Livre : II. Traité de 1628
17Traité sommaire tant du nom et des armes que de la naissance et parenté de la Pucelle d’Orléans et de ses frères
19Traitté sommaire
tant du nom et des armes que de la naissance et parenté
de la Pucelle d’Orléans
et de ses frères
Justifié par plusieurs patentes et arrests, enquestes et informations, contracts et autres tiltres, qui sont pour la pluspart par devers les aisnez de chacune des familles descendues des frères de ladite Pucelle : fait en octobre 1612, et reveu en 1628.
Chapitre I Quelle est la naissance au vray de la Pucelle, et qu’elle estoit Françoise.
Jeanne Darc, vulgairement appellée la Pucelle d’Orléans, nasquit au village ou hameau de Domp-Remy, paroisse de Greux en France (où elle fut baptisée), situez sur la rivière de Meuse, frontière de Champagne, au ressort de la prévosté d’Andelot, bailliage de Chaumont-en-Bassigny, 20élection de Langres, et diocèse de Toul. Mais d’autant qu’on dit communément Toul en Lorraine, aucuns ont escrit qu’elle estoit Lorraine, dont ils se trompent ; pource qu’il est notoire que ledit diocèse de Toul a son estendue et ressort partie sur la France, partie sur l’Empire, partie sur la Lorraine, comme les autres Eveschez proches : Metz et Verdun, pareillement situez sur les frontières desdits païs. Qui fait qu’en toute la Lorraine n’y ayant vn seul Evesché, on dit ainsi communément Toul en Lorraine, qui est à dire en ce qui est de la Lorraine, comme on peut dire Toul en France, en ce qui est de France ; ce qui ne se dit toutesfois si souvent, ny si facilement, pource qu’en France il y a assez d’autres Eveschez, aussi que la plus grande part de la Lorraine est dudit Evesché de Toul.
Aucuns ont escrit aussi, qu’elle estoit native de Vaucouleur, par un pareil abus, qui procède de ce qu’elle s’adressa au gouverneur de ladite ville, à ce qu’il la fist conduire vers le roy Charles VII, suivant les révélations qu’elle avoit de Dieu d’ainsi le faire ; d’autant qu’ayant à faire un si long voyage pour aborder le Roy, et passer par plusieurs villes et places de guerre qui restoient en son obéyssance, il estoit nécessaire d’avoir un passeport, qui la peût faire passer èsdits lieux. Et n’ayant près de sa naissance et demeure, autre ville de guerre 21proche, où y eust plus forte garnison pour le Roy, ny capitaine mieux recogneu que Robert de Baudricourt, qui commandoit pour lors en ladite ville de Vaucouleurs, frontière de la France, et en laquelle y avoit un fort chasteau, elle fut addressée fort à propos vers luy, par l’instinct et conseil de Dieu qui la conduisoit, et qui disposa l’esprit dudit sieur de Baudricourt, quasi contre son sens, de la croire, et luy donner ledit passeport avec convenable escorte.
Autres estiment encore que les villages de Greux et Domp-Remy sont du Barrois, et que, par conséquent, le duché de Bar appartenant au duc de Lorraine, ladite Pucelle se peut appeller Lorraine. Il peut bien estre que lesdits villages de Greux et Domp-Remy estant situez sur la frontière de Champagne, il y en ayt quelques maisons, ou partie desdits villages en Barrois, qui est limitrophe : mais quand ils en seroient du tout, ou en partie, cela ne feroit pas que la conséquence soit nécessaire, ny véritable qu’elle fust Lorraine, ny autre que Françoise. Le comté de Charolois appartient en propriété au Roy d’Espagne ; il y commet des juges tels qu’il veut, pour y rendre la justice à ses subjets : mais pource que le ressort de la justice souveraine en appartient au Roy de France, et que ledit comté doit la foy et hommage à la couronne de France, on n’a jamais veu, ny ouy dire 22que ceux dudit comté de Charolois fussent appelez Espagnols, ny autres que François : ainsi nos Roys de France ayant de tout temps le ressort de la justice souveraine, et l’hommage sur le duché de Barrois, on ne peut révoquer en doute que ladite Pucelle ne soit entièrement et véritablement Française de naissance, et de diocèse, et nullement Lorraine, ny en apparence, ny en aucune autre façon.
La preuve s’en void non seulement par les lettres patentes qu’elle obtint dudit sieur Roy Charles VII, pour exempter les habitans desdits villages de Greux et Domp-Remy, en faveur de sa naissance, de toutes tailles, aydes et subventions, données à Chasteau-Thierry le dernier juillet 1429, au retour du sacre du Roy, signées
par le Roy, en son conseil, Budé,
qui portent, par exprès, que ladite Pucelle étoit native de Domp-Remy, et que lesdits villages de Greux et Domp-Remy sont au ressort dudit bailliage de Chaumont en Bassigny. Ce qui se void confirmé par la sentence donnée le mesme iour, pour l’enthérinement et exécution desdites patentes, par M. Régnier de Bouligny, lors général et conseiller du Roy sur le fait et gouvernement de toutes ses finances, qui mande ainsi le faire, et est signé N. Continelles.
Et par autres patentes du mesme roy Charles VII, données à Chinon le sixiesme février 1459, le 23trente-huitiesme an de son règne, signées
par le Roy, à la relation de son conseil, Continelles,
se void comme les habitans desdits villages de Greux et Domp-Remy estant troublez en ladite exemption, est mandé par le Roy de les y conserver et maintenir, suivant lesdites premières patentes de l’an 1429, en ces mots :
En faveur de ladite Pucelle, native d’icelle paroisse, et en laquelle sont ses parens :
lesdites secondes patentes vérifiées et exécutées par sentence des Eleus de Langres, du premier avril audit an 1459, avant Pasques.
Lesquels habitans de Greux et Domp-Remy ont depuis tousiours obtenu lettres de confirmation de ladite exemption de toutes aydes et tailles, de Roy en Roy, jusques au roy Louys XIII, à présent régnant, duquel ils les ont obtenuës, données à Paris, au mois de juin 1610. Vérifiées et registrées en la Cour des Aydes, à Paris, le vingt-huictiesme dudit juin audit an 1610, après avoir veu les susdites patentes originales de première concession du roy Charles septiesme, les confirmations des autres Roys ses sucesseurs ; mesmes les extraicts de la Chambre des Comptes de Paris, où se void comme ès comptes des tailles de l’élection de Chaumont, ladite paroisse de Greux et Domp-Remy est tirée à néant, avec ces mots :
A cause de la Pucelle,
pour les années 1598, et autres suivantes iusques en l’année 1608.
24Se void encore aujourd’huy par les registres de tous les départemens des tailles, qui se font par chacune année en l’élection dudit Chaumont en Bassigny, comme à costé desdits villages de Greux et Domp-Remy est escrit de tout temps d’année en autre ces mots :
Néant, la Pucelle.
Et pour entendre pourquoy, maintenant, en l’élection de Chaumont se fait le département desdites deux paroisses, lesquelles par lettres patentes cy-dessus du sixiesme février 1459, estoient de l’élection de Langres, est à sçavoir que le premier establissement des élections en France estoit par diocèses, ès villes seulement où y avoit Evesché, et que depuis elles ont esté multipliées, et establies par les autres villes, èsquelles y avoit bailliage ou séneschaussée : et que, par l’establissement de la nouvelle élection dudit Chaumont, on luy attribue lesdits deux villages, que l’on a pour ce distraits de ladite élection de Langres, avec plusieurs autres49.
25Chapitre II Quel est le nom au vray de la Pucelle et de ses parens.
Cette Pucelle se trouve encore nommée par aucuns autres, Jeanne Day, mais par corruption de langage, pource que peut-estre ses frères ayant porté le nom du Lis, que le Roy leur avoit donné en faveur d’elle, comme les descendans d’eux le 26portent encore aujourd’huy, ainsi qu’il sera justifié cy-après ; les Lorrains voisins le prononçoient grossièrement, à la mode de leur pays, Dalis pour Dulis, comme on y dit encore à présent : vne fleur dalis, pour vne fleur de lis
; de sorte que pour concilier ces deux noms différens Darc et Dulis, n’en sçachant la cause et l’origine, ils l’ont appellée Day, pour se conformer à la prononciation du pays : ou bien par quelque autre vice d’escriture, ou par incuriosité d’en rechercher plus avant la vérité. Il est bien certain que son père s’appelloit Jacques Darc, comme il se void par plusieurs tiltres de ses ancestres, et de ses frères, oncles de ladite Pucelle ; et par le procez qui lui fut fait à Rouen, et par celui de sa justification, où y a grand nombre de tesmoins qui en déposent pertinemment ; et par les armoiries mesmes des parens et autres descendans dudit Jacques Darc, qui portoient un arc bandé de trois flèches, qui se sont conservées jusques à présent, comme il se verra cy-après.
Et se doit remarquer encore, qu’aussitost que cette Pucelle fut receue et authorisée par le Roy de porter les armes, et qu’elle fut reconnue par sa valeur, et grande recommandation de sa virginité, elle fut appellée la Pucelle Jehanne, ou la Pucelle de Domp-Remy. Mais après ses grandes et miraculeuses expéditions de guerre, entre autres du 27siége d’Orléans, de la réduction de la ville de Troye, et de plusieurs autres, et du sacre du Roy à Reims, elle fut appellée par commune acclamation, la Pucelle de France, comme il se void par plusieurs tiltres et patentes de son temps. Et depuis, les historiens, qui se sont estendus et arrestez plus particulièrement sur ce qui estoit du siége d’Orléans, dont l’honneur et le principal effect lui est attribué, l’ont remarquée par ce tiltre spécial de la Pucelle d’Orléans qui lui est demeuré. Aussi que le Roy Charles septiesme lui fit ériger une statue sur le pont d’Orléans, au pair et comme à l’esgal de lui-mesme, ainsi qu’elle s’y void encore aujourd’huy, et comme il est représenté au précédent recueil50 : ce qui la maintient en ce tiltre de la Pucelle d’Orléans.
Cette Pucelle donc, non seulement née et baptisée à Domp-Remy, parroisse de Greux en France, du diocèse de Toul, en ce qui est de France, a esté appellée la Pucelle de France ; mais encore est originaire de France, par ses ancestres provenus du village de Sefonds, près de 28Montirandel51, en Champagne, où nasquit Jacques Darc, son père, de bonne, riche et ancienne famille dudit lieu, comme il se void par plusieurs tiltres et contracts du pays qui se trouvent en la ville de Saint-Disier.
Lequel Jacques Darc, père de la Pucelle, eut deux frères, l’un Nicolas Darc l’aisné, la vefve duquel nommée Jeanne, fut sa marraine, qui lui donna sur les fonts ce nom heureux de Jeanne, de perpétuelle mémoire. L’autre frère fut Jean Darc, son oncle, qu’elle pria de la conduire pour la première fois à Vaucouleurs, comme il se void par son histoire et par les procédures de son procès52.
29La mère de ladite Pucelle fut Isabelle Romée, ainsi qu’il se void par l’un et l’autre des deux procès faits pour et contre elle. Monsieur du Tillet, et quelques autres l’ont nommée Isabeau Vautheur, au lieu de Vouthon, pource qu’elle estoit native du village de Vouthon, distant d’environ une lieue de Domp-Remy. Et eut frère et sœur, Jean et Aveline, de chacun desquels sont descenduës de nobles et honorables familles, qui en tirent leur généalogie et noblesse, en laquelle ils sont reconnus et maintenus, en conséquence des patentes du Roy, qui voulut ennoblir non seulement ladite Pucelle et ses frères, mais ses père et mère, et toute leur famille et parenté, tant en ligne masculine que 30féminine, comme il sera plus amplement représenté cy-après.
Le frère donc de la mère de ladite Pucelle, nommé Jean, se retira au village de Sermaize, Prévosté de Vitry-le-François en Champagne53, où il fut surnommé de Vouthon, pource qu’il venait dudit village de Vouthon, d’où il estoit natif, et y espousa Marguerite Conil, de laquelle il eut plusieurs enfans ; entre autres, frère Nicolas Romée, dit de Vouthon, religieux profez en l’Abbaye de Cheminon ; auquel ladite Pucelle fit donner dispense et permission de son Abbé, par commandement du Roy, de la suivre par les armées pour lui servir de chapellain et aumosnier, comme estant son cousin germain. Il eut aussi une fille nommée Marguerite de Vouthon, qui fut mariée à Pierre de Pertes, demeurant à Faveresse, près dudit Sarmaize, d’une des bonnes familles du païs : duquel mariage nasquit Collet de Pertes, qui fut homme d’armes des ordonnances du Roy, sous la charge du sieur de Bazillières, et espousa damoiselle Jeanne des Chiens, de laquelle il eut damoiselle Marguerite de Perthes, qui fut mariée à Claude Marguin, fils de Collet Marguin, sieur de Lignon, et de damoiselle Marguerite Drouet, de noble et ancienne lignée ; duquel Claude Marguin 31est issu Estienne Marguin, qui a laissé de Marguerite Jacobé, sa femme, plusieurs enfans vivans, et diversement pourveus en la province de Champagne, entre autres damoiselle Jeanne Marguin, qui espousa Jean Le Fèvre, docteur en médecine, qui a pour un de ses enfans Estienne Le Fèvre, éleu à Chaalons ; et autre damoiselle Louyse Marguin, qui espousa Michel Le Bègue, sieur de Vaux, près Saint-Disier, père de M. Jules César Le Bègue, advocat du Roy au bailliage et présidial de Vitry. Cette généalogie se trouve fort bien vérifiée, tant par une sentence, que pièces produites veües et contredites par icelle, donnée solennellement et contradictoirement au siége présidial de Vitry, le 16 aoust 1585, entre le procureur du Roy demandeur en saisie pour les droits de jurée et bourgeoisie, faite dès l’an 1582, et les susdits défendeurs et opposans, soutenans n’en devoir rien comme nobles, à cause de ladite généalogie et descente du frère de la mère de la Pucelle d’Orléans. Par laquelle sentence ayant esté reconnus pour tels, a esté jugé à leur profit, pource qu’il suffit d’estre de noble extraction du costé de père ou de mère seulement, soit qu’on vive noblement on roturièrement54.
32La sœur de la mère de la Pucelle, nommée Aveline, espousa Jean de Voyseul, duquel elle eut un fils nommé Domange de Voyseul, appellé le vieux Voyseul, demeurant à Burey-en-Vaux, près Vaucouleurs ; et une fille Jeanne de Voyseul, qui espousa Durant Lassois, demeurant audit Burey, 33qui eut un fils Thibault Lassois, surnommé le Noble, pource que par sentence du bailly de Chaumont, du 27 janvier 1525, il fut déclaré tel, comme cousin remué de germain de ladite Pucelle. Ledit Domange de Voyseul eut entre autres enfans Jean de Voyseul, demeurant à Sauvigny, qui mourut en 1551, laissant sa vefve nommée Marguerite Galliselle, de laquelle il avoit eu une fille Marguerite de Voyseul, qui espousa Médard Le Royer, demeurant à Chalaines, près Vaucouleur. Lequel entre autres enfans eut Jean Le Royer, qui obtint lettres de confirmation de sa noblesse, à cause de ladite Pucelle d’Orléans, pource qu’elle avoit esté ennoblie avec ses père et mère, et tous leurs descendans, tant en ligne masculine que féminine : lesdites lettres données à Paris, au mois de juin 1555, pour l’enthérinement desquelles, enqueste fut faite le 8 octobre ensuivant, par M. Jean de Gondrecourt, lieutenant particulier au bailliage de Chaumont, contenant preuve fort ample de ladite généalogie. Duquel Jean Le Royer, vivant lieutenant-général des traittes foraines et domaniales au bureau de Vaucouleurs, escuyer, seigneur du franc-aleud de Saulme et de Brenicqueville, est issu Médard Le Royer, gentilhomme ordinaire de la maison de Monsieur le Duc de Lorraine, fort reconnu et recommandé audit pays de Lorraine, pour plusieurs grands services par 34luy faits à Son Altesse pendant les guerres, et en autres ses plus importantes affaires. Il a espousé damoiselle Rachel d’Ourche55, de l’une des meilleures maisons du pays et a repris le nom de Voyseul, d’où il est seigneur, son trisayeul, cousin germain de la Pucelle ; voyant qu’il ne restoit aucun masle en ladite famille, pour en conserver le nom qu’il porte aujourd’huy.
Or, entre tous les parens de la Pucelle, les plus nobles et recommandables ont esté les propres frères d’elle, non seulement pour avoir esté spécialement nommez et compris ès chartres de l’ennoblissement de ladite Pucelle, données à Meun-sur-Yèvre, au mois de décembre 1429, registrées en la Chambre des Comptes de Paris, lors transférée à Bourges, le 16 janvier ensuivant audit an 1429. Mais pource qu’ils ont aussi poursuivy le procès de révision de son injuste condamnation, où se voyent les plus solemnelles procédures qui ayent jamais esté faites en pareil cas, sur lesquelles est intervenu le jugement très-notable de son innocence, donné par les archevesques de Reims et evesques de Paris et de Constance56, tous trois commissaires déléguez par le pape en cette partie, 35après avoir prins conseil et advis des plus signalez personnages de France, appellez pour en juger avec eux, prononcée et solemnellement exécutée en la ville de Rouen, le 7 juillet 1456. Auquel procès se void comme ils ont sollicité courageusement et incessamment par l’espace de près de deux ans entiers, cette solemnelle justification de l’innocence de ladite Pucelle, leur sœur, avec leur mère, lors encore vivante, et qu’ils y sont nommez et désignez en tous les actes principaux du procés ; l’un par la qualité de chevalier, l’autre de prévost à Vaucouleurs ; mesme en l’acte contenant le règlement de la qualité des parties, du 2 juillet 1456, assignées pour ester à droict, sur lequel est donné et exécuté ledit jugement à la louange et exaltation de ladite Pucelle, par l’establissement d’une croix et d’une procession solemnelle en ladite ville de Rouen, qui s’y void et se continue encore aujourd’huy. Cette croix estant posée au sommet d’un petit édifice, qui est ingénieusement taillé et élabouré en pierre de carreau, d’où sort et surgit une belle et claire fontaine qui jette son eau par divers tuyaux ; au-dessus de laquelle fontaine est élevée la statue de ladite Pucelle sur des arcades, et en un estage plus haut est la susdite croix, partie de laquelle est à présent ruinée par sa vétusté, ayant esté bastie et érigée dès l’instant mesme de ce jugement 36justificatif57, au propre lieu où cette Pucelle, tutélaire de la France, avoit esté si injustement brûlée par ses ennemis. Et comme ce jugement de sa justification fut incessamment poursuivy par ses frères pendant près de deux ans, aussi fut l’establissement et érection de cette croix mise audessus de sa statue et susdit monument au mesme temps ; en quoy ils sont très-dignes de louange. Et d’ailleurs sont encore d’autant plus recommandables lesdits deux frères de la Pucelle, pour avoir esté tellement favorisez et reconnus par le roy Charles septiesme, que non seulement il ayt donné à l’un l’office de prévost à Vaucouleur, qui estoit le plus bel office qui fust lors ès environs du lieu de sa naissance, pour son contentement, et de ses parens ; et à l’autre faisant et continuant la profession des armes, luy ayt donné le tiltre de chevalerie : mais à tous deux encore ensemble ayt octroyé cette permission précieuse de porter le lis en leur nom et en leurs armes, ainsi qu’il se justifiera plus particulièrement cy-après.
37Chapitre III Quels furent les frères de la Pucelle.
Les frères donc de ladite Pucelle se trouvent expressément désignez au nombre de trois, par les susdites lettres ou chartres de leur ennoblissement, à sçavoir : Jacquemin, Jean et Pierre ; ledit Jacquemin ainsi appellé par un nom diminutif, comme qui diroit le petit Jacques, ou Jacques le jeune, à cause de Jacques Darc, leur père, qui vivoit encore, et est pareillement nommé et désigné par les mesmes lettres dudit ennoblissement : comme aussi ledit Pierre y est exprimé par un autre nom diminutif de Pierrelo, comme qui diroit Pierrot, ou le petit Pierre, pource qu’il estoit le plus jeune et le plus petit des trois.
Quant au premier frère aisné de ladite Pucelle, nommé Jacquemin, s’en trouve peu de mention par les contracts, ny par les histoires, pource qu’il demeura sur les lieux près de ses père et 38mère pour supporter le mesnage de la maison, quand la Pucelle sa sœur partit pour aller servir le Roy, accompagnée de ses deux autres frères ; et y décéda sans enfans peu de temps après, de regret et de desplaisir, aussitost qu’il sçeut les tristes nouvelles de la cruelle mort de ladite Pucelle, sa sœur.
Jean, le second frère, se fit surnommer du Lis, suivant la susdite permission du Roy, et porta les armoiries telles que le Roy les leur avoit données ; et a laissé ce nom et ses armoiries à sa postérité, qui les a conservées jusques à présent de père en fils, après avoir vescu en ladite ville de Vaucouleur, en l’exercice dudit office de prévost, jusques en l’an 1460, qu’il mourut.
39Chapitre IV Quelles sont les armes de la Pucelle et de ses frères.
Or pour preuve particulière desdites armoiries, outre ce qui s’en void par les vestiges des anciennes sépultures, et autres remarques du pays, où elles ont esté peintes, gravées et conservées de temps en temps jusques à présent, lesdites armoiries se voyent encore pour le jourd’huy avec le blazon des couleurs, sur la première et principale porte de sa maison paternelle, où elle a esté née, audit village de Domp-Remy, et y sont dès le temps de ladite Pucelle58. Et d’ailleurs se 40trouvent tesmoignées par les lettres patentes mesmes du roy d’Angleterre, qui fit si cruellement et injustement mourir ladite Pucelle, pour l’en signaler et recommander davantage, comme Dieu a permis qu’il soit ainsi tourné à la gloire d’elle, contre le gré et intention dudit Roy d’Angleterre. Car il est remarquable et mystérieux, qu’en l’histoire de sa mort tyranniquement exécutée, il n’y en ayt jamais eu aucun jugement particulier qui fust de mort, ny de juge aucun qui l’eust donné, ny prononcé : comme il ne s’en est jamais trouvé, ny remarqué juge, ny jugement quelconque que celuy de l’évesque de Beauvais, qui la rendit au bras séculier, non d’aucuns juges, mais de satellites du Roy, qui, dès le mesme jour et à l’instant de la prononciation de ladite sentence, par laquelle elle fut rendue et délaissée audit bras séculier, la firent brusler sans forme ny figure de procés, ny de juges, ny de jugement 41quelconque ; dont fut fait un si grand murmure dans la ville de Rouen, que plusieurs des ecclésiastiques mesmes parloient publiquement pour l’innocence de ladite Pucelle, et de l’iniquité de sa mort. Entre autres un religieux de l’ordre des Frères Prescheurs, Frère Pierre Bosquier, fut emprisonné, et par sentence du mesme évesque de Beauvais, du 8 aoust audit an 1431, fut absous de l’excommunication prononcée contre luy, pource qu’il avoit dit :
Quod male feceramus [que nous avions mal fait], dist ledit évesque par sadite sentence, et omnes qui eam judicaverant, male fecerant [et que tous ceux qui l’avaient jugée avaient mal agi], moyennant la déclaration par lui faite en son interrogatoire, quod ea verba post potum dixerat [qu’il avait tenu ces propos après avoir bu]59.
De façon que ledit évesque voyant qu’on l’accusoit de beaucoup de fausses suppositions et de plusieurs suppressions de ce qui estoit de la vérité au procés de ladite Pucelle, fut contraint de faire de nouvelles informations d’office, dit-il, sans réquisition de promoteur, ny ministère d’aucune personne, les 7 et 8 juin, qui estoit huict jours après sa mort,
super multis per eam dictis in fine suo, et articulo mortis [au sujet de nombreuses choses dites par elle à sa fin, et à l’article de la mort] :
où y a sept tesmoins de ses domestiques et ministres de ses faussetez, qui déposent qu’elle avoit esté relapse en la prison, 42mais qu’en l’exécution elle avoit esté fort repentante de tout ce qu’elle avoit faict et dit. Et, adjoustent la pluspart desdists tesmoins qu’elle n’avoit l’esprit troublé, pource que la vérité estoit qu’elle avoit esté tant mal traittée et menassée, que c’estoit assez pour en perdre l’esprit, comme on le disoit. Et est notable qu’en tout son procès il n’y eut jamais un seul tesmoin examiné contre elle, que ces sept qui ont esté oüys huict jours après sa mort, pour la justification dudit évesque60.
Comme donc l’évesque avoit peur et estoit menassé au dedans de ladite ville de Rouen, le Roy d’Angleterre eut peur aussi que ces justes plaintes s’espandant par le royaume, allassent jusques au pape, qui avoit esté négligé, pource qu’elle avoit requis souvent estre renvoyée par-devant sa Saincteté ; et que l’innocence de ladite Pucelle ainsi tyranniquement opprimée, ne rendist son party plus odieux aux grands seigneurs et au peuple. C’est pourquoy il fit dresser deux patentes, l’une en latin pour le Pape, l’Empereur et autres potentats hors du royaume, données à Rouen le mesme jour huictiesme juin 1431, que ledit évesque avoit fait les susdites informations ; lesquelles patentes sont intitulées au transcrit du 43procès que ledit évesque fit faire à Rouen, où il n’a rien voulu oublier pour se couvrir, en ces mots :
Tenor literarum quas Dominus noster Rex scripsit Imperatori, Regibus, Ducibus, et aliis principibus totius Christianitatis [Teneur des lettres que le Roi notre seigneur écrivit à l’Empereur, aux Rois, Ducs et autres princes de toute la Chrétienté] ;
l’autre, en françois, données en ladite ville de Rouen, le 28 jour dudit mois de juin 1431, intitulées audit procès en ces mots :
Tenor literarum quas Dominus noster Rex scripsit Prælatis ecclesiæ, Ducibus et Comitibus et aliis nobilibus et civitatibus regni sui Franciæ [Teneur des lettres que le Roi notre seigneur écrivit aux Prélats de l’Église, Ducs, Comtes et autres nobles et aux cités de son royaume de France] ;
par lesquelles est mandé de les faire notifier tant aux prosnes des grandes messes, que par prédications publiques et autrement61.
Ces deux patentes, comme elles furent publiées et connues en plusieurs lieux, aussi ont-elles esté recueillies et remarquées par plusieurs autheurs, spécialement par l’autheur de la Continuation de l’Histoire et Chronique de France, nommé Denys Sauvage, sous le roy Henry II, par Enguerrand de Monstrelet, et par Vignier en son Sommaire de l’Histoire de France, et autres : par lesquelles, entre autres crimes qu’il impute à ladite Pucelle, pour soustenir sa condamnation de mort, l’un est exprès concernant ses armoiries en ces mots :
Se vestit aussi d’armes appliquées pour chevaliers et escuyers, leva estendart, et en trop grand outrage, 44orgueil et présomption, demanda avoir et porter les très-nobles et excellentes armes de France. Ce qu’en partie elle obtint, et les porta en plusieurs conflicts et assauts, et ses frères, comme l’on dit, c’est à sçauoir : Vn escu en champ d’azur, avec deux fleurs de lys d’or, et une espée la pointe en haut feruë en vne couronne ; en cet estat s’est mise aux champs, a conduit gens-d’armes, et de traict, etc.
Et néantmoins ce qui en est escrit par lesdites patentes, est desguisé contre la vérité, et faussement imputé à l’orgueil de ladite Pucelle, pource que lorsqu’elle fut interrogée audit procés sur le faict desdites armoiries, il se void qu’elle en respondit tout autrement. Ce fut le samedy 10 mars 1430, avant Pasques, et dans la prison, en ces mots :
Interrogata utrum haberet scutum et arma, respondit quod ipsa nunquam habuit, sed Rex suus dedit fratribus suis arma, videlicet, unum scutum azureum, in quo erant duo lilia aurea et ensis in medio. Item dixit, quod illud fuit datum per Regem suum fratribus suis, sine requesta eiusdem Joannæ et absque revelatione. [Interrogée si elle avait un écu et des armes, elle répondit qu’elle n’en avait jamais eu, mais que son Roi avait donné des armes à ses frères, à savoir un écu d’azur, sur lequel était deux lis d’or et une épée au milieu. Elle dit aussi que cela avait été donné par son Roi à ses frères, sans requête de sa part à elle, Jeanne, et sans révélation.]
Duquel interrogatoire et autres infinis, faits à ladite Pucelle incessamment, depuis le 20 février 1430, pour la troubler et confondre, furent extraits septante articles, faussement et malicieusement dressez et détorquez, sur lesquels elle fut de rechef interrogée les mardy, mercredy et jeudy de la 45sepmaine saincte, entre lesquels par le 58e article, luy est imputé en ces mots :
Quod per ejus superbiam et inanem gloriam fecit etiam depingi arma sua, in quibus posuit duo lilia aurea in campo azureo et in medio liliorum ensem argenteum, cum capulo et cruce deauratis, habentem cuspidem erectum sursum, in cujus summitate est corona ; quæ videntur ad fastum et vanitatem, et non ad religionem, vel pietatem pertinere. Et attribuere tales vanitates Deo et Angelis est contra reverentiam Dei et sanctorum. [Que par son orgueil et sa vaine gloire, elle fit aussi peindre ses armes, dans lesquelles elle plaça deux lis d’or sur champ d’azur et au milieu des lis une épée d’argent, avec pommeau et croisillon dorés, ayant la pointe dressée vers le haut, au sommet de laquelle se trouve une couronne ; ce qui semble relever du faste et de la vanité, et non de la religion ou de la piété. Et attribuer de telles vanités à Dieu et aux Anges est contraire à la révérence due à Dieu et aux saints.]
Sur quoy elle respondit en ces mots latins (non qu’elle parlast latin, mais on luy interprestoit lesdits septante articles tous couchez en latin par paroles françoises ; et ce qu’elle respondoit en françois on l’escrivoit en latin, par tout son procès, pour mieux couvrir les suppositions et faussetez, et empescher qu’elle ne peust rien signer ny sçavoir au vray de ce qu’on escrivoit), respondit donc :
Quod nunquam habuit scutum, sed Rex suus dedit fratribus suis, videlicet unum scutum azureum ad duo lilia aurea, et unum ensem in medio : quæ arma distinxit uni pictori in hac civitate Rhotomagensi, quia ipse petierat qualia arma ipsa habebat. Item dixit quod hoc furt datum fratribus suis per Regem suum ad complacentiam eorum, absque ejusdem Joannæ requesta, et sine revelatione. [Qu’elle n’avait jamais eu d’écu, mais que son Roi en avait donné à ses frères, à savoir un écu d’azur à deux lis d’or, et une épée au milieu : ces armes, elle les décrivit à un peintre dans cette ville de Rouen, parce qu’il avait demandé quelles armes elle avait. Elle dit aussi que cela avait été donné à ses frères par son Roi pour leur faire plaisir, sans requête de sa part à elle, Jeanne, et sans révélation.]
Ce qui sert pour monstrer non seulement ce 46qui est de la vérité des armoiries de ladite Pucelle et de ses frères, mais comme elle a esté légèrement et faussement condamnée sur les faits supposez et desguisez autrement qu’elle ne les avoit confessez.
47Chapitre V Que les frères de la Pucelle ont porté le nom Du Lis, et leur postérité.
Que ses frères n’ayent porté le lis en leur nom aussi bienqu’en leurs dites armoiries, suivant la permission du Roy, la preuve s’en trouvera plus particulièrement en la déduction de la généalogie de Pierre du Lis, son dernier et plus jeune frère, qu’en celuy-cy nommé Jean, qui fut prévost à Vaucouleur, pource que les tiltres et les contracts de ses enfans et autres descendans ne se sont si facilement trouvez, ni conservez en cette petite ville de Vaucouleur, pays de guerres et frontière, que dudit Pierre, son puisné, qui a vescu à Orléans, où il a possédé plus de biens, et a reçeu plus de bienfaits du Roy, luy et ses enfans, pour avoir suivy la profession des armes.
48Chapitre VI Généalogie du second frère de la Pucelle.
Suffit pour ledit second frère de la Pucelle, nommé Jean du Lis, qu’il se vérifie pleinement par le procès de la justification de ladite Pucelle, qu’il a esté, et est encore en l’an 1456, prévost en ladite ville de Vaucouleur, comme il se void par les procédures d’iceluy, et par plusieurs contracts. Par lesquels il est aussi manifeste qu’il eut trois enfans qui portèrent le mesme nom du Lis : Claude, Estienne, appellé Thévenin, à la mode du pays, et Marguerite.
Claude, l’aisné, fut procureur fiscal ès seigneuries de Greux et Domp-Remy, et se nommoit toujours Claude du Lis, comme il se void par plusieurs contracts qui se sont conservez en bonne forme, entre autres est, l’un du 19 avril 1483, par-devant de Murey, notaire à Neuf-Chastel, en Lorraine ; l’autre, du 20 avril 1489, signé de 49Marcheville, sieur de Séraumont et de Greux en partie ; et scellé du sceau armorié de ses armes, qui sont les mots dudit contract. Le troisiesme est en datte du 20 septembre 1490, passé par-devant Estienne Girard, curé de Greux et de Domp-Remy, prestre, notaire juré en la Cour de Toul, qui est un partage d’entre ledit Claude du Lis, et Jean Thiesselin, son beau-père, à cause de Nicolle Thiesselin, femme d’iceluy du Lis. Le quatriesme est en datte du 4 juillet 1498, par lequel les seigneurs de Domp-Remy et Greux-sur-Meuse, cèdent quelques héritages audit Claude du Lis, leur procureur èsdites seigneuries, en la fin duquel contract est dit en ces mots :
Et pour tesmoignage de vérité, nous, Jean, comte de Salme, devant nommé, ès-noms et nous faisant fort de nos conseigneurs, comme dessus, avons fait appendre nostre sceau à ces présentes lettres qui furent faites l’an que dessus.
Et le cinquiesme est datté du 11 juillet 1502, passé et signé par Girard Thierrely, prestre, curé de Greux et Domp-Remy, notaire juré de ladite Cour de Toul. Esquels cinq contracts il est tousjours nommé Claude du Lis, lequel mourut peu après ledit dernier contract, sans enfans.
Quant à Marguerite du Lis, elle fut menée par son ayeule, mère de ladite Pucelle, à Orléans, vers messire Pierre du Lis, chevalier, son dernier fils, 50frère de ladite Pucelle, et oncle d’icelle Marguerite, laquelle il maria à un gentilhomme son voisin, Antoine de Bonnet, escuyer, sieur de Monts, en la paroisse de Sainct-Denis en Vaux, près d’Orléans ; et laquelle recueillit par après, en l’an 1502, la succession de Jean du Lis, fils aisné dudit Pierre du Lis, son oncle, décédé sans enfans audit Orléans, comme sa cousine germaine, ainsi qu’il sera justifié cy-après.
Reste Estienne, ou Thévenin du Lis, qui eut trois enfans, Claude, Didier et Didon ; ledit Claude du Lis, l’aisné, fut prestre et curé de Greux et Domp-Remy, qui ne s’est jamais autrement surnommé que du Lis, et en plusieurs de ses escrits qu’il a laissez en latin, se nommoit Claudius a Lilio ; duquel nous ne représenterons qu’une seule pièce entre plusieurs autres, qui est un testament solemnel et notable qu’il fit, escrit et signé de sa main, sous ce mesme nom de Claude du Lis, en présence de sa mère et de son frère, le 8 novembre 1549. Lequel testament, après son décez fut reconnu par sadite mère et sondit frère par-devant un notaire public de la Cour de Toul, le 16 mai 1550, et signé Boleti. Par lequel après vingt-neuf legs pieux qu’il laisse à diverses églises, et plusieurs pauvres personnes, et neuf autres legs qu’il fait aussi à cinq niepces, pour aider à les marier, et à quatre nepveux pour les faire estudier, veut 51estre enterré en l’église Sainct-Remy dudit Domp-Remy, dans la Chapelle Nostre-Dame de la Pucelle, où il dit que sont enterrez et reposent les corps de ses prédécesseurs, et pour ayder à l’entretenement d’icelle, donne et lègue dix francs de rente ; comme de fait cette chapelle est encore aujourd’huy appellée la chapelle de la Pucelle et des du Lis, entretenuë et réparée de leurs bienfaicts.
Pour le regard de Didon du Lis, sa sœur, elle fit pareillement une donation fort solemnelle ausdits quatre nepveux et cinq niepces tant d’elle que dudit Claude du Lis, son frère, lors décédé, pour estre tous enfans dudit Didier du Lis, son autre frère, dès lors aussi décédé depuis le testament dudit feu Claude du Lis, leur dit frère ; lesquels quatre nepveux et cinq niepces sont par elle spécifiquement désignez par noms et surnoms au contract de ladite donation, et par ordre de leur naissance, en ces mots :
Fut présente en sa personne noble femme Didon du Lis, vefve feu Thevenin Thierrely, demeurant à Domp-Remy-sur-Meuse, laquelle a reconnu, que pour le bon amour qu’elle a et peut avoir de Aurry Colin, dit des Hazars, au nom et comme administrateur des corps et biens de Jeanne du Lis, sa femme, Claudin du Lis, Antoine du Lis, Françoise du Lis, Didon du Lis, Colas du Lis, Barbe du Lis, Nicole du Lis et 52François du Lis, tous enfans de feu noble homme du Lis, leur père, et que aussi plaist à ladite donateresse : elle a donné et donne, etc.
Et est ladite donation fort ample, passée par-devant Jaspard Bernard, et Claudin Collet, tabellions jurez et establis en la chastellenie et prévosté de Gondrecourt, de par nostre très-redouté seigneur M. le duc de Calabre, de Lorraine, Bar, etc. (qui est la qualité que prennent lesdits notaires par ledit contract) ; signé Bernard, Collet, et scellé.
Laquelle donation est en outre insinuée cinq ans après du vivant encore de toutes les parties, par sentence et acte judiciaire du Bailly de Chaumont, en ces mots :
A tous ceux, etc., Jean le Genèvois, escuyer, sieur de Comignon, conseiller du Roy nostre Sire, lieutenant général au bailliage et siége présidial de Chaumont en Bassigny, salut. Sçavoir faisons que ce jourd’huy, mercredy 26 janvier 1557, à l’expédition des causes ordinaires, en présence du procureur du Roy, sont comparus Didon du Lis, vefve feu Estienne Thierriel, par maistre Pierre Gaucher, son procureur, d’une part et Aurry des Hazars, au nom et comme mary et administrateur des corps et biens de Jeanne du Lis, sa femme, Claude du Lis, Anthoine du Lis, Françoise du Lis, Didon du Lis, Nicolas du Lis, Barbe du Lis, Nicole du Lis et François du Lis, tous enfans de feu noble homme Didier du Lis, par 53maistre Jacques Picard, leur procureur, et encore ledit Aurry en personne, d’autre part ; lesquelles parties nous ont présenté lettres de donation faites et passées sous le scel du tabellionnage de Gondrecourt, le 26 février 1552, par ladite Didon du Lis, vefve, au profit des susdits, etc.
Et est signé Guevarre et scellé.
La qualité d’iceluy Didier du Lis se trouve vérifiée tant par un contract passé de son vivant par-devant Varneson Simon, prestre, notaire juré en la cour de l’officialité de Toul, le 22 février 1548, par lequel Dieudonné de Massey, soy faisant fort de Marguerite, sa femme, vend à noble homme Didier du Lis, archer, et damoiselle Nicolle de Brissey, sa femme, les héritages qui y sont mentionnez, et est ledit contract signé Simon et scellé ; que par une enqueste faite le 8 juin et autres jours ensuivans 1596, par Barthazar Crok, poursuivant d’armes de Monsieur le duc de Lorraine, au tiltre de Vaudemont, par commission du sieur comte de Salme, mareschal de Lorraine, gouverneur de Nancy, en datte du septiesme dudit juin, à la requeste de maistre Jean Hordal, docteur ès-droits, et l’un des quatre professeurs en iceux en l’université de Pont-à-Mousson, à présent conseiller d’Estat de son Altesse, pour la preuve de sa noblesse et extraction de l’un des frères de la Pucelle dont il sera plus amplement parlé cy-après. En laquelle enqueste le premier 54tesmoing est damoiselle Isabeau Alber, vefve Antoine du Lis, vivant sieur de Gibaumel, fils aisné dudit Didier du Lis. Les deux et troisiesme tesmoings sont damoiselle Françoise du Lis, vefve noble homme Jean Debonnaire62, demeurant à Vaucouleur, vivante encore à présent, 1613, aagée de huictante et deux ans, et Barbe du Lis, vefve Mongin Hiérosme, demeurant à Domp-Remy, aussi vivante, aagée de soixante et seize ans, filles dudit Didier du Lis, et sœurs dudit Antoine du Lis, sieur de Gibaumel, leur frère aisné. Et entre autres tesmoings est messire Estienne Hordal, doyen de l’église de Toul, aagé de soixante et six ans, qui dépose que ledit sieur de Gibaumel, fils dudit Didier du Lis, estoit notoirement reconnu pour chef des armes de ladite Pucelle, et d’abondant atteste et dépose avoir veu plusieurs fois Hallouys du Lis, vefve Estienne Hordal, son ayeul, et elle fille de Pierre du Lis, frère de ladite Pucelle, qui mourut, dit-il, il y a environ soixante ans, aagée de plus de quatre-vingts ans, comme la généalogie en sera représentée cy-après. Disent d’ailleurs la plus part des tesmoings de ladite enqueste, que messire Hector du Lis, évesque de Toul, estoit de la parenté de ladite Pucelle.
55Il est vray que le nom du Lis, qui est bien et nettement exprimé par tous les contracts susdits, est escrit en ladite enqueste comme il est prononcé vulgairement par l’idiome grossier du pays, qui est Dalis pour du Lis, comme il est notoire qu’on y prononce communément et qu’on escrit quelquesfois grossièrement encore aujourd’huy une fleur dalis, pour une fleur de lis. La vérité duquel nom toutesfois se reconnnoist assez par la force des généalogies, vérifiées par les contracts qui portent ledit nom du Lis quasi partout, et par la conversion d’iceluy en latin, qui se trouve a Lilio ; et encore par la généalogie entière de l’autre frère de ladite Pucelle, Pierre du Lis, laquelle sera incontinent représentée et vérifiée, en laquelle ne se trouve jamais ledit nom du Lis avoir esté douteusement escrit ne changé.
Ce Didier du Lis donc, fils de Thévenin ou Estienne du Lis, son père, ou petit-fils ou nepveu en terme de droit, de Jean du Lis, prévost de Vaucouleur, son ayeul, et frère germain de la Pucelle, ayant fait profession des armes en qualité d’archer et de gendarme de la compagnie du grand duc de Guise, qui fut tué au siége d’Orléans, laissa ledit Antoine du Lis (ou Dalis, à la mode du pays), son aisné, chef des armes de la parenté de ladite Pucelle, comme il a esté dit, pource que Claude, Nicolas et François du Lis, ses autres 56frères, moururent sans enfans masles. Lequel Antoine continuant la profession des armes, fut commissaire de l’artillerie dudit sieur duc de Lorraine, et a laissé six enfans qui vivent aujourd’huy, cousins au cinquiesme degré de ladite Pucelle. L’un, Jean-Jacques Dalis, escuyer, sieur de Gibaumel, comme son père, et y demeurant, gentilhomme de grande valeur et mérite, qui conserve les tiltres et armes de la maison, comme chef et l’aisné de cette branche, lequel sous cette recommandation a espousé la fille de M. de Lespine, lieutenant des gardes du duc de Lorraine. L’autre est Claude Dalis, sieur de Secfonds, près Vaucouleur, aussi gentilhomme de singulière érudition, demeurant audit Vaucouleur, des plus capables et recommandez du pays. Les quatre autres sont filles, l’une damoiselle Claude Dalis, mariée à François de Naves, escuyer, sieur dudit lieu, demeurant à Champigney, qui est du temporel de l’évesché de Toul. L’autre, damoiselle Catherine Dalis, qui a espousé M. Louis Massis, lieutenant général au bailliage de Champuis du comté de Bourgogne. Les deux autres filles ne sont mariées. Les preuves desquels derniers nommez de ladite parenté et généalogie de Jean du Lis, frère de ladite Pucelle, sont trop récentes et communes au pays, pour en faire icy plus particulière description. Ne se peut obmettre que l’une 57des filles dudit Didier Dalis, sœur dudit Antoine sieur de Gibaumel, nommée Didon Dalis, fut mariée à feu Girard Noblesse, maire de Domp-Remy, et est morte en cette année seulement, vefve d’iceluy, et aagée de plus de quatre-vingts ans, qui a laissé M. Claude Noblesse, son fils, à présent curé de Domp-Remy, reconnu pour noble et des plus hommes de bien de sa profession.
58Chapitre VII Généalogie du troisiesme frère de la Pucelle.
Le troisiesme frère de ladite Pucelle d’Orléans, Pierre du Lis, bienque leplus jeune et le dernier, a esté néantmoins le plus renommé et le plus advancé, pource qu’il suivit la profession des armes, après la mort de sa sœur, où par sa valeur il obtint le tiltre de chevalerie, comme il se void par des lettres patentes qu’il obtint du duc d’Orléans, données à Orléans, le vingt-huictiesme juillet 1443, vérifiées par M. Jean le Fuselier, général, conseiller ordonné par ledit sieur d’Orléans, sur le fait et gouvernement de toutes ses finances, le lendemain vingt-neufviesme dudit juillet. Desquelles patentes le vidimus, collationné en la Chambre des Comptes dudit sieur duc, avec reconnaissance dudit Pierre du Lis, chevalier, escrite au dos d’iceluy, est rapporté au compte du domaine d’Orléans, rendu par M. Robin 59Baffard, en la Chambre des Comptes de Paris, pour l’année finie à la sainct Jean 1444, clos le quinziesme février 1446, au feuillet 32. Par lesquelles patentes dudit sieur duc est dit en ces mots :
Ouye la supplication de Messire Pierre du Lis, chevalier, contenant que, pour acquiter sa loyauté envers le Roy nostre sieur et nous, il se partit de son pays pour venir au service du Roy, nostre dit sieur, en la compagnie de Jeanne la Pucelle, sa sœur, avec laquelle jusques à son absentement, et depuis jusques à présent il a exposé son corps et ses biens audit service, et au fait des guerres du Roy, tant à la résistance des anciens ennemis de ce royaume qui tindrent le siége devant la ville d’Orléans, comme en plusieurs voyages faits et entrepris par le Roy nostre dit sieur, et ses chefs de guerre, et autrement en plusieurs et divers lieux ; et par fortune desdites guerres a esté prisonnier desdits ennemis et contraint de vendre les héritages de sa femme pour payer sa rançon : requérant qu’il nous pleust luy donner, etc. Pourquoy nous, en considération des choses dessusdites, avons donné et donnons audit messire Pierre du Lis, chevalier, de grâce spéciale, en faveur et contemplation de ladite Pucelle, sa sœur germaine, et des grands et notables services qu’elle et ledit messire son frère ont fait au Roy nostre dit sieur, et à nous, les fruicts, profits, usufruicts, revenus et émolumens d’une Isle, appellée 60l’Isle-aux-Bœufs, size en la rivière de Loire, près la Salle, au droit de Chécy, comme elle se comporte, pour en jouyr sa vie durant, et de Jean du Lis, son aisné fils, et chacun d’eux tant que le survivant d’eux deux vivra et aura vie en corps, etc.
Ce qui fait bien cognoistre que, comme le Roy Charles septiesme avoit donné permission aux frères de ladite Pucelle de porter le lis en leurs armoiries, ainsi qu’il est justifié cy-dessus, il leur avoit permis aussi de le porter en leur nom, n’estant vraysemblable qu’ils eussent osé s’addresser à un tel prince, le duc d’Orléans, lors premier prince du sang (fils de ce grand duc d’Orléans qui fut tué à Paris vers la porte Barbette, frère du roy Charles sixiesme, oncle du roy Charles septiesme, et qui fut père du roy Loüys douziesme), pour luy supposer faussement un tel nom, en le suppliant de luy donner de son domaine, s’il n’eust esté bien fondé de se nommer ainsi.
N’estant croyable aussi que la Chambre des Comptes à Paris eust approuvé une telle aliénation du domaine de ladite Isle-aux-Bœufs, contenant plus de deux cents arpens de prairie et bons pasturages, sous un nom supposé ; veu qu’il estoit trop notoire que la Pucelle d’Orléans s’appelloit Jeanne Darc, comme elle estoit ainsi nommée par les lettres de son ennoblissement, et de sesdits frères, que ladite Chambre avoit vérifiées et registrées 61dix ou douze ans seulement auparavant : de laquelle néantmoins ledit sieur duc d’Orléans recognoist par sesdites patentes, ledit messire Pierre du Lis, chevalier, estre frère germain, et n’eust fait du bien à un homme supposé, sans le bien cognoistre ; et n’eust aussi ladite Chambre souffert que ledit Pierre du Lis et Jean du Lis, son fils aisné, eussent si longtemps joüy de ladite Isle-aux-Bœufs, qui estoit du domaine, comme ils en ont joüy depuis ledit don fait en l’an 1443, audit Pierre du Lis, jusques au décès dudit Jean du Lis, son aisné fils, qui fut en l’an 1501, tousjours sous le mesme nom du Lis, sans l’avoir jamais changé ny varié, ainsi qu’il se void par tous les comptes du domaine d’Orléans qui se trouvent en ladite Chambre des Comptes à Paris, rendus d’an en an, en chascun desquels est fait mention sur l’article de ladite Isle, que le revenu en est tiré à néant, à cause de ladite donation faite audit Pierre du Lis, chevalier et frère de la Pucelle de France. Laquelle donation est tousjours alléguée et répétée de compte en compte, principalement ès années dernières de 1499, 1500, 1501, et autres suivantes jusques en l’année 1524, que ladite Isle ayant été réunie au domaine, nouveau don en fut fait par le Roy à François et Raoul Burgensis. En tous lesquels derniers comptes est notable que ledit messire Pierre du Lis, chevalier, 62est qualifié et reconnu pour frère de la Pucelle de France. Qui sert en outre pour justifier ce qui a esté dit cy-devant qu’elle fut premièrement appellée Pucelle de France, par les patentes et cours souveraines de nos Roys, et depuis par les historiens a esté appellée Pucelle d’Orléans, à cause de la levée du siége de ladite ville d’Orléans, qu’ils ont principalement descrit par leurs histoires, dont ils lui ont voulu attribuer le nom et la gloire.
Joint qu’il se void au mesme temps par les vers qui sont escrits et gravez à l’entour de la cloche du gros horloge de la ville d’Orléans, que le mesme roy Charles septiesme, lorsqu’elle fut faite et baptisée en l’an 1458, luy fit donner le nom de Cœur de Lis63 ; qui est le pareil nom des trois cœurs 63de lis dont les armoiries de ladite ville d’Orléans sont composées, que le vulgaire appelle grossièrement et abusivement les trois caillots ou caillous : pour montrer que ce mesme Roy leur avoit bien peu donner ce nom du Lis, aussi bien qu’à une cloche, quasi pour un mesme subjet, en faveur et considération de ce que la levée du siége de cette ville et la conservation d’icelle estoit le salut et la conservation du nom, et des lis, et de l’Estat de la France.
Il se void d’ailleurs comme ledit Jean du Lis, fils aisné dudit messire Pierre du Lis, chevalier, frère de la Pucelle, a joüy sous le mesme nom du Lis, de la mesme Isle-aux-Bœufs, par le décès de son père, et qu’elle leur estoit de valeur et grande commodité par plusieurs contracts, desquels n’en sera représenté qu’un, pour accourcir ce discours, passé le quinziesme d’octobre 1481, par-devant Jean Courtin, notaire royal au Chastelet d’Orléans, qui porte en ces mots :
Noble homme Jean du Lis, dit la Pucelle, escuyer, sieur de Villers en la paroisse d’Ardon, confesse avoir baillé à ferme et pension, de la Toussainct prochaine jusques à six ans, à Estienne Mignon, marchand boucher du grand bourg d’Orléans, l’Isle-aux-Bœufs, en ce qui est enclos en eau, non compris les prez, ny les terres qui sont à présent en labour, que le bailleur retient à soy, moyennant et pour la 64somme de dix escus d’or de ferme et de pension par chacun an, etc.
Ce dernier et plus jeune frère de la Pucelle, messire Pierre du Lis, chevalier, fut celuy qui poursuivit plus courageusement le procés de révision et de justification de l’innocence de sa sœur, et y assista plus continuellement leur mère qui vivoit encore ; auquel procés bien souvent il est nommé le premier avant Jean, son frère aisné, à cause de ladite qualité de chevalier qu’il portoit, et qui luy est attribuée par tous les actes du procès. Il avoit espousé damoiselle Jeanne de Prouville, de laquelle il eut quatre enfans, deux fils et deux filles, Jean du Lis, l’aisné, et autre Jean du Lis le jeune. Il maria son aisné de son vivant, par contract passé par-devant Jean Bureau, le jeune, notaire royal, tabellion et garde-notes du Roy en son chastelet d’Orléans, le vingt-sixiesme mars, avant Pasques, 1456, en ces mots :
Entre Jean du Lis, escuyer, fils de messire Pierre du Lis, chevalier, et de dame Jeanne, sa femme, en la présence et de l’authorité de sesdits père et mère, d’une part ; et Jean de Vezines, escuyer, sieur de Villers, et damoiselle Jeanne, sa femme, stipulans pour damoiselle Macée, leur fille, aussi présente d’autre part.
Ledit de Vezines estoit de noble et fort ancienne maison, qui tenoit ladite seigneurie de Villers par succession d’un Hervé de Vezines, son 65ayeul, qui, dès l’an 1341, en avoit fait hommage au sieur de la Ferté Nabert, dont elle relève, et de Nandon de Vezines, son père, qui en avoit fait pareil hommage par le décès dudit Hervé, dès le 10 may 1390.
Le nom de la Pucelle estoit en si grande recommandation, et vénération pour lors envers tous ceux d’Orléans, qu’il se trouve par une enqueste faite par M. Pierre Berruier, lieutenant-général d’Orléans, le quatriesme novembre 1550, à la requeste de Robert Fournier, baron de Tournebus et du Chemin, sieur du Feron, son nepveu, sur le subjet de leur ennoblissement, qu’un des tesmoings dépose qu’estant serviteur dudit Jean du Lis en sa jeunesse, il auroit veu que le jour de la procession qui se fait tous les ans le huictiesme may, fort solemnellement en l’honneur de ladite Pucelle, où l’on porte son guidon, avec une bannière expresse et particulière64 pour représenter la réduction de ladite ville, ledit Jean du Lis, son maistre, venoit de sa terre de Villers exprès en la ville d’Orléans, pour assister à ladite procession ; et qu’on lui faisoit cet honneur de le 66faire marcher le premier, et faire porter devant luy un grand cierge blanc allumé, où estoit peinte l’effigie de ladite Pucelle.
Et de fait se trouve encore que le mesme Jean du Lis, par tous les contracts presque qu’il a fait, a esté surnommé la Pucelle, comme il s’est veu cy-dessus, au contract du 15 octobre 1482, quand il faisoit des baux de son Isle-aux-Bœufs : mesme que par un adveu qui luy fut rendu, par-devant Pierre Priault, clerc notaire juré de la chastellenie de la Ferté-Nabert, le quatorziesme juillet 1466, par Nicolas Courvie, l’un des vassaux de sa terre de Villers, il confesse et advouë tenir en foy et hommage son fief de la Chesnière en ces mots :
De noble homme Jean de la Pucelle, dit du Lis, escuyer, seigneur de Villers-Charbonneau, assis en la parroisse d’Ardon, à cause de sondit lieu de Villers.
Et par un autre adveu à luy rendu du mesme fief, par Pierre de Courvie, fils dudit Nicolas, le douziesme juin 1497, par-devant Laurent Serrier, clerc substitud juré pour l’absence de Pierre Priault, notaire juré de ladite chastellenie de la Ferté-Nabert, il advouë tenir son fief en ces mots :
De noble homme Jean du Lis, dit la Pucelle, escuyer, seigneur de Villers-Charbonneau, en la parroisse d’Ardon, à cause de sondit lieu de Villers.
Au dos duquel acte de foy et hommage est escrit en ces mots, de la propre main 67dudit Jean du Lis :
L’an 1497, le jour saint Jean-Baptiste, je, Jean du Lis, escuyer, sieur de Villers-Charbonneau, confesse avoir reçeu un semblable adveu de Pierre de Courvie, bon et valable, et baillé en temps deu et accoustumé, dont je le tiens quitte, tesmoing mon seing manuel cy mis, etc. Et est signé du Lis, sans paraphe.
Par autre contract passé par-devant Benoist Martin, clerc notaire du Roy au chastelet d’Orléans, le neufiesme mars 1496, il donna sadite terre de Villers en ces mots :
Fut présent en sa personne noble homme Jean du Lis, alias de la Pucelle, escuyer, sieur de Villers-Charbonneau, à présent demeurant à Bagnaux, parroisse Sainct-Aignan de Sandillon, lequel confesse avoir donné, et donne par ces présentes, à Nicolas Berruier, marchand, demeurant en la parroisse Sainct-Sulpice d’Orléans, sadite terre et seigneurie de Villers-Charbonneau, ainsi qu’elle se poursuit et comporte en fiefs, vassaux, arrière-fiefs, etc., sauf et réservé audit donateur et à damoiselle Macée de Vezines, sa femme, l’usufruict et entière jouyssance, le plain cours de leurs vies, suivant le don mutuel d’entre eux, et ce pour récompense des agréables plaisirs et services que ledit Nicolas et Pierre Berruier, son père, luy avoient faits, etc.
Après le décèz duquel Jean du Lis, le procureur du Roy ayant fait saisir tous ses biens par 68faute d’hoirs et d’héritiers apparens, par sentance du prévost d’Orléans, du troisiesme octobre 1501, main-levée en fut faite en ces mots :
Comme naguères après le trespas de feu Jean du Lis, dit la Pucelle, escuyer, vivant sieur de Bagnaux, de Villers, et de l’Isle-aux-Bœufs près Orléans, le procureur du Roy eust fait saisir, et depuis fust venu pardevers nous et les advocats et procureur dudit seigneur Roy, damoiselle Marguerite du Lis, à présent femme d’Antoine de Bonnet, escuyer, demeurant en la parroisse Sainct-Denis-en-Vaux, et nous eust exposé qu’elle estoit cousine germaine dudit défunct Jean du Lis, et sa plus prochaine parente et lignagère habile à lui succéder, etc. Sur quoy eussions appointé, etc., sçavoir faisons, que veu la requeste baillée par ladite damoiselle Marguerite du Lis, les informations sur icelle faites suivant nostre appointement, etc. En entherinant ladite requeste, avons fait et faisons pleine et entière main-levée à ladite du Lis, comme cousine germaine, et plus proche parente habile à luy succéder, etc.
Cette Marguerite du Lis estoit fille de Jean du Lis, prévost de Vaucouleur, qui avoit esté amenée par son ayeule, mère de la Pucelle, à Orléans, chez ledit feu messire Pierre du Lis, chevalier, frère d’icelle Pucelle, qui l’avoit mariée audit Antoine Bonnet, peu avant son décèz, comme a esté dit cy-dessus, et en est fait mention par un 69contract du unziesme janvier 1469, passé par-devant Tassin Berthelin, clerc notaire juré du chastelet d’Orléans, par lequel :
Noble homme Jean de la Pucelle65, dit du Lis, escuyer, demeurant en la parroisse S.-Aignan de Sandillon, près d’Orléans, baille à rente foncière à Pierre Chauvet, laboureur, demeurant en la parroisse S.-Denys-enVaux, le fief de Mont, sis en ladite parroisse, qu’il dit luy appartenir de son propre, par le trespas de messire Pierre du Lis, son père, vivant chevalier.
Lequel fief du Mont néantmoins avoit esté baillé par le mesme Pierre du Lis, son père, à ladite damoiselle Marguerite du Lis, sa niepce, en la mariant avec ledit Antoine Bonnet, en faveur et considération de ce que Jean du Lis, prévost de Vaucouleur, avoit aussi marié audit Vaucouleur une des filles dudit Pierre du Lis, son frère, qu’il avoit nourrie et gardée en eschange de ladite Marguerite du Lis, fille d’iceluy, prévost de Vaucouleur. Laquelle donation du fief du Mont, faite à ladite Marguerite du Lis, par ledit Pierre du Lis, son oncle, ledit Jean du Lis, fils d’iceluy Pierre, ne voulut approuver après le décèz de son père, et en avoit longuement plaidé.
70L’autre fils de ce Pierre du Lis, chevalier, nommé Jean du Lis le jeune, se voyant pauvre cadet, après le décèz de son père en l’an 1469, suivit la profession des armes ès guerres de Picardie, et se fit tellement aymer et reconnoistre par le roy Louys XI, fils du roy Charles VII, qu’en l’an 1481 ledit sieur roy Louys XI, ayant prins la ville d’Arras par force, toute destruite et dépeuplée, la voulant relever et repeupler de subjets ses plus loyaux et affidez, après avoir mandé par les meilleures villes de la France que on luy envoyast des familles de marchands et autres, pour les y habituer, s’en voulant servir comme d’une frontière forte et fidèle à son royaume : outre plusieurs grands et signalez priviléges qu’il leur donna, il voulut y mettre et nommer de sa part des eschevins, entre lesquels il nomma ledit Jean du Lis le jeune, comme il se void par les lettres patentes sur ce données par ledit sieur roy Louys XI, à Chartres, au mois de juillet audit an 1481, vérifiées et registrées en la Cour des Aydes, le dixiesme septembre ensuivant. En laquelle charge d’eschevin après avoir esté expressément éleu et nommé par le Roy èsdites lettres patentes, il fut continué les années suivantes 1482 et 1483, comme il se void, entre autres preuves, par un acte authentique délivré par les maire et eschevins de ladite ville d’Arras, 71sous la signature de Hatte, leur greffier, et le grand scel de ladite ville qui y est attaché en cire verte ; lesquels attestent et certifient que par extrait d’un registre en parchemin, contenant la reception des bourgeois, commençant en l’an de grâce 1464, reposant en la Chambre Eschevinale de ladite ville, appert que le 2 may 1483, Isabeau Raoul, vefve feu Gilles de Habart, a recréancé sa bourgeoisie, et promis non y renoncer, par-devant sires Jean du Lis et Gilles Menuet, eschevins de ladite ville. Et par un autre pareil acte, signé et scellé comme le précédent, et extraict du mesme registre, appert encore que le trentiesme jour d’octobre audit an 1483, ledit Jean du Lis estant sorty de l’eschevinage, auroit esté receu à la bourgeoisie de ladite ville sans payer finance, pource qu’il estoit estranger ou forain de ladite ville, estant natif d’Orléans : non que par ladite qualité de bourgeois, ny le mot de sire, qui luy est attribué par le premier acte, comme eschevin, il ayt aucunement dérogé à sa noblesse qu’il tenoit et conservoit précieusement, avec son nom du Lis, par les octrois et gratification du roy Charles septiesme, en faveur de la Pucelle d’Orléans, sa tante. Aussi que le roy Louys unziesme, par lesdites chartres et patentes très-amples, du mois de juillet 1481, entre autres priviléges de ladite ville d’Arras, avoit ennobli les eschevins d’icelle ; 72pour marque et tesmoignage de laquelle noblesse, ce mot et titre de sire estoit pour lors attribué ausdits eschevins, et non à autres. Ce qui se peut remarquer en quelques autres villes, où la noblesse fut octroyée aux maires et eschevins du mesme temps, comme Poictiers, où le maire est appelé sire, à cause de son ennoblissement, privativement aux autres qui ne sont ennoblis, et en plusieurs autres villes ce mot de sire ayant esté anciennement attribué pour les nobles et escuyers, comme Messire, pour les chevaliers ; d’où vient qu’on appelle les Sires de Paris, en conséquence de quelques anciens priviléges par lesquels les Roys les avoient autrefois tous ennoblis.
Et de fait que ledit Jean du Lis, se voyant cadet du frère cadet de ladite Pucelle, espérant faire nouvelle fortune de son chef, comme il eust fait, sans la mort qui survint peu après, en l’an 1484, dudit sieur roy Louys XI, son maistre, qui l’aymoit, retint les armoiries anciennes de la famille Darc, que portoit son ayeul Jacques Darc, père de la Pucelle, qui estoient d’un arc bandé de trois flèches, ausquelles il adjousta le timbre comme escuyer, et le chef d’un lyon passant, à cause de la province à laquelle son Roy l’avoit habitué : lesquelles armes se trouvent peintes, gravées et conservées de père en fils, en plusieurs églises et autres lieux jusques aujourd’huy.
73Chacun sçait comme en l’an 1491, la ville d’Arras fut soustraite de l’obéyssance des Roys de France, par les entreprises, trahisons et menées de Maximilien d’Austriche et des siens ; qui fut cause que les vrays François en furent chassez, après avoir esté pillez ; entre lesquels le susdit Jean du Lis ne fut oublié, y ayant esté mis et nommé par le roy Louys XI, comme il a esté dit. Il se réfugia donc en Picardie, à Lihoms en Sangterre, fort dénué de moyens, où il mourut valétudinaire et maladif quelque temps après, sans relever sa fortune, laissant un fils aussi nommé Jean du Lis, lequel ayant esté quelque temps entretenu au barreau du Parlement de Paris, en sa première jeunesse, voyant son père mort sans beaucoup de commoditez, se débaucha en la profession des armes aux guerres de Milan, Naples et d’Italie ; pendant laquelle absence, Jean du Lis, sieur de Villers, son oncle et frère aisné de son père, estant décédé à Orléans sans enfans, la succession qui luy devoit appartenir, comme nepveu, fut recueillie par damoiselle Marguerite du Lis, comme cousine germaine, à cause de Jean du Lis, prévost de Vaucouleur, son père, oncle dudit Jean du Lis, sieur de Villers, pource qu’elle estoit mariée et habituée près d’Orléans, laquelle s’en dit héritière et se fit déclarer habile à lui succéder, par sentence du prévost d’Orléans du troisiesme 74octobre 1501, cy-devant mentionnée ; et fut à la vérité la plus habile, bien qu’elle ne fust la plus proche, pour l’absence et grand éloignement dudit Jean du Lis, surnommé le Picard, plus proche et plus capable de succéder, estant nepveu d’un degré plus proche qu’elle.
Enfin ledit Jean du Lis, après ses débauches, faisant retraitte desdites guerres d’Italie, se maria à Paris, assez aagé, après la mort du roy Louis douziesme, et eut plusieurs enfans tous décédez sans hoirs et sans beaucoup de biens, sinon Michel du Lis, le plus jeune de tous, lequel avoit commencé de relever sa fortune à la suite du roy Henry second, qui lui fut aussitost raccourcie par la mort encore dudit sieur Roy son maistre, ayant esté quelque temps entre ses officiers domestiques et commensaux, en qualité de valet de chambre. Il se maria pareillement à Paris, où il mourut assez jeune en l’an 1562, laissant trois enfants en fort bas aage, Charles du Lis, à présent conseiller du Roy et son advocat général en la Cour des Aydes, à Paris ; Luc du Lis, son frère, escuyer, sieur de Regnemoulin, conseiller notaire et secrétaire du Roy et audiencier en la Chancellerie de Paris ; et damoiselle Jacqueline du Lis, vefve de feu Jean Chanterel, escuyer, sieur de Besons, de Cordon et de Champigny, conseiller du Roy, et auditeur en sa Chambre des 75Comptes, à Paris. Entre les mains de l’aisné desquels sont la pluspart des patentes, contracts, enquestes, informations et autres tiltres desquels est extrait le présent discours. Et se peut dire, sans en rien exprimer plus au long pour raccourcir cet escrit, que lesdits Charles, Luc et Jacqueline du Lis, par le moyen de leur mère, ayeules et bisayeules, sont entrez en la parenté de plusieurs honnestes et bonnes familles des Mariettes, Malingres, Debreban, du Vivier et des Pinguets, tant à Paris qu’en Picardie.
76Chapitre VIII Généalogie de ceux qui portent le nom de Hordal, descendus dudit troisiesme frère de la Pucelle, en ligne féminine.
La première des deux filles dudit Pierre du Lis, chevalier, frère puisné de la Pucelle, fut nommée Halouys, du latin Helvidis ; et fut envoyée par son père, chez Jean du Lis, prévost de Vaucouleur, son oncle, en eschange d’une autre fille dudit Jean du Lis, nommée Marguerite, que son ayeule, mère de la Pucelle, avoit menée vers ledit Pierre du Lis, son oncle, demeurant à Orléans, où il l’avoit retenue, et mariée avec Antoine Bonnet, comme il a esté dit cy-devant : laquelle Halouys, ou Havuys, selon le langage et prononciation du pays, ledit Jean du Lis, prévost de Vaucouleur, son oncle, maria avec Estienne Hordal, gentilhomme d’une ancienne famille de Champagne, résidant à Barisey. Duquel mariage sont procédez 77messire Claude Hordal, archidiacre, et depuis grand doyen de l’église de Toul ; Jean Hordal et Valtrin Hordal. Dudit Jean Hordal est descendu messire Hordal, vivant encore aujourd’huy, grand doyen en ladite église de Toul, aagé de plus de quatre-vingts ans, personnage de grande recommandation au pays, qui se souvient d’avoir veu en ses premiers ans, ladite Halouys son ayeule, vivant aagée d’environ quatre-vingts ans, comme il a esté dit ; et lequel garde soigneusement un cachet d’or, auquel sont gravées les armes de la Pucelle, que ledit feu messire Claude Hordal, aussi grand doyen, son oncle, luy a donné, qu’il disoit avoir esté gravées du temps de ladite Pucelle et de ses frères. Dudit Jean Hordal sont aussi descendus plusieurs autres enfans, qui ont laissé quelques familles en ladite ville de Toul ; mais de Valtrin Hordal est descendu, par Nicole Hordal, maistre Jean Hordal, vivant aujourd’huy, docteur ès-droicts et professeur ordinaire en iceux en l’université de Pont-à-Mousson, conseiller d’Estat de Monsieur le duc de Lorraine ; l’un des sçavans hommes de sa profession ; lequel après avoir obtenu lettres patentes de Son Altesse, pour se faire déclarer noble, comme extrait de la parenté de ladite Pucelle, bien que ce soit en ligne féminine, en date du dixiesme juillet 1596, sur l’enqueste cy-devant mentionnée, pour ce faite à sa 78requeste, en grande connoissance de cause, et sur plusieurs autres preuves et tiltres, desquels, comme aisné de ladite branche, il s’est rendu curieux gardien et dépositaire ; ne s’en est contenté, mais a fait un très-docte et rare discours de l’histoire de ladite Pucelle, intitulé : Heroinæ nobilissimæ Joannæ Darc, vulgo Aurelianensis Puellæ, historia, qu’il a donné au public, et fait imprimer en l’université du Pont-à-Mousson, cette présente année 1612, où se void un recueil inestimable de tous les autheurs qui en ont escrit, en nombre de plus de cent, curieusement recherchez, et fidèlement rapportez des meilleures bibliothèques qui sont en la France et dehors, par un laborieux artifice et travail, qui ne se peut assez louer ny estimer66. Aussi qu’il a des enfans, entre autres, Jean Hordal, son aisné, de singulière érudition et de très-grande espérance, pour recueillir les honneurs et charges de son père, et les accroistre et perpétuer à la postérité.
79Chapitre IX Généalogie de ceux de Normandie, descendus dudit troisiesme frère de la Pucelle en ligne féminine.
Reste la dernière fille dudit Pierre du Lis, chevalier, frère puisné de ladite Pucelle, qui fut damoiselle Catherine du Lis, mariée à François de Villebresme, receveur du domaine à Orléans : duquel mariage est issue damoiselle Marie de Villebresme, qui fut mariée à Jacques le Fournier, grenetier à Chateaudun, et depuis receveur des tailles à Caen, en Normandie, où il alla demeurer, et de leur mariage eurent trois fils et plusieurs filles. Le premier fut Nicolas le Fournier, baron de Tournebus, lequel pour ses grands moyens espousa damoiselle Isabeau de Boullenc, fille de maistre Simon de Boullenc, sieur de Garambouville, premier conseiller au Parlement de Rouen, et petite-fille de messire Richard de Boullenc, chevalier, et capitaine des villes et chasteaux 80d’Evreux, et Beaumont-le-Roger, qui fut fils du milort de Boullenc d’Angleterre. En mourant ledit Nicolas Fournier sans enfans, ladite baronnie de Tournebus escheut à Robert le Fournier, son frère, aussi receveur des tailles à Caen. Le troisiesme fils, puisné des trois, fut maistre Charles le Fournier, lieutenant général en la vicomté de Caen, qui eut un fils, Jacques le Fournier, duquel est descendu Josias le Fournier, sieur d’Allemagne, qui vit encore aujourd’huy près de Caen, en la profession des armes, comme avoit fait son père, lequel fut tué par un duel, estant en l’armée du Roy, en Gascogne, l’an 1586.
L’une des filles dudit Jacques le Fournier, fut Jeanne le Fournier, qui espousa Lucas du Chemin, sieur du Feron, de la Haulle, et de plusieurs autres seigneuries, et fut grandement riche. Il eut un fils du mesme nom Lucas du Chemin, qui fut conseiller au siége présidial de Sainct-Lô, en Normandie, et une fille damoiselle Denyse du Chemin, qui espousa Nicolas le Verrier, sieur de Touille, assesseur en la vicomté de Valognes : tous lesquels se sont faits déclarer nobles, en conséquence de la parenté de ladite Pucelle d’Orléans, comme il se void par ce qui s’ensuit.
Le susdit Robert Fournier, baron de Tournebus, par la mort de son frère, homme fort riche, voyant qu’en l’année 1550, on faisoit 81recherche des francs-fiefs et nouveaux acquests, pour y prévenir, obtint des lettres patentes sous son nom, et dudit Lucas du Chemin, son nepveu, estant fils de ladite Jeanne le Fournier, sa sœur, que l’autre Lucas du Chemin, son père, avoit espousée, données à Rouen, au mois d’octobre 1550, par lesquelles, en conséquence des lettres d’ennoblissement de la Pucelle d’Orléans, de l’an 1429, qui y sont au long insérées, ils sont tous deux déclarez nobles, comme descendus de Pierre du Lis, frère de ladite Pucelle, par ladite Catherine du Lis, sa fille, leur ayeule ; et sur plusieurs informations faites de ladite extraction et parentelle, tant à Orléans, Blois et Caen, qu’à Chaumont-en-Bassigny, par vertu d’un arrest interlocutoire de la Chambre des Comptes à Paris, où ils auroient fait registrer lesdites lettres le dernier avril 1551.
Sur lesquelles patentes et déclaration de leur noblesse, ledit Lucas du Chemin obtint deux jugemens ou arrests des commissaires députez par le Roy, sur le fait des francs-fiefs et nouveaux acquests pour les ressorts des Parlements de Paris et Rouen, donnez en la Chambre du Trésor à Paris, l’un du treiziesme aoust 1551, l’autre du vingt-neufviesme juillet 1553, par lesquels il est déclaré exempt comme noble, et ordonné que les sommes de quatre-vingts livres d’une part, et 82trente livres d’autre, prises sur ses biens, luy seroient restituées.
Et d’autant que sur la poursuite que faisoit ledit Lucas du Chemin, pour avoir restitution des deniers qu’il avoit esté contraint payer pour lesdits francs-fiefs et nouveaux acquests, le partisan ou receveur desdits deniers obtint lettres patentes sous le nom du procureur général du Roy en ladite commission, données à Amboise le vingt-sixiesme mars 1555, avant Pasques, par lesquelles, en interprétant le privilége de noblesse octroyé par le roy Charles septiesme à tous ceux qui seroient de la parenté de ladite Pucelle d’Orléans, il est restraint pour ceux-là seulement qui en seroient descendus de par son père ou ses frères, en ligne masculine et non en ligne féminine : ledit Robert le Fournier, baron de Tournebus, accompagné de Charles le Fournier, son frère, sieur de Bois-Heurcoq, lieutenant général en la vicomté de Caen, obtiennent autres lettres patentes, données à Fontainebleau le 2 juillet 1556, signées Bourdin, par lesquelles le Roy veut, en faveur des services signalez faits au royaume de France, par ladite Pucelle d’Orléans, et conformément aux lettres d’ennoblissement qui luy furent octroyées par le roy Charles septiesme, en l’an 1429, que lesdits impétrans et tous autres qui seroient de la parentelle de ladite Pucelle par ses 83frères, tant en ligne masculine que féminine, fussent maintenus comme nobles en l’exemption de la recherche desdits francs-fiefs et nouveaux acquets, et en tous autres droicts de noblesse, nonobstant lesdites lettres de révocation ou de réduction du vingt-sixiesme mars précédent, auxquelles est dérogé par icelles.
La mort estant intervenue dudit Robert le Fournier, baron de Tournebus, sans enfans, au mois d’aoust 1557, ledit Lucas du Chemin, son nepveu, grandement riche, fut pour ce de rechef taxé à la somme de deux mille livres pour nouvelles recherches que l’on continuoit desdits francs-fiefs et nouveaux acquests, dont il se porta pour appellant, et se pourveut par-devant les commissaires deputez, pour en juger en dernier ressort au parlement de Rouen, où la cause ayant esté plaidée solemnellement et appointée au conseil, en l’an 1564, intervint arrest interlocutoire desdits commissaires, du dernier juin 1565, entre ledit Lucas du Chemin appelant, et le procureur général du Parlement de Rouen, prenant la cause pour le procureur général en la Cour des Aydes, inthimé, par lequel, avant que procéder au jugement diffinitif de ladite appellation, est ordonné que par maistre Nicolas le Comte, sieur de Draqueville, conseiller et maistre des requestes ordinaires du Roy, l’un desdits commissaires, seroit 84fait entendre au conseil privé dudit seigneur Roy, les jugemens ou arrests obtenus par ledit du Chemin, et autres poincts et articles dudit procez, suivant les mémoires qui en seroient faits, pour ce fait, et le rapport ouy dudit sieur de Draqueville, ordonner ce qu’il en appartiendra par raison.
Sur le rapport duquel sieur de Draqueville fait au Roy et ausdits sieurs du conseil, furent décernées lettres patentes, données à la Rochelle le quinziesme septembre audit an 1565, par lesquelles, en grande connoissance de cause, est ordonné que les jugemens et arrests donnez par les commissaires députez sur le fait desdits francs-fiefs et nouveaux acquests, au profit dudit Lucas du Chemin, les treiziesme aoust 1551 et vingt-neufviesme juillet 1553, sortiront leur plein et entier effet, et que suivant iceux, ledit du Chemin demeureroit exempt de la contribution desdits francs-fiefs et nouveaux acquests. Sur lesquelles lettres patentes intervint arrest diffinitif desdits commissaires, donné contradictoirement, et en grande connoissance de cause, le vingt-neufviesme décembre audit an 1565, par lequel sans avoir esgard à la requeste dudit procureur général du Roy, pour estre receu à impugner lesdites lettres et jugemens mentionnez par icelles, les appellations, et ce dont est appel, sont mises au néant. Et en émendant, et ayant esgard ausdites 85lettres, ledit du Chemin est déclaré exempt de la contribution ausdits francs-fiefs et nouveaux acquests, et ordonné que sa taxe de deux mille livres seroit rayée.
Et depuis, Jean, Nicolas du Chemin, frères et enfans héritiers dudit feu Lucas du Chemin, leur pêre, par arrest d’autres commissaires encore députez pour la recherche desdits francs-fiefs et nouveaux acquests, en datte du dix-neufviesme aoust 1576 en ont esté déclarez exempts du consentement de Monsieur le procureur général au Parlement de Rouen, avec main-levée de leurs fiefs pour ce saisis, et sont encore vivans aujourd’huy noblement, et avec grande réputation de bons gentilshommes entre les meilleures maisons du pays, sçavoir est Jean du Chemin, l’aisné, sieur du Feron, de la Haulle et Seuilly ; et Nicolas du Chemin, son frère, sieur de la Vausselle et du Mesnil-Guillaume, près de Sainct-Lô.
Lesdits du Chemin frères eurent une sœur damoiselle Denise du Chemin, qui fut mariée à M. Nicolas le Verrier, conseiller assesseur en la vicomté de Vallognes, duquel elle eut Guillaume le Verrier, sieur de Touille, lequel obtint encore autre jugement des commissaires députez par le Roy, pour la liquidation des droicts de francs-fiefs et nouveaux acquests ès généralitez de Rouen et Caen, en datte du vingt-deuxiesme juin 1599, 86signé Hennequin : par lequel, en grande connoissance de cause, du consentement du procureur général du Roy, il est deschargé de la somme de trois cent cinquante escus, à laquelle il avoit esté taxé pour lesdits francs-fiefs et nouveaux acquests, à cause de sondit fief de Touille, en conséquence des arrests et jugemens susdits.
Outre ce que dessus, est encore plus notable que ladite damoiselle Jeanne Fournier, sœur du baron de Tournebus, après la mort de Lucas du Chemin, son premier mary, espousa en secondes nopces M. Estienne Patris, conseiller du Roy au Parlement de Rouen, duquel elle eut Claude Patris, conseiller au présidial de Caen, et damoiselle Magdelaine Patris, sa sœur, mariée à Jean Ribault, sieur du Mesnil-Sainct-Jean, duquel mariage estant issue damoiselle Charlotte Ribault, elle auroit esté conjointe par mariage avec M. Thomas de Troismonts, sieur de la Mare, conseiller au présidial de Caen, lequel poussé de noble courage, comme il est tout remply de valeur, de lettres et de mérites, auroit obtenu nouvelles patentes du Roy données à Paris le premier aoust 1608, signées, en commandement, de Monsieur Potier, par lesquelles est mandé à la Cour des Aydes de Normandie, que si sadite femme se trouve extraite et descendue de la parentelle et lignée des frères de la Pucelle d’Orléans, elle soit déclarée noble et 87maintenue en tous droicts et priviléges de noblesse, en vertu des chartres d’ennoblissement accordées par le roy Charles septiesme à la Pucelle d’Orléans, ses père et mère et frères y dénommez, et à toute leur parentelle et postérité, née et à naistre, tant en ligne masculine que féminine. Sur lesquelles patentes, après avoir fait ample preuve par escrit de sadite parenté et généalogie et avoir représenté et fait voir en pleine Cour l’original des chartres dudit premier ennoblissement de la Pucelle, qui est pardevers luy67 ou ses proches audit pays, nonobstant les empeschements et contredits de Monsieur le procureur général du Roy en ladite Cour, il auroit fait ordonner que lesdites lettres par luy obtenues, ensemble celle de ladite Pucelle, de l’an 1429 et autres de confirmation d’icelles, 88obtenues par les susdits Robert et Charles le Fournier, frères, le 2 juillet 1556, pour révoquer la restriction dudit privilége d’ennoblissement aux descendans des frères de ladite Pucelle, en ligne masculine seulement, seroient registrées en ladite Cour, pour en jouyr par ladite damoiselle Charlotte Ribault, espouse dudit sieur de Troismonts, et les descendans d’elle, selon leur forme et teneur, sauf audit procureur général de faire telles remonstrances au Roy, sur la conséquence desdites lettres, qu’il advisera bon estre. Comme de fait ledit procureur général n’a cessé qu’il n’ayt obtenu de faire adjouster à l’édit sur le règlement et retranchement des exempts des tailles de l’an 1614, l’article 10 en ces mots :
Les descendans des frères de la Pucelle d’Orléans, qui vivent à présent noblement, jouyront à l’advenir des priviléges de noblesse, et leur postérité de masle en masle vivant noblement, mesme ceux qui pour cet effet ont obtenu nos lettres patentes, et arrests de nos cours souveraines. Mais ceux qui n’ont vescu et ne vivent à présent noblement, ne jouyront plus à l’advenir d’aucuns priviléges. Les filles et femmes aussi descendues des frères de ladite Pucelle d’Orléans n’ennobliront plus leurs maris à l’advenir.
Il sera donc raisonnable que ce discours commencé en faveur de ladite Pucelle, finisse quant à présent par celuy qui ayt le plus mérité d’elle, 89afin que luy et le susdit sieur Hordal, qui en sont des plus éloignez en ligne féminine seulement, ayant fait si généreusement et utilement, à l’exaltation de ladite Pucelle, puissent exciter les autres plus proches, et intéressez de plus près en l’honneur de sa parenté, d’y adjouster ce qui est de plus précieux en son histoire qui a esté obmis et caché jusques à présent.
90Chapitre X Généalogie des nommez de Cailly, auiourd’huy alliez auec vn des descendans de ladite Pucelle.
Se peut adjouster toutefois une belle alliance à la parenté de ladite Pucelle qui ne tourne qu’à sa gloire et plus grande recommandation. Quand par l’inspiration de Dieu elle vint pour faire lever le siége d’Orléans, elle arriva premièrement au village de Chécy-sur-Loire, distant de deux lieues de ladite ville, où elle fut logée au fort, qui estoit lors en la terre de Rouilly, qui est le premier et le plus ancien fief de la parroisse dudit Chécy, le seigneur duquel lieu, nommé Guy de Cailly, fut tellement espris des vertus célestes de ladite Pucelle, qu’il s’adonna du tout à la suivre et servir en toutes les saillies, assauts et combats qu’elle fit, jusques au dernier, qui fut d’une forteresse qui seule restoit aux Anglois, sur le bout du pont de ladite ville, qu’ils appelloient les Tournelles, où ladite Pucelle 91ayant esté blessée d’une flèche au col, s’estant retirée un peu à l’escart, se mit en prières. Et voyant ledit de Cailly qui l’assistoit toujours, le pria de prendre garde quand la queüe de son guidon ou estandart seroit dressée et tenduë vers lesdits Anglois, et l’en advertir : ce qu’il fit, et trouva ladite Pucelle comme en extase, qui avoit une apparition de chérubins, lesquels sembloient combattre pour elle contre lesdits Anglois ; comme de fait et à l’instant de son retour ils abandonnèrent la place, et se noyèrent la pluspart en s’enfuyant. Ce qui fut assez tard vers la nuict, et dès le matin levèrent le siége de devant la ville, et se retirèrent à la grande joye et admiration des habitans.
Ce qui fut cause que ladite Pucelle, peu de temps après, en juin 1429, fit donner des lettres de confirmation de l’ancien ennoblissement audit Guy de Cailly, avec permission particulière de changer ses armes, et porter en faveur de ladite apparition, à laquelle il avoit participé, trois testes de chérubins aislées et barbelées de gueulles en champ d’argent, comme elles se trouvent dès le mesme temps peintes, gravées et conservées jusques aujourd’huy68 : car ledit Guy ou Guidon 92de Cailly eust un fils Jean de Cailly, qui espousa damoiselle Gillette de Laubespine, desquels est descendu autre Guy de Cailly, sieur dudit Rouilly, de Marville, d’Ernonville, de Centimaisons, de Villiers-la-Hart et de plusieurs autres seigneuries, qui fut si riche, qu’on appelloit sa maison la Tuille d’or. Il fut lieutenant du grand prévost de France, et espousa damoiselle Charlotte Boilière, de laquelle il eut plusieurs enfans, Remy de Cailly, son aisné, et entre les autres, Aignan de Cailly, vicomte d’Arques et de Carentam, qui espousa damoiselle Hypolite Violle, desquels la 93sépulture se void en la cave du couvent des Billettes, à Paris. Ledit Remy de Cailly aisné eust un fils unique, Jacques de Cailly, la vefve duquel est vivante encore aujourd’huy en l’aage de quatre-vingts ans, toute remplie de vertus et de bénédictions, ayant ce contentement de voir près d’elle tous les jours son fils unique, autre Jacques de Cailly, seigneur de la mesme terre de Rouilly, où logea premièrement ladite Pucelle pour entrer à Orléans ; et d’avoir encore sa fille aisnée damoiselle Catherine de Cailly, mariée avec le susdit maistre Charles du Lis, conseiller du Roy, et son advocat général en la Cour des Aydes, à Paris, cousin au cinquiesme degré de ladite Pucelle, pour joindre ensemble en un mesme cœur et alliance, comme leurs armes sont aussi procédées de la mesme faveur de la Pucelle ; et se trouvent descendus pareillement au cinquiesme degré ledit Jacques de Cailly dudit Guidon, comme ledit du Lis dudit messire Pierre du Lis, frère de ladite Pucelle. Ce qui se peut dire estre advenu, et se rencontrer mystérieusement, et par grâce de Dieu.
Fin du traitté.
Notes
- [49]
Ce premier chapitre est rempli de renseignements d’une importance fondamentale pour l’histoire de Jeanne Darc, présentés avec un sens et une solidité parfaites. En ce qui touche l’exemption de Greux et les questions de circonscription financière, nul ne pouvait traiter ces divers points avec plus d’autorité que Charles du Lis, avocat-général en la cour des aides, dont le ressort s’étendait précisément sur les lieux et les faits dont il s’agit. Il y a toutefois une circonstance très-curieuse qui se rattache à cette exemption et dont Charles du Lis a négligé de nous instruire. C’est que, par suite des variations de limites entre la Lorraine et la Champagne, et notamment par suite d’un règlement de territoire survenu en 1571, le groupe d’habitations sises à Domremy, lieu où était née la Pucelle, habitations parmi lesquelles se trouvait la maison patrimoniale de sa famille, appartenait, du temps de Charles du Lis, à la Lorraine et payait la taille ; tandis qu’un autre groupe voisin d’habitations, qui portait le nom de Greux et Domremy, était resté français ou champenois, et continuait à jouir du privilège accordé par le roi Charles VII. On trouvera des développements étendus touchant cette particularité dans le Bulletin de la Société de l’histoire de France, juin 1854, pages 103 et suivantes. — V.
- [50]
Recueil d’inscriptions, à la suite duquel se trouve le Discours, dans l’édition de 1628. Quant à l’érection de la statue, etc., par Charles VII, Du Lis reproduit ici une tradition admise de son temps, mais qui ne nous paraît pas exactement fondée. — V.
- [51]
Montierender, ou Montier-en-Der, au diocèse de Troyes. Conférez ci-dessus, page 3, note 1. — V.
- [52]
Charles du Lis, en rapportant ce fait de mémoire, fait évidemment ici confusion. L’oncle qui conduisit une première fois Jeanne Darc à Vaucouleurs s’appelait Durand, dit Laxart, et ne pouvait par conséquent s’appeler aussi Jean Darc. Mais la révélation de cet autre parent nommé Jean Darc, frère de Jacques, conserve sa force et son prix ; d’autant que les historiens de la Pucelle ont négligé ce personnage. Or, on trouve dans la Table alphabétique des Mémoriaux de la chambre des comptes, Mémorial I, Bourges, page 3, la note suivante :
1436, Acte de prestation de serment de Jean Darc, arpenteur du Roi pour les bois et forêts au département de France.
Ce département comprenait la Champagne. La mention qui précède paraît s’appliquer parfaitement au frère de Jacques Darc, oncle de la Pucelle, et ce nouvel emploi est tout à fait en harmonie avec la profession de cultivateur qui était celle de la famille Darc. Ainsi, en 1436, au moment même où il rentrait dans la possession de sa capitale, Charles VII qui, cinq ans auparavant, avait laissé périr sa libératrice avec une indifférence si étrange, accordait à l’un des parents de la victime ce témoignage empressé de sollicitude. Cette notion, si elle venait à se confirmer et à s’éclaircir dans le sens que j’indique, apporterait, on peut le dire, une lumière nouvelle sur un épisode important de notre histoire. Voyez à ce sujet mes Nouvelles recherches sur la famille de Jeanne Darc, Paris, Dumoulin, 1854, in-8°, page 45, et l’article Darc (Jeanne), dans la nouvelle biographie publiée par MM. Firmin Didot (t. XIII, 1855). — V.
- [53]
Voyez ci-dessus, page 3, note 1. — V.
- [54]
Le privilège accordé par Charles VII à la famille anoblie de la Pucelle contenait une clause regardée comme inouïe par les jurisconsultes, et qui finit par produire des conséquences réellement graves dans l’État, au point de vue de l’impôt. Les femmes elles-mêmes, au titre de ce privilège, transmettaient la noblesse, c’est-à-dire l’exemption des contributions roturières, non-seulement à leurs époux, mais à toute leur postérité, à l’infini. Il suit de là que, déjà au temps de Louis XIII, ces exemptions multipliées portaient un préjudice notable à la cause publique et menaçaient d’y porter une atteinte sans bornes. L’avocat général à la cour des aides savait cela mieux que personne : mais l’exempt l’emportait en lui sur le magistrat, et ce sentiment d’intérêt ou de solidarité privée se retrouve ici dans l’ouvrage de Charles du Lis. Le privilège d’exemption fut modifié en 1614, comme il nous l’apprendra lui-même ci-après, page 88. Il le fut de nouveau en 1634. Enfin, à l’avènement de Louis XVI, en 1774, les communes de Greux et de Domremy demandèrent l’une la continuation et l’autre la restitution du privilège d’immunité d’impôt. Sur l’avis du contrôleur général et du conseil supérieur des finances, l’une et l’autre demande fut rejetée, et l’exemption ou privilège fut aboli et révoqué définitivement. Cette décision fut motivée, comme considérant, sur les édits de 1614 et 1634, ci-dessus mentionnés et sur les raisons d’intérêt public sur lesquelles ces mêmes édits paraissaient fondés. Voyez ci-dessus page 24, note 1. — V.
- [55]
La maison d’Ourches en Lorraine était d’ancienne chevalerie. — V.
- [56]
Coutances. — V.
- [57]
L’édifice que décrit ici Charles du Lis est parfaitement connu des archéologues. Il datait du seizième siècle et non du quinzième. — V.
- [58]
La maison dite de la Pucelle subsiste encore à Domremy. Je n’oserais affirmer qu’elle occupe le même emplacement qu’occupait celle où naquit l’héroïne, en 1412. Un fait manifeste, d’après le simple aspect du monument, c’est qu’il n’est point, depuis des siècles, identique à la chaumière ou maisonnette qui put être le berceau de la Pucelle et la demeure de son humble famille. Ce monument porte un frontispice sculpté et une date : 1481. On voit au même frontispice les armes de Claude du Lis et de Nicole Thiesselin, sa femme (conférez ci-dessus, page 5, note 1). Montaigne raconte dans son voyage en Italie, qu’en 1580, il passa par Donremy et vit
le devant de la maisonnette où elle naquit, tout peint de ses gestes.
À cette époque et du temps de Charles du Lis, l’écusson sculpté qui subsiste était, en outre, peint, comme l’atteste notre auteur ? Mais ni ce blason ni cette peinture ne pouvaient être plus anciens que l’architecture de ce petit édifice, architecture qui paraît remonter, comme on l’a vu, seulement à 1481. — V.
- [59]
Voyez Quicherat, Procès, 1841, in-8°, tome I, pages 493, 494. — V.
- [60]
Quicherat, Procès, t. I, p. 477 et suivantes. — V.
- [61]
Quicherat, Procès, t. I, p. 485 et suivantes. — V.
- [62]
Sic. Débonnaire ou de Bonnaire. — V.
- [63]
Ces vers nous ont été conservés par Du Lis qui, dans son Recueil de 1628, les reproduit en ces termes :
Vers écrits et empreints sur la grosse cloche qui sert d’horloge à la ville d’Orléans.
Orléans suis du roy Charles première
Et est monnom propre le Cœurde Lis
Ainsi nommée en l’assemblée planière
Des trois estats où estoient maints d’eslis.
Le connestable m’a ce nom icy mis
Et plusieurs autres princes pleins de science
Pour bien commun appelez et commis
Et maintenir la bonne paix en France, etc.
(Recueil d’inscriptions de 1628, in-4° pages 60 et 61). Ce baptême de la cloche eut lieu en 1458, au moment où le conseil destiné à juger le duc d’Alençon se rendait à Montargis. — V.
- [64]
Cette bannière, exécutée vers le temps de Louis XII, subsiste encore, très-mutilée et repeinte en plusieurs endroits ; elle est en la possession de M. Vergnaud-Romagnési, d’Orléans. — V.
- [65]
C’est que la mémoire de la Pucelle estoit en si grande recommandation, que ses neveux en prenoient le nom en ce temps-là assez souvent.
- [66]
Cet ouvrage, in-4°, orné de figures, est encore aujourd’hui recherché des bibliophiles. C’est la première monographie savante qui ait été consacrée à cette héroïne. — V.
- [67]
De ce passage et d’un autre qu’on a pu remarquer ci-dessus (page 4, à la fin du premier alinéa), il résulte que ce diplôme subsistait au dix-septième siècle. Cependant les historiens de la Pucelle n’ont point fait usage de cet acte original. Le public n’a connu jusqu’ici la teneur de ce document que d’après une leçon fautive, insérée en 1550 au trésor des chartes, à la requête de Robert-le-Fournier, baron de Tournebut. J’ai retrouvé, en 1853, à la Direction générale des Archives, non pas cet original, mais une copie authentique et collationnée sur cet original, après l’incendie de 1737. Cette nouvelle leçon est évidemment préférable à celle de 1550. Nous reproduirons dans ce recueil (page 94) le texte ainsi rectifié. — V.
- [68]
Les faits que rapporte Charles du Lis, c’est-à-dire le débarquement de la Pucelle à Chécy, et l’épisode fort connu de l’étendard, sont attestés par les meilleures autorités. Seulement ces autorités ne désignent pas nominativement Guy de Cailly. La chronique, dite de la Pucelle (rédigée officiellement sous les auspices du duc d’Orléans), se borne à cette désignation : un gentilhomme (Voyez édition de Godefroy, page 513). Charles du Lis a laissé dans le manuscrit Peiresc X, de la bibliothèque de Carpentras, le texte écrit de sa main des lettres d’anoblissement des Cailly, auxquelles il fait allusion dans ce passage. M. Quicherat a reproduit ce document parmi ceux dont il a enrichi sa précieuse publication des procès (tome V, pages 342 à 346 ; voyez aussi, même ouvrage, tome IV, page 151, note 1). Il a exposé en même temps les motifs de suspicion qui lui faisaient accueillir ce texte avec répugnance. J’adhère pleinement, pour mon compte, au sentiment de mon savant ami et confrère, et tout en admettant la bonne foi de Charles du Lis, il me paraît évident que l’acte est ou faux ou plutôt interpolé. — V.