Histoire
1Heroinæ nobilissimæ Joannæ Darc Lotharingæ vulgo Aurelianensis Puellæ Historia
Histoire de Jeanne d’Arc, très noble héroïne de Lorraine, communément appelée la Pucelle d’Orléans
Ex variis gravissima atque incorruptissima fidei scriptoribus excerpta.
D’après plusieurs auteurs de la plus grande et incorruptible autorité.
Ejusdem Mavortia Virginis Innocentia a calumniis vindicata.
L’innocence de cette vierge guerrière, défendue contre les calomnies
Authore Joanne Hordal etc.
Par Jean Hordal, etc.
Præfatio. Préface
Publicos rerum humanarum motus spectacula esse divinæ providentiæ. Les mouvements publics des affaires humaines sont le théâtre de la providence divine
Etsi Deus in seipso simplex, in effectis multiplex, utrobique mirabilis, innumera suæ in humanum genus singularis providentiæ protulerit argumenta, nulla tamen edidit vel clariora ad exemplum vel ad impetrandam fidem efficaciora, vel denique ad concitandam fiduciam aptiora, quam dum profligatas Principum, provinciarum, regnorumque fortunas non ab interitu modo vindicavit, 2sed eas etiam majori longe tum firmitate roboravit, tum splendore decoravit. Dieu quoi que simple en lui-même, est multiple dans ses effets ; admirable en tout, il a donné d’innombrables preuves de sa providence particulière envers le genre humain ; cependant, aucune n’est plus éclatante comme exemple, plus efficace pour éveiller la foi, ni enfin plus apte à inspirer confiance, que lorsqu’il intervient pour sauver de la ruine les fortunes de princes, de provinces ou de royaumes, tout en les consolidant et en les parant d’un éclat plus grand encore. In his enim et fulciendis et illustrandis ea sapientissimus ille rerum omnium moderator usus est agendi ratione, quæ humanas supergressa vires, in eum tantum refundi queat a quo dimanavit. Car, en les soutenant et en les illuminant, ce très sage ordonnateur de toutes choses a agi d’une manière qui, dépassant les forces humaines, ne peut être attribuée qu’à celui dont elle émane. Nimirum ut intelligerent omnes a quo tempestates extiterant, tranquillitatem esse ab eo profectam, ab eo conceptum esse periculum a quo sit enata securitas, denique ab eodem a quo impendebat interitus, vitam instaurationemque pependisse. Ceci afin que tous comprennent que celui qui a déclenché les tempêtes est aussi celui qui a apporté la tranquillité, que celui qui a suscité le péril est celui qui a fait naître la sécurité, et que celui qui menaçait de destruction est finalement celui qui a accordé la vie et le rétablissement. Stolidum profecto est hominum vulgus quod ratione præditum, rationis ductum vix sequitur, sensuumque appulsu necesse habet belluarum instar regi. Car l’homme vulgaire est stupide : bien que doué de raison, il peine à suivre ce que lui dicte cette raison, et doit être guidé par la stimulation de ses sens à la manière des bêtes. Illud ergo terret præpotens e cœlo Deus, ut quoniam calamitosum est ab inexhausto bonitatis omnis authore beatitatem speret suam, illud decumanis fluctibus quatit, ut salutis suæ anchoram, illo in immobili æternitatis solo defigat, illud denique impendentibus mortis urget minis, ut ipsum a pernicie 3traducat ad vitam. C’est pourquoi le Dieu du ciel tout-puissant l’effraie, afin que, reconnaissant qu’il est funeste de placer son bonheur en un autre que l’inépuisable auteur de toute bonté, il en espère la béatitude ; il le secoue par des vagues déchaînées, afin qu’il fixe l’ancre de son salut à l’immuable roc de l’éternité ; enfin, il le presse sous des menaces imminentes de mort, afin de le ramener de la perdition à la vie. Excitantur enim rerum adversarum perpessione mortales ad causam ærumnarum suarum investigandam, authoremque noscendum ; et ubi scelerum conscientia illam subjecit, hunc supremi numinis suggessit recordatio, ad Deum tanto arctius amplectendum provocantur quanto strictius impliciti criminibus suis tenebantur. En effet, l’épreuve des malheurs pousse les hommes à rechercher la cause de leurs souffrances et à en reconnaître l’auteur ; et là où le poids de leurs fautes les accablait, le souvenir de la divinité suprême les incite à se tourner vers Dieu avec une ardeur proportionnelle à l’emprise de leurs crimes. Ita gentem illam Hebræam delectam inter omnes, dilectam præomnibus, non duram minus quam diutinam servire in Ægypto passus est servitutem, ut redditæ gloria libertatis redundaret in se unum, in universum vero populum beneficiorum omnium derivaretur utilitas. Ainsi a-t-il permis à ce peuple hébreu, élu entre tous et aimé plus que tous, de subir une servitude longue et rigoureuse en Égypte, afin que la gloire de sa liberté retrouvée rejaillisse sur lui seul, tandis que les bienfaits qui en découlent profitent à l’humanité tout entière. In quem enim Ducem atque authorem Moysis conservatio qui prius propemodum orbus fuit quam ortus, prius damnatus aquis, quam in lucem natus, prius expositus quam susceptus nisi in Deum conferatur ? En effet, à quel guide et auteur attribuer la préservation de Moïse, lui qui fut presque orphelin avant même de naître, livré aux eaux avant d’avoir vu la lumière, abandonné avant d’être recueilli, sinon à Dieu ? Cuinam ejusdem in aggrediendo Pharaone fortitudo, in permovendo efficacitas præterquam Deo tribuatur, cum Moysem 4neque ingenii tarditas rerum admirabilium quæ dicendæ ipsi quæ efficiendæ erant, notiones mente producere, neque hæsitantia linguæ animique tenuitas efferre pateretur ? À qui d’autre qu’à Dieu attribuer la force de Moïse dans sa lutte contre Pharaon et son efficacité à le faire céder, puisque ni la lenteur de son esprit ne lui permettait de concevoir les choses admirables qu’il devait dire et accomplir, ni l’hésitation de sa langue et la faiblesse de son âme ne lui permettaient de les exprimer ? Quis denique inaudita omnibus omnino seculis, patrata tamen a Moyse miracula numero plurima, novitate miranda, magnitudine stupenda, quis inquam ea sibi præter Deum audeat arrogare ? Qui donc enfin oserait s’attribuer ces miracles inouïs à travers les siècles, accomplis cependant par Moïse, surprenants par le nombre, remarquables par leur nouveauté, stupéfiants par leur ampleur, qui, dis-je, oserait se les attribuer sinon Dieu ? Atque ut in ejusdem gentis historia me contineam, quonam collineavit illa providentiæ divinæ severitasne an benignitas ? cum Philistæam nationem ritibus profanam, feram moribus, odio in Hebræos non insatiabili minus quam impio imbutam triumphare in gigantis unius fiducia permisit ; verum ita triumphare, ut vastam illam corporis immanis proceritatem, turrimve carneam, pastoris unius parvitate prosterneret, robur vinceret imbecillitate, tumidosque animi vesani spiritus ipsa demissione retunderet, minueret, extingueret, militares denique armorum motus rusticæ fundæ verbere 5elisos eluderet, imo vero trophæum pastor ex spoliis ducis triumphalibus erigeret, hostes dolore et dedecore, suos lætitia gloriaque impleret, satiaret, cumularet ? Et pour rester dans l’histoire de ce même peuple, vers quoi tendait cette sévérité ou cette bonté de la providence divine ? lorsqu’elle permit à la nation philistine, profane dans ses rites, sauvage dans ses mœurs, animée d’une haine envers les Hébreux non moins insatiable qu’impie, de triompher en plaçant toute sa confiance en un seul géant ; mais de triompher de telle manière que la taille énorme de ce corps monstrueux, de cette tour de chair, fût abattue par la petitesse d’un seul berger ; que la force fût vaincue par la faiblesse ; que l’arrogance d’un esprit furieux et orgueilleux fût réprimée, diminuée et éteinte par l’humilité même, que le mouvement d’armes de guerre fût réduit à néant par le coup d’une fronde rustique, et qu’enfin un berger érigeât un trophée des dépouilles triomphales du chef, remplissant les ennemis de douleur et de honte, et les siens de joie et de gloire ? Quid illa totius fere ejusdemque gentis una in civitate arctissima sub Holoferne obsidio, deditio imminens, ruina certissima, quorsum permissa, quorsum immissa, nisi ut scelerum suorum conscientia stimulati Iudæi tantum in immortali præsidio confiderent, quantum diffidere de mortali subsidio cogebantur ? nam unde spes ipsis salutis affulsit, unde affuit ? non a valida militum manu, non a machinis, non ab armis, imo nec a virili sexu : verum ab eo cui timide agere jus est naturæ quoddam atque indoles, a fœmina, a vidua, a captiva. Et que dire du siège de cette ville par Holopherne, quand presque toute cette même nation se trouva à la merci d’une reddition imminente et d’une ruine certaine ? à quelle fin cela fut-il permis, à quelle fin cela fut-il envoyé, sinon pour que les Juifs, stimulés par la conscience de leurs crimes, placent toute leur confiance dans un secours immortel autant qu’ils étaient forcés de se défier d’un secours mortel ? car d’où surgit l’espoir de salut, d’où leur vint-il ? ni de l’action puissante de soldats, ni de machines, ni d’armes, ni même d’hommes : mais de celle à qui la nature accorde d’agir avec timidité, d’une femme, d’une veuve, d’une captive. Fregit enim virile robur mulieris mollitudo, prudentiam pene audacior pietas divino directa consilio fefellit, infelicitas prosperitatem profligavit. Car la douceur d’une femme brisa la force virile ; une piété presque téméraire, dirigée par un conseil divin, trompa la prudence ; et le malheur renversa la prospérité. Quid multa ? obtruncavit Juditha Holofernem, obsessi obsessores cepere, victique Iudæi et numero pauci, victores 6Assyrios multitudine infinitos, longe quam Thebani in Cadmæa pugna gloriosius superarunt. Que dire de plus ? Judith décapita Holopherne, les assiégés capturèrent les assiégeants, et les Juifs vaincus et peu nombreux, triomphèrent des Assyriens victorieux et infiniment plus nombreux, avec encore plus de gloire que les Thébains à la bataille de Cadmée.
Puella Joanna perturbatis rebus Gallicis divinitus subsidio missa. Jeanne la Pucelle, secours divin envoyé aux affaires troublées de France
Et ut aliquanto propius ad nostrum accedamus argumentum, quanta dignum est admiratione quod a reparata per Christum salute quarto decimo, altero autem a nobis seculo Galliarum regno evenit ? Et pour nous rapprocher un peu plus de notre sujet, combien est digne d’admiration ce qui advint au royaume de France, quatorze siècles après le salut rétabli par le Christ, soit deux siècles avant le nôtre ? Quid ? nonne obsessum illud ab Anglis et insessum, cum bellis externis, intestinisque discordiis laboraret, ac tantum non in ruinam procumbere videretur, puellæ unius ejusque rusticanæ animo, consilio, viribus, armis, servatum ab interitu restitutumque pristinæ dignitati fuit ? Quoi ? assiégé et attaqué par les Anglais, en proie à des guerres extérieures et des discordes intestines, ne semblait-il pas sur le point de tomber en ruine, et ne fut-il pas sauvé de la destruction et rétabli dans sa dignité première par le courage, la sagesse, les forces et les armes d’une seule jeune fille, et qui plus est, d’une paysanne ? Sed (quod mirari plane æquum est) ea commutatione fortunæ ut salutem quam attulerat Gallis, sibi non retineret, mortemque cui Anglorum permultos dederat ipsa incurreret, aut ut verius loquar, moriens tum animi vitam, tum nominis gloriam nullo tempore intermorituram gemente licet invidia compararet. Mais (ce qu’il est tout à fait juste d’admirer) elle ne retînt pas pour elle-même le salut que ce renversement de fortune avait apporté aux Français, et subit à son tour la mort qu’elle avait infligée à tant d’Anglais, ou pour parler plus justement, en mourant, elle acquit, malgré l’envie qui s’en afflige, la vie éternelle de son âme et la gloire immortelle de son nom. Quamvis enim oppugnari quandoque veritatem contingat, 7nunquam tamen expugnari : premi ea potest non opprimi, mergitur sed emergit, tam conspicua, tam illustris, tam vegeta, ut eam nec invidiæ livor inficere, nec mendaciorum tenebræ obscurare, nec annorum diuturnitas oblitterare queat. Bien qu’il arrive parfois que la vérité soit attaquée, jamais cependant elle ne peut être vaincue : elle peut être opprimée mais non écrasée ; submergée, elle resurgit si visible, si lumineuse, si vigoureuse, que ni la malveillance de l’envie, ni les ténèbres des mensonges, ni la longueur des années ne peuvent l’altérer, l’obscurcir ou l’effacer. Et vero quis nisi vel malignus, ne dicam impius, vel in historiis penitus peregrinus puellæ integritatem dignitatemque illius revocare in dubium audeat quæ e disjunctissimis nationibus, scriptores oratione tum devinctam numeris, tum solutam clarissimos, incorruptissimos ejusdem ætatis, interjectæ, nostræ etiam istius memoriæ viros suæ virtutis admirabilitate ad sui commendationem excitavit ? Et en vérité, qui, à moins d’être malveillant, pour ne pas dire impie, ou totalement étranger à l’histoire, oserait mettre en doute l’intégrité et la dignité de cette jeune fille qui, par l’admirable éclat de sa vertu, a suscité jusque dans les nations les plus éloignées, les éloges en vers comme en prose, des écrivains les plus illustres et les plus intègres de son temps, et dont la renommée perdure jusqu’à nous ?
Quæ causæ fuerint auctori hujus scribendæ historiæ. Quelles furent les raisons qui poussèrent l’auteur à écrire cette histoire ?
Apud me sane tantum valuit vis veritatis ut quietis partem capere potuerim nullam, donec dispersa rerum a puella nostra gestarum diversis in auctoribus membra in unum veluti corpus coaptarem, quo non solum singularum partium decor eluceret, verum totius historiæ coagmentata pulchritudo cerneretur. Pour ma part, la force de la vérité a eu tant d’emprise sur moi que je n’ai pu goûter aucun repos avant d’avoir rassemblé en un seul corps, comme un tout cohérent, les fragments épars des faits accomplis par notre Pucelle chez divers auteurs, afin que non seulement la beauté propre à chaque partie resplendisse, mais aussi que l’harmonie d’ensemble de toute l’histoire apparaisse clairement. Quo cum animo 8et cupiditate, mea ipse sponte studiose incumberem, tum ut id moliri, et agere auderem inductus sum assiduis consanguineorum, affinium atque amicorum flagitationibus, nobilis præsertim, clarissimi, consultissimique viri Domini Caroli du Lis Regii in Parisiensi subsidiorum Curia Consiliarii atque Advocati generalis, qui quod a Petro Darc Virginis nostræ fratre tertio ortus est, eodem illo a quo Hordaliorum genus est propagatum ; nobiscum jure hujus virginis dignitati favet, a qua utrisque spectatissima est transmissa nobilitas. Poussé par cette intention et ce désir, je m’y suis spontanément appliqué avec ardeur ; mais ce sont surtout les demandes insistantes de mes parents, proches et amis qui m’ont encouragé à entreprendre et à mener à bien cette tâche, en particulier celles du noble, très célèbre et très avisé seigneur Charles du Lis, conseiller et avocat général du roi à la Cour des aides de Paris ; qui, descendant de Pierre d’Arc, troisième frère de notre Vierge, de qui est également issue la famille Hordal, partage avec nous un juste attachement à l’honneur de cette vierge, de qui nous tenons chacun notre éclatante noblesse.
Rei Narratio. Exposé des faits
Rem ut ordiar. Anno Domini Millesimo quadringentesimo vigesimo secundo, cum Caroli VI. Francorum Regis obitu, quasi effractis viarum repagulis, emotisque regni præsidiis omnibus, magno numero se, magnisque molitionibus Angli in regnum Galliæ infudissent, captis belli impetu clarissimis ac munitissimis arcibus, oppidis, 9civitatibus, vastatis agris, magna edita hominum et locorum strage, brevi tempore tanto omnia suorum armorum terrore compleverunt, prope ut de rebus Gallicis actum videretur, nam et Carolus VII. bis acie fusus multis hominum millibus amissis, primum in oppido quod Crepantium vocatur, iterum in finibus Lexoviorum ubi auxiliares Scoti fortissime præliantes cum pluribus Gallorum millibus ab hostibus cæsi sunt, in summam suæ fortunæ desperationem venerat. Commençons l’histoire. En l’an de grâce 1422, après la mort de Charles VI, roi des Francs, comme si les barrières des routes avaient cédé et toutes les défenses du royaume avaient été renversées, les Anglais, en grand nombre et avec de grandes manœuvres, se répandirent dans le royaume de France, s’emparant par la force des places et cités les plus célèbres et les mieux fortifiées, dévastant les campagnes, infligeant de lourdes pertes humaines et territoriales, si bien qu’en peu de temps leurs armes avaient semé une telle terreur que la cause française semblait perdue ; en effet Charles VII, après avoir subi deux lourdes défaites et perdu des milliers d’hommes, d’abord près d’un bourg nommé Cravant, puis dans les environs de Lisieux [à Verneuil] où ses auxiliaires écossais, combattant avec vaillance, avaient été tués avec de nombreux Français, était tombé au comble du désespoir quant à sa fortune.
Causa belli Gallis ab Anglis illata. Cause de la guerre menée aux Français par les Anglais
Causa belli fuit, partim inveterata Regum Angliæ, regni Galliæ potiundi cupiditas ; partim recenti dolore atque iracundia tumens in Gallos, Anglumque adjuvans Burgundiæ Dux ; qui, quod ad matrimonium Catharinæ Francicæ cum Henrico V. Angliæ Rege, Regem Galliæ Carolum VI. Reginam, Catharinamque ipsam adegerat, ejus matrimonii leges eas dixit, quæ et Gallico et communi juri adversæ, belli postea seminarium fuerunt. La cause de la guerre fut d’une part l’ancien désir des rois d’Angleterre de s’emparer du royaume de France, et d’autre part la récente rancœur du duc de Bourgogne envers les Français, lequel s’était allié à l’Anglais ; ce dernier, qui avait poussé le roi de France Charles VI et la reine Catherine à accepter le mariage de Catherine de France avec Henri V d’Angleterre, déclara que les termes de ce mariage étaient contraires au droit français et au droit commun, semant ainsi les germes de la guerre à venir.
Rem ita narrant. Cum Catharina Caroli VI. 10filia, Henrico V. Anglorum Regi nuptui traderetur, eæ matrimonii leges auctore Philippo Duce Burgundiæ dictæ sunt ; si superstite Henrico Carolus VI. vita fungeretur, Galliæ regnum Henricus adiret : sin prior obiret Henricus, eique virilis proles foret superstes, Carolo e vivis abeunte, Henrici filius regnum Galliæ consequeretur, nulla de Carolo VII. legitimo licet successore, mentione habita. Voici comment les faits sont rapportés. Lorsque Catherine, fille de Charles VI, fut donnée en mariage à Henri V, roi d’Angleterre, les termes de cette union furent dictés par Philippe, duc de Bourgogne ; si Henri survivait à Charles VI, il deviendrait roi de France ; mais si Henri mourait le premier en laissant un héritier mâle, et que Charles VI décédait ensuite, le fils d’Henri hériterait du royaume de France, sans aucune mention de Charles VII, pourtant légitime successeur. Testes Gaguinus et Papirius Massonus in annalibus, et Georgius Lilius Britannus in epitome Chronic. [Chronicorum] Anglorum Regum. (D’après les témoignages de [Robert] Gaguin et Papire Masson dans leurs annales et de l’anglais George Lily dans son abrégé des Chroniques des rois d’Angleterre.) Cumque Henricus Angliæ et Carolus Galliæ Reges eodem anno nempe millesimo quadringentesimo vigesimo secundo vitam cum morte commutassent, (sic enim memorant Galli, Angli, Germani scriptores, nominatim Gaguinus et Papirius Massonus in Carolo VI., Thomas Walsingham in vita Henrici V. Anglorum Regis, et Joannes Nauclerus volumine secundo Chronographiæ generatione XLVIII.) filius Angliæ 11Regis eodem cum patre nomine, patri succedit, et in regia Parisiensi civitate, regium Franciæ nomen usurpat, Franciæ Angliæque Rex publicis privatisque literis et forensi sigillo monetaque, quam novam cudi curavit, appellatur inscribiturque. Et lorsque Henri d’Angleterre et Charles de France moururent la même année, à savoir en 1422 (comme le rapportent les auteurs français, anglais et allemands, notamment [Robert] Gaguin et Papire Masson pour Charles VI, Thomas Walsingham dans sa vie d’Henri V, roi d’Angleterre, et Johann Vergenhans dans le deuxième volume de sa Chronographie, génération 48), le fils du roi d’Angleterre succéda à son père sous le même nom et usurpa le titre de roi de France dans la ville royale de Paris, en se faisant proclamer roi de France et d’Angleterre dans les actes publics et privés, ainsi que sur le sceau officiel et la monnaie qu’il fit frapper. Miserrima certe id temporis fuit universi regni Galliæ perturbatio, nam hinc a Burgundionibus, inde ab Anglis, mox ab his qui se rebus consulere dicebant, ita tumultuabatur, ut dicere difficile esset, hostisne an Francus plus damni infelici populo inferret : Prælia multa, seditiones plures, dum nulla partium alteri instituit cedere, vincuntur tamen Franci apud Vernolium prælio, occisi ad numerum quatuor millium, capti Duces et Comites plurimi. Nauclerus loco indicato. Ce fut assurément une période d’extrême détresse dans tout le royaume de France, car d’un côté les Bourguignons, de l’autre les Anglais, et bientôt ceux-là même qui prétendaient agir dans l’intérêt général, causaient tant de troubles qu’il était difficile de dire qui des ennemis ou des Français causaient le plus de dommages à ce peuple malheureux : aucun parti ne voulant céder à l’autre, les batailles s’enchaînaient et les révoltes se multipliaient ; cependant, les Français furent vaincus à la bataille de Verneuil, où périrent environ quatre mille hommes et où de nombreux ducs et comtes furent capturés. (D’après Vergenhans, ibidem.) Hostis tot militaribus copiis Galliam invaserat ut Carolus VII. tunc temporis Rex, per ludibrium ab hostibus Bituricensis Rex vocaretur. L’ennemi avait envahi la France avec une telle force militaire que Charles VII, alors roi, était surnommé par dérision le roi de Bourges par ses adversaires. Verum ut accisis, afflictisque rebus præsentius numen ideo intervenit ut liquidius agnoscatur ; Joanna 12virgo annorum octodecim aut circiter, divino afflata numine ad erigendos et reficiendos Francorum animos, salutari manu opportune adfuit. En vérité, la providence intervient lorsque tout semble perdu pour se manifester plus clairement ; Jeanne, vierge d’environ dix-huit ans, inspirée par une puissance divine pour relever et restaurer le courage des Français, apparut à point nommé avec une main salvatrice.
Puellæ Joannæ ortus. Naissance de Jeanne la Pucelle
Hæc ex oppidulo quod Donoremigium vocatur in agro Tullensi apud Leucos orta, patre Jacobo Darcio agricola, matre Isabella, utroque probis et honestis moribus, pascere paternas oves solita, ad Carolum venit, prædicans se a Deo missam, ut Aureliam obsidione liberaret, utque eum Rhemos sacra unctione regno augustius inaugurandum perduceret. Née dans un village appelé de Domrémy, près de Toul, en Lorraine, fille de Jacques d’Arc, un agriculteur, et d’Isabelle, tous deux de mœurs probes et honnêtes, habituée à garder les moutons de son père, elle vint trouver Charles, affirmant avoir été envoyée par Dieu pour lever le siège d’Orléans et le conduire à Reims être sacré roi en recevant l’onction.
Divina Joannæ in rem Galliæ electio. Le choix divin de Jeanne pour la cause de la France
Et ut res altius repetatur, ita literis traditum invenimus, huic Virgini patris oves ruri pascenti, dum Aurelia obsideretur, et Caroli res inclinatæ graviter atque affectæ essent, speciem quandam humana augustiorem sese ostendisse : (Divum Michælem historiæ nominant, unde Sancti Michælis torquatæ militiæ Francicæ origo extiterit) Stephanus Paschasius in cap. XV. lib. secundi disquisitionum Gallicarum, et Matthæus in Ludo. XI. lib. 5. Et pour remonter un peu plus en amont dans l’histoire, plusieurs écrits rapportent que tandis qu’Orléans était assiégée et que les affaires de Charles étaient gravement compromises, cette Vierge se trouvait dans les champs à garder les moutons de son père, quand une apparition d’une majesté surhumaine se manifesta à elle. (Les récits nomment l’archange Michel, en l’honneur de qui fut fondé l’ordre de Saint-Michel en France.) Étienne Pasquier en parle au chapitre XV du livre II de ses Recherches de la France et [Pierre] Matthieu au livre V de son Histoire de Louis XI.
13Hujus occursu cum pavore consternata propeque exanimata fuisset, bono animo ab ea esse jussam, Regemque Carolum adire, quo et Aureliam obsidione liberaret, et Regi afflicto regnum assereret. Terrifiée et presque paralysée par cette apparition, elle reçut l’ordre de prendre courage et de se rendre auprès du roi Charles, afin de libérer Orléans assiégé et de rendre son royaume au roi affligé. Trepidare primum illa atque hærere fidei et consilii incerta, silentio etiam visa auditaque apud se premere ; adeo res credita nunciari nova et insolens, et quæ sermonem hominibus datura, nisi explorata Dei voluntate, verecundæ atque honestæ virgini dissimulanda ac detrectanda potius videretur. D’abord troublée et incertaine de ce qu’elle devait croire ou décider, elle garda le silence sur ce qu’elle avait vu et entendu ; une mission si inouïe et extraordinaire, qui ne manquerait pas de susciter des commentaires parmi les hommes, semblait à cette jeune fille réservée et honnête devoir être dissimulée, voire écartée, tant qu’elle n’avait pas exploré la volonté de Dieu. Verum cum eadem illa species identidem se cum iisdem a Deo mandatis virgini offerret, hæc verita ne verecundius quam religiosius ageret, propinquorum adhibito consilio visa atque audita iis patefacit ; Super his ad Robertum Baudricurtium Valliscoloris Præfectum deducta, risu primum ludibrioque excipitur. Cependant, comme cette même apparition se présenta à la vierge à plusieurs reprises avec les mêmes ordres divins, craignant d’agir avec plus de timidité que de piété, elle consulta ses proches et leur révéla ce qu’elle avait vu et entendu. Elle fut ensuite conduite auprès de Robert de Baudricourt, capitaine de Vaucouleurs, qui l’accueillit d’abord avec des rires et des moqueries. At cum Baudricurtium de clade ad Roboretum Divi Dionysii accepta, deque Aurelianorum periculo, magnopere ut re divinitus comperta 14admoneret, atque is tum clara in illa virtutis et prudentiæ signa adnotaret, tum de ejus probitate ac moribus quæstione habita, perhonorifica municipum ejus omnium testificatione cognovisset, virili veste indutam, duobus equitibus Joanne Metensi et Bertrando Pulengeio certis testibus, custodibusque additis ; prosequentibus præterea duobus virginis fratribus, ad Carolum qui tunc temporis Chinonii agebat, fausta omnia precatus honestissime dimittit. Mais lorsqu’elle eut averti Baudricourt de la défaite à Rouvray-Saint-Denis et du péril qui menaçait Orléans, qu’elle affirmait connaître par révélation divine, et après que celui-ci eut reconnu en elle des signes évidents de vertu et de sagesse, enquêté sur sa probité et ses mœurs, et recueilli les témoignages élogieux de tous les habitants de son village, il lui fit revêtir un habit masculin et, sous la garantie et la protection de deux chevaliers, Jean de Metz et Bertrand de Poulengy, ainsi que de ses deux frères, il l’envoya auprès de Charles, qui se trouvait alors à Chinon, lui souhaitant bonne chance et la laissant partir avec les honneurs.
Adventus Joannæ ad Carolum Galliæ Regem. L’arrivée de Jeanne auprès de Charles, roi de France
Paucis diebus, nullo aut prohibente aut iter demorante hoste, salva et incolumis cum suis ad Regem pervenit : Regem ipsum quem nunquam antea viderat, quique famæ quæ de ipsa erat, experiundæ causa, tenuiore habitu inter regio cultu ornatos proceres, sese ex composito dissimulabat, perspicue agnoscit ; Rex novitatem rei admiratus, sentiensque non sine numine id esse, quod tantum terrarum, tantum hostium, tam intrepide, tam tuto, consilio tam forti, tam inusitato pervasisset ; quid vellet, quo 15veniret dicere paratam, comiter excipit, præsentibusque regni proceribus dicentem audit. En quelques jours, sans qu’aucun ennemi n’entrave ni ne retarde sa route, elle parvint saine et sauve auprès du roi. Le roi, qu’elle n’avait jamais vu auparavant et qui, pour éprouver la véracité des rumeurs à son sujet, s’était dissimulé avec une tenue modeste parmi les seigneurs richement vêtus, fut immédiatement reconnu. Frappé par un tel prodige, et sentant que ce n’était pas sans intervention divine que l’on pouvait franchir tant de terres et de dangers avec une audace, une sûreté et une résolution aussi extraordinaires, l’accueillit avec bienveillance et, en présence des grands du royaume, l’écouta exposer le but et la raison de sa venue. Hic cum illa eadem quæ dudum Baudricurtio, ingenti omnium admiratione exposuisset, Rex superiorum Regum modestiam religionemque secutus, rem totam ad augustius regni et procerum concilium defert. Là, après avoir exposé ce qu’elle avait déjà dit à Baudricourt, suscitant une immense admiration de tous, le roi, suivant l’exemple d’humilité et de piété de ses prédécesseurs, porta toute l’affaire devant le Grand Conseil. Erant in eo Pontificia atque Ecclesiastica dignitate illustres multi, multi Palatina nobilitate conspicui, cana fide omnes et prudentia. Il y avait parmi eux de nombreux prélats, illustres par la dignité pontificale ou ecclésiastique et de nombreux seigneurs remarquables par la noblesse, tous réputés pour leur foi et leur sagesse.
Spes adventu Joannæ Regi et Galliæ reddita. La venue de Jeanne redonne espoir au roi et à la France
Hi cum præsentis verba, habitum, oris effigiem, cuncta denique in illa admirarentur, adeo sunt ejus oratione commoti, recreatique ; ut Rex qui fortunæ ornamentis destitutus, amissi regni speculaturus eventus ad Delphinates se recipere cogitabat, uti inde conducta mercenaria militum manu bellum repararet ; nulla interposita dubitatione, non modo bellum constantissime sustinendum, verum etiam hostes, Duce viragine, audaciore consilio, illatis armis præoccupandos esse decreverit ; quippe qui in illius generosa 16mente vigere non tantum viriles, sed humana virtute augustiores spiritus aperte conspiceret. Ceux-ci admiraient ses paroles, son maintien, les traits de son visage, enfin tout en elle, au point d’être profondément émus et réconfortés par son discours ; si bien que le roi qui, privé des fastes de la fortune songeait à se retirer en Dauphiné pour suivre le cours des événements et rassembler une armée de mercenaires afin de préparer de nouveau la guerre, décida sans la moindre hésitation non seulement de poursuivre fermement le combat, mais encore de prendre l’initiative contre l’ennemi, sous la conduite de cette vierge et de ses plans audacieux ; car il entrevoyait clairement dans cette âme généreuse non seulement du courage, mais une force dépassant toute vertu humaine. Maxime vero Regem ac proceres omnes in sui admirationem adduxit, quod et quo die pugnatum erat ad Roboretum Divi Dionysii rem fortunamque belli, nullo adhuc rumore nuncio Baudricurtio omnem nunciarat, et tunc nescio quid arcani Regi ipsi, præsente eo qui confessione ipsum expiare erat solitus aperuit. Mais ce qui impressionna surtout le roi et tous les nobles, fut qu’elle avait annoncé à Baudricourt le jour et l’issue de la bataille de Rouvray-Saint-Denis, sans qu’aucune rumeur ou messager ne l’ait informé ; et qu’elle révéla au roi, en présence de son confesseur habituel, un secret connu de lui seul.
Sacer ejus liliatus ensis. Son épée sacrée ornée de lys
Admirationem imprimis illud habuit quod Regem qui insigniorem offerebat ensem obtestata sit, uti alium quem ad vicum Turonensis agri Divæ Catharinæ fano nobilem asservari divinitus præsenserat, sibi juberet adferri. Ce qui suscita particulièrement l’admiration fut qu’elle pria le roi, qui lui offrait une épée des plus remarquables, d’ordonner qu’on lui en apporte une autre, qu’elle savait par révélation divine être conservée dans une chapelle dédié à Sainte Catherine, près d’un village du côté de Tours. Is vero illic inventus est multo vetustatis situ rubiginosus parte ex utraque (ut ipsa prædixerat) liliis distinctus. Celle-ci fut effectivement retrouvée à cet endroit-là, recouverte d’une épaisse couche de rouille due à son ancienneté, et marquée de fleurs de lys de part et d’autre (comme elle l’avait prédit). Super hæc, illa primo Pictavium ad concilium quod vulgo Parlamentum appellatur, deducta est, ut ejus quoque authoritate, quæ diceret comprobarentur ; cumque non ante dicenti fides habita fuisset, 17quam a compluribus et præstantissimis Theologis examinata, prudentissime et sanctissime respondisset. Sur ce, elle fut d’abord conduite à Poitiers, devant le conseil communément appelé Parlement, pour que ce qu’elle dirait soit approuvées par cette autorité ; car on ne voulut pas ajouter foi à ses paroles avant qu’elle n’eût été examinée par plusieurs théologiens éminents et qu’elle n’eût répondu avec une grande sagesse et une grande piété.
Commeatus, salusque Aureliæ per puellam importata. Le ravitaillement et le salut d’Orléans apportés par la Pucelle
Paulo post ad Aureliam obsidione solvendam, commeatumque importandum, cum exigua manu militum ire, ac sui documentum dare jussa, armis fulgens, equoque insidens, ac præferens signum militare candidi coloris in quo Christi imago lilium manu gestantis conspiciebatur, spectantibus hostium copiis urbem cum commeatu intrepide ingreditur, Anglosque ut ab obsidione recederent prius monitos, neque obsequentes, pluries adoritur civibus Aurelianensibus quoduis cum ipsa periculum subire paratissimis. Peu après, ayant reçu l’ordre de se rendre à Orléans pour lever le siège et y introduire des vivres avec une petite troupe de soldats, elle entra hardiment dans la ville avec le ravitaillement, sous les yeux des forces ennemies, resplendissante dans ses armes, montée sur un cheval, portant un étendard militaire blanc sur lequel se voyait l’image du Christ tenant un lys ; et, après avoir sommé les Anglais de lever le siège, et comme ils n’obéissaient pas, elle les attaqua à plusieurs reprises, soutenue par les habitants d’Orléans, prêts à affronter avec elle tous les dangers. In ipso ardore pugnæ, ictu sagittæ inter humeros collumque vulnerata, neque pedem retulit, neque obligari vulnus passa est, pugnamque ex pugna, laudem ex laude adorta, acerrime prælians ad octavum Idus Maii hasta gladioque multos hostium prostravit profligavitque. Au cœur de la bataille, ne reculant pas après avoir été atteinte par une flèche entre l’épaule et le cou et refusant même de faire panser sa blessure, remportant combat après combat, gloire après gloire, luttant avec une ardeur farouche jusqu’au 7 mai, à coups de lance et d’épée, elle terrassa les nombreux ennemis et les mit en déroute. Victi hic Angli atque Aurelia liberata. Les Anglais avaient été vaincus et Orléans libérée.
18Victrici puellæ honores acclamationesque. Honneurs et acclamations pour la Pucelle victorieuse
Ergo ubi hoste fuso fugatoque Joanna ac cæteri Duces cum exercitu pleni honore et gratulatione in urbem redeunt ; ad hunc redeuntis exercitus triumphum lætitiis omnibus incedens, effusa omnis civitas obviam procedit, mixti militibus cives, universos quidem Duces, at præcipue Joannam demirantur : in hanc oculos multitudo universa, in hanc suspensa ora convertit : hanc veluti de cœlo missam, et ut ipsam victoriam omnes contuentur : omnibus quos aut temporis aut virgineæ modestiæ ratio haberi passa est, honoribus afficiunt ; liberatricem suam, expultricem hostium, vindicem Francicæ Majestatis appellant, quæ pro Franciæ constituenda securitate, res humanis excellentiores confecerit : fœlicem eam tantæ expeditionis eventu, cujus bellica fortitudo, flos invicti pudoris, calamitatis publicæ necessitatem pene ineluctabilem devicerit. Ainsi, après la déroute et la fuite de l’ennemi, Jeanne et les autres capitaines rentrèrent dans la ville avec l’armée, sous les honneurs et les acclamations ; toute la population, transportée de joie, accourut au triomphe, se mêlant aux soldats, admirant tous les chefs mais en premier lieu Jeanne : tous les regards et tous les visages étaient tournés vers elle ; tous la considéraient comme une envoyée du ciel et comme la victoire même ; ils lui rendirent tous les honneurs qu’autorisaient les mœurs de l’époque et la pudeur d’une vierge ; ils l’appelaient leur libératrice, la briseuse d’ennemi, la vengeresse de la majesté française, celle qui, pour assurer la sécurité du royaume, avait accompli des exploits surhumains ; enfin, ils la proclamaient heureuse pour le succès d’une si grande entreprise, elle dont la vaillance au combat et l’éclat d’une pudeur invincible avaient triomphé d’une calamité publique que tous croyaient inéluctable. Factum Senatusconsultum, ut posteri diem hunc festum effuso omnium ordinum gaudio ludicrisque certaminibus 19prosequerentur. On promulgua un décret, afin que les générations futures célèbrent ce jour comme une fête, dans l’allégresse générale, par des jeux et des joutes.
Interea ingens tota Francia deleti Anglorum exercitus, liberatæque urbis Aureliæ rumor dispergitur, mirari omnes, unde tantæ Gallo redierint vires, antea jam prope victo, admiratio deinde paulatim in contemptum Anglorum vertit. Multæ urbes de defectione consilia ineunt. Pendant ce temps, la nouvelle de la défaite de l’armée anglaise et de la libération d’Orléans se répandit dans toute la France, suscitant l’étonnement général : d’où les Français, pourtant presque vaincus, avaient-ils tiré une telle force ? Peu à peu, l’admiration se mua en mépris à l’égard des Anglais, et de nombreuses villes envisagèrent de leur faire défection.
Gratiæ Deo habitæ. Des actions de grâce furent rendues à Dieu
Carolus rebus cognitis, beneficium numini agniturus Deo Opt. Max. supplicationes decernit : Aula regia antea trepida, et de belli eventu sollicita, lætitia exultat, de Joannæ virtute præclara ubique fama est. Charles, informé des événements et voulant reconnaître une faveur de la Providence, décréta des prières publiques en l’honneur du Dieu très bon et très grand. La cour royale, auparavant inquiète et préoccupée par l’issue de la guerre, exultait de joie, et partout se répandait la renommée du courage héroïque de Jeanne.
Imprimis ab Aureliis gratiæ verbis amplissimis Joannæ aguntur, quod ejus eximia providentia, prudenti consilio, singulari virtute urbs periculis maximis sit liberata. Avant tout, les habitants d’Orléans adressèrent à Jeanne des remerciements les plus élogieux, car c’est grâce à son exceptionnelle prévoyance, à son sage conseil et à sa bravoure sans pareille que la ville avait été sauvée d’un immense danger. Hinc Nothus Aurelius, Sanseverus, Rayus, Hira, Gravillæus, Couloceus, Florentinus Dillierius, Corrazeus, Santrailla, Alanus Gironus, Iametius Tilloyus, Burgius Bara, Amadeus, et reliqui 20militiæ præfecti, sua quisque laude ornantur, quod eorum fortitudine fidelique opera salvi essent Aurelii. Puis le bâtard d’Orléans, Sainte-Sévère, Rais, La Hire, Graville, Culant, Florent d’Illiers, Coaraze, Xaintrailles, Alain Giron, Jamet du Tillay, Bourg de Bar, Amédée, et les autres chefs militaires furent chacun honorés car ce fut grâce à leur bravoure et leur loyauté que les Orléanais avaient été sauvés. Cives paratos se offerre pro ipsorum salute et gloria, sanguinem si ita res ferat, et vitam profundere, nedum facultates et fortunas omnes prodigere. Les citoyens se déclarèrent prêts à se dévouer pour leur propre salut et leur gloire, à verser leur sang et leur vie si nécessaire, et, à plus forte raison, à y engager toutes leurs ressources et tous leurs biens.
Nec multo post Joanna cum multis strenuissimis Ducibus urbem egressa, ad Carolum se confert, uti cum eo de itinere Rhemensi, ac de belli gerendi ratione consilia ineat ; venientem summo cum honore, et insigni munificentia Carolus suscipit, gratiam ei quam potest, habet maximam, primum pro tanto tamque ardenti in rem Gallicam animo, deinde pro navata tam forti, tam diligenti opera, quo rem Francicam receptam ex hoste, sua iterum sede salvam fundatamque statueret ; nominatim pro liberata et ab hostium dominatu vindicata urbe Aurelia. Peu de temps après, Jeanne quitta la ville avec plusieurs capitaines très courageux pour se rendre auprès de Charles, afin de discuter avec lui du voyage à Reims et de la stratégie à adopter pour la guerre ; Charles l’accueillit avec les plus grands honneurs et une générosité remarquable, lui témoignant toute sa gratitude, d’abord pour son engagement passionné en faveur de la cause française, ensuite pour son effort si courageuse et si avisée, grâce auxquels le royaume de France, arraché à l’ennemi, fut rétabli sur une base saine et solide ; et plus particulièrement pour la libération d’Orléans et sa délivrance de la domination ennemie.
Nobilitatis jus Puellæ et consanguineis a Rege concessum. Anoblissement de la Pucelle et de sa famille par le roi
Atque ut æternam gratiam æterno beneficio compensaret, ab eo puella Joanna regio munere, nobilitatis jure, et insignibus 21ornatur ; neque ipsa modo, sed uterque parens, fratres ipsius tres, consanguinei, et affines eorumque nepotes omnes utriusque sexus seculis omnibus futuri, iisdem nobilitatis titulis e vulgi ordine sunt exempti. Et afin de rendre une reconnaissance éternelle pour un bienfait éternel, Jeanne reçut de lui un privilège royal : le droit de noblesse et des armoiries ; non seulement elle, mais aussi ses parents, ses trois frères, ses proches et alliés, ainsi que tous leurs descendants des deux sexes pour les siècles à venir, furent élevés de leur condition populaire par les mêmes titres de noblesse.
Gratis me loqui aut ambitiose ne quis existimet, tibi hic Lector repræsento ipsissimum diploma regium, quale latinis verbis conceptum in Parisiensi Computorum Camera asservatur. Pour que personne ne pense que je parle gratuitement ou par intérêt, je te présente ici, lecteur, le diplôme royal lui-même, tel qu’il est rédigé en latin et conservé dans la Chambre des Comptes de Paris. Tu tantum fave antiquitati et quam scis fuisse veritatis amantiorem quam elegantiæ, noli spernere paulo horridius latina oratione, ut illo seculo sic loquentem. Sois indulgent envers les temps anciens, plus soucieux de vérité que d’élégance, comme tu le sais, et ne méprise pas ce discours latin un peu rude, tel qu’on le parlait à cette époque.
Diploma Regium. Lettres d’anoblissement du roi
Carolus Dei gratia Francorum Rex, ad perpetuam rei memoriam Charles, par la grâce de Dieu, roi des Francs, pour perpétuelle mémoire, magnificaturi divinæ celsitudinis uberrimas nitidissimasque gratias celebri ministerio puellæ Joannæ Day de Donoremeyo caræ et dilectæ nostra de Baillivia Calvimontis seu ejus ressortis nobis elargitas et ipsa divina cooреrante 22clementia amplificari speratas ; désirant exalter les très abondantes et très éclatantes grâces de la divine majesté, accordées par le ministère illustre de la pucelle Jeanne d’Arc de Domrémy, notre chère et bien-aimée, du bailliage de Chaumont ou de son ressort, et espérant qu’elles soient accrues avec la coopération de la divine clémence ; decens arbitramur et opportunum ipsam puellam, et suam nedum ejus ob officii merita, verum et divinæ laudis præconia totam parentelam, dignis honorum nostræ regiæ majestatis insigniis attollendam et sublimandam ; nous estimons juste et opportun d’élever et d’exalter, par les insignes honorifiques de notre majesté royale, la pucelle elle-même ainsi que toute sa parenté, non pas tant pour les mérites de son service, mais en raison des éloges célébrant la gloire divine ; ut divina claritudine sic illustrata nostræ regiæ liberalitatis aliquod munus egregiam generi suo relinquat, quo divina gloria et tantarum gratiarum fama perpetuis temporibus accrescat et perseveret. afin qu’ainsi illuminée par l’éclat divin, elle laisse à sa noble lignée le témoignage de notre libéralité royale, par quoi la gloire divine et la renommée de tant de bienfaits grandiront et se perpétueront à travers les âges. Notum igitur facimus universis præsentibus et futuris quod nos præmissis attentis, considerantes insuper laudabilia grataque et commodiosa servitia nobis et regno nostro per prædictam Joannam puellam multimode impensa, et quæ in futurum impendi speramus, certisque aliis causis ad hoc animum nostrum inducentibus : Aussi faisons-nous savoir à tous, présents et futurs, attendu ce qui précède, et considérant en outre les louables, agréables et utiles services rendus à nous et à notre royaume par ladite pucelle Jeanne, de multiples manières, ainsi que ceux que nous espérons à l’avenir, et pour certaines autres raisons qui nous incitent à cela : præfatam puellam, Jacobum Day dicti loci de Dompremeyo patrem, Isabellam ejus uxorem matrem, Jacqueminum et Joannem Day et Petrum Pierelo fratres ipsius puellæ, et totam suam parentelam, et lignagium, 23et in favorem et pro contemplatione ejusdem et eorum posteritatem masculinam et fœmineam in legitimo matrimonio natam et nascituram nobilitamus, et per præsentes de gratia speciali, et ex nostra certa scientia ac plenitudine potestatis nobilitamus et nobiles facimus ; nous anoblissons ladite pucelle, Jacques d’Arc du lieu nommé Domrémy, son père, son épouse Isabelle, sa mère, Jacquemin et Jean d’Arc, ainsi que Pierre Pierrelot, frères de ladite pucelle, toute sa parenté et lignée, et, en faveur et par égard pour elle, toute leur postérité, masculine et féminine, née et à naître en légitime mariage ; par ces présentes, de notre grâce spéciale, et en vertu de notre science certaine et de la plénitude de notre pouvoir, nous les anoblissons et les déclarons nobles ; concedentes expresse ut dicta puella, dicti Jacobus, Isabella, Jacqueminus, Joannes et Petrus, et ipsius puellæ tota parentenla et lignagium, ac ipsorum posteritas nata et nascitura, in suis actibus, in judicio et extra, ab omnibus pro nobilibus habeantur, et reputentur : accordons expressément que la dite Jeanne, les dits Jacques, Isabelle, Jacquemin, Jean et Pierre, ainsi que toute la parenté et lignée de la pucelle, et leur postérité née et à naître, soient tenus et réputés nobles par tous, tant dans leurs actes que devant la justice et en dehors : et ut privilegiis, libertatibus, prærogativis, aliisque juribus quibus alii nobiles dicti nostri regni ex nobili genere procreati uti consueverunt et utuntur, gaudeant pacifice et fruantur. et qu’ils jouissent paisiblement et profitent des privilèges, libertés, prérogatives et autres droits dont jouissent et ont coutume de jouir les autres nobles de notre royaume, issus de la noblesse. Eosdemque et dictam eorum posteritatem aliorum nobilium dicti nostri regni ex nobili stipite procreatorum consortio aggregamus ; Et nous les intégrons, ainsi que leurs descendants, au sein de la communauté des autres nobles de notre royaume issus de la noblesse ; non obstante quod ipsi, ut dictum est, ex nobili genere ortum non sumpserint, et forsan alterius quam liberæ conditionis existant, volentes 24etiam ut iidem prenominati, dictaque parentela et lignagium suprafatæ puellæ et eorum posteritas masculina, dum et quotiens eisdem placuerit, a quocunque milite militiæ cingulum valeant adipisci seu decorari. nonobstant le fait qu’ils ne soient pas issus de la noblesse, comme il a été dit, et qu’ils soient peut-être d’une condition autre que libre, nous voulons également que les susnommés, ainsi que la parenté et la lignée de pucelle et leur postérité masculine, puissent, quand et autant de fois qu’il leur plaira, recevoir ou être décorés de la ceinture de chevalier par n’importe quel chevalier. Insuper concedentes eisdem et eorum posteritati tam masculinæ quam fœmininæ in legitimo matrimonio procreatæ et procreandæ ut ipsi feuda et retrofeuda, et res nobiles, et a nobilibus et aliis quibuscunque personis acquirere, et jam acquisitas ac etiam acquirendas retinere, tenere, et possidere perpetuo valeant atque possint, absque eo quod illas vel illa nunc vel futuro tempore extra manum suam ignobilitatis occasione, ponere cogantur ; nec aliquam financiam nobis vel successoribus nostris propter hanc nobilitationem solvere quovis modo teneantur aut compellantur. De plus, nous leur concédons, ainsi qu’à leur postérité, masculine et féminine, née et à naître en légitime mariage, le droit d’acquérir des fiefs et arrière-fiefs, ainsi que des biens nobles, de la part de nobles ou de toute autre personne quelconque ; le droit de conserver, détenir et posséder à perpétuité ceux qu’ils ont déjà acquis et ceux qu’ils viendront à acquérir, sans qu’ils puissent être contraints, maintenant ou à l’avenir, à s’en dessaisir en raison de leur ancienne condition non noble ; sans qu’ils soient tenus ni contraints d’aucune manière à payer une quelconque taxe à nous ou à nos successeurs en raison de cet anoblissement. Quam quidem financiam præmissorum intuitu et consideratione eisdem supra nominatis et dictæ parentelæ et lignagio prædictæ puellæ, ex nostra ampliori gratia donavimus et quictavimus, donamusque et 25quictamus per præsentes ; ordinationibus, statutis, edictis, usu, renonciationibus, consuetudine, inhibitionibus et mandatis factis vel faciendis ad hoc contrariis non obstantibus quibuscunque. Cette taxe, vu et considéré ce qui a été dit et par notre plus grande grâce, nous l’avons accordée et remise, nous l’accordons et remettons par les présentes aux susnommés ainsi qu’à ladite parenté et lignée de ladite pucelle ; nonobstant toutes ordonnances, statuts, édits, usages, renonciations, coutumes, interdictions et mandats faits ou à faire qui pourraient s’y opposer, quels qu’ils soient. Quocirca dilectis et fidelibus nostris gentibus computorum nostrorum, ac thesaurariis, nec non generalibus et commissariis super facto financiarum nostrarum ordinatis seu deputandis, et Baillivo dictæ Bailliviæ Calvimontis, cæterisque justiciariis nostris, eorum ve loca tenentibus, præsentibus et futuris, et cuilibet ipsorum prout ad eum pertinuerit, damus harum serie in mandatis quatenus dictam Joannam puellam, et dictos Jacobum, Isabellam, Jacqueminum, Joannem, et Petrum, ipsiusque puellæ totam parentelam et lignagium, eorumque posteritatem prædictam, in legitimo matrimonio ut dictum est natam et nascituram, nostris præsentibus, gratia, nobilitatione et concessione uti et gaudere pacifice nunc et in posterum faciat et permittant, et contratenorem præsentium eosdem nullatenus 26impediant seu molestent, aut a quocunque molestari seu impediri patiantur. C’est pourquoi nous donnons par la présente ordre à nos bien-aimés et fidèles membres des comptes royaux, à nos trésoriers, à nos généraux et commissaires des finances, nommés ou à nommer, au bailli dudit bailliage de Chaumont, ainsi qu’à tous nous autres officiers de justice ou à leurs lieutenants, présents et à venir, et à chacun d’eux selon ce qui le concerne, de faire et de permettre que Jeanne la Pucelle, ainsi que Jacques, Isabelle, Jacquemin, Jean et Pierre, toute la parenté et la lignée de ladite pucelle, ainsi que leur postérité née et à naître en légitime mariage comme il a été dit, jouissent paisiblement et pleinement des présentes grâce, noblesse et concession, maintenant et à l’avenir, et qu’ils ne soient en aucune manière empêchés ni inquiétés contre le contenu des présentes, ni ne souffrent d’être empêchés ou inquiétés par qui que ce soit. Quod ut perpetuæ stabilitatis robur obtineat nostrum præsentibus apponi fecimus sigillum in absentia magni ordinatum, nostro in aliis, et alieno in omnibus jure semper salvo. Pour leur donner force de stabilité perpétuelle, nous avons fait apposer à ces présentes notre sceau en l’absence du grand, tout en conservant intacts nos droits en d’autres matières et ceux d’autrui en toutes choses. Datum Magduni super Ebram mense Decembris, anno Domini millesimo CCCCmo vicesimo nono, Regni vero nostri octavo, sic sign. Donné à Mehun-sur-Yèvre, au mois de décembre de l’an de grâce 1429, et de notre règne le huitième, ainsi signé. Per Regem, Episcopo Sagiensi, Dominis de la Tremoilles et de Tremes et aliis præsentibus. Par le Roi, l’évêque de Sées, les seigneurs de La Trémoille et de Trèves et d’autres présents. Malliere visa expedita in camera Computorum Regis XVI. mensis Januarii, anno Domini millesimo CCCCmo XXIX. Et ibidem registrata libro chartarum hujus temporis fol. CXXI. Mallière, vu et expédié en la chambre des Comptes du Roi, le 16 janvier de l’an de grâce 1429. Et enregistré au même endroit dans le livre des chartes de cette époque, folio 121.
A. Greelle. A. Greelle.
Illud ipsum diploma regium libr. sept. cap. undec. de Republ. inservit Petrus Gregorius Tholosanus quondam J. U. [juris utriusque] Professor in Academia Cadurcensi, Tholosana et Pontimussana. Ce même diplôme royal a été utilisé par Pierre Grégoire de Toulouse, ancien professeur de droit dans les universités de Cahors, Toulouse et Poitiers, au livre sept, chapitre onze, de son ouvrage De Republica..
Insignia Joannæ et cosanguineis concessa. Armes accordées à Jeanne et à ses parents
Nobilitatis autem insignia Joannæ, 27fratribus, et omnibus utriusque sexus cosanguineis propter egregia et militaria puellæ facinora a Rege Carolo concessa, hæc perhibentur ; Les armes de noblesse, accordés par le roi Charles à Jeanne, à ses frères et à tous ses parents des deux sexes en raison des exploits remarquables et militaires de la Pucelle, se présentent ainsi :
Scutum areæ cæruleæ impositum, ensis argentatus, cujus geminam aciem utrinque stipent lilia aurea, cuspidem vero aurea amplectatur corona. Sur un écu d’azur, une épée d’argent dont la double lame est bordée de chaque côté par un lys d’or, et la pointe entourée d’une couronne d’or.
Testes Enquer. de Monstrelet in secundo volumine chronicorum, Richardus de Wasbourg in principio primi voluminis antiquitatum Galliæ Belgicæ. Belleforest. in Carolo VII. Stephanus Paschasius lib. 2. disquisition. Gall. cap. 15. in fine. Andreas Thevetus in cap.25. libri 4. de vitis illust. virorum, et novissime Joannes Savaronius in tractatu ensis Gallici. (D’après Enguerrand de Monstrelet dans le deuxième volume de ses Chroniques, Richard de Wassebourg au début du premier volume de ses Antiquitez de la Gaule Belgicque, [François de] Belleforest dans Charles VII, Étienne Pasquier au livre 2 de ses Recherches de la France, à la fin du chapitre 15, André Thevet au livre 4, chapitre 25 de ses Vies des hommes illustres, et plus récemment Jean Savaron dans son Traicté de l’espée françoise.) Hinc Claudius Paradinus inter sua symbola Heroica præfata insignia his verbis retulit. C’est pourquoi Claude Paradin a mentionné les armes susmentionnés dans ses Devises héroïques en ces termes :
Ensem coronatum inter duo splendicantia lilia quondam a Viragine illa Aureliana in vexillo militari gestatum immortale monumentum esse protectionis regni Gallici. L’épée couronnée entre deux lys éclatants, autrefois portée par la Pucelle d’Orléans sur son étendard militaire, est un monument immortel de la protection du royaume de France. [L’espée couronnée, ensemble deux fleurs de Lis, reluisans jadis en l’enseigne de la Pucelle d’Orléans, est un perpétuel monument de la défense et protection de France.]
Cum vero Rex Carolus, Joannæ et fratribus aliisque consanguineis 28Lilia in insignibus concessisset, ei insuper placuit ut omisso cognomine Darc, fratres Joannæ et alii consanguinei ex virili sexu propagati cognominarentur du Lis. Comme le roi Charles avait accordé des lys dans les armoiries de Jeanne, de ses frères et de ses autres parents, il lui plut en outre que, renonçant au nom de d’Arc, les frères de Jeanne et les autres descendants mâles de la famille, prennent celui de du Lys. Sicque nobilis, clarissimus, consultissimusque Dominus Carolus du Lis Regius in Parisiensi Subsidiorum Curia Consiliarius atque Advocatus Generalis, (cujus paulo ante memini) merito hoc modo cognominatur, cum a tertio fratre Joannæ, Petro du Lis Equite, in directa linea masculina originem traxerit suam, quod pluribus instrumentis quæ apud eum extant ut oculatus testis profiteor, probari potest : C’est ainsi que le noble, très illustre et très avisé seigneur Charles du Lys, conseiller du roi en la Cour des Aides de Paris et avocat général (dont j’ai fait mention un peu plus haut), porte légitimement ce nom, puisqu’il descend en ligne directe masculine du troisième frère de Jeanne, le chevalier Pierre du Lis ; ce qui peut être prouvé par plusieurs documents conservés chez lui et que j’atteste comme témoin oculaire : ut item in disquisitionibus suis Gallicis ultimæ editionis testatur, Eruditissimus vir Stephanus Paschasius nempe in fine capitis VIII. libri quinti, et doctissimus Dominus Carolus de la Saussaye Ecclesiæ Aurelianensis Decanus meritissimus in ejusdem Ecclesiæ annalibus quos propediem in lucem est emissurus. ce qu’atteste également le très érudit Étienne Pasquier dans la dernière édition ses Recherches de la France, à la fin du chapitre VIII du livre cinq, ainsi que le très savant seigneur Charles de La Saussaye, doyen de la cathédrale d’Orléans, dans les Annales de cette même église qu’il s’apprête à publier prochainement.
Statua ad Aureliæ pontem Joannæ posita. Statue de Jeanne sur le pont d’Orléans
Regis beneficentiam magno studio ad imitata omnis Gallia est. La générosité du roi fut imitée avec un grand zèle par toute la France. Aurelianenses 29accepti beneficii, et tantæ fortitudinis memores, edito in loco, ad pontem quem Ligeris subterlabitur, æream Puellæ statuam armati militis habitu locavere, quam anniversariis laudibus singulari pietate concelebrant. Les Orléanais, en reconnaissance du bienfait reçu et d’un si grand courage, érigèrent en un lieu élevé près du pont sous lequel coule la Loire, une statue de bronze de la Pucelle en tenue de chevalier, qu’ils honorent chaque année avec une dévotion particulière. Galli reliqui receptæ libertatis non immemores dictam Virginem ubique pictam grata et familiari memoria coluerunt teste Egnatio lib. 3. cap. 2. Les autres Français, n’oubliant pas la liberté retrouvée, honorèrent avec gratitude et familiarité le souvenir de la Vierge partout où elle était représentée, comme en témoigne Ignace, livre 3, chapitre 2. Nec immerito cum in ea extitisse singularem plane sanctitatem oporteat, cui nec imbecillitas sexus arma subduxerit, nec arma Virginitatem, neque virile robur virginitas. Et ce n’est pas sans raison, puisqu’il faut reconnaître en elle une sainteté tout à fait singulière, à qui ni la faiblesse de son sexe n’a fait abandonner les armes, ni les armes sa virginité, ni la virginité sa force virile.
Fortitudo virginitatis propria. La force propre à la virginité
Pulchre Divus Ambrosius can. I. 32. q. 5. Saint Ambroise l’exprime magnifiquement dans le canon I, 32, question 5 :
Virginitas, Dei templum est, qui eam habet fortitudinem habere convincitur. La virginité est le temple de Dieu et celui qui la possède est prouvé avoir de la force.
Simillima D. Augustinus libro primo de civitate Dei cap. XVIII. Saint Augustin tient un propos très semblable dans le premier livre de La Cité de Dieu, chapitre XVIII :
Tanta est vis probitatis et castitatis, ut omnis ejus laude moveatur humana natura Tel est le pouvoir de la droiture et de la chasteté qu’il n’est point de nature humaine insensible à sa louange ;
et et :
Virginitas virtus est animi comitemque secum habet fortitudinem. La virginité est une vertu de l’âme qui a pour compagne la force.
can. ita ne aliquem ead. qu. et caus. dans le canon, qui n’est autre que celui déjà cité [I, 32 de saint Ambroise]. Huic itaque virgini libenter tribuero illud Boëtii libro 30primo de consolat. nullum terrorem potuisse eam pervertere, solamque castitatem, quam Deo Opt. Max. voverat, eam victricem et admirandam reddidisse : ut propterea Humbertus Monmoretana libro sexto bellorum Britannicorum hos ei versiculos apposite adscripserit. À cette Vierge, j’attribuerai volontiers ce passage du premier livre de la Consolation de Boèce, qu’aucune terreur n’a pu la faire fléchir, et que seule la chasteté, qu’elle avait vouée à Dieu très bon et très grand, l’a rendue victorieuse et admirable ; c’est pourquoi [frère] Humbert de Montmoret, dans le sixième livre des Guerres britanniques [contre Charles, roi des Francs], lui a justement dédié ces vers :
Virgo pudicitiæ specimen, gratissima mundo, Vierge, modèle de pudeur, très chère au monde,
Grata polo, quam blanda Venus, mollisque Cupido Chère aussi au ciel, que ni la séduisante Vénus, ni le tendre Cupidon
Flectere non potuit. N’ont su fléchir.
Valerandus certe Varanius Doctor Theologus Parisiensis, qui Joannæ res eleganti descripsit carmine, testatur ad finem primi libri Reginam Siciliæ Caroli Regis socrum, per obstetrices inquiri curasse, utrum Joanna re quemadmodum nomine puella esset, et virginitatis intemerata claustra in ea fuisse inventa. Valerand de la Varanne, docteur en théologie à Paris, qui a raconté les exploits de Jeanne dans un élégant poème, atteste à la fin du premier livre que la reine de Sicile, belle-mère du roi Charles, avait fait examiner Jeanne par des sages-femmes pour vérifier si, comme son nom l’indiquait, elle était vraiment pucelle, et que l’on trouva en elle la virginité intacte.
Carleæ uxoris genitrix tentare pudorem La mère de l’épouse de Charles, décida d’éprouver sa pudeur,
Constituit, veteres non ignarasque negoti Et chargea d’expérimentées et compétentes
Matronas jubet exquiri, sed pura refulsit Matrones de l’examiner : mais sa pureté resplendit
Corporis integritas, etc. L’intégrité de son corps, etc.
Itaque opinor, si quispiam antiquitatem 31totam perlustret, ac pervestiget, exemplum huic simile reperiet nusquam. Ainsi, je crois que même en parcourant et en examinant toute l’Histoire, personne ne trouverait un cas semblable à celui-ci.
Joannæ fœmineæ virtutis bellicæ singulare exemplum. Jeanne, un exemple unique de vertu guerrière féminine
Commendatur hæc virgo, quod ensem strinxerit, in acies armatas hasta incurrerit, reperiemus fateor hoc illi esse commune cum multis ; magnum censebitur quod exercitus ductaverit, hoc etiam fœminæ aliquot egere, sed quæ cum hisce laudibus, regnum omnium Christianissimum florentissimumque pene omni dignitate et salute eversum sustinuerit, erexerit, restituerit consilio manuque in antiquum ac celebre decus, id sane solius est Joannæ Puellæ. On loue cette vierge pour avoir tiré l’épée et s’être jetée, lance à la main, contre les rangs ennemis, mais j’admets que nous retrouverons ceci chez beaucoup d’autres ; on estime remarquable qu’elle ait commandé l’armée, mais d’autres femmes l’ont fait avant elle ; en revanche, ce qui est unique à Jeanne la Pucelle, c’est qu’en plus de ces mérites, elle a, par ses conseils et de sa main, soutenu et relevé le royaume le plus chrétien et le plus florissant, alors presque entièrement déchu dans son honneur et son intégrité, et l’a restauré dans sa célèbre gloire antique. Potuit Tomyris Scytharum Regina sive suo sive suorum consilio incautum pertrahere in insidias Cyrum, et ejus exercitum profligare, sed et maritum passa erat, et an sua industria id perfectum sit ignotum est. Tomyris, reine des Scythes, par son propre conseil ou celui de ses proches, parvint à attirer l’imprudent Cyrus dans un piège et à anéantir son armée ; toutefois, ayant déjà perdu son mari, il demeure incertain que ce succès soit dû à sa seule habileté. Neque vero ensem vibrasse legitur, neque regnum nacta est rebus omnino desperatis, uti neque Zenobia illustrissima Palmirenorum Regina, quam devictam duxit Aurelianus in triumphum. Il n’est pas non plus rapporté qu’elle ait jamais brandi une épée, ni qu’elle soit devenue reine dans des circonstances totalement désespérées, pas plus que la très illustre Zénobie, reine de Palmyre, que l’empereur Aurélien ramena en triomphe après l’avoir vaincue. Quod si Valaschæ Bohemicæ gesta sunt 32vera, laudes quodammodo Joannæ assequeretur, si vel tot urbes cepisset, vel adversus bellicosissimam nec minus armis quam consilio et opibus instructam tunc Anglorum gentem pugnasset, non adversus homines belluino potius impetu incitatos, quam humanis directos consiliis, aut denique si Bohemicum regnum tanti tunc fuisset, quanti Francorum et Galliæ totius. Si les exploits de Valascha de Bohême sont vrais, elle pourrait en quelque sorte rivaliser avec les louanges de Jeanne ; encore faudrait-il qu’elle ait conquis autant de villes, qu’elle ait combattu des adversaires aussi redoutables que les Anglais, aussi puissants militairement que stratégiquement et économiquement, et non des hommes mus par un instinct bestial plutôt que par la sagesse humaine, ou encore que le royaume de Bohême ait alors eu l’importance qu’a tout le royaume de France. Virginem quoque nostram longo intervallo consequuntur Maria Puteolana Virgo cujus meminit Petrarcha laudesque recenset libro quarto epistolarum. Notre vierge laisse encore loin derrière Marie de Pouzzoles, une vierge que mentionne Pétrarque et dont il fait l’éloge dans le quatrième livre de ses Lettres. Ursina Taurella, Montisfortis Comitissa, Orietta Auria, quæ omnes cum armis in acie steterunt, hostes feriendo, fugando, occidendo, commemorante illarum decora Baptista Fulgosio capite secundo libri tertii factorum dictorumque memorab. [memorabilium] Ursina Taurella, la comtesse de Montfort, et Orietta Doria, qui toutes ont combattu avec des armes sur le champ de bataille, frappant, mettant en fuite et tuant leurs ennemis, comme le rapporte Baptiste Fulgose en évoquant leurs exploits dans le chapitre deux du livre trois de ses faits et dits mémorables. Et Orietta quidem cum classis ingens Amurathis Turcarum Imperatoris insulam Lesbum obsedisset, oppidanique viribus atque omni re ad obsidionem sustinendam deficientibus deditionem 33spectarent, ipsa absente Catalusio viro insulæ domino armata in medium prosiliit, cunctosque viriliter hortata incredibilis audaciæ exemplo eruptione facta stans, ac procurrens, in acie prima tanto impetu in Turcas incurrit, ut eos fuderit, ac maxima strage edita in classem se recipere coegerit, insulamque liberarit : quod post alios Hubertus Foglietta in elogiis testatur. Et en effet, lorsque l’immense flotte de Mehmet, empereur des Turcs, assiégea l’île de Lesbos et que les habitants, manquant de forces et de tout le nécessaire pour soutenir le siège, songeaient à se rendre, Orietta, en l’absence de son mari Gattilusio, seigneur de l’île, s’élança armée au cœur de la bataille ; et après avoir vaillamment encouragé les siens, donnant l’exemple d’une audace incroyable en courant en première ligne, elle chargea les Turcs avec une telle impétuosité qu’elle les mit en fuite ; après leur avoir infligé de lourdes pertes, elle les força à se replier vers leur flotte, libérant l’île ; ce dont, après d’autres, Uberto Foglietta témoigne dans ses Éloges.
Jam etsi Romani Clæliam suam summis laudibus extollant, aliæque nationes suas fœminas virtute præstantes mirifice prædicent, ægre ex omnibus parem Joannæ ullam proferent. Même si les Romains exaltent leur Clélie avec les plus grands éloges, et que les autres nations vantent avec éclat leurs femmes au courage exceptionnel, ils auraient du mal, parmi toutes celles-ci, à en trouver une égale à Jeanne. De fœminis autem Alemannis quæ ad expeditionem Hierosolymitanam sunt profectæ, audire licet Nicetam Choniatam Græcum, illorum temporum scriptorem qui vidit exercitus ipsos, inter quos, inquit, et mulieres erant non conjunctis pedibus, sed virorum instar divisis, super palliis equitantes, hastatæ atque armatæ, ac virili habitu ornatæ, Martio vultu, Amazonibus audaciores ; 34in quibus etiam una excelluit quasi altera Penthesilea, quæ ob limbum vestium auro intertextum Auripes vocabatur. Quant aux femmes allemandes qui participèrent à l’expédition de Jérusalem, on peut entendre Nicétas Choniatès, un auteur grec de cette époque qui vit ces armées, et rapporte que parmi elles se trouvaient des femmes, qui chevauchaient sur un manteau, non pas les pieds du même côté, mais de part et d’autre comme les hommes, armées de lances et d’épées, vêtues à la manière des hommes, au visage martial, plus audacieuses encore que des Amazones ; parmi elles, l’une se distinguait particulièrement, comme une nouvelle Penthésilée, et en raison de la bordure dorée de son vêtement, on l’appelait Auripes [Pied-d’or]. Hæc ille libro primo de rebus gestis Manuelis Comneni, Imperatoris. Cela se trouve dans le premier livre des actions de l’empereur Manuel Comnène.
Sed hæc communia nobis cum multis, illud singulare ut fatiscenti ærumnis Christianissimo ac bellicosissimo regno, Christiana virago una divinitus submissa reddiderit Gallis bellacem animum, robustum hostem tota pene Gallia jam victoriis exultantem, regnantem in ea, ac jus populis dicentem, confidentem in urbe regni Principe media e Gallia occupatoque regni solio depulerit. Ces faits nous sont certes communs avec bien d’autres ; mais ce qui est unique, c’est qu’une héroïne chrétienne, envoyée par la volonté divine, ait rendu aux Français leur esprit combatif, alors que ce royaume très chrétien et très combatif était accablé de misères ; et qu’elle ait chassé un ennemi puissant, qui triomphait déjà dans presque toute la France, y régnait, y dictait sa loi au peuple, et occupait avec confiance la capitale du royaume et le trône.
Bellatrix audensque viris concurrere virgo. Une vierge guerrière et audacieuse, qui rivalise avec les hommes
Pressa non oppressa Joannæ virtus. La vertu de Jeanne, mise à l’épreuve mais non écrasée
At, o judicia Dei abyssus multa ! quæ puellaris fortitudo Galliam universam bello fractam erexerat, recrearatque, eadem divino permissu, puellæ vindici exitium attulit. Mais, ô jugements de Dieu, abîme insondable ! Par une même volonté divine, la force de cette pucelle, qui avait relevé et restauré toute la France brisée par la guerre, causa aussi la perte de cette pucelle libératrice. Credo ut quæ in vita fortitudinis exemplar fuerat, esset et in morte constantiæ ; utque delapsa in manus hostium, eminente etiam inter eos ejus innocentia, 35et tum illibati pudoris, quem neque hostis calumniari posset, tum divinæ missionis veritate, illustriorem Dei gloriam faceret, ipsa ab impotenti animi tumore, periculosissimo virtutis hoste servaretur. Je crois que celle qui avait été un modèle de courage dans la vie devait en être un de constance dans la mort ; et que, tombée aux mains de ses ennemis, alors que son innocence se manifestait même parmi eux, que sa pudeur intacte ne pouvait être calomniée par l’ennemi, et que la vérité de sa mission divine rendait plus éclatante la gloire de Dieu, elle fut en même temps préservée de l’orgueil, ennemi le plus dangereux de la vertu.
Vitæ integritas constanti morre coronata. L’intégrité de sa vie couronnée par la constance dans la mort
Rem ut paucis absolvam, hujus Mavortiæ Virginis tot, tam præclara stupendaque facinora, cum ex omnibus seculis neque visa, neque audita omnes demirarentur ; cumque Compendium ab Anglis obsideretur, illa cum pugnatoribus circiter quingentis eruptione facta in manus hostium venit, qui summo in eam livore suffusi, odioque iniquissimo inflammati, fortitudinem puellæ divinam, magicis artibus tribuentes, novo nec ullis retro seculis audito crudelitatis exemplo, eam innocentem concremarunt. Pour résumer brièvement, les nombreux exploits si éclatants et admirables de cette vierge guerrière suscitaient l’étonnement de tous, car ils n’avaient jamais été vus ni entendus au cours des siècles ; alors que Compiègne était assiégé par les Anglais, elle fit une sortie avec environ cinq cents combattants et tomba aux mains de l’ennemi, qui, empli d’une rancune extrême et d’une haine inique, attribuant la force divine de la jeune fille à des arts magiques, la brûlèrent innocente, dans un acte de cruauté sans précédent et inouï dans les siècles passés. Petro Cauchonio Bellovacorum Episcopo Anglorum fautore, hunc illi exitum vitæ procurante, ingenti, et Anglici nominis probro, et universæ Galliæ luctu ac mœrore ; Cauchonii autem maleficii auctoris 36brevi post, ab Ecclesia proscriptione, quem eam ob rem excommunicatum esse a Calixto summo Pontifice afferit Franciscus des Rues, in descriptione antiquitatum Galliæ, dum de Compendio ei sermo est ; sensim denique in pejus prolabente re Anglica, reflorescente Gallia, ac puellæ Joannæ gloria sese ad posteros immortaliter propagante. Cette fin de vie, due à Pierre Cauchon, évêque de Beauvais et partisan des Anglais, fut une immense honte pour le nom anglais et un douloureux deuil pour toute la France ; Cauchon cependant, l’auteur du forfait, fut peu de temps après excommunié par l’Église, comme le rapporte François des Rues dans sa description des Antiquités de la France, lorsqu’il parle de Compiègne ; enfin, tandis que la situation anglaise se détériorait progressivement et que la France refleurissait, la gloire de Jeanne d’Arc se propageait immortellement aux générations futures.