Dossier
Biographie Générale
Vallet de Viriville se vit confier l’article Du Lys de la Biographie Générale de Firmin Didot frères (tome XV, 1856). Rédigé avant la parution des Opuscules historiques, qu’il annonce en note (voir), il est un abrégé de la notice sur Charles du Lys, en introduction de l’édition des Opuscules.
Biographie Générale, t. XV, col. 131-134, Google.
Du Lis, nom de famille qu’on trouve également écrit Dulis, Du Lys, Dalix, Day, etc. Jeanne Darc, dite la Pucelle d’Orléans, ou plutôt ses frères ayant été anoblis en décembre 1429, le nom patronymique de l’héroïne fut désormais remplacé par celui de Du Lis. Ce nom faisait allusion au lis, pièce principale du blason accordé par le roi à Jeanne et à ses frères, Voy. Darc (Jeanne). Parmi les innombrables descendants de cette famille, qui jusqu’en 1634 conférait la noblesse non-seulement à tous ses membres, mais à tous ses alliés des deux sexes, nous ne citerons que le suivant.
Du Lis (Charles), écrivain et jurisconsulte français, né à Paris, vers 1560, mort vers 1632. Il était fils de Michel Du Lis, gentilhomme ordinaire de la chambre de Henri II, qui descendait en ligne directe de Pierre Darc, l’un des frères de la Pucelle, et suivit à l’époque de la Ligue le parti d’Henri IV. En 1594 il accompagna ce prince à Tours: c’est là qu’avait été transporté le parlement royaliste; celui de Paris obéissait à la Ligue. Henri IV, satisfait des services de Charles Du Lis, le nomma substitut du procureur général1. Il était en possession de cet emploi lorsque, le 8 janvier 1602, il fut promu au poste d’avocat général à la cour des aides, qu’il occupa jusqu’au déclin de sa carrière. Il portait en même temps le titre de conseiller du roi en ses conseils d’État et privé.
Charles Du Lis était l’aîné des fils survivants de la branche cadette et masculine du sang de la Pucelle. Très-fier de cette origine, il fit heureusement servir ce sentiment privé au profit de la science historique. Comme chef de famille, il possédait et conservait avec un soin jaloux, indépendamment des traditions domestiques, des titres précieux pour l’histoire de sa race et de l’héroïne d’où il tirait sa gloire. Doué d’un esprit souple, étendu, cultivé, Charles Du Lis se trouva jeté dès sa jeunesse au milieu d’une controverse étrange. À cette époque, c’est-à-dire vers 1575, les notions historiques relatives à la Pucelle s’étaient tellement obscurcies, que Du Haillan, historiographe en titre de la monarchie, débitait au sujet de cette héroïne les contes les plus calomnieux. Deux camps partageaient alors en France les beaux esprits de la littérature: les uns ternissaient à l’envi cette mémoire si pure; d’autres, moins nombreux, tentaient ou commençaient sa réhabilitation. Le monument érigé sur le pont d’Orléans en l’honneur de la libératrice fut mutilé, en 1570, par le canon des guerres civiles: la restauration publique de cet édifice eut lieu quelques années plus tard, et fournit un nouveau texte à cette controverse. Lorsqu’il s’agit de graver l’inscription du monument, qui jusque alors en avait été dépourvu, une sorte de concours s’ouvrit entre les poètes de toute la France. Cette circonstance fournit au jeune Du Lis une occasion d’entrer sur la scène du monde et de signaler son zèle pour une cause qui était à la fois celle de sa famille et de sa patrie.
Il épousa, vers 1580, Catherine De Cailly, d’une famille noble d’Orléans, qui tirait également son origine de l’un des compagnons d’armes de la Pucelle. Le concours qu’il paraît avoir ouvert lui-même pour l’épigraphe du monument mit Charles Du Lis en rapport avec tout ce que la France comptait d’écrivains distingués. Il fut ainsi le correspondant de Malherbe, de Pasquier, des frères Sainte-Marthe, et de quelques autres littérateurs moins illustres. Il s’unit avec plusieurs d’entre eux par les liens d’une solide amitié. Les talents littéraires de Charles Du Lis, ses relations, la position éminente que lui donnait sa charge de magistrature, et enfin sa qualité de descendant du sang de Jeanne Darc, donnent une grande valeur aux écrits qu’il nous a laissés.
Dans l’un de ces écrits, il a recueilli les monuments, plus curieux que valables, de cette espèce de joute littéraire célébrée en l’honneur de la Pucelle, joute dans laquelle un enthousiasme sans mesure et sans goût avait pris la place des dispositions malveillantes de la précédente génération. Un autre écrit de Charles Du Lis, plus précieux encore que celui-ci, a trait aux noms, armes et à la généalogie de Jeanne Darc. Après les actes authentiques et les historiens contemporains de l’héroïne, c’est là qu’on trouve les renseignements les plus intimes et les plus intéressants sur cette femme à jamais célèbre. Les ouvrages de Charles Du Lis sont tous devenus rares, et mériteraient pour la plupart d’être réimprimés2. Nous en donnerons ci-après la liste, aussi exacte que possible. On ignore la date précise de sa mort. Mais deux faits servent à la resserrer entre des limites très-étroites. La Bibliothèque impériale conserve un exemplaire du Recueil de 16283 qui porte un ex dono de l’auteur à Pierre d’Hozier, le 24 juin 1629
. D’un autre côté, Du Breton, auteur d’un ouvrage publié en 1631, le mentionne4 comme une personne vivante. Mais il n’existait plus en 1635, époque à laquelle fut recueilli et réédité un de ses opuscules, composé, — dit le titre, — par feu messire Ch. Du Lis
.
Catherine De Cailly, épouse de Charles Du Lis, paraît avoir été une personne distinguée. On trouve dans la correspondance d’Estienne Pasquier deux lettres5 adressées par lui à Mademoiselle Du Lis, titre qui se donnait alors aux femmes d’écuyer. Dans la dernière, Pasquier témoigne du commerce littéraire qu’il entretenait avec cette dame, et lui dit qu’elle a pour époux le meilleur de ses amis6. Cette même lettre contient une pièce de vers sur son Bâton de vieillesse, adressée à mademoiselle Du Lis, et la réponse de celle-ci, également en vers, parfaitement tournés7. Charles Du Lis survécut à la branche aînée de sa famille : il eut un frère nommé Luc Du Lis, conseiller, secrétaire du roi, qui vivait en 1628, mais dont on ne connaît pas de postérité. Du mariage de Charles Du Lis avec Catherine De Cailly naquirent quatre enfants: deux fils et deux filles. Le premier des fils, nommé Charles Du Lis, comme son père, vit le jour en 1585, et mourut le 26 juillet 1629. Ce fils était, à ce qu’il paraît, faible d’esprit. Âgé de dix-sept ans, il fut, par faveur, pourvu de la charge de principal du collège de Boissy. Il remplit cet emploi pendant vingt-sept ans, mais sous la tutelle de son père. Cette charge entraînait le célibat: le titulaire ne laissa donc pas de postérité. Les généalogies mentionnent un second fils, marié après 1628, à une autre demoiselle De Cailly; mais elles ne lui donnent point de descendance. Françoise Du Lis, l’aînée des filles, épousa Louis Quatrehommes, et fut mère d’un autre Louis Quatrehommes. Le gendre et le petit-gendre de Charles Du Lis furent conseillers à la cour des aides, et perpétuèrent dans cette magistrature le souvenir de l’avocat général. Enfin, Catherine Du Lis, la dernière, fut mariée à Richard de Pichon, trésorier du roi en Guyenne. Ils eurent pour uniques héritiers François et Valentine de Pichon, qui se firent, l’un carme, l’autre carmélite à Bordeaux.
Voici le titre des ouvrages de Charles Du Lis: De l’Extraction et Parente de la Pucelte d’Orléans, avec la Généalogie de ceux qui se trouvent aujourd’hui descendus de ses frères; (Paris, 1610, in-4°); cahier de quatre pages, sans titre, ni date, et sans nom d’imprimeur8; — Lettres patentes du 25 octobre 1612 pour augmentation d’armes en faveur de messires Charles et Luc Du Lis, etc.; imprimées pour la première fois9 en un cahier in-12, sans date ni nom d’imprimeur; — Discours sommaire tant du nom et des armes que de la naissance et parenté de la Pucelle d’Orléans et de ses frères; Paris, 1612, soixante-dix pages in-12. Cet opuscule, devenu rare, a été réimprimé, avec plus de développement, par l’auteur en 1628, comme on le verra ci-après, sous le titre de Traité, etc.; — Inscriptions pour les statues du roi Charles VII et de la Pucelle d’Orléans qui sont sur le pont de la dite ville; Paris, et Orléans, 1613; dix-sept pages imprimées in-4°; réimprimées par l’auteur, avec développements, en 1628, sous le titre de Recueil, etc.; — Traité sommaire de l’origine et progrès des offices d’élus, etc.; Paris, 1618, in-4°10; réimprimé et augmenté après la mort de l’auteur, sous ce titre: Recueil des ordonnances, édicts, déclarations, etc., concernant l’origine, progrez, etc., des éleus, etc.; Paris, P. Charpentier, libraire, 1635, un volume in-8°11; — Recueil de plusieurs inscriptions proposées pour remplir les tables d’attente estans sous les statues du roi Charles VII et de la Pucelle, etc., etc.; Paris, Edme Martin, 1628, in-4°, figures; — Traité sommaire tant du nom et des armes, etc., de la Pucelle et de ses frères, etc.; Paris, Edme Martin, 1628, in-4°12.
On peut joindre à cette liste l’indication de deux ouvrages manuscrits de Charles Du Lis: le premier est un recueil intitulé : Ancien Livre de la Cour des Aides de 1360 à 1539, etc., annoté par l’avocat général. Ce manuscrit, après la mort de Charles Du Lis, parait avoir passé entre les mains de Louis Quatrehommes père et fils, qui continuèrent à leur tour ce même recueil13. Le second se compose d’un recueil de pièces relatives à la famille de l’auteur, et subsiste à la Bibliothèque publique de Carpentras, parmi les manuscrits de Peiresc14.
A. Vallet de Viriville.
Archives de la Cour des Aides, au palais Soubise, à Cabinet généalogique de la Bibliothèque impériale. — Vallet de Viriville, Nouvelles Recherches sur la Famille, etc., de Jeanne Darc, etc.; Paris, Dumoulin, 1854, in-8°.
Notes
- [1]
Charles Du Lis raconte ces faits d’une manière poétique, mais obscure, dans son Épître au Roi (Recueil, etc., de 1628, p. 66).
- [2]
Une nouvelle édition de ces opuscules est sous presse, et paraîtra en 1855, dans le Trésor des pièces rares d’Auguste Aubry.
- [3]
L. 592, in-4°.
- [4]
Histoire du Siége d’Orléans et de la Pucelle Jeane (sic); Paris, in-8°, 20 page de l’Advis. Par lettres patentes du 8 mai 1699, maître Le Bossu fut institué avocat général a la cour des aides, en remplacement de Charles Du Lis, qui lui avait résigné cette charge. Il fut reçu le 3 août de la même année. (Archives de la Cour des Aides, registre Z, n° 593, à la date.)
- [5]
Édition de 1724, in-folio, colonnes 47 et 667.
- [6]
Une autre lettre de Pasquier à Charles Du Lis est datée ainsi:
À Paris, de votre maison, ce 1er jour de décembre 1619.
(Ibid., colon. 646.) - [7]
Le Recueil de 1628 renferme plusieurs autres pièces de vers en l’honneur de la Pucelle, signées :
Catherine De Cailly, native d’Orléans.
- [8]
Un exemplaire se trouve à la fin du Recueil de 1628, L 592, à la Bibliothèque Impériale.
- [9]
Voy. Quicherat, Procès de la Pucelle, tome V, page 295.
- [10]
Voy. Bibliothèque historique de la France, etc., édition de Fevret de Fontette, tome III, n° 84,036.
- [11]
La Bibliothèque impériale en possède un exemplaire (dans l’F. non porté).
- [12]
Voy. Brunet, Manuel du Libraire, édition de 1843, tome IV, page 39, au mot Recueil. — Lenglet-Dufresnoy, dans son Histoire de Jeanne Darc, etc., Paris, 1753, in-12, 3e partie, page 297, mentionne une édition du Traité sommaire en date de 1633; mais les termes dont il se sert prouvent qu’il n’avait point vu cette prétendue édition de 1633. Cette assertion inexacte a été reproduite par Fevret de Fontette, Bibliothèque historique de la France, tome II, sous le n° 17, 224, et par d’autres bibliographes.
- [13]
Voy. Fevret de Fontette, Bibliothèque historique de la France, tome III, nos 33,894 et 33,895. Ce recueil se trouve aux Archives de l’empire, parmi les registres de la cour des aides, et forme trois volumes in-fol., cotés Z, 763, 764 et 765.
- [14]
N° X, 847 pages, in-folio. La plupart des pièces que renferme ce manuscrit ont été publiées par Charles Du Lis, dans son Recueil de 1628; mais quelques-unes sont inédites et intéressantes, Le manuscrit n° X de Peiresc est analogue et peut-être identique à celui que M. de L’Averdy mentionnait en 1787 dans son Memorial in-4° et un peu plus tard dans sa Notice sur les Manuscrits relatifs au procès de la Pucelle. En 1776 le manuscrit mentionné par de L’Averdy avait été donné à la cour des aides.