P. Doncœur  : Documents et recherches (1952-1961)

T. I : Minute (1) (Texte)

7879Textes témoins
de la minute française du procès de condamnation

[Manuscrit 518 d’Orléans]

[Réquisitoire d’Estivet]

[Manuscrit d’Urfé]

Cy commence la deduction du procez faict par messyre Pierre Cauchon, evesque et conte de Beauvoys, en matiere de la foy, contre une femme nommee Jehanne, vulgairement appellee la Pucelle, translaté de lattin en françoys, par le commandement du roy Loys, douziesme de ce nom ; et a la priere de monseigneur l’admiral de France, seigneur de Graville.

[Premier conseil tenu le 9 janvier 1431]

[Premier conseil tenu le 9 janvier 1431]

(Ch. 1-5)

Et premierement ledit evesque estant en la ville de Rouen, l’an mil IIIIcc trente37 54 apprez l’Epiphaniere, qui fut le IXme jour du moys de janvier, feist appeller devant luy reverendz peres et maistres, messeigneurs Gilles, abbé de Fescamp, docteur en theologie ; Nicolle, abbé de Jumieges, docteur en decret ; Pierre de Longueville La Guiffart, docteur en theologie ; Nicolle des Venderés, archediacre d’Eu, en l’Eglise de Rouen, licencié es loix, en decret ; Raoul Roussel, tresorier de l’Eglise Nostre Dame de Rouen, docteur en chascun droit ; Robert Barbier, licencié en chascun droit ; Nicole Couppequesne, bacheler en theologie ; Nicolle Loyselleur, maistre es artz, chanoyne de Rouen ; tous lesquelz se comparurent au mandement dudit evesque, en la chambre du Conseil prez le chasteau de Rouen.

Lequel evesque leur exposa comment une femme nommee Jehenne, vulgairement appellee la Pucelle, avoit nagueres esté prinse et apprehendee en son dyocese ; laquelle, tant a la requeste de et faicte par le tres chrestien et tres illustre prince le roy de France et d’Angleterre38, de nostre mere l’Université39 de Paris, a la sommation de luy40, et de venerable homme frere Martin 8081[Billorin]41, vicaire general de l’inquisiteur de la foy en France. Pour ce que la dicte femme estoit vehementement suspectee de crimes de heresie, luy avoit esté baillee et delivree, pour enquerir et informer sur les cas, crimes et malefices dont elle avoit esté accusee ; et que luy, desirant a l’honneur et louenge de Dieu, et l’exaltation de la saincte foy catholicque, proceder juridicquement en ceste matiere sellon la disposition de droit, pour ce que le siege archiepiscopal estoit alors vaccant 55 avoit obtenu de messeigneurs de chappitre permission et congé de povoir proceder au territoire de Rouen aux inquisitions et infor mations qu’il estoit besoing faire sur lesdits crimes, ainsy qu’il estoit contenu es lectres sur ce faictes42. Lesquelles il exiba, avecques le double des lectres que ceulx de ladicte Université de Paris avoyent escriptes a messyre Jehan de Luxembourg43, qui tenoit ladicte Pucelle prisonnière ; ensemble la cedulle de la sommation qui luy avoit esté faicte, desquelles les coppies sont escriptes cy devant.

Le premier acte du procez

[Lundi, 19 février]

[Lundi, 19 février]

(Ch. 23)

Le lundy, dix neufme jour de febvrier, comparons devant l’evesque de Beauvays, en la maison de maistre Jehan Rubbe44, chanoyne de Rouen, messeigneurs l’abbé de Fescamp, maistre Jehan Beaupere, Guillaume Hecton, Jacques de Touraine, Nicole Mydy, Nicole des Venderez, Pierre Maurice, Guerard Feuillet, Thonmas de Courcelles, et Nicolle Loyseleur.

Ledit evesque leur remonstra comment une femme, nommee Jhenne, dicte la Pucelle, laquelle estoit accusee et diffamee de plusieurs invocations de dyables et aultres malefices, luy avoit esté baillee et delivré, de la part de tres illustre prince le roy de France et d’Angleterre ; et que, depuis qu’elle luy avoit esté rendue, on avoit faict des articles sur les choses qui povoyent concerner la foy catholicque ; et sur iceulx articles, on avoit faict examiner plusieurs tesmoings, 56 ainsy que on pourra veoir par la lecture desdits articles et depositions des tesmoings examinez sur iceulx ; lesquelz articles et depositions furent leues es presences des dessusdits45. Apprez la lecture desquelz, pour ce que l’inquisiteur general de la foy n’estoit point en la ville de Rouen, mais seulement y estoit son vicaire, fut ordonné et appoincté par ledit evesque que ledit vicaire seroit appellé ; et en presence de notaires seroit sommé de oyr, lyre lesdits articles et informations qui avoyent esté faictes sur les crimes et malefices de ladicte Jhenne, et du scandelle qui en estoit advenu.

Et apprez, par le conseil de ceulx qui estoyent presens, icelluy evesque appoincta que icelle femme seroit appellee pour estre interroguee en matiere de la foy. Et ce fait, tous les assistens jurerent tenir secret tout ce qui sera faict en ceste matiere46.

Aultre acte

[Lundi, 19 février, après-midi]

[Lundi, 19 février, après-midi]

(Ch. 24)

Item, ce jour apprez disner, environ quattre heures de soir, ledit evesque somma et requist venerable homme frere Jehan Magistri, vicaire dudit 8283inquisiteur de la foy, qui avait esté appelle pour assister audit procez, fut par ledit evesque requis et sommé de se adioindre a proceder avecques luy en la matiere de ladicte Jehenne, en offrant luy communicquer tout ce qui avoit esté faict eudit procez. Lequel Magistri respondit que, si sa commission et viccairerie estoit suffisant, que voluntiers il ferait ce que debvoit et pourrait faire pour ladicte 57 inquisition.

Ce fut faict en l’hostel dudict evesque, es presences Jehan Massieu, frere Symon de Paris47, Bosc Guillaume et Manchon.

Aultre acte

[Mardi, 20 février]

[Mardi, 20 février]

(Ch. 25-26)

Item, le mardy vingtme jour de febvrier, comparons devant ledit evesque, lesdits Beaupere, de Touraine, Midy, Venderés, Maurice, Gerard et de Courselles, maistre Jehan Magistri, Martin l’Advenu et Nicole Loyseleur,

Icelluy evesque declara et dist qu’il avoit veue la commission et vicariat dudit Magistri, qui estoit bonne et suffisante ; et qu’il avoit trouvé par conseil que icelluy Magistri, vicaire, se povoit adioindre avecques luy a faire ledit procez. Et que ce neantmoins il avoit trouvé par conseil qu’il debvoit faire sommer l’inquisiteur en chef, se il estoit au pays de Normendye48, de venir en ceste cyté de Rouen pour assister eudit procez, ou pourveoir en la matiere dont estoit mencion, ou commettre ung vicaire qui auroit pleine puissance pour y proceder.

Lequel Magistri respondit qu’il ne vouldroit se metre de ladicte matiere, tant pour la scrupulle de sa conscience, que pour seureté de la deduction du procez. Et oultre en tant que estoit l’inquisiteur general, dont a esté parlé, il dist qu’il accordait que ledit evesque peust commettre tel qu’il luy plairoit pour assister eu lieu dudit inquisiteur, jusquez a ce qu’il se fust conseillé si le vacariat et commission qu’il avoit estoit suffisante pour soy adioindre en la matiere. Apprez lesquelles parolles, ledit evesque luy offrit le procez et tout ce qui y avoit esté faict.

58 Aultre acte

[Première session publique]

[Mercredi, 21 février]

[Première session publique]

[Mercredi, 21 février]

(Ch. 28-35)

Le lendemain, qui fut le mercredy, vingt ungme jour de febvrier, audit an, en la chappelle royalle du chasteau de Rouen, es presences dudit evesque et de messeigneurs maistres, monseigneur Gilles, abbé de Fescamp, Jehan Beaupere, Jehan de Chastillon, Jacques le Tessier49, Nicole Midy, Guerard Feuillet, Guillaume Hedon, Thonmas de Courselles et maistre Richard Prati, furent leues les lectres du roy d’Angleterre, par lesquelles il mandoit aux juges ordinaires de Rouen qu’ilz baillassent et delivrassent la Pucelle audit evesque, pour faire son procez50, les lectres du chappitre de Rouen, comment ilz avoyent permis audit evesque de besongner audit procez en territoire 8485de Rouen51, la citacion pour faire citer ladicte Pucelle devant luy, avec la relacion de celuy qui l’avoit cytee52.

Lesquelles leues, maistre Jehan Estivet, ordonné promoteur en ce procez par ledit evesque, demanda et requist que ladicte Pucelle fust admenee et interroguee selon la voye de droit. Ce qui luy fut accordé par ledit evesque.

Et sur ce que ladicte Jhenne avoit supplyé et requis qu’il luy fust permis de oyr messe, iceluy evesque dist qu’il avoit eu conseil avecques aulcuns saiges et notables personnaiges, par lesquelz il avoit trouvé que, actendu les crimes dont elle estoit accusee et diffamee, et aussy qu’elle avoit porté hahit d’homme, on luy debvoit differer ladicte requeste et ainsy le desclara.

59 Assez tost apprez ladicte Jhenne fut admenee devant ledit evesque et les assistent ! dessus nommez.

Laquelle venue, icelluy evesque luy dist et remonstra comment elle avoit esté prinse dedens les marches de son diocese. Et pour ce qu’il estoit bruit et renommee de plusieurs de ses faictz qui estoyent contre nostre foy, non pas seulement eu royaulme de France, mais par tous les royaulmes esquelz ilz estoyent divulguez et publiez, et qu’elle estoit accusee de heresie, elle lug avoit esté baillee et delivree pour faire son procez en matiere de la foy.

Apprez lesquelles parolles, le promoteur dessusdit remonstra comment, a sa requeste, elle avoit esté citee, et convenue pour respondre en matiere de la foy, ainsy qu’il apparoissoit par les lettres et actes qu’il exhiba presentement, suppliant qu’elle fust adiuree de dire verité et interroguee sur les parties qu’il bailleroit.

Laquelle requeste luy fut accordee par ledit evesque et assistentz53.

La dessusdicte requeste accordee, comme dit est, icelluy evesque feist venir ladicte Jhenne, et l’admonnesta caritativement.

Et luy pria qu’elle dist verité des choses qui luy seroyent demandees, tant pour l’abbreviacion de son procez que pour la descharge de sa conscience, sans querir subterfuges ne cautelles ; et qu’elle furast sur les sainctes Euvangilles de dire verité de toutes les choses sur lesquelles elle seroit interroguee.

Laquelle Jhenne respondit : Je ne sçay sur quoy vous me vouliez interroguer. Adventure me pourriez vous demander telles choses que je ne vous diray point.

Sur quoy ledit evesque 60 luy dist :

Vous jurerez de dire verité de ce que vous sera [demandé]54 qui concerne la foy catholicque et de toutes aultres choses que sçaurez.

A quoy ladicte Jhenne respondit que de ses pere et mere, et de toutes les choses qu’elle avoit faictes depuis qu’elle avoit prins le chemin pour venir en France, voluntiers en jureroit. Mais de revelacions a elle faictes de par Dieu, que jamais elle ne l’avoit dit ne revelé fors a Charles, que elle dit estre son roy. Et si on luy debvoit coupper la teste, elle ne les reveleroit ; pour ce qu’elle savoit par ses visions qu’elle les debvoit tenir secretes. Mais que dedens huit jours elle sçaura bien se elle les doibt reveler.

Apprez lesquelles paroles ledit evesque l’admonnesta et pria que, en ce que toucherait la foy, elle feist serment de dire verité.

8687Laquelle Jehenne se mist a genoulx, les deux mains sur le livre, c’est assavoir ung messel,

et jura qu’elle diroit verité de toutes les choses qui luy seroyent demandees, qui concernent la matiere de la foy. Mais que, des revelacions dessusdictes, elle ne les diroit a personne55.

Item, ce mesme jour56, apprez aulcuns interrogatoires faictz a ladicte Jhenne, c’est assavoir du nom de ses pere et mere, et du lieu ou elle avoit esté nee, et de son aage.

Ladicte Jhenne soy plaignant des fers qu’elle avoit aux jambes,

Luy fut dit par ledit evesque que par plusieurs foys elle se estoit efforcee d’eschaper des prisons, pour quoy, affin qu’elle fust gardee 61 plus seurement, on avoit commandé qu’elle fust enferree.

A quoy ladicte Jhenne respondit qu’il estoit vray que autresfoys elle avoit bien voullu eschapper de la prison, ainsy qu’il est licite a chascun prisonnier. Et dist oultre que, quand elle pourroit eschaper, on ne la pourroit reprendre qu’elle eust faulcé ou viollé sa foy a aulcun ; car elle ne l’avoit baillee jamais a personne.

Pour laquelle responce, ledit evesque commanda a Jehan Rys57, Jehan Bernard, et Guillaume Tallebot, commis a la garde de ladicte Jhenne, qu’ilz la gardassent seurement, et qu’ilz ne permissent aulcune personne parler a elle, se ilz ne avoyent exprez congié de luy ; et fist ausdits gardes metre les mains sur le messel dessusdit, sur lequel ilz firent serment solempnel de faire tout ce que leur avoit esté commandé.

Ce jour mesme, ladicte Jhenne interroguee, de son nom et surnom,

Respondit que, au lieu ou elle avoit esté nee, on l’appeloit Jhannette, et en France, Jhenne ; et du surnom n’en sçait riens.

Interroguee du lieu de sa naissance,

Respondit qu’elle avoit esté nee en ung villaige qu’on appeloit Dompremy de Grus, euquel lieu de Grus est la principalle eglise.

62 Interroguee du nom de ses pere et mere,

Respondit que son pere estoit nommé Jacques Tarc et sa mere Ysabeau.

Interroguee ou elle fut baptisee,

Respondit que ce fut en l’eglise de Dompremy.

Interroguee que fut ses parrains et marraines,

Respondit que une femme nommee Agnetz et ung aultre nommee Jhenne ; et ung nommé Jehan Bavent fut son parrain. Dist oultre qu’elle avoit bien ouy dire a sa mere que elle avoit d’aultres parrains et mar raines que les dessusdits.

Interroguee qui fut le prebstre qui la baptisa,

Respondit que ce fut ung nommé messire Jehan Nynet, ainsy comme elle croyt.

Interroguee se ledit Nynet vist encoires,

Respondit que ouy, ainsy comme elle croit.

Interroguee quel aage elle avoit,

Respondit qu’elle avoit dix neuf ans ou environ. Et oultre dist que sa mere luy apprint le Pater noster, Ave Maria et Credo ; et que aultre per sonne que sadicte mere ne luy apprins sa creance.

8889Requise qu’elle dist Pater noster et Ave Maria,

Respond qu’elle la dira voluntiers, pourveu que monseigneur l’evesque 63 de Beauvoys, qui estoit present, la vouldroit oyr de confession. Et, combien qu’elle fust plusieurs foys requise de dire Pater nostre et Ave Maria, elle respondit qu’elle ne le diroit point, se ledit evesque58 ne l’ouoyt de confession.

Et adoncq ledit evesque dist : Je vous ordonneray ung ou deux notables personnaiges de ceste compaignie59 ausquelz vous direz : Pater noster et Ave Maria.

A quoy elle respondit : Je ne le diray point, se ilz ne me oyent de confession60.

Aultre acte

[Seconde session]

[Jeudi, 22 février]

[Seconde session]

[Jeudi, 22 février]

(Ch. 35-42)

L’an mil qualtre cens trente, le vingt deuxme jour de febvrier, en la sale du chasteau de Rouen, ou estoyent assemblez avecques ledit evesque, reverendz peres, seigneurs et maistres, l’abbé de Fescamp, Jehan de Chastillon, Jehan Beaupere, Guillaume Leboucher, prieur de Longueville, Maurice du Quesnoy, Jacquez de Touraine, Nicolas Midy, Jehan de Fave, Denys de Sabreuvoys, Jehan Lefebvre, Guillaume Hecton, Pierre Maurice, Guerard Feuillet, Jacques Guesdon, docteurs en theologie ; Jehan Sevestre, Jehan Magistri, bachelers en theologie ; maistre Raoul Roussel, Nicole de Venderez ; l’abbé de Jumieges ; Jehan Brullet, André Marguerie, Jehan Pinchon, Jehan Basset ; les abbé de Saincte Katherine, de Cormeilles et de Preaux ; Denys Gastinel, Nycole Couppequesne, Gilles des Champs, Gieffroy du Crottoy61.

En la presence desquelz et de frere Jehan Magistri 64 vicaire de l’inquisiteur de la foy, ledit evesque exposa comment il avait sommé et requis ledit Magistri, comme l’inquisiteur de la foy general, de se adioindre au procez de ladicte Jhenne en luy offrant communicquer tout ce qui avait esté faict eudit procez.

A quoy ledit Magistri respondit [qu’il]62 estoit seulement commis en la cyté et dyocese de Rouen ; et pour ce que ledit procez se deduisait devant ledit evesque, non pas comme ordinaire eudit dyocese de Rouen, mais comme en territoire empruncté, il avoit doubté de se joindre en ce negoce. Toutesfoys il avoit doubté de se joindre eudit procez ; mais, tant affin que ledit procez ne demourast invaillable et nul, que pour la descharge de sa conscience, en actendant qu’il eust plus grand povoir de l’inquisiteur general, il estoit content de assister audit procez.

Ladicte offre ainsy faicte, ladicte Jhenne, premierement fut admonnestee et requise de faire le serment qu’elle avoit faict le jour precedent de dire verité de tout ce qui luy seroit demandé sur les crimes et malefices de quoy elle estoit accusee et diffamee, A quoy ladicte Jhenne respondit que desja elle avoit faict ledit serment, et qu’il debvoit suffire.

9091Et derechef fut admonnestee qu’elle jurast absolutement de dire verité de tout ce qui luy seroit demandé ; en luy remonstrant qu’il n’y a prince qui peust ne deust refuser a faire ledit serment 65 de dire verité en matiere de foy.

A quoy elle respondit : Je le feis hier. Vous me chargez trop.

Finablement elle fist le serment en la forme qu’elle ïavait faict au jour de devant.

Apprez lequel serment faict, ledit evesque commanda a maistre Jehan Beaupere que il l’interrogast. En obaissant auquel commandement, ledit Beaupere l’interrogua ainsy qu’il s’ensuit :

Premièrement luy demanda si elle diroit verité.

A quoy elle respondit : Vous me pourrez bien demander telle chose de [quoy] je vous respondray le vray, de l’autre : non.

Dist oultre : Se vous estes bien informez de moy, vous vouldriez que je fusse hors de voz mains. Je n’ay riens faict fors par revelacion.

Interroguee de quelle aage elle estoit quand elle partist de la maison de son pere,

Dist qu’elle ne sauroit deposer.

Interroguee si elle avoit apprins aulcun art ou mestier,

Dist que ouy ; et que sa mere luy avoit apprins a coustre ; et qu’elle ne cuidoyt point qu’il y eust femme dedens Rouen qui luy en sceust apprendre aulcune chose63.

Dit oultre qu’elle avoit laissé la maison de son pere en partye pour doubte des Bourguignons ; et qu’elle se estoit allee 66 au Neufchastel, avecques une femme nommee la Rousse ; ou elle demeura par quinze jours. En laquelle maison64 elle faisoit les negoces de ladicte maison65 et ne alloit point aux champs garder les brebis ne aultres bestes.

Confessa fuit quod, propter Burgundos, recessit a domo patris et ivit ad villam que dicitur Novum Castrum, penes quamdam dictam La Rousse, et ibi stetit quasi per XV dies, vacando erga negocia domus ; nec ibat ad campos. VIII

Interroguee si elle se confessait tous les ans,

Dist que ouy a son propre curé. Et se il estoit empesché, elle se confessoit a ung aultre prebstre, par le congé dudit curé.

Et si dist qu’elle s’est confessee deux ou troys foys a des religieulx mendiens66. Et qu’elle recepvoit le corps de nostre Seigneur tous les ans a Pasques.

Interroguee se elle recevait point le corps de nostre Seigneur67 a aultres festes que a Pasques,

Respondit : Passez oultre.

Et si dist que, dez l’aage de traize ans, elle eust revelacion de nostre Seigneur par une voix qui l’enseigna a soy gouverner. Et pour la premiere foys elle avoit eu grand paour. Et dist que ladicte voix vint ainsy que a mydy, en temps d’esté, elle estante au jardin de son pere, en ung jour de jeune68, et si dist que ladicte voix vint au costé dextre, vers l’eglise. Et dist que ladicte voix n’est gueres sans clarté, laquelle est tousiours du costé de ladicte voix.

Confessa fuit quod, dum erat etatis XIII annorum, habuit vocem seu revelacionem a Domino nostro, pro iuvendo eam ad se gubernandum. Et prima vice habuit magnum timorem. Et fuit hora quasi merediei, tempore estivali, et erat in orto patris sui ; et tunc erat ieiuna, nec precedente die ieiunaverat. Quam vocem audivit a latere dextro, versus ecclesiam. Et raro eam audit sine claritate, que est ab eodem latere, unde venit vox.

Et sepe est magna claritas. Et quando veniebat in Franciam audiebat illam vocem sepe. Et prima vice fuit claritas.

Dicit eciam, si esset in uno nemore, bene audiret voces.

9293Dit oultre que ladicte voix, apprez qu’elle l’eut ouye par troys foys, elle congneust que c’estoit la voix ange.

Dicit insuper quod vox videbatur ei digna ; credens quod illa vox missa erat ex parte Dei ; quam, postquam audivit trina vice, cognovit eam esse vocem angeli.

Dit ainsy que celle voix l’a tousiours bien gardee69.

Dicit iterum quod vox illa semper bene custodivit eam. Et eam bene intellexit.

67 Interroguee quel enseignement celle voix luy disoit pour le salut de son ame,

Interrogata quale documentium ei dicebat pro salute anime sue,

Respondit qu’elle luy apprint a se bien gouverner. Et luy disoit qu’elle debvoit frequenter l’eglise. Et apprez luy dist qu’il estoit neccessaire qu’elle venist en France.

Respondit quod docuit eam bene regere, frequentare ecclesiam ; et quod necesse erat eam venire in Franciam.

Dicit eciam quod hac vice interrogans non habebit ab ea in qua specie vox illa sibi apparuerit.

Et luy disoit deux ou troys foys la sepmaine qu’elle partist pour venir en France. Et que son pere ne sceust riens de son partement.

Item dicit quod illa vox dicebat sibi bis vel ter in ebdomada, quod oportebat eam recedere et venire in Franciam ; et quod pater suus de suo recessu nichil sciret.

Avecques ce luy dist qu’il faloit qu’elle se hatast de venir et qu’elle leveroit le siege de devant Orleans ; et qu’elle allast a Robert de Baudricourt, capitaine de Vacoulleur ; et que il luy bailleroit des gens pour la conduire.

Ulterius dicit quod illa vox sibi dicebat eam oportere venire in Franciam, nec poterat ibi plus durare ; et quod ipsa levaret obsidionem ante Aurelianis. X

Confessa est quod vox dixit sibi ut iret ad Robertum, capitaneum de Vaucoulour ; et ipse traderet ei gentes.

A quoy elle respondit qu’elle estoit une paovre femme, qui ne sçauroit chevaucher ne faire ne demener la guerre.

Cui respondit quod ipsa erat una pauper filia, nec sciret equitare, nec guerram deducere.

Et apprez ses parolles, elle s’en alla en la maison d’ung sien oncle, ou elle demeura huit jours. Et que apprez son oncle la mena audit Robert de Baudricourt, lequel elle congneut bien, et si ne le avoit jamais veu.

Item confessa est se dixisse avunculo suo quod volebat manere modico tempore penes eum. Et ibi mansit octo diebus vel circiter.

Dicitque avunculo suo quod oportebat eam ire ad Vaucoulour. Qui duxit eam illuc. XII

Item dicit quod, quando venit ad villam de Vaucoulour, cognovit Robertum de Baudricourt, antea sibi invisum.

Et dit qu’elle le congneust par la voix qui luy avoit dist que c’estoit il.

Cui dixit quod per vocem fuit sibi revelatum eam oportere ire in Franciam ; et ipsum Robertum cognovit per vocem sibi dicentem quod ipse erat ille70.

Dit oultre que ledit de Baudricourt la refusa par deux foys. A la tierce, la receut, et luy bailla gens pour la mener en France, ainsy comme luy avoit dit la voix.

Qui bina vice repulit eam ; et tercia vice eam recepit ; et ei tradidit gentes, prout vox dixerat sibi.

Dixit eciam quod, antequam [adiret]71 dictum regem suum, dux Lotharingie mandavit eam sibi mictendam ; ad quem ipsa ivit. Et ei dixit quod volebat ire in Franciam. Cui ipse petivit de sua sanitate ; et ipsa dixit quod de hoc nesciebat aliquid, parum declarans ei de suo voiagio.

Item dixit dicto duci quod traderet ei filium suum et gentes, pro ducendo eam in Franciam, et ipsa oraret Deum pro sua sanitate. Et ad ipsum ducem iverat per salvum conductum ; et inde reversa est ad villam de Vaucoulour.

9495Dist ainsy que, quand elle partist de Vaucouleur, qu’elle print habit d’homme, et print une espee que luy bailla ledit de Baudricourt, sans aultres armures. Et si dist qu’elle estoit accompaignee d’ung chevalier et de quattre aultres hommes ; et que ce jour s’en allerent coucher en la ville de Sainct Urbain, ou elle couscha en l’abbaye.

Item dixit quod, in recessu de Vaucoulour, ipsa in habita virili, cum ense sibi tradito per dictum Robertum, absque alia armatura, associata uno milite, uno scutifero, et quatuor famulis, ivit cubitum ad Sanctum Urbanum72 ; et cubuit in abbacia.

Dist aussi que au chemin, elle passa par Auxerre, ou elle oyt la messe en la grand eglise ; et qu’elle avoit souvent ses voix avec elle.

Dixit eciam quod, eundo iter suum, transivit Autissiodori, ubi missam audivit in magna ecclesia. Et habebat sepe suas voces secum.

68 Interroguee qui luy conseilla de prendre habit d’homme,

A laquelle interrogation j’ay trouvé en ung livre que ses voix luy avoyent commandé qu’elle print habit d’homme, et en l’autre73, fay trouvé que, combien qu’elle en fust plusieurs foys interroguee, toutesfoys elle n’en feist point de responce fors : Je ne charge homme. Et ay trouvé eudit livre que plusieurs foys varia a ceste interrogation.

Dit oultre que ledit Robert de Baudricourt fist jurer ceulx qui la menoyent, que, ilz la meneroyent bien et seurement.

Item, dit que ledit de Baudricourt se departit d’elle il luy dist : Va t en. Et en advieigne ce qu’il en pourra advenir.

Ulterius dixit quod dictus Robertus recepit iuramentum ab ipsis qui eam duxerunt, quod bene et secure eam ducerent. Et in recessu dixit idem Robertus ipsi Johanne : Vade et veniat quid inde venire poterit. XII

Item, dit qu’elle sçait bien que Dieu ayme bien le duc d’Orleans ; et qu’elle avoit eu plus de revelacions de luy que d’homme de France, excepté de son roy.

Item dixit quod ipsa bene scit quod Deus bene diligit ducem Aurelianensem ; et eciam quod ipsa habuerat plures revelaciones de ipso duce quam de homine vivente, excepto rege suo. XXXV

Item, dit qu’il falloit neccessairement qu’elle changeast son habit.

Dixit eciam quod oportebat eam mutare habitum suum in habitum virilem, credens quod consilium suum in hoc bene dixerit sibi. XII

Interroguee quelles lectres elle envoya aux Angloys et qu’elles contenoyent,

Dit qu’elle envoya des lettres aux Engloys, qui estoyent devant Orleans ; par lesquelles elle leur escrivoit qu’il falloit que ilz se partissent de la.

Et dist que en ces lectres, ainsy qu’elle oy dire, on a changé deux ou troys motz ; c’est assavoir : Rendez a la Pucelle ; et il y doibt avoir : Rendez au roy ; ou il y a : corps pour corps, et : chef de guerre, cela n’estoit point esdictes lectres.

Dixit quod miserat licteras ante Aurelianis Anglicis ut inde recederent, prout lictere quas audivit legi continent, exceptis duobus vel tribus verbis : videlicet : Rendez a la Pucelle, ubi poni debet : Rendez au roy, prout dixit ; eciam duo, videlicet : corps pour corps, et : chief de guerre. XXI

69 Item, dit que sans empeschement elle vint jusques a son roy.

Dixit eciam quod sine impedimento ipsa venit usque ad regem suum.

Cui prius misit licteras, cum adhuc esset in Sancta Katherina de Fierbois. XII

Item74, dit qu’elle trouva son roy a Chynon, ou elle arriva environ mydy ; et se logea a une hostellerye. Et apprez disner elle alla devers le roy qui estoit au chastel.

Item, dit qu’elle entra avant en la chambre ou estoit le roy ; lequel elle congnut bien entre les aultres par le conseil de la voix.

Item, dit qu’elle dist au roy qu’elle vouloit aller faire la guerre contre les Angloys.

Item, dixit, quod ipsa reperit regem suum apud Chinon ; ubi applicuit quasi in meridie ; et hospitata fuit in quodam hospicio. Et, post prandium, ivit apud regem suum in Castro ; quem, dum intravit cameram, ipsa cognovit inter ceteros, et per consilium vocum ; cui quidem regi dixit quod ipsa volebat ire debellatum Anglicos. XVII

Interroguee si, quand la voix luy monstra le roy, se il y avoit point de lumiere,

Respond : Passez oultre.

Interrogata si illa vice qua vox ostendit ei regem suum, si ibi erat lumen,

Respondit : Transeatis ultra.

9697Interrogué se elle vist point d’ange sur le roy,

Respond : Pardonnez moy. Passez oultre.

Item, interrogata si ipsa vidit aliquem angelum supra dictum regem suum,

Respondit : Parcatis michi. Et : Transeatis ultra.

Item, dit que devant que le roy la mist en œuvre, il eust plusieurs apparicions et de belles revelacions.

Item, dixit quod, antequam rex suus eam poneret in opere, ipsa habuit multas appariciones et pulchras revelaciones.

Interroguee quelles revelacions,

Respondit : Je ne les vous diray point encoires ; mais allez au roy, et il les vous dira.

Item, dit que la voix luy promist que, bien tost apprez qu’elle viendroit, le roy la recepveroit.

Et interrogata : Quales.

Respondit : Ego non dicam vobis eas. Adhuc nondum est vobis responsum in hoc. Sed mictatis ad regem, et ipse dicet vobis eas. LX

70 Item, dit que ceulx de son party congneurent bien que la voix estoit de par Dieu ; et que ilz veirent et congneurent la voix ; et qu’elle le sçait bien.

Item, dixit quod illi de parte sua bene cognoverunt quod vox sibi apparens erat ex parte Dei ; et quod viderunt et cognoverunt ipsam vocem ; et quod ipsa Johanna bene scit.

Item, dit que le roy et plusieurs aultres de son conseil ouyrent et veirent les voix qui venoyent a elle ; et entre aultres, Charles, duc75 de Bourbon.

Item, dixit quod rex suus et plures alii audiverunt et viderunt voces que veniebant ad eam ; et ibi erat Karolus de Borbonio et duo vel tres alii. XXXVI

Dixit quod nulla est dies quin audiat illas voces ; et eciam bene indiget. XXXI

Item, dit que jamais ne requist a la voix fors a la fin la salvacion de son ame.

Item, dixit quod nunquam voci sue seu revelacioni requisivit aliam mercedem in fine, excepta salvacione anime sue. XLIV

Item, dit que la voix luy avoit dit qu’elle demourast a Sainct Denis en France ; et euquel lieu elle voulut demeurer. Mais les seigneurs ne luy voullurent point laisser, pour ce que elle estoit blecee ; et que aultrement, qu’elle n’en fust point partie. Et si dit que elle fut blecee dedens les fossez de Paris ; de laquelle bleceure, elle fut guarye dedens cinq jours.

Dixit quod vox dixit ei quod maneret apud Sanctum Dionysium. Sed, contra voluntatem suam, domini eduxerunt eam ; et nisi fuisset lesa, ipsa non recessisset. Et fuit lesa in fossatis Parisiensibus.

Item, dixit quod in V diebus fuit sanata. XXXVII

Item, dit qu’elle fist faire une grosse escarmouche devant Paris.

Interroguee s’il estoit feste le jour qu’elle fist faire ladicte escarmouche,

Respondit apprez plusieurs interrogatoires, qu’elle croyoit bien qu’il fust feste.

Interroguee si c’estoit bien faict de faire ung assault a jour de feste,

Respond : Passés oultre.

Lesquelles interrogatoires et responces ainsy faictes, ledit evesque de Beauvoys, continua la matiere fusques au sabmedi ensuivant76.

[Troisième session]

[Samedi, 24 février]

[Troisième session]

[Samedi, 24 février]

(Ch. 42-50)

71 Le sabmedy ensuivant, qui estoit vingt quattreme de febvrier, ceulx qui y avoyent esté le jour precedent furent convocquez et appelez par le doyen de la chrestienté de Rouen.

Ledit evesque de Beauvoys persuada et admonnesta ladicte Jhenne qu’elle jurast absolutement et sans condicion de dire verité. De ce faire fut troys foys admonnestee et requise.

Item, nos, episcopus predictus, exposuimus eidem Johanne, quod iuraret pure, simpliciter et absolute, et sine condicione ; et de hoc fuit trina vice requisita et monita.

9899A quoy elle respondit : Donnez moy congié de parler.

Et puis dist : Par ma foy, vous me pourriez demander telles choses que je ne vous diroys pas.

Dixit : Detis michi licenciam loquendi.

Et dixit ulterius : Per fidem meam, vos poteritis bene a me petere talia que ego non dicam vobis.

Item, dist : Peult estre que de beaucoup de choses, que vous me pourriez demander, que je ne vous diroye pas le vray ; specialement de ce qui touche les revelacions ; car vous me pourriez contraindre par advanture a dire telle chose que j’ay juré ne dire point. Ainsi seroys pariure ; que ne debveriez pas vouloir.

Item, dixit : Forte de multis rebus poteritis michi petere, de quibus non dicam vobis verum, de illo quod tangit revelaciones ; quia vos me possetis cogere forte ad dicendum talem rem de qua ego iuravi non dicere eam ; et sic essem periura ; quod non deberetis velle.

Item, en s’adressant a monseigneur de Beauvoys luy dist : Advisez bien de ce que dictes estre mon juge. Car vous prenez une grande charge, et me chargez trop.

Item : Ego dico vobis : Advisetis vos bene de hoc quod dicitis vos esse iudicem meum. Vos accipitis unum magnum onus ; et me oneratis nimis.

Item, dist que il luy estoit advis que c’estoit assez d’avoir juré deux foys.

Item, dixit : quod sibi videtur quod satis est bis jurasse.

Interroguee derechef se elle veult point jurer simplement et absolutement,

Respond : Vous vous en povez bien passer. J’ay assez juré de deux foys.

Et croy que tout le clergé de Rouen et de Paris ne m’y sauroyent contraindre se ilz ne avoyent tort77.

Interrogata si ipsa vult iurare simpliciter et absolute.

Respondet : Vos potestis inde bene contentari. Ego satis iuravi duabus vicibus.

Et dixit eciam quod totus clerus Rothomagensis aut Parisiensis nesciret eam condempnare, nisi ipse clerus haberet in ius.

Et si dist qu’elle ne auroit pas tout dit en huit jours.

Et dixit ultra quod ipsa non diceret omnia in octo diebus.

72 Item, dit que de sa venue en France, elle dira voluntiers verité, mais non pas de tout.

Item, dixit quod de suo adventu, dicet libenter veritatem. Sed non dicet omnia.

Item, sur ce qu’il luy fut dit, que elle eust advis aux assistens, se elle devoit jurer ou non,

Respondit que de sa venue elle dira voluntiers verité et non aultrement. Et qu’il ne luy en falloit plus parler.

Item, fuit ei dictum quod ipsa haberet consilium cum assistentibus, si ipsa deberet iurare vel non,

Respondet quod de suo adventu, dicet libenter veritatem ; et non alias ; et quod non oportet de eo amplius cum ea loqui.

Et sur ce qu’elle fut admonnestee en luy remonstrant qu’elle se rendait suspecte de ne vouloir jurer,

Respondit comme devant.

Item, postea monita, dicendo quod ipsa se suspectam redderet,

Respondet sicut prius.

Item, sur ce que ledit evesque la somma et requist de jurer precisément et absolutement,

Respondit : Je diray voluntiers ce que je sauray, et non pas tout.

Ultra nos, episcopus Beloacensis, requisivimus eam de iurando precise,

Respondit : Ego dicam libenter ea que ego sciam, non tamen omnia. LX

Item, dit oultre que elle estoit venue de par Dieu et qu’elle n’avoit icy que faire ; et que on la renvoyast a Dieu, dont elle estoit venue.

Confessa fuit quod venerat ex parte Dei ; et quod in iudicio, in quo erat coram nobis, non habebat quid agere aut negociari. Et quod remicteretur ad Deum a quo venerat. XXV

Item, apprez que derechef fut sommee et requise de jurer comme dessus et admonnestee de ce faire sur peine de estre actaincte et convaincue des cas a elle imposez.

Respondit : J’ay assez juré. Passez oultre.

Item, postea requisita de iurando et monita et sub pena convicti de illis que sibi imponebantur,

Respondet : Ego satis iuravi. Dicendo : Passez oultre.

Item, derechef et d’abondant fut admonnestee de dire verité de ce que touchait son procez, en luy remonstrant qu’elle se metoit en danger.

Respondit : Je suis preste de jurer et dire ce que je sçauray touchant mon procez. Mais je ne diray point tout ce que sçay78.

Et apprez ces parolles, elle jura.

Item, requisita adhuc et monita de iurando et de dicendo veritatem de illis que tangunt processum, et quod ipsa se ponit in magno periculo,

Respondet : Ego sum promta iurare dicere ea que ego sciam tangentia processum ; et non omnia que ego scio.

Et sic iuravit.

100101Ces choses faictes, fut interroguee par maistre Iehan Beaupere. 73 Et premierement luy demanda depuis quelle heure elle ne avoit beu ou mengé,

Respondit : Depuis hier, apprez mydy.

Interroguee depuis quand elle ne ouyt sa voix,

Respondit qu’elle l’avoit ouye hier et huy.

Interroguee a quelle heure elle l’avoit hier ouye,

Dist que elle l’avoit ouye troys foys ; l’une au mattin ; l’autre a heure de vespres ; et l’autre a l’heure de l’Ave Maria ; encoires l’ouoit elle plus souvent qu’elle ne dit.

Interrogata a qua hora citra audiverat suam vocem,

Respondit quod heri audivit et illa die, XXIIIIa februarii ; videlicet heri, trina vice : prima mane, secunda in vesperis et tercia a l’Ave Maria. Eciam sepius quam ipsa nominet seu dicat.

Interroguee que elle faisait hier au mattin quand elle ouyt ceste voix,

Respond qu’elle dormoit, et que ladicte voix l’esveilla.

Interroguee si ladicte voix l’esveilla par voix, ou par la toucher par les bras ou ailleurs,

Respond que par ladicte voix elle se esveilla, sans luy toucher.

Interroguee se ladicte voix estoit encoires en sa chambre,

Respond que non, qu’elle saiche ; mais qu’elle estoit au chastel.

Et heri de mane cum dormiret, excitavit eam non tactu, sed sono vocis ipsius. Nec sciebat an illa vox esset in camera sua, sed bene scit quod erat in Castro, in quo scilicet est dicta camera.

Interroguee si elle mercya point ladicte voix, et si elle se agenouilla,

Respond qu’elle la mercya, elle estant assise en son lict. Et dit qu’elle joignit les mains, et luy requist et pria qu’elle luy aidast et la conseillast de ce que elle avoit affaire.

Interrogata utrum regraciata fuit voci et sibi apparenti, et si flexit genua,

Respondit quod ipsa regraciata fuit, ipsa existente in lecto suo ; et sedit in eodem lecto, et iunxit manus ; et dixit quod hoc fuit postquam requisivit habere auxilium. XLIX

A quoy ladicte voix luy dist, qu’elle respondist hardyment.

Item, dixit quod vox sibi dixit quod responderet audacter.

Interroguee que la voix luy dist, quand elle fut esveillee,

Respond qu’elle luy dist qu’elle demandast conseil a nostre Seigneur.

Et quod, quando surrexit a sompno, petivit consilium ipsi voci de hoc quod debebat respondere in iudicio ; dicens ipsi voci quod peteret consilium a Domino. Et vox dixit quod ipsa responderet audacter, et Deus adiuvaret eam.

74 Interroguee si au devant qu’elle la requist, se elle luy avoit dit aulcunes paroles,

Respond que, devant qu’elle fust esveillee, que la voix luy avoit dit aulcunes paroles, qu’elle ne entendoit pas. Mais depuis qu’elle fut esveillee, qu’elle entendit que la voix luy dist qu’elle respondist hardyment.

Item, interrogata utrum, antequam requireret vocem, ipsa vox dixerit sibi aliqua verba,

Respondit quod vox aliqua dixit, que non omnia intellexit ; sed, postquam evigilavit, intellexit quod vox dixit ei quod responderet audacter.

Item dixit quod illa nocte audiverat vocem dicentem : Responde audacter. L

Interrogata si sua vox prohibuit ei ne ipsa dicat omnia,

Dixit : Ego non respondeo vobis de illo. Et : Sunt alique revelaciones, que tangunt regem, quas ego non dicam vobis.

Interrogata si vox prohibuit ei ne ipsa dicat revelaciones,

Respondit : Ego non sum de hoc consulta. Et peciit quindecim dies de termino ad respondendum. Et postea respondebit.

Item, dixit quod ipsa petit dilacionem ad respondendum de hoc.

Item, dixit : Si vox prohibuit michi, quid vultis inde dicere ?

Iterum interrogata si ei prohibitum fuit per vocem,

Respondit : Credatis quod homines non prohibuerunt michi illud.

102Item, dixit quod ipsa, pro ista die non respondebit de hoc ; et nescit si ipsa debeat dicere aut non omnia que sunt sibi revelata. LX

Item, dixit quod ipsa firmiter credit, et eque firmiter, sicut credit fidem christianam et quod Deus nos redemit de penis inferni, quod ista vox venit a Deo et ex sua ordinacione. XLVIII

103Item, dit derechef audit evesque : Vous dictes que vous estes mon juge ; advisez bien que vous ferez ; car de verité je suis envoyee de par Dieu, et vous mectez en grand danger.

Interroguee se celle voix avoit point mué aulcunes foys sa deliberacion,

Respond qu’elle ne l’avoit jamais trouvee en deux paroles contraires.

Interroguee si c’est un angele79 de Dieu, sans moyen, ou de sainct ou de saincte,

Respond qu’elle vient de par Dieu.

Et je croy que je ne vous dys pas pleinement ce que je sçay ; et ay greigneur paour de dire quelque chose qui leur desplaise, que je n’ay de respondre a vous.

Et dit : Quant a ceste interrogation, je vous prye que je aye dilacion.

Interroguee se elle croit que Dieu soit desplaisant que on dye verité,

Respond a monseigneur de Beauvoys que les voix luy ont dit qu’elle die aulcunes choses au roy et non pas a luy.

Interrogata si ipsa credat quod de hoc Deo displiceat quod veritas dicatur,

Respondit nobis, episcopo, quod voces ei dixerunt quod ipsa dicat aliqua regi et non nobis. LX

Item, dit que la voix luy a dict ceste nuict moult de choses pour le bien du roy ; lesquelles elle vouldroit que le roy les sceust ennuict ; et qu’elle ne beust de vin jusques a Pasques ; et il en seroit bien plus aise, a disner.

Item, dixit quod vox dixit ei illa nocte multas res pro bono regis sui, quas vellet ipsum regem scire illa die ; et quod non potaret vinum usque ad Pascha ; et ipse inde esset letior in prandio. XXXI

75 Interroguee si elle pourrait tant faire devers ceste voix qu’elle voulsist obayr et porter messaige a son roy,

Respond qu’elle ne sçait si elle y vouldroit obayr, se ce n’estoit la volunté de Dieu et que nostre Seigneur le consentist.

Et, se il plaist a Dieu, il le pourra bien faire reveler au roy ; et de ce seroys bien contente.

Item, interrogata utrum posset tantum facere erga vocem sibi apparentem, quod vellet sibi obedire et portare nuncium regi suo,

Respondit quod nescit si vellet obedire, nisi esset voluntas Dei et quod Deus consentiret. Et, si placeat Deo, ipse bene poterit facere revelari regi. Et de hoc ipsa esset bene contenta.

Interroguee pourquoy elle ne sçait maintenant parler avecques son roy, comme elle faisoit quand elle estoit en sa presence,

Respond qu’elle ne sçait si c’est la volunté de Dieu.

Interrogata quare ipsa vox non sic loquitur modo cum rege suo, sicut faciebat quando eadem Johanna erat in eius presentia,

Respondit quod nescit si sit voluntas Dei. XXXV

Item, dit que, se n’estoit la grace de Dieu, elle ne pourroit riens faire.

Item, dixit quod, nisi esset gracia Dei, ipsa nesciret aliquid facere. XXXVIII

Interroguee si son conseil luy a point revelé que elle eschappera,

Respond : Je le vous ay a dire.

Interrogata si suum consilium eidem revelavit si ipsa evadet a carceribus,

Respondit : Je le vous ay a dire ?

Interroguee se ennuict celle voix luy a point donné d’advis et de conseil de ce qu’elle debvoit respondre,

Respond : Se elle luy en a revelé ou dit quelque chose, elle ne l’a pas bien entendu.

Interrogata si hac nocte vox dederit ei consilium de eis de quibus erat responsura,

Respondit quod, si dicta vox eidem revelaverit, ipsa non bene intellexit illud.

104105Interroguee se, a ses deux jours que dernièrement elle a ouy ses voix, se il y est venue lumière,

Respond que au devant de la voix vient clarté.

Interrogata si, in istis duobus diebus in quibus ultimo ipsa audivit dictas voces, si cum eis venerit lumen,

Respondit quod in nomine vocis venit claritas.

Interroguee se avecques les voix elle voit quelque chose,

Respond : Je ne vous dys pas tout ; car je n’en ay congié ; et aussi mon serment ne touche pas cela ; mais je vous dy qu’il y a voix bel, bonne, et digne ; et n’en suis point tenue d’en respondre.

Pour ce qu’elle demanda a veoir par escript les poins sur lesquelz on la vouloit interroguer.

Interrogata si cum voce ipsa videt ali quam rem,

Respondet : Ego non dico vobis omnia ; et non habeo de hoc licenciam. Et quod suum iuramentum non tangit illa.

Item, dixit quod vox illa est pulcra, bona et digna ; et quod, de eis que petuntur ab ea, non tenetur respondere.

76 Interroguee se la voix a veue ; c’est assavoir, si elle a des yeulx80,

A quoy, elle respond : Vous ne l’avez pas encoire.

Interrogata si vox que venit ad eam habet visum, scilicet oculos ; et hoc eidem petebatur quia ipsa Johanna peciit habere in scriptis puncta ad que ipsa non respondebat,

Ad quod respondet : Vos non habebitis adhuc illud ; gallice : Vous ne l’avez pas encore.

Item, dit que le dict des petis enfans est que on pend bien aulcunes foys les gens pour dire verité.

Item, dixit quod dictum parvorum puerorum est quod aliquando gentes suspenduntur pro dicendo veritatem. LX

Interroguee sy elle sçait qu’elle soit en la grace de Dieu,

Respond : Se je ny y suis, Dieu m’y veuille mettre ; et se je y suis, Dieu m’y veuille tenir81.

Item, interrogata utrum ipsa scit quod est in gratia Dei,

Respondit quod, si ipsa non sit, Deus ponat ; et, si ipsa sit, Deus eam teneat.

Item, dit que, se elle sçavoit qu’elle ne fust en la grace de Dieu, qu’elle seroit la plus dolente du monde. Dit oultre, si elle estoit en péché, que la voix ne viendroit point a elle. Et vouldroit que chascun l’entendist aussy bien comment elle.

Et dixit quod esset multum dolens si sciret se non esse in gracia Dei.

Dixit ulterius : si ipsa esset in magno peccato, credit quod vox non veniret ad eam. Et vellet quod quilibet intelligeret vocem suam, ita bene sicut ipsa facit. XXXIX

Item, dit qu’elle cuide qu’elle estoit en aage de XIII ans quand la voix luy vint la premiere foys.

Item, confessa est quod, prima vice qua vox venit ad eam, ipsa erat etatis annorum XIII, vel eo circa.

Interroguee se en sa jeunesse elle alloit se esbattre avecq les aultres aux champs,

Dit qu’elle y a bien esté aulcunes foys. Mais ne sçait en quel aage.

Interroguee sy ceulx de Dompremy tenoyent le party des Bourguygnons ou Armignat82,

Respond qu’elle ne congnoissoit que ung Bourguygnon83, qu’elle eust bien voulu qu’[il]84 eust eu la teste couppee ; voire, se il eust pieu a Dieu.

Item, interrogata si illi de Dompremi tenebant partem Burgundorum vel aliorum,

Respondit quod ipsa nesciebat in illa villa nisi unicum Burgundum, quem voluisset habere caput abscisum, tamen si placuisset Deo.

Interroguee si a Marcy85, ilz estoyent Bourguygnons ou Armignacz,

Respond qu’ilz estoyent Bourguygnons.

77 Interroguee se la voix luy dist en sa jeunesse qu’elle hayst les Bourguygnons,

Respond que, depuis qu’elle entendit que les voix estoyent pour le roy de France, elle n’a point aymé les Bourguygnons.

Interrogata si vox dixit ei in iuventute quod ipsa odiret Burgundos,

Respondit quod, postquam intellexit voces quod erant pro rege Francie, non dilexit Burgundos. XXXVIII

Item, dit que les Bourguygnons auront la guerre, se ilz ne font ce qu’ilz doibvent ; et le sçait par la voix.

Item, dicit quod Burgundi habebunt guerram, nisi faciant quod debent ; et hoc scit per voces.

106107Interroguee se en son jeune aage elle eut voix que les Angloys debvoyent venir en France,

Respond que ils estoyent ja en France quand ilz commencerent a venir.

Interrogué se elle fut oncques avecques les petis enfans qu’ilz se combatoyent pour le party des Angloys et des Françoys,

Respond que non, dont elle ait memoire. Mais a bien veu que aulcuns de ceulx de leur ville s’estoyent combatus contre ceulx de Marcy, en revenoyent aulcunes foys bien blecez et saignans.

Interroguee si en son jeune aage, elle avait grande intention de persecuter les Bourguygnons,

Respond qu’elle avoit bonne volunté que le roy eust son royaulme.

Interroguee se elle eust bien voullu estre homme, quand elle sceut qu’elle debvoit venir,

Dit que autresfoys y avoit respondu.

Interroguee si elle menait point les bestes aux champs,

Dit qu’elle a respondu ; et que, depuis qu’elle a esté grande, et qu’elle a eu entendement, ne les gardoit pas ; 78 mais aidoit bien a les conduire es prez en ung chastel, nommé l’Isle, pour doubte des gens d’armes ; mais de son jeune aage, si elle les gardoit ou non, n’en a pas la mémoire.

Item, interrogata si ducebat greges ad campos,

Dixit se super hoc respondisse. Et ultra hoc dixit quod, postquam fuit adulta et habuit discrecionem, communiter non custodiebat bestias ; sed bene iuvabat ad eas conducendum ad prata et unum castrum, dictum Insula, propter metum gencium armorum. Sed, si in iuvenili etato sua custodierit bestias vel non, non recordatur.

Item, interroguee de l’arbre,

Respond que assez prez de Dompremy d’ung arbre qui [un blanc] se appelle l’arbre des Dames ; et les aultres l’appellent l’arbre des Fees ; et auprez a une fontaine ; et a ouy dire que les gens malades des fiebvrez en boyvent ; et mesmes en a veu aller quérir pour en guarir. Mais ne sçait se ilz en garissoyent ou non.

Requisita… de arbore, etc.

Respondit quod, satis prope [villam]86 de Dompremi, est quedam arbor, vocata arbor Dominarum, quam quidem appellant : l’arbre des Faees ; juxta quam est quidem fons. Et audivit dici quod infirmi febribus ex eo bibunt ; et ipsamet bibit ; et veniunt quesitum de aqua fontis huiusmodi pro sanitate habenda. Sed nescit si inde sanentur vel non. V

Item, dit qu’elle a ouy dire que les malades, quand ilz se pevent lever, vont a l’arbre pour leur esbattre ; et dit que c’est ung grand arbre, nommé fou, dont vient de beau may ; et souloit estre a messyre Pierre de Bolemont.

Interrogata de arbore,

Dixit quod audivit dici, quod, dum infirmi possunt se levare, vadunt ad arborem pro se spaciando ; et est una magna arbor, nominata fagus, a qua provenit le beau May, gallice ; et solebat dicta arbor pertinere domino Petro de Bourlemont.

Item, qu’elle alloit aucunes foys avecques les aultres jeunes filles en temps d’esté ; et y faisoit des chappeaux pour Nostre Dame de Dompremy.

Item, quod aliquando ibat spaciatum cum aliis iuvenculis tempore estivali ; et ibi faciebat serta pro Nostra Domina de Dompremi.

Item, dit qu’elle a ouy dire a plusieurs anciens, non pas de son lignaiges, que les fees y reperoyent ; et a ouy dire a une nommee Jhenne, femme [du maire de la ville de Dompremy]87, sa marraine, qu’elle les avoit veues la. Se il estoit vray, elle ne sçait.

Item, quod audivit dici a pluribus antiquis, non de suo genere, quod fata ibi frequentent ; et audivit eciam dici a quadam nominata Johanna, uxore Maioris Aubery de villa, matrina sua, quod viderat ibidem dictas fatales. Quod si verum sit, nescit.

Item, dit qu’elle ne veit jamais fee, qu’elle saiche, a l’arbre, ne ailleurs.

Item, dixit quod nunquam ibidem vidit dicta fata, quod sciat. Et, si viderit alibi, nescit.

Item, dit qu’elle avoit veu mectre es branches dudit arbre des chappeaux par les jeunes filles ; et elle mesmes 79 y en a mys avecques les 108109aultres filles. Et aulcunes foys les emportoyent ; et aulcunes foys laissoyent.

Item, dixit quod vidit apponi frondibus dicte arboris serta per iuvenculas ; et quod ipsamet ibidem apposuit cum aliis filiabus. Et eadem aliquando importabat, et aliquando dimictebat.

Item, dit que, depuis qu’elle sceut qu’elle debvoit venir en France, elle feit pou d’esbattemenz ; et le moins qu’elle peut. Et ne sçait point que, depuis qu’elle eut entendement, qu’elle ait dansé prez dudit arbre. Mais aulcunes foys y peult bien avoir dansé avecques les enfans ; mais y avoit plus chanté que dansé.

Dixit ulterius quod, postquam scivit quod debebat venire in Franciam, paucis spaciamentis seu solaciis vacavit ; et minus quam potuit. Nec scit si coreizaverit iuxta arborem postquam habuit discrecionem. Tamen antea bene potuit coreizavisse iuxta arborem cum pueris, et ibidem plus cantavit quam coreizavit.

Item, dit bien qu’il y a ung bosc, que on appelle le Bosc Chesnu88 que on voit de l’huys de son pere ; et y a petite espace non pas d’une lieue ; mais qu’elle ne sçait ne ouyt oncques dire que les fees y repperassent.

Preterea dixit quod est quoddam nemus vocatum Nemus Canutum, [quod videtur]89 ab hostio domus patris ; et ab inde distat per dimidiam leucam.

Dicit eciam quod nescit nec audivit quod ibidem, videlicet in dicto nemore, fata frequentarent.

Item, dit qu’elle a ouy dire a son frere que on disoit au pays qu’elle avoit prins ses revelacions a l’arbre et es fees. Mais non avoit. Et luy disoit bien le contraire.

Tamen bene audivit dici a fratre suo, postquam recessit de patria sua, quod illic dicebatur quod ipsa Johanna ceperat factum suum ad arborem fatarum. Quod non fecerat ; et dicto fratri suo contrarium dicebat.

Et dit oultre, quand elle vint devers le roy, que aulcuns demandoyent si en son pays avoit point de boys que on appelast le Boys Chesnu. Car il y avoit prophecies qui disoyent que de devers le Boys Chanu debvoit venir une pucelle qui venoit faire merveilles ; mais en ce n’a point adiousté de foy.

Item, dixit quod, quando venit apud regem suum, aliqui petebant ab ea.si in ipsa patria sua erat aliquod nemus voca tum Nemus Canutum ; quia erant prophetie que dicebant quod de versus Nemus Canutum debebat venire quedam puella, que debebat facere mirabilia. Sed in hoc non adhibet fidem. VI

Interroguee se elle vouldroit avoir habit de femme,

Respond : Si vous m’en voulez donner congié, baillez m’en ung, et je le prendray, et m’en yray. Et aultrement non. Et suis contente de cestuy cy, puisqu’il plaist a Dieu que je le porte.

Item, interrogata si vellet habere habitum mulieris,

Respondit : Si velitis michi dare licenciam, tradatis michi unam vestem muliebrem ; ego capiam eam, et ibo. Alias non. Et sum contenta de ista, ex quo placet Deo quod eam deferam.

80 Apprez les interrogations ainsy faictes, fut faicte assignation au mardy ensuivant, a heure de huit heures, demain. Et furent requis les assistentz de eulx y trouver ledit jour, a l’heure dicte, affin qu’ilz ne fussent point interessez90.

[Quatrième session]

[Mardi, 27 février]

[Quatrième session]

[Mardi, 27 février]

(Ch. 51-60)

Le mardy ensuivant, qui fut le XXVIIme jour du moys de febvrier, apprez le dimence de Reminiscere, en l’an mil IIII [cc] XXX, pour la quinte cession91.

Premièrement furent appelez tous les assistens ; et en leur presence fut requise ladicte Jhenne par monseigneur l’evesque de Beauvoys, de jurer et faire serment de ce que touchoit son procez.

A quoy elle respondit que voluntiers elle jureroit de ce qui toucheroit son procez ; mais non pas de tout ce qu’elle sçauroit.

Item, requisita per nos, episcopum predictum, de faciendo et prestando iuramentum de hiis que tangerent processum,

Respondit quod de hiis que tangerent processum libenter iuraret ; et non de omnibus que sciret.

Item, derechef fut requise par ledit evesque de respondre verité de tout ce qui luy seroit demandé,

Respond comme devant : Car il me semble que vous debvez estre content ; car j’ay assez juré.

Iterum nos eamdem requisivimus quatinus de omnibus que ab ea peterentur, responderet veritatem,

Respondet ut prius, dicendo : Vos debetis esse contentus. Ego satis iuravi.

110111Item, par le commandement de monseigneur de Beauvoys, maistre Jehan Beaupere commença a interroguer ladicte Jhenne, et luy demander comment elle s’est portee depuis sabmedy,

Respond : Vous voyez que je me suis portee le mieulx que j’ay peu.

Interroguee si elle jeunoit tous les jours de ce Karesme,

Respond : Cella est il de vostre procez ?

A quoy ledit Beaupere dist : Ouy. Vrayment. Il sert au procez.

Respond : Ouy, vrayement, j’ai tousiours jeuné.

81 Interroguee se, depuis sabmedy, elle a ouye sa voix,

Respond : Ouy, vrayement, beaucoup de foys.

Interroguee se sabmedy elle l’oysi en ceste salle,

Respond : Il n’est point en vostre procez.

Et apprez dit que ouy.

Interroguee que sabmedy elle luy dist,

Respond : Je ne la entendoys pas bien ; et n’entendoye chose que je vous puisse recorder, jusques au retour a ma chambre.

Interroguee qu’elle dist quant elle fut retournee a sa chambre,

Respond : Que vous respondisse hardiment.

Et dit qu’elle demandoit conseil des choses que on luy demandoit.

Item, dit ce qu’elle aura congié de nostre Seigneur de reveler, elle le dira voluntiers ; mais de ce qui touchera les revelations, touchant le roy de France, elle ne le dira pas sans congié de sa voix.

Item, dixit quod de hiis de quibus habebit licenciam a Deo de revelando ea, libenter diceret veritatem. Sed de hiis que tangunt revelaciones, tangentes regem suum, ipsa non dicet ea sine licencia sue vocis. LX

Interroguee se la voix luy a deffendu qu’elle ne dye tout,

Respond qu’elle n’a pas encoire bien entendu.

Interroguee que la voix luy dist,

Respond qu’elle demandoit conseil d’aulcunes choses, que on luy avoit demandees.

Item, interrogata quid vox dixerat ei post diem sabbali ultimate preteritum,

Respondit quod ipsa petebat illi voci consilium de aliquibus que sibi iuerant petita in iudicio.

Interroguee se elle luy donna conseil d’aulcunes choses,

Respond que d’aulcuns poins, elle a eu conseil.

Interrogata si dedit sibi consilium de aliquibus,

Respondit quod de aliquibus punctis habuit consilium.

Item, aussy que d’aulcunes choses, luy pourra l’en demander responce, dont elle ne respondra pas sans congié ; et si elle respondoit sans congié, par advanture, elle ne les auroit point 82 en garant.

Et, quand je auray congié de nostre Seigneur, je ne doubteray point a respondre ; car je auray bon garant.

Item, eciam quod de aliquibus posset sibi peti responsio de quibus non daret sine licencia.

Et si responderet sine licencia, forsan non haberet eas in garantizacionem. Et quando habebit licenciam a Domino, non formidabit dicere, quia bene habebit garantizacionem.

Interroguee se ce estoit voix d’angele ou de saincte, ou de saincte, ou de Dieu sans moyen,

Respond que la voix, c’est de saincte Katherine et Marguerite. Et leurs figures sont couronnés de belles couronnes, moult richement et moult précieusement. Et de ce j’ay congié de nostre Seigneur. Se de ce vous faictes doubte, envoyez a Poitiers, ou aultresfoys ay esté interroguee.

Item, interrogata si erat vox angeli, vel sancti aut sancte, vel Dei, sine medio, que sibi loquebatur,

Respondit quod, illa vox est sancte Katherine et sancte Margarete ; et figure earum sunt coronate pulchris coronis, multum opulenter et multum pretiose.

Et de isto, inquit, ego habeo licenciam a Domino ; et si de hoc faciatis dubium, mictatis Pictavis, ubi alias fui interrogata. XXXIV

112113Interroguee qu’elle sçait que ce sont ces deux sainctes, et si elle congnoit bien l’ung et l’autre,

Respond qu’elle sçait bien que ce sont elles ; et que elle congnoit bien l’ung et l’autre.

Item, interrogata quomodo aut qualiter ipsa scit quod sint ille due sancte Katherina et Margareta que sibi apparent et quomodo cognoscit unam ab alia,

Respondit quod bene scit quod sunt ille eedem, et bene cognoscit unam ab alia. XLV

Interroguee comme elle congnoit bien l’une et l’autre,

Respond qu’elle les congnoist par le salut qu’ilz luy font.

Item eadem interrogata quomodo ipsa bene cognoscit unam illarum sanctarum ab alia,

Respondit quod eas cognoscit per salutacionem quam ei faciunt. XXXIV

Item, dit qu’il y a sept ans que la premiere foys luy ont apris a se gouverner.

Item, dicit quod tunc erant bene septem anni quod prima vice sancte Katherina et Margareta ceperunt eam ad regendum. X

Item, dit qu’elle les congnoist mesmes, parce que ilz se nomment a elle.

Item, dixit quod easmet cognoscit per hoc quod se nominant ei. XXXIV

Interroguee se ilz vestues d’ung mesme drap,

Respond : Je ne vous en diray maintenant aultre chose. Et qu’elle n’a pas congié de le reveler.

Et se vous ne m’en croyez, allez a Poitiers.

Interrogata utrum sancte Katherina et Margareta sunt vestite eodem panno,

Respondet : Ego non dicam vobis modo aliud. Et quod de hoc revelando non habet licenciam. Et : Si non creditis michi, vadatis Pictavis.

Item, dit qu’il y a des revelacions qui vont au roy de France, et non pas a ceulx qui me interroguent.

Item, dixit quod sunt alique revelaciones que vadunt ad regem suum, et non ad eos qui eam interrogant.

Interroguee se ilz sont d’ung mesme aage,

Respond : Je n’ay pas congié de le vous dire.

Interrogata si dicte sancte, que ei apparent, sunt eiusdem etatis,

Respondet quod, de hoc dicendo, non habet licenciam.

83 Interroguee s’ilz parlent ensemble, ou l’ung apprez l’autre,

Respond : Je n’ay pas congé de le vous dire ; et toutesfoys j’en ay tous les jours conseil de toutes les deux.

Interrogata si ipse simul loquuntur, vel una post aliam,

Respondet : Quod de hoc dicendo non habet licenciam. Et tamen cotidie habet consilium ambarum illarum.

Interroguee laquelle [apparust]92 la premiere,

Respond : Je ne les congneuz pas si tost. Et l’a bien sceu aulcunes foys, mais l’a omblié. Et s’elle a conseil, le dira voluntiers ; et ce est eu registre de Poitiers.

Interrogata que illarum sibi apparuit primo,

Respondet : Ego non cognovi eas ita cito. Et aliquando bene scivit hoc ; sed Ipsa oblita est. Et, si consilium babeat de dicendo, ipsa libenter dicet. Et hoc est in registre Pictavis. LX

Item, dit aussi qu’elle a eu le conseil de sainct Michel.

Interroguee lequel vint le premier,

Respond que ce fut sainct Michel.

Interroguee se il y a gueres de temps,

Respond : Je ne vous nommes point de voix de sainct Michel, mais de grant confort.

Interrogata si sanctus Michael primo apparuit ei,

Respondit quod sic. A quo habuit confortacionem.

Nec nomino vobis vocem sancti Michaelis. Sed dico de magna confortacione eius.

Interroguee qui estoit la premiere voix qui vint a elle en l’aage de XIII ans, Respond que ce fut sainct Michel qu’elle veit devant ses yeulx ; et ne estoit pas seul ; mais estoit bien accompaigné de angelz du ciel.

Et dit oultre que elle ne vint en France, synon du commandement de Dieu.

Interrogata que erat prima vox que venit ad eam in etate XIII annorum, vel eo circa, Respondit quod fuit sanctus Michael, quem vidit ante oculos suos. Nec erat solus, sed bene erat associatus angelis celi.

Dicit ultra quod non venit in Franciam, nisi de mandate Dei.

114115Interroguee si elle veit sainct Michel et les angelz corporellement et formeement,

Respond : Je les vey de mes yeulx corporelz, aussi bien que je vous voy.

Et quand ilz se partirent de elle, elle plouroit et eust bien voulu que ilz l’eussent emportee.

Interrogata si viderit sanctum Michaelem et angelos corporaliter et formaliter,

Respondit quod oculis suis corporeis, eque bene sicut videbat assistentes in iudicio. Et, cum dicti Michael et angeli recedebant, fiebat ; et bene voluisset quod eam secura importassent.

Interroguee en quelle figure estoit sainct Michel,

Je ne vous en ay pas encoires respondu ; et n’ay point encoires congié de le dire.

Interrogata in qua figura erat sanctus Michael qui apparuit eidem,

Respondet : De hoc vobis non est adhuc responsum. Et non habeo adhuc licenciam de dicendo illud.

84 Interroguee, a celle premiere foys, que sainct Michel luy dist,

Respond : Vous n’en aurez ennuict responce.

Interrogata quid sanctus Michael prima vice ei dixit,

Respondit : Vos non habebitis huius responsionem hac nocte.

Item, dixit quod voces sibi dixerunt quod audacter respondeat.

Item, dixit quod ipsa adhuc non habet licenciam de revelando ea que sanctus Michael dixit ei ; et bene vellet quod interrogans haberet copiam libri qui est Pictavis, dummodo Deus esset de hoc contentus.

Interrogata si sanctus Michael et alie sancte dixerunt ei quod ipsa non revelaret sine licencia eorum,

Respondit : Encore ne vous en respons je pas. Et : De illo de quo habebo licenciam, libenter respondebo. Et quod, si ei prohibuerunt, ipsa non intellexit illud.

Interrogata quale signum ipsa dat, per quod sciatur quod ista sint ex parte Dei, et quod iste sint sancte Katherina et Margareta,

Respondet : Ego satis dixi vobis quod sunt sancte Katherina et Margareta. Et : Credatis michi, si velitis. LX

Item, interrogata quomodo scit facere distinccionem de respondendo de aliquibus punctis et de aliis non,

Respondit quod de aliquibus punctis petivit licenciam, et de aliquibus, habuit.

Item, dixit quod mallet distractam esse cum equis quam in Franciam venisse sine licencia Dei. XXIII

Interrogata si vox precepit ei quod caperet habitum virilem,

Respondit quod, de habitu parum quid est, et de minori ; nec cepit habitum per consilium hominis mundi ; nec eundem habitum cepit, nec fecit aliquid, quin hoc sit per preceptum Domini nostri et angelorum. XII

Interrogata si videatur sibi quod per preceptum eidem factum de accipiendo habitum virilem sit licitum,

Respondit quod omne id quod ipsa fecit, hoc est per preceptum Domini nostri ; et, si alium habitum preciperet eidem Johanne accipere, illum acciperet, ex quo hoc faceret per preceptum Dei. XIII

Nec umquam cepit huius modi habitum per ordinacionem dicti Roberti.

116117Interrogata si bene fecerit capiendo huiusmodi habitum,

Respondit quod omne illud quod fecit per preceptum Domini nostri, ipsa credit se bene fecisse, et inde exspectat bonum garantizamentum et bonum succursum.

Dixit eciam quod habebat unum ensem, quem ceperat apud Vaucoulour. XII

Interrogata si in isto casu parliculari de habitu virili ipsa credit se bene fecisse,

Respondit quod sine precepto Dei non accepit ; et quod nichil mundi fecit in hiis que fecit, quin sit ex precepto Dei. XIII

Interrogata, cum ipsa vidit vocem, si erat ibi lumen cum voce,

Respondit quod ibi erat multum de lumine de omni latere, et bene decet. X

Item, interrogata utrum erat aliquis angelus super caput regis sui, quando vidit eum primo,

Respondit : Per sanctam Mariam, si erat aliquis, ego nescio et non vidi eum.

Interrogata si ibi esset lumen,

Respondit quod ibi erant plus quam tricentum milites et quinquaginta tede, seu torchie, et hoc sine lumine spirituali ; et raro habet revelaciones, quin ibi sit lumen.

Interrogata quomodo rex suus adhibue rat fidem dictis eius,

Respondit quod ipse inde habebat bona intersignia ; et per clerum. LI

Interrogata quales revelaciones suus rex habuit,

Respondit : Vos non habebitis a me hoc, de anno isto. LX

Item, dixit quod clerici de sua parte fuerant huius opinionis, quod videbatur eis in facto eius non esse nisi bonum. LI

Interrogata si fuerit ad Sanctam Kathe rinam de Fierboys,

Respondit quod sic. Et ibi audivit tres missas una die ; et abinde recessit ad villam de Chinon. XIX

Item, dixit quod bene dixit regi suo totum una vice quod ei fuerat revelatum quia ibat ad ipsum.

Item, dixit quod misit licteras versus regem suum et ibi continebatur quod ipsa mictebat ad sciendum si ipsa intraret villam in qua ipse erat ; et quod iam ipsa ambulaverat bene centum et quinquaginta leucas, pro veniendo versus ipsum in eius auxilio ; et quod sciebat multas bonas res pro eo ; et videtur sibi quod ibi continebatur quod ipsa bene cognosceret eum inter omnes alios. XXXI

Item, dixit quod ipsa habuit unum ensem, quem a villa Turonensi vel Chinon misit quesitum apud Sanctam Katherinam de Fierboys. Qui ensis erat in terra, retro altare sancte Katherine ; et satis cito repertus fuit dictus ensis, totus ru[bi]ginosus.

118119Interrogata qualiter sciebat dictum ensem ibi esse,

Respondit quod erat in terra, rubiginosus, habens quinque cruces. Et hoc scivit per voces suas, dicens quod numquam viderat hominem per quem misit quesitum dictum ensem. Que scripsit gentibus ecclesie quod eis placeret quod ipsa haberet dictum ensem ; quem sibi miserunt ; nec erat multum profonde in terra, retro dictum altare, ut sibi videtur, verumptamen nescit proprie si hoc erat ante vel retro ; et credit quod ipsa scrip sit quod esset retro.

Item, dixit quod, statim quod fuit repertus dictus ensis, gentes ecclesie loci fricaverunt eum, et illico cecidit rubigo sine vi ; et fuit unus armarius de Turonis qui ivit quesitum dictum ensem. Et ei dederunt vaginam gentes ecclesie Sancte Katherine et illi de Turonis simul. Et fecerunt fieri duas vaginas, unam de veluto rubeo, aliam de panno aureo. Et ipsa fecit fieri unum de corio bene forti.

Dixit eciam quod, dum capta fuit, non babebat dictum ensem ; quem semper ex tunc portavit, usque quo ipsa recessit de Sancto Dyonisio.

Interrogata de benedictione, si aliquam fecerit vel fecit fieri supra dictum ensem,

Respondit quod non, nec scivisset facere aliquid.

Item, dixit quod bene dilexit predictum ensem, eo quod repertus fuerat in ecclesia Sancte Katherine, quam bene diligebat. XIX

Interrogate si posuerit ensem suum supra aliquod altare,

Respondet quod non, quod sciat ; nec quod posuerit ut esset magis fortunatus.

Interrogata si habebat ensem suum quando fuit capta,

Respondit quod non. Sed habebat unum qui fuerat captus supra unum Burgundum. XX

Dixit quod ipsa habebat ensem suum apud Lathiniacum ; et de Lathiniaco portavit ensem unius Burgundi ad Com pendium, propter hoc quod erat bonus ensis guerre, et bonus ad dandum bonas alapas, gallice : de bonnes buffes, ou de bons torchons.

Et dixit quod, ubi dimisit illum ensem, hoc non est de processu ; et nunc de hoc non respondebit. LXIII

Interrogata, quando ivit ante villam Aurelianensem, utrum ipsa habebat vexillum, seu estandart, gallice ; et cuius coloris,

Respondit quod sic, campo seminato liliis, in quo erat mundus figuratus et duo angeli in lateribus, coloris albi, de tela alba seu boucacino ; et in eo scripta erant ista nomina Jhesus Maria, ut videtur sibi ; et erat fimbriatum de serico.

Interrogata si hec nomina Jhesus Maria scripta erant sursum a latere vel deorsum,

Respondit quod in latere, ut ei videtur.

120121Interrogata quem prediligebat, ensem vel estandart, sive vexillum,

Respondit quod prediligebat l’estandart quam ensem, quadraginta vicibus.

Interrogata quis fecit sibi fieri id quod erat ibi depictum,

Respondit : Satis dixi vobis quod ego non feci aliquid, nisi per preceptum Dei.

Item, dixit quod ipsamet portabat illud estandart cum intraret in adversarios, pro evitando ne aliquem interficeret. Et dixit quod numquam interfecerat hominem. LVIII

Item, interrogata qualem societatem suas rex ei tradidit, quando eam posuit in opere,

Respondit quod decem aut duodecim mille homines ; et quod ipsa accessit Aurelianis primo ad bastildam Sancti Lupi et postea ad illam de Ponte. LIII

Interrogata ante quam bastildam fecit retrahi gentes suas,

Respondit quod de hoc non recordatur.

Dicit eciam quod bene certa erat quod levaret obsidionem Aurelianensem per revelacionem sibi factam ; et eciam hoc dixerat regi suo, antequam venerat illuc.

Interrogata si, dum venit ad insultum ante bastiliam Aurelianensem, dixerit gentibus suis quod reciperet sagittas, viretonnos et lapides bombardarum,

Respondit quod non ; ymo ibi fuerunt vulnerati bene centum vel plures. Et bene dixit gentibus suis quod non dubitarent, et quod levarent obsidionem.

Item, dicit quod in insultu bastilde Pontis, ipsa fuit lesa in collo de uno viretonno ; sed tunc habuit magnam consolacionem a sancta Katherina ; et sanata fuit infra XV dies ; nec propter hoc dimisit equitare aut operari.

Interrogata si presciebat quod ipsa lederetur,

Respondit quod hoc sciebat bene et dixerat regi suo ; sed, hoc non obstante, non desisteret operari ulterius. Et hoc fuerat sibi revelatum per voces sanctarum Katherine et Margarete.

Dicit eciam quod ipsa fuit prima que posuit scalam sursum in bastildam Pontis ; et in eam levando, lésa fuit in collo de uno viretonno. XXXIII

Interrogata quare ipsa non recepit tractatum cum capitaneo de Gergueau,

Respondit quod domini de parte sua responderunt Anglicis quod ipsi non haberent terminum quindecim dierum quem petebant ; sed recederent cum suis equis in hora tunc presenti. Et quantum ad ipsam, dixit eis quod recederent in suo gippone seu tunica, vita eorum salva, si vellent ; alias caperentur de insultu.

Interrogata si habuerit deliberacionem cum consilio suo, videlicet cum suis vocibus, utrum daret eis terminum an non,

Respondit quod de hoc non habet memoriam. XVIII

122123[Cinquième session]

[Jeudi, 1er mars]

[Cinquième session]

[Jeudi, 1er mars]

(Ch. 60-68)

Interrogata utrum habuerit licteras a comite Armignaci, mencionem facientes cui de tribus contendentibus de papatu deberet obedire,

Respondit quod ipse comes scripsit ei quasdam licteras super isto casu. Ad quem casum responsum dedit, inter cetera, quod, quando esset Parisius, vel alibi in requie, ipsa daret responsum. Et tunc volebat ascendere equum, quando illud responsum dedit.

Post quorum comitis et Johanne licterarum lecturam, fuit interrogata si erat responsum suum,

Respondit quod cogitabat se fecisse illud responsum, scilicet partem sed non totum.

Interrogata si dixerit scire per consilium Regis regum id quod debebat credere super hoc,

Respondit quod de hoc nichil sciebat.

Interrogata si faciebat [dubium]93 cui ipse comes debebat obedire,

Respondit quod de hoc nesciebat quid mandare cui debebat obedire ; eo quod ipse petebat scire cui Dominus noster, volebat quod ipse obediret. Sed quantum ad eam, ipsa tenet et credit quod debetur obedire domino nostro pape Romano.

Item, dixit quod nuncio dixit aliud quod non est contentum in licteris. Et ni si cito recessisset proiectus fuisset in ripariam, non tamen per ipsam.

Item, dixit quod, de hoc quod petebat scire cui obediret, secundum bene placitum Dei, ipsa respondit quod hoc nesciebat ; et mandavit ei plura que non erant scripta. Et quantum ad ipsam, ipsa credit in papa Romano.

Interrogata quare scribebat quod daret alias responsum, ex quo in papam Romanum credebat,

Respondit quod responsum quod dedit hoc fuit super alia materia quam de tribus papis.

Interrogata quid erat quod, super facto trium paparum, haberet consilium,

Respondit quod nunquam super facto trium paparum scripsit aut scribi fecit. Et medio iuramento asseruit se super hoc nunquam scripsisse aut scribi fecisse. XXVI

Dicit quod ante septennium Anglici dimictent maius pignus quam fecerint ante villam Aurelianensem ; et quod totum perdent in Franciam.

Item, dicit, ut prius, quod hoc scit per revelacionem et eque bene scit sicut quod nos, episcopus Belvacensis, eramus ante eam, gallice dicendo : Je le sçay aussi bien comme vous estes ici.

Et hec scit per revelacionem sibi factam ; et quod premissa evenient ante septennium ; et bene dolens esset quod tantum tardaretur.

124125Interrogata quo anno,

Respondit : Adhuc vos non habebitis hoc ; sed vellem quod hoc esset ante festum sancti Johannis.

Interrogata si ipsa dixerit quod istud contingeret infra festum sancti Martini hiemalis,

Respondit quod dixit quod multe res videbuntur infra festum sancti Martini ; et potest esse quod erunt Anglici qui ruent, sive prosternentur per terram.

Interrogata quid dixerit Johanni Gris custodi suo in carcere, de illo festo sancti Martini.

Respondit : Ego dixi vobis.

Interrogata per quem soit illam rem venturam,

Respondit quod per sanctas Katherinam et Margaretam. XXXIII

Interrogata si, a die martis citra, loquuta fuit cum sanctis Kalherina et Margareta,

Respondit quod sic heri et hodie ; sed nescit qua hora ; nec est dies qua non audiat eas. X

Item, interrogata si ille sancte apparent sibi semper in eodem habitu,

Respondit quod semper in una et eadem forma ; et sunt figure earum coronate opulenter ; et de aliis habitibus, ipsa non loquitur nec de robis earum scit quicquam. XLV

Item, interrogata quomodo ipsa scit quod est vir vel mulier que sibi apparet,

Respondit : Ego bene scio et cognosco illas sanctas ad voces earum ; et quod sibi revelaverunt.

Interrogata qualem figuram ipsa videt,

Respondit quod videt faciem.

Interrogata si habent capillos,

Respondet : Bonum est scire, gallice : Il est bon a savoir.

Interrogata si erat aliquid inter coronas et capillos,

Respondet quod non.

Interrogata si capilli essent prolixi et pendentes,

Respondet : Ego nichil scio.

Item, dixit quod ipsa nescit si habebant aliquid de brachiis, vel si etant alia membra figurata.

Item, dicit quod loquebantur optime et pulchre ; et eciam eas optime intelligebat.

Item, interrogata quomodo loquebantur, quando non habebant membra,

Respondit : Ego exspecto me ad Deum. XXXIV

Dixit quod vox est pulchra, dulcis et humilis ; et loquitur ydioma Francie.

Interrogata si illa vox, videlicet sancta Margareta, loquatur anglicum,

Respondit : Quomodo loqueretur angli cum ? Ipsa non est de latere Anglicorum. XLIII

125126Item, interrogata quis dederat ei anulum quem habent Burgundi,

Respondit quod pater suus vel mater sua ; et ei videtur quod in illo erat scriptum : Jhesus Maria. Sed nescit quis fecit ea scribi ; nec erat in eo lapis, ut videtur ei ; et sibi fuit datus apud Dompremi.

Dixit eciam quod frater suus dedit ei anulum, quem nos, episcopus, habemus ; de quo nos onerat, ut illum offeramus ecclesie.

Item, dixit quod de nullo anulorum suorum curavit seu sanavit aliquam personam. XX

Item, interrogata si sancte Katherina et Margareta loquute sunt cum ea sub arbore,

Respondit se nichil de hoc scire.

Et iterato interrogata si ad fontem dicte sancte fuerant loquute sibi,

Respondit quod sic ; et ibi eas audivit. Sed quid tunc sibi dixerunt, nescit.

Iterum interrogata si aliquid promise runt ei ibi vel alibi,

Respondit quod non fecerunt sibi aliquod promissum, nisi de licencia Domini nostri. V

Item, interrogata qualia promissa sancte Katherina et Margareta fecerunt sibi,

Respondit : Hoc non est ex processu vestro ex toto.

De aliquibus rebus, dixerunt sibi quod rex suus restitueretur in regnum suum, velint adversarii sui aut non. XXXIII

Item, dixit quod predicte sancte promiserunt sibi eam ducere in paradisum ; quod eciam ab eis requisivit. XLIV

Interrogata si aliud promiserint ei quam ducere eam in paradisum,

Respondet quod sunt alique promissiones, sed non dicet eas. Et dixit quod hoc non tangit processum.

Item, dixit quod infra tres menses, ipsa dicet aliam promissionem.

Interrogata si dicte sancte dixerunt ei quod infra tres menses liberabitur a carcere,

Respondit : Illud non est de processu vestro ; et tamen nescit quando ipsa liberabitur.

Item, dixit quod illi qui vellent eam aufierre de isto mundo, poterunt bene ire ante.

Item, interrogata utrum consilium suum dixerit ei quod liberabitur a carcere,

Respondit : Infra tres menses loquamini mecum et ego vobis inde respondebo.

Et dixit ultra quod peteretur ab assistentibus per iuramentum eorum si hoc tangebat processum.

Et postea, habita deliberacione assisten cium, qui omnes deliberaverunt quod hoc tangebat processum,

Ipsa dixit : Ego semper bene dix ! vobis quod vos non scietis totum.

Et ad istud dixit : Oportebit semel quod ego sim expedita ; et volo habere licenciam de dicendo. Et super hec petivit dilacionem.

128129Interrogata si sancte prohibuerunt ne ipsa diceret verilalem,

Respondit : Vultis vos quod ego dicam illud quod vadit ad regem Francie ?

Item, dixit quod multa sunt ibi que non tangunt processum. LX

Item, dixit quod bene scit quod rex suus lucrabitur regnum ; et quod eque bene scit, sicut scit nos illic esse. XXXIII

Item, dixit quod fuisset mortua, nisi fuisset revelacio que confortat eam cotidie. LXIII

Interrogata quid fecit de sua mendragora,

Respondit quod nunquam habuit ; sed quod audivit dici unam esse iuxta villam suam ; nec unquam vidit aliquam.

Item, audivit dici quod est res periculosa et mala ad custodiendum ; quam nescit de quo serviat.

Interrogata de loco in quo est illa de qua audivit loqui,

Respondit se audivisse quod est in terra iuxta arborem, sed nescit locum. Sed audivit dici quod supra locum illum est quedam arbor, que dicitur corilus.

Interrogata de quo servit huiusmodi mendragora,

Respondit se audivisse dici quod facit venire argentum ; sed in hoc non credit ; et de hoc voces sue nunquam ei dixerunt quicquam. VII

Item, interrogata in qua figura erat sanctus Michael,

Respondit quod non vidit ei coronam ; et de suis vestimentis, nichil scit.

Interroguee se il estoit nud,94

Pensez vous, respond, que nostre Seigneur n’ait de quoy les vestir ?95

Interrogata, si ipse sanctus Michael erat nudus,

Respondit : Cogitatis vos quos Dominus noster Jhesus non habeat de quo vestire ipsum ? XXXI

Interrogata si sanctus Michael habeat capillos,

Respondit : Quare habuisset abscissos ? Et non vidit ipsum sanctum Michaelem, postquam ipsa recessit a Castro de Croteyo ; et non videt eum sepe. LXIII

Interroguee se ledit sainct Michel avait balance,

Respond : Je n’en sçays rien.

Item, dit qu’elle a grand joye quand elle le voit ; et dit qu’il luy est advis, quand elle le voit, qu’elle n’est pas en peché mortel.

Item, dixit quod habet magnum gaudium quando videt vocem suam. Et dixit quod videtur ei quod, quando videt eam, non est in peccato mortali.

Item, dit que saincte Katherine et saincte Margueritte la font voluntiers confesser ; c’est assavoir, de foys a aultre.

Item, dixit quod sancte Katherina et Margareta libenter faciunt eam interdum confiteri.

Item, dit que, si elle est peché mortel, elle ne sçait.

Item, dixit quod, si est in peccato mortali, ipsa nescit.

Interroguee quand elle se confesse, si elle cuide estre en peché mortel aulcunes foys,

Respond qu’elle ne sçait se elle y a esté ; mais n’en cuide point avoir fait les œuvres. Et ja ne plaise a Dieu que je y fusse oncques. Et ja ne 130131plaise a Dieu que je faces les œuvres, ou que je les ayes faictes, par quoy mon ame soit chargee de peché mortel.

Interrogata utrum ne credat esse aliquando in peccato mortali quando confitelur,

Respondit quod nescit si fuerit ; nec credit se fecisse opera peccati mortalis.

Et non placeat Deo, inquit, quod ego umquam fecerim ; nec placeat eciam Deo quod ego faciam opera. Vel quod ego fecerim, per que anima mea sit onerata. XXXIX

Interroguee quel signe elle donna a son roy pour luy monstrer qu’elle venait de par Dieu,

Respond : Je vous ay tousiours respondu que vous ne me le tirerez ja de la bouche. Allez luy demander.

Item, interrogata quale signum dedit regi suo quod veniebat ex parte Dei,

Respondet : Ego vobis semper respondi quod non illud vos iam extraheretis michi ab ore. Vadatis sibi petitum !

85 Interroguee se elle a juré non reveler ce qu’on luy demandera touchant le procez,

Respond : Je vous ay autresfoys dit ce qui touche le roy, je ne le vous diray pas ; mais ce qui touche le procez et la foy, je le vous diray.

Interrogata si iuravit non reoelare illud quod sibi peteretur tangens processum,

Respondit : Ego vobis alias dixi quod illud quod vadit ad regem nostrum, ego non dicam vobis.

Interroguee si elle sçait point le signe,

Respond : Vous ne ne le sçaurez pas de par moy.

Interrogata utrum sciat signum predictum, Respondit : Vos non scietis hoc de me.

Item, luy fut dit que ce touche le procez,

Respond : Je le diray voluntiers ; mais de ce j’ay promis tenir bien secret, je ne le vous diray point.

Je l’ay promis en tel lieu que je ne le vous puis dire sans moy pariurer.

Item, fuit ei dictum quod hoc tangebat processum.

Respondit : De hoc quod ego promisi bene tenere secretum, ego non dicam vobis.

Et dixit ultra : Ego promisi in tali loco quod non possum vobis dicere sine periurio.

Interroguee a qui elle a promis,

Respond que a saincte Katherine et saincte Margueritte ; et ce fut monstré au roy.

Interrogata cui hoc promisit,

Respondit quod sanctis Katherine et Margarete ; et hoc fuit monstratum regi suo.

Item, dit qu’elle leur promist sans qu’ilz la requist. Et a la requeste d’elle qui parle ; et dit que trop de gens luy eussent demandé, s’elle ne l’eust promis.

Item, dixit quod eis promisit illud, absque hoc quod eam requirerent ; et fecit hoc ipsa Johanna, propria sponte.

Et dixit quod nimis multe gentes petivissent illud signum ab ea, nisi illis sanctis hoc promisisset.

Interroguee si en la compaignie ou elle monstra le signe, se il y avoit aultre personne que le roi,

Respond : Je pense que il n’y avoit aultre personne que luy ; combien que assez prez il y avoit assez de gens.

Interrogata si in societate, quando monstravit signum regi suo, erat alius quam ipse,

Respondit : Ego cogito quod non erat alius quam ipse ; quamvis satis prope essent multe gentes.

Interroguee si elle veit point de couronne sur la teste du roy, quand elle monstra le signe,

Respond : Je ne le vous puis dire sans moy pariurer.

Interrogata si viderit ne coronam super caput regis sui, quando ipsa ostendit sibi signum,

Respondit : Ego non possum hoc vobis dicere hoc sine periurio. LX

86 Interroguee se il avoit couronne a Rains,

Respond que elle pense que celle qu’il trouva a Rains, il la print en gré. Mais une bien riche luy fut apportee apprez luy. Et le feist pour haster a la requeste de ceulx de la ville, pour éviter la charge des gens d’armes ; et, s’il eust actendu, il eust esté couronné en une plus riche mille foys.

Item, interrogata si rex suus habebat coro nam Remis,

Respondit quod cogitat quod rex suus cepit gratanter illam quam invenit Remis. Sed una bene opulenta fuit apportata post eum. Et illud fecit pro festinando factum suum, ad requestam illorum de villa, pro evitando onus hominum armorum. Et si ipse expectasset, ipse fuisset coronatus una corona diciori millesies.

Interroguee se elle a veue la couronne qui est plus riche,

Respond : Je ne le vous puis dire, sans moi pariurer ; et se je ne l’ay veue, je ay ouy dire qu’elle est ainsy riche.

Interrogata si Diderit illam coronam diciorem,

Respondit quod non potest dicere sine pariurando. Et si non viderit, ipsa audivit dici quod est sic opulenta.

Et apprez les interrogations ainsy faictes, fut faicte assignation a tous les assistens au sabmedy ensuivant a l’heure de huit heures de mattin. Et furent requis lesdits assistentz de eulx y trouver au jour et a l’heure dessus dits qu’ilz ne fussent interessez, c’est a dire sur certaines peines96.

132133[Sixième session]

[Samedi, 3 mars]

[Sixième session]

[Samedi, 3 mars]

(Ch. 69-86)

Le sabmedy ensuivant, qui fut le IIIme jour de mars, pour la sixme cession, comparut ladicte Jhenne. Et fut requise et priee par les assistens de jurer simplement et absolutement de dire verité de tout ce qui luy sera demandé.

Respond : Je suis preste de jurer, ainsi que autresfoys j’ay juré.

Et puis jura sur les sainctes Euvangiles.

Item, derechef par le commandement de monseigneur l’evesque de Beauvoys, ledit maistre Jehan Beaupère interrogua ladicte Jhenne97 en luy recitant qu’elle avoit dit que sainct Michel avoit aelles ; et avecq ce, de saincte Katherine et Marguerite qu’elle ne avoit point parlé du corps ou membres.

Respond : Je vous en ay dit ce que je sçay ; et ne vous en respondray aultre chose.

87 Item, dit qu’elle les a si bien veues qu’elle sçait bien qu’ilz sont saincts et sainctes en paradis.

Dixit de sanctis Katherina et Margareta et aliis apparentibus sibi quod sic bene vidit eos, quod ipsa scit ipsos esse sanctos et sanctas in paradiso. XLV

Interroguee si elle a veu aultre chose que le visaige,

Respond : Je vous en ay dit ce que j’en sçays. J’aymeroye mieulx que me feissez trencher le col.

Item, dit que tout ce qu’elle sçait touchant le procez, elle le dira voluntiers.

Interroguee se sainct Michel et sainct Gabriel ont testes naturellement,

Respond : Ouy a mes yeulx. Et croy que se soyent ilz, aussy fermement comme Dieu est.

Item, interrogata si credat quod sancti Michael et Gabriel habeant capita materialia,

Respondit quod oculis suis vidit eos ; et credit quod sunt ipsi, eque firmiter sicut Deus est.

Interroguee s’elle croit que Dieu les ait formez en ces testes esquelles les a veues,

Respond : Je les ay veues en mes yeulx. Je ne vous en diray aultre chose98.

Interrogata si credat quod Deus formaverit eos in capitibus in quibus vidit eos, Respondit : Ego vidi eos oculis meis. Nec dicam vobis aliud.

Interroguee se elle croit que Dieu les ait formez en ces testes esquelles les a veues,

Respond que ouy.

Interrogata si credat quod Deus forma veril eos in forma et modo quibus vidit eos,

Respondit quod ita. XLVIII

Interroguee se elle croit que en celle forme et maniere Dieu les ait creés du commencement,

Respond : Vous n’en aurez aultre chose pour le present, fors ce oue i’av respondu.

Item, interrogata si credat quod in illa forma et in illo modo Deus creavit eos a principio, sicut ipsos vidit,

Respondit : Vos non habebitis aliud de presenti, preter illud quod ego respondi.

Interroguee se elle avoit veu ou sceu par revelation que elle eschapperoit,

Respond : Cela ne touche point vostre procez. Voulez vous que je parle contre moy ?

Interrogata si viderai aut sciverat per revelacionem quod ipsa evaderet,

Respondit : Illud non tangit processum vestrum. Vultis vos quod loquar contra me ?

Interroguee se ses voix luy en ont riens dit,

Respond : Cela n’est point de vostre procez. Je me actens a nostre Seigneur, qui en fera son plaisir.

13413588 Dit oultre : Par ma foy, je ne sçay l’heure ne le jour. Le plaisir de Dieu soit faict.

Interrogata si de hoc sue voces aliquid sibi dixerunt,

Respondit : Hoc non tangit processum vestrum. Ego me refero ad Dominum Deum. Et si totum pertinuisset ad vos, ego vobis dixissem totum.

Et dixit ultra : Per fidem meam, ego nescio horam neque diem. LX

Interroguee se ses voix luy ont riens dit en general,

Respond : Ouy, vrayement, ilz m’ont dit que je seray delivree. Mais ne sçay le jour ne l’heure. Et que je face bonne chere hardyment.

Interrogata si voces sue dixerunt sibi aliquid in generali de evasione sua et liberacione,

Respondit quod sic, vere dixerunt michi quod ego liberabor. Sed nescio diem neque horam. Et quod ego faciam audacter vultum bonum. XXXIII

Interroguee, quand elle vint premierement devers son roy, se il luy demanda si elle avoit revelation de muer son habit,

Respond : Je vous ay respondu ; et toutesfoys ne me souvient se il me fut demandé.

Dit que ce est en escript a Poitiers.

Interrogata si, quando venit primo ad presentiam regis sui, ipse peciit ab eadem utrum habebat per revelacionem mutare habitum suum,

Respondit : Ego vobis de hoc alias respondi. Et tamen non recordor si hoc fuerit a me petitum.

Et ulterius dixit quod hoc scriptum est Pictavis. XIII

Interroguee se les maistres qui la examinerent en l’autre obaissance, les ungs par ung moys, les aultres par troys sepmaines, se ilz la interroguerent point de la mutation de son habit,

Respond : Il ne m’en souvient.

Toutesvoyes elle dist : ilz la interroguerent ou elle avoit prins tel habillement d’homme ; et elle leur dist que ce avoit esté a Veaucouleur.

Interrogata si habeat memoriam utrum magistri qui in alia obediencia eam examinaverunt, quidam per unum mensem, et alii per tres ebdomadas, interrogauerant eam de mutacione sui habitus,

Respondit quod non reminiscitur ; tamen interrogaverunt eam ubi ipsa ceperat illud habilitamentum viri. Quibus dixit quod ceperat apud Vaucoulour.

Interroguee se ilz luy demanderent point qu’elle l’eust prins par ses voix,

Respond : Il ne m’en souvient.

Interrogata si pecierint ab ea an ceperit per suas voces,

Respondit quod non recordatur.

Interroguee, quand elle alla premierement visiter la rogne, se elle luy demanda point de cest habit,

Respond : Il ne m’en souvient.

Nec recordatur si regina sua id ipsum pecierit ab ea.

Interroguee se le roy ou la royne ou aultres de son party requirent point de meclre son habit jus et prendre habit de femme,

89 Respond : Cela n’est point de vostre procez.

Iterum interrogata si rex suas et regina ac ceteri de parte adversa requisierint eam deponere habitum suum, et sumere habitum muliebrem,

Respondit : Hoc non est de processu vestro.

Interroguee se a Beaureveoir elle en fut requise,

Respond : Ouy, vrayement. Et je respondy que je ne le mueroys point sans le congié de nostre Seigneur.

Ulterius interrogata si de hoc fuerit requisita apud Beaurevoir,

Respondit : Vere quod sic.

Et tunc respondit quod non mutaret absque licencia Domini nostri.

Item, dit que la damoiselle de Luxembourg requist a monseigneur de Luxembourg qu’elle ne fust point livree aux Angloys99.

Item, dixit quod domicella de Luxemburgo requisivit dominum de Luxemburc quod ipsa Johanna non traderetur Angli cis.

Item, dit que la damoiselle de Luxembourg et la dame de Beaureveoir luy offrirent habit de femme, ou drap a le faire ; et luy requirent qu’elle le portast.

Et elle respondit qu’elle n’en avoit pas le congié de nostre Seigneur ; et qu’il n’estoit pas encoires temps.

Item, dixit quod predicta domicella et domina de Beaurevoir obtulerunt ei habitum muliebrem, vel pannum pro faciendo illum ; requirentes ei quod illum deferret.

Quibus respondit se non habere licenciam a Domino nostro ; et quod nondum aderat tempus.

98r Item, dit que la damoiselle de Luxambourg et la dame de Beaurevoir luy offrirent abit de femme, ou drap a la faire ; et lui requirent qu’elle le portast. Et elle respondi qu’elle n’en avoit pas le congié de nostre Seigneur, et qu’il n’estoit pas encore temps.

Interroguee se messyre Jean de Pressy et aultres luy offrirent point habit de femme,

Respond : Luy et plusieurs aultres le m’ont plusieurs foys offert.

Dixit insuper quod dominus Johannes de Pressi, miles, et nonnulli alii obtulerunt ei habitum muliebrem Attrabati, et pluries petierunt ab ea si vellet mutare habitum. XVI

Interroguee se messire Jehan de Pressy et autres a Arras luy offrirent point d’abit de femme,

Respond : Luy et plusieurs autres le m’onlt plusieurs fois demandé.

136137Interroguee se elle croit qu’elle eust delinqué ou faict péché mortel de prendre habit de femme,

Respond qu’elle faict xnieulx d’obayr a servir son souverain Seigneur, c’est assavoir Dieu, que aux hommes.

Item, interrogata si credat quod deliquis set aut fecisset peccatum modale accipiendo habitum muliebrem,

Respondit quod melius facit de obediendo et serviendo Domino suo supremo, scilicet Deo. XIII

Interroguee s’elle croist qu’elle eust delinqué ou fait pechié mortel de prendre habit de femme,

Respond qu’elle fait mieulx d’obeir et servir son souverain Seigneur, c’est assavoir Dieu.

Item, dit que, si elle l’eust deu faire, elle l’eust plus tost faict a la requeste de ses deux dames, que d’aultres dames qui soyent en France, excepté la royne.

Preterea dixit quod, si debuisset mutare huiusmodi habitum, ipsa mutasset citius ad requestam predictarum duarum dominarum quam aliorum exsistentium in regno Francie ; excepta regina sua.

Item, dit que s’elle le deust avoir fait, elle l’eust plustost fait a la requeste de ces deux dames, que d’autres dames qui soient en France, exceptee sa royne.

Interroguee, quand Dieu luy revela qu’elle muast son habit, se ce fut par la voix sainct Michel, de saincte Katherine ou saincte Marguerite,

Respond : Vous n’en aurez maintenant aultre chose.

Interrogata ulterius utrum, dum Deus ei revelavit quod habitum suum mutaret, si hoc fuit per vocem sancti Michaelis vel sanctarum Katherine et Margarete,

Respondit : Vos non habebitis de hoc nunc aliud100. XVI

Interroguee se, quant Dieu luy revela qu’elle muast son abit, se ce fust par la voix saint Michiel, de saincte Katherine ou saincte Marguerite.

Respond : Vous n’en aurés maintenant autre chose.

90 Interroguee, quand son roy la mist en œuvre et elle feist faire son estandard, se les gens d’armes et aultres gens de guerre feirent faire poumonceaux en la maniere du sien,

Respond : Il est bon a sçavoir que les seigneurs maintenoyent leurs armes et non aultres.

Item, interrogata, cum rex suus primo posait eam in opere et fecit fieri suum vexillum, an gentes armorum et alie gentes guerre fecerunt fieri pannoncellos ad modum sui vexilli,

Respondit : Bonum est scitu quod domini manutenent arma sua.

Interroguee, quant son roy la mit pre mier en œuvre et elle fist faire son estaindart, se les gens d’armes et autres gens de guerre firent faire pennonceaulx a la maniere du sien,

Respond : Il est bon a savoir que les seigneurs maintenoient leurs armes.

Item, dit que les aulcuns compaignons de guerre en feirent faire a leur plaisir, et les aultres non.

Item, respondit quod aliqui socii guerre fecerunt fieri pannoncellos ad placitum eorum, et alii non.

Item, respond : Les aucuns compaignons de guerre en firent faire a leur plaisir, et les autres non.

Interroguee de quelles matieres ilz les feirent faire, se ce fut de toille ou de drap,

Respond : C’estoit de blans satins ; et y en avoit en aulcuns des fleurs de lys.

Et si dit qu’elle n’avoit que deux ou troys lances de sa compaignie ; mais les compaignons de guerre aulcunes foys en faisoyent faire a la semblance des siens, seulement pour congnoistre les siens des aultres.

Interrogata de qua materia fecerunt fieri, an de tela, an de panno,

Respondit quod hoc erat de albo satino ; et in aliquibus erant lilia. Nec erant nisi due vel tres lancee de societate sua. Sed socii guerre aliquando faciebat fieri pan noncellos ad similitudinem suorum. Nec faciebat hoc, nisi pro cognoscendo suos ab aliis.

Interroguee de quelle matiere ilz les firent faire, se ce fut de toille ou de drap,

Respond : C’estoit de blans satins, et y en avoit en aucuns les fleurs de liz. Et n’avoit que deux ou trois lances de sa compaignie ; mais les compaignons de guerre aucunes fois en faisoient faire a la semblance des siens et ne faisoit cela fors pour congnoistre les siens des autres.

Interroguee s’ilz estoyent gueres souvent renouvelez,

Respond : Je ne sçay. Quand les lances estoyent rompues, on en faisoit de nouveaux.

Interrogata si multum sepe renovabantur,

Respondit quod nescit. Et quando lancee erant rupte, tunc renovabantur pennoncelli.

Interroguee s’ilz estoient gueres souvent renouvellés,

Respond : Je ne sçay ; quant les lances estoient rompues, l’en en faisoit de nouveaulz.

Interroguee se elle dist point que les pomonceaux, qui estoyent a la semblance des siens, estoyent eureux,

Respond qu’elle leur disoit aulcunes foys : Entrez hardyment parmy les Angloys. Et elle mesme y entroit.

Interrogata si dixerit quod pennoncelli facti ad similitudinem suorum essent fortunati,

Respondit quod aliquando dicebat bene : Intretis audacter per medium Anglicorum, sive infra Anglicos. Et ipsamet ibidem intrabat.

Interroguee s’elle dist point que les pennonceaulx, qui estoient en semblance des siens, estoient eureux,

Respond : Elle leur disoit bien a la fois : Entrez hardiment par my les Anglois. Et elle mesmes y entroit.

Interroguee se elle leur dist que ilz le portassent hardy nient, et qu’ilz auroyent bon eur,

Respond que elle leur dist bien ce qui estoit venu et viendroit encoire.

Interrogata si dixerit eis quod portarent audacter et quod haberent forlunium,

Respondit quod bene dixit eis id quod venerat et adhuc erat venturum.

Interroguee s’elle leur dist qu’ilz les portassent hardiement, et qu’ilz airoient bon eur,

Respond, elle leur dist bien ce qui estoit venu et qui adviendroit encore.

Interroguee si elle metoit ou faisoit point metre de l’eaue 91 benoiste sur les poumonceaux, quand on les prenoit de nouvel,

Respond : Je n’en sçays riens ; et se il a esté faict, ce n’a pas esté de mon commandement.

Interrogata si ponebat vel apponi facie bat aquam benedidam supra aidas pan noncellos, dum eos caperet de novo,

Respondit quod de hoc nescit aliquid. Et, si fuerit factum, hoc non fuit de precepto suo.

Interroguee s’elle mectoit ou faisoit point medre de eaue benoitte sur les pennonceaulx, quant on les prenait de nouvel,

Respond : Je n’en sçay rien ; et s’il a esté fait, se n’a pas esté de son commandement.

138139Interroguee se elle y en a point veu gecter,

Respond : Cela n’est point de vostre procez. Et se elle y en a veu gecter, elle n’est pas advisee de maintenant vous en respondre.

Interrogata si viderit super eos aquam proici,

Respondit : Hoc non est de processu vestro. Et si viderit proici, non est advisata nunc de hoc respondere.

Interroguee s’elle y en a point veu gecter, Respond : Cela n’est point de vostre procès ; et s’elle en y a veu gecter, elle n’est pas advisee maintenant de en respondre.

Interroguee se les compaignons de guerre faisoyent point metre en leurs poumonceaux : Jhesus Maria,

Respond : Par ma foy, je n’en sçais riens.

Interrogata si socii guerre faciebant poni in suis pannoncellis Jhesus Maria,

Respondit, per fidem suam, de hoc nescire aliquid.

Interroguee se les compaignons de guerre faisoient point mectre en leurs pennonceaulx Jhesus Maria,

Respond : Par ma foy, je n’en sçay rien.

Interroguee se elle a point tournyé ou faict tournyer toilles, par maniere de procession, entour ung chastel101 ou eglise, pour faire des poumonceaux,

Respond que non, et n’en a riens veu faire.

Interroga[ta]102 si, circuiendo altare vel ecclesiam ad modum processionis, fecerit deferri telas, pro faciendo pennoncellos, Respondit quod non, nec de hoc quicquam fieri vidit. XX

Interroguee s’elle a point tournié ou fait tournier toilles par maniere de procession autour d’un chastel ou d’eglise, pour faire pennonceaulx, Respond que non, et n’en a rien veu faire.

Interroguee, quand elle fut devant Gergeau, que c’estoit que elle portait derrière son heaulme ; et s’il y avait aulcune chose ront,

Respond : Par ma foy, il n’y avoit rien.

Interroguee, quant elle fut devant Jargueau, que c’estoit qu’elle portait derrière son heaulme ; et s’il y avoit aucune chose ront,

Respond : Par ma foy, il n’y avoit rien.

Interroguee se elle congneust oncq frere Richard,

Respond : Je ne l’avoye oncques veu, quand je vins devant Troyes.

Item, interrogata si umquam cognovit fratrem Ricardum,

Respondit : Ego numquam videram eum, quando veni ante villam Trecensem.

Interroguee s’elle congnust oncques frere Ricard,

Respond : Je ne l’avoys oncques veu, quant je vins devant Troyes.

Interroguee quelle chere frere Richard luy feist,

Respond que ceulx de la ville de Troyes, comme elle pense, l’envoyerent devers elle, doubtans et disans qu’ilz doubtoyent que ce ne fust pas chose de par Dieu.

Et, quand il vint devers elle en approchant, il faisoit le signe de la croix, et gectoit eaue benoiste.

Et elle luy dist : Aprochez hardyment. Je ne m’envoleray pas.

Interrogata qualem vultum frater Ricardus fecit ei,

Respondit quod illi de villa Trecensi, sicut ipsa cogitat, miserunt eum erga ipsam ; dicentes quod ipsi dubitabant quod non esset res ex parte Dei.

Et, quando ipse venit erga eam, appropinquando ipse faciebat signum crucis.

Et aspergebat aquam benedictam. Et ipsa dixit ei : Appropinquetis audacter, ego non evolabo. Gallice : Je ne me envoleray pas.

Interroguee quelle chiere frere Ricard luy feist,

Respond que ceulx de la ville de Troyes, comme elle pense, l’envoierent devers elle, disans que ilz doubtoient que ce ne feust pas chose de par Dieu.

Et quant il vint devers elle, en approuchant, il faisoit signe de la croix, et gectoit eaue benoicte. Et elle luy dist : Approuchez hardiement, je ne m’envouleray pas.

92 Interroguee si elle avoit point veu ou faict faire aulcuns ymaiges ou painctures d’elle et a sa semblance,

Respond qu’elle veit a Rains103 une paincture en la main d’ung Escossoys ; et y avoit semblance d’elle toute armee, qui presentoit unes lectres a son roy ; et estoit agenouillee d’ung genouil104. Et que oncques ne veit ou feist faire aultre ymaige ou paincture en sa semblance.

Interrogata si ipsa viderai oel fieri fecerat aliquas ymagines vel picturas ad suam similitudinem,

Respondit quod ipsa Attrabati vidit unam picturam, in manu unius Scoti, que erat in similitudine eiusdem Johanne armate ; et presentabat unam licteram regi suo. Et erat ageniculata uno genu. Et dixit quod nunquam vidit vel fecit fieri aliam ymaginem vel picturam ad suam similitudinem.

98v Interroguee s’elle avoit point veu ou fait faire aucuns ymaiges ou painctures d’elle et a sa semblance,

Respond qu’elle vit a Arras une paincture en la main d’un Escot ; et y avoit la semblance d’elle toute armee, et presentoit unes lectres a son roy, et estoit agenoullee d’un genoul. Et dit que oncques ne vit ou fist faire autre ymaige ou paincture a la semblance d’elle.

Interroguee d’ung tablel qui est ciex son hoste, ou il y avoit : justice, paix et union,

Respond qu’elle n’en sçait riens.

Interrogata de quodam tabello seu quadam tabella, penes hospitem suum apud Aurelianis, in qua erant picte tres femine : Justice, Paix, Union,

Respondet quod de hoc nichil scit.

Interroguee d’un tablel chieux son hoste, ou il avoit trois femmes painctes, et escript : Justice, paix, union,

Respond qu’elle n’en sçait rien.

Interroguee si elle sçait point se ceulx de son partg agent faict service, messe ou oraison pour elle,

Respond qu’elle n’en sçait rien. Et, se ilz en ont faict service, ne l’ont point faict par son commandement ; et se ilz ont prié pour elle, il luy est advis que ilz ne ont point faict de mal.

Interrogata si ipsa sciai quod illi de sua parte fecerint servicium, missam et oracionem pro ipsa,

Respondit quod ipsa de hoc nihil scit. Et, si de ea faciunt servicium, hoc non faciunt per suum preceptum. Et si precati sunt pro ea, videtur sibi quod ipsi non faciunt malum. LII

Interroguee s’elle sçait point que ceulx de son parly aient fait service, messe, oroison pour elle,

Respond qu’elle n’en sçait rien ; et s’ilz en font service, ne l’ont point fait par son commandement ; et s’ilz ont prié pour elle, il luy est advis qu’ilz ne font point de mal.

Interroguee se ceulx de son party croyent fermement que elle soit envoyee de par Dieu,

Respond : Je ne sçay se ilz le croyent, et m’en actendz a leur couraige. Mais, se ilz ne croyent, si suis je envoyee de par Dieu.

Interrogata si illi de sua parte credant fîrmiter quod missa sit ex parte Dei,

Respondit quod nescit si hoc credant ; et de hoc se refert animo eorum. Quod si non credant, nichilominus dixit se missam ex parte Dei.

Interroguee se ceulx de son parly croient fermeement qu’elle soit envoyee de par Dieu,

Respond : Ne sçay s’ilz le croient, et m’en actend a leur couraige ; mais si ne le croient, si suis je envoiee de par Dieu.

140141Interroguee se elle cuide pas que, en croyant qu’elle soit envoyee de par Dieu, qu’ilz ayent bonne creance,

Respond : Se ilz croyent que je suis envoyee de par Dieu, ilz ne sont point abusez.

Interrogata si putet quod ipsi, credendo eam esse missam ex parte Dei, habeant bonam credulitatem,

Respondit : Si hoc credant ipsi, non sunt decepti seu abusati. XXI

Interroguee s’elle cuide pas que, en créant qu’elle soit envoyee de par Dieu, qu’ilz aient bonne creance,

Respond, s’ilz croient qu’elle soit envoyee de par Dieu, ilz n’en sont point abusez.

Interroguee se elle sçavoit point bien le couraige de ceulx de son party, quand ilz luy baisoyent les piedz et les mains et ses vestemens,

Respond : Beaucoup de gens me veoyent voluntiers. Et qu’ilz bai soyent le moins ses vestemens qu’elle povoit. Mais dit que les paovres gens venoyent voluntiers a elle, 93 pour ce que elle ne leur faisoit point de desplaisir ; mais les supportait et gardoit a son povoir.

Ad interrogatorium : si sciebat animum illorum de parte sua, dum osculabantur manus, pedes et vestes eius,

Respondit quod multe gentes videbant eam libenter. Et, cum hoc, dicit quod osculabantur vestes suas minus quam posset. Sed pauperes veniebant ad eam, ideo quod non iaciebat eis displicenciam, ymo supportabat eos pro posse suo. II

Interroguee s’elle sçavoit point bien le couraige de ceulx de son party, quant ilz luy baisoient les piez et les mains, et les vestemens d’elle,

Respond : Beaucop de gens les veoient voulentiers ; et si dit qu’ilz baisoient le moins ses vestemens qu’elle n’en povoit. Mais venoient les pouvres gens voulen tiers a elle, pour ce qu’elle ne leur faisoit point de desplaisir ; mais les supportoit a son povoir.

Interroguee quelle reverence luy feirent ceulx de Troyes a l’entree,

Respond : Ilz ne m’en feirent point.

Et dit oultre que, a son advis, frere Richard estoit quand eulx a Troyes. Mais n’est point souvenante s’elle le vist a l’entree.

Item, interrogata qualiter reverenciam illi de Trecis fecerunt ei, in ingressu,

Respondit : Ipsi non lecerunt michi reverenciam.

Et dixit ultra quia, secundum quod ei videtur, frater Ricardus intravit Trecas, quando ipsi intraverunt. Sed ipsa non recordatur, si eum viderit in ingressu.

Interroguee quelle reverence luy firent ceulx de Troies a l’entree,

Respond : ilz ne m’en firent point.

Et dit oultre que, a son advis, frere Ricard entra quant eulx a Troies ; mais n’est point souvenance s’elle le vit a l’entree.

Interroguee se il fist point de sermon a l’entree de la venue d’elle,

Respond qu’elle n’y arresta gueres, et n’y jeust oncques. Et quand au sermon, elle n’en sçait riens.

Interrogata si ipse frater Ricardus fecerit sermonem in ingressu, de adventu ipsius Johanne,

Respondit quod ipsa non diu mansit Trecis ; et nunquam ibidem iacuit. Et quantum ad sermonem, de eo nichil scit. LII

Interroguee s’il fist point de sermon a l’entree de la venue d’elle,

Respond qu’elle n’y arresta gueres, et n’y jeust oncques ; et quant au sermon, elle n’en sçait rien.

Interroguee se elle fut gueres de jours a Rains,

Respond : Je croy que nous y fusmes quattre ou cinq jours.

Interroguee s’elle fut gueres de jours a Rains,

Respond : Je croy que nous y fusmes IIII ou V jours.

Interroguee se elle y leva point d’enfant,

Respond que a Troyes en leva ung. Mais a Rains, n’en a point de mémoire, ne du Chasteau Thierry. Et aussy en leva deux a Sainct Denis. Et voluntiers mectoit nom aux filz Charles, pour l’honneur de son roy ; et aux filles Jhenne ; et aulcunes foys selon que les meres vouloyent.

Interroguee s’elle y leva point d’enfant,

Respond que a Troyes en leva ung. Mais de Rains n’a point de mémoire, ne de Chasteau Tierry. Et aussi deux en leva a Saint Denis. Et voulentiers mectoit non aux filz Charles, pour l’onneur de sonroy, et aux filles Jehanne ; et aucunes fois, selon ce que les mères vouloient.

Interroguee si les bonnes femmes touchoyent point leurs aneaux a l’anel qu’elle portait,

Respond : Mainctes femmes ont touché a ses mains et ses aneaulx. Mais ne sçait point leur couraige et intention.

Interroguee se les bonnes femmes de la ville touchaient point leurs agneaulx a l’anel qu’elle portait,

Respond : Maintes femmes ont touché a ses mains et ses agneaulx ; mais ne sçait point leur couraige ou intention.

Interroguee qui furent ceulx de sa compaignie qui prindrent papillons devant le Chasteau Thierry en son estandard,

Respond qu’il n’en fut oncques faict ou dict de leur party ; mais 94 ont esté ceulx du party de ça, qui l’ont controuvé.

Interroguee qu’ilz furent ceulx de sa compaignie qui prindrent papillons devant Chasteau Tierry en son estaindart,

Respond qu’il ne fust oncques fait ou dist de leur party ; mais ce ont fait ceulx du parti de deçà, qui l’ont controuvé.

Interroguee qu’elle feist a Rains de gens, ou son rog fut sacré,

Respond : Il y eut une livree de gans, pour bailler aux chevaliers et nobles qui la estoyent, Et y en eut ung qui perdist ses gans ; mais ne dist point qu’elle les feroit retrouver105.

Interroguee qu’elle fist a Rains des gans ou son roy fut sacré,

Respond : Il y oult une livree de gans pour bailler aux chevaliers et nobles qui a estoient. Et en y oult ung qui perdit ses gans ; mais ne dist point qu’elle les feroit retrouver.

Item, dit que son estandard fut en l’eglise de Rains ; et luy semble qu’il fust assez prez de l’aoustel ; et elle mesme luy tint ung peu ; et ne sçait point que frere Richard le tint.

Item, dixit ipsa Johanna quod suum vexillum, sive estandart, fuit in ecclesia Remensi ; et ei videtur quod satis prope de altare ; quod ipsamet parum tenuit. Nec scit quod frater Ricardus tenuerit illud. LVIII

Item, dit que son estaindart fut en l’eglise de Rains ; et luy semble que son estaindart fut assés près de l’autel ; et elle mesmes luy tint ung poy ; et ne sçait point que frere Richart le tenist.

142143Interroguee, quand elle allait par pays, si elle recepvoit souvent le sacrement de confession et de l’aoustel, quand elle venoit es bonnes villes,

Respond que ouy, aulcunes foys.

Interrogata quando ibat per patriam, si ipsa sepe recipiebat sacramentum penitencie et eucaristie, quando veniebat infra bonas villas,

Respondit : quod sic, interdum.

Interroguee, quant elle aloit par le pais, s’elle recepvoit souvent le sacrement de confession et de l’autel, quant elle venait es bonnes villes,

Respond que ouil, a la fois.

Interroguee si elle recepvoit lesdictz sacrementz en habit d’homme,

Respond que ouy ; mais ne a point de mémoire de l’avoir receu en armes.

Interrogata si recepiebat sacramenta predicta in habita virili,

Respondit quod sic, sed non recordatur recepisse in armis. XL

Interroguee s’elle recepvoit lesdiz sacremens en abit d’omme,

Respond que ouil ; mais ne a point mémoire de le avoir receu en armes.

Interroguee pour quoy elle peint la haquenee de l’evesque de Senlis,

Respond : Elle fut achaptee deux cens salutz. Se il les eut ou non, ne sçait ; mais en eust assignation, ou il en fut payé. Et si luy rescripsi que il la rairoit, s’il vouloit, et que elle ne la vouloit point ; car elle ne valoit riens pour souffrir peine106.

Interroguee pourquoy elle prinst la haquenee de l’evesque de Sentis,

99r Respont : Elle fut acchectee deux cens salus. Si les eust ou non, elle ne sçait ; mais en oult assignacion, ou il en feust paié ; et s’il lui rescrist que il la reairoit, s’il vouloit, et qu’elle ne la vouloit point ; et qu’elle ne valoit rien pour souffrir paine.

Interroguee quel aage avoit l’enfant a Laigny que elle alla visiter,

Respond : L’enfant avoit troys jours. 95 Et fut apporté a Laigny a Nostre Dame. Et luy fut dit que les pucelles de la ville estoyent devant Nostre Dame ; et qu’elle y voulsist aller prier Dieu et nostre Dame, que il luy voulsist donner vie. Et elle y alla et pria Dieu avecques les aultres. Et finablement y apparut vie, et bailla troys foys ; et puis fut baptisé ; et tantost mourut ; et fut enterré en terre saincte. Et y avoit troys jours, comme l’en disoit, que en l’enfant n’y avoit apparu vie ; et estoit noir comme sa cotte. Mais quand il bailla, la couleur luy commença a revenir. Et estoit avecques les pucelles a genoux devant Nostre Dame a faire sa priere107.

Interroguee quelle aaige avoit l’enfant a Laigny qu’elle ala visiter,

Respond : L’enfant avoit trois jours ; et fut apporté a Laigny a Nostre Dame ; et luy fut dit que les pucelles de la ville estoient devant Nostre Dame, et qu’elle y voulsist aler prier Dieu et Nostre Dame qu’ilz luy voulsist donner vie ; et elle y ala, et pria avec les autres. Et finablement il y apparut vie, et bailla trois fois ; et puis fut baptizé, et tantoust mourut, et fut enterré en terre saincte. Et y avoit trois jours, comme l’en disoit, que en l’anfant n’y estoit apparu vie, et estoit noir comme sa coste ; mais quant il baisla, la couleur lui commença a revenir. Et estoit avec les pucelles a genoulz devant Nostre Dame a faire sa priere.

Interroguee se il fut point dict par la ville que ce avoit elle faict, et que c’estoit a sa priere,

Respond : Je ne m’en enquerroye point.

Interroguee s’il fut point dit par la ville que ce avoit elle fait faire, et que ce estoit a sa priere,

Respond : Je ne m’en enqueroye point.

Interroguee se elle congnut point Katherine de la Rochelle, ou se elle l’avoit veue,

Respond que ouy, a Gergeau ; et au Montfaulcon en Berry.

Interrogata si cognovit ne Katherinam de Ruppella, seu si viderit eam,

Respondit quod sic apud Gergeau et apud Montfaucon en Berry.

Interroguee s’elle congneust point de Katherine de La Rochelle, ou s’elle l’avoit [veue]108,

Respond que ouil, a Jargueau et a Montfaucon en Berry.

Interrogué s’elle luy monstra point une femme vestue de blancq, quelle disoit qui luy apparoissoit aulcunes foys,

Respond que non.

Interrogata si ipsa Katherina monstravit eidem Johanne unam dominam, albo vestitam, que, prout dicebat, aliquociens eidem Katherine apparebal,

Respondit quod non.

Interroguee s’elle luy monstra point une dame vestue de blanc, qu’elle disoit qui luy appareissoit aucunes fois,

Respond que non.

Interroguee qu’elle luy dist,

Respond que celle Katherine luy dist qu’il venoit une femme, une dame blanche, vestue de drap d’or, qui luy disoit qu’elle alast par les bonnes villes, et que le roy luy baillast des heraulx et trompettes pour faire crier que quiconcques auroit or, argent ou tresor mucié, qu’il l’apportast tantost ; et que ceulx qui ne le feroyent, 96 et que ceulx qui en auroyent de caché, qu’elle les congnoistroit bien ; et sçauroit trouver lesdits tresors ; et que ce seroit pour payer les gens d’armes d’icelle Jhenne. A laquelle elle respondit qu’elle retournast a son mary, faire son mesnaige et nourrir ses enfans. Et, pour en savoir la verité, elle en parla a saincte Katherine et saincte Marguerite, qui luy dirent que, du faict d’icelle Katherine n’estoit que folye, et toute menterie. Escrisit a son roy 144145qu’elle luy diroit ce qu’elle en debvoit faire. Et quand elle vint, elle luy dist que du faict de ladicte Katherine n’estoit que folye et menterye. Toutesfois frere Richard voulloit que on la mist en œuvre. Ce que elle ne voulut souffrir ; dont ledit frere Richard et ladicte Katherine ne furent pas contens de elle.

Interrogata quid dicta Katherina eidem Johanne dixit,

Respondit quod dicta Katherina dixit eidem Johanne quod veniebat ad eamdem Katherinam una domina alba, vestita panno aureo ; que dicebat eidem Katherine quod iret per bonas villas, et quod rex suus traderet eidem Katherine de heraldis et trompetis, pro exclamari faciendo : quicumque haberet aurum, argentum, aut thesaurum absconditum, quod cito afferret ; et quod illi qui hoc non facerent, et qui de absconsis haberent, quod eadem Katherina bene cognosceret eos, et sciret bene invenire dictos thesauros. Et quod hoc esset pro solvendo gentes armorum dicte Johanne. Ad quod dicta Johanna eidem Katherine respondit quod ipsa Katherina rediret ad maritum suum, faceret suum mesnagium et nutriret pueros suos. Et, pro sciendo certitudinem do dicta Katherina, locuta fuit ex ea sancte Katherine vel sancte Margarete. Que dixerunt eidem Johanne quod de facto dicte Katherine, non erat nisi stulticia. Et erat totum nullum, gallice quar ce n’estoit que folie et tout neant. Et super facto dicte Katherine scripsit dicta Johanna suo regi quod eidem diceret quid ex eadem Katherina facere debebat. Et, quando ipsa Johanna venit ad presenciam sui regis, dixit ei quod erat stulticia et totum nullum de facto dicte Katherine. Tamen frater Ricardus volebat quod dicta Katherina poneretur in opere. Et valde male contenti fuerunt dicti frater Ricardus et Katherina de dicta Johanna.

Interroguee qu’elle lui dist,

Respond que celle Katherine lui dist qui venoit a elle une dame blanche vestue de drap d’or, qui luy disoit qu’elle alast par les bonnes villes, et que le roy lui baillast des heraulx et trompectes pour faire crier, quiconques airoit or, argent ou tresor mucié, qu’il apportast tantoust ; et que ceulz qui ne le feroient, et qui en aroient de muciez, qu’elle les congnoistroit bien, et sçaroit trouver lesdiz tresors ; et que ce seroit pour paier les gens d’armes d’icelle Johanne. A quoy ladicte Jehanne respondit que elle retournast a son mary, faire son mesnaige et nourrir ses enfans. Et, pour en savoir la certaineté, elle parla a saincte Marguerite ou saincte Katherine, qui luy dirent que, du fait de icelle Katherine, n’estoit que folie, et estoit tout nient. Et escript a son roy qu’elle luy diroit ce qu’il en devoit faire ; et quant elle vint a luy, elle luy dist que c’estoit folie et tout nient du fait de ladicte Katherine. Toutesvoies frere Richard vouloit que on la mist en œuvre ; et en ont esté tres mal [contens]109 d’elle lesditz frere Richart et ladicte Katherine.

Interroguee si elle parla point a ladicte Katherine de la Rochelle du faict de aller a La Charité,

Respond que ladicte110 Katherine ne luy conseilloit point qu’elle y allast ; et que il faisoit trop froit ; et qu’elle n’y debvoit point aller.

Interrogata si ne loquta fuerit Katherine de la Rochelle, de facto eundi ad Caritatem.

Respondit quod dicta Katherina non consulebat eidem Johanne quod iret. Et quod tempus erat nimis frigidum. Et quod ipsa Johanna non iret.

Interroguee s’elle parla point a Katherine de La Rochelle du fait d’aler a La Charité,

Respond que ladicte Katherine ne luy conseilloit point qu’elle y alast, et que il faisoit trop froit, et qu’elle n’yroit point.

Item, dist a ladicte Katherine, qui vouloit aller devers le duc de Bourgouingne pour faire paix, qu’il luy sembloit que on n’y trouveroit point de paix, si ce n’estoit par le bout de la lance.

Item, ipsa Johanna confessa fuit dixisse dicte Katherine, que volebat ire versus dominum ducem Burgundie, pro faciendo pacem, quod non in hoc reperiretur pax, nisi esset per butum lancee.

Item, dit a ladicte Katherine, qui vouloit aler devers le duc de Bourgongne pour faire paix, qui luy sembloit que on n’y trouveroit point de paix, se ce n’estoit par le bout de la lance.

Item, dit qu’elle demanda a [celle]111 Katherine se celle dame venoit toutes les nuicts ; et pour ce, qu’elle coucheroit avecq elle. Et y coucha, et veilla jusques a mynuict ; et ne veit rien, et puis s’endormit. Et quand vint au mattin, elle demanda c’elle estoit venue. Et luy respondit : qu’elle estoit venue, alors que elle dormoit et ne l’avoit peu esveiller. 97 Et alors luy demanda s’elle viendroit point le lendemain. Et ladicte Katherine luy respondit que ouy. Pour laquelle chose voulut dormir icelle Jhenne de jour, affin qu’elle peust veiller la nuict. Et coucha ladicte nuict ensui vant avecques ladicte Katherine, et veilla toute la nuict. Mais ne veit rien, combien que souvent demandast : Viendra elle bientost. Et ladicte Katherine luy respondist : Ouy, tantost.

Item, eadem Johanna confessa fuit petivisse a dicta Katherina si illa domina omnibus noctibus veniebat. Et propterea cubiret cum ea, prout et cubuit ; et vigilavit usque ad mediam noctem, nec aliquid vidit. Et postea se obdormivit ; et quando venit mane, ipsa peciit a dicta Katherina si ipsa domina venerat. Et dicta Katherina respondit quod ipsa domina venerat ; et tunc dormiebat dicta Johanna nec eam potuerat evigilare.

Et illo tunc dicta Johanna peciit a dicta Katherina an ipsa domina crastina die veniret ; dicta Katherina respondente quod sic. Qua de causa dormivit ipsa Johanna de die, ut vigilare posset de nocte. Et nocte sequenti pernoctavit ipsa Johanna cum dicta Katherina ; ac tota nocte vigilavit ; sed tamen nichil vidit, quamvis sepius peteret a dicta Katherina si veniret. Et dicta Katherina respondebat : Ita cito. LVI

Item, dit qu’elle demande a celle Katherine se celle dame venoit toutes les nuys ; et pour ce, coucheroit avec elle. Et y coucha, et veilla jusques a mynuit, et ne vit rien ; et puis s’endormit. Et quant vint au matin, elle demanda s’elle estoit venue ; et luy respondit qu’elle estoit venue, et lors dormoit ladicte Jehanne et ne l’avoit peu esveiller. Et lors luy demande s’elle vendroit point landemain ; et ladicte Katherine luy respondit que ouil. Pour laquelle chose dormit icelle Jehanne de jour, afin qu’elle peust veiller la nuit. Et coucha la nuit ensuivant avec ladicte Katherine, et veilla toute la nuit ; mais ne vit rien, combien que souvent lui demandast se vendra elle point. Et ladicte Katherine luy respondoit : Ouil, tantost.

Interroguee qu’elle fist sur les fossés de La Charité,

Respond qu’elle y feist faire ung assault. Et dit qu’elle n’y jecta, ne feist jecter eaue, par maniere de aspersion.

Interrogata quid ipsa fecerit supra fossata de Caritate,

Respondit quod ibi fieri fecit insultum, assault, gallice ; quodque non proiecit seu proici fecit aquam in eisdem fossatis per modum aspersionis.

Interroguee qu’elle fist sur les fossés de La Charité,

Respond qu’elle y fist faire ung assault. Et dit qu’elle n’y gecta ou fist gecter eaue par maniere de aspersion.

Interroguee pourquoi} elle n’y entra, puisqu’elle avoit commandement de Dieu,

Respond : Qui vous a dict que je avoye commandement d’y entrer ?

Interrogata quare non intravit in dictam villam, ex quo habebat preceptum Dei,

Respondit : Quis dixit vobis quod ego habebam preceptum de intrando ibi ?

Interroguee pour quoy elle n’y entra, puisqu’elle avoit commandement de Dieu,

Respond : Qui vous a dit que je avoie commandement de y entrer ?

146147Interroguee se elle en eust point de conseil de sa voix,

Respond qu’elle s’en vouloit venir en France. Mais les gens d’armes luy disrent que c’estoit le mieulx d’aller devant La Charité premierement.

Interrogata si de hoc habuit consilium cum voce sua,

Respondit quod ipsa volebat venire in Franciam ; sed gentes armorum dixerunt ei quod melius erat primitus ire ante villa de Caritate. LVII

Interroguee s’elle en oult point de conseil de sa voix,

Respond qu’elle s’en vouloit venir en France ; mais les gens d’armes luy disrent que c’estoit le mieulx d’aler devant La Charité premierement.

Interrogué si elle fut longuement en celle tour de Beaurevoir,

Respond qu’elle y fut quattre moys ou environ. Et puis dist, quand elle sceust les Angloys venir, elle fut moult courroucee ; et toutesfoys ses voix luy deffendirent plusieurs foys qu’elle ne saillist. Et en fin, pour la doubte des Angloys, saillit, et se recommanda a Dieu et a nostre Dame. Ce nonobstant, elle fut blecee. Et apprez qu’elle fut saillye, la voix saincte Katherine luy dist qu’elle feist bonne chere, et qu’elle gariroit, et que ceulx de Compieigne auroyent secours.

Interrogata utrum diu fuerit in turri de Beaurevoir,

Respondit quod ipsa fuit per quatuor menses vel circiter. Et quando ipsa scivit Anglicos venisse, fuit multum irata. Et tamen voces sibi prohibuerant multociens quod non saltaret. Et finaliter, pro timore Anglicorum, saltavit et commendavit se Deo et beate Marie. XLI

Dixit quod, postquam fuit lesa post saltum de turre de Beaurevoir, vox sancte Katherine dixit sibi quod faceret bonum vultum. Et quod sanaretur. Et quod illi de Compendio haberent succursum.

Interroguee se elle fut longuement en celle tour de Beaurevoir,

Respond qu’elle y fut quatre moys ou environ ; et dist, quant elle sceut les Anglois venir, 99v elle fut moult courroucee ; et toutesvoies ses voix luy défendirent plusieurs fois qu’elle ne saillist ; et enfin, pour la doubte des Anglois sailli et se commenda a Dieu et a nostre Dame, et fut blecee. Et quant elle eust sailli, la voix saincte Katherine luy dist qu’elle fist bonne chiere, et qu’elle gariroit, et que ceulx de Compiegne airoient secours.

98 Item, dit que elle prioit pour ceulx de Compieigne tousiours avecques son conseil.

Item, dixit quod sepe orabat pro illis de Compendio cum consilio suo. XLVI

Item, dit qu’elle prioit tousiours pour ceulx de Compiegne, avec son conseil.

Interroguee qu’il advint quand elle eut sailly, et qu’elle dist,

Respond que aulcuns disoyent qu’elle estoit morte. Et tantost que les Bourguygnons veirent qu’elle estoit en vie, ilz luy demanderent pourquoy elle estoit saillye.

Interroguee qu’elle dist, quant elle eust sailly,

Respond que aucuns disoient qu’elle estoit morte ; et tantoust qu’il apparut aux Bourguegnons qu’elle estoit en vie, ilz luy disrent qu’elle estoit saillie.

Interroguee se elle dist point qu’elle aymast mieulx fa mourir, que de estre en la main des Angloys,

Respond qu’elle aymeroit mieulx rendre l’ame que de estre en la main des Angloys.

Item, interrogata utrum ipsa dixerit quod maluisset mori quam esse in manus Anglicorum,

Respondit quod dixit quod prediligeret reddere animam Deo quam esse in manus Anglicorum. XLI

Interroguee s’elle dist point qu’elle aimast mieulx a mourir que d’estre en la main des Angloys,

Respond qu’elle aymeroit mieulz rendre l’ame a Dieu que d’estre en la main des Anglois.

Interroguee se elle se courrouça point, et si elle blasphéma point le non de Dieu,

Respond qu’elle n’en blasphema oncques ne sainct ne saincte ; et qu’elle n’a point acoustumé a jurer.

Interrogata si post saltum de turri fuit turbata et irata, et si blasphemavit nomen Dei,

Respondit quod numquam maledixit sancto vel sancte ; et quod non consuevit iurare.

Interroguee s’elle se courouça point, et s’elle blasphéma point le nom de Dieu,

Respond qu’elle n’en maugréa oncques ne saint ne saincte, et qu’elle n’a point accoustumé a jurer.

Interroguee du faict de Souessons, pour ce que le cappitaine avoit rendu la ville ; et si elle avoit point regnoyé Dieu, se elle le tenoit, qu’elle le ferait trencher en quattre pièces.

Respond qu’elle ne regnoya oncques sainct ne saincte. Et que ceulx qui l’ont dit ou rapporté, ont mal entendu.

Car oncques en sa vie ne jura ne blasphema le non de Dieu ne de ses sainctz.

Et pour ce, je vous supply, passez oultre.

Interrogata de facto Suessionensi, eo quod capitaneus reddiderat villam, et dixerat quod denegaverat Deum, si teneret eum, faceret ipsum scindi in quatluor pecias,

Respondit quod ipsa numquam denegavit sanctum nec sanctam ; et illi qui illud dixerunt male intellexerunt. XLVII

Interroguee du fait de Suessons, pour ce que le cappitaine avoit rendu la ville, et que se elle avoit regnoié Dieu, s’elle le tenoit, elle le ferait trenchier en quatre pièces,

Respond qu’elle ne regnoya oncques saint ne saincte ; et que ceulx qui l’ont dit ou raporté ont mal entendu.

Hiisque sic actis et ipsa reducta, dominus Belvacensis dixit quod, continuando pro cession, et absque discontinuacione eius dem, vocaret aliquos doctores et peritos utriusque juris divini et humant, qui recolligerent ea que recolligenda essent super confessatis et responsionibus dicte Johanne redactis in scriptis. Et, ipsis redactis, si aliqua essent super quibus adhuc esset interroganda, interrogaretur et omnia redigerentur in scriptis, ut super noc, tociens quociens esset opportunum, possint super predictis deliberare et dare suas oppiniones. Et quod quilibet ipsorum posset apud se deliberare et advisare ex 148auditis quid eis videtur faciendum in materia, ac dicta reverendo patri seu dus super hoc deputatis refjerre vel apud se retinere, ut maturius et salubrius loco et tempore passent reddere suas oppiniones, inhibendo omnibus et singulis astantibus ne recederent ab hac civitate ante finem processus, nisi de licencia eiusdem reverendi patris.

149[Interrogatoire en la prison]

[Samedi, 10 mars]

[Interrogatoire en la prison]

[Samedi, 10 mars]

(Ch. 87-102)

Le sabmedy ensuivant, d’apprez le dimence d’Oculi, Xme jour de mars, ladicte Jhenne fut requise de dire verité.

99 Respondit : Je vous prometz que je diray verité de ce qui touchera vostre procez. Je vous prie, ne me contraignez point a jurer. Car, plus me contraindrez a jurer, et plus tard vous diray verité.

Die sabbati post Occuli mei, decima mensis marcii,

Fuit requisita de faciendo et preslando veritatem,

Respondet : Je vous promet que je diray verité de ce qui touchera vostre procès ; et plus me contraindrés jurer, et plus tart vous le diray.

Interroguee en apprez par maistre Jehan de la Fontaine, par le commandement de monseigneur de Beauvoys, en ceste maniere : Par le serment que vous avez faict, quand vous venistes dernièrement a Compieigne, de quel lieu estiez vous partie ?

Respond : De Crespy en Valleys.

Interroguee postea a magistro Johanne de Fonte, de precepto et mandata domini Belvacensis sic : Par le serement que vous avez fait, quant vous venistes derrenierement a Compiegne, de quel lieu estiés vous partie ?

Respond que de Crespy en Valoys.

Interroguee, quand elle fut venue a Compieigne, se elle fut plusieurs journees avant qu’elle feist aulcune saillye,

Respond qu’elle vint a heure secrete du mattin ; et entra en la ville, sans que ses ennemys le sceussent, comme elle pense. Et ce jour mesmes, sur le soir, feist la saillye ou fut prinse.

Interroguee, quant elle fut venue a [Compiegne]112, s’elle fut plusieurs jour nees avant qu’elle feisl aucune saillie,

Respond qu’elle vint a heure secrete du matin, et entra en la ville, sans ce que ses annemis le sceussent gueires, comme elle pense ; et ce jour mesmes, sur le soir, feist la saillie dont elle fut prinse.

Interroguee se en la saillye l’on sonna les cloches,

Respond : Se on les sonna, ce ne fut point a son commandement, ou par son sceu ; et n’y pensoit point. Et si ne luy souvient s’elle avoit dist que on les sonnast.

Interroguee se a la saillie l’en sonna les cloches,

Respond, se on les sonna, ce ne fut point a son commandement ou par son sceu ; et n’y pensoit point ; et si, ne lui souvient s’elle avoit dit que on les sonnast.

Interroguee se elle feist ceste saillye du commandement de sa voix,

Respond que, en la sepmaine de Pasques derniere passee, elle estante sur les fossez de Melun, luy fut dict par ses voix, c’est assavoir saincte Katherine et saincte Margueritte, qu’elle seroit prinse avant qu’il fust la sainct Jehan, et que ainsy falloit 100 qu’il fust faict. Et qu’elle ne se esbahist. Mais qu’elle print tout en gré, et que Dieu luy ayderoit.

Interrogata si fecit exitum de Compendio de precepto vocum suarum,

Respondit quod septimana Pasche ultimo lapsa, ipsa exsistente supra fossata Meleduni, fuit ei dictum per voces sanctarum Katherine et Margarete quod caperetur ante festum sancti Johannis, et quod oportebat sic fieri. Nec de hoc stupesceret. Et quod omnia gratanter acciperet ; quodque Deus eam iuvaret.

Interroguee s’elle fist selle saillie du com mandement de sa voix,

Respond que en la sepmaine de Pasques derrenierement passé, elle estante sur les fossés de Meleun, luy fut dit par ses vois, c’est assavoir saincte Katherine et saincte Marguerite, qu’elle seroit prinse avant qu’il fust la Saint Jehan, et que ainsi failloit qui fust fait. Et qu’elle ne s’esbahist, et print tout en gré, et que Dieu lui aideroit.

Interroguee sy, depuis ce lieu de Melun, luy fut point derechef dit par sesdictes voix qu’elle seroit prinse,

Respond que ouy, par plusieurs foys, et comme tous les jours. Et a ses voix requeroit, quand elle seroit prinse, qu’elle fust morte tantost, sans long travail de prison.

Et ilz luy disrent qu’elle print en gré ; et que ainsy le falloit faire ; mais 151151ne luy disrent point l’heure ; et si elle l’eust sceu, elle n’y fut pas allee. Et [avoit]113 plusieurs foys demandé, sçavoir l’heure. Mais ilz ne luy vou lurent pas dire.

Et pria : Passez oultre.

Interrogata si, ab illo loco Meleduni, depost fuerit sibi dictum per voces suas quod caperetur,

Respondit quod sic, pluries, et quasi cotidie, aut singulis diebus. Et requirebat vocibus suis quod, dum esset capta, statim moreretur, absque longa vexacione carceris.

Que voces dixerunt ei quod caperet gratanter, et quod sic oportebat fieri. Sed non dixerunt sibi horam, quam si scivisset, tunc non ivisset. Et pluries pecierat scire horam, quam non dixerunt ei. XXXIII

Interroguee se, depuis ce lieu de Meleun, luy fut point dit par sesdictes vois qu’elle seroit prinse,

Respond que ouil, par plusieurs fois, et comme tous les jours. Et a ses voix requeroit, quant elle seroit prinse, qu’elle fust morte tantoust, sans long travail de prison.

Et ilz luy disrent qu’elle prinst tout en gré, et que ainsi le failloit faire ; mais ne luy disrent point l’eure ; et s’clle l’eust sceu, elle n’y fust pas alee ; et avoit plusieurs fois demandé, sçavoir l’eure, et ilz ne lui dirent point.

Interroguee, se ses voix luy eussent commandé qu’elle fust saillye et signifié qu’elle eust esté prinse, se elle y fut allee,

Respond que, se elle eust sceu l’heure que elle eust deu estre prinse, elle n’y fust pas allee voluntiers. Toutesfoys elle eust faict leur commandement en la fin, quelque chose que il luy en eust deu advenir.

Item, interrogata si voces sue sibi precepissent quod ipsa exivisset de Compendia, et significassent quod capta fuisset, utrum ipsa illuc ivisset ubi fuit capta,

Respondit : Si ipsa scivisset horam et quod debuisset capi, non ivisset libenter ; ta mon finaliter ipsa fecisset preceptum vocum suarum, quicquid inde sibi de buisset evenire. XXXVII

100r Interroguee, se ses voix lui eussent commandé qu’elle fust saillie et signifié qu’elle eust esté prinse, s’elle y fust alee,

Respond : S’elle eust sceu l’eure, et qu’elle deust estre prinse, elle n’y fust point alee voulentiers ; toutesvoies elle eust fait leur commandement en la fin, quelque chose qui luy deust estre venue.

Interroguee se, quand elle feist ceste saillye, se elle avoit eu voix de partir et faire celle saillye,

Respond que ce jour ne sceust point sa prinse ; et ne eust aultre commandement de yssir ; mais tousiours luy avoit esté dit qu’il falloit qu’elle fust prisonnière.

Item, interrogata si, dum fecit exitum, sive sallie gallice, de villa Compendii, in quo exitu fuit capta, an habuerat vocem revelacionis de faciendo predictum exitum,

Respondit quod illa die non prescivit suam capcionem nec habuit aliud pre ceptum excundi. Sed semper fuerat sibi dictum quod oportebat eam esse prisionariam.

Interroguee se, quant elle fit celle saillie, s’elle avoit eu voix de partir et faire celle saillie,

Respond que ce jour ne scout point sa prinse, et n’oust autre commandement de yssir ; mais tousiours luy avoit esté dit qu’il failloit qu’elle feust prisonnière.

Interroguee se, a faire saillye, elle passa par le pond,

Respond qu’elle passa par le pond et boulevert, avecques la compaignie des gens de son party, sur les gens 101 de monseigneur de Luxembourg. Et les reboutta par deux foys, jusques au logis des Bourguignons. A la tierce foys, jusques a my le chemin. Et alors les Angloys, qui la estoyent, coupperent les chemyns a elle et ses gens, entre elle et le boulevert. Et pour ce, se retrairent ses gens et elle. Et elle, en soy retirant, es champs, eu costé de Pycardye, prez du boulevert, fut prinse entre la riviere et Compieigne. Et n’y avoit seullement entre le lieu ou elle fut prinse et Compieigne, que la riviere, le boulevert et le fossé d’icelluy boulevert.

Item, interrogata utrum faciendo illum exitum ipsa transivil per pontem dicte ville Compendii,

Respondit quod sic, et per boscum reversum, bolvart gallice, et ivit cum societate gencium partis sue supra gentes domini de Luxemburgo ; quas bina vice repulit usque ad logeamenta Burgundorum ; et tertia vice usque ad medium iter. Et tunc Anglici, qui crant illic, sciderunt ei iter et gentibus suis, inter eam et dictum bolovart ; et ideo gentes sue se retraxerunt. Et ipsa, se retrahendo in campis in latere versus Picardiam, juxta bolevertum, fuit capta. Et erat ri paria inter Compendium et locum ubi capta fuerat, nec erat aliud inter locum ubi capta fuit et Compendium, nisi riparia, bolovertum et fossatum dicti boloverti. II

Interroguee se, a faire celle saillie, s’elle passa par le pont,

Respond qu’elle passa par le pont et par le boulevart, et ala avec la compaignie des gens de son party sur les gens de monseigneur de Luxambourg, et les rebouta par deux fois jusques au logeis des Bourguegnons ; et a la tierce fois, jusques a my le chemin ; et alors les Anglois, qui la estoient, couperent les chemins a elle et ses gens, entre elle et le boulevart ; et pour ce, se retrairent ses gens ; et elle, en se retraiant es champs, en costé devers Picardie, près du boulevart, fut prinse ; et estoit la riviere entre Compiegne et le lieu ou elle fut prinse ; et n’y avoit seullement, entre le lieu ou elle fut prinse et Compiegne, que la riviere, le boulevert et le fossé dudit boulevert.

Interroguee se en icelluy estandard le monde et les deux angelz y estoyent paincts,

Respond que ouy.

Item, interrogata si in illo estandart, seu vexillo, mundus est depictus, et duo angeli, etc.,

Respondit quod ita ; nec umquam habuit nisi unum.

Interroguee se en icelluy eslaindart le monde est painct, et les deux angles, etc.,

Respond que ouil, et n’en eust oncques que ung.

Interroguee quelle signifiance c’estoit que prendre eudict estandart Dieu tenant le monde et ses deux angletz,

Respond que saincte Katherine et saincte Marguerite luy dirent qu’elle print en ceste façon, et le portast hardyment ; et quelle feist metre en paincture le Roy du Ciel.

Et de la signifiance, n’en sçait aultrement.

Interrogata quale signum erat seu significacio capere Deum tenentem mundum, et illos duos angelos,

Respondit quod sancte Katherina et Margareta dixerunt ei quod ipsa caperet estandart et portaret audacter. Et quod in,eo faceret poni in pictura Regem celi. Et hoc dixit regi suo, sed valide invite, tres envis, gallice. Et de significacione, nescit aliud.

Interroguee quelle signifiance c’estoit que prendre Dieu tenant le monde, et ses deux angles,

Respond que saincte Katherine et saincte Marguerite luy dirent qu’elle prinst hardiement, et le portast hardie ment, et qu’elle fist mectrc en paincture la le Roy du ciel. Et ce dist a son roy, mais tres envis ; et de la signifiance ne sçait autrement.

Interroguee se elle avoit point d’escu et d’armes,

Respond qu’elle n’en eut oncques point. Mais son roy donna a ses freres armes. C’est assavoir ung escu d’asur, deux fleurs de lys d’or et une espee parmy. Et a devisé a ung painctre celles armes, pour ce que on luy avoit demandé quelles armes elle avoit.

Interrogata si habebat scutum et arma,

Respondit quod numquam habuit. Sed rex suus dédit fratribus suis videlicet : unum scutum azureum, ad duo lilia aurea, et unum ensem in medio. Que arma distinxit uni pictori in hac civitate Rothomagensi, quia ipse pecierat qualia arma ipsa habebat.

Interroguee s’elle avoit point escu et armes,

Respond qu’elle n’en eust oncques point ; mais son roy donna a ses freres armes. C’est assavoir ung escu d’asur, deux fleurs de liz d’or et une espee par .my ; et en ceste ville a devisé a ung painctre colles armes, pour ce qui luy avoit demandé quelles armes elle avoit.

Item, dit que ce fut donné par son roy a ses freres, a la plaisance d’eulx, sans sa requeste et sans sa revelacion.

Item, dixit quod hoc fuit datum fratri bus suis per regem suum, ad complacenciam eorum, absque eiusdem Johanne requesta et sine revelacione. LVIII

Item, dit que ce fut donné par son roy a ses freres, a la plaisance d’eulz, sans la rcqueste d’elle, et sans revelacion.

152153102 Interroguee se elle avait ung cheval, quand elle fut prinse, et s’il estoit coursier ou hacquenee,

Respond que elle estoit a cheval sur ung demy coursier.

Item, dixit quod capta fuit super unum semi-coursarium.

Interroguee s’elle avait ung cheval, quand elle fut prinse, coursier ou haquenee,

Respond qu’elle estoit a cheval, et estoit ung demi coursier celluy sur qui elle estoit quant elle fut prinse.

Interroguee qui luy avoit donné celluy cheval,

Respond que son roy ou ses gens luy donnerent de l’argent du roy.

Et si dist qu’elle avoit cinq coursiers, sans les trotiers ; ou il y en y avoit plus de sept.

Interrogata quis dedit sibi,

Respondit quod rex suus vel gentes sue dederunt ei de argento regis sui. Et habebat quinque coursarios de argento regis sui, preter trotarios quos habebat plus quam septem.

Interroguee qui luy avoit donné cellui cheval,

Respond que son roy ou ses gens luy donnerent de l’argent du roy ; et en avoit cinq coursiers de l’argent du roy, sans les trotiers, ou il en avoit plus de sept.

Interroguee si elle eut oncques aultres richesses de son roy que ses chevaulx,

Respond qu’elle ne demandoit rien a son roy, fors bonnes armes, bons chevaulx, et de l’argent a payer les gens de son hostel.

Item, interrogata si umquam habuit alias divicias a suo rege quam suos equos,

Respondit quod ipsa non petebat ali quid a rege suo nisi bona arma, bonos equos et pecunias ad solvendum gentes suas de domo sua.

Interroguee s’elle eust oncques autres richesses de son roy que ces chevaulx,

Respond qu’elle ne deinandoit rien a son roy, fors bonnes armes, bons chevaulx et de l’argent a paier ses gens de son hostel.

Interroguee se elle avoit point de tresor,

Respond que dix ou douze mil114, qu’elle avoit vaillant, n’est pas grand tresor a mener la guerre. Et que c’est pou de chose. Et laquelle somme ses freres ont eue, comme elle pense. Et dit que ce que elle en a, c’est de l’argent propre de son roy.

Interrogata utrum habebat ne thesaurum,

Respondit quod decem vel duodecim milia, que habet in valore, non est magnus thesaurus pro ducendo guerram. Et quod parum quid est. Et illa habent fratres sui, sicut ipsa estimat. Et dixit quod illa que habet sunt de pecuniis propriis sui regis. LV

Interroguee s’elle avoit point de tresor,

Respond que X ou XII mille, qu’elle a vaillant, n’est pas grant tresor a mener la guerre, et que c’est pou de chose ; et lesquelles choses ont ses freres, comme elle pense. Et dit que ce qu’elle a, c’est de l’argent propre de son roy.

Interroguee quel est le signe qui vint a sont roy,

Respond qu’il est bel, honorable et bon, et le plus riche qui soit.

Item, interrogata quod est signum quod venit ad regem suum,

Respondit quod illud est pulchrum et honorabile et bene credibile ; et quod est bonum et opulencius quod sit aut reperiatur ; gallice : le plus riche qui soit.

Interroguee quel est le signe qui vint a son roy,

Respond que il est bel et honnouré, et bien creable, et est bon, et le plus riche qui soit.

Interroguee pourquoy elle ne veult aussi bien dire et monstrer le signe dessusdit, comme elle voulut avoir le signe de Katherine de la Rochelle,

Respond que, se le signe de Katherine eust esté aussi bien monstré devant notables gens d’Eglise, c’est assavoir archevesques ou evesques, comme le archevesque de Rains et aultres evesques, dont elle ne sçait les nons. Et mesmes y estoit Charles de Bourbom, 103 le syre de la Trimouille, le duc d’Alençon et plusieurs aultres chevalieres, qui le veirent et ouyrent aussi bien, comme elle voit ceulx qui parloyent a elle aujourd’huy, comme celluy dessusdict estre monstré, elle n’eust point demandé savoir le signe de ladicte Katherine. Et toutesfoys elle sçavoit au devant par saincte Katherine et saincte Margueritte, que, du faict de ladicte Katherine de la Rochelle, c’estoit tout néant.

Interrogata quare non vult ita bene dicere et ostendere signum predictum, sicut voluit habere signum a Katherina de la Rochelle,

Respondit quod, si signum ipsius Katherine fuisset ita bene ostensum sicut signum predictum coram notabilibus personis ecclesiasticis et aliis, archiepiscopis et episcopis, scilicet coram archiepiscopo Remensi et aliis episcopis, quorum nescit nomina. Et ibimet erant Karolus de Borbonio, dominus de la Trimoilla, dux Alenconii, et plures alii milites, qui viderunt et audiverunt ita bene, sicut ipsa videt eos qui loquuntur sibi. Tunc ipsa Johanna non petivisset scire signum dicte Katherine ; et tamen bene sciebat, per sanctas Katherinam et Margaretam, quod de facto dicte Katherine totum nichii erat.

Interroguee pourquoy elle ne voult aussi bien dire et monstrer le signe dessus dit, comme elle voult avoir le signe de Katherine de La Rochelle,

Respond que, se le signe de Katherine eust esté aussi bien monstré devant notables gens d’eglise et autres, arcevesques et evesques, c’est assavoir devant l’arcevesque de Rains et autres evesques dont elle ne sçait le nom. Et mesmes y estoit Charles de Bourbon, le sire de la Tremoulle, le duc d’Alençon et plusieurs autres chevaliers, qui le veirent et oirent aussi bien comme elle voit ceulx qui parloient a elle aujourd’huy, comme celluy dessusdit estre monstré, elle n’eust point demandé sçavoir le signe de ladicte Katherine. Et toutesvoies elle sçavoit au devant par saincte Katherine et saincte Marguerite que, du fait de ladicte Katherine de La Rochelle, ce estoit tout néant.

Interroguee si ledit signe dure encoires,

Respond : Il est bon a sçavoir qu’il dure encoires ; et durera jusques a mil ans et oultre.

Interrogata si dictum signum adhuc durat,

Respondit quod bonum est scire, et quod durabit usque ad mille annos et ultra.

Interroguee se ledit signe dure encore,

Respond : Il est bon a savoir, et qu’il durera jusques a mil ans, et oultre.

Item, que ledit signe est au tresor du roy.

Item, dicit quod dictum signum est in thesauro regis sui.

100v Item, que ledit signe est en tresor du roy.

Interroguee se c’est or, argent, ou pierre precieuse, ou couronne,

Respond : Je ne vous en diray aultre chose. Et ne sçauroit homme deviser aussy riche chose, comme est le signe. Et toutesvoyes le signe que vous fault, c’est que Dieu me delivre de voz mains. Et est le plus certain qu’il vous saiche envoyer.

Interrogata si sit aurum, argentum vel lapis preciosus aut corona,

Respondit : Ego non dicam vobis aliud ; . et nesciret homo describere rem ita divitem sicut est illud signum.

Et ultra dixit : Signum quod oportet vobis, est quod Deus me liberet de manibus vestris. Et est cercius quod ipsa sciat vobis mictere. LI

Interroguee se c’est or, argent, ou pierre precieuse, ou couronne,

Respond : Je ne vous en diray autre chose ; et ne sçaroit homme deviser aussi riche chose comme est le signe ; et toutes voies le signe qui vous fault, c’est que Dieu me delivre de vos mains. Et est le plus certain qu’il vous sache envoyer.

154155Item, dit que, quand elle deust partir a aller a son roy, luy fut dit par ses voix : Va hardyment ! Car, quand tu seras devers le roy, il aura bon signe de te recepvoir et croire.

Dixit quod quando debuit recedere et ire ad regem suum, dictum fuit sibi per voces quod iret audacter ; quia quando esset apud regem suum, ipse haberet bonum signum de recipiendo eam et sibi credendo. XXXIII

Item, dit que, quant elle deust partir a aller a son roy, luy fut dit par ses voix : Va hardiement ! Que, quant tu seras devers le roy, il aura bon signe de te recepvoir et croire.

Interroguee, quand le signe vint a son roy, quelle reverence elle y fist, et se il y vint de par Dieu,

Respond qu’elle mercya nostre Seigneur de ce qu’il la delivra de la peine des clers de par delà, qui arguoyent contre elle. Et se agenouilla plusieurs foys.

Item, interrogata quando signum venit ad regem suum, qualem reverenciam ipsa ibi fecit ; et si venit ex parle Dei,

Respondit quod ipsa regraciata est Deo, ex hoc quod ipse posuit eam extra penam sibi faciendam per clericos de illis partibus qui arguebant contra eam ; et pluries flexit genua. XLIX

Interroguee, quant le signe vint a son roy, quelle reverence elle y fist, et s’il vint de par Dieu,

Respond qu’elle mercia nostre Seigneur de ce qui la delivra de la paine des clercs de par delà, qui arguoient contre elle ; et se agenoulla plusieurs fois.

104 Item, dit que ung ange de Dieu, et non de par aultre, bailla le signe a son roy. Elle en mercya moult de foys nostre Seigneur.

Item, dixit quos unus angelus ex parte Dei, et non ex parte alterius, tradidit signum regi suo. Et ipsa inde regraciata est multociens Deo.

Item, dit que ung angle, de par Dieu et non do par autre, bailla le signe a son roy ; et elle en mercia moult de fois nostre Seigneur.

Item, dit que les clers de par della cesserent a l’arguer, quand ilz eurent sceu ledit signe.

Item, dixit quod clerici de parte sua cessaverunt ipsam arguere, quando habuerunt signum predictum.

Item, dit que les clercs de par delà cesseront a la arguer, quant ilz eurent sceu ledit signe.

Interroguee se les gens de par dela veirent le signe dessusdit,

Respond que, quand son roy et ceulx qui estoyent avecques luy eurent veu ledit signe et mesmes l’ange qui le bailla, elle demanda a son roy se il estoit comptent. Et il respondit que ouy. Et lors elle partit et s’en alla en une petite chappelle assez prez ; et ouyt lors dire que, apprez son partement, plus de IIIcc personnes veirent ledit signe.

Interrogata si homines ecclesiastici de parte sua viderunt signum predictum,

Respondit quod, quando rex suus et assistentes cum eo viderunt signum pre dictum et ipsummet angelum qui signum illud tradidit, ipsa petivit regi suo si erat contentus. Qui respondit quod sic. Et tunc ipsa recessit, et ivit ad unam parvam capellam satis prope. Et tunc audivit dici quod, post suum recessum, plus quam tricentum persone viderunt predictum signum.

Interroguee se les gens d’Eglise de par dela veirent le signe dessusdit,

Respond que, quant son roy et ceulx qui estoient avec lui eurent veu ledit signe, et mesmes l’angle qui le bailla, elle demande a son roy s’il estoit con tent ; et il respondit que ouil. Et alors elle party et s’en ala en une petite chappelle asses près, et ouyt lors dire que apres son parlement plus de IIIc personnes veirent ledit signe.

Dit oultre que, pour l’amour de elle, que ilz la laissassent a interroguer, Dieu voulloit pennetre que ceulx de son party, qui veirent ledit signe, le veissent.

Dixit ultra quod, pro amore ipsius Johanne, et ut homines dimicterent interrogare eam, Deus voluit permictere quod illi de parte sua, qui viderunt signum predictum viderent ipsum signum. LI

Dit oultre que, par l’amour d’elle et qu’ilz la laissassent a interroguer, Dieu vouloit permeictre que ceulx de son party, qui veirent ledit signe, le veissent.

Interroguee se son roy et elle feirent point de reverence a l’ange, quand il apporta le signe,

Respond que ouy d’elle ; elle se agenouilla et osta son chapperon.

Item, interrogata si rex suus et ipsa fecerunt reverenciam angelo, quando apportavit signum,

Respondit quod sic, quantum est de ipsa, et flexit genua ac removit capucium. XLIX

Interroguee se son roy et elle firent point de reverence a l’angle, quant il apporta le signe,

Respond que ouil, d’elle ; et se agenoulla, et oulta son chaperon.

[Interrogatoire en la prison]

[Lundi, 12 mars]

[Interrogatoire en la prison]

[Lundi, 12 mars]

(Ch. 97-102)

Le lundy apprez Letare Jherusalem, XIIme jour de mars,

ladicte Jehenne fut requise par monseigneur de Beauvoys de dire verité de ce qui luy seroit demandé.

Respond : De ce qui touchera vostre procez, comme autresfoys vous ay dict, je dirai voluntiers verité.

Et ainsy le jura, presens maistres Thonmas [Fiesvé]115, Nicolas de [blanc] et Jehan Carbonnier.

Die lune post Letare Jherusalem, duodecima mensis marcii,

dicta Johanna fuit requisita per dominum Belvacensem dicere veritatem super hiis que peterentur ab ea.

Respondet : De ce qui touchera vostre procès, comme autrefois vous ay dit, je diray voulentiers verité.

Et sic juravit, presentibus magistris Thoma Fiesvé et Nicolao de Hubenco, et Johanne Carbonnier.

156157Et apprez fut interroguee par le commandement de mondit seigneur l’evesque de Beauvoys, par maistre Jehan de la Fontaine.

Et premierement, se l’ange, qui apporta le signe, parla point a elle,

Respond que ouy. Et qu’il dist a son roy que on la mist en besongne. Et que apprez116 seroit tantost alegee.

Item, interrogata utrum angelus qui apportavit signum fuerat loqutus,

Respondit quod sic ; et quod dixit regi suo quod ipsa Johanna poneretur in opus, et patria statim esset alleviata.

Deinde per magistrum Johannem de Fonte, de precepto domini episcopi, primo, se l’ange qui apporta le signe parla point,

Respond que ouil ; et que il dist a son roy que on la mist en besoingne, et que le pais seroit tantoust allegié.

Interroguee se l’ange, qui apporta ledit signe, fut l’ange qui premierement apparut a elle, ou se ce fut ung aultre,

[Respond] : C’est tousiours tout ung. Et oncques ne luy faillit.

Item, interrogata si angelus, qui appor tavit predictum signum, fuit ille angelus qui primo apparuit sibi, vel fuerit alius,

Respondit quod est semper idem et numquam ei deficit. LI

Interroguee se l’angle qui apporta ledit signe fut l’angle qui premierement apparu a elle, ou se ce fut ung autre,

Respond : C’est tousiours tout ung, et oncques ne luy faillit.

Interroguee se l’ange luy a point failly, de ce qu’elle a esté prinse, aux biens de fortune,

Respond qu’elle croit, puisqu’il plaist a nostre Seigneur, c’est le mieulx qu’elle soit prinse.

Item, interrogata si angelus defecerit ne sibi quantum ad bona fortune, de hoc quod fuit capta,

Respondit quod credit, postquam placet Dco, quod est pro meliori quod ipsa est capta.

Interroguee se l’angle luy a point failli, de ce qu’elle a esté prinse, aux biens de fortune,

Respond qu’elle croist, puisqu’il pleust a nostre Sire, c’est le mieulx qu’elle soit prinse.

Interroguee se, es biens de grace, l’ange luy a point failly,

Respond : Et comme me fauldroit il, quand il me conforte tous les jours. Et entend cest confort, que c’est de saincte Katherine et saincte Margueritte.

Interrogata utrum angelus ne sibi defe cerit in bonis gratie,

Respondit : Qualiter michi doficeret, quando me confortât cotidie. Et intelligit istam confortacionem, quod est de sancta Katherina et sancta Margareta.

Interroguee se, es biens de grace, l’angle luy a point failli,

Respond : Et comme me faudroit il, quand il me conforte tous les jours. Et enctend cest confort, que c’est de saincte Katherine et saincte Marguerite.

Interroguee se elle les appelle, ou se ilz viennent sans appeller,

Respond : ilz viennent souvent sans appeller. Et aultres foys, se ilz ne venoyent bien tost, elle requerroit nostre Seigneur qu’il les envoyast.

Interrogata utrum eas vocet, vel si veniunt non vocale,

Respondit quod veniunt frequenter sine vocando. Et aliis vicibus nisi venirent bene cito, ipsa requireret Deum quod eas micteret.

Interroguee s’elle les appelle, ou s’ils viennent sans appeller,

Respond : ilz viennent souvent sans appeller. Et autrefois, s’ilz ne venoient bien tost, elle requerroit nostre Seigneur qu’il les envoyast.

Interroguee se elle les a aulcunes foys appellees, et ilz ne estoyent point venues,

Respond qu’elle n’eust oncques besoing, que elle ne les ait.

Interrogata si aliquando vocavit eas, et non venerint,

Respondit quod numquam habuit indigenciam vel parum, quin habuerit eas. L

Interroguee s’elle les a aucunesfois appellees, et ilz n’estoient point venues,

Respond qu’elle n’en oult oncques besoing pou, qu’elle ne les ait.

106 Interroguee se sainct Denis apparut oncques a elle,

Respond que non, qu’elle saiche.

Interroguee se saint Denis apparut oncques a elle,

Respond que non, qu’elle saiche.

Interroguee se, quand elle promist a nostre Seigneur de garder sa virginité, s’elle parlait a luy,

Respond : Il debvoit bien suffire de promettre a ceulx qui estoyent envoyez de par luy, c’est assavoir a saincte Katherine et a saincte Margueritte.

Item, interrogata quando promisit Deo servare virginitatem suam, utrum ipsa loquebatur ei,

Respondit quod bene debebat sufficere de hoc promictendo illis qui erant missi ex parte ipsius Dei, videlicet sanctis Katherine et Margarete. XLIX

Interroguee se, quant elle promist a nostre Seigneur de garder sa virginité, s’elle parlait a 101r luy.

Respond : Il debvoit bien suffire de le promeictre a ceulx qui estoient envoyés de par luy, c’est assavoir a saincte Katherine et saincte Marguerite.

Interroguee qui la meut de faire citer ung homme a Tou, en cause de mariage,

Respond : Je ne le feis pas cyter. Mais ce fut luy qui me feist cyter.

Et la, jura devant le juge dire verité ; et en fin qu’elle ne luy avoit faict promesse.

Interrogata quid movit eam facere citari quemdam hominem ad villam Tullensem, in causa malrimonii,

Respondit quod non fecit eum citari. Sed ipse fuit qui eam citari fecit. Et ibi iuravit coram iudice dicere veritatem ; et finaliter iuravit quod non fecerat illi homini aliquod promissum. IX

Interroguee qui la meut de faire citer ung homme a Tou, en cause de mariage,

Respond : Je ne le feis pas citer ; mais ce [fust]117 il qui me fist citer. Et la jura devant le juge dire verité ; en enfin qu’elle ne luy avoit fait de promesse.

Item, dit que, la premiere foys qu’elle ouyt sa voix, elle voua sa virginité, tant qu’il plairoit a Dieu. Et estoit en l’aage de XIII ans, ou environ.

Item, dixit quod prima vice qua audivit vocem suam, ipsa vovit suam virginitatem quamdiu placeret Deo. Et erat in etate tridecim annorum, vel circiter. XLIX

Item, dit que la premiere fois qu’elle oy sa voix, elle voa sa virginité, tout qu’il plairoit a Dieu. Et estoit en l’aage de XIII ans, ou environ.

Item, dit que ses voix l’assurerent de gaigner son procez.

Dicit eciam quod voces sue assecuraverunt eam de lucrando processum suum. IX

Item, dit que ses voix la asseurerent de gaigner son procès.

158159Interroguee si, de ses visions elle a point parlé a son curé ou aultre homme d’Eglise,

Respond que non ; mais seulement a Robert de Baudricourt et a son [roy]118. Et dit oultre qu’elle ne fut point contraincte de ses voix a le celer. Mais doubtoit moult le reveler, pour doubte des Bourguygnons, que ilz ne l’empeschassent de son voyage ; et par especial doubtoit moult son pere, que il ne l’empeschast de fere son voyage.

Interrogata an de istis visionibus locuta fuerit curalo suo aut alteri viro ecclesiastico,

Respondet quod non, sed solum Roberto de Baudricourt et suo regi.

Et dixit ultra quod non fuit coacta a suis vocibus celare dictas visiones. Sed multum dubitabat hec revelare, propter metum Burgundorum, ne ipsi impedirent voiagium suum ; et specialiter, mul tum dubitabat patrem suum, ne ipsam impediret de faciendo voiagium suum.

Interroguee se de ces visions elle a point parlé a son curé ou autre homme d’Eglise,

Respond que non, mais seullement a Robert de Baudricourt et a son roy. Et dit oultre qu’elle ne fust point contraincte de ses voix a le celer ; mais doubtoit moult le reveler, pour doubte des Bourguegnons, qu’ilz ne la empeschassent de son voyage ; et par especial doubtoit moult son pere, qu’il ne la empeschassent de son vcage faire.

107 Interroguee se elle cuidoit bien faire de partir sans le congé de pere ou mere, comme il soit ainsy que on doibt honnorer pere et mere,

Respond que, en toutes autres choses, elle a bien obay a eulx, excepté de ce parlement ; mais deppuis leur a escript, et luy ont pardonné.

Item, interrogata si putabat bene facere de recedendo absque licentia patris et matris, cum ita sit quod quilibet debet et tenetur honorare patrem et matrem,

Respondit quod in omnibus aliis ipsa bene obedivit ipsis patri et matri, excepto isto recessu. Sed de post super hoc eis scripsit et hoc sibi remiserunt. XLVIII

Interroguee s’elle cuidoit bien faire de partir sans le congié de pere ou de mere, comme il soit ainsi que on doit honnourer pere et mere,

Respond que en toutes autres choses elle a bien obey a eulx, excepté de ce parlement ; mais depuis leur en a escript, et luy ont pardonne.

Interroguee se, quand elle partist de ses pere et mere, elle cuidoit point pecher,

Respond : Puisque Dieu le commandoit, il le convenoit faire.

Et dit oultre : Puisque Dieu le commandoit, se elle eust eu cent peres et cent meres, et si elle eust esté fille du roy, elle fut partye.

Interroguee se, quant elle partit de ses pere et mere, elle cuidoit point pechier,

Respond : Puisque Dieu le commandoit, il le convenoit faire.

Et dit oultre, puisque Dieu le commandoit, s’elle eust C peres et C meres, et s’il eust esté fille de roy, si fust elle partie.

Interroguee se elle demanda a ses voix qu’ilz le dyent119 a son pere et a sa mere son parlement,

Respond : Quand est de pere et de mere, ilz estoyent assez contens qu’elle leur dist, se n’eust esté la peine qu’ilz luy eussent faict, se elle leur eust dist. Et quand est de elle, elle ne leur eust dit, pour chose quelquonque.

Interrogata utrum pecierit a vocibus suis quod diceret patri et matri eius suum recessum,

Respondit quantum de patre et matre, voces erant satis contente quod diceret dictis parentibus, nisi propter penam quam fecissent ei, si dixissct eis suum recessum. Et quantum est de ipsa, nunquam dixisset eis pro quacumque re.

Interroguee s’elle demanda a ses voix qu’ilz le deist a son pere et a sa mere son parlement,

Respond que, quant est de pere et de mere, ilz estoient assés contens qu’elle leur dist, se n’eust esté la paine qu’ilz luy eussent fait, s’elle leur eust dit ; et quant est d’elle, elle ne leur eust dit pour chose quelconque.

Item, dit que ses voix se rapporterent a elle de dire a pere ou a mere, ou de s’en taire.

Et de dicendo vel tacendo suum reces sum predictis patri et matri, dicte voces de hoc se referebant eidem Johanne loquenti. X

Item dit que ses voix se raportoient a elle de le dire a pere ou mere, ou de s’en taire.

Interroguee se, quand elle veist sainct Michel et les angelz, se elle leur faisait reverence,

Respond que ouy ; et baisoit la terre apprez leur partement, ou ilz avoyent reposé, en leur faisant reverence.

Item, interrogata utrum, quando vidit sanctum Michaelem et angelos, fecerit eis reverenciam,

Respondit quod sic. Et osculabatur terrain post eorum recessum, per quam transiverant, faciendo eis reverenciam.

Interroguee se, quant elle vit saint Michiel et les angles, s’elle leur faisait reverence,

Respond que ouil ; et baisoit la terre après leur parlement, ou ilz avoient repposé, en leur faisant reverence.

Interroguee se ilz estoyent longuement avecq elle

[Respond :] Ilz viennent beaucoup de foys entre les chrestiens, que on ne les voit point. Et les a beaucoup de foys veuz entre les chrestiens.

Interroguee se ilz estoient longuement avec elle,

Respond : ilz viegnent beaucop de fois entre les chrestiens, que on ne les voit pas ; et les a beaucop de fois veuz entre les chrestians.

108 Interroguee si de sainct Michel ou de ses voix, elle a point eu de lectres,

Respond : Je n’en ay point eu de congié de le vous dire.

Et entre cy et huit jours, je vous en respondray voluntiers ce que j’en sçauray.

Interrogata utrum, habuerat ne licteras a sancto Michaele vel a suis vocibus,

Respondit : Ego non habui licenciam de dicendo vobis ; et infra octo dies, ego respondebo libenter illud quod ego sciam.

Interroguee se de saint Michiel ou de ses voix elle a point eu de lectres,

Respond : Je n’en ay point de congié de le vous dire ; et entre cy et VIII jours, je en respondray volentiers ce que je sçauray.

Interroguee se ses voix l’ont point appellee : fille de Dieu, fille de l’Eglise, la fille au grand cueur,

Respond que, au devant du siege d’Orleans levé, et depuis, tous les jours, quand ilz parlent a elle, l’ont plusieurs foys appellee : Jhenne la Pucelle, fille de Dieu.

Interrogata si voces sue vocaverant eam : filiam Dei ; aut : filiam Ecclesie ; seu : filiam au grant cuer,

Respondit quod ante levacionem obsidionis Aurelianensis, et depost, omnibus diebus quibus loqute fuerunt sibi, pluries vocaverunt eam : Johannam Puellam, filiam Dei.

Interroguee se ses voix l’ont point appellee : fille de Dieu, fille de l’Eglise, la fille au grand cueur,

Respond que, au devant du siege d’Orleans levé, et depuis, tous les jours, quant ilz parlent a elle, l’ont plusieurs fois appellee ; Jehanne la Pucelle, fille de Dieu.

160161Interroguee, puisqu’elle se dit : fille de Dieu, pourquoy elle ne dit volontiers : Pater noster,

Respond qu’elle la dit voluntiers. Et autresfoys, quand elle récusa la dire, c’estoit en intencion que monseigneur de Beauvoys la confessast.

Interroguee, puisqu’elle se dit : fille de Dieu, pourquoy elle ne dist voulentiers Pater noster,

Respond elle la dist voulentiers ; et autresfois, quand elle recusa la dire, c’estoit en intencion que monseigneur de Beauvés la confessast.

[Interrogatoire en la prison]

[Lundi, 12 mars, après-midi]

[Interrogatoire en la prison]

[Lundi, 12 mars, après-midi]

(Ch. 102-105)

Dudit jour de lundy XIIme de mars de relevee,

Die lune predicta, de releveya,

Interroguee des songes de son pere,

Respond que, quand elle estoit encoires avecques ses pere et mere, luy fut dict par plusieurs foys par sa mere que son pere disoit qu’il avoit songé que avecques les gens d’armes s’en yroit ladicte Jhenne sa fille ; et en avoyent grand cure ses pere et mere de la bien garder ; et la tenoyent en grand subiection ; et elle obaissoit a tout, synon au procez de Tou, au cas de mariage.

Interrogata de somniis patris sui concernentibus eam et suum recessum,

Respondit quod mater sua pluries dixit ei, adhuc cum patri exsistenti, quod pater suus dixerat se habuisse somnia quod dicta Johanna erat itura cum gentibus armorum. Et de bene custodiendo eam dicti pater et mater habebant ma gnant curam, tenentes ipsam in magna subieccione ; quibus obediebat in omni bus, nisi in processu Tullensi, in causa matrimonii.

Interroguee des songes de son pere,

Respond que, quant elle estoit encore avec ses pere et mere, luy fut dit par plusieurs foys par sa mere que son pere disoit qu’il avoit songé que avec les gens d’armes s’en iroit ladicte Jehanne sa fille ; et en avoient grant cure ses pere et mere de la bien garder ; et la tenoient en grant subiection ; et elle obeissoit a tout, sinon au procès de Toul, au cas de mariage.

Item, dit qu’elle a ouy dire a sa mere que son pere disoit a ses freres : Se je cuidoye que la chose advint, que j’ay 109 songé de elle, je vouldroye que la noyssiez ; et si vous ne le faisiez, je la noiroye moy mesme. Et a bien peu qu’ilz ne perdirent le sens, quand elle fut partye a aller a Vaucouleur.

Item, audivit a matre sua pattern dicere fratribus suis in hunc modum : Vere, si ego putarem rem contingere, quam som niavi de filia, ego vellem quod vos submergeretis eam. Et nisi faceretis, egomet eam submergerem. Qui predicti parentes pene perdiderunt sensum, quando recessit ad eundum ad viliam de Vaucoulour.

Item, dit qu’elle a ouy dire a sa mere que son pere disoit a ses frétés : Si je cuidoye que la chose advensist que j’ay songié d’elle, je vouldroye que la noyessiés ; et se vous ne le faisiés, je la noieroye moi mesmes. Et a bien peu qu’ilz ne perdirent le sens, quant elle fut partie a aler a Vaucouleur.

Interroguee se ses pensees ou songes venoyent a son pere puis qu’elle eut ses visions,

Respond : Ouy, plus de deux ans puis qu’elle eut les premieres voix.

Interrogata si somnia illa venerunt patri suo postquam ipsa habuit visiones seu voces,

Respondit quod ita, plus quam per spacium duorum annorum, postquam primas habuit voces. X

101v Interroguee se ces pensees ou songes venaient a son pere puis qu’elle eut ces visions,

Respond que ouil, plus de deux ans puis qu’elle oult les premieres voix.

Interroguee si ce fut a la requeste de Robert ou d’elle qu’elle print habit d’homme,

Respond que ce fut par elle, et non a la requeste de homme du monde.

Interrogata si, ad requestam dicti Roberti, acceperat huiusmodi habitum, et ulrum vox ei preceperat de Roberto,

Respondit ut supra.

Interroguee se ce fust a la requesle de Robert ou d’elle qu’elle prinst abit d’omme,

Respond que ce fut par elle, et non a la requeste d’omme du monde.

Interroguee se la voix luy commanda qu’elle print habit d’homme,

Respond : Tout ce que j’ay faict de bien, je l’ay faict par le commandement des voix.

Et dit oultre, quand a cest habit, en respondra aultres foys ; que, de present, n’en est advisee. Mais demain en respondra.

De voce respondit quod totum id quod fecit de bono, ipsa fecit per preceptum vocum ; et quoad habitum, alias respondit, quia nunc non est de hoc advisata. Sed de hoc crastina die respondebit. XII

Interroguee se la voix lui commanda qu’elle prinst abit d’omme,

Respond : Tout ce que j’ay fait de bien, je l’ay fait par le commandement des voix. Et dit oultre, quant a cest habit, en respondra autre fois ; que de present n’en est point advisee ; mais demain en respondra.

Interroguee si, en prenant habit d’homme, elle pensait mal faire,

Respond que non ; et encoires de present, si elle estoit en l’autre party et en cest habit d’homme, luy semble que se seroit un des grands biens de France, de faire comme elle faisoit au devant de sa prinse.

Item, interrogata si, capiendo habitum virilem, ipsa cogitabat male facere,

Respondit quod non. Et adhuc de presenti, si esset in alia parte, et in hoc habitu virili, videtur ei quod esset unum de magnis bonis Francie, facere sicut faciebat ante capcionem suam. XIV

Interroguee se, en prenant habit d’omme, elle pensoit mal faire,

Respond que non ; et encore de present, s’elle estoit en l’autre party et en cest habit d’omme, luy semble que ce seroit ung des grans biens de France, de faire comme elle faisoit au devant de sa prinse.

Interroguee comme elle eut delivré le duc d’Orleans,

Respond que elle eust assez prins de sa prinse des Angloys pour le ravoir ; et se elle n’eust prins assez de sa prinse de ça, elle eust passé la mer, pour le aller quérir a puissance en Engleterre.

Interrogata quomodo liberasset ducem Aurelianensem,

Respondit quod cepisset sufficienter Anglicos in partibus istis pro rehabendo eum, seu redimendo. Et, si non cepisset satis, transivisset mare pro eundo quesitum eum in Anglia cum potencia.

Interroguee comme elle eus ! delivré le duc d’Orleans,

Respond qu’elle eust assez prins de ça prinse des Angloys pour le ravoir ; et se elle n’eust prins assés prinse de ça, elle eust passé la mer pour le aler querir a puissance en Angleterre.

162163110 Interroguee se saincte Marguerite et saincte Katherine luy avoyent dit sans condicion et absolutement qu’elle prendrait gens suffisons pour avoir le duc d’Orleans, qui estoit en Engleterre, ou aultrement qu’elle passe rait la mer pour le aller quérir a puissance en Engleterre, et admener dedens troys ans,

Respond que ouy. Et qu’elle dist a son roy, et qu’il la laissast faire des prisonniers.

Dit oultre de elle que, se elle eust duré troys ans sans empeschement elle l’eust delivré.

Interrogata, si sancte Katherina et Margareta dixerunt ei, sine condicione et absolute, quod caperet gentes sufficienter pro habendo ducem Aurelianensem exsistentem in Anglia ; vel alias quod transiret mare pro eundo quesitum eum et adducendo infra tres annos,

Respondit quod ita ; et quod dixit regi suo quod dimicteret eam facere de prisonnariis.

Dixit ulterius de se ipsa quod, si ipsa durasset tribus annis absque impedimento, ipsa liberasset eum.

Interroguee se saincte Marguerite et saincte Katherine luy avaient dit sans condicion et absoluement qu’elle prendrait gens suffisons pour avoir le duc d’Orleans qui estoit en Angleterre, ou autrement qu’elle passerait la mer pour le aler querir et admener dedans trois ans,

Respond que ouil ; et qu’elle dit a son roy, et qu’il la laissast faire des prisonniers.

Dit oultre d’elle que, s’elle eust duré trois ans, sans empeschement elle l’eust delivré.

Item, dit qu’il avoit plus bref terme que de troys ans, et plus long que d’ung an ; mais n’en a pas de present memoire.

Item, dixit quod habebat breviorem terminum quant trium annorum et longiorem quam unius anni. Sed de hoc pro present ! non habet memoriam. XXXIII

Item, dit qu’il y avoit plus bref terme que de trois ans, et plus long que d’un an ; mais n’en a pas de present memoire.

Interroguee du signe baillé a son roy,

Respond que elle en aura conseil a saincte Katherine.

Item, interrogata de signo tradito regi suo,

Respondit quod habebit consilium a sancta Katherina.

Interroguee du signe baillé a son roy,

Respond qu’elle en aura conseil a saincte Katherine.

[Interrogatoire en la prison]

[Mardi, 13 mars]

[Interrogatoire en la prison]

[Mardi, 13 mars]

(Ch. 109-117)

Le mardy, XIIIe iour de mars,

l’an mil quattre cens trente,

Die martis, decima tercia mensis marcii, anno Domini millesimo quadringentesimo tricesimo.

Interroguee premierement du signe baillé a son roy, quel il fut,

Respond : Estes vous content que je me pariurasse.

Item, interrogata de signo tradito regi suo, quale illud fuit,

Respondit : Estis vos contentus quod ego incurrerem pariurium.

Interroguee premierement du signe baillié a son roy, quel y fut,

Respond : Estes vous content que je me pariurasse.

Interroguee par monseigneur le vicaire de l’inquisiteur se elle avoit juré et promis a saincte Katherine non dire ce signe,

Respond : J’ai juré et promis non dire ce signe, et de moy mesme, pour ce que on m’en chargoit trop de le dire. Et adoncq dist elle mesme : Je promect que je n’en parleray plus a homme.

Interrogata utrum iuraverat et promiserat sancte Katherine non dicere illud signum,

Respondit : Ego iuravi et promisi non dicere istud signum. Et hoc feci ex me ipsa, propter hoc quod homines nimis urgebant me de dicendo. Et tunc ipsamet Johanna dixit quod non inde loqueretur plus alicui homini.

Interroguee par monseigneur le vicaire de l’inquisiteur s’elle avoit juré et promis a saincte Katherine non dire ce signe,

Respond : J’ay juré et promis non dire ce signe, et de moy mesmes, pour ce que on m’en chargoit trop de le dire. Et adonc dist elle mesmes : Je promect que je n’en parleray plus a homme.

Item, dit que le signe, ce fut que l’ange certiffioit a son roy 111 en luy apportant la couronne, et luy disant qu’il [aroit]120 tout le royaulme de France entièrement, a l’ayde de Dieu et moyennant son labeur ; et que il l’a mist en besongne ; c’est assavoir que aultrement qu’il luy baillast des gens, il ne seroit mye si tost couronné et sacré.

Item, dixit quod illud signum fuit quod angelus certificavit regem suum, apportando sibi coronam et dicendo quod ipse haberet totum regnum Francie integre cum auxilio Dei et mediante labore ipsius Johanne. Et quod poneret eam in opus, videlicet quod sibi traderet homines armorum, aliter ipse non ita cito esset coronatus et consecratus. LI

Item, dit que le signe, ce fut que l’angle certiffioit a son roy en luy apportant la couronne, et luy disant que il [arroit]121 tout le royaume de France entièrement, a l’aide de Dieu et moyennant son labour ; et qu’il la meist en besoingne, c’est assa voir que autrement il luy baillast de gens d’armes, il ne seroit mye si tost couronné et sacré.

Interroguee si depuis hier ladicte Jhenne a parlé a saincte Katherine,

Respond que depuis elle l’a ouye. Et toutesfoys luy a dict plusieurs foys qu’elle responde hardyment aux juges de ce que ilz demanderont a elle, touchant son procez.

Item, interrogata si depost heri locuta fuit sancte Katherine,

Respondit quod depost audivit eam ; et dixit sibi pluries quod respondeat audacter iudicibus de hoc quod sibi pétant tangens processum. L

Interroguee se depuis hier ladicte Jehanne a parlé a saincte Katherine,

Respond que depuis elle l’a ouye ; et toutesvoies luy a dit plusieurs fois qu’elle respondo hardiement aux juges de ce qu’ilz demanderont a elle, touchant son procès.

Interroguee en quelle maniere l’ange apporta la couronne, et se il la mist sur la teste de son roy,

Respond : Elle fut baillee a ung archevesque, c’est assavoir a celluy de Rains, comme il luy semble.

Et ledit archevesque la receut, et la bailla au roy.

Item, interrogata per quem modum ille angelus apportavit coronam, et si posuerit super caput regis sui,

Respondit quod ipsa corona fuit tradita uni archiepiscopo, videlicet archiepiscopo Remensi, sicut ei videtur, in presencia regis sui. Et dictus archiepiscopus recepit eam et 164tradidit regi suo, ipsamet Johanna ibi presente ; et est posita in thesauro eiusdem regis sui.

Interroguee en quelle maniere l’angle apporta la couronne, et s’il la mist sur la teste de son roy,

Respond : Elle fut baillee a ung arcevesque, c’est assavoir a celui de Rains, comme il luy semble, en la presence du roy ; et ledit arcevesque la receust et la bailla au roy ; et estoit elle mesmes presente ; et est mise eu tresor du roy.

165Interroguee du lieu ou elle fut apportee,

Respond : Ce fut en la chambre du roy, eu chastel de Chinon.

Interrogata de loco in quo fuit apportata,

Respondit quod hoc fuit in camera regis sui, in Castro de Chinon.

Interroguee du lieu ou elle fut apportee,

Respond : Ce fut en la chambre du roy, eu chastel de Chinon.

Interroguee du jour et de l’heure,

[Respond :] Du jour, je ne sçay ; de l’heure, il estoit haulte heure. Aultrement n’a mémoire de l’heure ; et du moys, au moys d’apvril ou de mars, comme il luy semble ; eu moys d’apvril prochain, ou en ce present moys, a deux ans ; et estoit apprez Pasques.

Interrogata de die et hora,

Respondit : De die ego nescio. Et de hora, erat alta hora. Aliter non habebat memoriam de hora. Et de mense, fuit in mense aprilis vel marcii, sicut ei videtur. Et in mense aprilis proximo, vel in isto mense presenti, erunt duo anni. Et erat post Pascha.

Interroguee du jour et de l’eure,

Respond : Du jour, je ne sçay, et de l’eure, il estoit haulte heure. Autrement n’a mémoire de l’eure ; et du moys, ou moys d’avril ou de mars, comme il luy semble ; eu moys d’avril prouchain ou en cest present moys, a deux ans ; et estoit après Pasques.

Interroguee se, la premiere journee qu’elle vist le signe, son roy le veit,

Respond que ouy ; et que il l’eut luy mesme.

Interrogata si, prima die qua ipsa vidit signum, rex suus eciam viderit,

Respondit quod sic et quod ipsemet habuit.

102r Interroguee se, la premiere journee qu’elle vit le signe, se son roy le vit,

Respond que ouil ; et que il le eust luy mesmes.

112 Interroguee de quelle matiere estoit ladicte couronne,

Respond : C’est bon assavoir qu’elle estoit de fin or ; et estoit si riche que je ne sçauroye nombrer la richesse. Et que la couronne signifioit qu’il tiendroit le royaulme de France.

Interrogata de qua materia erat dicta corona,

Respondit : Bonum est scire quod erat de puro auro. Et ita erat opulenta quod nes ciret estimare opulenciam. Et quod illa corona significabat quod ipse rex suus teneret regnum Francie.

Interroguee de quelle matiere estoit ladicte couronne,

Respond : C’est bon assavoir qu’elle estoit de fin or ; et estoit si riche que je ne sçaroye nombrer la richesse. Et que la couronne signifioit qu’il tendroit le royaume de France.

Interroguee se il y avoit pierrerie,

Respond : Je vous ay dict ce que j’en sçay.

Interrogata si ibi erant lapides pretiosi,

Respondit : Ego dixi vobis illud quod inde scio.

Interroguee s’il y avoit pierrerie,

Respond : Je vous ay dit ce que j’en sçay.

Interroguee se elle la manya ou baisa,

Respond que non.

Interrogata si tenait vel osculata est eam,

Respondit quod non.

Interroguee s’elle la mania ou baisa,

Respond que non.

Interroguee se l’ange qui l’apporta venoit de hault, ou se il venoit par terre,

Respond : Il vint de hault. Et entend qu’il venoit par le commandement de nostre Seigneur ; et entra par l’huis de la chambre.

Interrogata si angelus qui eam apportavit venit ab alto, vel si venerat per terram,

Respondit quod venit ab alto, per quod intelligit quod venit per preceptum Dei. Et intravit per hostium camere. LI

Interroguee se l’angle qui l’aporla venoit de hault, ou s’il venoit par terre,

Respond : Il vint de hault. Et entend : il venoit par le commandement de nostre Seigneur ; et entra par l’uys de la chambre.

Interroguee se l’ange venoit par terre et erroit depuis l’huis de la chambre122,

Respond : Quand il vint devant le roy, il feist reverence au roy, en se inclynant devant luy, et prononçant les parolles qu’elle a dictes du signe ; et avecq ce luy [ramentevoit] la belle pascience qu’il avoit eue, selon les grandes tribulacions qui luy estoyent venues ; et depuis l’huis, il marchoit et erroit sur la terre, en venant au roy.

Interrogata si angelus veniebal per terram et ambulabal depost hostium camere,

Respondit quod, quando angelus venit coram rege suo, ipse angelus fecit reverenciam dicto regi, inclinando se coram eodem rege, et pronunciando verba que ipsa Johanna dixit de signo. Et cum hoc, idem angelus reducebat eidem regi suo ad memoriam pulcram pacienciam quam habuerat, secundum magnas tribulaciones que contigerant ei. Et depost hostium idem angelus ambulabat et gradiebatur super terram, veniendo ad regem predictum.

Interroguee se l’angle venoit par terre, et erroit depuis l’uys de la chambre,

Respond : Quant il vint devant le roy, il fist reverence au roy, en se inclinant devant luy, et prononçant les parolles qu’elle a dictes du signe ; et avec ce luy [ramentevoit]123 la belle pacience qu’il avoit eu, selon les grandes tribulacîons qui luy estoient venues ; et depuis l’uys il marchoit et erroit sur la terre, en venant au roy.

Interroguee quelle espace il y avoit de l’huis jusques au roy,

Respond : Comme elle pense, il y avoit bien l’espace de la longueur d’une lance ; et, par ou il estoit venu, s’en retourna.

Interrogata quale spacium erat de hostio usque ad regem predictum,

Respondit quod, sicut ipsa estimat, bene erat spacium longitudinis unius lancee. Et regressus fuit angelus per viam per quam ipse venerat.

Interroguee quelle espace il avoit de l’uys jusques au roy,

Respond : Comme elle pense, il y avoit bien espace de la longueur d’une lance ; et, par ou il estoit venu, s’en retourna.

Item, dit que, quand l’ange vint, elle l’accompaigna ; et alla avecques luy par les degrez a la chambre du roy, 113 et entra l’ange le premier. Et puis elle mesme dist au roy : Syre, vela vostre signe ; prenez le.

Item, dixit quod, quando angelus venit, ipsa Johanna associavit eum et ivit cum eo, per gradus, ad cameram regis predicti. Et intravit primo ipse angelus. Et deinde ipsa Johanna dixit regi : Domine, ecce signum vestrum. Capiatls ipsum.

Item, dit que, quand l’angle vint, elle l’acompaigna, et ala avec luy par les degrés a la chambre du roy, et entra l’ange le premier ; et puis elle mesmes dit au roy : Sire, vêla vostre signo, prenez lay.

166167Interroguee en quel lieu il apparut a elle,

Respond : Je estoye prezque tousiours en priere, affin que Dieu envoyast le signe du roy ; et estoye a mon logis, qui est ciex une bonne femme, prez du chasteau de Chynon, quand il vint. Et puis et nous alasmes ensemble au roy ; et estoit bien accompaigné d’aultres angelz avecques luy, que chascun ne voyoit pas.

Et dit oultre : Ce n’est pas pour l’amour d’elle, et de la oster hors de peine des gens qui l’arguoyent, elle croit bien que plusieus gens veirent l’ange dessusdit, que ne le eussent pas veu.

Interrogata quo loco angelus ille sibi apparuit,

Respondit quod ipsa erat quasi semper in oracione, ut Deus micteret signum ipsi regi suo. Et erat Johanna in suo hospicio, videlicet in domo unius bone mulieris, prope castrum de Chinon. Et postea angelus et ipsa Johanna iverunt simul ad dictum regem. Et erat ille angelus bene associatus aliis angelis exsistentibus cum eo, quos non quilibet videbat. Et nisi fuisset pro amore ipsius Johanne et pro removendo eam extra penam hominum qui eam arguebant, bene credit quod plures gentes non vidissent angelum supradictum qui eum viderunt.

Interroguee en quel lieu il apparut a elle,

Respond : J’estoie presque tousiours en priere, afin que Dieu envoyast Je signe du roy ; et estoie en mon lougeis, qui est chieux une bonne femme près du chastel de Chinon, quant il vint ; et puis nous en alasmes ensemble au roy ; et estoit bien accompaignié d’autres angles avec luy, que chacun ne veoit pas. Et dist oultre : Ce n’eust esté pour l’amour d’elle, et de la oster hors de paine des gens qui la arguoient, elle croit bien que plusieurs gens veirent l’ange dessus dit, qui ne l’eussent pas veu.

Interroguee se tous ceulx, qui la estoyent avecq le roy, veirent l’ange,

Respond qu’elle pense que l’archevesque de Rains, les seigneurs d’[Alençon]124 et de la Trimouille et Charles de Bourbon le veirent. Et, quand est de la couronne, plusieurs gens d’Eglise et aultres la veirent, qui ne veirent pas l’ange.

Interrogata si omnes illi qui erant ibi cum rege suo viderunt angelum,

Respondit quod estimat quod archiepiscopus Remensis et domini de Alenconio, de Trimoullia et Karolus de Borbonio viderunt eum. Et quantum est de corona, plures homines ecclesiastici et alii viderunt ipsam, qui non viderunt angelum.

Interroguee se tous ceulx qui la estoient avec le roy veirent l’angle,

Respond qu’elle pense que l’arcevesque de Rains, les seigneur d’Alençon et de la Tremoulle et Charles de Bourbon le veirent. Et, quant est de la couronne, plusieurs gens d’Eglise et autres la veirent, qui ne virent pas l’angle.

Interroguee de quelle figure, et quel grand estoit ledit ange,

Respond qu’elle n’en a point congé ; et que demain en respondra.

Interrogata de qua figura et de qua magnitudine erat dictus angelus,

Respondit quod non habet licenciam de hoc dicendo. Et quod in crastino responderet.

Interroguee de [quelle]125 figure, et quel grant estoit ledit angle,

Respond qu’elle n’en a point congié ; et demain en respondra.

Interroguee [se]126 ceulx qui estoyent en la compaignie de l’ange [estoyent] tous d’une mesme figure,

[Respond :] Ilz se entresembloyent voluntiers les aulcuns. Et les aultres non, en la maniere qu’elle les veoit ; et les aulcuns avoyent aelles ; et si y en avoyent de couronnez, 114 et les aultres non ; et y estoyent en la compaignie sainctes Katherine et Margueritte ; et furent avecq l’ange dessusdit, et les aultres anget aussy, jusques dedens la chambre du roy.

Interrogata de illis qui erant in societate angeli, si omnes erant eiusdem figure,

Respondit quod sibi invicem bene assimilabantur aliqui, et alii non, in illo modo quo videbat eos. Et ibi erant aliqui habentes alas, et aliqui coronati, et alii non. Et eciam ibi erant, in societate sancte Katherina et Margareta, que fuerunt cum angelo supradicto, et eciam alii angeli, usque infra cameram regis sui.

Interroguee [se]127 ceulx qui estoient en la compaignie de l’angle [estoient]128 tous d’une mesme figure,

Respond : ilz se entreressembloient voulentiers les aucuns. Et les autres non, en la maniere qu’elle les veoit ; et les aucuns avoient elles ; et si en avoit de couronnés, et les autres non ; et y estoient en la compaignie sainctes Katherine et Marguerite ; et furent avec l’angle dessusdit, et les autres angles aussi, jusques dedans la chambre du roy.

Interroguee comme celluy ange se partit de elle,

Respond : Il departit d’elle en ceste petite chappelle ; et fut bien cour roucee de son parlement ; et plouroit ; et s’en fust voluntiers allee avecques luy, c’est assavoir son ame.

Interrogata qualiter ille angelus recessit ab ea,

Respondit quod ipse recessit ab ea in una parva capella. Et fuit bene irata de suo recessu ; et plorabat ; et libenter ivisset cum eo, videlicet quantum ad animam.

Interroguee comme celluy angle se departit d’elle,

Respond : Il departit d’elle en celle petite chappelle ; et fut bien courroucee de son parlement ; et plouroit ; et s’en fust voulentiers allee avec luy, c’est assavoir son ame.

Interroguee se au portement elle demoura joyeuse, ou effroyee et en grand paour,

Respond : Il ne me laissa point en paour ne effroyee ; mais estoye courroucee de son parlement.

Interrogata si in recessu ipsa remansit gaudens, vel si fuit turbata et in magno timore,

Respondit quod non dimisit eam in timore, sed erat irata de recessu ipsius.

Interroguee se au portement elle demoura joyeuse, ou effree et en grant paour,

Respond : Il ne me laissa point en paour ne effree ; mais estoie courroucee de son parlement.

Interroguee se ce fut par le merite de elle que Dieu envoya son ange,

Respond : Il venoit pour grande chose ; et fut en esperance que le roy creust le signe ; et que on laissast a l’arguer ; et pour donner secours aux bonnes gens d’Orleans ; et aussy pour le merite du roy et du bon duc d’Orleans.

Interrogata si hoc fuit per meritum ipsius Johanne quod Deus misit suum angelum,

Respondit quod ipse veniebat pro re magna. Et fuit in spe quod rex suus crederet signum, et quod homines dimicterent arguere ipsam Johannam ; et pro dando succursum bonis gentibus de Aurelianis ; et eciam pro meritis regis sui et boni ducis Aurelianensis.

Interroguee se ce fut par le merite d’elle que Dieu envoya son [angle]129,

Respond : Il venoit pour grande chose ; et fut en esperance que le roy creust le signe, et que on laissast a la arguer, et pour donner secours aux bonnes gens d’Orleans, et aussi pour le mérité du roy et du bon duc d’Orleans.

168169Interroguee pourquoy elle, plus tost que ung aultre,

Respond : Il pleut a Dieu ainsy faire par une simple pucelle, pour reboutter les adversaires du roy.

Interrogata quare ipsa habuit plus quant unus aller,

Respondit : Placuit Deo sic facere per unam simplicem puellam, pro repellendo adversarios regis.

Interroguee pourquoy elle, plustost que ung autre,

Respond : Il pleust a Dieu ainsi faire par une simple pucelle, pour rebouter les adversaires du roy.

Interroguee se il a esté dit a elle ou l’ange avoit prins celle couronne,

Respond qu’elle a esté apportee de par Dieu ; et qu’il n’a orfebvre eu monde, qui la sceust faire si belle ou si riche. Et ou il la print, elle s’en rapporte a Dieu ; et ne sçait point aultrement ou elle fut prinse.

Interrogata si dictum fuerit ipsi Johanne ubi angelus primo acceperat predictam coronam,

Respondit quod ipsa fuit apportata ex parte Dei ; et quod non est aurifaber in mundo qui sciret facere ita pulcrain vel ita divitem. Ubi vero ipse angelus acceperit eam, dicta Johanna se refert Deo ; et nescit aliter ubi illa corona fuit capta.

102v Interroguee se il a esté dit a elle ou l’angle avoit prins celle couronne,

Respond qu’elle a esté apportee de par Dieu ; et qu’il n’a orfaivre eu monde qui la scoust faire si belle, ou si riche ; et ou il la prinst, elle s’en raporte a Dieu, et ne sçait point autrement ou elle fut prinse.

115 Interroguee se celle couronne fleurait point bon et avoit bon odeur, et se elle estoit point reluisant,

Respond : Elle n’a point de memoire de ce. Elle s’en advisera.

Et apprez dit : Elle sent bon et sentira ; mais qu’elle soit bien gardee, ainsy qu’il appartient. Et estoit en matiere de couronne.

Interrogata si illa corona habebat bonum odorem, et si erat resplendens,

Respondit quod ipsa non habet memo riam de hoc ; et quod se advisaret. Et postea dixit quod habet bonum odorem ; et habebit, dummodo bene custodiatur, sicut decet. Et quod erat in modum corone.

Interroguee se celle couronne fleurait point bon et avoit bon odeur, et s’elle estoit point reluisant,

Respond : Elle n’a point de mémoire de ce ; et s’en advisera. Et aprés dit : Elle sent bon, et sentira ; mais qu’elle soit bien gardce, ainsi qu’il appartient. Et estoit en maniere de couronne.

Interroguee se l’ange luy avoit aporté lectres,

Respond que non.

Interrogata si angelus scripserit ei licteras,

Respondit quod non.

Interroguee se l’angle luy avoit escript lectres,

Respond que non.

Interroguee quel signe eurent le roy, les gens qui estoyent avecques luy et elle, de croire que c’estoit ung ange,

Respond que le roy le creut par l’enseignement des gens d’Eglise qui la estoyent, et par le signe de la couronne.

Interrogata quale signum habuerunt rex suus et gentes exsistentes cum eo et ipsamet Johanna, de credendo quod erat unus angelus qui apparebat,

Respondit quod rex bene credidit per documentum hominum ecclesiasticorum qui erant illic, et per signum corone.

Interroguee quel signe eurent le roy, les gens qui estoient avec luy et elle, de croire que c’estoit ung angle,

Respond que le roy le creust par l’en seignement des gens d’Eglise qui la estoient, et par le signe de la couronne.

Interroguee comme les gens d’Eglise sceurent que c’estoit ung ange,

Respond : Par leur science, et parce que ilz estoyent clercs.

Interrogata qualiter homines ecclesiastici sciverunt quod erat unus angelus,

Respondit quod hoc fuit per scienciam eorum, et per hoc quod ipsi erant clerici. LI

Interroguee comme les gens d’Eglise sceurent que c’estoit ung angle,

Respond : Par leur science, et parce qu’ilz estoient clercs.

Interroguee d’ung prebstre concubinaire, etc. ; et d’une tasse perdue130,

Respond : De tout ce, je n’en sçay rien ; ne oncques n’en ouy parler.

Interrogata de quodam sacerdole concubinario, et de una tassa argentea perdita, etc.,

Respondit de hoc toto se nescire aliquid, nec de hoc unquam audivisse loqui. XVII

Interroguee d’un prestre concubinaire, etc., et d’une tasse perdue,

Respond : De tout ce je n’en sçay rien, ne oncques n’en ouy parler.

Interroguee se, quand elle alla devant Paris, se elle eust par revelacion de ses voix de y aller,

Respond que non, mais a la requeste des gentilzhommes, qui voul loyent faire une escarmouche ou une vaillance d’armes ; et avoit bien intencion de aller oultre et de passer les fossez.

Interrogata si, quando ivit ante Parisius, habuit per revelacionem vocum suarum, de ibi accedendo,

Respondit quod non. Sed hoc fuit ad requestam nobilium hominum qui volebant facere unam escharmuscham, seu unam valenciam armorum ; et bene habe bat intencionem eundi ultra et transeundi fossata.

Interroguee se, quant elle ala devant Paris, se elle l’eust par revelation de ses voix de y aller,

Respond que non, mais a la requeste des gentilzhommes, qui vouloient faire une escarmuche ou une vaillance d’ar mes ; et avoit bien entencion d’aler oultre et passer les fossés.

Interroguee aussi d’aller devant La Charité, se elle eust revelacion,

Respond que non ; mais par la requeste des gens d’annes, ainsy comme aultresfoys elle a dit.

Interrogata si de eundo ante Caritatem ipsa habuit revelacionem,

Respondit quod non. Sed per requestam gentium armorum, sicut aillas dixit.

Interroguee aussi d’aler devant La Charité, s’elle eust revelation,

Respond que non ; mais par la requeste des gens d’armes, ainsi comme autresfois elle a dit.

116 Interroguee du Pontlevesque, se elle eut point de revelacion,

Respond que, puis ce qu’elle oult revelacion a Melun qu’elle seroit prinse, elle se [rapporta]131 le plus du faict de la guerre a la volunté des cappitaines ; et toutesvoyes ne leur disoit point qu’elle avoit revelacion de estre prinse.

Item, interrogata si de eundo ad Pontem Episcopi habuit ne revelacionem,

Respondit quod, postquam habuit revelacionem apud Meledunum quod esset capta, ipsa in pluri se retulit de facto guerre ad voluntatem capitaneorum. Et tamen non dicebat eis quod haberet revelacionem quod esset capta.

Interroguee du Pont Levesque, s’elle eust point de revelation,

Respond que, puis ce qu’elle oult revelacion a Meleun qu’elle seroit prinse, elle se raporta le plus du fait de la guerre a la voulenté des cappitaines ; et toutesvoies ne leur disoit point qu’elle avoit revelacion d’estre prinse.

170171Interroguee se ce fut bien faict au jour la Nativité nostre Dame, qu’il estoit /este, de aller assaillir [Paris]132,

Respond : C’est bien faict de garder les festes de nostre Dame. Et, en sa conscience, luy semble que c’estoit et seroit bien faict de garder les festes nostre Dame, depuis ung bout jusques en l’autre.

Interrogata si hoc bene factum fuerit in die Nativitatis nostre Domine, que erat festum, de eundo insullum Parisius,

Respondit : Bene factum est servare testa nostre Domine ; et, prout sibi videtur in consciencia sua, ab uno buto usque ad alium. LVII

Interroguee se ce fut bien fait, au jour de la Nativité de nostre Dame, qu’il estoit feste, de aller assaillir Paris,

Respond : C’est bien fait de garder les testes de nostre Dame ; et en sa cons cience luy semble que c’estoit et seroit bien fait de garder les testes de nostre Dame, depuis ung bout jusques a l’autre.

Interroguee se elle dist point devant la ville de Paris : Rendez la ville de par Jhesus,

Respond que non ; mais dist : Rendez la au roy de France.

Interroguee s’elle dist point devant la ville de Paris : Rendez la ville de par Jhesus,

Respond que non ; mais dist : Rendez la au roy de France.

[Interrogatoire en la prison]

[Mercredi, 14 mars]

[Interrogatoire en la prison]

[Mercredi, 14 mars]

(Ch. 119-125)

Le mercredi, XIIIIme iour de mars,

Die mercurii, decima quarla mensis marcii,

Interroguee premierement quelle fut la cause pourquoy elle saillit de la tour de Beaureveoir,

Respond qu’elle avoit ouy dire que ceulx de Compieigne, tous jusques a l’aage de sept ans, [devoient]133 estre mis a feu et a sang ; et qu’elle aymoit mieulx mourir que vivre apprez une telle destruction de bonnes gens ; et fut l’une des causes. L’autre, qu’elle sceut qu’elle estoit vendue aux Angloys ; et eut [eu]134 plus cher mourir que de estre en la main des Angloys, ses adversaires.

Interrogata que fuit causa propter quant saltavit a turri de Beaurevoir,

Respondit quod audiverat dici quod illi de Compendio, omnes a septem annis citra, debebant poni ad ignem et sanguinem. Et ipsa malebat mori quam vivere post talem destruccionem bone gentis. Et ista fuit una causa sui saltus. Alia fuit quia scivit se esse venditam Anglicis ; et ipsa predilexisset mori quam esse in manu ipsorum.

Interroguee premierement quelle fut la cause pour quoy elle saillit de la tour de Beaurevoir,

Respond qu’elle avoit ouy dire que ceulx de Compiegne, tous jusques a l’aage de VII ans, devoient estre mis a feu et a sanc, et qu’elle aymoit mieulx mourir que vivre après une telle des truction de bonnes gens ; et fut l’une des causes. L’autre, qu’elle sceust qu’elle estoit vendue aux Angloys, et eust eu plus cher mourir que d’estre en la main des Angloys, ses adversaires.

Interroguee se ce sault fut du conseil de ses voix,

Respond : Saincte Katherine luy disoit apprez que tous les jours elle ne saillist point, et que Dieu luy ayderoit, 117 et mesmes a ceulx de Compieigne. Et ladicte Jhenne dist a saincte Katherine : Puis Dieu ayderoit a ceulx de Compieigne, elle y voulloit estre. Et saincte Katherine luy dist : Sans faulte, il fault que prenez en gré ; et ne seriez point delivré, tant que ayez veu le roy des Angloys.

Interrogata si fecit illum saltum per consilium vocum suarum,

Respondit quod sancta Katherina sibi dicebat fere omni die quod non saltaret, et quod Deus adiuvaret eam et illos de Compendio. Et dicta Johanna dixit sancte Katherine quod, postquam Deus adiuvaret illos de Compendio, ipsa volebat ibi esse. Et sancta Katherina dixit : Oportet sine fallo quod tu capias gratanter ; et non eris liberata quousque videris regem Anglorum.

Interroguee se ce sault, ce fut du conseil de ses voix,

Respond : Saincte Katherine luy disoit presque tous les jours qu’elle ne saillist point, et que Dieu luy aideroit, et mesmes a ceulx de Compiegne ; et ladicte Jehanne dist a saincte Katherine, puisque Dieu aideroit a ceulx de Compiegne, elle y vouloit estre. Et saincte Katherine luy dist : Sans faulte, il fault que prenés en gré, et ne sériés point delivré, tant que aiés veu le roy des Angloys.

Et ladicte Jhenne respondoit : Vrayement, je ne le voulsisse point veoir. Je aymasse mieulx mourir que de estre mise en la main des Angloys.

Et Johanna respondit : Veraciter ego non vellem videre ipsum, et mallem mori quam esse posita m manu Anglicorum.

Et ladicte Jehanne respondoit : Vrayement ! je ne le voulsisse point veoir ; j’aymasse mieulx mourir que d’estre mise en la main des Angloys.

Interroguee se elle avoit dit a saincte Katherine et a saincte Margueritte : Lairra Dieu si maulvaisement mourir ces bonnes gens de Compieigne, etc.,

Respond qu’elle n’a point dit : Si maulvaisement ; mais leur dist en celle maniere : Comme lairra Dieu mourir ces bonnes gens de Compieigne, qui ont esté et sont si loyaulx a leur seigneur.

Interroguee s’elle avoit dit a saincte Katherine et sainte Marguerite : Laira Dieu mourir si mauvaisement ces bonnes gens de Compiegne, etc.

Respond qu’elle n’a point dit : Si mauvaisement ; mais leur dist en celle maniere : Comme laira Dieu mourir ces bonnes gens de Compiegne, qui ont esté et sont si loyaulz a leur seigneur.

Item, dit que, puisqu’elle fut cheue, elle fut deux outroys jours qu’elle ne voulloit menger ; et mesmes aussy pour ce sault fut grevee tant qu’elle ne povoit boire ne menger. Et toutesvoyes fut reconfortee par saincte 172173Katherine, qui luy dist qu’elle se confessast et requist mercy a Dieu de ce qu’elle avoit sailly ; et que sans faulte ceulx de Compieigne auroyent secours dedens la sainct Martin d’iver. Et adoncq se print revenir, et commença a menger ; et tantost fut guarie.

Item, dixit quod, postquam cecidit a turri, fuit per duos vel tres dies quod non volebat comedere. Et quia erat gravata propter saltum, non poterat bibere neque comedere. Et tamen fuit confortata a sancta Katherina sibi dicente quod confiteretur et quereret veniam a Deo de hoc quod saltaverat. Et quod illi de Compendio sine defectu haberent succursum infra festum sancti Martini hiemalis. Et tunc incepit comedere et bibere, et statim fuit sanata.

Item, dit que, puis qu’elle fut cheue, elle fut deux ou trois jours qu’elle ne vouloit mengier ; et mesmes aussi pour ce sault fut grevee tant qu’elle ne povoit ne boire ne mangior ; et toutesvoies fut reconfortee de saincte Katherine, qui luy dist qu’elle se confessast et requerist mercy a Dieu de ce qu’elle avolt sailli, et que sans faulte ceux de Compiegne aroient secours dedans 103r la Saint Martin d’yver. Et adoncques se prinst a revenir et commander a mengier ; et fut tantoust guerie.

Interroguee, quand elle saillist, se elle se cuidoit tuer, Respond que non. Mais en saillant se recommanda a Dieu ; et cuidoit par le moyen de ce sault eschapper 118 et evader qu’elle ne fust livree aux Angloys.

Interroguee, quant elle saillit, s’elle se cuidoit tuer, Respond que non ; mais en saillant se recommanda a Dieu ; et cuidoit, par le moyen de ce sault, escbaper et evader qu’elle ne fust livree aux Angloys.

Interroguee se, quand la parole luy fust revenue, elle regnoya et maugrea Dieu et ses sainctz, pour ce qu’il s’est trouvé par l’informacion, comme disoit l’interrogant,

Respond que elle n’a point de mémoire, ou qu’elle soit souvenante, elle ne regnoya ou maulgrea oncques Dieu ou ses sainctz, en ce lieu ou ailleurs. Et ne s’en est point confessee ; car elle n’a point de mémoire qu’elle l’ait dit ou faict.

Interrogata si quando rehabuit loquelam, post dictum saltum, denegaveritne Deum et sanctos,

Respondit quod non recordatur quod negaverit umquam Deum vel sanctos.

Interroguee se, quant la parolle luy fut revenue, elle regnoia et malgrea Dieu et ses sains, pour ce que ce est trouvé par l’informacion, comme disoit l’interrogant,

Respond qu’elle n’a point de mémoire ou qu’elle soit souvenant, elle ne regnoia ou malgrea oncques Dieu ou ses sains, en ce lieu ou ailleurs ; et ne s’en est point confessee, quar elle n’a point de mémoire qu’elle l’ait dit ou fait.

Interrogata si velit se referre de hoc ad informacionem factam vel fiendam,

Respondit quod se refert Deo et non alteri. XLI

Interroguee s’elle s’en veult raporter a l’informacion faicte ou a faire,

Respond : Je m’en raporte a Dieu et non a aultre, et a bonne confession.

Interroguee se ses voix luy demandent dilacion de respondre,

Respond que saincte Katherine luy respond a la foys ; et aulcunes foys fault ladicte Jhenne a entendre, pour la turbacion des personnes135, et par les noises de ses gardes. Et quand elle faict requestes a saincte Katherine, tantost elle et saincte Marguerite font requeste a nostre Seigneur ; et puis, du commandement de nostre Seigneur, donnent responce a ladicte Jhenne.

Item, interrogata si voces sue petant dilacionem de respondendo,

Respondit quod sancta Katherina respondet ei aliquando ; et aliquando ipsa Johanna deficit in intelligendo propter turbacionem carcerum et clamores custodum suorum. Et quando facit requestam ipsi sancte Katherine, statim eadem sancta Katherina et sancta Margareta faciunt requestam Deo ; et post, de precepto Dei, dant responsum ipsi Johanne.

Interroguee se ses voix luy demandent dilacion de respondre,

Respond que saincte Katherine luy respond a la fois ; et aucunes fois fauft ladicte Jehanne a entendre, pour la turbacion des personnes, et par les noises de ses gardes ; et quant elle fait requeste a saincte Katherine, et tantoust elle et saincte Marguerite font requeste a nostre Seigneur ; et puis du commandement de nostre Seigneur donnent responce a ladicte Jehanne.

Interroguee, quand elles viennent, se il y a lumiere avecques elles ; et se elle voit point de lumiere, quand elle oyt au chastel la voix, et ne sçavoit se elle estoit en la chambre,

Respond qu’il n’est jour qu’ilz ne viennent en ce chastel ; et se, ilz ne viennent point sans lumiere ; et de telle foys oyt la voix ; mais n’a point memoire se elle veit lumiere, et aussy se elle veit saincte Katherine.

Interrogata, quando sancte ille veniunt, utrum ibi sit lumen cum eis ; et si videret ne lumen quando audivit vocem in Castro, et quod nesciebatsi illa vox esset in caméra sua,

Respondit quod non est dies quin veniant ad castrum Rothomagense ; et non veniunt sine lumine. Et de illa vice, audivit vocem, sed non recordatur si viderit lumen, nec eciam si viderit sanc tam Katherinam.

Interroguee, quand elles viennent, s’il y a lumiere avec elles, et s’elle vit point de lumiere, quant elle oyt eu chastel la voix, et ne sçavoit s’elle estoit en la chambre,

Respond qu’il n’est jour qu’ilz ne viennent en ce chastel ; et si, ne viennent point sans lumière ; et de celle fois oyt la voix, mais n’a point mémoire s’elle vit lumière, et aussi s’elle vit saincte Katherine.

Item, dit qu’elle a demandé a ses voix troys choses : l’une son expedition136 ; l’autre que Dieu ayde aux Françoys et garde bien les villes de leur obaissance ; et l’aultre, le salut de son ame.

Item, dixit quod petivit a vocibus suis tria : videlicet, suam expedicionem ; secundo, quod Deus adiuvet Gallicos et bene custodiat villas obediencie ipsorum. Et tertium, erat salus anime sue.

Item, dit qu’elle a demandé a ses voix trois choses : l’une son expedicion, l’autre que Dieu aide aux François, et garde bien les villes de leur obeissance ; et l’autre, le salut de son ame.

119 Item, requist, se ainsy est qu’elle soit menee a Paris, qu’elle ait le double de ses interrogatoires et responces ; affin qu’elle baille a ceulx de Paris, et leur puisse dire : Voicy comme j’ay esté interroguee a Rouen, et mes responces. Et qu’elle ne soit plus travaillee de tant de demandes.

Item, requist, se ainsi est qu’elle soit menee a Paris, qu’elle ait le double de ses interrogatoires et responces, afin qu’elle le baille a ceulx de Paris, et leur puisse dire : Vecy comme j’ay esté inter roguee a Rouen, et mes responces. Et qu’elle ne soit plus travaillee de tant de demandes.

Interroguee, pour ce qu’elle avoit dit que monseigneur de Beauvoys se metoit en danger de la mectre en cause, car c’estoit eu quel danger, tant de monseigneur de Beauvoys, que des aultres,

Respond : Car c’estoit et est qu’elle dist a monseigneur de Beauvoys : 174175Vous dictes que vous estes mon juge. Je ne sçay si vous l’estes. Mais advisez bien que ne jugez mal. Que vous vous metriez en grand danger. Et vous en advertys, affin que, se nostre Seigneur vous en chastie, que je fais mon debvoir de le vous dire.

Interroguee, pour ce qu’elle avait dit que monseigneur de Beauvez ce meictoit en danger de la meictre en cause, quar c’estoit, et quel danger, et tant de mon seigneur de Beauvais que des autres,

Respond : Quar c’estoit, et est, qu’elle dist a monseigneur de Beauvez : Vous dictes que vous estes mon juge, je ne sçay se vous l’estes ; mais advisez bien que ne jugés mal, que vous vous mectriés en grant danger ; et vous en advertis, afin que se nostre Seigneur vous en chastie, que je fais mon debvoir de le vous dire.

Interroguee quel est ce peril ou danger,

Respond que saincte Katherine luy a dit qu’elle auroit secours ; et qu’elle ne sçait se ce sera a estre delivree de prison ; ou, quand elle seroit au jugement, s’il y viendroit aulcun trouble, par quel moyen elle pourroit estre delivree. Et pense que ce soit ou l’ung ou l’autre. Et le plus luy dyent ses voix qu’elle sera delivree a grand victoire. Et apprez luy dirent ses voix : Prendz tout en gré. Ne te chaille de ton martyre. Tu en viendras a fin eu royaulme de paradis. Et ce luy dyent ses voix simplement et absolutement, c’est assavoir sans faillir. Et appelle se, martyre, pour la peine et adversité qu’elle seuffre en la prison, 120 et ne sçait se plus grand souffrira ; mais s’en actend a nostre Seigneur.

Interrogata quale est periculum Del dangerium in quo nos et alii de clero, nos ipsos ponebamus, tenendo eam in causam,

Respondit quod sancta Katherina dixit ei quod haberet succursum. Et nescit si hoc erit per expedicionem de carcere, vel, quando esset in iudicio, si ibi superveniet aliqua turbacio, medio cuius posset liberari. Et cogitat quod hoc erit, vel unum, vel aliud. Et sepius dicunt sibi voces quod liberabitur per magnam victoriam. Et postmodum dicunt sibi voces sue quod capiat gratanter ; nec cures de tuo martirio. XXXIII

Interroguee quel est ce péril ou danger,

Respond que saincte Katherine luy a dit qu’elle auroit secours, et qu’elle ne sçait se ce sera a estre delivree de la prison, ou quant elle seroit au jugement, s’il y vendroit aucun trouble, par quel moien elle pourroit estre delivree ; et pense que ce soit ou l’un ou l’autre. Et le plus luy dient ses voix qu’elle sera delivree par grant victoire ; et apres luy dient ses voix : Pran tout en gré, ne te chaille de ton martire ; tu t’en vendras enfin eu royaulme de paradis. Et ce luy dient ses voix simplement et absoluement, c’est assavoir sans faillir ; et appelle ce, martire, pour la paine et adversité qu’elle seuffre en la prison, et ne sçait se plus grant souffrera, mais s’en actent a nostre Seigneur.

Interroguee se, depuis que ses voix luy ont dit qu’elle yra en la fin au royaulme de paradis, se elle se tient asseuree d’estre saulvee, et qu’elle ne sera point dampnee en enfer,

Respond qu’elle croit fermement ce que ses voix luy ont dit qu’elle sera saulvee, aussi fermement que se elle y fust ja.

Interrogata si, ex quo voces sue dixerunt ei quod ibit in fine in regnum paradisi, utrum se teneat securam essendi salvam, et quod non dampnabitur in infernum,

Respondit quod credit firmiter id quod voces sue dixerunt sibi ; videlicet quod ipsa salvabitur ; et ita firmiter ac si ex nunc esset in regno celorum.

Interroguee se, depuis que ses voix luy ont dit qu’elle ira en la fin eu royaume de paradis, s’elle se tient asseuree d’estre sauvee, et qu’elle ne sera point dampnee en enfer,

Respond qu’elle croist fermeement ce que ses voix luy ont dit qu’elle sera saulvee, aussi fermement que s’elle y fust ja.

Et quant on luy disoit que ceste responce estoit de grand poix,

Aussy respond qu’elle le tient pour ung grand tresor.

Et quando dicebatur ipsi Johanne quod illud responsum erat magni ponderis,

Eciam respondit quod tenet illud pro uno magno thesauro.

Et quant on luy disoit que ceste responce estoit de grant pois,

Aussi, respond elle qu’elle le tient pour ung grant tresor.

Interroguee se, apprez ceste revelation, elle croit qu’elle ne puisse faire peché mortel,

Respond : Je n’en sçais riens ; mais m’en actendz du tout a nostre Seigneur.

Interrogata si, post hanc revelacionem, ipsa credat aut possit facere peccatum mortale,

Respondit : De hoc, ego nescio aliquid ; sed super hoc me refero Domino nostro ex toto.

Interroguee se, apres ceste revelation, elle croist qu’elle ne puisse faire pechié mortel,

Respond : Je n’en sçay rien, mais m’en actend du tout a nostre Seigneur.

[Interrogatoire en la prison]

[Mercredi, 14 mars, après-midi]

[Interrogatoire en la prison]

[Mercredi, 14 mars, après-midi]

(Ch. 125-127)

Dudit jour de mercredy de rellevee,

Du mercredi la relevee,

Et quand a cest article137 : par ainsy qu’elle tienne le serment et promesse qu’elle a faicte a nostre Seigneur qu’elle gardast bien sa virginité de corps et de ame,

Et dixit, quantum ad illum articulum : Dummodo teneat iuramentum et promissum quod fecit Domino nostro ; videlicet quod servaret bene suam virginitatem corporis et anime.

Et quant a cest article : par ainsi qu’elle tiegne le serement et promesse qu’elle a fait a nostre Seigneur, c’est assavoir qu’elle gardast bien sa virginité de corps et de ame,

Interroguee se il est besoing de se confesser, puisque elle croit, a la revelation de ses voix, qu’elle sera [sauvee]138,

Respond qu’elle ne sçait point qu’elle ait peché mortellement ; mais, se elle estoit en peché mortel, elle pense que saincte Katherine et saincte 177177Margueritte la delaisseroyent tantost. Et croit, 121 en respondant a l’article precedent : On ne sçait trop nectoyer sa conscience.

Item, interrogata utrum opus sit sibi confiteri, ex quo credit, ad revelacionem suarum vocum, quod ipsa salvabitur,

Respondit quod nescit se peccasse mortaliter. Sed, si esset in peccato mortali, ipsa cogitat quod sancte Katherina et Margareta statim desererent eam ; credens quod nesciret mundare nimis conscienciam suam. XLIV

Interroguee se il est besoing de se confesser, puisqu’elle croist a la relacion de ses voix qu’elle sera sauvee,

Respond qu’elle ne sçait point qu’elle ait pechié mortellement ; mais s’elle estoit en pechié mortel, elle pense que saincte Katherine et saincte Marguerite la delesseroient tantost. 103v Et croist, en respondant a l’article precedant : On ne sçait trop nectoyer la conscience.

Interroguee se, depuis qu’elle est en ceste prison, a point regnoyé ou maugréé Dieu,

Respond que non ; et que aulcunes foys, quand elle dit : Bon gré Dieu, ou : Sainct Jehan, ou : Nostre Dame, ceulx qui pevent avoir rapporté, [ont]139 mal entendu.

Item, interrogata si, postquam est in carcere, denegavit Deum vel maledixit ei,

Respondit quod non. Et quod aliquociens quando ipsa dixit : Bon gre Dieu, ou Saint Jehan, ou Nostre Dame, illi qui possunt retulisse, male intellexerunt. XLVII

Interroguee se, depuis qu’elle est en ces te prison, a point regnoyé ou malgree Dieu,

Respond que non ; et que aucunes fois, quant elle dit : Bon gré Dieu, ou : Saint Jehan, ou : Nostre Dame, ceulx qui pevent avoir rapporté, ont mal actendu.

Interroguee se, de prendre ung homme a rançon et le faire mourir prisonnier, se c’est peché mortel,

Respond qu’elle ne la point faict.

Item, interrogata si capere unum hominem ad reddicionem, et facere eum mori presionarium, sitne peccatum mortale,

Respondit quod ipsa hoc non fecit.

Interroguee, se de prendre ung homme a raençon, et le faire mourir prisonnier, se c’est point pechié mortel,

Respond qu’elle ne l’a point fait.

Et pour ce que on luy parlait d’ung nommé Francquet Darras, qu’on feist mourir a Lagny,

Respond qu’elle fut consentente de luy de le faire mourir, se il l’avoit deservy, pour ce qu’il confessa estre meurtrier, larron et traistre. Et dit que son procez dura quinze jours ; et en fut juge le baillif de Senlis et ceulx de la justice de Laigny. Et dist qu’elle requeroit avoir Flancquet pour ung homme de Paris, seigneur de L’Ours. Et quand elle sceust que le seigneur fust mort, et que le baillif luy dist qu’elle voulloit faire grand tort a la justice, de delivrer celluy Francquet, lors dit elle au baillif : Puisque mon homme est mort, que je voulloye avoir, faictes de luy ce que debverez faire par justice.

Et quia fiebat sibi verbum de uno vocato Franquet Darras, qui fuit morti traditus apud Latigniacum,

Respondit quod fuit consenciens de faciendo ipsum mori, si ipse meruerat, propter hoc quod ipse confessus est se esse occisorem, latronem et proditorem.

Et dixit quod processus illius duravit quindecim diebus. Et fuit iudex baillivus Silvanectensis et homines iustitie de Lathiniaco.

Et dixit quod ipsa requirebat habere illum Franquetum pro uno homine de Parisius, hospite domus Ad Ursum. Et quando scivit quod ille homo fuit mortuus, et quod baillivus dixit ei quod Ipsa volebat facere magnam iniuriam iusticie, de liberando ipsum Franquetum, ipsa dixit baillivo : Postquam nomo meus, quem volebam habere, mortuus est, faciatis de isto illud quod debebitis facere per iusticiam.

Et, pour ce que on luy parlait d’un nommé Franquet Darras, que on fist mourir a Laigny,

Respond qu’elle fut consentante de luy de le faire mourir, se il l’avoit desservi, pour ce qu’il confessa estre murdrier, larron et traictre. Et dit que son procès dura XV jours, et en fut juge le baillif de Senlis et ceulx de la justice de Laigny. Et dit qu’elle requeroit avoir Franquet pour ung homme de Paris, seigneur de L’Ours ; et quant elle sceut que le seigneur fut mort, et que le baillif luy dist qu’elle vouloit faire grant tort a la justice de delivrer celluy Franquet, lors dit celle au baillif : Puis que mon homme est mort, que je vouloye avoir, faictes de icelluy ce que debvroyés faire par justice.

Interroguee se elle bailla l’argent ou feist bailler pour celluy 122 qui avoit prins ledit Francquet,

Respond qu’elle n’est pas monnoyer ou tresorier de France, pour bailler argent.

Interroguee s’elle bailla l’argent ou fist bailler pour celluy qui avait prins ledit Franquet,

Respond qu’elle n’est pas monnoyer ou tresorier de France, pour bailler argent.

Et quand on luy a ramentu qu’elle avoit assailly Paris en jour de feste ; qu’elle avoit eu le cheval de monseigneur de Senlis ; qu’elle c’estoit lassee cheoir de la tour de Beaureveoir ; qu’elle porte habit d’homme ; qu’elle est consentante de la mort de Francquet Darras, s’elle cuide point avoir faict peché mortel,

Et quando sibi reductum fuit ad memoriam : quod ipsa invaserat villam Parisiensem in die festo ; quod ipsa habuerat equum domini episcopi Silvanectensis ; quod ipsa dimisit se cadere a turri de Beaurevoir ; quod portat habitum virilem ; quod erat consenciens de morte Franquetti Darras ; uirum ipsa credit ne fecisse peccatum mortale,

Et quant on luy a ramentue qu’elle avoit assailli Paris a jour de feste, qu’elle avoit eu le cheval de monseigneur de Senlis, qu’elle s’estoit laissee cheoir de la tour de Beaurevoir, qu’elle porte abit d’omme, qu’elle estoit consentante de la mort de Franquet Darras, s’elle cuide point avoir fait pechié mortel,

[Interrogatoire en la prison]

[Mercredi, 14 mars, après-midi]

[Interrogatoire en la prison]

[Mercredi, 14 mars, après-midi]

(Ch. 127-129)

Item ledit jour de mercredy de relevee,

quatorzeme jour de mars,

Item, die mercurii predicta de releveya, decima quarta marcii,

Respond au premier, de Paris :

Je n’en cuide point estre en péché mortel. Et, si je l’ay faict, c’est a Dieu d’en congnoistre, et en confession a Dieu et au prebstre.

Respondit : ad primum de invasione Parisiensi, quod ipsa inde non credit esse in peccato mortali. Et si ipsa feccrit peccatum mortale, hoc est cognoscendum Deo, et sacerdoti in confossione.

Respont au premier, de Paris : Je n’en cuide point estre en pechié mortel ; et se je l’ay fait, c’est a Dieu d’en congnoistre, et en confession a Dieu et au presbtre.

178179Au second, du cheval de monseigneur de Senlis,

Respond qu’elle croit fermement qu’elle n’en a point de péché mortel envers nostre Seigneur, pour ce que il se estime a deuxcc salus d’or, dont il en oult assignation ; et toutesfoys il fut renvoyé au seigneur de la Trimouille, pour le rendre a monseigneur de Senlis ; et ne valloit rien ledit cheval a chevaucher pour elle. Et si dist que elle ne Posta pas de l’evesque ; et si dist aussy 123 qu’elle n’estoit point contente, d’aultre party, de le retenir, pour ce qu’elle oyt que l’evesque en estoit mal content que on avoit prins son cheval ; et aussy, pour ce que il ne valloit riens pour gens d’armes. Et, en conclusion, se il fut payé de l’assignation qui luy fut faicte, ne aussi ne sçait se il eust restitution de son cheval. Pense que non.

Ad secundtun, de equo domini episcopi Siluanedensi,

Respondit quod credit se non peccasse in hoc, quia prefatus dominus episcopus Silvanectensis habuit assignacionem, pro dicto equo de ducentis salutiis auri.

Au second, du cheval de monseigneur de Senliz,

Respond qu’elle croist fermement qu’elle n’en a point de pechié mortel envers nostre Sire, pour ce qu’il se estime a deux cens salus d’or, dont il en oult assignacion ; et toutesvoies il fut renvoyé au seigneur de la Tremoulle pour la rendre a monseigneur de Senliz ; et ne valoit rien ledit cheval a chevaucher pour elle. Et si dit qu’elle ne le osta pas de l’evesque ; et si dist aussi qu’elle n’estoit point contente, d’autre party, de le retenir, pour ce qu’elle oyt que l’eves que en estoit mal content que on avoit prins son cheval, et aussi pour ce qu’il ne valoit rien pour gens d’armes. Et en conclusion, s’il fut paié de l’assignacion qui luy fust faicte, ne sçait, ne aussi s’il eust restitucion de son cheval, et pense que non.

Au tiers, de la tour de Beaureveoir,

Respond : Je le faisoye, non pas en esperance de moy desesperer ; mais en esperance de saulver mon corps, et de aller secourir plusieurs bonnes gens qui estoyent en neccessité. Et apprez le sault, s’en est confessee, et en a requis mercy a nostre Seigneur. Et en a pardon de nostre Seigneur. Et croit que ce n’estoit pas bien faict de faire ce sault ; mais fut mal faict.

Ad tertium, uidelicet de turri,

Respondit quod non faciebat illum saltum per desperacionem ; sed in spe salvandi corpus suum et succurrendi pluribus bonis gentibus que erant in necessitate ; et post saltum confessa est, et requisivit veniam a Deo ; et habuit veniam ab ipso. Et credit quod malefactum erat de faciendo illum saltum.

Au tiers, de la tour de Beaurevoir,

Respond : Je le faisoye non pas en esperance de moy deesperer, mais en esperance de sauver mon corps, et de aler secourir plusieurs bonnes gens qui estoient en neccessité. Et après le sault s’en est confessee, et en a requis mercy a nostre Seigneur, et en a pardon de nostre Seigneur. Et croist que ce n’estoit pas bien fait de faire ce sault ; mais fust mal fait.

Item, dit qu’elle sçait qu’elle a pardon par la relacion140 de saincte Katherine, apprez qu’elle en fut confessee. Et que, du conseil de saincte Katherine, elle s’en confessa.

Item, dixit quod ipsa scit se habuisse veniam, postquam confessa est, per revelacionem sancte Katherine, de cuius consilio ipsa ivit ad confessionem.

Item, dit qu’elle sçait qu’elle en a pardon par la relacion de saincte Katherine, aprés qu’elle en fut confessee ; et que, du conseil de saincte Katherine, elle s’en confessa.

Interroguee se elle en eust grande penitence,

Respond qu’elle en porta une grand partie, du mal qu’elle se feist en cheant.

Interroguee s’elle en oult grande penitance,

Respond qu’elle en porta une grant partie, du mal qu’elle se fist en cheant.

Interroguee se, ce mal faict qu’elle feist de saillir, s’elle croit que ce fust peché mortel,

Respond : Je n’en sçais riens ; mais m’en actendz a nostre Seigneur.

Interroguee se, ce mal fait qu’elle fist de saillir, s’elle croist que ce fust pechié mortel, Respond : Je n’en sçay rien, mais m’en actend a nostre Seigneur.

Au quart, elle porte habit d’homme,

124 Respond : Puisque je le fais par le commandement de nostre Syre, et son service, je ne cuide point mal faire ; et, quand il luy plaira a commander, il sera tantost jus.

Ad quartum, de habita virili, etc.,

Respondit : Postquam ego facio illud per preceptum Dei, et in suo servicio, ego non credo male facere ; et quando sibi placebit precipere, statim erit remotus.

Au quart, elle porte habit d’omme,

Respond : Puisque je le fais par le commandement de nostre Sire, et en son service, je ne cuide point mal faire ; et quant il luy plaisa a commander, il sera tantoust mis jus.

[Interrogatoire en la prison]

[Jeudi, 15 mars]

[Interrogatoire en la prison]

[Jeudi, 15 mars]

(Ch. 130-131)

Le jeudy mattin, XVme jour de mars,

Jovis de mane, decima quinta mensis marcii,

Apprez les monicions faictes a elle et requisitions que, se elle a faict quelque chose qui soit contre nostre foy, qu’elle s’en doibt rapporter a la determination de l’Eglise,

Respond que ses reponces soyent veues par les tiers. Et puisque on 180181luy dye se il y a quelque chose qui soit contre la foy chrestienne ; elle sera bien dire par son conseil qu’il en sera ; et puis en dira ce qu’elle en aura trouvé par son conseil. Et toutesfoys, se il y a riens de mal contre la foy chrestienne, que nostre Syre a commandee, [elle]141 ne vouldroit soustenir, et seroit bien courroucee d’aller contre.

Et post moniciones sibi factas et requisiciones quod, si fecerit aliquid quod sit contra fidem nostram, debet se referre ad determinacionem Ecclesie,

Respondit quod responsiones sue videantur et examinentur per clericos ; et postea quod dicatur sibi si sit aliquid contra fidem christianam ; et ipsa bene sciet per consilium suum dicere quid inde erit ; et postea dicet illud quod repe riet per suum consilium. Et tamen si sit aliquid mali contra fidem christianam quam Deus precepit, ipsa non vellet sustinere, et esset bene irata de veniendo seu eundo contra.

Après les monicions faictes a elle, et réquisitions que, s’elle a fait quelque chose qui soit contre nostre foy, qu’elle s’en doit rapporter a la determinacion de l’Eglise,

104r Respond que ses responses soient veues et examinees par les clercs ; et puis que on luy die s’il y a quelque chose qui soit contre la foy chrestienne : elle sçara bien a dire par son conseil qu’il en sera, et puis en dira ce que en aura trouvé par son conseil. Et toutesvoies, s’il n’y a rien de mal contre la foy chrestienne que nostre Sire a commandee, elle ne vouldroit soustenir, et seroit bien courroucee d’aler encontre.

Item, luy fut declaree l’Eglise triomphante et L’Eglise militant, que c’estoit de l’une et de l’autre.

Item, requise que de present elle se mist en la determination 125 de l’Eglise, de ce qu’elle a faict, soit bien ou mal,

Respond : Je ne vous en respondray aultre chose pour le present.

Item, fuit sibi declaratum quid erat Ecclesia triumphans et quid erat Ecclesia militans. Et requisita quod, de presenti ipsa submicteret se determinacioni Ecclesie, de hoc quod ipsa fecit et dixit, sive hoc sit bonum, sive malum,

Respondit : Ego non respondebo vobis aliud de presenti. LXI

Item, luy fut declairé l’Eglise triomphant et l’Eglise militant, que c’estoit de l’un et de l’autre.

Item, reguise que de present elle se meist en la determinacion de l’Eglise de ce qu’elle a fait ou dit, soit bien ou mal,

Respond : Je ne vous en respondray autre chose pour le present.

[Autre interrogatoire]

[Jeudi, 15 mars]

[Autre interrogatoire]

[Jeudi, 15 mars]

(Ch. 131-140)

Le jeudy, XVme iour de mars, l’an mil IIIIcc trente,

Die jovis decima quinta mensis marcii, anno Domini millesimo CCCCmo tricesimo,

Ladicte Jhenne fut requise et interroguee sur les juremens devantdictz,

Fuit dicta Johanna reguisita et interrogata sub juramento predido.

Et premierement, qu’elle dist la maniere comme elle cuida eschapper du chastel de Beaulieu, entre deux pièces de boys,

Respond qu’elle ne fut oncques prisonnière en lieu, qu’elle ne se eschappast voluntiers. Et elle, estante en icelluy chastel, eust confermé ses gardes dedens la tour, n’eust esté le portier qui l’advisa et la recouvra.

Item, interrogata quod diceret modum qualiter credidit evadere a castra de Beaulieu, inter duas pecias bosci,

Respondit quod nunquam fuit prisionaria in aliquo loco quin libenter evasisset. Et ipsa exsistente in illo Castro, inclusisset suos custodes infra turrim, nisi fuisset portarius qui eam vidit et sibi obviavit.

Et primo, qu’elle dist la maniere comme elle cuida eschaper du chastel de Beaulieu, entre deux pièces de boys,

Respond qu’elle ne fut oncques pri sonnière en lieu qu’elle ne se eschappast voulentiers ; et elle estant en icelluy chastel, eust confermé ses gardes dedans la tour, n’eust esté le portier qui la advisa et la recontra.

Item, dit, a ce qui luy semble, qu’il ne plaisoit pas a Dieu qu’elle eschappast pour celle foys ; et qu’il falloit qu’elle veist le roy des Angloys, comme ses voix luy avoyent dit, et comme dessus est escript.

Item dixit, ad hoc quod ei videtur, quod non placebat Deo quod ipsa evaderet pro illa vice ; et quod oportebat quod ipsa videret regem Anglorum, sicut voces sue dixerunt ei, prout superius dictum est. XXXI

Item, dit, ad ce que il luy semble, que il ne plaisoit pas a Dieu qu’elle eschap past pour celle fois ; et qu’il failloit qu’elle veist le roy des Angloys, comme ses voix luy avoient dit, et comme dessus escript.

Interroguee se elle a congié de Dieu ou de ses voix de partir de prison toutes foys qu’il plaira a elle,

Respond : 126 Je l’ay demandé plusieurs foys ; mais je ne l’ay pas encoire.

Interroguee s’elle a congié de Dieu ou de ses voix de partir de prison toutesfois qu’il plaira a elle,

Respond : Je l’ay demandé plusieurs fois, mais je ne l’ay pas encore.

Interroguee se de present elle partirait, se elle veoit son point de partir,

Respond : Se elle veoit l’huis ouvert, elle s’en yroit. Et ce luy seroit le congié de nostre Seigneur. Et croit fermement, se elle veoit l’huis ouvert, et ses gardes et les aultres Angloys ny sceussent resister, elle entendroit que ce seroit le congié, et que nostre Seigneur luy enveiroit secours. Mais sans congié ne s’en yroit pas ; se ce n’estoit celle faisoit une entreprinse pour s’en aller, pour savoir si nostre Seigneur en seroit content. Et allegué : Ayde toy, Dieu te aydera. Et le dit pour ce que, si elle s’en alloit, que on ne dye pas qu’elle s’en fust allee sans congié.

Interroguee se de present elle partirait, s’elle veoit son point de partir,

Respond : S’elle veoit l’uys ouvert, elle s’en iroit, et ce luy seroit le congié de nostre Seigneur. Et croist fermement, s’elle veoit l’uys ouvert, et ses gardes et les autres Angloys n’y sceussent résister, elle entendroit que ce seroit le congié, et que nostre Seigneur luy envoyeroit secours ; mais sen congié ne s’en iroit pas, se ce n’estoit s’elle faisoit une entre prise pour s’en aler, pour sçavoir se nostre Sire en seroit content, et allégué : Aide toy, Dieu te aidera. Et le dit pour ce que, s’elle s’en aloit, que on ne deist pas qu’elle s’en fust allee sans congié.

182183Interroguee, puisque elle demande a oyr messe, que il semble que ce serait le plus honneste qu’elle fust en habit de femme. Et pour ce fut interroguee : lequel elle aymeroit, prendre habit de femme et oyr messe, que demourer en habit d’homme, et non oyr messe,

Respond : Certiffiez moy de oyr messe, se je suis en habit de femme ; et sur ce je vous respondray.

Item, interrogata quod preeligeret, scilicet capere habitum muliebrem et audire missam, vel manere in habita viri et non audire missam,

Respondit : Certificetis michi de audiendo missam, si sim in habitu muliebri ; et super hoc respondebo vobis.

Interroguee, puis qu’elle demande a oyr messe, que il semble que ce seroit le plus honneste qu’elle fust en abit de femme ; et pour ce fut interroguee lequel elle aymeroit : prendre abit de femme et oyr messe, que demourer en abit d’omme et non oyr messe,

Respond : Certiffiés moy de oyr messe, se je suys en abit de femme ; et sur ce je vous respondray.

A quoy luy fut dit par l’interrogant : Et je vous certifie que vous aorrez messe, mais que soyez en habit de femme,

Respond : Et que dictes vous, se j’ay juré et promis a nostre Roy non metre jus cest habit ? Toutesfoys je vous respondz : Faictes moy faire une robbe longue jusques a terre, sans cueue, et me baillez a aller a la messe ; et puis, au retour, je prendray l’habit que j’ay.

Ad quod fuit sibi dictum per inlerrogantem quod eam de hoc certificabat.

Tunc ipsa Johanna respondit : Quid dicetis vos, si ego iuravi et promisi nostro Regi non deponere istum habitum ? Verumtamen ego respondeo vobis : Faciatis michi fieri unam vestem longam usque ad terrain, sine cauda, et eam tradatis michi ad eundum ad missam. Et postea in regressu, ego resumam habitum quem habeo.

A quoy luy fut dit par l’interrogant : Et je vous certiffie que vous aorrez messe, mais que soyez en abit de femme,

Respond : Et que dictes vous, se je ay juré et promis a nostre Roy non meictre jus cest habit ? Toutesvoies je vous respond : Faictes moy faire une robe longue jusques a terre, sans queue, et me la baillez a aler a la messe ; et puis au retour, je reprandray l’abit que j’ay.

Interroguee de prendre du tout l’habit de femme pour aller 127 oyr messe,

[Respond :] Je me conseilleray sur ce, et puis vous respondray. Et oultre requist, en l’honneur de Dieu et de nostre Dame, qu’elle puisse oyr messe en ceste bonne ville.

Iterum interrogata de accipiendo habitum muliebrem ex loto, pro eundo auditum missam,

Respondit : Ego habebo consilium super hoc ; et postea respondebo vobis. Et ulterius requisivit in honore Dei et nostre Domine quod ipsa posset audire missam in ista bona villa.

Et interroguee de prandre du tout l’abit de femme pour aler ouyr messe,

Respond : Je me conseilleray sur ce, et puis vous respondray. Et oultre requist, en l’onneur de Dieu et nostre Dame, qu’elle puisse oyr messe en ceste bonne ville.

Et a ce luy fut dit qu’elle prengne habit de femme simplement et absolutement.

Et elle respond : Baillez moy habit, comme une fille de bourgoys ; c’est assavoir houppellande longue, et je le prendray ; et mesme le chapperon de femme, pour aller ouyr messe.

Ad quod fuit sibi dictum quod ipsa caperet habitum muliebrem simpliciter et absolute,

Et ad hoc ipsa Johanna respondit : Tradatis michi habitum ad modum unius filie burgensis, scilicet unam houpelandam longam et similiter capucium muliebre. Et ipsa accipiam pro audiendo missam.

Et ad ce luy fut dit qu’elle prengne habit de femme simplement et absoluement,

Et elle respond : Baillez moy abit comme une fille de bourgoys, c’est assavoir houppelande longue, et je le prendray, et mesmes le chaperon de femme, pour aler ouyr messe.

Et aussy, le plus instamment qu’elle peult, requiert que on luy laisse cest habit qu’elle porte, et que on la laisse ouyr messe, sans le changer.

Et insuper, instantius quem poterat, tunc requisivit quod dimicteretur ei ille habitus quem deferebat, et quod per micteretur ei audire missam absque mutatione. XV

Et aussi le plus instamment qu’elle peust, requiert que on luy lesse cest habit qu’elle porte, et que on la laisse oyr messe, sans le changier.

Interroguee [se], de ce qu’elle a dit et faict, elle veult submectre et rapporter en la determinacion de l’Eglise,

Respond que : Toutes mes œuvres et mes faictz sont tous en la main de Dieu, et m’en actendz a Luy. Et vous certifie que je ne vouldroye riens faire ou dire contre la foy chrestienne ; et, se j’avoye riens faict ou dict, qui fust sur le corps de moy, que les clers sceussent dire que ce fust contre la foy chrestienne que nostre Seigneur ait establie, je ne vouldroye soustenir ; mais le mectroys hors.

Item, interrogata si, de hoc quod dixit et fecit, velit se submictere et referre determinacioni Ecclesie,

Respondit : Omnia opera mea et facta mea sunt in manu Dei. Et de hiis me refero ad ipsum. Et certifico vos quod ego non vellem aliquid facere vel dicere contra fidem christianam. Et, si ego fecissem vel dixissem, vel quod esset supra me, quod clerici scirent dicere quod esset contra fidem christianam quam Dominus noster stabilivit, ego non vellem sustinere, sed illud expellerem.

Interroguee se, de ce qu’elle a dit et fait, elle veult submeiclre et rapporter en la delerminacion de l’Eglise,

Respond que : Toutes mes oeuvres et mes fais sont tous en la main de Dieu, et m’en actend a luy ; et vous certiffie que je ne vouldroie rien faire ou dire contre la foy chrestienne ; et se je avoye rien fait ou dit qui fust sur le corps de moy, que les clercs sceussent dire que ce fust contre la foy chrestienne que nostre Sire ait establie, je ne vouldroie soustenir ; mais le bouteroye hors.

Interroguee se elle s’en vouldroit point submectre en l’ordonnance de l’Eglise,

Respond : Je ne vous en respondray maintenant aultre chose ; mais sabmedy, envoyez moy le clerc, se n’y voulez venir ; et je luy respondray de ce, a l’ayde Dieu ; et sera mis en escript.

Et iterum interrogata si de hoc vellet ne se ipsam submictere determinacioni Ecclesie,

Respondit : Ego non respondebo vobis nunc aliud ; sed sabbati mictatis michi clericum, si non velitis vonire. Et de hoc ego respondebo sibi, cum auxilio Dei. Et ponetur in scriptis. LXI

104v Et interroguee s’elle s’en vouldroit point submeclre en l’ordonnance de l’Eglise,

Respond : Je ne vous en respondray maintenant autre chose ; mais samedi envoyés moy le clerc, se n’y voulés venir ; et je luy respondray de ce a l’aide de Dieu ; et sera mis en escript.

128 Interroguee se, quand ses voix viennent, se elle leur faict reverence absolutement, comme [a] ung sainct ou saincte,

Respond que ouy. Et se elle ne l’a faict aulcunes foys, leur en a crié mercy et pardon depuis. Et ne leur sçait faire si grande reverence, comme 184185a elles appartient. Car elle croit fermement que se soyent sainctes Katherine et Margueritte.

Et semblablement dit de sainct Michel.

Item, interrogata utrum, quando sue voces veniunt, faciat eis reverenciam absolute, sicut uni sancto vel sancte,

Respondit quod sic. Et si ipsa non fecit aliquando, peciit ab eis veniam postea. Nec scit eis facere ita magnam reverenciam sicut illas decet, quia credit firmiter quod sint sancte Katherina et Margareta.

Et similiter dixit de sancto Michaele.

Interroguee se, quant ses voix viennent, s’elle leur fait reverence absoluement, comme a ung sainct ou saincte,

Respond que ouil. Et s’elle ne l’a fait aucunesfois, leur en a crié mercy et pardon depuis. Et ne leur sçait faire si grande reverence comme a elles appar tient ; car elle croist fermement que ce soient sainctes Katherine et Marguerite.

Et semblablement dit de saint Michiel.

Interroguee, pour ce que es sainctes de paradis ont faict volontiers oblation de chandelles, se [a] ses sainctz et ses sainctes qui viennent a elle, elle a point faict oblation de chandelles ardans ou d’aultres choses, a l’eglise ou ailleurs, ou faire dire des messes,

Respond que non, se ce n’est en offrant a la messe, en la main du prebstre, et en l’honneur de saincte Katherine ; et croit que c’est l’une de celles qui se apparut a elle ; et n’en a point tant allumé tant comme elle feroit voluntiers a sainctes Katherine et Marguerite, qui sont en paradis, qu’elle croit fermement que se sont celles qui viennent a elle.

Item, interrogata si illis sanctis que veniunt ad eam, ipsa fecerit oblacionem de candelis ardentibus, vel aliis rebus, in ecclesia aut alibi, vel fecerit dicere missas,

Respondit quod non, nisi hoc fuerit offerendo in missa, in manu sacerdotis, ad honorem sancte Katherine. Et credit quod sancta Katherina est una de illis que apparebant sibi. Et non accendit tot candelas sicut libenter fecisset sanctis Katherine et Margarete exsistentibus in paradiso ; quia credit firmiter quod ille sunt que veniunt ad eam.

Interroguee, pour ce que es saincts de paradis ont fait voulentiers oblacion de chandelles, etc., se a ces saincts et sainctes qui viennent a elle, elle a point fait oblacion de chandelles ardans ou d’autres choses, a l’eglise ou ailleurs, ou faire dire des messes,

Respond que non, se ce n’est en offrant a la messe en la main du prcsbtre, et en l’onneur de sainctc Katherine ; et croist que c’est l’une de celles qui se apparust a elle ; et n’en a point tant alumé comme elle feroit voulentiers a sainctes Kathe rine et Marguerite, qui sont en paradis, qu’elle croist fermement que ce sont celles qui viennent a elle.

Interroguee se, quand elle med ses chandelles devant l’ymaige saincte Katherine, elle les med en l’honneur de celle qui se apparut a elle,

Respond : Je le fais en l’honneur de Dieu, nostre Dame et de saincte Katherine qui est eu ciel. Et ne fais point de difference de saincte Katherine qui est eu ciel et de celle qui se appert [a]142 moy143.

Item, interrogata utrum, quando ponit istas candelas coram ymagine sancte Katherine, ipsa poneret huiusmodi can delas in honorem illius sancte que sibi apparebat,

Respondit : Ego facio istud in honorem Dei, Beate Marie, et sancte Katherine que est in celo ; nec facio differenciant inter sanctam Katherinam que est in celo et illam que apparet michi.

Interroguee se, quant elle meict ces chandelles devant l’ymaige saincte Katherine, elle les meict, ces chandelles, en l’onneur de celle qui se apparut a elle,

Respond : Je le fais en l’onneur de Dieu, nostre Dame et de saincte Kathe rine, qui est eu ciel ; et ne fais point de différence de saincte Katherine qui est eu ciel et de celle qui se appert moy.

129 Interroguee se elle le met en l’honneur de celle qui se apparut a elle,

Respond : Ouy. Car elle ne mect point de différence entre celle qui se apparut a elle et celle qui est eu ciel.

Interroguee s’elle le meict en l’onneur de celle qui se apparut a elle,

Respond que ouil ; car elle ne meict point de différence entre celle qui se apparut a elle, et celle qui est eu ciel.

Interroguee se elle faict et acomplist tousiours ce que ses voix luy commandent,

Respond que de tout son povoir elle accomplit le commandement de nostre Seigneur, a elle faict par ses voix, de ce que elle en sçait entendre ; et ne luy commandent rien sans le bon plaisir de nostre Seigneur.

Item, interrogata si faciat et compleat semper illud quod voces eidem precipiunt,

Respondit quod toto posse adimplevit preceptum Domini sibi factum per voces, de hoc quod ipsa scit intelligere ; nec sibi aliquid precipiunt sine beneplacito Domini. XLIX

Interroguee s’elle fait et accomplist tousiours ce que ses voix lui commandent,

Respond que de tout son povoir elle accomplist le commandement de nostre Seigneur a elle fait par ses voix, de ce qu’elle en sçait entendre ; et ne luy com mandent rien sans le bon plaisir de nostre Seigneur.

Interroguee se, eu faict de la guerre, elle a riens faict sans le congié de ses voix,

Respond : Vous en estes tous respondus. Et lysés bien vostre livre, et vous le trouverez.

Et toutesvoyes dit que, a la requeste des gens d’armes, fut faicte une vaillance d’armes devant Paris. Et aussy ala devant La Charité, a la requeste de son [roi]144. Et ne fut contre ne par le commandement de ses voix.

Interrogata si aliquid fecerat, in facto guerre, sine consilio suarum vocum,

Respondit : Vos habuistis totum responsum. Et : Legatis bene librum vestrum vos reperietis.

Et tamen dixit quod, ad requestam hominum armorum, fuit factum unum valens factum, gallice une vaillance d’armes, ante Parisius ; et eciam ivit ante villam de Caritate, ad requestam sui regis. Et non fuit contra nec per precep tum vocum suarum.

Interroguee se, eu fait de la guerre, elle a rien [fait]145 sans le congié de ses voix,

Respond : Vous en estes tous respondus. Et luisés bien vostre livre, et vous le trouverés.

Et toutesvoies dit que, a la requeste des gens d’armes, fut fait une vaillance d’armes devant Paris, et aussi ala devant La Charité a la requeste de son [roy]146 et ne fut contre ne par le commandement de ses voix.

Interrogata si umquam alias fecit contra preceptum et voluntatem suarum vocum,

Respondit illud quod in precedenti articulo actum est. XXXVIII

Interroguee se elle feist oncques aulcunes choses contre leur commandement et volunté,

130 Respond que ce qu’elle a peu et sceu faire, elle la faict et acomply 186187a son povoir. Et, quand est du sault du dongon de Beaureveoir, qu’elle feist contre leur commandement, elle ne s’en peut tenir. Et quand elles veirent sa neccessité, et qu’elle ne s’en savoit et povoit tenir, elles luy secoururent sa vie, et la garderent de [se] tuer.

Interrogata si umquam fecit aliqua contra preceptum et voluntatem suarum vocum,

Respondit quod illud quod ipsa potuit et scivit facere, ipsa fecit et complevit pro suo posse. Et quantum est de saltu a turri de Beaurevoir, quem ipsa fecit contra preceptum vocum suarum, non potuit se abstinere ; et quando voces videront suam necessitatem et quod nesciebat neque poterat se tenere, succurrerunt vite sue et eam preservaverunt df se interficiendo.

Interroguee se elle fist oncques aucunes choses contre leur commandement et voulenté,

Respond que ce qu’elle a peu et sceu faire, elle l’a fait et accomplyason povoir ; et quant est du sault du dongon de Beaurevoir, qu’elle fist contre leur commandement, elle ne s’en peust tenir ; et quant elles veirent sa neccessité, et qu’elle ne s’en sçavoit et povoit tenir, elles luy secourirent sa vie et la garderent de se tuer.

Et dit oultre que, quelque chose qu’elle feist oncques en ses grans affaires, elles l’ont tousiours secourue ; et ce est signe que ce soyent bons espritz.

Et dixit ultra quod, quicquid ipsa umquam fecit, semper ipse voces in suis magnis agendis succurrerunt ei. Et hoc est signum quod sunt boni spiritus. XXXVII

Et dit oultre que, quelque chose qu’elle feist oncques en ses grans afaires, elles l’ont tousiours secourue ; et ce est signe que ce soient bons esperis.

Interroguee se elle a point des aultre signe que se soyent bons espritz,

Respond : Sainct Michel le me certifia, avant que les voix me venissent.

Item, interrogata si erat aliud signum quod essenl boni spiritus qui sibi apparent,

Respondit : sanctus Michael me certifi cavit antequam voces venirent ad me.

Interroguee s’elle a point d’autre signe que ce soient bons esperis,

Respond : Saint Michiel le me certiffie, avant que les voix me venissent.

Interroguee comme elle congnut que c’estoit sainct Michel,

Respond : Par le parler et le langaige des angelz. Et croit fermement que estoyent angelz.

Interrogata quomodo cognovit quod erat sanctus Michael,

Respondit : Per loquelam et ydioma angelorum. Et credit firmiter quod erant angeli.

Interroguee comme elle congneust que c’estoit saint Michiel,

Respond : Par le parler et le langaige des angles. Et le croist fermement que c’estoient angles.

Interroguee comme elle congnut que c’estoit langaige d’angelz,

Respond qu’elle le creust assez tost ; et eust volunté de le croire.

Et dit oultre que sainct Michel, quand il vint a elle, luy dist que sainctes Katherine et Margueritte viendront a elle, et qu’elle feist par leur conseil ; et estoyent ordonnees pour la conduire et conseiller en ce qu’elle auroit a faire, et qu’elle les creust de ce qu’elles luy diroyent ; et que c’estoit par le commandement de nostre Seigneur.

Interrogata quomodo credidit quod erat ydioma angelorum,

Respondit quod ipsa credidit satis cito et habuit istam voluntatem de credendo illud. Et dixit ultra quod, quando sanctus Michael venit ad eam, sibi dixit quod sancte Katherina et Margareta venirent ad eam, et quod ipsa faceret per consilium earum.

Et erant ordinate pro ipsam conducendo et sibi consulendo in hiis que haberet agere ; et quod ipsa crederet eis de hoc quod dicerent sibi. Et quod erat hoc per preceptum Domini.

Interroguee comme elle congneust que c’estoit langaige d’angles,

Respond que elle le creust assés tost ; et eust ceste voulenté de le croire. Et dit oultre que saint Michiel, quand il vint a elle, luy dist que sainctes Katherine et Marguerite vendroient a elle, et qu’elle feust par leur conseil, et estoient ordon e ce qu’elles luy diroient, et que c’estoit nees pour la conduire et conseiller en ce Su’elle avoit a faire ; et qu’elle les creust par le commandement de nostre Seigneur.

Interroguee se l’ennemy se meloit en signe ou forme d’ange, comme elle congnoistroit que ce fust bon ange ou maulvaix ange,

Respond que elle 131 congnoistroit bien se ce seroit sainct Michel ou une chose contrefaicte comme luy.

Interrogata, si diabolus poneret se in forma vel in figura angeli, qualiter ipsa cognosceret quod esset bonus angelus aut malus,

Respondet quod cognosceret bene si esset sanctus Michael vel una res conficta loco eius, vel sicut ipse.

Interroguee, se l’annemy se mectoit en fourme ou signe d’angle, comme elle congnoistroit que ce fust bon angle ou mauvais angle,

Respond qu’elle congnoistroit bien se ce seroit saint Michiel ou une chose contrefaicte comme luy.

Item, respond que, a la premiere foys, elle feist grand doubte se c’estoit sainct Michel. Et a la premiere foys eust grand paour. Et si le vist mainctes foys avant qu’elle sceust que ce fust sainct Michel.

Item respondet quod prima vice ipsa fecit magnum dubium si esset sanctus Michael et prima vice habuit magnum timorem. Et vidit multociens eum ante quam sciret quod esset sanctus Michael.

105r Item, respont que, a la premiere fois, elle fist grant doubte se c’estoit saint Michiel. Et a la premiere fois oult grant paour ; et si le vist maintesfois avant qu’elle sceust que ce fust saint Michiel.

Interroguee pourquoy elle congnut plustost que c’estoit sainct Michel que a la foys qu’elle creut que c’estoit il, que a la foys premiere,

Respond que, a la premiere foys, elle estoit jeune enfant ; et eust paour de ce. Depuis luy enseigna et monstra tant qu’elle creut fermement que c’estoit il.

Item, interrogata quare ipsa cognovit citius quod erat sanctus Michael, illa vice qua credidit ipsum esse, quam fecerat in prima vice,

Respondit quod in prima vice, ipsa erat iuvenis puer, et habuit timorem. Et depost, ipse sanctus Michael docuit eam, et sibi monstravit in tantum quod credi dit firmiter quod ipse erat.

Interroguee pourquoy elle congneust plus tost que c’estoit sainct Michiel que a la fois qu’elle creust que c’estoit il, que a la fois premiere,

Respond que, a la premiere fois, elle estoit jeune enfant et oult paour de ce ; depuis, lui enseigna et monstra tant qu’elle creust fermement que c’estoit il.

Interroguee quelle doctrine il luy enseigna,

Respond : Sur toutes choses, il luy disoit qu’elle fust bonne enfant, et que Dieu luy aideroit. Et entre les aultres choses, qu’elle vint au secours du roy de France. Et une plus grande partie de ce que l’ange luy enseigna, est en ce livre147 ; et luy racomptoit l’ange la pitié qui estoit eu royaulme de France.

Interrogata qualem doclrinam ipse do cuit ei,

Respondit quod super omnia ipse dicebat ei quod esset bona, et quod Deus adiuvaret eam. Et inter alia dixit quod ipsa veniret ad succursum regis Francie ; et una maior pars, de hoc quod angelus docuit eam, est in isto libro. Et recitabat sibi angelus miseriam que erat in regno Francie. XXXIV

Interroguee quelle doctrine il luy en seigna,

Respond : Sur toutes choses il luy disoit qu’elle fust bon enfant, et que Dieu luy aideroit ; et, entre les autres choses, qu’elle venist au secours du roy de France. Et une plus grande partie de ce que l’angle luy enseigna est en ce livre ; et luy racontet l’ange la pitié qui estoit eu royaume de Francie.

188189Interroguee de la grandeur et statue d’icelluy ange,

Dit que sabmedy elle en respondra, avecq l’autre chose dont elle doibt respondre ; c’est assavoir ce que il en plaira a Dieu.

Item, interrogata de magnitudine et statura angeli sibi apparentis,

Dixit quod sabbati respondebit, cum alia re de qua respondere debet, videlicet id quod de hiis Deo placebit. XXXI

Interroguee de la grandeur et estature de celluy angle,

Dit que samedi elle en respondra avec l’autre chose dont elle doit respondre, c’est assavoir ce qu’il en plaira a Dieu.

132 Interroguee se elle croit point que ce fust grand peché de courroucer saincte Katherine et saincte Margueritte, qui se apparut a elle, et de faire contre leur mandement,

Dist que ouy, qui le sçait amender ; et que le plus qu’elle les corroussast oncques, a son advis, ce fut du sault de Beaureveoir ; et dont elle leur a crié mercy, et des aultres offenses qu’elle peult avoir faictes envers elles.

Item, interrogata si credit ne quod sit magnum peccatum de offendendo sanctas Katherinam et Margaretam que apparent ei, et de faciendo contra preceptum earum,

Dixit quod sic, qui hoc scit emendare ; et quod res in qua umquam magis offendit eas, fuit in saltu predicto, ut ei videtur. Et [de]148 hoc eis petivit veniam et de aliis offensis quas potest fecisse adversus eas. XXXVII

Interroguee s’elle croist point grant pechié de courroucer saincte Katherine et saincte Marguerite qui se appairent a elle, et de faire contre leur commandement,

Dit que ouil, qui le sçait amender ; et que le plus qu’elle les courrouçast oncques, a son advis, ce fut du sault de Beaurevoir ; et dont elle leur a crié mercy, et des autres offenses qu’elle pcust avoir faictes envers elles.

Interroguee se saincte Katherine et saincte Marguerite prendrogent vengeance corporelle pour l’offence,

Respond qu’elle ne sçait ; et qu’elle ne leur a point demandé.

Interroguee se saincte Marguerite et saincte Katherine prendraient vengence corporelle pour l’offence,

Respond qu’elle ne sçait, et qu’elle ne leur a point demandé.

Interroguee pour ce qu’elle a dit que, pour dire verité, aulcunes fogs on est pendu ; et pour ce, se elle sçait en elle quelque crime ou faulte, pour quoy elle peust ou deust mourir, se elle le confessait,

Respond que non.

Interrogata, quia ipsa dixit quod pro dicendo veritatem suspenditur, si sciret in se ipsa aliquod crimen vel defectum propter quos posset dubitare mori, si ipsos confiteretur,

Respondit quod non. XXXI

Interroguee pour ce qu’elle a dit que, pour dire verité, aucunesfois l’en est pendu ; et pour ce, s’elle sçait en elle quelque crime ou faulte, pour quoy elle peust ou deust mourir, s’elle le confessait,

Respond que non.

[Interrogatoire en la prison]

[Samedi, 17 mars]

[Interrogatoire en la prison]

[Samedi, 17 mars]

(Ch. 140-147)

Le sabmedy, XVIIe jour de mars,

Ladicte Jhenne fut faict jurer de dire verité.

Die sabbati, decima septima mensis marcii, dicta Iohanna fuit requisita deprestando ; et iuravit, etc.

Interroguee de donner responce en quelle forme et espece, grandeur et habit, vient sainct Michel,

[Respond :] Il estoit en la forme de tres vray preudhomme. Et de l’habit et de aultres choses, [elle]149 n’en dira aultre chose.

Quand aux angelz, elle les a veuz a ses yeulx ; et n’en aura l’en plus aultre chose d’elle.

Interroguee de donner responce en quelle fourme et espece, grandeur et habit, vient sainct Michiel,

Respond : Il estoit en la fourme d’un tres vray preudomme. Et de l’abit et d’autres choses, elle n’en dira plus autre chose.

Quant aux angles, elle les a veus a ses yeulx, et n’en aura l’en plus autre chose d’elle.

133 Item, dit qu’elle croit aussy fermement les dictz et les faictz de sainct Michel, qui s’est apparu a elle, comme elle croit que nostre Seigneur Jhesus Christ souffrit mort et passion pour nous. Et ce qui la meut elle a le croire, c’est le bon conseil, confort et bonne doctrine que il luy a fais et donnez.

Item, dit qu’elle croist aussi fermement les ditz et les fais de sainct Michiel, qui s’est apparu a elle, comme elle croist que nostre Seigneur Jhesus Crist souffrit mort et passion pour nous. Et ce qui la meust a le croire, c’est le bon conseil, confort et bonne doctrine qu’il luy a fais et donnés.

Interroguee se elle veult se metre de tous ses dictz et fais, soit de bien ou mal, a la détermination de nostre mere saincte Eglise,

Respond que, quand a l’Eglise, elle l’ayme et la vouldroit soustenir de tout son povoir pour nostre foy chrestienne ; et n’est pas elle qu’on doibve destourber ou empescher d’aller a l’eglise, ne de ouyr messe. Quand aux bonnes œuvres qu’elle a faictes et de son advenement, il fault qu’elle s’en actende au Roy du Ciel, qui l’a envoyee a Charles, filz de Charles, roy de France, qui sera roy de France.

Interroguee s’elle se veult meictre de tous ses diz et fais, soit de bien ou mal, a la determinacion de nostre mere sainte Eglise,

Respond que, quant a l’Eglise, elle l’aime et la vouldroit soustenir de tout son povoir pour nostre foy chrestienne ; et n’est pas elle que on doive destourber ou empescher d’aler a l’eglise, ne de ouyr messe. Quant aux bonnes œuvres qu elle a faictes et de son advenement, il fault qu’elle s’en actende au Roy du ciel qui l’a envoyee a Charles, filz de Charles, roy de France, qui sera roy de France.

190191Et verrez que les Françoys gaigneront bientost une grand besongne que Dieu envoiroit aux Françoys ; et tant que il brannera150 prezque tout le royaulme de France.

Et dit qu’elle le dit, affin que, quand ce sera advenu, que on ait memoire qu’elle la dist.

Et requise de dire le terme,

Dist : Je m’en actendz a nostre Seigneur.

Et verrés que les Françoys gaigneront bien tost une grande besoingne que Dieu envoyeroit aux Françoys ; et tant que il brannera presque tout le royaume de France.

Et dit qu’elle le dit afin que, quant ce sera advenu, que ont ait mémoire qu’elle l’a dit.

Et requise de dire le terme,

Dit : Je m’en actend a nostre Seigneur.

Interroguee de dire se elle se rapporte a la détermination de l’Eglise,

Respond : Je m’en rapporte a nostre Seigneur, qui m’a envoyee, a nostre Dame et a tous les benoistz saincts et sainctes de paradis.

134 Et luy est advis que c’est tout ung de nostre Seigneur et de l’Eglise ; et que on ne doibt point faire de difficulté que ce ne soit tout ung.

Interroguee de dire s’elle se rapportera a la determinacion de l’Eglise,

Respond : Je m’en rapporte a nostre Seigneur, qui m’a envoyee, a nostre Dame, et a tous les benoietz saincts et sainctes de paradis. Et luy est advis que c’est tout ung de nostre Seigneur et de l’Eglise, et que on n’en doit point faire de difficulté, en demandant pour quoy on fait difficulté que ce ne soit tout ung.

Adoncq luy fut dit qu’il y a l’Eglise triumphant, ou est Dieu, les sainctz et les ames saulvees. L’Eglise militant, c’est nostre sainct pere le pappe, vicaire de Dieu en terre, les cardinaux, les prelatz de l’Eglise et le clergé, et tous bons chrestiens et catholicques ; laquelle Eglise, bien assemblee151, ne peult errer, et est gouvernee du Sainct Esprit.

Adonc luy fut dit que il y a l’Eglise triumphant, ou est Dieu, les saincts, les angles et les 105v ames saulvees. L’Eglise militant, c’est nostre saint pere le pape, vicaire de Dieu en terre, les cardinaulx, les prêtas de l’Eglise et clergié, et tous bons chrestiens et catholiques ; laquelle Eglise bien assemblé ne peut errer, et est gouvernee du Saint Esprit.

Et pour ce, interroguee se elle se veult rapporter a l’Eglise militant, c’est assavoir celle qui est ainsy declairee,

Respond qu’elle est venue au roy de France, de par Dieu, de par la Vierge Marie et tous les benoistz sainctz et sainctes de paradis, et l’Eglise victorieuse de la hault, et de leur commandement. Et a celle Eglise la, elle se submist tous ses bons fais, et tout ce qu’elle a faict ou a faire.

Item, dixit quod Deus misit eam ad succursum regis Francie. XXV

Et pour ce, interroguee s’elle se veult raporter a l’Eglise militant, c’est assavoir c’est celle qui est ainsi declairee,

Respond qu’elle est venue au roy de France de par Dieu, de par la Vierge Marie et tous les benoitz sains et sainctes de paradis, et l’Eglise victorieuse de la hault, et de leur commandement ; et a celle Eglise la elle submeict tous ses bons fais, et tout ce qu’elle a fait ou a faire.

Et de respondre se elle se submettra a l’Eglise militant,

Dit qu’elle n’en respondra maintenant aultre chose.

Et de respondre s’elle se submeictra a l’Eglise militant,

Dit qu’elle n’en respondra maintenant autre chose.

135 Interroguee qu’elle dit a cel habit de femme que on luy offre, affin qu’elle puisse aller oyr messe,

Respond : Quand a l’habit de femme, elle ne le prendra pas encoire, tant qu’il plaira a nostre Seigneur. Et se ainsy est que il la faille mener jusques en jugement, qu’il la faille desvestir en jugement, elle requiert aux seigneurs de l’Eglise qu’ilz luy donnent la grace d’avoir une chemise de femme et coeuvrechef en sa teste ; qu’elle ayme mieulx mourir que de revocquer ce que nostre Seigneur luy a faict faire ; ce qu’elle croit fermement que nostre Seigneur ne laissera ja advenir de la mectre si bas par chose, qu’elle n’ait secours bientost de Dieu et par miracle.

Item, interrogata quid dicebat ipsa ad dictiun habitum muliebrem qui sibi offerabatur, ut posset audire missam,

Respondit quantum ad habitum mulie brem, non caperet illum adhuc, donec placuerit Domino nostro. Et, si ita sit quod oporteat eam duci usque in iudicium et eam spoliari, ipsa requirit dominis ecclesiasticis ut dent ei gratiam habendi unam camisiam muliebrem et unum capitegium in capite suo. Quia prediligit mori quam revocare id quod Dominus noster fecit sibi fieri. Et credit firmiter quod Dominus noster non permictet eam venire ita basse, quin habeat suc cursum a Deo bene cito et per miraculum. XV

Interroguee qu’elle dit a cel habit de femme que on luy offre, affin qu’elle puisse aller ouyr messe, Respond : Quant a l’abit de femme, elle ne le prandra pas encore, tant qu’il plaira a nostre Seigneur. Et se ainsi est qu’il la faille mener jusques en jugement, qu’il la faille desvestir en jugement, elle requiert aux seigneurs de l’Eglise, qu’il luy donnent la grace de avoir une chemise de femme et un queuvrechief en sa teste ; qu’elle ayme mieulx mourir que de revoquer ce que nostre Seigneur luy a fait faire ; ce qu’elle croist fermeement que nostre Seigneur ne laira ja advenir de la meictre si bas, par chose, qu’elle n’ait secours bientost de Dieu et par miracle.

Interroguee, pour ce qu’elle dit qu’elle porte l’habit d’homme par le com mandement de Dieu, pourquog elle demande chemise de femme en article de mort,

Respond : Il luy suffict qu’elle soit longue.

Item, interrogata, quia dixit quod defert habitum virilem per preceptum Dei, quare ipsa petit camisiam mulieris in articulo mortis,

Respondit quod sufficit sibi quod camisia sit longa. XIV

Interroguee, pour ce qu’elle dit qu’elle porte habit d’omme par le commandement de Dieu, pourquoy elle demande chemise de femme en article de mort,

Respond : Il luy suffist qu’elle soit longue.

192193Interroguee se sa marraine qui a veu les fees est repputee saige femme,

Respond qu’elle est reputee bonne preude femme, non pas [devine]152 ou sorciere.

Item, interrogata si matrina sua que vidit fata, seu fatales dominus, reputetur sapiens mulier,

Respondit quod tenetur et reputatur bona et proba mulier, et non divina seu sortilega. V

Interroguee se sa marraine qui a veu les fees, s’elle est repputee saige femme,

Respond qu’elle est tenue et reputee bonne preude femme, non pas devine ou sorciere.

Interroguee, pour ce qu’elle a dit qu’elle prendrait habit de femme, mais que on la laissast aller, se ce plairoit a Dieu,

Respond : Se on luy donnoit congié en habit de femme, elle se metroit tantost 136 en habit d’homme, et feroit ce qui luy est commandé par nostre Seigneur. Elle [a] autresfoys ainsy respondu. Et ne feroit pour rien le serment qu’elle ne se armast et mist en habit d’homme, pour faire le plaisir de nostre Seigneur.

Item, inierrogata, quia dixit quod caperet habitum muliebrem, dummodo permicteretur abire, utrum hoc placeret Deo,

Respondit, si daretur sibi licencia in habitu muliebri, ipsa se poneret cito in habitu virili, et faceret illud quod fuit sibi preceptum per Dominum nostrum. Nec faceret pro aliqua re iuramentum quin se armaret et poneret in habitu virili, pro faciendo placitum sive voluntatem Domini nostri. XV

Interroguee, pour ce qu’elle a dit qu’elle prendrait habit de femme, mais que on la laissast aler, se ce plairoit a Dieu,

Respond : Se on luy donnoit congié en abit de femme, elle se mectroit tantoust en abit d’omme, et feroit ce qui luy est commandé par nostre Seigneur ; et l’a autresfois ainsi respondu, et ne feroit pour rien le serement qu’elle ne se armast et meist en abit d’omme, pour faire le plaisir de nostre Seigneur.

Interroguee de l’aage et des vestemens de sainctes Katherine et Margueritee,

Respond : Vous estes respondus de ce que vous en aurez de moy ; et n’en aurez aultre chose ; et vous en ay respondu tout au plus certain que je sçay.

Item, interrogata de etate et vestimentis sanctarum Katherine et Margarete,

Respondit : Responsum est vobis de hoc, quod vos super hiis habebitis a me. Nec inde habebitis aliud. Et de hiis respondi vobis totum ad certius quod scio. XXXI

Interroguee de l’aage et des vestemens de sainctes Katherine et Marguerite,

Respond : Vous estes respondus de ce que vous en aurez de moy ; et n’en airés aultre chose ; et vous en ay respondu tout au plus certain que je sçay.

Interroguee se elle croit point, au devant d’aufourd’huy, que les fees feussent maulvaix espritz,

Respond qu’elle n’en savoit rien.

Iterum interrogata si, ante diem huiusmodi decimam septimam marcii, credebat quod fatales Domine essent maligni spiritus,

Respondit quod de hoc nesciebat aliquid. V

Interroguee s’elle croiet point, au devant de au jourd’uy, que les fees feussent maulvais esperis,

Respond qu’elle n’en sçavoit rien.

Interroguee se elle sçait point que saincte Katherine et Margueritte hayent les Angloys,

Respond : Elles ayment ce que nostre Seigneur ayme, et hayent ce que Dieu hait.

Interrogata utrum sciat quod sonde Katherina et Margareta odiant Anglicos,

Respondit quod ipse amant illud quod Deus amat et odiunt quod Deus odit.

Interroguee s’elle sçait point que sainctes Katherine et Marguerite haient les Angloys,

Respond : Elles ayment ce que nostre Seigneur ayme, et haient ce que Dieu hait.

Interroguee se Dieu hait les Angloys,

Respond que, de l’amour ou hayne que Dieu a aux Angloys, ou que Dieu leur faict a leurs âmes, ne sçait rien ; mais sçait bien que ilz seront mis hors de France, excepté ceulx qui y mourront ; et que Dieu envoira victoire aux Françoys, et contre les Angloys.

Interrogata si Deus odiat Anglicos,

Respondit quod de amore vel odio quem Deus habet ad Anglicos vel quid Deus faciet animabus eorum, nichil scit. Sed bene scit. quod expellentur a Francia, exceptis illis qni morientur. Et quod Deus mictet victoriam Gallicis contra Anglicos.

Interroguee se Dieu hait les Angloys,

Respond que de l’amour ou haine que Dieu a aux Angloys, ou que Dieu leur feit a leurs âmes, ne sçait rien ; mais sçait bien que ilz seront boutez hors de France, excepté ceulx qui y mourront ; et que Dieu envoyera victoire aux Françoys, et contre les Angloys.

Interroguee se Dieu estoit pour les Angloys, quand 137 ilz estoyent en prosperité en France,

Respond qu’elle ne sçait se Dieu hayoit les Françoys ; mais croit qu’il vouloit permetre de les laisser bastre pour leurs pechez, se ilz y estoyent.

Interrogata utrum Deus erat pro Anglicis quando habebant prosperitatem in Francia,

Respondit quod ipsa nescit si tunc Deus odiebat Gallicos ; sed credit quod volebat permictere eos percuti pro peccatis suis, si erant in peccatis. XXXV

Interroguee se Dieu estoit pour les Angloys, quant ilz estoient en prosperité en France,

Respond qu’elle ne sçait se Dieu hayet les Françoys ; mais croist qu’il vouloit permeictre de les laisser batte pour leurs pechiez, s’ilz y estoient.

Interroguee quel garant et quel secours elle se actend avoir de nostre Seigneur, de ce qu’elle porte habit d’homme,

Respond que, tant de l’habit que d’aultres choses qu’elle a fais, elle n’en a voulu aultre loyer, synon la salvacion de son ame.

Interrogata quale garantizamentum et qualem succursum expectat habere a Domino noslro, de hoc quod portât habitum viri,

Respondit quod, quantum ad habitum et cetera que fecit, ipsa inde noluit habere aliud premium nisi salvacionem anime sue. XII

Interroguee quel garand et quel secours elle se actend avoir de nostre Seigneur, de ce qu’elle porte habit d’omme,

Respond que, tant de l’abit que d’au tres choses qu’elle a fais, elle n’en a voulu avoir autre loyer, sinon la salvacion de son ame.

Interroguee quelles armes elle offrit a Sainct Denis,

Respond que ung blanc harnoys entier a ung homme d’armes, avecques une espee ; et la gaigna devant Paris.

Interrogata qualia arma ipsa obtulit in ecclesia sancti Dionisii,

Respondit quod unum album hernesium integrum, quale spectat ad unum hominem armorum, cum uno ense ; et illum ensem lucrata fuit ante Parisius.

Interroguee quelz armes elle offry a Saint Denis,

Respond que ung blanc harnas entier a ung homme d’armes, avec une espee et la gaigna devant Paris.

194195Interroguee a quelle fin elle les offrit,

Respond que ce fut par devocion, ainsy qu’il est acoustumé par les gens d’armes, quand ilz sont blecez. Et, pour ce que elle avoit esté blecee devant Paris, les offris a sainct Denis, pour ce [que] c’est le cry de France.

Interrogata ad qualem finem ipsa eadem arma oblulit,

Respondit quod hoc fecit per devocionem, sicut consuetum est per gentes armorum, quando lese sunt. Et quia ipsa fuerat lesa ante Parisius, ipsa dicta arma obtulit Sancto Dionisio, quia est acclamacio, le cry gallice, Francie.

Interroguee a quelle fin elle les offry,

Respond que ce fut par devocion, ainsi que il est accoustumé par les gens d’ar mes, quant ilz sont bleciés : et pour ce qu’elle avoit esté blecee devant Paris, les offrit a saint Denis, pour ce que c’est le cry de France.

Interroguee se c’estoit pour ce qu’on les [adorast]153,

Respond que non.

Interrogata si hoc fecit ut dicta arma adorarenlur,

Respondit quod non. LIX

106r Interroguee se c’estoit pour ce que on les armast,

Respond que non.

Interroguee de quog servoyent ses cinq croix qui estoyent en l’espee qu’elle trouva a saincte Katherine de Fierboys,

Respond qu’elle n’en sçait rien.

Item, interrogata de quo deserviebant ille V cruces que erant in ense reperto in ecclesia Sancte Katherine de Fierboys,

Respondit quod de hoc nescit aliquid. XIX

Interroguee de quoy servaient ces cinq croix qui estoient en l’espee qu’elle trouva a saincte Katherine de Fierboys,

Respond qu’elle n’en sçait rien.

138 Interroguee qui la meut de faire paindre angelz avecques bras, piedz, jambes, vestemens,

Respond : Vous y estes respondus.

Interrogata quis movit eam facere de pingi angelos in suo vexillo cum brachiis, pedibus, tibiis et vestibus,

Respondit : Vos estis responsi ad hoc.

Interroguee qui la meust de faire poindre angles, avecques bras, piés, jambes, vestemens,

Respond : Vous y estes respondus.

Interroguee se elle les a faict paindre telz que ilz viennent a elle,

Respond qu’elle les a faictz paindre telz et en la maniere comme ilz sont painctz es eglises.

Interrogata si faciebat eosdem angelos depingi tales sicut veniebant ad eam,

Respondit quod ipsos depingi fecit in modo quo sunt picti in ecclesiis.

Interroguee s’elle les a fait poindre tielz qu’ilz viennent a elle,

Respond que elle les a fait paindre tielz en la maniere qu’ilz sont pains es eglises.

Interroguee se oncques elle les vist en la maniere que ilz furent paincts,

Respond : Je ne vous en diray aultre chose.

Interrogata si umquam viderit eos in modo quo fuerunt picti,

Respondit : Ego non dicam vobis aliud ex hoc.

Interroguee se oncques elle les vit en la maniere que ilz furent pains,

Respond : Je ne vous en diray autre chose.

Interroguee pourquoy elle n’y feist peindre la clarté qui venait a elle avecques les angelz ou les voix,

Respond que il ne luy fut commandé.

Interrogata quare non fecit depingi claritatem que veniebat ad eam cum angelo et vocibus,

Respondit quod hoc non fuerat eidem preceptum.

Interroguee pourquoy elle n’y fist paindre la clarté qui venoit a elle avec les angles ou les voix.

Respond que il ne luy fust point commandé.

[Interrogatoire en la prison]

[Samedi, 17 mars, après-midi]

[Interrogatoire en la prison]

[Samedi, 17 mars, après-midi]

(Ch. 147-154)

Du sabmedy, XVIIme iour de mars,

mil IIIIcc XXX, apprez disner,

Le samedi, XVIIe jour de mars, mil CCCC trente, après disner,

Interroguee se ses deux angelz, qui estoyent painctz en son estandard, representoyent sainct Michel et sainct Gabriel,

Respond qu’ilz n’y estoyent fors seullement pour l’honneur de nostre Seigneur, qui estoit painct en l’estandard. Et dit qu’elle ne fit faire icelle representacion des anges, fors seullement pour l’honneur de nostre Seigneur, qui y estoit figuré tenant le monde.

Item, interrogata si ipsi duo angeli qui depicti erant in ipso estandart, representabant sanctos Michaelem et Gabrielem,

Respondit quod non erant ibi nisi solum propter honorem Domini nostri, qui depictus erat in illo estandart.

Et dixit quod non fecit fieri illam representacionem duorum angelorum, nisi solum in honore Domini nostri, qui figuratus erat in illo estandart, tenens mundum.

Interroguee se ces deux angles, qui estoient pains en son estaindart, representaient saint Michiel et saint Gabriel,

Respond qu’ilz n’y estoient fors seullement pour l’onneur de nostre Seigneur, qui estoit painct en l’estaindart ; et dit qu’elle ne fist faire celle representacion des deux angles, fors seullement pour l’onneur de nostre Seigneur, qui y estoit figuré, tenant le monde.

Interroguee se ces deux angelz, qui estoyent figurez en l’estandard, estogent les deux anges qui gardent le monde, 139 et pourquoy il n’y en avoit plus, veu que il luy estoit commandé qu’elle peint tel estandart par nostre Seigneur,

Respond : Tout l’estandard estoit commandé par nostre Seigneur, par les voix de sainctes Katherine et Margueritte, qui luy dirent : Pren l’estandart 196197de par le Roy du ciel. Elle y feist faire celle figure de nostre Seigneur et de deux anges ; et de couleur, et tout, le feist par leur commandement.

Interrogata si ipsi duo angeli qui erant figurati en l’estandart, erant duo angeli qui custodiebant mundum ; et quare non erant plures ; viso quod ei preceptum erat ex parle Dei quod ipsa acciperet illud estandart,

Respondit quod totum l’estandart erat preceptum ex parte Dei per voces sanctarum Katherine et Margarete, que sibi dixerunt : Accipe l’estandart ex parte Regis celi. Et quia ipse sancte dixerunt et : Cape estandart ex parte Regis celi, ipsa in eo fecit fieri illam figuram Dei et duorum angelorum. Et de colore et omni bus fecit fieri per earum preceptum.

Interroguee se ces deux angles, qui estoient figurés en restaindart, estoient les deux angles qui gardent le monde, et pourquoy il n’y en avoit plus, veu qu’il luy estoit commandé par nostre Seigneur qu’elle prinst cel estaindart,

Respond : Tout l’estaindart estoit com mandé par nostre Seigneur, par les voix de sainctes Katherine et Margarite, qui luy dirent : Pren l’estaindart de par le Roy du ciel. Et pour ce qu’ilz luy dirent : Pren estaindart de par le Roy du ciel, elle y fist faire celle figure de nostre Seigneur et de deux angles ; et de cou leur et tout le fist par leur commandement.

Interroguee se alors elle leur demanda se, en vertu d’icelluy estandard, elle gaigneroit toutes les battailles ou elle se boutteroit, et qu’elle aurait victoire,

Respond que ilz luy dirent qu’elle print hardyment, et que Dieu luy ayderoit.

Interrogata si tunc peciit ab eisdem sanctis si, in virtuie illius vexilli, ipsa obtineret in omnibus bellis in quibus intraret, et quod ipsa in eis haberet victoriam,

Respondit quod dicte sancte dixerunt ei quod ipsa acciperet audacter, et quod Deus iuvaret eam.

Interroguee se alors elle leur demanda se, en vertu de celluy estaindart, elle gaigneroit toutes les batailles ou elle se bouterait, et qu’elle aurait victoire,

Respond qu’ilz luy dirent qu’elle prinst hardiement, et que Dieu luy aideroit.

Interroguee qui aydoit plus, elle a l’estandart, ou l’estandart a elle,

Respond que de la victoire de l’estandard ou d’elle, c’estoit a nostre Seigneur tout.

Interrogata quis plus iuvabat, vel ipsa vexillo suo, oel vexillum eidem,

Respondit quod victoria vexilli vel ipsius mulieris, totum erat attribuendum Deo.

Interroguee qui aidoit plus, elle a l’estaindart, ou l’estandarl a elle,

Respond que de la victoire de l’estandart ou d’elle, c’estoit tout a nostre Seigneur.

Interroguee se l’esperance d’avoir victoire estoit fondee en son estandard ou d’elle,

Respond : Il estoit fondé en nostre Seigneur, et non ailleurs.

Interrogata si spes habendi victoriam erat fundata in suo vexillo oel in ipsa,

Respondit spes dicte victorie erat fun data in Deo, et non alibi.

Interroguee se l’esperance d’avoir vic toire estoit fondee en son estaindart ou d’elle,

Respond : Il estoit fondé en nostre Seigneur, et non ailleurs.

Interroguee se ung aultre l’eust porté que elle, se il eust eu aussy bonne fortune comme d’elle de le porter,

Respond : Je n’en sçays rien. Je m’en actendz a nostre Seigneur.

Interrogata si unus alius ab ipsa portasset dictum vexillum, ipse habuisset ita bonam fortunam, sicut ipsa habebat in portando illud,

Respondit : Ego de hoc nichil scio, et me refero de illo ad Deum.

Interroguee, se ung autre l’eust porté qu’elle, se il eust eu aussi bonne fortune comme d’elle de le porter,

Respond : Je n’en sçay rien, je m’en actend a nostre Seigneur.

Interroguee se ung des gens de son party luy eust baillé son estandard a porter, se elle l’eust porté, et s’elle y eust eu aussy bonne esperan.ee, comme en celuy d’elle 140 qui luy estoit disposé de par Dieu, et mesmes celuy de son roy,

Respond : Je portoye plus voluntiers celluy qui me estoit ordonné de par nostre Seigneur. Et toutesfoys du tout, je m’en actendoye a nostre Seigneur.

Interrogata si aliquis de parte sua tradidisset eidem femine vexillum, eidem de parte sua pertinens, et ipsa portasset illud, si in illo vexillo iantam spem habuisset, sicut ipsa habebat in suo proprio vexillo quod erat sibi dispositum ex parle Dei ; et precipue si traditum fuisset ei vexillum sut regis,

Respondit : Ego libencius portabam illud vexillum quod erat michi ordinatum ex parte Dei. Verumptamen de omnibus ego me expectabam ad Deum. LVIII

Interroguee se ung des gens de son parly luy eust baillé son estaindart a porter, s’elle l’eust porté, et s’elle y eust eu aussi bonne esperance, comme en celluy d’elle qui luy estoit disposé de par Dieu, et mesmement celuy de son roy,

Respond : Je portoye plus voulentiers celluy qui m’estoit ordonné de par nostre Seigneur ; et toutesvoyes, du tout je m’en actendoye a nostre Seigneur.

Interroguee de quoy servait le signe qu’elle metoit a ses lettres : Jhesus Maria,

Respond que les clers escrivans ses lettres luy mettoyent ; et disoyent les aulcuns qu’ilz luy appartenoit metre ses deux motz : Jhesus Maria.

Interrogata de quo serviebat signum quod ponebat in suis licteris, et Jhesus Maria,

Respondit quod clerici scribentes suas licteras ponebant ; et dicebant aliqui quod decebat ponere illa duo nomina Jhesus Maria. XXIV

Interroguee de quoy servait le signe qu’elle mectoit en ses lectres : Jhesus Maria,

Respond que les clercs escripvans ses lectres luy mectoient ; et disoient les aucuns qui luy appartenoit mectre ces deux mos : Jhesus Maria.

Interroguee se il luy a point esté revelé, se elle perdoit sa virginité, qu’elle perdoit son heur, et que ses voix ne luy viendroyent plus,

Respond : Cela ne m’a point esté revelé.

Interroguee se il luy a point esté revelé, s’elle perdoit sa virginité, qu’elle perdrait son eur, et que ses voix ne luy vendraient plus,

Respond : Cela ne m’a point esté revelé.

Interroguee, se elle estoit mariee, se elle croit point que ses voix luy vensissent,

Respond : Je ne sçay ; et m’en actenz a nostre Seigneur.

Interroguee, s’elle estoit mariee, s’elle croist point que ses voix luy vensissent,

Respond : Je ne sçay ; et m’en actend a nostre Seigneur.

Interroguee se elle pense et croit [fermement]154 que son roy feist bien de tuer ou faire tuer monseigneur de Bourgoingne,

Respond que ce fut grand dommaige pour le royaulme de France ; et quelque chose qu’il y eust entre eulx, Dieu l’a envoyé au secours du roy de France.

Interroguee s’elle pense et croist fermeement que son roy feist bien de tuer ou faire tuer monseigneur 106v de Bourgongne,

Respond que ce fust grant dommaige pour le royaume de France ; et quelque chose qu’il y eust entr’eulx, Dieu l’a envoyee au secours du roy de France.

198199Interroguee, pour ce qu’elle a dit a monseigneur de Beauvoys qu’elle respondroit autant a monseigneur de Beauvoys et a ses commis, comment elle feroit a nostre sainct pere le pappe ; et toutesfois il y a plusieurs interrogatoires a quoy elle ne veult respondre, se elle respondroit point plus pleinement [qu’] a monseigneur de Beauvoys,

141 Respond qu’elle a respondu tout le plus vray qu’elle a sceu ; et se elle sçavoit aulcune chose qui luy en vensist a mémoire qu’elle n’ait dit, elle le diroyt voluntiers.

Interroguee, pour ce qu’elle a dit a monseigneur de Beauvez qu’elle respondroit autant a monseigneur et a ses commis, comme elle feroit devant noslre saint pere le pape ; et ioutesfois il y a plusieurs interrogatoires a quoy elle ne veult respondre, se elle respondroit point plus plainement qu’elle ne fait devant mon seigneur de Beauvaiz,

Respond qu’elle a respondu tout le plus vray qu’elle a sceu ; et s’elle sçavoit aucune chose qui luy vensist a mémoire qu’elle n’ait dit, elle diroit voulentiers.

Interroguee se l’ange qui apporta le signe a son roy, de quel aaige, grandeur et vestemens,

Interroguee se il luy semble qu’elle soit tenue respondre plainement verité au pappe, vicaire de Dieu, de tout ce que on luy demanderait touchant la foy et le faict de sa conscience,

Respond qu’elle requiert qu’elle soit menee a l’Eglise devant luy ; et puis elle respondra tout ce qu’elle debvera respondre.

Item, interrogata utrum ei videtur quod teneatur plane respondere veritalem Domino nostro pape, vicario Dei, et de omni illo quod sibi peteretur, tangente fidem et fac tum consciencie sue,

Respondit quod ipsa requirit quod ducatur coram eo ; et postea respondebit coram ipso omne illud quod debebit respondere. LXI

Interroguee se il luy semble qu’elle soit tenue respondre plainement verité au pape, vicaire de Dieu, de tout ce que on luy demanderoit touchant la foy et le fait de sa conscience,

Respont qu’elle requiert qu’elle soit menee devant luy ; et puis respondra devant luy tout ce qu’elle devra respondre.

Interrogué de l’ung de ses agneaux, ou il estoit escript : Jhesus Maria, de quelle matiere il estoit,

Respond : Elle ne sçait propprement ; et, s’il est d’or, il n’est pas de fin or. Et se ne sçait se c’estoit or ou latton ; et pense qu’il y avoit troys croix, et non aultre signe, qu’elle saiche, excepté : Jhesus Maria.

Item, interrogata de qua materia erat anulus suas, in quo scriptum erat Jhesus Maria,

Respondit quod nescit proprie. Et, si sit de auro, non est de auro puro ; nec scit utrum sit aurum vel electrum. Et cogitat quod ibi erant tres cruces, nec aliud signum quod sciat, exceptis : Jhesus Maria.

Interroguee de l’un de ses agneaulx, ou il estoit escript : Jhesus Maria, de quelle matiere il estoit,

Respond : Elle ne sçait proprement ; et s’il est d’or, il n’est pas de fin or ; et si ne sçait se c’estoit or ou lecton ; et pense qu’il y avoit trois croix, et non autre signe qu’elle saiche, excepté : Jhesus Maria.

Interroguee pourquoy c’estoit qu’elle regardait volluntiers cest anel, quand elle alloit en fait de guerre,

Respond que par plaisance, et pour l’honneur de son pere et de sa mere ; elle, ayant son anel en sa main et en son doy, a touché a saincte Katherine, que luy apparoist.

Interrogata quare ita libenter respiciebat dictum anulum, dum iret in facto guerre,

Respondit quod propter placenciam et honorem patris et matris suorum. Et ipsa, habens anulum in manu sua et in digito suo, tetigit sanctam Katherinam que sibi apparuit.

Interroguee pour quoy c’estoit qu’elle regardait voulentiers cel anel, quant elle aloit en fait de guerre,

Respond, que par plaisance et par l’onneur de son pere et de sa mere ; et elle, ayant son anel en sa main et en son doy, a touché a saincte Katherine qui luy appareist.

Et interroguee en quelle partie de ladicte saincte Katherine,

Respond : Vous n’en aurez aultre chose.

Interrogata in qua parte eam tetigit,

Respondit de hoc non habebitis aliud. XX

Et interroguee en quelle partie de ladicte saincte Katherine,

Respond : Vous n’en aurés autre chose.

Interroguee se elle baisa ou accola oncquez saincte Katherine ou Margueritee, Respond : Elle les a accolees toutes deux.

Item, interrogata si umquam osculata vel amplexata fuerit sanctas Katherinam et Margaretam,

Respondit quod amplexata est ambas et quod bonum odorabant.

Interroguee s’elle baisa ou accolla oncques sainctes Katherine et Marguerite,

Respond : Elle les a acolez toutes deulx.

142 Interroguee se ilz fleuroyent bon,

Respond : Il est bon a savoir que ilz sentoyent bon.

Interroguee se ilz fleuraient bon,

Respond : Il est bon a savoir, et sentaient bon.

Interroguee se, en accollant, elle y sentoyent point de challeur ou aultre chose,

Respond qu’elle ne les povoit accoller sans les sentir et toucher.

Interrogata si amplexando sentiebat ibi calorem vel aliud,

Respondit quod non poterat eas amplexari, gallice acoler, sine senciendo et tangendo eas.

Interroguee se, en accollant, elle y sentait point de chaleur ou autre chose,

Respond qu’elle ne les povoit accoller sans les sentir et toucher.

Interroguee par quelle partye elle les accolloit, ou par hautt ou par bas,

Respond : Il y affiert mieulx a les accoller par le hault que par le bas155.

Interrogata per quam partem ipsa eas amplexabalur, utrum per inferius vel per superius,

Respondit quod melius decet ipsas amplexari per inferius quam per superius. XLII

Interroguee par quelle partie elle les accoloit, ou par haull, ou par bas,

Respond : Il affiert mieulx a les accoler par le bas que par hault.

200201Interroguee se elle leur a point donné de chappeaux,

Respond que, en l’honneur d’elles, en leurs remenbrances ou ymaiges, es églises, en a plusieurs foys donné ; et, quand a celles qui s’apperent a elle, n’en a point baillé, dont elle ait mémoire.

Item, interrogata utrum dederit serta sanctis sibi apparentibus,

Respondit quod in honorera illarum sanctarum dedit ymaginibus seu representacionibus earum, in ecclesiis, pluries serta. Et, quoad illas que sibi apparent, non tradidit eis unde ipsa recordetur.

Interroguee s’elle leur a point donné de chappeaulx,

Respond que, en l’honneur d’elles, a leurs ymaiges ou remenbrance es eglises, en a plusieurs fois donné ; et quant a celles qui se appairent a [elle]156, n’en a point baillé dont elle ait memoire.

Interroguee, quand elle metoit chappeaulx en l’arbre, se elle les metoit en l’honneur de celles qui luy apparoyent,

Respond que non.

Item, interrogata utrum, quando ponebat serta in illa arbore de qua alias dictum est, ipsa poneret in honorem illarum que sibi apparebant,

Respondit quod non.

Interroguee, quant elle mectoit chap peaulx en l’arbre, s’elle les meictoit en l’onneur de celles qui luy apparoient,

Respond que non.

Interroguee se, quand ses sainctes venoyent a elle, se elle leur faisait point reverence, comme de se agenouiller ou incliner,

Respond que ouy. Et le plus qu’elle povoit leur faire de reverence, elle leur faisoit. Car elle sçait que ce sont celles qui sont en royaulme de paradis.

Item, interrogata utrum, quando sancte veniebant ad eam, faciebat eis reoerenciam, flectendo genua et inclinando se,

Respondit quod sic. Et quantum plus poterat, faciebat eis reverenciam ; et bene soit quod sunt ille que sunt in paradiso. XLIX

Interroguee se, quant ces sainctes ve naient a elle, s’elle leur faisait point reverence, comme de se agenouiller ou incliner,

Respond que ouil, et le plus qu’elle povoit leur faire de reverence, elle leur faisoit ; que elle sçait que ce sont celles qui sont eu royaume de paradis.

Interroguee sy elle sçait rien de ceulx qui vont en l’erre avecques les fees,

Respond qu’elle n’en feist oncq 143 ou sceut quelque chose ; mais en a bien ouy parler ; et que on y alloit au jeudy ; mais n’y croit point. Et croit que ce ne soit que sorcerie.

Item, interrogata si aliquid soit de hiis qui errant, gallice qui vont en lerre, cum fatis,

Respondit quod de hoc nunquam fecit nec scivit quicquam. Bene audivit loqui quod ibatur in die iovis ; sed in hoc non credit, ymo quod est sortilegium. V

Interroguee s’elle sçait rien de ceulx qui vont en [l’erre]157 avec les fees,

Respond qu’elle n’en fist oncques, ou sceust quelque chose ; mais a bien ouy parler, et que on y aloit le jeudi ; mais n’y croist point, et croist que ce ne soit sorcerie.

Interroguee se on feist point flotter ou tournyer son estandard autour de la coste158 de son roy,

Respond que non, qu’elle saiche.

Interrogata si fecerit suum vexillum circuire caput regis sui, ventilando,

Respondit quod non scit hoc fecisse.

Interroguee se on fist point floter ou tournier son estaindart au tour de la caste de son roy,

Respond que non, qu’elle saiche.

Interroguee pour quoy il fut plus porté en l’eglise de Rains, au sacre, que ceulx des aultres cappitaines,

Respond : Il avoit esté a la peine, c’estoit bien raison qu’il fust a l’honneur159.

Interrogata quare illum vexillum fuit portatum plus in ecclesia Remensi, ad consecracionem regis sui, quam vexilla aliorum capitaneorum,

Respondit : Illud vexillum fuerat in pena ; et idcirco racionabile est quod esset in honore.

Interroguee pour quoy il fut plus porté en l’eglise de Rains, au sacre, que ceulx des autres cappitaines,

Respond : Il avoit esté a la paine, c’estoit bien raison que il fust a l’onneur.

Notes

  1. [37]

    Ancien style.

  2. [38]

    Voir la lettre de Henri VI, p. 71.

  3. [39]

    Voir la lettre de l’Université, p. 69.

  4. [40]

    Voir cette sommation, p. 68.

  5. [41]

    O : Billon

  6. [42]

    Document omis par O (Voir Ch., 15).

  7. [43]

    Voir ce document, p. 69.

  8. [44]

    Courcelles écrit : habitationis nostre. La lettre qui nomme d’Estivet promoteur est datée : in domo habitationis magistri Johannis Rube (Ch., 18). C’est en effet chez ce chanoine que Cauchon demeura pendant le Procès.

  9. [45]

    Ces témoignages, favorables à Jeanne, recueillis en Lorraine n’ont pas été insérés par Courcelles.

  10. [46]

    Courcelles omet de mentionner ce serment.

  11. [47]

    Ce frère Symon de Paris ne paraît pas ailleurs.

  12. [48]

    Circonstance omise par Courcelles.

  13. [49]

    Courcelles omet le patronyme de ce franciscain, qu’il nomme ici Jacques de Touraine. Cela indique sans doute que O suit un autre document.

  14. [50]

    Voir cette lettre plus haut, p. 71.

  15. [51]

    Acte omis par O ; transcrit par Courcelles (Ch., 15).

  16. [52]

    Voir Ch., 29 et 30.

  17. [53]

    Courcelles rapporte différemment ce qui est dit dans ce paragraphe (Voir Ch., p. 31-32).

  18. [54]

    O : demanda

  19. [55]

    Courcelles fait dire à Jeanne qu’au contraire elle a tu cette restriction à son serment.

  20. [56]

    Courcelles intervertit le récit.

  21. [57]

    Courcelles omet cette grave protestation.

  22. [58]

    Courcelles fait parler l’évêque à la première personne. La minute rapportait naturellement les paroles à la troisième.

  23. [59]

    Courcelles écrit : notabiles viros de lingua gallicana [des hommes notables de langue française]

    Cette précision apportée par Courcelles est curieuse, car d’une part tout le monde ici parlait français, et c’eût été un non-sens de proposer à Jeanne un confesseur parlant anglais ; d’autre part Cauchon n’avait pas l’intention de faire venir à Rouen de notables personnages du parti de Charles pour entendre Jeanne en confession.

  24. [60]

    Courcelles insère ici la sommation de ne point s’évader et la commission des gardes.

  25. [61]

    Courcelles donne une liste fort différente, en précisant, comme toujours les titres universitaires.

  26. [62]

    O : qui estoit

  27. [63]

    Courcelles transforme la réponse :

    Dixit quod sic ad suendum pannos lineos et nendum ; nec timebat mulierem Rothomagensem de nendo et suendo.

  28. [64]

    Courcelles fausse la réponse de Jeanne. Les juges tenaient à diffamer Jeanne, en assurant qu’elle s’était enfuie de Domrémy contre la volonté de ses parents, et s’était engagée fille d’auberge parmi des femmes à soldats. À Domrémy, Jeanne reconnaît avoir été à son tour garder les bêtes. Mais elle nie avoir été à Neufchâteau aux champs, ce qui n’eût pas été sans risques.

    Il est remarquable que J. d’Estivet dans son libellus donne le même texte que O et non pas la version de Courcelles. Nouvelle preuve que O suit la minute et non pas Courcelles (Ch., 176).

  29. [65]

    Champion voit dans cette expression une preuve que O traduit grossièrement la rédaction latine (Ch., XII). Or, à cette époque on emploie cette expression dans le parler français courant :

    Ne te chaille pas des négoces du monde, — dit l’Internelle Consolation (l. III, ch. 23).

    Et Rabelais :

    Il l’avoyt en si grande privauté receu que rien ne luy celoyt des menues négoces de sa maison. (Pantagruel, IV, 67).

  30. [66]

    Courcelles ajoute : et hoc erat apud dictam Villam de Castro novo. Cette addition est peu vraisemblable, puisque Jeanne ne demeura que quinze ou cinq jours à Neuf château.

  31. [67]

    O emploie la formule populaire, tandis que Courcelles la formule des théologiens : sacramentum Eucharistie.

  32. [68]

    On a beaucoup disserté sur ce texte vainement. Quicherat (I, 52) écrit arbitrairement jejunaverat, alors que les trois mss. A, B, C, écrivent : non ieinuaverat. Or le texte de J. d’Estivet, témoin direct de la minute, écrit bien : Et tunc erat ieiuna ; nec precedenti die ieiunaverat. Cette fois Quicherat (I, 216) transcrivant d’Estivet, témoigne de la négation. C’est au tour de Champion de tomber dans l’arbitraire en rétablissant, contre tous les mss. le : non erat jejuna. Ainsi l’affirmation de Jeanne est claire : elle avait jeûné ce jour-là, mais non pas la veille. Le mémoire lu par S. Reinach à l’Académie des Inscriptions, en 1923, et publié dans la Revue historique, en 1925 (p. 200-223) repose sur les mauvaises transcriptions susdites.

  33. [69]

    O omet cinq lignes sur les visions, dont E donne une bonne transcription, assez déformée dans le texte de Courcelles, qui présente différemment ce paragraphe.

  34. [70]

    Doublet à l’article XVII :

    Confessa fuit quod quando ipsa venit apud Vauboulour (sic) ipsa cognovit Robertum de Baudricourt, et tamen eum antea nunquam viderat. Et hoc fuit per vocem que dixit ei quod ipso erat ille.

  35. [71]

    Le manuscrit porte : audiret.

  36. [72]

    Doublet dans le même article :

    Item dixit quod, quando ivit ad regem suum, induta erat veste virili.

  37. [73]

    Cet autre est le procès de Courcelles.

  38. [74]

    Courcelles ajoute :

    et cum applicuisset apud villam Sancte Katherine de Fierbois tunc primo misit ad illum quem dicit regem suum.

  39. [75]

    Charles de Bourbon était comte de Clermont ; il devint plus tard duc de Bourbon.

  40. [76]

    Courcelles ajoute :

    horam octavam de mane.

  41. [77]

    Peut-être faut-il lire for. Courcelles : nisi haberet in jus.

  42. [78]

    Courcelles omet : Mais je ne diray tout ce que sçay.

  43. [79]

    Courcelles écrit :

    utrum vox… sit unus angelus, vel utrum sit a Deo, immediate, vel an sit vox unius sancti vel sancte.

  44. [80]

    O fait une interversion fautive en renvoyant Pour ce… Interroguer après : si elle a des yeulx.

  45. [81]

    Voir sur cette réponse, qui reproduit la prière insérée au prône des églises de France, Recherches.

  46. [82]

    Il est remarquable que d’Estivet et Courcelles évitent de nommer les Armagnacs. Est-ce par affectation de bon ton ? La réconciliation de 1413 stipule qu’il sera défendu dans la capitale de se traiter d’Armagnacs ou de Bourguignons, considérés comme des injures. Il est probable qu’à l’audience, on parla tout librement d’Armagnacs. D’où le mot passa dans la minute, et de là dans O.

  47. [83]

    Ce pourrait être Gérardin, qui avoua en 1455 avoir été Bourguignon (Q, II, 423).

  48. [84]

    O : elle

  49. [85]

    O : Marcy pour Marey

  50. [86]

    Le manuscrit omet : villam

  51. [87]

    Le texte de O est fautif. B est plus explicite encore que E :

    una muliere, nominata Johanna, uxore maioris Alberici, gallice : du maire Aubery, de illa villa.

  52. [88]

    Sur l’équivoque très grave : Quercosum = Canutum, voir Recherches.

  53. [89]

    Le manuscrit omet quod videtur

  54. [90]

    Cette menace de pénalités pour ceux qui seraient absents est omise par Courcelles.

  55. [91]

    O, nous le verrons, fond la quatrième et la cinquième session, par suite d’une importante lacune. Ce dimanche est le second du Carême.

  56. [92]

    O : appartient

  57. [93]

    Le manuscrit porte : dudium

  58. [94]

    Cette grande lacune s’explique peut-être par le fait que l’interrogatoire se poursuit sur Saint Michel.

  59. [95]

    Courcelles ajoute :

    Interrogata an ipse habebat capillos. Respondit, cur sibi fuissent abscissi.

    Dicit eciam quod non vidit ipsum beatum Michaelem postquam ipsa recessit a Castro de Crotoy ; nec eum vidit sepe.

    Et ultimo dicit quod nescit utrum habeat capillos.

  60. [96]

    Courcelles omet cette menace de pénalités.

  61. [97]

    Courcelles omet depuis Par le commandement jusque ladicte Jhenne. C’est la seconde fois que Courcelles omet de mentionner Beaupère (voir p. 80).

  62. [98]

    Le fait que O ainsi que E transcrivent ces trois lignes (interrogation et réponse) omises par Courcelles prouve que O et E suivent la minute. Et donc que OA n’est pas une traduction de Courcelles. (Voir Introduction, p. 33).

  63. [99]

    L’omission par Courcelles de cette intervention semble intentionnelle. En tous cas, que O la mentionne comme E témoigne encore une fois qu’il suit la minute.

    Ici commence le texte français de d’Urfé. Nous le reproduisons en regard de O.

  64. [100]

    Doublet à l’article LX :

    Interrogata utrum quando Deus sibi reuelavit quod mutaret habitum suum, hoc fuerit per vocem sancti Michaelis, sancle Katherine vel sonde Margarete,

    Respondit : vos non habebitis modo aliud.

  65. [101]

    E et Courcelles : altare

  66. [102]

    Le manuscrit porte : interroga

  67. [103]

    Courcelles : Arras

    La leçon Rains semble meilleure. Les Écossais étaient nombreux dans l’armée française, tandis qu’à Arras ils eussent été parmi leurs ennemis.

  68. [104]

    C’est vraisemblablement la gravure qu’on trouve dans les livres à images de l’époque, par exemple les Vigiles du Roy Charles.

  69. [105]

    Sur ces distributions de gants, voir Recherches.

  70. [106]

    Sur le paiement de cette haquenée, voir Recherches.

  71. [107]

    Courcelles majore en parlant de résurrection.

  72. [108]

    U : leue

  73. [109]

    U om.

  74. [110]

    O : Respond que a ladicte

  75. [111]

    O : saincte

  76. [112]

    U : compaignie

  77. [113]

    O : avoir

  78. [114]

    Lebrun des Charmettes (op. cit., III, 395, note) observe :

    Il y a ici un mot omis ; il manque également dans la grosse latine. C’est probablement escus qu’il faut lire.

  79. [115]

    O écrit Fresne pour Fiesvé ; Il n’a pas su lire le nom de N. de Hubent (Hubenco dans U ; Hubento dans Courcelles).

  80. [116]

    U : le pais ; Courcelles : patria. La leçon de O : apprez rapporte l’allègement à Jeanne.

  81. [117]

    U : fist

  82. [118]

    O : Roy

  83. [119]

    E et Courcelles : ipsa diceret

  84. [120]

    O : avoit

  85. [121]

    U : avoit

  86. [122]

    Courcelles omet depuis : Respond : il vint… à  : chambre

  87. [123]

    U : ramentevoir

  88. [124]

    O : Orleans

  89. [125]

    U : quelque

  90. [126]

    O : de

  91. [127]

    U : de

  92. [128]

    U om.

  93. [129]

    U : angre

  94. [130]

    Courcelles ad. : quos dicebatur indicasse

  95. [131]

    O : rapporte ; Courcelles : retulit

  96. [132]

    O : pays

  97. [133]

    O : doibvent

  98. [134]

    O : peu

  99. [135]

    Courcelles et E : carcerum

  100. [136]

    Expedition signifie : libération.

  101. [137]

    Courcelles ajoute une précision importante :

    sepe dicta Johanna dicit in primis, quantum ad articulum, immédiate precedenlem de cerlitudine salutis sue super quo de mane fuerat interrogata quod illud dictum intelligebat dummodo…

  102. [138]

    O : Saincte

  103. [139]

    O écrit par erreur : ou

  104. [140]

    Courcelles et E : revelacionem

  105. [141]

    O : et

  106. [142]

    O : en

  107. [143]

    O répète cette question et sa réponse.

  108. [144]

    O : Cappitaine

  109. [145]

    U om.

  110. [146]

    U om.

  111. [147]

    Rien ne précise quel est ce livre : le livre de Poitiers ? ou les minutes de Rouen ?

  112. [148]

    Le manuscrit répète : et

  113. [149]

    O : et

  114. [150]

    Courcelles traduit : in hoc nutabit, gallice : branlera.

  115. [151]

    Il y a, semble-t-il, une allusion au concile général.

  116. [152]

    O : divine

  117. [153]

    O : armast ; Courcelles et E : adorarentur

  118. [154]

    O : hardyment

  119. [155]

    E et Courcelles : per inferius quam superius

  120. [156]

    U : elles

  121. [157]

    U : l’eure

  122. [158]

    Deux mss. de Courcelles (A et B) disent : teste, et traduisent : caput, Courcelles ajoute : dum consecrabatur Remis.

  123. [159]

    O et U font ici une interversion de texte, en insérant le compte rendu de la séance du 2 mai. (O, p. 143-148). Nous rétablissons l’ordre véritable.

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