Livre : Avertissement
Charles du Lis
Opuscules historiques relatifs à
Jeanne d’Arc
dite la Pucelle d’Orléans
Nouvelle édition
précédée d’une notice historique sur l’auteur
accompagnée de diverses notes et développements et de deux tableaux généalogiques inédits avec blasons.
précédée d’une notice historique sur l’auteur
accompagnée de diverses notes et développements et de deux tableaux généalogiques inédits avec blasons.
par
(1856)
Éditions Ars&litteræ © 2025
IIIAvertissement
Le principal objet de cette publication est de remettre en lumière deux opuscules de Charles du Lis, intitulés l’un De l’extraction et parenté de la Pucelle d’Orléans, et l’autre Traité sommaire tant du nom et des armes que de la naissance et parenté de la Pucelle d’Orléans et de ses frères.
Trois versions d’un même travail : 1610, 1612, 1628
Ces deux mémoires se rapportent au même sujet et peuvent même être considérés comme un seul ouvrage. Charles du Lis composa le premier en 1610 ; quatre pages in-4° sans frontispice et sans nom d’imprimeur. Je n’ai jamais rencontré IVqu’un unique exemplaire de ce factum, il est annexé à l’exemplaire du Recueil d’inscriptions de 1628 qui appartient à la Bibliothèque impériale : L 592 in-4°. Deux ans plus tard, Charles du Lis réimprima ce mémoire, corrigé et considérablement augmenté, sous le titre de Discours sommaire tant du nom et des armes que de la naissance et parenté de la Pucelle d’Orléans et de ses frères ; Paris, 1612 ; soixante-dix pages in-8°1. Se voyant enfin sur le déclin de sa carrière, il publia une troisième édition du même travail, revu une dernière fois et quelque peu augmenté, avec le titre de traité (au lieu de discours) sommaire, etc. ; Paris, Edme Martin, 1628 ; cinquante-deux pages in-4°2.
Ces trois ouvrages Vmarquent les trois termes successifs et présentent l’expression développée, assidue, d’une persévérante pensée. Les changements, les améliorations qui se rencontrent dans la seconde par rapport à la première et dans la troisième par rapport à la seconde, dénotent chez l’auteur un zèle consciencieux de recherche et de perfectionnement.
Choix des deux opuscules reproduits : 1610, 1628
Le premier opuscule, point de départ de ces investigations, contient quelques faits erronés et divers renseignements qui, malgré leur incertitude, offrent cependant un certain intérêt. La brièveté de cette pièce, son excessive rareté, jointes aux considérations qui précèdent, nous ont déterminé à la reproduire en tête de cette nouvelle édition, comme terme de comparaison pour la pièce suivante et malgré l’inconvénient de quelques redites.
Tout nous engageait VIà omettre complètement l’opuscule intermédiaire, le Discours, qui se retrouve entier et amélioré dans le Traité sommaire.
Leur intérêt pour l’histoire de Jeanne
Après les documents originaux et contemporains relatifs à la Pucelle d’Orléans, on peut mettre les écrits de Charles du Lis au rang des plus instructifs et des plus précieux pour l’histoire de cette femme à jamais illustre. Les renseignements qu’il a réunis sont d’un ordre sérieux, positifs, et puisés, pour la plupart, aux sources les plus respectables et les plus pures. La manière dont l’auteur les met en œuvre atteste de sa part un esprit droit, méthodique, éclairé, sauf l’humaine erreur, et animé d’un amour sincère de la vérité.
Deux écueils de Du Lys : 1. Sa difficulté a dater ou évaluer les œuvres figurées
Il y a toutefois dans les œuvres historiques de cet écrivain un double écueil, contre lequel il est nécessaire de prémunir le lecteur. Le premier a trait à l’archéologie. Lorsque Charles du Lis invoque des documents écrits, il le fait ordinairement d’une manière sûre et habile. Mais il n’en est pas de même lorsqu’il se sert de monuments des arts ou figurés. Ici sa critique se montre presque VIItoujours en défaut. On doit ajouter, pour être juste, que la faculté de discerner l’âge et le caractère propre des monuments anciens de notre art national, est un sens particulier que ne possèdent pas tous les érudits, et constitue d’ailleurs une branche réellement moderne de la science historique.
2. Sa volonté a admettre l’humble condition de la famille d’Arc
L’autre écueil, où du Lis se perd quelquefois, est la préoccupation généalogique. Les renseignements si précieux qu’il nous donne sur la Pucelle forment, en général, à l’honneur du bon sens et de la vérité, un véritable contraste avec les contes calomnieux ou absurdes et avec le phébus qui se débitaient alors, tant en prose qu’en vers, au sujet de cette héroïne. Il y a cependant un point où le sens de notre auteur s’obscurcit. Forcé de convenir que la libératrice de la France, au XVe siècle, ou ses frères, avaient été anoblis, il ne peut se résoudre, toutefois, à confesser avec cordialité l’humble condition qui était antérieurement le lot de leurs parents. Suivant lui, Jacques d’Arc, père de la Pucelle, était d’une bonne, riche et ancienne famille
. Il va même jusqu’à VIIIlui donner des armoiries3. Sans entrer dans la réfutation minutieuse de ces assertions, il suffit, pour les apprécier, de rapprocher ici par la pensée les dépositions unanimes des témoins, qui représentent leur compatriote de Donremy comme un très-modeste laboureur, non multum divitem [guère riche], chargé de famille et accablé d’ailleurs par les misères du temps. Il suffit de se rappeler la clause des lettres d’anoblissement où il est dit que le père n’était peut-être pas de condition libre4.
Style judiciaire et typographie du XVIIe s.
Le style de du Lis s’éloigne des habitudes littéraires modernes. La pensée, chez lui, ne se mesure pas en des phrases brèves et multipliées. Mais elle se poursuit à la mode latine et selon les us de la langue judiciaire, en périodes pour ainsi dire indéfinies. L’idée néanmoins, et c’est là l’essentiel, s’y déduit avec ordre et clarté. Nous avons voulu reproduire fidèlement la physionomie de ce style et nous en avons respecté, dans ce dessein, IXtous les traits qui nous ont semblé respectables. Mais nous n’avons point poussé jusqu’à la superstition de reproduire aussi, servilement, l’irrégularité de la ponctuation, les u et les i alternativement voyelles et consonnes, et autres particularités, qui, du temps de Charles du Lis, attestaient l’insuffisance de l’appareil typographique, ou constituaient même de véritables fautes littéraires5.
Graphie du nom d’Arc
Au sujet de l’orthographe, il est un point dont nous devons rendre un compte spécial au lecteur. Charles du Lis écrit constamment Darc et non d’Arc le nom patronymique de la Pucelle. Or on ne saurait voir dans ce fait, de la part de l’auteur, une simple bizarrerie, dépourvue de sens et d’intention raisonnée.
L’un des chapitres et le titre même de son principal ouvrage concernent le nom au vray Xde la Pucelle. Ce nom, au vrai, selon Charles du Lis, est Darc et non autre. Pasquier, dans la première édition de ses Recherches (1598), adoptant la mode alors nouvelle et qui commençait à se répandre, avait imprimé le nom de la Pucelle ainsi : Jeanne d’Arc. Mais lorsqu’en 1611, il donna au public une nouvelle édition de ce même ouvrage (revue et corrigée expressément en ce qui touche la Pucelle, d’après les communications de Charles du Lis), il eut soin de changer cette forme. Cette seconde édition de 1611 et toutes les éditions subséquentes des Recherches présentent ce nom désormais écrit Darc, selon le précepte du descendant de la famille. Je ne pouvais donc pas me permettre d’altérer cette orthographe employée par l’auteur, sans manquer à la première obligation d’un éditeur, qui est la fidélité.
Je demanderai maintenant la permission d’ajouter que je me rallie, pour mon propre compte, à l’exemple de Pasquier, et que la forme Darc, revendiquée par du Lis, me paraît, aujourd’hui encore et en dépit de l’usage XIqui a prévalu, préférable à l’autre. Les textes primitifs, sans aucune exception, pendant plus d’un siècle, donnent tous ce nom écrit d’un seul mot et d’une seule pièce, avant et après l’usage de l’apostrophe, non-seulement en français mais en latin6.
Le premier écrit connu qui fournisse la forme d’Arc est un sonnet anonyme d’un poète orléanais, imprimé en 1575. De l’examen de ce sonnet, il résulte avec certitude que cette forme, dans l’intention du poète, avait pour objet de célébrer la noblesse civile de l’héroïne ; motif évidemment inadmissible, lorsqu’on l’applique au nom patronymique et originaire de la famille7.
C’est seulement plus tard, et de nos jours, que, pour expliquer cette déformation consacrée par l’usage, l’on a eu recours à une hypothèse imaginée dans l’ignorance des faits XIIqui précèdent. On a supposé alors que les ancêtres de Jacques avaient emprunté leur nom comme leur origine de quelque village ou localité appelée Arc. Cette explication, très-plausible en thèse philologique et générale, semble ici peu compatible avec les faits particuliers. Charles du Lis, Jean Hordal, Alexandre de Haldat du Lis (mort en 1853), tous descendants et historiens de la famille, ont successivement protesté contre cette interprétation. Tous ont écrit Darc le nom qui avait été celui de leurs ancêtres8.
Cette hypothèse tardive est de plus tout à fait gratuite. XIIICar Darc est parfaitement français, aussi français que Darche, Darcel, Darcet et Darçon, qui paraissent avoir la même étymologie ; tellement français, que ce nom lui-même subsiste identiquement, aujourd’hui encore, Darc, dans d’autres familles que celle de la Pucelle.
Si l’on pouvait enfin espérer de vaincre par le raisonnement la force invincible de l’usage et de l’habitude, j’alléguerais un dernier motif propre à rassurer, sur cette très-minime question, les consciences les plus timides. C’est que, dans notre langue, les noms propres se présentent pour la plupart sous un aspect contract : de telle sorte que la forme Darc est précisément la seule qui laisse un libre cours à toutes les conjectures étymologiques.
Autres pièces reproduites
À la suite du Traité sommaire, nous reproduisons le texte des lettres d’anoblissement accordées, en 1429, par Charles VII, à la famille de la Pucelle. Ce document essentiel n’était connu jusqu’à présent que par une leçon imparfaite. J’ai profité de cette nouvelle occasion pour en offrir définitivement XIVau public un texte aussi correct que possible9.
Le document qui vient ensuite a pour titre : Lettres-patentes accordées par le roi Louis XIII, en date du 25 octobre 1612, etc. Nous reproduisons ces lettres d’après l’une des minutes ou expéditions authentiques et manuscrites, qui se conserve à la Direction générale des archives. Nous avons puisé à cette source quelques corrections et quelques développements inédits.
Notre volume se termine par deux pièces inédites tirées d’un manuscrit, œuvre de Charles du Lis, qui se trouve à la Bibliothèque de Carpentras10.
L’ensemble du petit recueil que nous présentons au lecteur se compose de divers morceaux provenant de plusieurs sources et XVappartenant à différents auteurs. J’ai eu soin de placer, en tête de chaque pièce réimprimée, quelque indication propre à faire reconnaître immédiatement quelle en est l’origine ou l’auteur. J’ai, dans la même intention, signé de mes initiales chacune des notes ou additions dont je suis responsable.
A. Vallet de Viriville.
Notes
- [1]
Cet opuscule est devenu très rare. La Bibliothèque impériale en possède un exemplaire : L26 b / 12 B. Cette pièce est actuellement reliée à la suite d’un exemplaire du Journal du siège (Histoire et discours etc., 1606, in-8).
- [2]
Imprimé à la suite du Recueil de plusieurs inscriptions, etc., même libraire, même format et même date. Le volume, pour qu’il n’y manque rien, doit renfermer différents morceaux de texte et plusieurs planches. Ces diverses parties, dont la description exacte se lit dans le Manuel de M. Brunet, dernière édition, au mot Recueil, etc., ne se trouvent presque jamais réunies ensemble d’une manière parfaitement complète. Le prix du volume, lorsqu’il se rencontre dans les ventes, varie de quarante à cent francs et au-dessus.
- [3]
Voyez ci-après pages 26, 28, 72, 102, etc.
- [4]
Ci-après p. 96.
- [5]
Des lettres capitales, divers fleurons et lettres grises ont été gravés, soit d’après l’ouvrage même de Charles du Lis, soit d’après d’autres monuments typographiques de la même époque. À l’aide de ces éléments nous offrons au bibliophile, surtout dans les titres, des specimen ou fac-simile intéressants de l’œuvre originale.
- [6]
Johanna, Johannæ, Johannam Darc. Gaguin dit : Jacobus Darcus. Pas un texte latin antérieur au XVIIe siècle ne fournit de Arcu. On trouve aussi Dart, Tard et Taré, qui excluent la décomposition du mot avec un sens géographique ou topographique.
- [7]
D’un autre côté, la famille une fois anoblie ne se nommait plus Darc, ni d’Arc, mais du Lis.
- [8]
Charles du Lis dit formellement que la famille de Jacques, natif de Séfonds (aujourd’hui Ceffonds, Haute-Marne), était ancienne et originaire de ce lieu. Sur ce point, la tradition héréditaire et les recherches de Charles du Lis ne remontaient pas plus avant. Quant à l’étymologie du nom, cette même tradition la tirait d’un arc à lancer des flèches.
L’attribution géographique est si peu fondée, qu’elle a donné lieu elle-même à l’invention d’un village imaginaire du nom d’Arc, créé tout exprès et placé par les inventeurs à deux pas de Domremy, pour la justifier. Voyez le Dictionnaire d’Expilly au mot Arques, et mes Nouvelles recherches sur la famille, etc. de la Pucelle ; Paris, Dumoulin, 1854, in-8°.
- [9]
Voir, pour de plus amples développements, Bibliothèque de l’École des Chartes, tome V de la 3e série, p. 277 et Nouvelles recherches sur la famille de Jeanne Darc, p. 48. Quelques fautes d’impression se sont glissées dans ces deux éditions du même diplôme.
- [10]
Voyez ci-après pages 108 et suivantes et le tableau généalogique.