Paul Doncœur

Documents et recherches relatifs à Jeanne la Pucelle (1952-1961)

Édition critique de documents d’après des sources inédites ou renouvelées.
Auteur
Date de publication
1952–1961
Catégorie

Présentation

À l’origine de cette série de Documents et recherches (5 vol., 1952-1961), un double constat : d’une part, les éditions de référence des procès de Jeanne d’Arc par Quicherat (1841-1849) et Champion (1920-1921) étaient devenues introuvables en librairie ; d’autre part, les progrès de la connaissance historique permettaient d’envisager une présentation meilleure et enrichie de cet immense dossier (II, Avant-propos, p. 7). C’est dans cette perspective que le père Doncœur, en collaboration avec Yvonne Lanhers, archiviste aux Archives nationales, se lança dans une vaste entreprise d’édition de textes relatifs à la Pucelle. Ce chantier ambitieux, qui l’aurait conduit bien au-delà des cinq volumes parus, fut interrompue par sa mort prématurée, le 21 avril 1961. Il envisageait notamment de publier un volume consacré aux traités des théologiens et juristes en faveur de la nullité du procès de condamnation (V, Introduction, p. 7, n. 2) — traités que Quicherat avait volontairement écartés afin de ne pas grossir mal à propos son édition de ce qu’il considérait comme un fatras sans intérêt historique (Quicherat, V, 469).

Renouvellement du corpus de sources manuscrites

La démarche de Doncœur repose d’abord sur le réexamen et l’étude approfondie de deux manuscrits connus depuis longtemps mais qu’il estimait insuffisamment exploités : le ms. d’Urfé, ou Latin 8838 de la BnF (dont il réordonna les feuillets entre la publication de ses volumes III et IV, après un reliure malencontreuse au XVIe siècle), et le ms. 518 d’Orléans. De ce dernier surtout, il démontra, contre l’opinion de Quicherat et de Champion, qu’elle contenait une copie authentique et la plus complète de la Minute française — opinion aujourd’hui largement admise.

Outre ces deux documents, Doncœur s’appuya sur l’exemplaire du procès de réhabilitation conservé au British Museum à Londres (Stowe 84), et découvrit deux autres manuscrits dans des bibliothèques anglaises : l’un du XVe siècle provenant de l’ancienne bibliothèque du vicomte de Monteil, et l’autre exécuté au XVIe siècle pour Diane de Poitiers.

Les cinq volumes publiés exploitent ces sources méconnues ou sous-exploitées.

Cinq volumes d’édition critique de textes inédits ou révisés

I. La Minute française des interrogatoires de Jeanne d’Arc

Durant le procès de condamnation, après chaque séance, les trois notaires se réunissaient pour mettre au propre leur transcription des questions et des réponses de Jeanne. Les interrogatoires ayant lieu en français, la Minute l’était aussi. Vers 1786, l’académicien L’Averdy établit que cette Minute avait été conservée et qu’il devrait être possible de retrouver l’original, ou du moins des copies. Il découvrit le ms. d’Urfé, qui en contenait une copie, malheureusement amputée de nombreux feuillets (et avec eux de la quasi-totalité des premiers interrogatoires publics, du 21 février au 3 mars). Il lança alors une vaste campagne de recherche dans toute la France dans le cadre du Comité des Manuscrits nouvellement créé. On lui signala le manuscrit d’Orléans (actuel 518), qu’il ne put consulter. Il publia un volume de Notice et extraits en 1790, puis fut guillotiné en 1793. Il fallut attendre trente ans pour qu’un érudit orléanais, l’abbé Dubois, après avoir comparé le texte du ms. 518 avec celui d’Urfé, conclût qu’il contenait une copie quasi complète de la Minute. Mais en 1849, Quicherat décréta qu’il ne s’agissait que d’une médiocre traduction à partir du texte latin, et le manuscrit fut dès lors dédaigné. Jusqu’à Doncœur. Ce dernier reprit l’étude de l’abbé Dubois, la développa, réfuta une à une les objections de Quicherat, et prouva qu’il s’agissait bien d’une copie de la Minute.

Doncœur étudia également le Libellus du promoteur Jean d’Estivet, c’est-à-dire son réquisitoire, rédigé en mars 1431, et inséré dans les actes. Les accusations contre Jeanne sont fondées sur des extraits de ses interrogatoires, rédigés dans un latin simple, calqué sur le français, qui contraste avec le latin savant du reste du procès. Doncœur y vit une traduction de la Minute et donc son plus ancien témoin connu.

Son édition de la Minute française présente ainsi, en trois colonnes parallèles, la transcription du manuscrit d’Orléans, celle du manuscrit d’Urfé et celle du Libellus, qui se complètent ou se corroborent mutuellement.

II. L’instrument public des sentences de 1431

Ce type de document juridique, rédigé immédiatement après la sentence d’un procès ecclésiastique, avait pour fonction d’en faire connaître rapidement les conclusions. Texte officiel et solennel en latin, il résumait et authentifiait les éléments essentiels de l’affaire. L’instrument du du procès de Jeanne d’Arc contenait : le déroulement du procès (motifs d’ouverture, organisation des interrogatoires, résumé en douze articles, consultation des docteurs de Rouen et de l’Université de Paris, admonestation, première sentence et abjuration, puis relapse et seconde sentence), la teneur des pièces essentielles (douze articles, cédule d’abjuration, sentences des 24 et 30 mai), et enfin l’attestation des nombreux témoins présents.

L’instrument, remis en 1456 aux juges de la réhabilitation, est aujourd’hui perdu. Mais divers manuscrits en conservaient des fragments épars, jamais réunis ni édités intégralement. Doncœur en reconstitua un texte complet à partir de la version du manuscrit d’Urfé, complétée par le manuscrit de Monteil, Stowe 84 et certaines traductions françaises ultérieures.

III. L’enquête de 1450 et le codicille de Guillaume Bouillé

Juste après la reconquête de Rouen, Charles VII chargea son conseiller Guillaume Bouillé d’enquêter sur la condamnation de Jeanne. Celui-ci recueillit les témoignages de plusieurs témoins du procès (enquête), puis rédigea un mémoire (codicille) dénonçant les vices de procédure.

Contrairement à l’enquête ecclésiastique menée par le cardinal d’Estouteville en 1452 (voir vol. IV), celle de 1450, ordonnée par le roi, était une enquête civile et ne fut pas intégrée au procès de réhabilitation. Quicherat la publia en 1844 d’après la seule version qu’il connaissait : celle du manuscrit de Soubise, copie du manuscrit de Diane de Poitiers, lui-même traduction fautive du XVIe siècle. Doncœur découvrit dans le manuscrit de Monteil une version latine antérieure, qu’il jugea authentique et fidèle à l’original. Quant au codicille, Quicherat n’en avait donné que des extraits (III, 1845) d’après le manuscrit d’Urfé ; Doncœur en offrit une édition intégrale, collationnée avec les deux autres manuscrits notariés de la réhabilitation qui le contiennent. Il accompagna enquête et codicille d’une traduction française en regard.

IV. L’enquête de 1452 du cardinal d’Estouteville

Quicherat avait édité ce texte principalement d’après le manuscrit Latin 5970 de la BnF, l’un des exemplaires authentiques de la réhabilitation (probablement celui de la famille d’Orléans). Doncœur privilégia le manuscrit d’Urfé, qu’il collationna avec les autres témoins, et en donna une traduction française en vis-à-vis.

V. La rédaction épiscopale du procès de réhabilitation

Le manuscrit d’Urfé transmet une version différente des exemplaires authentiques du procès de réhabilitation. Elle est rédigée au nom des trois juges — un archevêque et deux évêques, d’où le nom de rédaction épiscopale que lui donne Doncœur — qui s’expriment à la première personne du pluriel. Les exemplaires authentiques, eux, s’expriment au nom des deux notaires — c’est la rédaction notariale — et évoquent les juges à la troisième personne.

Pour Quicherat, la rédaction épiscopale n’était qu’une rédaction première ou une rédaction d’essai (V, 1849), tandis que la notariale représentait la version définitive, et surtout la seule à être revêtue d’un caractère légal. Il choisit donc cette dernière pour son édition (t. II-III), bien qu’il la jugeât pleine de fautes de rédaction et d’extrême négligence. Doncœur contesta ce jugement et défendit la valeur de la rédaction épiscopale. C’est ce texte qu’il publia d’après le manuscrit d’Urfé.

En appendice, Doncœur reproduit la sentence définitive de la réhabilitation d’après le manuscrit 518 d’Orléans, en signalant les différences notables avec celle de la rédaction notariale (les feuillets des derniers actes manquant à Urfé, on ne possède pas de version épiscopale pour cette sentence). Il souligne en particulier un élément qu’on ne retrouve pas dans la notariale et qui semble pourtant capital (sorte de prélude à une canonisation ?) : l’affirmation explicite que Jeanne fut bonne chrétienne toute sa vie durant et jusqu’à sa mort.

Cette collection, qui aurait dû se poursuivre, est aujourd’hui reconnue comme une pièce essentielle du corpus des études johanniques. Pierre Tisset, collaborateur des volumes II et III, reprit le flambeau : avec Yvonne Lanhers, il entreprit une édition du procès de condamnation, publiée à partir de 1960.

Chronologie

  • 1949

  • 10 nov.
    Doncœur publie dans les Nouvelles Littéraire un article où il affirme que le manuscrit 518 d’Orléans contient bien une copie de la Minute française des interrogatoires de Jeanne d’Arc, contrairement à l’opinion de Quicherat et Champion.
  • 2 déc.
    Il en fait une communication à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, où ses conclusions reçoivent le soutien des historiens Charles Samaran, Louis Halphen et Jérôme Carcopino.
  • 1952

  • Publication de la Minute française, premier tome de ses Documents et recherches.

Images (5)

Manuscrit 518 d’Orléans (p. 192 et 193) : texte de l’abjuration de Jeanne d’Arc

(Médiathèque d’orléans)

Manuscrit BnF Latin 5965 (p. 149) : prétendue formule d’abjuration de Jeanne d’Arc

(BnF / Gallica)

Manuscrit d’Urfé, BnF latin 8838, folio 114 r° (ancien 32 r°) : derniers interrogatoires en prison, 28 mai 1431

(BnF / Gallica)

Instrument de la sentence contre Ségueut

(Archives de la Seine-Inférieure, G. 1154)

Agrandissement des signatures apposées par les quatre notaires au bas de l’instrument de la sentence contre Ségueut

(Archives de la Seine-Inférieure, G. 1154)

Éditions

  • 1952  : Melun, Librairie d’Argences (In-8° de 309 p.)

    Bibliothèque Elzévirienne. Nouvelle série. Études et documents. La Minute française des interrogatoires de Jeanne la Pucelle, d’après le Réquisitoire de Jean d’Estivet et les manuscrits d’Urfé et d’Orléans, par le P. Paul Doncœur. Melun, Librairie d’Argences. MCM.LII [Dernière page] Imprimerie F. Paillart Abbeville. N° d’impression : 4106. Dépôt légal : 4e trimestre 1952.

  • 1954  : Paris, Librairie d’Argences (In-8° de 83 p.)

    Documents et recherches relatifs à Jeanne la Pucelle. II. Instrument public des sentences portées les 24 et 30 mai 1431 par Pierre Cauchon et Jean Le Maître, O. P. contre Jeanne la Pucelle. Texte latin établi et annoté par P. Doncœur, S. J. et Y. Lanhers. Paris, Librairie d’Argences, 38, rue Saint-Sulpice (6e) — MCM.LIV [Dernière page] Imprimerie F. Paillart Abbeville. N° d’impression : 4938. Dépôt légal : 3e trimestre 1954.

  • 1956  : Paris, Librairie d’Argences (In-8° de 126 p.)

    Documents et recherches relatifs à Jeanne la Pucelle. III. La Réhabilitation de Jeanne la Pucelle. L’enquête ordonnée par Charles VII en 1450 et le codicille de Guillaume Bouillé. Texte établi, traduit et annoté par P. Doncœur, S. J. et Y. Lanhers. Paris, Librairie d’Argences, 38, rue Saint-Sulpice (6e) — MCM.LVI [Dernière page] Imprimerie F. Paillart Abbeville. N° d’impression : 5570. Dépôt légal : 1er trimestre 1956.

  • 1958  : Paris, Librairie d’Argences (In-8° de 165 p.)

    Documents et recherches relatifs à Jeanne la Pucelle. IV. La Réhabilitation de Jeanne la Pucelle. L’enquête du cardinal d’Estouteville en 1452. Texte établi, traduit et annoté par P. Doncœur, S. J. et Y. Lanhers. Paris, Librairie d’Argences, 38, rue Saint-Sulpice (6e) — MCM.LVIII [Dernière page] Imprimerie F. Paillart Abbeville. N° d’impression : 6523. Dépôt légal : 4e trimestre 1958.

  • 1961  : Paris, Librairie d’Argences (In-8° de 347 p.)

    Documents et recherches relatifs à Jeanne la Pucelle. V. La Réhabilitation de Jeanne la Pucelle. La rédaction épiscopale du procès de 1455-1456. Texte établi et annoté par P. Doncœur, S. J. et Y. Lanhers. Paris, Librairie d’Argences, 38, rue Saint-Sulpice (6e) — MCMLXI [Dernière page] Imprimerie F. Paillart Abbeville. N° d’impression : 7650. Dépôt légal : 1er trimestre 1961.

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