet. Lequel tire une plus grande lumière de la lumière de l’autre.

Ejusdem eidem. Du même au même.

En formidati toto prius orbe Britanni Voici que les Anglais, jadis redoutés du monde entier,

Aureliæ fracti virginis ense cadunt. Tombent, vaincus par l’épée de la vierge d’Orléans.

Quid nunc hos mirere decus lacerare Puellæ ? Faut-il s’étonner s’ils s’acharnent aujourd’hui à salir l’honneur de la Pucelle ?

Fœminea mærent succubuisse manu. Ils pleurent d’avoir succombé sous la main de femme.

Adamus Marotus Sequanus. J. P. D. Adam Marot, de Franche-Comté, docteur en droit.

P. G. Anglus. P. G., un Anglais

De Gallorum cum Anglis dissensione à judicibus delegatis a sede Apostolica decisa. Du différend entre Français et Anglais, tranché par les juges délégués du Siège apostolique.

Eidem D. Hordal Au même Sieur Hordal.

A Gallis Angli multum distare videntur, Anglais et Français semblent avoir des avis bien contraires,

Dum de Joanna Virgine disseritur : Dès qu’il s’agit de débattre de Jeanne la Pucelle :

Namque ut Francigenæ clara ejus facta probarunt. Car autant les Français approuvent ses exploits,

Ipsamet Angligenæ sic reprobare solent. Autant les Anglais, eux, ont coutume de les réprouver.

Sed cum Pontifices laudent celebrentque puellam, Mais puisque les plus hauts prélats louent et célèbrent la jeune fille,

Convenit illorum credere judicio. Il convient de s’en remettre à leur jugement.

Inde tibi debetur honos ob talia scripta, D’où l’honneur que te valent de tels écrits :

Perpetuo quorum luce superstes eris. Par leur éclat, tu vivras à jamais.

P. G. Anglus. P. G., un Anglais.

Adenot Jacquet

A mondict Sieur Hordal sur son Livre de la Pucelle d’Orleans : Sonnet.

Contrepointer l’effort des ennemis Anglois,

Emousser de leurs dards la pointe redoutable,

Amortir de leurs feux le brandon execrable,

Restaurer les estats, regne de Valois :

C’estoit à la grandeur de tes masles explois

O Pucelle, de Mars la fille incomparable,

C’estoit à la valeur de ton bras indomtable

O Amazone, l’heur, et l’honneur des François.

Mais c’estoit, Mon Hordal, à ta plume eloquente

Peindre cest’ Heroine en proüesse eminente,

C’estoit, c’estoit à toy crayonner [c ajouté à la main] ses combas,

Et mouler sur la charte au naïf son image

Affin que joincts d’escrits comme de parentage,

L’un et l’autre marchiez sur l’oubly du trespas.

Adenot Jacquet Parrisien Legiste.

[Deuxième gravure]
Jeanne d’Arc en robe

Jeanne d’Arc en robe, gravure, Jean Hordal, Histoire de Jeanne d’Arc, 1612

Talis inermis erat muliebri veste Puella. Voici comment était la Pucelle sans armes, en habit de femme.

Johanna Darc Aurelianensis Puella vulgo nuncupata Jeanne d’Arc, communément appelée la Pucelle d’Orléans.

Mollis an hic facies ? an imago tenella puellæ ? Veste puellari Martia virgo latet. N'est-ce pas là un visage délicat ? le portrait d’une tendre jeune fille ? Sous l’habit de jeune fille se cache une vierge guerrière.

L. Gaultier Sculp. Gravé par L. Gaultier.

page served in 0.052s (1,1) /