P. Doncœur  : Documents et recherches (1952-1961)

T. IV : Enquête (Texte latin / français)

[Texte]

Premiers articles sur lesquels portera l’enquête

4041 [Premiers articles sur lesquels portera l’enquête]

7v/l.21 Secuntur1 articuli super quibus examinati fuerunt testes infrascripti, per reverendissimum patrem in Christo, dominum cardinalem de2 Estoutevilla, tituli Sancti Martini in Montibus, presbyterum cardinalem, Sancte Apostolice Sedis de latere legatum in regno Francie, et venerabilem virum fratrem Iohannem Brehal, sacre theologie professorem, in regno Francie alterum heretice pravitatis Inquisitorem, in facto Iohanne, dicte la Pucelle3. S’ensuivent les articles sur lesquels furent examinés les témoins ci-dessous mentionnés, par Révérendissime Père en Christ, le Seigneur cardinal d’Estouteville, cardinal prêtre, du titre de Saint Martin en Monts, légat a latere du Saint Siège apostolique au royaume de France ; et vénérable personne, frère Jean Bréhal, professeur de sacrée théologie, second inquisiteur de la perversion hérétique au royaume de France, au fait de Jeanne dite la Pucelle.

I

[I]4 (I)

In primis, quod defunctus dominus Petrus Cauchon, tunc episcopus belvacensis, affectu movebatur inordinate5 faciendo processum contra defunctam Iohannam, vulgariter [dictam]6 la Pucelle, quodque, quia ipsa Iohanna fuerat in excercitu contra Anglicos, ipse prosequebatur eam et odiebat, siciens illius mortem, omnibus modis quibus extimari posset. D’abord, que défunt seigneur Pierre Cauchon, alors évêque de Beauvais, en faisant procès contre feue Jeanne, communément dite la Pucelle, était mu par un sentiment déréglé ; et que, par ce que Jeanne avait été aux armées contre les Anglais, il la poursuivait haineusement, assoiffé d’obtenir sa mort par tous les moyens possibles.

II

[II] (II)

Item, quod eam7 dictus episcopus requisivit a domino duce Burgundie et domino comite de Ligny per licteras summatorias, in quibus requirit quod primo prefata Iohanna tradatur regi Anglie, Ecclesiam in hoc postponens. Et iterum petebat eam sibi dari et expediri ; et hoc, pro detinentibus illam seu capientibus, solvere sex milia francorum, promictendo, deinde decem milia ; non curans quantum daret, dummodo illam haberet. Item, que ledit évêque la requit du seigneur duc de Bourgogne et du seigneur comte de Ligny par lettres de sommation, requérant d’abord que ladite Jeanne fut livrée au roi d’Angleterre, faisant passer en seconde ligne l’Église. De plus, il demandait qu’elle lui fut remise et envoyée, promettant à ceux qui la détenaient ou qui l’avaient prise 6.000, puis 10.000 francs, n’ayant cure de ce qu’il paierait, pourvu qu’il la tînt.

III

[III] (III)

Item, quod dicti Anglici vehementer eam timebant ; et propterea querebant omnibus exquisitis viis illam morti tradere, ut dies suos finiret, nec amplius terreret eos. Item, que lesdits Anglais la craignaient beaucoup ; c’est pourquoi ils cherchaient par les moyens les plus retors à la livrer à la mort, pour que, mettant fin à ses jours, ils n’aient plus à la redouter.

IV

4243[IV] (IV)

Item, quod prefatus episcopus fovebat partem Anglicorum ; et antequam cognosceret de causa, promisit quod dicta Iohanna esset posita, eciam ab inicio sui processus, in Castro rothomagensi, in carceribus profanis et in manibus inimicorum ; licet fuissent boni et decentes eclesiastici carceres, in quibus legitime custodiri possent et recludi quantumcumque criminosi in fide8 culpabiles. Item, que le susdit évêque favorisait le parti anglais, et avant qu’il connut de la cause, il permit que ladite Jeanne, dès le début de son procès, fût emprisonnée au château de Rouen, en prison civile et aux mains de ses ennemis ; alors qu’il y avait des prisons ecclésiastiques, solides et convenables, où pouvaient être gardés et enfermés autant qu’on voulait de criminels inculpés en matière de foi1.

V

[V] (V)

Item, quod dictus episcopus non erat iudex competens, prout frequenter ipsa Iohanna protestata9 est, eum calumpniando. Item, que ledit évêque n’était pas juge compétent, ainsi que souvent Jeanne elle-même le déclara, en le récusant.

VI

[VI] (VI)

Item, quod dicta Iohanna erat simplex puella, bona et catholica, sua peccata confiteri frequenter desiderans et missam audire ; ita quod ex fine constare potuit adstantibus ipsam esse fidelem et christianam. Item, que ladite Jeanne était une fille simple, bonne et catholique, désirant confesser fréquemment ses péchés et entendre la messe. Qu’en effet sa mort montra à tous les assistants qu’elle était fidèle et chrétienne.

VII

[VII] (VII)

Item, quod ipsa Iohanna in iudicio pluries professa10 est quod omnia sua facta et omnia dicta iudicio Ecclesie et domini nostri Pape submictebat ; quodque illa que dicebat, videbantur magis a bono spiritu quam a malo procedere. Item, que ladite Jeanne déclara souvent durant le procès qu’elle soumettait tous ses actes et toutes ses paroles au jugement de l’Église et de notre seigneur le Pape. Tout ce qu’elle disait paraissait venir plutôt du bon Esprit que du malin.

VIII

[VIII] (VIII)

Item, quod ipsa Iohanna minime intellexit quid esset Ecclesia, quando interrogabatur de submictendo se Ecclesie ; neque pro congregacione fidelium illud verbum affirmabat ; sed credebat et intelligebat quod Ecclesia illa de qua interrogabatur, essent illi ecclesiastici, qui ibi erant, partem Anglicorum foventes. Item, que ladite Jeanne ne comprit pas du tout ce qu’on voulait dire par l’Église, quand on lui demandait de se soumettre à l’Église. Elle ne comprenait pas ce mot comme désignant la communauté des fidèles ; mais elle croyait et comprenait que cette Église, dont on parlait, était ces gens d’Église présents et partisans des Anglais.

IX

4445[IX] (IX)

Item, quare condempnata fuerit relapsa, cum se vellet Ecclesie submictere. Item, c’est pourquoi elle fut condamnée comme relapse, alors qu’elle voulait se soumettre à l’Église.

X

[X] (X)

8r Item, quod postquam fuit condempnata ad revocandum et assumere habitum muliebrem, coacta fuit reassumere habitum. virilem. Propter quod iudices pretensi iudicaverunt eam relapsam, non querentes reductionem eius11 sed mortem. Item, qu’après avoir été condamnée à abjurer et à prendre vêtement de femme, elle fut contrainte de reprendre habit d’homme. C’est pour cela que ses prétendus juges ne cherchant point sa soumission, mais sa mort, la jugèrent relapse.

XI

[XI] (XI)

Item, quod, licet constaret iudicibus quod ipsa Iohanna iudicio et determinacioni sancte matris Ecclesie submiserat se, et quod fidelis et catholica existeret, nichilominus tamen iudices, nimium faventes Anglicis, seu eorum terrores et impressiones sustinere non valentes, eam ut hereticam pene ignis iniustissime condempnarunt. Item, que, tandis qu’il constait aux juges que ladite Jeanne s’était soumise au jugement et à la décision de Sainte Mère Église, et qu’elle était fidèle et catholique, néanmoins ces juges, trop favorables aux Anglais, ou n’osant résister à leurs menaces et à leurs insistances, la condamnèrent très injustement comme hérétique à la peine du feu.

XII

[XII] (XII)

Item, quod de premissis omnibus et singulis, scilicet de condempnacione ipsius Iohanne, odio et inordinato favore iudicum, fuit et est publica vox et fama, vulgaris assercio, commune dictum ac notorium, in civitate et diocesi rothomagensibus12, et in toto regno Francie. Item, que, de toutes et chacunes de ces choses, savoir la condamnation de ladite Jeanne, la haine et la passion déréglée des juges, ce fut et c’est dire et renommée publique, affirmation générale et témoignage universel et notoire dans la ville et le diocèse de Rouen, et dans tout le royaume de France.

Déposition des témoins

Sequitur Informacio preambula, seu preparacio facta per reverendum in Christo patrem et dominum, dominum Guillermum, miseracione divina [tituli]13 Sancti Martini in Montibus, sacrosancte Ecclesie Romane presbyterum cardinalem, de Estoutevilla vulgariter nuncupatum, in regno Francie singulisque Galliarum provinciis, apostolice Sedis legatum ; et fratrem Iohannem Brehalli, ordinis fratrum 4647predicatorum, sacre theologie professorem, heretice pravitaris in regno Francie [inquisitorem]14, auctoritate apostolica, deputatum ; in hac parte coniudices, fama publica referente super hiis que olim perperam et erronee gesta fuisse dicebantur contra quamdam Iohannam, Puellam vulgo nuncupatam, in processu contra eam per tunc episcopum belvacensem et subinquisitorem fidei, sub dominio regis Anglie, agitato15. S’ensuit2 l’Information préalable ou préparatoire, faite par Révérend Père en Christ et seigneur, le seigneur Guillaume, par la miséricorde divine cardinal prêtre de la sacro-sainte Église Romaine, du titre de Saint Martin en Monts, communément appelé d’Estouteville, légat du siège apostolique au royaume de France et en toutes les provinces des Gaules ; et par frère Jean Bréhal, de l’ordre des frères prêcheurs, professeur de sacrée théologie, inquisiteur de la perversion hérétique, député par l’autorité apostolique au royaume de France, cojuges en cette affaire, en raison de ce que rapporte la renommée publique sur ce qui naguère a été fait à tort et à faux, disait-on, contre certaine Jeanne, appelée communément la Pucelle, en un procès mené contre elle par l’évêque de Beauvais d’alors et le sous-inquisiteur de la foi, au temps de la domination du roi d’Angleterre.

[Déposition des témoins 2 et 3 mai]

Messire Guillaume Manchon

Primo, dominus Guillermus Manchon, presbyter, notarius curie archiepiscopalis rothomagensis, etatis LVIII annorum vel circa, iuratus et examinatus, anno Domini MCCCCLII, die martis, secunda mensis maii. Premièrement, messire Guillaume Manchon3, prêtre, notaire de la curie archiépiscopale de Rouen, âgé de 58 ans environ, juré et examiné, l’an du Seigneur 1452, le mardi 2 mai.

Super I articulo, dicit per suum sacramentum, articulum esse verum ; quia audivit, et per licteras eciam intellexit. Et hoc est notorium. Sur le Ier article, dit sous serment que l’article est vrai ; car il l’a su par témoignage oral et même par lettres4. Et c’est notoire.

Super II articulo, qui incipit : Item, quod eam, etc., suo sacramento dicit esse verum, quoniam audivit quod, postquam fuit dicta Iohanna capta per unum de societate comitis de Ligny, fuit ducta ad castrum de Beaurevoir, et ibidem detenta per tres menses ; et deinde, per licteras regis Anglie et domini belvacensis, fuit adducta apud Rothomagum, et posita in quadam camera. Sur le IIe article, qui commence : Item, qu’elle, etc., dit sous serment que c’est vrai ; car il a entendu dire qu’après qu’elle eût été prise par un homme de la compagnie du comte de Ligny, ladite Jeanne fut conduite au château de Beaurevoir, où elle fut détenue trois mois ; puis, par lettres du roi d’Angleterre et du seigneur de Beauvais, elle fut amenée à Rouen, et tenue en certain cachot.

8v Super III articulo, qui incipit Item, quod dicti Anglici, etc., dicit quod credit quod, si ipsa Iohanna tenuisset partem Anglicorum, non ita rigorose processissent contra ipsam Iohannam, sicut fecerunt. Et nescit aliud deponere. Sur le IIIe article, qui commence : Item, que lesdits Anglais, etc., dit qu’il croit que, si ladite Jeanne avait tenu le parti des Anglais, ils n’eussent pas procédé contre elle avec cette rigueur. Il ne sait rien d’autre.

Super IV articulo, dicit quod episcopus belvacensis tenebat partem Anglicorum. Et vidit quod, antequam dictus episcopus inciperet cognoscere de causa, iam erat ferrata dicta Iohanna ; et deinde, postquam incepit cognoscere, dicta Iohanna sic ferrata fuit tradita ad custodiendum quatuor Anglicis, ab illo episcopo et inquisitore fidei deputatis, et adiuratis quod fideliter illam custodirent. Sur le IVe article, dit que l’évêque de Beauvais tenait le parti des Anglais. Il vit qu’avant même que ledit évêque commençât à connaître de la cause, ladite Jeanne était déjà aux fers. Puis, quand il commença l’instruction, ladite Jeanne, ainsi ferrée, fut livrée de par l’évêque et l’inquisiteur de la foi à la garde de quatre Anglais avec serment de la garder fidèlement. Et crudeliter tractabatur. Fueruntque sibi ostensa tormenta in fine processus. On la traitait cruellement. Vers la fin du procès, on lui montra les instruments de torture. Et tunc erat induta indumento virili atque conquerebatur quod non audebat se exuere, formidans ne, de nocte, ipsi custodes sibi inferrent aliquam violenciam ; Elle était alors vêtue d’habits d’homme et se plaignit de n’oser les quitter, craignant que, de nuit, ces gardes ne lui fissent violence. atque semel vel16 bis, conquesta fuit dicto episcopo belvacensi subinquisitori et magistro Nicolao Loiselleur, quod 4849alter dictorum custodum voluerat illam violare ; Elle se plaignit une ou deux fois audit évêque de Beauvais, au sous-inquisiteur et à maître Nicolas Loiseleur que l’un de ces gardes avait voulu la violer. quibus Anglicis propterea a domino de Warvick, iuxta relacionem ipsorum episcopi, inquisitoris et Loiselleur, mine magne illate sunt, si ulterius id actemptare presumerent. Et de novo duo alii custodes commissi17. C’est pourquoi le seigneur de Warwick, sur le rapport de l’évêque, du sous-inquisiteur et de Loiseleur, menaça gravement cesdits Anglais si à l’avenir ils osaient attenter sur elle. On désigna alors deux nouveaux gardes.

Super V articulo, dicit quod si ille episcopus ipsius Iohanne erat iudex competens vel non, se refert ad ius. Sed dicebatur quod apprehensa fuerat infra territorium et iurisdicionem suam, et quod de diocesi sua non erat. Et scit quod contra eam processit usque ad diffinitivam, prout in processu continetur ; ad quem se reffert. Sur le Ve article, dit que si cet évêque était ou non juge compétent de ladite Jeanne, il s’en rapporte au droit. On disait qu’elle avait été saisie en son territoire et sa juridiction, mais qu’elle n’était pas de son diocèse. Il sait que (l’évêque) procéda contre elle jusqu’au bout, comme on le voit au procès, auquel il se réfère.

Super VI articulo, dicit quod nunquam vidit quod ipsa Iohanna faceret aliquid hereticum, vel aliquid quod esset contra fidem catholicam. Ymo vidit quod ipsa petebat sacramentum confessionis et missam audire. Tamen, de propositis contra eam, de vestibus, visionibus angelorum et sanctorum, etc, et alia que deducta sunt in pro cessu, se reffert ad peritos. Sur le VIe article, dit n’avoir jamais vu que ladite Jeanne fît rien qui fut hérétique ou contre la foi catholique. Au contraire il vit qu’elle demandait le sacrement de confession et à entendre la messe. Néanmoins, quant à ce qu’on lui reprocha sur ses vêtements, les visions des anges et des saints, etc., et tout ce qui fut formulé au procès, il se remet aux experts.

Dicit tamen quod fama erat quod ex odio et inimicicia, et non pro veritate iudicabatur. Itaque [plures]18 ex condempnacione sua vidit idem testis flentes. Et in fine dierum commictebat se Deo, beate Marie Virgini, et sanctis cum magna devocione. Il dit cependant que le bruit était qu’elle était jugée par haine et inimitié, et non par justice. Aussi ce témoin vit bien des gens pleurant de ce qu’elle fut condamnée. En finissant ses jours, elle se commettait avec grande dévotion à Dieu, à la bienheureuse Vierge Marie et aux Saints.

Super VII articulo, se reffert ad processum. Sur le VIIe article, se réfère au procès.

Super VIII, dicit quod de responsis ipsius constat per processum. Sur le VIIIe, dit que, de ses réponses, il appert au procès.

Scit tamen quod magister Iohannes de Fonte et duo fratres ordinis fratrum predicatorum fuerunt per sex ebdomadas ante prolacionem sentencie ad ipsam Iohannam advertendam, ut se iudicio Ecclesie submicteret, cum, iudicio omnium, videretur non intelligere factum ipsius Ecclesie. Qui quidem de Fonte, propter metum Anglicorum et minas sibi illatas, aufugere coactus est. Alii vero magistri cum laboribus pacem suam pertractarunt. Il sait cependant que maître Jean de La Fontaine et deux frères de l’ordre des frères prêcheurs, six semaines avant la proclamation de la sentence, vinrent vers ladite Jeanne pour l’engager à se soumettre au jugement de l’Église ; car, de l’avis de tous, elle semblait ne pas comprendre le fait de l’Église. Or, ledit La Fontaine, effrayé par les Anglais et leurs menaces, dut s’enfuir. Les autres maîtres eurent du mal à se retirer en paix5.

Dicit preterea quod magister Iohannes Lohier, tunc temporis in hac civitate rothomagensi existens, vocatus dicere opinionem suam super processu, videns quod per alios tute iudicari non poterat, votum suum dedit quod non bene procedebant ; et recessit, nolens ulterius insistere. Il ajoute que maître Jean Lohier, qui se trouvait alors à Rouen, appelé à donner son avis sur le procès, voyant que les autres ne pouvaient juger en sûreté, déclara qu’on ne procédait pas régulièrement. Il se retira, refusant de paraître à nouveau6.

Super IX, dicit quod se reffert ad processum. Sur le IXe, dit qu’il se réfère au procès.

Super X articulo, se reffert ad ius. Dicit tamen quod, postquam fuit condempnata ad revocandum, et assumpsit habitum muliebrem, ipsa contenta de hujusmodi habitu, ut videbat, peciit mulieres sibi dari cum ea, et mitti ad carceres Ecclesie ; et quod detineretur per viros ecclesiasticos. Et postmodum assumpsit habitum virilem, se excusando quod, si fuisset missa ad carceres Ecclesie, non assumpsisset ipsum habitum virilem ; et quod, cum habitu muliebri non fuisset ausa se tenere cum custodibus anglicis. Sur le Xe article, se réfère au droit. Dit cependant qu’après qu’elle eût été condamnée à abjurer et qu’elle eût repris vêtement de femme, acceptant, semble-t-il, ce vêtement, elle demanda qu’on lui donnât compagnie de femmes, qu’elle fût mise en prison d’Église, et qu’elle fût détenue par personnes ecclésiastiques. Après quoi, elle reprit habit d’homme, protestant que, si on l’avait mise en prison d’Église, elle n’eût pas repris cet habit d’homme ; mais qu’en vêtement de femme, elle n’eût pas osé demeurer avec les gardes anglais.

5051Super XI, se reffert ad ius. Sur le XIe, se réfère au droit.

Super XII, dicit quod, de capcione, processu, incarceracione, condempnacione et execucione, sic factis, est publica vox et fama. Sur le XIIe, dit que du fait de la prise, procès, incarcération, condamnation et exécution, c’est la voix et la renommée publiques.

Item, dicit quod ipse loquens, tanquam notarius, scripsit responsa et excusaciones dicte Iohanne ; et contingit quod duo alii scriptores clam erant prope absconsi, qui in scriptura sua omictebant omnes excusaciones, et voluerunt iudices quod loquens scriberet modo suo ; quod non fecit. Item, dit le déposant, que, comme notaire, il transcrivit les réponses et les disculpations de ladite Jeanne. Or, il arriva que deux autres greffiers furent secrètement cachés à proximité ; lesquels dans leurs écrits omettaient toutes les disculpations. Or, les juges voulurent que le déposant écrivît comme eux. Ce qu’il ne fit pas.

Frère Pierre Miget

Venerabilis et religiosus vir, frater Petrus Migecii, sacre theologie professor, prior de Longavilla Guiffardi, etatis LXX annorum vel eo circa, iuratus et examinatus dicta die martis, secunda mensis maii. Vénérable et religieuse personne, frère Pierre Miget, professeur de sacrée théologie, prieur de Longueville-Guiffard, âgé de 70 ans environ, juré et examiné le dit mardi, 2 mai7.

Super I articulo, dicit articulum esse verum et notorium. Sur le Ier article, dit que l’article est vrai et notoire.

Super II articulo, dicit quod ipsa Iohanna fuit detenta infra castrum 9r rothomagense. Interrogatus de causis sciencie, dicit quod vidit eam extrahi. Sur le IIe article dit que ladite Jeanne fut détenue dans le château de Rouen. Interrogé comment il le sait, dit qu’il l’en vit emmener.

Super III articulo, dicit quod per deduccionem processus satis constat quod Anglici magis procedebant ex odii fomite quam zelo iusticie ; et querebant probare eam hereticam, ut infamarent ad hoc dominum regem Francie. Et, ut credit, erat eorum potissime intencio. Sur le IIIe article, dit que par la suite du procès, il est assez évident que les Anglais procédaient plus poussés par la haine que par le zèle de la justice et qu’ils cherchaient à prouver qu’elle était hérétique, pour diffamer par là le seigneur roi de France. Et, croit-il, c’était leur principale intention.

Super IV articulo, dicit quod episcopus belvacensis fovebat partem Anglicorum. Et audivit dici quod dicta Iohanna19 dire tractabatur in carceribus ; et quod habebat ferra tam in pedibus quam in manibus. Hoc tamen non vidit, quanquam in examine eam viderit. Sur le IVe article, dit que l’évêque de Beauvais favorisait le parti des Anglais. Il entendit dire que ladite Jeanne était cruellement traitée en prison ; qu’elle avait fers aux pieds et aux mains. Cependant il ne le vit pas, bien qu’il ait vu Jeanne aux interrogatoires.

Dicit preterea quod, nisi fuisset nociva Anglicis, nunquam fuisset sic tractata aut condempnata, cum timerent eam plus quam magnum exercitum. Dit outre que, si elle n’avait pas été redoutable aux Anglais, jamais elle n’eût été traitée de la sorte ou condamnée, car ils la craignaient plus qu’une grande armée.

Super V, dicit quod de competencia iudicis, se reffert ad ius. Tamen dicit ipsam non fuisse oriundam de diocesi belvacensi. Sur le Ve, dit que, sur la compétence du juge, il se réfère au droit. Dit cependant qu’elle n’était pas originaire du diocèse de Beauvais.

Super VI, dicit quod in ipsa Iohanna non vidit aut novit quod esset contra fidem ; quodque maior pars illorum qui viderunt execucionem eius, eam lamentabantur, quod esset contra eam ex odii fomite et iniuste processum. Sur le VIe, dit qu’il ne vit en ladite Jeanne ou n’entendit rapporter d’elle rien qui fût contre la foi ; et que la plupart de ceux qui virent son exécution la pleuraient, car on agissait contre elle par haine passionnée et injustement.

Super VII, se reffert ad processum. Sur le VIIe, se réfère au procès.

Super VIII, dicit quod in responsis ipsius Iohanne non novit aliquid quod non esset catholicum, preter illas revelaciones, quas dicebat se habuisse a sanctis ; et [a]20 dictis habere. Sed audivit ab ea quod habebat cor ad Deum ; et ipsi Deo et Ecclesie volebat obedire. Sur le VIIIe, dit que, dans les réponses de ladite Jeanne, il n’a rien vu qui ne fut catholique ; mises à part ces révélations qu’elle prétendait avoir eues des saints ; et que de ceux-ci elle avait encore. Mais il l’entendit dire que son cœur était à Dieu et qu’elle voulait obéir à Dieu et à l’Église.

5253Super IX, dicit quod iudices sumpserunt occasionem condempnandi eam tanquam relapsam, ex eo quod resumpserat habitum virilem, ab ea ablatum. Sur le IXe, dit que les juges prirent prétexte, pour la condamner comme relapse, de ce qu’elle avait repris l’habit d’homme, qu’elle avait quitté.

Super X, dicit quod non reputat esse hereticum mulieri deferre habitum virilem. Ymo videtur sibi quod, qui sola illa occasione iudicaret illam hereticam, deberet puniri pena talionis. Sur le Xe dit qu’il ne juge pas hérétique pour une femme de porter habit d’homme. Il pense même que si, de ce seul prétexte, quelqu’un la jugeait hérétique, on le devrait punir du talion.

Super XI, credit articulum esse verum. Sur le XIe, croit l’article vrai.

Super XII, dicit quod, super depositis per eum, est publica vox et fama. Sur le XIIe, dit que de ce qu’il a déposé, c’est voix et renommée publiques.

Frère Bardin de la Pierre

Frater Bardinus de Petra, ordinis fratrum predicatorum, etatis LV annorum vel circa, iuratus et examinatus die mercurii, tercia maii. Frère Bardin de la Pierre8, de l’ordre des frères prêcheurs, âgé de 55 ans environ, juré et examiné le mercredi 3 mai.

Super I articulo, dicit ipsum articulum esse verum, quia vidit eam captam in manibus Anglicorum. Sur le Ier article, dit que l’article est vrai, car il l’a vue prisonnière aux mains des Anglais.

Super II articulo, dicit ipsum articulum esse verum, quia vidit eam in carceribus castri rothomagensis, in quadam camera satis tenebrosa, ferratam et compeditam aliquando. Sur le IIe article, dit que l’article est vrai, car il l’a vue dans les prisons du château de Rouen, dans un cachot fort obscur, parfois avec fers et chaînes.

Super III articulo, dicit quod, viso processu et aliis que gesta fuerunt in processu, ipse credit et iudicat quod ipsi Anglici ex odio et rancore processerunt adversus eam ; et nichil aliud quesiverunt nisi mortem eius. Sur le IIIe article, dit que, sur le vu du procès et de ce qui fut fait dans le procès, il croit et estime que les Anglais procédèrent contre elle par haine et rancune ; et qu’ils ne cherchèrent rien autre que sa mort.

Item, dicit quod ipse fuit in prima predicacione facta per magistrum Guillermum Erardi, qui cepit pro themate : Palmes non potest facere fructum, nisi manserit in vite ; dicendo quod in Francia nunquam fuerat tale monstrum sicut tunc de eadem Iohanna erat ; que erat sortilega, heretica, scismatica ; et quod rex, qui fovebat illam, talis erat et quod apparebat quod vellet recuperare regnum per talem mulierem hereticam. Et propterea credit quod fuerint21 moti, inter alia, causa infamandi maiestatem regiam. Item, dit qu’il assista à la première prédication faite par maître Guillaume Erard, lequel prit pour thème : Le rameau ne peut porter fruit que s’il demeure sur la vigne, disant qu’en France il n’y eut jamais monstre comme cette dite Jeanne ; qui était sorcière, hérétique, schismatique ; et que le roi, qui la favorisait, était tel ; et qu’il paraissait bien qu’il voulait récupérer son royaume par le moyen d’une telle femme hérétique. Aussi croit-il qu’ils étaient poussés entre autres par le désir de diffamer la majesté royale.

Super IV articulo, dicit quod episcopus belvacensis tenebat partem Anglicorum. Et credit ipse episcopus, dum incepit processum, iussit eam teneri in compedibus ; et ipsemet episcopus Anglicos ad custodiendum eam deputavit ; prohibuitque idem episcopus quod nullus loqueretur cum ea, nisi de licencia ipsius, aut promotoris, vocati Benedicite. Sur le IVe article, dit que l’évêque de Beauvais tenait le parti des Anglais. Et il croit que cet évêque, quand il entreprit ce procès, donna l’ordre de la tenir dans les chaînes. Et l’évêque lui-même mit des Anglais pour la garder. Le même évêque défendit que quiconque lui parlât, sinon avec sa permission ou celle du promoteur, nommé Bénédicité.

Super V articulo, dicit quod ipse audivit quod dictus episcopus accommodavit hic territorium. Sed fuit capta in territorio ipsius episcopi. Sur le Ve article, dit qu’il entendit dire que ledit évêque se fit donner ici territoire. Mais elle fut prise sur le territoire de cet évêque.

De aliis se reffert ad ius. Pour le reste se réfère au droit.

5455Super VI articulo, dicit pro prima parte articuli, se credere quod ipsa Iohanna erat bona et vera catholica ; quia ipse loquens fuit cum ea in fine dierum inter flammas. Et in ore eius habuit semper Ihesus ; dicebatque22 quod non erat heretica, neque scismatica, prout sibi imputabatur in libello sibi tradito. Supplicavitque loquenti quod, accenso 9v igne, descenderet loquens, cum cruce quam sibi exhiberet. Quod ita fecit. Et post, loquendo exclamabat Ihesum. Unde assistentes fuerunt provocati ad lachrimas. Sur le VIe article, dit, pour la première partie de l’article, qu’il croit que ladite Jeanne était bonne et vraie catholique ; car lui-même fut avec elle quand elle finit ses jours dans les flammes. Et sur ses lèvres, elle eut toujours Jésus ; et elle disait qu’elle n’était pas hérétique, ni schismatique, comme on le lui imputait dans le libelle qu’on lui avait remis. Quand fut allumé le feu, elle supplia le déposant qu’il descendit, avec la croix qu’il lui présentait. Ce qu’il fit. Puis elle clama : Jésus ! Ce qui émut les assistants aux larmes.

Super VII articulo, dicit quod in processu, ipsa multa dicebat. Et quando loquebatur de regno et guerra, videbatur mota a Spiritu Sancto ; sed dum loquebatur de persona sua, fingebat plura. Sed non credit quod illa que dicebat deberent eam condempnare hereticam. Sur le VIIe article, dit que dans le procès elle a dit bien des choses. Et que, quand elle parlait du royaume et de la guerre, elle paraissait mue par le Saint Esprit. Mais que, quand elle parlait de sa personne, elle usait souvent de fictions. Mais il ne pense pas que ce qu’elle disait devait la faire condamner comme hérétique.

Super residuo, se reffert ad processum. Quant au reste, se réfère au procès.

Super VIII, dicit quod ipse episcopus aliquando interrogavit eam si vellet sc submictere Ecclesie. Que respondebat : Quid est Ecclesia. Quantum est de vobis, nolo me submictere iudicio vestro, quia estis inimicus capitalis. Sur le VIIIe, dit que cet évêque lui demanda parfois si elle voulait se soumettre à l’Église. Elle répondait : Qu’est-ce que l’Église ? Quant à vous je refuse de me soumettre à votre jugement, car vous êtes mon ennemi mortel. Et deinde, postquam per loquentem fuit sibi dictum quod celebrabatur concilium generale, in quo assistebant plures prelati, eciam de parte sua, respondit quod ipsa se submictebat ipsi concilie. Puis, quand lui fut dit par le déposant que se célébrait un concile général, auquel assistaient nombre de prélats, même de son parti, elle répondit qu’elle se soumettait à ce concile. Quo audito, fuit dictum ipsi loquenti per dictum episcopum, quod taceret in nomine23 diaboli. Entendant cela, ledit évêque dit au déposant qu’il se tût, au nom du diable ! Et ulterius conquerebatur quod ipse episcopus nolebat quod ilia, que faciebant pro excusacione sua, scriberentur ; sed ea que contra eam faciebant, volebat scribi. Or, elle se plaignit ensuite que cet évêque ne voulait pas qu’on écrivît ce qui était pour sa décharge, mais il voulait qu’on écrivit ce qui faisait contre elle. Fuitque interrogata an vellet se submictere iudicio Pape. Que respondit quod duceretur ad eum ; et quod erat contenta. Elle fut interrogée si elle voulait se soumettre au jugement du pape. Elle répondit qu’on l’y conduisit et qu’elle en serait contente.

Super IX, dicit quod iudicata fuit relapsa, quia resumpsit habitum virilem. Sur le IXe, dit qu’elle fut jugée relapse, par ce qu’elle avait repris habit d’homme.

Super X, dicit quod non iudicaret aliquam mulierem hereticam ex eo quod induat habitum virilem. Et ulterius dicit quod, postquam revocavit, induit habitum muliebrem, et peciit duci ad carceres Ecclesie. Sur le Xe, dit qu’il ne jugerait pas hérétique une femme du fait qu’elle portât habit d’homme. Il ajoute qu’après qu’elle eût abjuré, elle prit vêtement de femme et demanda qu’on la conduisît en prison d’Église. Quod non fuit sibi permissum. Ymo, sicut ab eadem Iohanna audivit, fuit per unum magne auctoritatis tentata de violencia. Propter quod, ut illa24 esset agilior ad resistendum, dixit se habitum virilem, qui in carcere fuerat iuxta eam caute dimissus, resumpsisse. Ce qui ne lui fut pas accordé. Bien plus, comme il l’a entendu d’elle-même, un homme de haute autorité tenta de la violenter. C’est pourquoi, afin d’être plus agile pour résister, elle dit qu’elle reprit l’habit d’homme, qu’on avait placé astucieusement près d’elle. Item, quod, post resumpcionem dicti habitus, vidit et audivit dictum episcopum, cum aliis Anglicis, exultantem et dicentem palam omnibus, domino de Warvick et aliis : Capta est. Item, qu’après qu’elle eût repris cet habit, il vit et entendit ledit évêque avec d’autres Anglais, dire en exultant, devant tout le monde, au seigneur de Warwick et aux autres : Elle est prise !

Super XI articulo, dicit quod credit sicut in articulo continetur. Sur le XIe article, dit qu’il croit qu’il en est comme contenu dans l’article.

Super XII, dicit quod capcione, predicacione, condempnacione, execucione, invocacione nominis Jhesus, fuit et est publica vox. Sur le XIIe, dit du fait de la capture, prédication, condamnation, exécution et invocation du nom de Jésus, ce fut et c’est le dire public.

Frère Pierre Cusquel

5657Petrus Cusquel, civis rothomagensis, etatis LV annorum vel circa» iuratus et examinatus dicta die. Pierre Cusquel, bourgeois de Rouen, âgé de 55 ans environ, juré et examiné ledit jour9.

Super I articulo, dicit quod vidit ipsam Iohannam articulatam per Anglicos adduci. Sur le Ier article, dit qu’il vit cette Jeanne mentionnée dans l’article amenée par les Anglais.

Super II, dicit quod non vidit eam duci ad carceres. Sed vidit eam, bis aut ter, in quadam camera castri rothomagensis, versus portam posteriorem. Sur le IIe, dit qu’il ne l’a pas vue conduite en prison. Mais il l’a vue deux ou trois fois dans un certain cachot du château de Rouen, du côté de la porte de derrière.

Super III articulo, dicit quod credit quod querebant Anglici eamdem Iohannam procurare mori, ex invidia et displicencia boni quod faciebat. Et ulterius credit quod ipsi Anglici movebantur, inter cetera, ut ipsi infamarent dominum regem Francie, quod haberet unam mulierem hereticam et sortilegam. Et subdit quod, nisi fuisset contra Anglicos in excercitu, non fuisset factus talis processus contra eam. Sur le IIIe article, dit qu’il pense que les Anglais voulaient la faire mourir, par envie et déplaisir du bien qu’elle faisait. Il pense de plus que lesdits Anglais étaient poussés, entre autres, par le désir de diffamer le seigneur roi de France, comme accueillant une femme hérétique et sorcière. Il ajoute que, si elle n’avait pas été à la guerre contre les Anglais, on n’eût pas fait tel procès contre elle.

Super IV articulo, dicit quod ipse loquens, tempore processus, habebat magnam habitudinem intrandi castrum, favore domini sui magistri Iohannis Son, magistri operum lathomie. Et quod, de [permissu]25 custodum, bis carcerem ipsius Iohanne intravit, eamque in compedibus ferreis et alligatam una longa catena affixa cuidam trabi, vidit. Et in domo sua fuit ponderata quedam gabia ferrea, in qua dicebatur eam fore recludi. Non tamen vidit eam inclusam in dicta gabia. Sur le IVe article, dit que lui-même déposant, durant le procès, entrait habituellement au château, grâce à son patron, maître Jean Son, chef des travaux dans la prison. Et qu’avec la permission des gardes, il entra deux fois dans la prison de ladite Jeanne, et qu’il la vit portant des entraves de fer, liée à une grande chaîne, fixée à une poutre. Dans sa maison, on pesa une cage de fer, dans laquelle on disait qu’elle serait enfermée. Cependant il ne la vit pas enfermée en cette cage.

Super V articulo, dicit quod audivit ipsam Iohannam fuisse captam in diocesi belvacensi ; et quod propterea cepit processum contra eam. Super aliis se reffert ad ius. Sur le Ve article, dit qu’il entendit dire que ladite Jeanne avait été prise dans le diocèse de Beauvais, et que c’est pour cela qu’il lui fit son procès. Quant au reste, se réfère au droit.

Super VI articulo, dicit quod in consciencia dicti loquentis, ipsa Iohanna erat bona catholica, bone et honorabilis vite ; et ita laborabat fama. Et omnes compaciebantur sibi. Sur le VIe article, dit qu’à la connaissance du déposant, ladite Jeanne était bonne catholique, de vie bonne et honorable, telle était sa réputation. Tous avaient compassion d’elle.

Super VII, se reffert ad processum et ius. Sur le VIIe, se réfère au procès et au droit.

Super VIII, se reffert ad processum. Sur le VIIIe, se réfère au procès.

10r Super IX articulo, dicit quod populus dicebat quod nulla erat alia causa condempnacionis sue, nisi resumpcio habitus virilis ; et quod ipsa non portaverat neque portabat ipsum habitum virilem, nisi ad hoc ut non complaceret armigeris, cum quibus conversabat. Et quod semel26 in carceribus eam interrogavit cur defferebat dictum habitum virilem. Que repondit ut supra. Sur le IXe article, dit que le peuple assurait que la seule cause de sa condamnation fut qu’elle avait repris habit d’homme. Et qu’elle n’avait porté et ne portait cet habit d’homme que pour éviter de provoquer les soldats avec qui elle vivait. Et qu’une fois en prison, lui ayant demandé pourquoi elle portait cet habit d’homme, elle répondit comme dessus.

Item, dicit quod audivit, die mortis dicte Iohanne, a magistro Johanne Tressart, secretario regis Anglie, quod erat mortua una fidelis christiana, et quod credebat animam eius esse in manibus Dei, et omnes adherentes condempnacioni eius esse dampnatos. Item, dit que le jour de la mort de ladite Jeanne, il entendit maître Jean Tressart, secrétaire du roi d’Angleterre, assurer qu’était morte une fidèle chrétienne, et qu’il pensait que son âme était dans les mains de Dieu, et que tous ceux qui avaient participé à sa condamnation étaient damnés.

5859Super X, se reffert ad ius. Sur le Xe, se réfère au droit.

Super XI, se reffert ad ius. Sur le XIe, se réfère au droit.

Super XII, dicit quod de premissis capcione, incarceracione, condempnacione et execucione, fuit et est publica vox27. Sur le XIIe, dit que, des susdites capture, incarcération, condamnation et exécution, telle fut et telle est la voix publique.

Frère Martin Lavenu

Frater Martinus Lavenu28, ordinis fratrum predicatorum, etatis LV annorum. Frère Martin Lavenu10, de l’ordre des frères prêcheurs, âgé de 55 ans.

Super I articulo, dicit quod credit articulum continere veritatem29. Sur le Ier article, dit qu’il croit que cet article contient la vérité.

Super II articulo, dicit quod continet veritatem, quia vidit pluries eam in Castro rothomagensi, sub custodia Anglicorum, in carceribus ferratam. Sur le IIe article, dit qu’il contient la vérité, car il la vit plusieurs fois dans le château de Rouen, gardée par des Anglais et aux fers en sa prison.

Super III, credit articulum continere veritatem in illa forma. Sur le IIIe, croit que cet article contient la vérité dans ces termes. Creditque quod querebant Anglici per processum infamare dominum regem Francie, eo quod secum unam sortilegam retineret. Et hoc, per finem qui secutus est, veresimiliter credit. Il croit aussi que les Anglais cherchaient par ce procès à diffamer le seigneur roi de France, par ce qu’il gardait auprès de lui une sorcière. Et, en raison de la fin qui s’ensuivit, il croit que c’est vraisemblable.

Super IV, dicit quod episcopus belvacensis tenebat partem Angli corum ; et quod erat de consiliariis ipsius regis. Quodque dicta Iohanna modo articulato detinabatur. Sed nescit si iubente ipso episcopo. Credit tamen quod, pendente processu, dictus episcopus custodes eidem Iohanne deputaverit. Sur le IVe, dit que l’évêque de Beauvais tenait le parti des Anglais, et qu’il était des Conseillers du roi ; et que ladite Jeanne était détenue comme il est dit dans l’article. Mais il ne sait si ce fut par ordre de l’évêque. Il croit cependant, que durant le procès, ledit évêque avait mis des gardes près d’elle.

Super V articulo, dicit quod, super prima parte articuli, se reffert ad ius, an esset iudex competens vel non. Sed credit quod ex odio plus quam ex caritate contra ipsam processerint30. Nec credit ipsam sic fuisse iudicatam, si partem Anglicorum tenuisset, vel contra eos non fuisset. Sur le Ve article, dit que de la première partie de l’article se réfère au droit, sur la question de dire s’il était ou non juge compétent. Mais il croit qu’ils procédèrent contre elle plus par haine que par charité. Il ne croit pas qu’elle eût été ainsi jugée, si elle eût tenu le parti des Anglais, au lieu d’être contre eux.

Super VI articulo, dicit quod [pluries]31 eamdem Iohannam petentem et requirentem audivit de confessione, quam semper et in fine dierum suorum reperiit fidelem et devotam. Sur le VIe article, dit que plusieurs fois il entendit ladite Jeanne demander et requérir de se confesser ; laquelle il trouva toujours, et en la fin de ses jours, fidèle et dévote. Item, communis fama tenebat eam pro bona et catholica. Item, qu’elle avait réputation commune d’être bonne et catholique.

Super VII articulo, dicit quod se reffert ad processum. Sur le VIIe article, dit se référer au procès.

Super VIII, dicit quod dicta Iohanna pluries fuit interrogata utrum se submicteret iudicio Ecclesie. Et ipsa querebat ab interrogantibus quid esset Ecclesia. Et dicta, dum responderetur sibi quod erat Papa et prelati representantes [Ecclesiam]32, respondit quod se se submictebat iudicio Summi Pontificis ; rogando quod ad eum duceretur. Sur le VIIIe, dit que l’on demanda à ladite Jeanne si elle se sou mettait au jugement de l’Église. Elle demandait alors à ceux qui l’interrogeaient ce que c’était que l’Église. Et comme on lui répondait que c’était le Pape et les prélats représentant l’Église, elle répondit qu’elle se soumettait au souverain Pontife priant qu’on l’y conduisit. Subiungens quod ipse testis, de licencia iudicum, ante latam sentenciam, audivit eamdem Iohannam de confessione, ac 6061ministravit sibi Corpus Christi ; quod devotissime et cum lacrimis uberrimis, sic quod nesciret narrare, suscepit. Et le témoin ajoute que lui-même, avec permission des juges, avant la proclamation de la sentence, entendit ladite Jeanne en confession, et lui administra le Corps du Christ, qu’elle reçut très dévotement et avec de si abondantes larmes qu’il ne saurait dire.

Super IX, dicit quod resumpcio dicti habitus virilis fuit una de causis sue condempnacionis. Quoad residuum, se reffert ad processum. Sur le IXe, dit que la reprise dudit habit d’homme fut l’une des causes de sa condamnation. Quant au reste se réfère au procès.

Super X articulo, credit ipsum articulum continere veritatem33. Sur le Xe article, croit que cet article contient la vérité.

Super XI, credit articulum esse verum34. Sur le XIe, croit que l’article est vrai.

Super XII, dicit quid de premissis per eum depositis, est publica vox et fama. Sur le XIIe, dit que de toutes les choses déposées ci-dessus, c’est voix et renommée publiques.

Sic Signatum : Socius. Signé : Socius11.

8r/l.12 Item, sequitur citacio virtute cuius testes fuerunt citati35. Item, s’ensuit la Citation en vertu de laquelle les témoins furent cités12.

[Teneur de la citation des témoins]

Guillermus, miseracione divina tituli Sancti Martini in Montibus, sacrosancte Romane Ecclesie presbyter cardinalis, de Estoutevilla vulgariter nuncupatus, in regno Francie, Delphinatu, ducatu Sabaudie et singulis Galliarum provinciis, apostolice Sedis legatus ; Guillaume, par la miséricorde divine cardinal prêtre de la sacro-sainte Église romaine du titre de Saint Martin en Monts, communément appelé d’Estouteville, légat du Siège apostolique au royaume de France, en Dauphiné et au duché de Savoie, ainsi qu’autres provinces des Gaules,

et frater Iohannes Brehalli, ordinis fratrum predicatorum, sacre theologie professor, heretice pravitatis in regno Francie auctoritate apostolica inquisitor, deputatus, et frère Jean Bréhal, de l’ordre des frères prêcheurs, professeur de sacrée théologie, inquisiteur par l’autorité apostolique de la perversion hérétique député au royaume de France,

in hac parte coniudices ; cojuges en cette affaire

Presbyteris omnibus et singulis, curatis et non curatis, ceterisque personis ecclesiasticis, notariis et tabellionibus publicis, ubilibet constitutis, ad quem seu quos nostre presentes lictere pervenerint exsequende, aux prêtres, à tous et à chacun, curés et non curés, ainsi qu’à toutes autres personnes ecclésiastiques, notaires et tabellions publics, en quelque lieu qu’ils soient constitués, à qui parviendront nos présentes lettres impératives,

salutem in Domino. Salut dans le Seigneur !

Vobis et vestrum singulis mandamus quatinus citetis peremptoria coram Nobis in manerio archiepiscopali rothomagensi, ad diem certam et, competentem non feriatam, de qua a latore presencium fueritis requisiti, reverendum in Christo patrem et dominum, dominum episcopum dimitriensem ; Iohannem Autin ; dompnum Thomam Marie, priorem Sancti Michaelis, iuxta Rothomagum ; dompnum Petri Migecii, priorem de Longavilla Guiffardi ; magistrum Andream Marguerie, canonicum rothomagensem ; Guillermum de Biguars, armigerum ; magistrum Guillermum Fortin ; magistrum Nicolaum36 de Houppeville ; dominum Iohannem Massieu ; dominum Guillermum Manchon ; fratrem Bardinum de Petra ; fratrem Martinum Lavenu37 ; dominum Nicolaum Taquel ; et Petrum Cusquel ; fratrem Iohannem Pasquerel ; Ricardum de Groucheto ; Iohannem Fave ; Nous mandons à vous et à chacun de vous de citer péremptoirement devant Nous au manoir archiépiscopal de Rouen, pour tel jour convenable et non férié, selon la réquisition que vous en recevrez du porteur des présentes : révérend Père en Christ et seigneur, le seigneur évêque de Démétriade ; Jean Autin ; dom Thomas Marie, prieur de Saint Michel près Rouen ; dom Pierre Miget, prieur de Longueville-Guiffard ; maître André Marguerie, chanoine de Rouen ; Guillaume de Biguars, homme d’armes ; maître Guillaume Fortin ; maître Nicolas de Houppeville ; messire Jean Massieu ; messire Guillaume Manchon ; frère Bardin de la Pierre ; frère Martin Lavenu ; messire Nicolas Taquel, et Pierre Cusquel ; frère Jean Pasquerel ; Richard de Grouchet Jean Fave,

6263laturos testimonium veritatis in quodam negocio inquisicionis [tangente]38 processum fidei, dudum contra quamdam Iohannam, vulgo Puellam vocatam, per quemdam quondam belvacensem episcopum et assertum subinquisitorem fidei, agitatum ; et super articulis in huiusmodi negocio datis, pro parte promotoris dicti negocii ; cum intimacione quod ipsum episcopum ab introitu [ecclesie]39 et alios supradictos suspendemus, aliosque excommunicabimus, nisi coram Nobis comparuerint eadem. pour porter témoignage de la vérité dans une affaire d’inquisition touchant le procès de foi naguère poursuivi contre certaine Jeanne, appelée communément la Pucelle, par feu certain évêque de Beauvais et le soi-disant sous-inquisiteur de la Foi ; ainsi que sur des articles formulés en cette affaire de la part du promoteur de cette affaire ; avec menace d’interdire l’entrée de l’église audit évêque, et de suspendre les autres susnommés, et d’excommunier les autres, s’ils ne comparaissent pas devant Nous.

Quid inde feceritis, vos qui présentes fueritis executi, Nobis fideliter rescribatis. Écrivez-Nous fidèlement ce que vous en aurez fait, vous qui aurez exécuté les présentes.

Datum anno Domini MCCCCLII, die iovis post iubilate Donné l’an du Seigneur MCCCCLII, le jeudi après Jubilate.

Sic Signatum : Socius. Signé : Socius.

[Délégation de maître Philippe de La Rose]

[Délégation de maître Philippe de La Rose]

10r/l.45 Guillermus, miseracione divina tituli Sancti Martini in Montibus, sacrosancte Romane Ecclesie presbyter cardinalis, de Estoutevilla vulgariter nuncupatus, in regno Francie singulisque Galliarum provinciis apostolice Sedis legatus, Guillaume, par la miséricorde divine, cardinal prêtre de la sacro-sainte Église romaine, du titre de Saint Martin en Monts, communément appelé d’Estouteville, légat du Siège apostolique au royaume de France et à toutes les provinces des Gaules,

dilecto nostro magistro Philipo de Rosa, thesaurario Ecclesie rothomagensis, Salutem in Domino. à notre cher maître Philippe de la Rose, trésorier de l’Église de Rouen, salut dans le Seigneur !

Cum propter recessum nostrum ab hac civitate rothomagensi, in propria vacare nequeamus circa recepcionem et examen testium producendorum a parte promotoris deputati in negocio inquisicionis, per Nos 10v in eadem civitate incepto, tangente processum fidei, dudum contra quamdem Iohannam, vulgo Puellam vocatam, per quemdam episcopum belvacensem et subinquisitorem fidei, perperam et erronee, ut fertur, agitatum ; hinc est quod Nos, de vestris sciencia, pericia, probitate et diligencia sufficienter informati, vos, ad, loco nostri, recipiendum, iurandum et examinandum omnes et singulos testes quos dictus promotor, in negocio huiusmodi inquisicionis, coram vobis et inquisitore fidei, coniudice nostro, producere voluerit, harum serie commictimus et deputamus, cum potestate citandi, cogendi et compellendi huiusmodi testes per censuram ecclesiasticam, si videatur expediens. Comme en raison de notre départ de la ville de Rouen, Nous ne pouvons assister personnellement à la réception et examen des témoins qui devront se présenter de la part du promoteur député en cette affaire d’inquisition, engagée par Nous en cette ville, relativement au procès de foi naguère mené, dit-on, fallacieusement et à faux, contre certaine Jeanne, appelée communément la Pucelle, par certain évêque de Beauvais et le sous-inquisiteur de la foi ; ainsi, suffisamment informés de votre science, compétence, probité et diligence, Nous vous commettons et députons par la teneur de ces présentes, pour à notre place, recevoir, faire jurer, et examiner tous et chacun des témoins, que ledit promoteur en cette affaire d’inquisition voudra produire devant vous et l’inquisiteur de la foi, notre cojuge, avec pouvoir de citer, forcer et contraindre ces témoins par censure ecclésiastique si cela paraît à propos.

Datum sub sigillo nostro, anno Domini MCCCCLII, die sexta mensis maii. Donné, sous notre sceau, l’an du Seigneur 1452, le 6 mai.

Sic signatum : Socius. Signé : Socius.

[Nouvelle Information par de la Rose]

6465 [Nouvelle Information par de la Rose]

Secuntur nomina, cognomina et deposiciones omnium et singulorum testium pro parte venerabilis et discreti viri, magistri Guillermi Prevosteau, in legibus licenciati, promotoris in causa, et a iudicibus infrascriptis deputati, coram nobis Philippo de Rosa, ecclesie rothomagensis thesaurario, ad hoc per reverendissimum in Christo patrem ac dominum, dominum Guillermum, miseracione divina, tituli Sancti Martini in Montibus, sacrosancte Romane Ecclesie presbyterum cardinalem, de Estoutevilla vulgariter nuncupatum, in regno Francie et singulis Galliarum provinciis apostolice Sedis legatum, propter ejus a dicta civitate rothomagensi recessum, licteratorie commisso et deputato ; S’ensuivent les noms, surnoms et dépositions de tous et chacuns des témoins produits de la part de vénérable et discrète personne, maître Guillaume Prévosteau13, licencié ès lois, promoteur en la cause et député par les juges souscrits, devant nous, Philippe de la Rose, trésorier de l’Église de Rouen, à ce commis et délégué par lettres, par Révérendissime Père en Christ et seigneur, le seigneur Guillaume, par la miséricorde divine, cardinal prêtre de la Sacro-sainte Église romaine, du titre de Saint Martin en Monts, communément appelé d’Estouteville, légat du Siège apostolique au royaume de France et à toutes les provinces des Gaules, en raison de son éloignement de ladite ville de Rouen ;

Et fratre Iohanne Brehalli sacre theologie professore ordinis fratrum predicatorum, heretice pravitatis in regno Francie auctoritate apostolica inquisitore deputato, productorum ; et frère Jean Bréhal, de l’ordre des frères prêcheurs, professeur de sacrée théologie, inquisiteur de la perversion hérétique par l’autorité apostolique, député au royaume de France,

Et per nos, thesaurarium et inquisitorem, et par nous, trésorier et inquisiteur,

in venerabilium virorum magistri Iohannis de Gouvis, legum doctoris, canonici rothomagensis et fratris Iacobi Calciatoris, dicti ordinis, en présence de vénérables personnes, maître Jean de Gouvis, docteur ès lois, chanoine de Rouen, et de frère Jacques Chaussetier, dudit ordre14,

ac Socii Votes et Iohannis Dauvargne, presbyterorum, publicorum, apostolica et imperiali anctoritatibus, curieque archiepiscopalis rothomagensis, notariorum, presencia, et de Socius Votes et Jean Dauvergne, prêtres, notaires publics par autorités apostolique et impériale et, de la curie archiépiscopale de Rouen,

diligenter et singulariter receptorum, iuratorum et examinatorum, super articulis dicti promotoris, coram prefato reverendissimo patre et nobis, inquisitore, datis in causa fidei, tangente processum fidei olim per episcopum belvacensem et subinquisitorem eiusdem fidei, contra quamdam Iohannam, vulgo Puellam nuncupatam, in dicta civitate agitatum. diligemment et individuellement reçus jurés et examinés sur les articles dudit promoteur, déposés devant ledit Révérendissime Père et Nous, inquisiteur, en affaire de foi, touchant le procès de foi, naguère mené par l’évêque de Beauvais et le sous-inquisiteur de cette foi, contre certaine Jeanne, communément appelée la Pucelle, en ladite cité.

Et primo sequitur tenor dictorum articulorum, que talis est : Et Primo, s’ensuit la teneur desdits articles, qui est telle :

Addendo articulis aliis in huiusmodi causa nullitatis et iniusticiie processus et sentencie, facti et late contra quamdam dictam Iohannam, vulgo Puellam nuncupatam, promotor ad hoc deputatus dat et exhibet articulos infrascriptos, super quibus petit per vos, reverendissimum in Christo patrem, dominum legatum, et commissarium, ac vos, venerabilem patrem inquisitorem heresis, testes per eum producendos examinari. Ajoutant aux autres articles par ailleurs [formulés] en cette affaire de nullité et injustice du procès et sentence fait et prononcée contre certaine dite Jeanne, communément appelée la Pucelle, le promoteur à ce député donne et présente les articles ci-joints, sur lesquels il demande que soient examinés par vous, révérendissime Père en Christ, seigneur Légat et Commissaire, et par vous, vénérable père inquisiteur de l’hérésie, les témoins qu’il présentera.

[Articles de la nouvelle Enquête]

6667 Articles de la nouvelle Enquête

I

[I]40 (I)

In primis, quod dicta Iohanna, quia fuerat in auxilio christianissimi regis Francie et in excercitu contra Anglicos, ipsi Anglici capitali odio eam prosequebantur et odiebant, ac illius mortem omnibus modis siciebant. Et sic fuit, et est verum. Tout d’abord, que ladite Jeanne, par ce qu’elle était venue au secours du très chrétien roi de France et avait combattu contre les Anglais, ces Anglais la poursuivaient et la haïssaient d’une haine mortelle, et avaient soif de [procurer] sa mort par tous les moyens. Ce fut ainsi et c’est vrai.

II

[II] (II)

Item, cum dicta Iohanna multas strages in bello dictis Anglicis intulerit, eam vehementer timebant, et propterea querebant, omnibus exquisitis viis, quibus poterant, eam morti tradere et quod dies suos finiret, nec amplius eos vexare posset. Et sic fuit et est verum. Item, par ce que ladite Jeanne avait infligé aux dits Anglais de grandes pertes à la guerre, ils la craignaient beaucoup ; aussi cherchaient-ils, par tous les moyens retors en leur pouvoir, à la faire mourir et mettre fin à ses jours, pour qu’elle ne pût les molester davantage. Ce fut ainsi et c’est vrai.

III

[III] (III)

Item, quod, ut hoc cum aliquo colore aut palliamento iustitie facere viderentur, eam ad hanc civitatem rothomagensem, tunc sub tyrannico Anglicorum dominio consistentem, transduxerunt ; et contra eam in Castro, in carceribus detensam, quemdam processum pretensum, super causa fidei [per]41 metum et impressionem institui procurarunt. Et sic fuit et est verum. Item, que, pour paraître le faire sous couleur et couvert de justice, ils la transportèrent en cette ville de Rouen, alors sous la domination tyrannique des Anglais. Et contre elle, qu’ils détenaient en prison dans le château, s’appliquèrent par crainte et pression à instituer certain prétendu procès de foi. Ce fut ainsi et c’est vrai.

IV

[IV] (IV)

Item, quod tam iudices, [assessores]42 et consultores, quam [promotor]43 et alii in dicto processu intervenientes, per illatas eis gravissimas [minas]44 et terrores ab ipsis Anglicis, non audebant liberum habere iudicium ; sed omnia ad metum et impressionem Anglicorum agere, si volebant gravia pericula eciam mortis evitare, compellebantur. Et sic fuit et est verum. Item, que, tant les juges, [assesseurs]15 et consulteurs, que le promoteur et les autres qui intervinrent dans ledit procès, en raison des très graves menaces et terreurs par lesquelles les Anglais les effrayaient, n’osaient avoir un jugement libre ; mais ils étaient forcés de tout faire sous la crainte et pression des Anglais, s’ils voulaient éviter de graves périls, voire la mort. Ce fut ainsi et c’est vrai.

V

[V] (V)

6869Item, quod notarii in dicta causa scribentes, ex iisdem metu et minis eis illatis a dictis Anglicis, non poterant secundum veritatem rei, et prout45 vero dicta Iohanna in responsionibus suis loquebatur, scribere aut acta conficere. Et sic fuit et est verum. Item, que les notaires, qui tenaient les écritures en cette affaire, en raison des mêmes craintes et menaces exercées contre eux par les dits Anglais, ne pouvaient écrire et rédiger les actes en toute vérité et selon que vraiment ladite Jeanne s’exprimait en ses réponses. Ce fut ainsi et c’est vrai.

VI

[VI] (VI)

Item, quod dicti notarii ex dicto metu non permictebantur, ymo expresse prohibebantur, in actis, verba per ipsam Iohannam prolata, que pro et eius 11r excusacione faciebant, inserere. Quinymo ea compellebantur omictere, et nonnulla contra eam faciencia, que nunquam ipsa protulerat, inserere cogebantur. Et sic fuit et est verum. Item, qu’en raison de la dite crainte, lesdits notaires n’avaient pas permission, ou plutôt avaient expressément défense d’insérer dans les actes, les paroles proférées par ladite Jeanne, qui étaient en sa faveur et défense. Bien plus, on les forçait à les omettre, et on les contraignait d’insérer certaines paroles qui la chargeaient et que jamais elle n’avait prononcées. Ce fut vrai et c’est ainsi.

VII

[VII] (VII)

Item, quod eisdem metu et terroribus, nullus reperiebatur qui auderet dicte Iohanne consulere, aut eius causam pro ea promovere, aut eam excusare, aut instruere seu dirigere, aut alias eam defendere. Quinymo nonnulli, qui quandoque pro ea aliqua verba protulerunt, gravissimum vite discrimen passi sunt, cum voluerint dicti Anglici eos, velut ipsos rebelles, in flumen proicere, aut alteri morti tradere. Et sic fuit et est verum. Item, qu’en raison de ces craintes et menaces, il ne se trouvait personne pour oser conseiller ladite Jeanne, ou soutenir sa cause pour elle, ou la défendre, ou l’éclairer et la diriger, ou de quelque autre façon la défendre. Bien plus, quelques-uns, qui parfois prononcèrent quelques paroles en sa faveur, coururent très grand danger de mort ; car lesdits Anglais voulurent les jeter au fleuve comme rebelles, ou leur faire subir quelque autre mort. Ce fut ainsi et c’est vrai.

VIII

[VIII] (VIII)

Item, quod dictam Iohannam in carceribus privatis seu laicalibus, in compedibus ferreis, et cum cathenis, retinebant. Quodque nullus eidem loqueretur, ut nullo modo posset se defendere ; eciam appositis anglicis custodibus, prohibebant. Et sic fuit et est verum. Item, qu’ils détenaient ladite Jeanne en prisons privées et laïques, en entraves de fer et avec chaînes. Et que personne ne lui parlait, afin qu’elle n’eût aucun moyen de se défendre. Même les gardes anglais de faction l’empêchaient. Ce fut ainsi et c’est vrai.

IX

[IX] (IX)

7071Item, quod dicta Iohanna erat puella etatis XIX annorum, vel circa ; simplex, ignara iuris aut ritus iudiciorum, neque ex se, sine directore aut instructore, erat apta seu habilis ad se defendendum in tam gravi et difficili causa. Et sic fuit et est verum. Item, que ladite Jeanne était une pucelle âgée de 19 ans environ, simple, ignorante du droit ou de la procédure ; par elle-même, sans personne pour la diriger ou éclairer, elle n’était pas apte ou capable de se défendre en une affaire si grave et si difficile. Ce fut ainsi et c’est vrai.

X

[X] (X)

Item, quod dicti Anglici, eius mortem sicientes, de nocte ibant iuxta carceres, fingentes se ex revelacionibus loqui et eam hortantes quod, si volebat mortem evadere, nullo modo se submicteret iudicio Ecclesie. Et sic fuit et est verum. Item, que lesdits Anglais, assoiffés de sa mort, approchaient de sa prison la nuit feignant de lui faire des révélations, et lui conseillant, si elle voulait échapper à la mort, de ne pas se soumettre du tout au jugement de l’Église. Ce fut ainsi et c’est vrai.

XI

[XI] (XI)

Item, quod examinatores, ut eam in sermone caperent, illam difficilibus et involutis interrogacionibus et questionibus impetebant, et plerumque de illis interrogabant eam, de hiis que ipsa quid esset penitus ignorabat. Et sic fuit et est verum. Item, que les examinateurs, pour la prendre en ses dires, la pressaient d’interrogations et de questions difficiles et compliquées ; et souvent l’interrogeaient sur des choses qu’elle ignorait totalement. Ce fut ainsi et c’est vrai.

XII

[XII] (XII)

Item, quod eam diu46 interrogacionibus47 defatigabant, ut saltem tedio affecta, in ipso multiloquio, aliquod sinistrum verbum ab illa intercipere possent. Et sic fuit et est verum. Item, qu’ils la fatiguaient par de longues interrogations, afin que du moins accablée de fatigue, ils puissent dans ce flot de paroles surprendre d’elle quelque parole malheureuse. Ce fut ainsi et c’est vrai.

XIII

[XIII] (XIII)

Item, quod sepius in iudicio vel extra, in responsionibus suis ipsa Iohanna dixit, asseruit et obtestata fuit quod ipsa nil vellet tenere contra fidem catholicam ; et si quid in dictis aut factis suis esset quod a fide deviaret, ipsa volebat a se depellere et clericorum iudicio stare. Et sic fuit et est verum. Item, que très souvent en séance ou hors séance, ladite Jeanne dit dans ses réponses, affirma et attesta qu’elle ne voulait rien tenir contre la foi catholique. Et, si quelque chose en ses paroles ou ses actes s’écartait de la foi, elle voulait le rejeter et se tenir au jugement des clercs. Ce fut ainsi et c’est vrai.

XIV

[XIV] (XIV)

7273Item, quod similiter dicta Iohanna, tam in iudicio quam extra, professa est pluries quod se et omnia dicta et facta sua iudicio Ecclesie, et domini nostri Pape submictebat ; et sic fuit et est verum. Et quod esset male contenta si aliquid in ea esset quod christianam fidem impugnaret. Item, que semblablement ladite Jeanne, tant en séance que hors séance, professa plusieurs fois qu’elle se soumettait, ainsi que ses dires et ses faits, au jugement de l’Église et de notre seigneur le Pape. Ce fut ainsi et c’est vrai. Et qu’elle serait mécontente si quelque chose en elle s’opposait à la foi chrétienne.

XV

[XV] (XV)

Item, quod dicta verba de submissione Ecclesie dicti Anglici et eis faventes, licet essent per ipsam sepius, tam in iudicio quam extra, prolata, non permiserunt, ymo prohibuerunt in actis seu pretenso processu inseri aut scribi. Et aliter in eo scribi procurarunt, licet mendose. Et sic fuit et est verum. Item, que lesdites soumissions à l’Église, lesdits Anglais et ceux qui tenaient leur parti, bien quelle les eût très souvent répétées en séance ou hors séance, ne permirent pas, interdirent même qu’elles fussent mentionnées ou transcrites dans les actes ou le prétendu procès. Et ils les firent transcrire autrement et même mensongèrement. Ce fut ainsi et c’est vrai.

XVI

[XVI] (XVI)

Item, quod fuit et est preter et absque eo quod umquam ipsa Iohanna asseruit se nolle subici iudicio Ecclesie sancte matris, etiam militantis. Et sic fuit et est verum. Item, que ce fut et c’est sans tenir compte que jamais ladite Jeanne n’ait affirmé qu’elle refusait de se soumettre au jugement de la Sainte Mère l’Église, même militante. Ce fut ainsi et c’est vrai.

XVII

[XVII] (XVII)

Item, et in casum et eventum in quem constare posset dictam Iohannam verba de non submictendo se Ecclesie protulisse, dicit idem promotor quod ipsa quid esset Ecclesia minime intellexit, neque pro congregacione fidelium illud verbum affirmabat ; sed credebat et intelligebat quod Ecclesia ilia, de qua interrogantes loquebantur, essent illi ecclesiastici, qui ibi erant, partes48 Anglicorum foventes. Item, et même au cas où il pourrait être certain que ladite Jeanne aurait prononcé un refus de se soumettre à l’Église, ledit promoteur affirme qu’elle ne comprit pas du tout ce qu’était l’Église, et qu’elle ne comprenait pas ce mot comme désignant la communauté des fidèles ; mais elle croyait et comprenait que l’Église, dont parlaient ceux qui l’interrogeaient, était ces ecclésiastiques, là présents, qui tenaient le parti des Anglais.

XVIII

[XVIII] (XVIII)

7475Item, quod dictus pretensus processus, originaliter primo in gallico scriptus, fuit minus fideliter in latinum translatus, multis detruncatis excusacionem contingentibus, et plurimis additis contra veritatem, ipsis factum aggravantibus. Sicque dictus processus a suo originali in pluribus et substancialibus discrepare comperitur. Et sic fuit et est verum. Item, que ledit prétendu procès, dont l’original fut écrit en français, fut peu fidèlement traduit en latin ; bien des textes qui la justifiaient ayant été retranchés et beaucoup qui aggravaient son cas ajoutés contre la vérité. Ainsi ledit procès diffère manifestement de son original en des points nombreux et substantiels. Ce fut ainsi et c’est vrai.

XIX

[XIX] (XIX)

Item, quod premissis actentis dicti pretensi processus et sentencia, nomen iudicii et sentencie non merentur, cum non possit dici iudicium, ubi iudicantes, consultores et adsessores liberum iudicandi non habent pre timore arbitrium. Et sic fuit 11v et est verum. Item, que, considéré ce qui précède, ces soi-disant procès et sentence ne méritent pas le nom de jugement et de sentence ; car on ne peut parler de jugement, là où juges, consulteurs et assesseurs n’ont pas, par peur, la liberté de juger. Ce fut ainsi et c’est vrai.

XX

[XX] (XX)

Item, quod ex premissis, dictus pretensus processus est in pluribus sui partibus mendosus, viciatus, corruptus, non perfecte, non fideliter conscriptus, et alias viciosus, quod nulla ei debet penitus fides adhiberi. Et sic fuit et est verum. Item, du fait de ce qui précède, ledit prétendu procès est en très grande partie mensonger, falsifié, altéré, écrit inexactement et infidèlement, et par ailleurs de maintes façons vicié ; si bien qu’absolument aucune confiance ne doit lui être donnée. Ce fut ainsi et c’est vrai.

XXI

[XXI] (XXI)

Item, quod premissis et aliis ponderatis, assertus processus et sentencia sunt nulli et iniustissimi ; cum, nullo servato debito iuris ordine, a iudicibus non suis, neque iurisdicionem in huiusmodi causa et persona habentibus, habiti et facti reperiantur. Et sic fuit et est verum. Item, que pesé tout cela et maintes autres choses, le soi-disant procès et la sentence sont nuis et parfaitement injustes, puisqu’il conste qu’ils ont été tenus et faits sans respect de l’ordre juridique dû, et par des juges n’ayant ni compétence ni juridiction en cette affaire et sur cette personne. Ce fut ainsi et c’est vrai.

XXII

[XXII] (XXII)

Item, quod ex alio eciam, dicti processus et sentencia nullitati et manifeste iniusticie subiciuntur, quoniam eidem Iohanne nulla fuit data, in tam gravissima causa, se defendendi facultas ; ymo ipsa defensio, que iuris naturalis exsistit, fuit ei penitus denegata, per multas et exquisitas vias. Et sic fuit et est verum. Item, d’un autre chef encore lesdits procès et sentence encourent nullité et manifeste injustice, par ce que ladite Jeanne n’eût jamais en cette très grave affaire possibilité de se défendre. Au contraire, le droit naturel de se défendre lui fut totalement refusé par des pro cédés multiples et retors. Ce fut ainsi et c’est vrai.

XXIII

[XXIII] (XXIII)

Item, quod, licet dictis assortis iudicibus constaret quod prefata Iohanna iudicio et determinacioni sancte matris Ecclesie se submiserat, quod fidelis et catholica exsisteret, et tali communionem Corporis dominici tradendam esse decreverint, nichilominus tamen, minium Anglicis faventes, seu eorum terrores et impressiones sustinere non [valentes]49, eam ut hereticam pene ignis iniustissime condempnarunt. Et sic fuit et est verum. Item, que bien qu’il fût évident auxdits prétendus juges que ladite Jeanne s’était soumise au jugement et aux décisions de la mère Sainte Église qu’elle était fidèle et catholique, et qu’ils avaient décidé qu’à une telle [chrétienne] il fallait donner la communion au Corps du Christ, néanmoins cependant, trop amis des Anglais et n’ayant pas le courage de dominer leurs menaces et pressions, ils la condamnèrent très injustement comme hérétique à la peine du feu. Ce fut ainsi et c’est vrai.

XXIV

[XXIV] (XXIV)

Item, quod absque alia secularis iudicis sentencia, de facto, dicti Anglici cum maxima armatorum caterva, quadam rabie in eam sevientes, illam ad supplicium duxerunt. Et sic fuit et est verum. Item, que sans autre sentence du juge séculier, par voie de fait, lesdits Anglais avec une troupe énorme de soldats, déployant contre elle une sorte de rage, la menèrent au supplice. Ce fut ainsi et c’est vrai.

XXV

[XXV] (XXV)

Item, quod dicta Iohanna continue, et presertim tempore sui finis, catholice et sancte se habuit, animam suam Deo recommictendo et Jhesus usque ad ultimum vite spiritum50 alta voce acclamando. Ita ut omnes assistentes, eciam Anglicos inimicos ad lacrimarum profusionem deduxerit. Et sic fuit et est verum. Item, que ladite Jeanne, dès lors, et surtout au moment de la mort, se comporta catholiquement et saintement, recommandant son âme à Dieu, et jusqu’au dernier souffle de vie cria à haute voix : Jésus ! si bien qu’elle fit abondamment pleurer tous les assistants et même ses ennemis anglais. Ce fut ainsi et c’est vrai.

XXVI

[XXVI] (XXVI)

Item, quod premissa omnia et singula dicti Anglici, de facto et non iuridice, per dictas impressiones, contra dictam Iohannam attemptarunt seu fieri procurarunt, quoniam dictam Iohannam partes christianissimi regis Francie sustinentem, vehementer timebant, illamque capitali odio odiebant et persequebantur ; ac eciam, ut ex eo dictum christianissimum regem, quod presidio taliter51 dampnate mulieris uteretur, infamarent. Et sic fuit et est verum. Item, que toutes et chacunes de ces choses lesdits Anglais, par voie de fait et non de justice, par lesdites pressions, attentèrent ou firent attenter contre ladite Jeanne, par ce qu’ils craignaient véhémentement ladite Jeanne qui défendait la cause du Très Chrétien roi de France ; aussi la haïssaient-ils et la poursuivaient-ils de haine mortelle ; mais de plus, ils voulaient diffamer par là cedit Roi Très Chrétien, par ce qu’il avait recouru au secours d’une femme ainsi condamnée. Ce fut ainsi et c’est vrai.

XXVII

[XXVII] (XXVII)

7879Item, quod de premissis omnibus et singulis fuit et est publica vox et fama, vulgaris assercio, commune dictum ac notorium in civitate et diocesi rothomagensibus, et toto regno Francie. Et sic fuit et est verum. Item, que de toutes et chacunes choses susdites ce fut voix publique, renommée, affirmation universelle, dit général et notoire, dans la ville et le diocèse de Rouen et en tout le royaume de France. Ce fut ainsi et c’est vrai.

Premissos articulos dat, exhibet et producit idem promotor, ad omnes meliores fines et effectus quibus scit et debet ; salvo iure addendi, corrigendi, etc, et dandi, suis loco et tempore, alios articulos longiores, prout cause meritis expediet. Ces susdits articles ledit Promoteur donne, présente et produit à toutes fins meilleures et effets qu’il sait et doit ; sauf le droit d’ajouter, corriger, etc, ainsi que de présenter, en son lieu et temps, d’autres articles plus longs, selon que cela sera utile au bien de la cause.

Et protestatur, etc. ut fuit et est moris52. Et il proteste, etc, comme ce fut et est de coutume.

[Dépositions des témoins]

Deinde sequitur tenor attestacionum testium super preinsertis articulis, productorum et examinatorum. Puis s’ensuit la teneur des attestations des témoins produits et examinés sur les articles sus-insérés,

Messire Nicolas Taquel

Et primo53 Et premièrement,

Discretus vir dominus Nicolaus Taquel, presbyter, rector seu curatus ecclesie parochialis de Basquevilla, rothomagensis diocesis, etatis LII annorum, vel circa, iuratus et examinatus die lune, octava mensis maii. Discrète personne, messire Nicolas Taquel, prêtre, recteur ou curé de l’église paroissiale de Basqueville, du diocèse de Rouen, âgé de 52 ans ou environ, juré et examiné le lundi 8 mai.

Super I articulo, dicit quod credit contenta in articulo, nedum de ipsa ymo eciam de omnibus tenentibus partem domini nostri regis. Sur le Ier article, dit qu’il croit ce qui est contenu dans l’article, non seulement de ladite [Jeanne], mais de tous ceux qui tenaient le parti du seigneur notre Roi.

Super II, dicit quod credit sicut supra, et quod fama vulgaris civitatis talis erat. Sur le IIe, dit qu’il croit comme ci-dessus ; et que telle était la renommée générale dans la ville.

Super III articulo, dicit quod circa medium processus, fuit vocatus per duos notarios processus ad assistendum cum eis, et quod vidit eamdem Iohannam in 12r carceribus castri rothomagensis, in quadam turri versus campos. Et fiebat processus huiusmodi expensis regis Anglie, ut dicebatur ; sed de metu et impressione, de quibus fit mencio in articulo, nichil percepit. Sur le IIIe article, dit que, vers la moitié du procès, il fut appelé par les deux notaires du procès à y assister avec eux ; et qu’il vit ladite Jeanne dans les prisons du château de Rouen, dans certaine tour vers les champs. Et ce procès se faisait, disait-on, aux frais du Roi d’Angleterre. Mais de la crainte et pression dont parle l’article, il n’a rien perçu.

Super IV, dicit quod non vidit neque percepit54 impressionem nec minas aut terrores, de quibus in eodem articulo fit mencio. Sur le IVe, dit qu’il n’a ni vu ni perçu les pressions et menaces ou frayeurs, dont est fait mention dans l’article.

8081Super V, dicit quod55 non percepit, ut supra. Ymo sibi videtur quod notarii fideliter scripserunt. Sur le Ve, dit qu’il ne le perçut pas, comme ci-dessus. Il lui semble au contraire que les notaires ont fidèlement écrit.

Super VI articulo, dicit quod non percepit56 aliquem metum, nec vidit prohibiciones seu coactiones, de quibus in articulo fit mencio. Sur le VIe article, dit qu’il ne perçut crainte et ne vit ni les inter dictions et contraintes, dont est fait mention dans l’article.

Super VII, dicit quod non est memor quod pecierit aut habuerit consilium, aut fuerit sibi oblatum ; quia non fuit ab inicio processus. Nec aliud scit de residuo articuli. Sur le VIIe, dit qu’il ne se souvient pas qu’elle ait demandé ou reçu conseil, ni qu’il lui fut offert ; car il ne fut pas au début du procès. Du reste de l’article ne sait rien.

Super VIII, dicit quod bene scit quod dicta Iohanna erat in carceribus, ut supra. Et vidit eam aliquando in compedibus, et aliquando non obstante infirmitate sua ; et quod erat unus Anglicus qui habebat custodiam hostii camere et carceris, sine cuius licencia nemo poterat, nec eciam iudices poterant ad eam accedere. Sur le VIIIe dit qu’il sait bien que ladite Jeanne était en prison, comme ci-dessus. Et il la vit parfois en entraves, mais parfois sans, en raison de sa maladie. Et qu’il y avait un Anglais qui avait la garde de la porte du cachot et de la prison, sans la permission de qui, personne, même les juges, ne pouvaient l’approcher.

Super IX, dicit quod bene sibi videtur quod dicta Iohanna erat etatis XIX annorum, vel circa, ex inspectione eiusdem. Quodque erat simplex, sicut mulier talis etatis, aliquando bene loquens in materia, et aliquociens57 varians et ad quesita non respondens. Nec aliud scit. Sur le IXe, dit qu’il lui semble bien à son aspect que ladite Jeanne était âgée de 19 ans ou environ ; et qu’elle était simple, comme une femme de cet âge, parfois parlant bien à propos ; d’autre fois changeant et ne répondant pas aux questions. Il ne sait rien autre.

Super X, dicit quod bene audivit per villam quod Anglici de nocte, in absencia iudicum, conturbabant eam, dicendo aliquando quod moreretur, et aliquando quod expediretur. Sed si fuerit verum, nescit. Sur le Xe, dit qu’il a bien entendu dire en ville que des Anglais, en l’absence des juges, venaient de nuit la tourmenter, disant parfois qu’elle mourrait, d’autre fois qu’elle échapperait. Mais si ce fut vrai, ne le sait.

Super XI, dicit quod fuit presens quando aliqui iudicum faciebant ei interrogatoria bene difficilia. Quibus respondebat quod ad eam non spectabat respondere ; et quod ad eos se referebat. Et aliqui doctorum assistencium aliquando sibi dicebant : Vos dicitis bene, Iohanna. Sur le XIe, dit qu’il fut présent quand certains juges lui posaient des questions bien difficiles. Auxquelles elle répondait qu’elle n’avait pas à y répondre, et qu’elle s’en référait à eux. Et parfois certains des docteurs assistants lui disaient : Vous dites bien, Jeanne.

Super XII, dicit quod ipsa Iohanna, aliquando attediata pluribus interrogacionibus, petebat dilacionem usque in crastinum. Et concedebatur ei. Super residuo, nichil scit. Sur le XIIe, dit que ladite Jeanne, parfois lassée par tant de questions, demandait remise au lendemain. Et on le lui accordait. Sur le reste, ne sait rien.

Super XIII, dicit quod pluries audivit ab eadem Iohanna contenta in articulo ; et quod nollet aliquid dicere aut facere contra fidem. Et credit hoc scriptum esse in processu. Sur le XIIIe, dit que plusieurs fois il entendit Jeanne dire ce que l’article contient ; et qu’elle ne voudrait rien dire ou faire contre la foi. Il croit que cela a été écrit dans le procès.

Super XIV, dicit quod credit audivisse a dicta Iohanna, in effectu, verba contenta in ipso articulo. Sur le XIVe, dit qu’il croit en effet avoir entendu ladite Jeanne prononcer les paroles rapportées dans l’article.

Super XV, dicit quod non recordatur vidisse aliquem Anglicum in examine dicte Iohanne, nisi dictum custodem. Nec recordatur de aliqua prohibicione facta super hiis que faciebant ad processum, quamvis prohiberentur aliqua conscribi, que, iudicio loquentis, non faciebant ad causam. Sur le XVe, dit qu’il ne se souvient pas avoir vu quelque Anglais aux interrogatoires de ladite Jeanne, sinon son gardien. Il ne se souvient pas non plus qu’on ait interdit [de transcrire] des choses qui avaient trait au procès. Mais on interdit de transcrire certaines choses qui, au jugement du déposant, n’avaient pas trait à la cause.

Super XVI, dicit quod nescit quod illa verba decimi sexti articuli fuerunt inserta in processu ; nec recordatur ipsam Iohannam in toto 8283processu dixisse se nolle subicere iudicio Ecclesie, quamvis eam viderit aliquando perturbatam. Et tunc, prout dicit loquens, doctores, qui ibidem assistebant, dirigebant eam. Et dimictebatur aliquando usque in crastinam diem sequentem. Sur le XVIe, dit qu’il ne sait pas que ces paroles du XVIe article aient été insérées au procès ; il ne se souvient pas non plus que ladite Jeanne ait dit au procès qu’elle ne voulait pas se soumettre au jugement de l’Église, bien qu’il l’ait vue parfois fort troublée. Alors, dit le déposant, des docteurs qui y assistaient, la conseillaient. Et parfois on la remettait au jour suivant.

Super XVII articulo, dicit quod aliquando expositum fuit per doctorem dicte Iohanne quid erat Ecclesia. Et tunc dicebat quod credebat, et se submictebat iudicio Ecclesie. Nec aliud scit de contentis in articulo. Sur le XVIIe, dit qu’une fois un docteur exposa à ladite Jeanne ce qu’était l’Église. Et alors elle disait qu’elle croyait et se soumettait au jugement de l’Église. Il ne sait rien d’autre sur ce que contient l’article.

Super XVIII articulo, dicit quod credit quod notarii fideliter scripserunt, interdum in gallico, interdum in latino, secundum quod materia et verba requirebant. Et de translacione, audivit quod magister Thomas de Courcellis fuit oneratus de transferendo processum de gallico in latinum. Sed si aliquid fuerit mutatum, additum aut diminutum, nescit. Sur le XVIIIe, dit qu’il croit que les notaires ont fidèlement écrit, tantôt en français, tantôt en latin, selon que la matière et les paroles l’exigeaient. Quant à la traduction, il entendit dire que maître Thomas de Courcelles fut chargé de traduire le procès du français en latin. Mais s’il y eut changement, addition ou retranchement, il ne sait.

12v Super XIX articulo, dicit quod supra deposuit quicquid scit. Et de residuo, se reffert ad ius. Sur le XIXe article, dit que plus haut il a déposé tout ce qu’il sait. Quant au reste, se réfère au droit.

Super XX, dicit ut supra. Sur le XXe, dit comme dessus.

Super XXI, dicit quod processus habet quod dicta Iohanna fuit capta in diocesi et territorio belvacensibus. De residuo, se reffert ad ius. Sur le XXIe, dit que le procès porte que ladite Jeanne fut prise au diocèse et territoire de Beauvais. Du reste, se réfère au droit.

Super XXII, respondit prout supra, in septimo articulo. Sur le XXIIe, répond comme dessus au VIIe article.

Super XXIII, dicit quod non fuit presens in recepcione Corporis Christi ; sed fuit notorium quod ipsa Iohanna, ante eius mortem, eadem die, recepit Corpus Christi. Et venit loquens, post suscepcionem, in camera qua fuerunt interrogaciones facte. Sur le XXIIIe, dit qu’il ne fut pas présent lorsqu’elle reçut le Corps du Christ. Mais il était notoire que ladite Jeanne, avant sa mort, ce jour même, reçut le Corps du Christ. Et après la communion le déposant, vint dans sa chambre où furent faits les interrogatoires.

Item, dicit quod nunquam percepit in eadem Iohanna quin esset bona catholica. Fuitque eidem Iohanne data licencia recipiendi Corpus Christi, ipso loquente presente, licet non fuerit presens ad perceptionem. Item, dit qu’il n’a jamais rien vu en ladite Jeanne qui ne fut d’une bonne catholique. La permission fut donnée, lui présent, à ladite Jeanne de recevoir le Corps du Christ ; mais il ne fut pas présent à sa communion. Et postquam fuit sibi dictum, parum antequam veniret ad locum dicti supplicii, fecit pulcras et devotas oraciones ad Deum, beatam Mariam et sanctos ; unde plures presentes fuerunt provocati ad lacrimas ; et presertim magister Nicolaus Loyselleur, promotor in causa ; qui, dum flendo recederet a societate dicte Iohanne, et obviaret cuidam turbe Anglicorum existencium in curte castri, increpaverunt eumdem Loyselleur, minando sibi et vocando eum proditorem. De quibus verbis valde timuit ; et, sine divertendo ad alios actus, adiit dominum comitem de Warvik, ut preservaretur. Et quand cela lui fut notifié, un peu avant d’aller au lieu du supplice, elle fit de belles et dévotes prières à Dieu, à la Bien heureuse Marie et aux saints. Ce qui émut aux larmes plusieurs qui étaient présents. Notamment maître Nicolas Loiseleur, promoteur en la cause ; lequel, tandis qu’il quittait ladite Jeanne en pleurant, rencontra dans la cour du château une troupe d’Anglais qui l’injurièrent avec menaces, le traitant de traître. Lesquelles paroles lui inspirèrent une grande crainte ; mais aussi, sans rien faire d’autre, il alla trouver le seigneur comte de Warwick pour qu’il le protégeât. Et nisi fuisset ipse comes, credit ipse loquens quod dictus Loiselleur fuisset interfectus. Et si ce n’avait été le comte, le déposant croit que ledit Loiseleur aurait été tué.

Super XXIV, dicit quod, sentencia Ecclesie lata, viri ecclesiastici a loco, ubi fuit lata huiusmodi sentencia, recesserunt. Et ipse loquens eciam recessit. Et nichil aliud scit. Sur le XXIVe, dit que, quand la sentence de l’Église eut été portée, les ecclésiastiques se retirèrent du lieu où avait été portée cette sentence. Le déposant lui aussi se retira. Il ne sait rien d’autre.

Super XXV, dicit quod non fuit presens, dum passa fuit supplicium ; 8485sed audivit quod ipsa Iohanna pie et catholice obiit, invocando nomen Ihesus, beate Marie Virginis. Sur le XXVe, dit qu’il ne fut pas présent quand elle souffrit son supplice ; mais il a entendu que ladite Jeanne mourut pieusement et catholiquement, invoquant le nom de Jésus, [et] de la bienheureuse Vierge Marie.

Super XXVI articulo, dicit quod58 bene credit quod, si59 dicta Iohanna non portasset guerram Anglicis,non ita diligenter et acriter contra eam processissent ; et cum [hoc]60 credit quod tendebant ad exaltacionem partis61 sue et depressionem regis Francie. Sur le XXVIe article, dit qu’il croit bien que, si ladite Jeanne n’avait pas porté la guerre aux Anglais, ils n’eussent pas procédé contre elle avec ce zèle et cette dureté ; de plus il croit qu’ils pour suivaient le triomphe de leur parti et l’humiliation du roi de France.

Super XXVII articulo, dicit quod illa que dixit vera sunt, et de illis est publica vox et fama in civitate rothomagensi. Sur le XVIIe article, dit que ce qu’il a déposé est vrai, et que de tout cela est voix publique et renommée dans la ville de Rouen.

Messire Pierre Boucher

Dominus Petrus Boucher, presbyter, etatis LV annorum, vel circa, curatus ecclesie parochialis de Bourgeauvilla, Lexoviensis diocesis, testis productus, receptus, iuratus et examinatus, die lune predicta. Messire Pierre Boucher, prêtre, âgé de 55 ans ou environ, curé de l’église paroissiale de Bourgeauville, du diocèse de Lisieux, témoin produit, reçu, juré et examiné ce susdit lundi.

Super I articulo, dicit quod credit primum articulum continere veritatem, presertim quia levaverat obsidionem aurelianensem. Sur le Ier article, dit qu’il croit que le premier article contient la vérité, surtout du fait qu’elle fit lever le siège d’Orléans.

Super II, dicit quod Anglici tenebant eamdem Iohannam, et credit quod bene voluissent eam mori. Sur le IIe, dit que les Anglais détenaient ladite Jeanne et croit qu’ils voulaient fort sa mort.

Super III articulo, dicit quod fuit deducta et traducta sicut cavetur in articulo. De impressionibus et aliis in articulo contentis, nichil scit. Sur le IIIe article, dit qu’elle fut conduite et livrée, comme il est dit dans l’article. Des pressions et autres choses contenues dans l’article, ne sait rien.

Super IV articulo, dicit quo de toto articulo nichil scit, nisi quod unus clericus anglicus, baccalarius in theologia, custos privati sigilli cardinalis Anglie, ibi presentis, existens in prima predicacione in cimiterio Sancti Audoeni rothomagensis facta, dirigendo verba domino episcopo belvacensi, iudici dicte Iohanne, dicit : Expediatis ! Vos estis nimis favorabilis. De quo ipse episcopus male contentus, proiecit processum ad terram, dicens quod illa die nichil aliud faceret, quodque faceret iuxta conscienciam suam. Sur le IVe article, dit que, de tout l’article, il ne sait rien, sauf qu’un clerc Anglais, bachelier en théologie, gardien du sceau privé du cardinal d’Angleterre, qui était présent, lors de la première prédication au cimetière de Saint-Ouen à Rouen, dit, en s’adressant au seigneur évêque de Beauvais, juge de ladite Jeanne : Finissez-en ! vous êtes trop partial ! De quoi ledit évêque, furieux, jeta le procès par terre, disant qu’il ne ferait rien de plus ce jour-là et qu’il agirait selon sa conscience.

Super V, nichil scit, quia non fuit presens in processus deduccione. Sur le Ve, ne sait rien, car il ne fut pas présent au cours du procès.

Super VI, nichil scit, quia presens non fuit. Sur le VIe, ne sait rien, car il ne fut pas présent.

13r Super VII, nichil similiter scit, nisi quod erat sola, sedens supra quamdam sedem. Et audivit quod respondit sine consilio. Nescit tamen si pecierit, aut fuerit ei denegatum consilium. Nec aliud scit super illo articulo. Sur le VIIe, de même ne sait rien, sinon qu’elle était seule, assise sur quelque siège. Et il a entendu dire qu’elle répondait sans avoir de conseil. Mais il ignore si elle en demanda ou s’il lui fut refusé. Ne sait rien autre sur cet article.

Super VIII articulo, dicit quod bene scit quod erat in carceribus, in Castro rothomagensi ; sed nescit an erat ferrata. Nec cum ea aliquis loquebatur, nisi de licencia aliquorum Anglicorum et qui habebant custodiam eiusdem. Sur le XIIIe article, dit qu’il sait bien qu’elle était en prison au château de Rouen ; mais il ignore si elle était aux fers. Et personne ne lui parlait, si ce n’est avec la permission des Anglais, de ceux qui en avaient la garde. Et non vidit ipsam exeuntem de carcere, quin essent cum ea aliqui Anglici, quos credit fuisse [inclusos]62 cum ea 8687in quadam camera, in qua erant tres claves, quarum unam custodiebat dominus Cardinalis aut prefatus baccalarius, inquisitor aliam, et dominus Iohannes Benedicite, promotor, aliam. Et summe timebant Anglici ipsi ne ipsa evaderet. Et il ne la vit pas sortir de la prison sans qu’elle fut accompagnée de quelques Anglais, qui étaient enfermés, croit-il, avec elle dans le cachot dont il y avait trois clés : l’une gardée par le seigneur cardinal ou le susdit bachelier, la seconde par l’inquisiteur, la troisième par le promoteur, messire Jean Bénédicité16. Lesdits Anglais craignaient plus que tout qu’elle ne s’évadât.

Super IX, dicit quod, iudicio loquentis, erat etatis XIX annorum, vel circa ; quodque dicebatur quod erat satis discreta in suis responsis. Nec aliud scit. Sur le IXe, dit qu’à son jugement, elle devait avoir 19 ans ou environ, et qu’on disait qu’elle était assez avisée dans ses réponses. Ne sait rien autre.

Super X, nichil scit, nec super aliquid audivit. Sur le Xe, ne sait et n’entendit rien dire sur cet article.

Super XI et XII, nichil scit, quia presens non fuit in examine et responsis eiusdem. Sur les XIe et XIIe, ne sait rien. ; car il ne fut pas présent aux interrogatoires et à ses réponses.

Super XIII, dicit quod non fuit presens in processu. Sed post predicacionem factam apud Sanctum Audoenum, iunctis manibus, dixit alta voce quod se submictebat iudicio Ecclesie, deprecando sanctum Michaelem, quod eam dirigeret et consuleret. Sur le XIIIe, dit qu’il ne fut pas présent au procès. Mais, après la prédication faite à Saint-Ouen, elle dit les mains jointes, à haute voix, qu’elle se soumettait au jugement de l’Église, suppliant saint Michel de la diriger et conseiller.

Super XIV, dicit hoc non vidisse. Sed audivit a pluribus quod ipsa Iohanna, in examinacione sua, pluries dixerat se submictere domino nostro Pape, et quod duceretur ad eum. Sur le XIVe, dit ne pas avoir vu cela. Mais il entendit dire à beau coup que ladite Jeanne, dans ses interrogatoires, avait dit bien des fois se soumettre à Notre Seigneur le Pape, et qu’on la conduisît vers lui.

Super XV et XVI articulis, nichil scit, quia presens non fuit in processu. Sur les XVe et XVIe articles, ne sait rien ; car il ne fut pas présent au procès.

Super XVII, dicit quod de interpretacione quam facit dominus promotor, se reffert ad intellectum dicte Iohanne. Sur le XVIIe, dit que, de l’interprétation qu’en fait messire le promoteur, il se rapporte à la signification que ladite Jeanne en donnait.

Super XVIII, dicit quod audivit dici quod processus fuit in latino conscriptus. Sur le XVIIIe, dit avoir entendu dire que le procès fut écrit en latin.

Super XIX, XX, XXI articulis, se reffert ad ius. Sur les XIXe, XXe, XXIe articles, se réfère au droit.

Super XXII, dicit quod nichil aliud scit nisi quod audivit quod ipsa Iohanna sola respondit, et absque consilio. Sur le XXIIe, dit qu’il ne sait rien autre, sinon qu’il entendit dire que ladite Jeanne répondit seule et sans conseil.

Super XXIII, dicit quod quantum vidit dictam Iohannam, novit eam semper bonam christianam et bene devotam. Et scit quod fuit sibi delatum Corpus Christi, in Castro, in loco carceris sui, antequam duceretur ad Vetus Mercatum ; ubi fuit predicata et combusta. De residuo, se reffert ad processum. Sur le XXIIIe, dit que, pour autant qu’il vit ladite Jeanne, il la connut toujours bonne chrétienne et bien pieuse. Il sait qu’on lui apporta le Corps du Christ, dans le château, en sa prison, avant d’être menée au Vieux Marché, où elle fut prêchée et brûlée. Du reste, se réfère au procès.

Super XXIV articulo, dicit quod, sentencia lata per iudicem ecclesiasticum, fuit ducta ad scafaldum ballivi per clientes regios. In quo scafaldo erant ballivus et alii officiarii seculares. Ubi aliquandiu stetit cum ipsis ; sed quid ibi dixerunt aut fecerunt nescit ; nisi quod in recessu ipsorum fuit igni tradita. Sur le XXIVe article, dit que, quand la sentence fut portée par le juge ecclésiastique, elle fut conduite à la tribune du bailli par les sergents royaux. Sur laquelle tribune se tenaient le bailli et autres officiers séculiers. Elle y resta quelque temps avec eux ; mais ce qu’ils dirent ou firent, il l’ignore, sinon qu’en les quittant elle fut livrée au feu.

Super XXV, dicit quod, cum ligaretur, implorabat seu invocabat ipsa Iohanna sanctum Michaelem specialiter. Et vidit eam usque in finem bonam christianam ; pluresque assistentes, usque ad decem milia, flentes et lacrimantes dicentes quod erat magna pietas. Sur le XXVe, dit que, tandis qu’on la liait, ladite Jeanne suppliait ou invoquait spécialement Saint Michel. Et il vit qu’elle était jusqu’au bout bonne chrétienne. Et beaucoup des assistants, au nombre de 10.000, pleuraient et gémissaient, disant que c’était grand pitié.

Super XXVI articulo, dicit quod credit quod Anglici eamdem 8889Iohannam magis timebant quam residuum tocius excercitus regis Francie ; et quod illo intuitu erant moti, videre suo, ad faciendum huiusmodi processum contra eam. Sur le XXVIe article, dit qu’il croit que les Anglais craignaient ladite Jeanne plus que tout le reste de l’armée du roi de France ; et qu’à son avis, c’est par cela qu’ils étaient poussés à faire ce procès contre elle.

Super XXVII articulo, dicit quod ea que deposuit vera sunt et notoria, maxime in civitate rothomagensi. Sur le XXVIIe article, dit que ce qu’il a déposé est vrai et notoire, particulièrement dans la ville de Rouen.

Maître Nicolas de Houppeville

Venerabilis et discretus vir, magister Nicolaus de Houppevilla, in theologia baccalarius, Rothomagi oriundus, etatis sexaginta annorum vel circa, iuratus et examinatus die lune octava maii. Vénérable et discrète personne, maître Nicolas de Houppeville, bachelier en théologie, né à Rouen, âgé de 60 ans ou environ, juré et examiné le lundi 8 mai.

13v Super I articulo, dicit quod credit articulum esse verum, nec unquam habuit estimacionem quod, pro zelo fidei aut eam reducendi ad bonam sectam, hoc fecerint Anglici. Sur le Ier article, dit qu’il croit l’article vrai ; et il n’a jamais eu l’idée que les Anglais avaient agi par zèle pour la foi, ou pour la ramener au bon parti.

Super II, dicit quod credit articulum esse verum et fama publica tocius civitatis erat talis. Sur le IIe, dit qu’il croit que l’article est vrai et la renommée publique le disait dans toute la ville.

Super III articulo, dicit quod bene scit quod ipsa Iohanna fuit adducta ad hanc civitatem rothomagensem per Anglicos et posita in carceribus in Castro rothomagensi ; et fuit procuratus processus per eosdem Anglicos, ut credit ; sed de metu et impressione non credit quantum ad iudices, ymo voluntarie hoc fecisse, maxime episcopum belvacensem, quem vidit reverti de querendo eam et referentem legacionem suam regi et domino de Warvick, dicendo letanter et exsultanter quedam verba que non intellexit, et postmodum locutus est in secreto dicto domino de Warvick. Quid dixit, nescit. Sur le IIIe article, dit qu’il sait bien que ladite Jeanne fut amenée en cette ville de Rouen par les Anglais et mise aux prisons du château de Rouen ; le procès, croit-il, fut fait à l’initiative de ces mêmes Anglais. Mais il ne croit, quant aux juges, à crainte ni à pression ; bien au contraire, ce fut volontiers que l’évêque de Beauvais surtout le fit ; car il le vit, revenant de l’aller quérir, rendre compte de sa mission au roi et au seigneur de Warwick ; il dit avec joie et exultation quelques paroles qu’il ne comprit pas ; après quoi il parla en secret au seigneur de Warwick. Il ignore ce qu’il dit.

Super IV articulo, dicit quod, iudicio suo, iudices et adsessores erant pro maiori parte voluntarii, et de aliis credit quod plures timebant, maxime quia audivit a magistro Petro Minier quod ipse dederat suam opinionem in scriptis, que non fuerat grata dicto episcopo belvacensi ; ymo fuerat repuisa, dicendo sibi quod non immisceret in opinione sua decreta cum theologia, et quod relinqueret decreta iuristis. Sur le IVe article, dit qu’à son avis, les juges et assesseurs étaient en majeure partie volontaires ; quant aux autres, il croit que beau coup obéissaient à la peur ; car il entendit particulièrement maître Pierre Minier17 raconter qu’ayant donné son avis par écrit, l’évêque de Beauvais n’en fut pas content. Il le rejeta même, en lui disant de ne pas mêler dans sa consultation le droit canonique avec la théologie, et qu’il laissât le droit aux juristes. Preterea dicit quod audivit quod fuerunt mine illate per comitem de Warvik fratri Ysambardo de Petra, ordinis fratrum predicatorum, qui interfuit in processu, dicendo quod submergeretur nisi taceret eo quod dirigebat verba dicte Iohanne, tunc repetendo ea notariis ; et credit hoc audivisse per organum fratris Iohannis Magistri, dicti ordinis, tunc subinquisitoris. De plus, il apprit que le comte de Warwick avait lancé des menaces au frère Ysambard de la Pierre, de l’ordre des frères prêcheurs, qui assista au procès, lui disant que, s’il ne se taisait, il serait noyé, par ce qu’il conseillait les réponses de ladite Jeanne et les répétait alors aux notaires. Il croit l’avoir entendu de la bouche de frère Jean Le Maître, dudit ordre, alors sous-inquisiteur. Item, dicit quod ipse loquens una die vocatus in principio processus, non venit, aliunde impeditus, et in secunda die veniens, non fuit receptus, ymo a dicto domino episcopo belvacensi fuit depulsus63, et quia antea dixerat conferendo cum domino Michaele Colles, quod periculum erat intentare 9091dictum processum, pluribus de causis, istud verbum fuit relatum ipsi episcopo. Item, dit que lui-même, le déposant, appelé un jour au début du procès, empêché par ailleurs, ne vint pas. Mais y allant le second jour, il ne fut pas admis ; et même ledit évêque de Beauvais le chassa. Auparavant ayant, dit en conversation à messire Michel Colles18 que, pour plusieurs causes, il y avait danger à intenter ce procès, cette parole fut rapportée audit évêque. Pro qua causa procuravit ipse episcopus ipsum loquentem in carceribus regiis Rothomagi detrudi, a quibus fuit expeditus ad preces domini tunc abbatis fiscampnensis. C’est pourquoi ledit évêque le fit mettre en prisons royales à Rouen.Il n’en fut tiré que par l’intercession du seigneur alors abbé de Fécamp. Audivitque loquens quod, per consilium quorumdam, quos ipse episcopus vocaverat ad hoc faciendum, fuit deliberatum quod ipse loquens exsul micteretur in Angliam vel alibi, extra hanc civitatem rothomagensem, nisi intervenisset supplicacio dicti abbatis et quorumdam amicorum suorum. Le déposant apprit que, sur le conseil de certains que ledit évêque avait appelés pour ce faire, il fut décidé que le déposant serait envoyé en exil en Angleterre ou ailleurs, hors de cette ville de Rouen, si n’était intervenue la requête dudit abbé et de quelques-uns de ses amis. Item, scit de certo quod prefatus subinquisitor multum timebat, viditque eum plurimum perplexum, durante processu. Item, il sait certainement que ledit sous-inquisiteur avait grand peur ; et il le vit extrêmement perplexe durant le procès.

Super V, articulo, dicit quod non fuit in processu, sed audivit a dicto64 magistro Iohanne Magistri, quod ipsa Iohanna semel conquesta est super difficilibus interrogatoriis, que sibi fiebant ; et quod nimis vexabatur ex interrogatoriis, que non pertinebant ad processum. Sur le Ve article, dit qu’il n’assista pas au procès ; mais il entendit dire par ledit maître Jean le Maître que ladite Jeanne se plaignit une fois des interrogatoires difficiles qu’on lui faisait, et qu’on la tourmentait trop par des interrogations qui n’avaient rien à voir au procès.

Super VI articulo, dicit quod audivit ex quodam rumore quod notarii prohibebantur aliqua scribere ex dictis suis. Sur le VIe article, dit avoir entendu raconter que les notaires avaient interdiction de transcrire certains de ses dires.

Super VII, dicit quod credit ipsum articulum esse verum, et quod fama talis erat in hac civitate rothomagensi. Sur le VIIe, dit qu’il croit que l’article est vrai ; et telle était la renommée en cette ville de Rouen.

Super VIII, dicit quod scit quod dicta Iohanna erat in carceribus castri, et quod custodiebatur per Anglicos duntaxat. Et super residuo erat fama publica. Sur le VIIIe, dit qu’il sait que ladite Jeanne était dans les prisons du château et qu’elle était gardée seulement par des Anglais. Quant au reste, c’était la renommée publique.

Super IX, dicit quod credit ipsam Iohannam habuisse etatem, de qua in articulo fit mencio ; et cetera in articulo contenta, fore vera ; et quod constancia eiusdem Iohanne multos arguebat quod ipsa habuerat spirituale iuvamen. Sur le IXe, dit qu’il croit que ladite Jeanne avait l’âge mentionné dans l’article ; et que le reste que contenait l’article était vrai ; et que la constance de ladite Jeanne faisait croire à beaucoup qu’elle avait eu un secours spirituel.

Super X articulo, dicit quod fuerunt rumores in hac civitate rothomagensi quod aliqui, fingentes se armatos de parte regis Francie, introducti fuerunt cum ea occulte, suadentes sibi quod se non submicteret iudicio Ecclesie ; alioquin assumèrent iudicium supra eam ; erantque rumores quod propter illam persuasionem ipsa postmodum variavit in submissione Ecclesie. Sur le Xe article, dit que le bruit circulait dans cette ville de Rouen que certains, feignant être des soldats du parti du roi de France, furent introduits en cachette auprès d’elle, lui persuadant de ne pas se soumettre au jugement de l’Église ; qu’autrement on porterait jugement contre elle. On disait que c’est sur ces conseils qu’elle varia ensuite sur le fait de la soumission à l’Église.

Super XI, ut supra deposuit dicit quod audivit a dicto fratre Iohanne Magistri quod de nimis65 difficilibus et minus pertinentibus interrogatoriis conquerebatur. Sur le XIe, déposa comme dessus, et dit avoir entendu de frère Jean le Maître qu’elle se plaignait de questions trop difficiles et hors de propos.

Super XII, credit ipsum articulum esse verum, quia fama erat talis ; 14r ferebaturque quod fiebant sibi, fracta, capciosa, et semi interrogatoria. Sur le XIIe, croit que l’article est vrai ; car la renommée était telle ; on disait qu’on lui posait des questions interrompues, captieuses, et à moitié interrogatoires (?).

Super XIII, dicit quod rumor erat in hac civitate rothomagensi de contentis in articulo usque ad variacionem, de qua supra deposuit. Sur le XIIIe, dit que telle était la rumeur dans cette ville de Rouen à propos de ce que contient l’article jusqu’à ces variations, dont il a déposé ci-dessus.

9293Super XIV articulo, dicit quod credit articulum esse verum, et erat rumor talis66. Sur le XIVe article, dit qu’il croit que l’article est vrai, et c’était la rumeur.

Super XV et XVI articulis, dicit quod se reffert ad processum. Sur les XVe et XVIe articles, dit se référer au procès.

Super XVII, dicit ut supra deposuit in decimo articulo. Sur le XVIIe, dit comme ci-dessus, dans sa réponse au Xe article.

Super XVIII articulo, dicit quod nescit si in gallico aut in67 latino fuerit scriptus processus ; nec aliud scit. Sur le XVIIIe article, dit qu’il ne sait si le procès fut écrit en français ou en latin ; et ne sait rien autre.

Super XIX, dicit quod, secundum sensum suum, prout tunc sensit et adhuc sentit, magis debet dici voluntaria et affectata persecucio quam iudicium. Sur le XIXe, dit qu’à son avis, comme il en eut alors et encore en a le sentiment, cela doit s’appeler plutôt poursuite voulue et passionnée que jugement.

Super XX, dicit quod se reffert ad processum. Sur le XXe, dit s’en référer au procès.

Super XXI articulo, dicit ut supra deposuit in decimo nono articulo. Sur le XXIe article, dit comme ci-dessus, en sa réponse au XIXe article.

Super XXII, dicit quod credit ipsum articulum esse verum. Sur le XXIIe, dit qu’il croit que l’article est vrai.

Super XXIII, dicit quod credit ipsam Iohannam fuisse bonam catholicam ; recepitque Corpus Domini68 mane69 qua fuit exsecuta. Et residuum articuli credit esse verum. Sur le XXIIIe, dit qu’il croit que ladite Jeanne fut bonne catholique ; et qu’elle reçut le Corps du Seigneur le matin de son exécution. Et le reste de l’article, il le croit vrai.

Super XXIV articulo, dicit quod vidit ipsam Iohannam plurimum lacrimantem, exeuntem de Castro, duci ad locum supplicii et ultime predicacionis, per centum et viginti homines vel circa, quorum aliqui gerebant clavas et alii alios gladios ; unde, motus compassione, non voluit70 ire usque ad locum supplicii. Sur le XXIVe article, dit qu’il vit ladite Jeanne toute en larmes, sortant du château, conduite au lieu du supplice et de la dernière prédication, par 120 hommes environ, portant les uns des bâtons, les autres des épées. Aussi, mû de compassion, il ne voulut aller jusqu’au lieu du supplice.

Super XXV articulo, dicit ipsum articulum esse verum, secundum rumorem et famam publicam huius civitatis rothomagensis ; sed de se nichil audivit ab ea, quia non fuit in execucione. Sur le XXVe article, dit que ledit article est vrai selon la voix et la rumeur publique qui courait dans cette ville de Rouen. Mais pour lui il n’entendit rien d’elle, car il ne fut pas à l’exécution.

Super XXVI articulo, dicit quod credit articulum continere veritatem, et ita erat fama in hac civitate rothomagensi, videlicet quod ipsi Anglici procedebant ex odio et timore, ac eciam ad diffamandum regem Francie. Sur le XXVIe article, dit qu’il croit que l’article contient la vérité, et telle était la renommée publique en cette ville de Rouen, à savoir que lesdits Anglais agissaient par haines et par peur, et aussi pour diffamer le roi de France.

Super XXVII articulo, dicit quod continet veritatem, eciam nemine discrepante. Sur le XXVIIe article, dit que, de l’avis unanime, l’article contient la vérité.

Messire Jean Massieu

Dominus Iohannes Massieu, presbyter, etatis quinquaginta quinque annorum, curatus pro altera porcione ecclesie parochialis Sancti Candidi Senioris rothomagensis, iuratus et examinatus die lune predicta. Messire Jean Massieu, prêtre, âgé de 55 ans, curé de la seconde partie de l’église paroissiale de Saint-Cande le Vieux, à Rouen, juré et examiné ce lundi susdit19.

Super I articulo, dicit quod credit articulum continere veritatem. Sur le Ier article, dit qu’il croit que l’article contient la vérité.

Super II articulo, dicit quod eciam credit ipsum articulum esse verum ; et hoc satis patebat, quia ad custodiam eius erant quinque 9495Anglici de die et nocte, quorum très erant de nocte inclusi cum ea ; et de die erant duo extra carcerem. Sur le IIe article, dit qu’il croit aussi que ledit article est vrai ; et c’était bien évident, puisque sa garde était de cinq Anglais de jour et de nuit ; dont trois étaient enfermés avec elle, la nuit ; et de jour, il y en avait deux hors de la prison.

Super III, dicit quod dicta Iohanna fuit capta in diocesi belvacensi et adducta ad hanc civitatem rothomagensem, et posita in Castro rothomagensi, in carcere ; sed quoad metum et impressionem, dicit quod magister Iohannes de Castellione, tunc archidiaconus ebroicensis, doctor in theologia, aliquando reperiens quod fuerant eidem Iohanne facte nimis difficiles questiones, impugnabat modum procedendi, dicendo quod non debebat sic procedi in materia. Sur le IIIe, dit que ladite Jeanne fut prise dans le diocèse de Beauvais, et conduite en cette ville de Rouen ; puis mise en prison dans le château de Rouen ; mais pour ce qui est de la peur et de la pression, dit que maître Jean de Châtillon, alors archidiacre d’Évreux, docteur en théologie, trouvant une fois qu’on avait posé à ladite Jeanne des questions trop difficiles, critiqua la façon de procéder, disant que l’on ne devait pas procéder de la sorte, en cette matière. Cuius occasione, pluries dictum fuit sibi per alios assistentes in processu, quod rumpebat eos et ipse respondebat : Opportet quod acquictem conscienciam meam. Propter quam causam fuit sibi inhibitum, sed per quem non recolit, [ne]71 amplius ibi veniret nisi mandatus. À ce propos, il lui fut dit souvent par d’autres, qui assistaient au procès, qu’il les importunait. Il répliqua : Il faut que je libère ma conscience ! C’est pourquoi, il lui fut interdit, mais il ne se souvient pas par qui, de revenir à moins d’être mandé20.

14v Super IV articulo, dicit quod, tempore processus dicte Iohanne, ipse loquens erat decanus Christianitatis rothomagensis, et conducebat dictam Iohannam de carcere ad examen ; et de examine ad carcerem ; atque stabat semper in eius examine72 ; et non erat aliquis de assistentibus processui, quin timeret. Sur le IVe article, dit qu’au temps du procès de ladite Jeanne, lui, le déposant, était doyen de Chrétienté à Rouen ; et il conduisait ladite Jeanne de sa prison à son interrogatoire et de l’interrogatoire à sa prison. Il restait toujours à l’interrogatoire ; et il n’y avait personne parmi les assistants qui n’eût peur. Motus ad hoc dicendum, quia cum, post primam predicacionem, quadam die sancte Trinitatis post meridiem, ipsa Iohanna resumpsisset habitum virilem, et hoc narraretur magistro Andree Marguerie, tunc supervenienti in Castro rothomagensi, ipseque Marguerie responderet quod opportebat scire causas resumpeionis ipsius habitus, et quod non sufficiebat eam videre in dicto habitu, statim quidam Anglicus, tenens quamdam hastam in manu sua, vocavit ipsum Marguerie : traitre Armignac ! levando hastam quam tenebat contra eum ; propter quod aufugit dictus Marguerie, timens ne percuteretur ; qua occasione fuit infirmus seu valde turbatus. Ce qui lui fait dire cela, c’est qu’après la première prédication, le jour de la Sainte Trinité, après-midi, ladite Jeanne, ayant repris habit d’homme, cela fut rapporté à maître André Marguerie qui arrivait alors au château de Rouen. Alors cedit Marguerie répondit qu’il fallait savoir les causes de la reprise de cet habit ; et qu’il ne suffisait pas de la voir en cedit habit ! Aussitôt un Anglais, brandissant une lance, appela ledit Mar guerie : Traitre Armignac ! et leva sa lance contre lui. Alors ledit Marguerie prit la fuite, de peur d’être frappé. De quoi il tomba malade ou tout égaré. Et de timore loquentis, dicit quod, cum circa inicium processus, ex parte domini Eustachii Turquetil fuisset relatum aliquibus de Castro rothomagensi quod ipse Turquetil audiverat a loquente, quem dicebat super hoc interrogasse, quod nondum viderat in ipsa Iohanna nisi bonum et nichil repprehensibile noverat in [ea]73, propter hoc, fuit mandatum pro loquente per dominum episcopum belvacensem, qui ipsum loquentem durissime ex dictis verbis increpavit, sibi dicendo quod, nisi essent amici sui, fuisset proiectus in Secanam. Quant à la peur du déposant, il dit que, vers le début du procès, comme certains du château de Rouen avaient rapporté, de la part de messire Eustache Turquetil21, que cedit Turquetil avait entendu du déposant, interrogé par lui, qu’il n’avait jamais vu en ladite Jeanne que du bien et rien de reprochable, l’ordre fut donné au déposant par. le seigneur évêque de Beauvais (de se présenter) ; lequel évêque reprocha très durement audit déposant ces paroles ; et lui dit que n’étaient ses amis, il eût été jeté dans la Seine. Et ulterius dicit quod tractantes dictum processum cogebantur magis complacere voluntati Anglicorum quam iusticie, et quod doctores qui audiverunt processum favorizabant pro Anglicis. Et dit outre que ceux qui faisaient cedit procès étaient forcés d’obéir plutôt à la volonté des Anglais qu’à la justice ; et que les docteurs qui entendirent le procès prenaient le parti des Anglais.

Super V articulo, dicit quod in dicto processu, dominus Guillermus Manchon scribebat ; et recolit quod ipse Manchon non scribebat. ad libitum aliquorum, ymo pro veritate scribebat ; et aliquando faciebat 9697quod ipsa Iohanna super difficultate recollebatur ; et reperiebatur quod Manchon bene intelligebat et scribebat. Sur le Ve article, dit qu’en cedit procès messire Guillaume Manchon tenait les écritures ; et il se souvient que ledit Manchon n’écrivait pas comme certains le désiraient ; au contraire, il écrivait la vérité ; et parfois il demandait que l’on interrogeât à nouveau ladite Jeanne sur certaine difficulté ; et on constatait que Manchon comprenait et écrivait correctement.

Super VI articulo, dicit quod credit quod notarius fideliter scripsit. Sur le VIe article, dit qu’il croit que le notaire écrivit fidèlement.

Super VII articulo, dicit quod ipse loquens erat in scafaldo in prima predicacione cum dicta Iohanna ; et legit sibi cedulam abiuracionis ; et, cum ipse loquens ad peticionem et requestam dicte Iohanne, instrueret eam, ostendens sibi periculum quod imminebat ei, de abiuracione, nisi prius viderentur ipsi articuli per Ecclesiam, et quod deliberaretur per Ecclesiam74 an ipsa deberet eos abiurare vel non ; hoc videns magister Guillermus Erard, predicator, interrogavit loquentem quid diceret sibi ; et, cum respondisset sibi : Lego ei istam cedulam, et dico quod signet eam ; et quod ipsa Iohanna dicebat quod nesciret signare. Sur le VIIe article, dit que lui-même le déposant était sur l’échafaud avec ladite Jeanne lors de la première prédication ; et il lui lut la cédule d’abjuration. Or comme lui, le déposant, à la demande et requête de ladite Jeanne, la renseignait, lui montrant le péril qui la menaçait du fait de n’abjurer qu’à la condition qu’auparavant les articles soient examinés par l’Église et que l’Église ait délibéré si elle-même devait ou non les abjurer, maître Guillaume Erard, le prédicateur, voyant cela, demanda au déposant ce qu’il lui disait. Ayant répondu : Je lui lis cette cédule, et lui dis de la signer. Mais ladite Jeanne répondit qu’elle ne savait pas signer. Tunc ipsa Iohanna dixit quod volebat articulos videri et deliberari per Ecclesiam, et quod non debebat abiurare istam cedulam, requirendo quod poneretur in custodia Ecclesie, et amplius non poneretur in manibus Anglicorum. Alors ladite Jeanne dit qu’elle voulait que les articles fussent vus par l’Église et qu’elle en délibérât ; et qu’elle ne devait pas signer cette cédule, requérant qu’elle fût mise en garde de l’Église, mais qu’elle ne fût plus dans les mains des Anglais. Illico, dictus Erard respondit quod ipsa Iohanna non haberet ampliorem dilacionem et quod, nisi ipsa tunc abiuraret dictam cedulam, presencialiter cremaretur, prohibuitque idem Erard dicto loquenti ne amplius cum dicta Iohanna loqueretur, aut sibi aliquid consuleret. Aussitôt ledit Erard répondit que ladite Jeanne n’aurait plus de délai ; et que, si elle n’abjurait immédiatement ladite cédule, elle serait brûlée sur le champ. Ledit Erard interdit aussi audit déposant de parler plus longtemps à ladite Jeanne ni de lui donner quelque conseil.

Super VIII articulo, deponit simpliciter totum articulum esse verum. Et de custodia, iam supra deposuit. Sur le VIIIe article, dépose simplement que tout l’article est vrai. De la garde il a déposé plus haut.

Super IX articulo, dicit quod, iudicio loquentis, erat etatis XIX aut XX annorum, et quod gestu multum simplex, sed in responsis discreta et prudens. Sur le IXe article, dit qu’à son avis, elle était âgée de 19 ou 20 ans ; et que son attitude était très simple ; mais que dans ses réponses elle était sage et prudente.

Super X articulo, dicit quod nescit de vera sciencia super hoc deponere ; sed audivit quod magister Nicolaus Loyseleur, fingens se gallicum captivum Anglicis, quandoque occulte intravit carcerem dicte Iohanne, et suasit sibi quod se non submicteret iudicio Ecclesie, alias inveniret se deceptam. Sur le Xe article, dit qu’il ne peut déposer en cela de science certaine. Mais il a entendu que maître Nicolas Loiseleur, feignant être un Français prisonnier des Anglais, entra parfois en secret dans la prison de ladite Jeanne, et la persuada de ne pas se soumettre au jugement de l’Église, qu’autrement elle serait bien déçue22.

Super XI articulo, dicit quod bene recolit quod frequenter fiebant eidem Iohanne fracta interrogatoria, et concurrebant interrogatoria difficilia a pluribus ; et priusquam uni respondisset, alius faciebat aliam interrogacionem ; unde erat male contenta, dicendo : Faciatis unus post alium ! Et mirabatur loquens qualiter poterat respondere interrogacionibus subtilibus et capciosis sibi factis, et quod homo licteratus vix bene respondisset. Sur le XIe article, dit qu’il se souvient bien que l’on faisait fréquemment à ladite Jeanne des interrogations incohérentes et que les questions difficiles de plusieurs docteurs s’embrouillaient ; avant qu’elle répondit à l’un, un autre posait une autre question. Elle, mécontente, disait : Faites l’un après l’autre ! Et le déposant s’étonnait qu’elle pût répondre aux questions subtiles et captieuses qui lui étaient posées ; et qu’un clerc y eut à peine pu répondre.

Super XII, dicit articulum esse verum et durabat examen ipsius communiter de octava hora usque ad undeciman horam. Sur le XIIe, dit que l’article est vrai, et que son interrogatoire durait généralement de 8 à 11 heures.

9899Super XIII, dicit articulum esse verum, quia pluries audivit ab 15r ore eiusdem Iohanne, quod nunquam permicteret Deus75 aliquid dicere aut facere quod esset contra catholicam fidem. Sur le XIIIe, dit que l’article est vrai, car bien souvent il a entendu de la bouche de ladite Jeanne que Dieu ne permettrait pas qu’elle dise ou fasse quelque chose contre la foi catholique.

Super XIV articulo, deponit ipsum articulum esse verum in forma, de vera sciencia ; addendo quod audivit ipsam dicentem iudicibus, quod, si per eam aliquid minus bene dictum aut factum esset, volebat id corrigere et emendare arbitrio dominorum iudicum. Sur le XIVe article, dépose de science certaine, que l’article est vrai en sa forme ; ajoutant qu’il l’entendit dire aux juges que, si elle avait dit ou fait quelque chose qui ne fut pas bien, elle voulait le corriger et le rectifier au jugement des seigneurs juges.

Super XV articulo, se reffert ad processum. Sur le XVe article, se réfère au procès.

Super XVI articulo, dicit quod nunquam audivit contenta in articulo, ab ore dicte Iohanne ; ymo contrarium, ut supra dixit. Sur le XVIe article dit que jamais il n’entendit de la bouche de ladite Jeanne ce que cet article contient. Bien au contraire, comme il a dit ci-dessus.

Super XVII, dicit quod bene audivit dictam Iohannam dicentem doctoribus eam interrogantibus : Vos me interrogatis de Ecclesia triumphante et militante. Ego non intelligo terminos illos ; sed volo me submictere Ecclesie, sicut decet bonam christianam. Sur le XVIIe, dit qu’il a bien entendu ladite Jeanne dire aux docteurs qui l’interrogeaient : Vous m’interrogez sur l’Église triomphante et militante. Je ne comprends pas ces termes. Mais je veux me sou mettre à l’Église, comme il convient à une bonne chrétienne.

Super XVIII, dicit quod vidit processum in gallico scriptum ; et credit postmodum totum processum conscriptum fuisse in latino. De aliis contentis in articulo, nescit. Sur le XVIIIe, dit qu’il a vu le procès écrit en français, et il croit qu’ensuite tout le procès fut écrit en latin. Du reste que contient l’article, ne sait rien.

Super XIX, XX, XXI, dicit quod, secundum quod vidit et novit de dicta Iohanna, et in ea, ipsa fuit iniuste condempnata ; motus ad hoc dicendum, quia, prout audivit a dicta Iohanna, die sancte Trinitatis de mane, ipsa Iohanna, iacente in lecto, custodes ipsius abstulerunt habitum muliebrem a lecto suo, et reposuerunt supra lectum hujusmodi habitum virilem ; Sur les XIXe, XXe, et XXIe dit que, selon ce qu’il a vu et connu au sujet de ladite Jeanne et en elle, elle a été injustement condamnée. Ce qui le meut à dire cela, c’est qu’il a entendu de ladite Jeanne que, le matin de la Sainte Trinité, ladite Jeanne étant couchée en son lit, ses gardes enlevèrent de son lit ses vêtements de femme et replacèrent sur le lit l’habit d’homme. quodque licet requisivisset a dictis custodibus, dictum habitum muliebrem sibi restitui, ut surgeret a lecto et purgaret ventrem, denegaverunt sibi tradere, dicendo sibi quod alium a dicto virili non76 haberet ; et cum ipsa eis diceret quod ipsi bene sciebant quod per iudices eidem Iohanne fuerat prohibitum ne resumeret habitum virilem, nichilominus denegaverunt eidem Iohanne ipsum habitum muliebren tradere ; et tandem, compulsa necessitate, ceperat ipsum habitum virilem ; Or bien qu’elle eut requis de ses gardes qu’ils lui rendissent le vêtement de femme pour se lever et aller aux lieux, ils refusèrent de le lui donner, lui disant qu’elle n’en aurait pas d’autre que ledit habit d’homme. Comme elle leur répondit qu’ils savaient bien que les juges lui avaient défendu de reprendre l’habit d’homme, néanmoins ils refusèrent à ladite Jeanne de rendre le vêtement de femme. Finalement, obligée par nécessité, elle prit l’habit d’homme. et, postquam fuisset visa in illa resumpcione habitus per dictam totam diem, in crastinum fuerat sibi restitutus habitus, muliebris. Et fuit resumpcio dicti habitus principalis causa, pro qua fuit iudicata relapsa et condempnata. Or, après qu’on l’eût vue toute la journée avec cet habit, le lendemain on lui rendit le vêtement de femme. Et ce fut la reprise de cet habit [d’homme] qui fut la cause principale pour laquelle elle fut jugée relapse et condamnée.

Super XXII, dicit quod, ab inicio processus, ipsa Iohanna peciit habere consilium ad respondendum, cum diceret se esse simplicem ad respondendum. Cui responsum fuit quod, per seipsam responderet sicut vellet, et quod consilium non haberet. Sur le XXIIe, dit que, dès le début du procès, ladite Jeanne demanda d’avoir conseil pour ses réponses, disant qu’elle était trop simple pour répondre. On lui répondit qu’elle répondît d’elle-même, comme elle voulait ; mais qu’elle n’aurait pas de conseil.

Super XXIII articulo, dicit quod bene scit quod dicta Iohanna recepit Corpus dominicum in carcere, ante eius predicacionem et eius derelictionem, per manus fratris Martini Lavenu, de licencia 100101episcopi belvacensis et subinquisitoris, ad instanciam dicte Iohanne, hoc petentis. Et fuit ipsum Corpus delatum per quemdam dominum Petrum, multum irreverenter, supra patenam calicis, involutum coopertura linea ipsius calicis, sine lumine et sine comitiva, et absque superpellicio et stola. Sur le XXIIIe article, dit qu’il sait bien que ladite Jeanne, avant d’être prêchée et abandonnée, reçut le Corps du Seigneur en prison, des mains de frère Martin Lavenu, avec la permission de l’évêque de Beauvais et du sous-inquisiteur, sur les instances de ladite Jeanne qui l’implorait ; le Corps [du Seigneur] lui fut apporté par certain messire Pierre, très irrévérencieusement, sur la patène du calice, enveloppé dans le corporal de lin de ce calice, sans lumière et sans être accompagné, sans surplis ni étole. Dicit ulterius quod dicta Iohanna, post binam confessionem ipsi fratri Martino factam, ipsum Corpus dominicum, presente loquente, devotissime et cum magna lacrimarum profusione, suscepit. Dit outre que ladite Jeanne, après une seconde confession faite audit frère Martin, reçut le Corps du Seigneur, en présence du déposant, très dévotement avec grande abondance de larmes.

Super XXIV articulo, dicit quod predicacione magistri Nicolai Midi, in Veteri Mercato, finita77, dicta Iohanna fuit derelicta a viris ecclesiasticis. Quibus recessis, fuit ducta absque sentencia alicuius iudicis secularis ad locum supplicii. Sur le XXIVe article, dit que, quand fut finie la prédication de maître Nicolas Midi23 au Vieux Marché, ladite Jeanne fut abandonnée par les gens d’Église. Après leur départ, elle fut menée au lieu du supplice, sans aucune sentence d’un juge séculier.

Super XXV, dicit quod dictus articulus continet veritatem in toto ; nec unquam vidit aliquam personam ita catholice finivisse dies suos. Sur le XXVe, dit que ledit article contient en tout la vérité ; et qu’il n’a jamais vu personne finir ses jours si catholiquement.

Super XXVI articulo, dicit quod credit sic fuisse processum contra dictam Iohannam, ex causis contentis in articulo ; et quod predicator, qui primam predicacionem fecit, locutus fuit de regno Francie, hoc modo in effectu : O regnum Francie ! olim reputatum es et vocatum christianissimum, regesque et principes tui christianissimi ; nunc vero per te, o Iohanna ! et rex tuus, qui se dicit regem Francie, tibi adherendo et dictis tuis credendo, effectus est hereticus et scismaticus ! Sur le XXVIe article, dit qu’il croit que l’on procéda ainsi contre ladite Jeanne pour les causes contenues dans l’article. Et que le prédicateur, qui fit la première prédication, parla avec passion du royaume de France, effectivement ainsi : Ô royaume de France ! jadis tu étais considéré et appelé très chrétien et très Chrétiens tes rois et princes ! Maintenant, de par toi, Jeanne, ton roi qui se dit roi de France, en t’accueillant et croyant à tes dires, est devenu hérétique et schismatique ! Hoc trina voce repetendo. Cui assurgens ipsa Iohanna respondit dicendo : 15v Reverencia vestra salva, non est verum ut dicitis, quia volo vos scire quod non est inter vivos christianissimos eo melior catholicus. Il le répéta trois fois. Alors ladite Jeanne, se levant, répondit par ces paroles : Votre Révérence sauve, ce que vous dites n’est pas vrai ; car je veux que vous sachiez qu’il n’est pas, parmi les chrétiens vivants, meilleur catholique !

Super XXVII, dicit quod illa78 que deposuit, fuerunt et sunt notoria in hac civitate rothomagensi. Sur le XXVIIe, dit que ce qu’il a déposé fut et est notoire en cette ville de Rouen.

Maître Nicolas Caval

Venerabilis et discretus vir, magister Nicolaus Caval, presbyter, in legibus licenciatus, canonicus rothomagensis, etatis sexaginta annorum vel circa, iuratus et examinatus die lune predicta. Vénérable et discrète personne, maître Nicolas Caval, prêtre, licencié es lois, chanoine de Rouen, âgé de 60 ans ou environ, juré et examiné, le susdit lundi24.

Super I articulo, dicit quod credit quod Anglici non habebant magnam [dilectionem]79 erga eamdem Iohannam. Sur le Ier article, dit qu’il croit que les Anglais n’avaient pas grande dilection envers ladite Jeanne.

Super II, dicit quod credit contenta in articulo. Sur le IIe, dit qu’il croit ce que contient cet article.

Super III, dicit quod communis fama erat quod dicta Iohanna erat in carceribus, in Castro rothomagensi ; et quod fuit factus processus in causa fidei contra eam ; sed de residuo articuli nescit quid dicere. Sur le IIIe, dit que c’était commune renommée que ladite Jeanne était en prison dans le château de Rouen ; et qu’on lui fit procès en matière de foi ; mais du reste de l’article, ne sait que dire.

Super IV, nichil scit. Sur le IVe, ne sait rien.

102103Super V, dicit quod super ipso nescit aliquid deponere. Sur le Ve, dit que sur lui ne sait rien déposer.

Super VI, dicit se credere quod notarii fideliter et cessante metu scripserunt. Sur le VIe, dit qu’il croit que les notaires ont écrit fidèlement et sans crainte.

Super VII, nichil scit. Sur le VIIe, ne sait rien.

Super VIII, dicit quod dicta Iohanna fuit in carceribus, in Castro rothomagensi. De aliis nichil scit. Sur le VIIIe, dit que ladite Jeanne fut en prison dans le château de Rouen. Du reste, ne sait rien.

Super IX, dicit quod videtur ei quod erat bene iuvenis ; de responsionibus autem eiusdem, dicit quod, dum semel audivit eam in plena aula, satis prudenter loquebatur. Sur le IXe, dit qu’il lui semble qu’elle était très jeune ; mais de ses réponses, dit que, l’ayant une fois entendue en pleine audience, elle parlait bien prudemment.

Super X articulo, dicit quod nichil scit, nec aliquid super hoc audivit. Sur le Xe, dit qu’il ne sait rien et n’a rien entendu sur cela.

Super XI, XII, XIII, XIV, XV, XVI, XVII et XVIII, nichil scit. Sur les XIe, XIIe, XIIIe, XIVe, XVe, XVIe, XVIIe et XVIIIe, ne sait rien.

Super XIX, XX, XXI, se reffert ad ius et processum. Sur les XIXe, XXe, XXIe, se réfère au droit et au procès.

Super XXII, nichil scit. Sur le XXIIe, ne sait rien.

Super XXIII, dicit quod bene scit quod fuit combusta ; si iuste vel iniuste, se reffert ad ius et processum. Sur le XXIIIe, dit qu’il sait bien qu’elle fut brûlée ; si ce fut justement ou injustement, il se réfère au droit et au procès.

Super XXIV, dicit quod nichil scit. Sur le XXIVe, dit qu’il ne sait rien.

Super XXV, dicit quod non fuit presens in condempnacione, nec in exsecucione, nec vidit turbam Anglicorum. Audivit tamen a nonnullis quod clamabat et invocabat nomen Ihesus, in fine dierum suorum ; et quod plures commovit ad lacrimas. Sur le XXVe, dit qu’il ne fut pas présent à la condamnation ni à l’exécution, et qu’il ne vit pas cette troupe d’Anglais. Il a cependant entendu de certains qu’elle criait et invoquait le nom de Jésus en la fin de ses jours ; et qu’elle en fit pleurer beaucoup.

Super XXVI, dicit quod bene credit quod Anglici timebant eam antequam caperent eamdem ; sed, si pro illis causis in articulo con tenus processerunt contra ipsam, ignorat. Sur le XXVIe, dit qu’il croit bien que les Anglais la craignaient avant de la capturer. Mais, si c’est pour les causes contenues dans l’article qu’ils procédèrent contre elle, il l’ignore.

Super XXVII, dicit quod supra deposuit quicquid scit. Sur le XXVIIe, dit que plus haut il a déposé tout ce qu’il sait.

Messire Guillaume Du Désert

Venerabilis et discretus vir, magister Guillermus de Deserto, canonicus rothomagensis, etatis LII annorum vel circa, iuratus et examinatus die octava mensis maii. Vénérable et discrète personne, maître Guillaume du Désert, chanoine de Rouen, âgé de 52 ans ou environ, juré et examiné le 8 mai25.

Super I articulo, dicit quod credit verisimile esse quod, si tenuisset partem Anglicorum sicut faciebat partem Francorum, non fuisset sic, prout fuit, tractata. Sur le Ier article, dit qu’il croit vraisemblable que, si elle avait tenu le parti des Anglais, comme elle avait tenu celui des Français, elle n’eût pas été traitée comme elle fut.

Super II, dicit quod videtur sibi quod Anglici fuerunt aliqualiter territi ex factis eius ; sed, si propterea tendebant eam occidere, nescit. Sur le IIe, dit qu’il lui semble que les Anglais furent comme terrifiés par ses faits ; mais si à cause de cela, ils cherchaient à la tuer, il ne sait.

Super III, dicit quod vidit semel eam in Castro rothomagensi, solum ad videndum eam ; quam vidit, dum adduceretur coram iudicibus. Et erat farna quod ipsa detinebatur in carceribus, in dicto Castro. De metu vero et 16r impressione, nichil scit. Sur le IIIe, dit qu’il la vit une fois au château de Rouen, simplement pour la voir ; il la vit, comme on la menait devant les juges. Et la renommée était qu’elle était détenue en prison dans ledit château. De frayeur et pression, ne sait rien.

Super IV, V, et VI, dicit se nichil scire, quia presens non fuit. Sur les IVe, Ve et VIe, dit ne rien savoir, car il ne fut pas présent.

104105Super VII et VIII articulis, nichil eciam scit ; nec eam vidit in carcere. Tamen audivit quod erat custodita per Anglicos. Sur les VIIe et VIIIe articles, ne sait rien non plus. Il ne la vit pas en prison. Cependant il entendit qu’elle était gardée par des Anglais.

Super IX, dicit quod ipsa Iohanna erat iuvenis, etatis XVIII vel XIX annorum, vel eo circa80 ; et dicebatur quod prudenter et caute respondebat. Sur le IXe, dit que ladite Jeanne était jeune, de 18 ou 19 ans environ ; On disait qu’elle répondait prudemment et sagement.

Super XI, nichil scit, nec aliquid super hoc audivit. Sur le XIe, ne sait rien, et n’a rien entendu là-dessus.

Super XII, nichil scit, quia presens non fuit. Sur le XIIe, ne sait rien, car il ne fut pas présent.

Super XIII et XIV articulis, dicit quod fuit presens in prima predicacione, facta in Sancto Audoeno rothomagensi ; in qua vidit et audivit abiuracionem fieri per dictam Iohannam, se submictendo determinacioni, iudicio et mandatis Ecclesie. Sur les XIIIe et XIVe articles, dit qu’il fut présent à la première prédication, faite à Saint-Ouen de Rouen ; où il vit et entendit ladite Jeanne faire abjuration, se soumettant à la décision, au jugement et aux ordres de l’Église. Dicit ulterius quod quidam doctor anglicus, presens in dicta predicacione, et male contentus de recepcione abiuracionis dicte Iohanne, eo quod ridendo pronunciabat aliqua verba dicte abiuracionis, dixit episcopo belvacensi, tunc iudici, quod male faciebat admictendo dictam abiuracionem, et quod erat una derisio. Dit outre que certain docteur anglais, pré sent à cette dite prédication, mécontent de ce qu’on eût reçu l’abjuration de ladite Jeanne par ce qu’elle avait prononcé en riant certains mots de ladite abjuration, dit à l’évêque de Beauvais, alors juge, qu’il faisait mal d’accepter une telle abjuration, car c’était une dérision. Cui prefatus episcopus stomachate respondit quod menciebatur, quia pocius, cum iudex esset in causa fidei, pocius debebat querere eius salutem quam mortem. Auquel le susdit évêque répondit furieux qu’il mentait ; car, en tant que juge en affaire de foi, il devait plutôt chercher le salut de Jeanne que sa mort.

Super XV et XVI articulis, dicit quod in dicto sermone audivit ab eadem Iohanna quod se submictebat iudicio Ecclesie. Sr autem fuerit notariis prohibitum ne ipsam submissionem redigerent in scriptis, loquens nescit. Sur les XVe et XVIe articles, dit qu’en ce dit sermon, il entendit ladite Jeanne dire qu’elle se soumettait au jugement de l’Église. Mais s’il fut interdit aux notaires de rédiger par écrit cette soumission, le déposant l’ignore.

Super XVII articulo, dicit quod se reffert ad intencionem dicte Iohanne. Sur le XVIIe article, dit qu’il se réfère à l’intention de ladite Jeanne.

Super XVIII, XIX, XX et XXI, dicit quod nichil scit de processu, quia presens non fuit. Sur les XVIIIe, XIXe XXe et XXIe, dit qu’il ne sait rien du procès, car il ne fut pas présent.

Super XXII, dicit quod se reffert ad processum. Sur le XXIIe, dit qu’il se réfère au procès.

Super XXIII, dicit quod in duobus sermonibus in quibus eam vidit, novit eam, ad modum et gestus suos, catholicam, invocando Deum et sanctos. De communione Corporis Christi, nichil scit. Sur le XXIIIe, dit qu’aux deux sermons, où il la vit, à son comportement et à ses gestes il la reconnut catholique, invoquant Dieu et les saints. De la communion au Corps du Christ, ne sait rien.

Super XXIV articulo, dicit quod locus supplicii erat preparatus ante sermonem ; et sermone facto, fuit ipsa Iohanna per iudices ecclesiasticos derelicta ; et illico capta. Sed, si fuerit immédiate ducta ad supplicium vel ad ballivum et alios officiarios regios, qui erant in quodam scafaldo, nescit loquens. Sur le XXIVe article, dit que le lieu du supplice était préparé avant le sermon ; quand le sermon fut fini, ladite Jeanne fut abandonnée par les juges ecclésiastiques et aussitôt saisie. Mais si elle fut immédiatement conduite au supplice ou au bailli et autres officiers royaux, qui étaient sur un échafaud, le déposant l’ignore.

Super XXV, dicit articulum ipsum esse verum in forma. Sur le XXVe, dit que l’article est vrai dans sa forme.

Super XXVI, dicit quod satis credit quod Anglici eam odiebant et timebant. Sed, si propter hoc fuerint moti ad faciendum huiusmodi processum contra eam, nescit ; credit tamen quod fecerunt propter ea que faciebat in armis. Sur le XXVIe, dit qu’il croit volontiers que les Anglais la haïssaient et la craignaient. Mais est-ce pour cela qu’ils furent poussés à lui faire ce procès, il ne le sait pas. Il croit cependant qu’ils le firent par ce que Jeanne leur avait fait à la guerre.

Super XXVII articulo, dicit quod ea que deposuit sunt vera. Sur le XXVIIe article, dit que ce qu’il a déposé est vrai.

Messire Guillaume Manchon

106107Discretus vir, dominus Guillermus Manchon, presbyter, curatus ecclesie parochialis Sancti Nicolai [Pictoris]81 rothomagensis, etatis LVII annorum vel circa, iuratus et examinatus, dicta die octava mensis maii. Discrète personne, messire Guillaume Manchon, prêtre, curé de l’église paroissiale de Saint Nicolas le Painteur à Rouen, âgé de 57 ans ou environ, juré et examiné ledit jour 8 mai.

Super I articulo, dicit quod credit articulum esse verum. Sur le Ier article, dit qu’il croit que l’article est vrai.

Super II, credit eciam ipsum articulum fore verum. Sur le IIe, croit aussi que cet article est vrai.

Super III articulo, dicit quod ipsa Iohanna fuit adducta ad hanc civitatem rothomagensem, et posita in Castro rothomagensi, in carceribus ; et factus processus contra eam in causa fidei per episcopum belvacensem et subinquisitorem. Sur le IIIe article, dit que ladite Jeanne fut conduite dans cette ville de Rouen et mise au château de Rouen en prison ; et que fut fait procès contre elle en cause de foi, par l’évêque de Beauvais et le sous-inquisiteur. In quo processu fuit notarius ipse loquens, per compulsionem Magni Consilii regis Anglie ; nec fuisset ausus contradicere precepto ipsorum dominorum de ipso Consilio. Dans ce procès, lui-même le déposant fut notaire, contraint par le Grand Conseil du Roi d’Angleterre, et il n’eût pas osé contredire à l’ordre des seigneurs de ce même Conseil.

16v Item, dicit ipsum episcopum belvacensem non fuisse pressura ad deducendum processuni contra dictam Iohannam, ymo hoc fecisse voluntarie ; et inquisitorem fuisse vocatum, qui non fuisset ausus contradicere. Item, dit que ledit évêque de Beauvais ne fut pas forcé de conduire ce procès contre ladite Jeanne ; mais qu’au contraire, il le fit de bon cœur ; que l’inquisiteur fut appelé, et qu’il n’aurait pas osé s’y refuser. Et prosequebantur Anglici ipsum processum, qui fuit deductus expensis ipsorum Anglicorum. Et les Anglais poursuivaient ce procès, qui fut mené aux frais de ces mêmes Anglais.

Super IV articulo, dicit de promotore quod non fuit compulsus, ymo voluntarie procedebat ; et de iudicibus iam deposuit. De assessoribus et doctoribus, dicit quod fuerunt vocati ; et non fuissent ausi contradicere venire. De residuo, se reffert consciencie eorum. Sur le IVe article, dit du promoteur qu’il ne fut pas forcé ; mais c’est bien volontiers lui aussi qu’il agissait. Quant aux juges, il en a déjà déposé. Des assesseurs et des docteurs, il dit qu’ils furent appelés ; et ils n’auraient pas osé refuser de venir. Quant au reste, il se réfère à leur conscience.

Super V articulo, dicit quod, per magnum spacium ipsius processus, cum ipse loquens scriberet, erant duo alii scriptores absconsi prope unam fenestram ; et, facto prandio, cum legeretur et fieret collacio in presencia aliquorum doctorum, in domo episcopi belvacensis, de scriptura dicti loquentis facta de mane, dicebatur ipsi loquenti quod per alios aliter fuerat scriptum, inducendo eum quod scriberet ad modum aliorum. Sur le Ve article, dit que pendant un long temps de ce procès, tandis que le déposant lui-même écrivait, il y avait deux autres greffiers cachés près d’une fenêtre ; et après le dîner, alors qu’on lisait les textes et qu’on les comparait en présence de quelques docteurs, dans la maison de l’évêque de Beauvais, on disait au même déposant, à propos de ce qu’il avait écrit le matin, que les autres avaient écrit autrement ; et on lui demandait d’écrire selon la façon des autres. Quibus respondebat loquens fideliter scripsisse ; et quod nichil mutaret, prout nec mutavit ; ymo fideliter scripsit. Et recolit quod, in verbis de quibus erat controversia inter eum et dictos scriptores, ipse loquens faciebat notam ; et in crastino ipsa Iohanna, super dubiis interrogata iterum, confirmabat scripturam loquentis, prout videri poterit per inspectionem processus. Mais le déposant répondait qu’il avait écrit fidèlement ; et qu’il ne changerait rien. Et en effet il n’a rien changé ; au contraire, il a écrit fidèlement. Et il se rappelle que, lorsqu’il y avait désaccord entre lui et lesdits scribes sur certaines paroles, lui-même le déposant rédigeait une note ; et le lendemain ladite Jeanne interrogée de nouveau sur ces cas douteux confirmait ce qu’avait écrit le déposant, ainsi qu’on peut le voir en examinant le procès.

Super VI, deponit ut supra immediate. Sur le VIe, dépose comme immédiatement ci-dessus.

Super VII articulo, dicit quod, durante processu in ebdomade 108109sancta vel circa, magister Iohannes de Fonte, vices gerens dicti episcopi belvacensis in ipsa causa fidei, et fratres Ysambardus de Petra ac Martinus Lavenu82, ordinis fratrum predicatorum, qui cothidie associabant in processu fratrem Iohannem Magistri, subinquisitorem, moti pietate accesserunt ad eamdem Iohannam ad suos carceres ; ubi suaserunt eidem Iohanne quod se submicteret Ecclesie ; alias erat in periculo mortis. Sur le VIIe article, dit que, durant le procès, vers la Semaine Sainte, maître Jean de La Fontaine, tenant la place dudit évêque de Beauvais dans cette cause de foi, ainsi que les frères Isambard de la Pierre et Martin Ladvenu, de l’ordre des frères prêcheurs, qui tous les jours accompagnaient au procès frère Jean Le Maître, le sous-inquisiteur, mus de compassion, allèrent vers ladite Jeanne dans sa prison, et ils persuadèrent à ladite Jeanne de se soumettre à l’Église ; qu’autrement elle courait péril de mort. Quo ad noticiam dominorum belvacensis et de Warvik deducto, mirabiliter indignati sunt iidem comes et episcopus contra eos ; propter quod ipse de Fonte illicenciatus recessit, alias fuisset in discrimine mortis. Lorsque la chose vint à la connaissance des seigneurs de Beauvais et de Warwick, cesdits comte et évêque furent extraordinairement furieux contre eux ; et c’est pour quoi ledit de La Fontaine se retira sans être congédié ; autrement, il eût couru grand danger de mort. Alii vero duo fratres similiter fuerunt in magno periculo mortis sue, nisi eis presidium dedisset dictus Magistri, qui deducebat processum. Quant aux deux autres frères, ils eussent de même été en grand danger de mort, si ledit Le Maître qui conduisait le procès n’était pas venu à leur secours. Item, dicit quod magister Iohannes Lohier, tempore dicti processus, semel existens in hac civitate rothomagensi, fuit sollicitatus de dando opinionem suam super dicto processu ; qui presenti episcopo dixit dictum processum nullum esse, pluribus de causis : tum primo, quia non tractabatur in tuto loco, neque in curia ecclesiastica, neque erat custodita in carceribus ecclesiasticis ; et quia eciam tractabatur causa regis absentis et non vocati. De même il dit que maître Jean Lohier durant ce procès, se trouvant une fois dans cette ville de Rouen fut prié de donner son opinion sur ledit procès. Or en présence de l’évêque il dit que ledit procès était nul, pour plusieurs raisons ; d’abord parce qu’il n’était pas poursuivi dans un lieu sûr ni en Cour ecclésiastique ; et que [Jeanne] n’était pas gardée en prisons d’Église ; de plus, parce qu’on y traitait de la cause du Roi qui était absent et non appelé. Et, quia vidit dicta sua non placere dicto episcopo belvacensi et aliis dominis de parte Anglicorum, noluit amplius exspectare ; ymo in crastinum recessit et profectus est ad romanam curiam. Ayant vu que ce qu’il avait dit ne plaisait pas audit évêque de Beauvais et aux autres seigneurs du parti anglais, il ne voulut pas attendre davantage, et, dès le lendemain, s’en alla et partit pour la curie romaine.

Super VIII, deponit articulum esse verum de certa sciencia. Et erant quatuor aut quinque Anglici custodes, quorum unus erat principalis. Sur le VIIIe, dépose que de science certaine l’article est vrai et qu’il y avait 4 ou 5 Anglais qui étaient ses gardes, dont un était le chef.

Super IX articulo, dicit quod credit etatem dicte Iohanne fuisse sicut articulus continet ; et cum hoc, dicit quod ipsa Iohanna nundum satis prudenter et interdum satis simpliciter respondebat, prout videri potest in processu ; et credit quod in tam difficili causa, non erat ex se sufficiens ad se defendendum contra tantos doctores, nisi fuisset sibi inspiratum. Sur le IXe article, dit que l’âge de ladite Jeanne était tel que le dit l’article ; et de plus, dit que ladite Jeanne répondait parfois avec assez de prudence, et parfois assez innocemment, autant qu’on peut le voir dans le procès. Il croit que dans une cause aussi difficile, elle n’était pas capable de se défendre d’elle-même contre de si grands docteurs, à moins qu’elle ne fût inspirée.

Super X, dicit quod audivit a magistro Nicolao Loyselleur, qui se fingebat esse de partibus dicte Iohanne, quod ipse solus accedebat ad eam, et inquirebat ab ea de multis ; et postea refferebat iudicibus et consilio. Super residuo articuli, nescit deponere. Sur le Xe, dit avoir entendu de maître Nicolas Loiseleur, qui feignait être de la région originaire de ladite Jeanne, que lui seul avait accès à elle et l’interrogeait sur bien des choses. Ensuite il les rapportait aux juges et au Conseil. Quant au reste de l’article, il n’a rien à dévoiler.

Super XI, de interrogacionibus et responsionibus, se reffert ad processum. Sur le XIe, des interrogations et des réponses, se réfère au procès.

Super XII articulo, dicit quod ipsa Iohanna interrogabatur per duas aut tres horas de mane ; et aliquando eadem die post prandium ; 110111et multum defatigabatur in interrogacionibus. Sur le XIIe article, dit que ladite Jeanne était interrogée pendant deux ou trois heures le matin et quelquefois le même jour encore après le dîner ; et qu’on la fatiguait beaucoup par ces interrogations. De intencione vero iudicum se reffert consciencie eorum ; fiebantque sibi per examinatores quam subtiliores questiones, quas facere poterant. Quant à l’intention des juges, il se réfère à leur conscience. Les examinateurs lui posaient les questions les plus subtiles qu’ils pussent.

Super XIII articulo, dicit quod sepe audivit eamdem Iohannam petentem audire missam, videlicet diebus dominicis, in Ramis Palmarum et Pasche ; 17r petendo ipsa die Pasche confiteri et recipere Dominicum Corpus ; cui non permictebatur confiteri, nisi dicto Loyselleur, qui in ea re fictus erat. Sur le XIIIe article, dit qu’il a souvent entendu dire que ladite Jeanne demandait à entendre la Messe, c’est à savoir les dimanches, le jour des Rameaux et le jour de Pâques. Elle demandait aussi, en ce jour de Pâques, de pouvoir se confesser, et de recevoir le Corps du Seigneur ; mais on ne lui permettait de se confesser qu’au dit Loiseleur, qui dans cette affaire jouait le faux personnage ; et elle se plaignait beaucoup qu’on le lui refusât. Et multum conquerebatur quod sibi denegabatur ; audivitque ipse loquens ab ore dicte Iohanne sepius alia contenta in articulo, et credit partem contineri in processu. Le déposant a entendu de la bouche même de Jeanne très souvent tout ce qui est contenu encore dans l’article ; et il croit qu’une partie de cela est contenue dans le procès.

Super XIV, se reffert ad processum et contenta in articulo pluries audivit. Sur le XIVe, se réfère au procès, et a entendu souvent dire ce qui est contenu dans l’article.

Super XV et XVI articulis, dicit quod scripsit ea que audivit in processu. Dicit ulterius audivisse, dum ipsa summabatur de se submictendo Ecclesie, dum frater Ysambardus de Petra suaderet sibi quod se submicteret Concilio generali, episcopus belvacensis hoc audiens eidem fratri Bardino dixit : Taceatis, in nomine diaboli ! Et fuit hoc in iudicio, quando ipsa Iohanna examinabatur. Sur les XVe et XVIe articles, dit qu’il a écrit ce qu’il a entendu dans le procès. Il dit outre avoir entendu, alors qu’on la sommait de se soumettre à l’Église, tandis que frère Isambart de la Pierre la persuadait de se soumettre au Concile général, que l’évêque de Beauvais entendant cela dit à ce frère Bardin : Taisez-vous au nom du diable ! Et cela eut lieu en pleine séance, alors que Jeanne était interrogée.

Super XVII articulo, dicit quod apparebat quod ipsa non intelligebat differenciam inter Ecclesiam triumphantem et militantem. Super residuo, se reffert ad ius. Sur le XVIIe article, dit qu’il était évident que ladite Jeanne ne comprenait pas la différence entre l’Église triomphante et l’Église militante. Quant au reste, il se réfère au droit.

Super XVIII, dicit quod processus primus originalis fuit fideliter per loquentem scriptus in gallico, dempta prima sessione ; et credit quod fideliter in latinum fuit translatus. Sur le XVIIIe, dit que le premier procès fut en original écrit fidèlement par le déposant en français, sauf la première session ; et il croit qu’il fut traduit fidèlement en latin.

Super XIX, se reffert ad ius. Sur le XIXe, se réfère au droit.

Super XX, dicit non credere contenta in articulo, per hec que supra dixit. Sur le XXe, dit qu’il ne croit pas ce qui est contenu dans l’article, à cause de ce qu’il a dit ci-dessus.

Super XXI, se reffert ad ius. Sur le XXIe, se réfère au droit.

Super XXII, dicit quod, durante processu usque ad conclusionem vel circa, ipsa Iohanna non habuit consilium. Si pecierit, non recordatur ; sed in conclusione vel circa, habuit magistrum Petrum Morisse et unum carmelitam, ad ipsam dirigendum et instruendum. Sur le XXIIe, dit que durant le procès jusqu’à sa conclusion ou environ, Jeanne n’eut jamais de conseil. Si elle en a demandé, il ne s’en souvient pas ; mais à la fin ou environ, elle eut maître Pierre Morice et un carme pour la diriger et l’éclairer26.

Super XXIII articulo, dicit quod bene scit quod sentencia fuit lata ; de iusticia vero vel iniusticia, se reffert ad ius. Scit tamen quod ipsa Iohanna, die sue mortis, ante predicacionem et antequam exiret de Castro, recepit Corpus Dominicum sibi ministratum ex ordinacione iudicum83, ad instantem ipsius Iohanne requestam. Sur le XXIIIe, article dit qu’il sait bien que la sentence a été portée ; si c’est justement ou injustement, il se réfère au droit. Il sait cependant que ladite Jeanne, le jour de sa mort, avant la prédication et avant de sortir de château, reçut le Corps du Seigneur, qui lui fut apporté par l’ordre des juges, sur la demande instante et la requête de Jeanne.

112113Super XXIV articulo, dicit quod fuit adducta ad locum supplicii cum magna caterva armatorum, usque ad numerum octingintorum vel circa, cum gladiis et fustibus ; et audivit quod, post prolacionem sententie iudicis ecclesiastici et derelictionem eiusdem Iohanne, fuit ducta ad ballivum ibi presentem ; qui, absque alia deliberacione aut sentencia, faciens signum cum manu dixit : Ducatis ! ducatis ! Et sic fuit ducta ad locum supplicii, ubi fuit cremata. Sur le XXIVe article, dit qu’elle fut conduite au lieu du supplice avec une grande troupe de soldats, d’environ peut-être 800, avec des épées et des bâtons ; et il a entendu dire qu’après la proclamation de la sentence du juge ecclésiastique et l’abandon de cette Jeanne, elle fut conduite au bailli qui était là présent, lequel, sans nouvelle délibération ou sentence, faisant signe de la main, dit : Emmenez ! emmenez ! Et ainsi elle fut menée au lieu du supplice, où elle fut brûlée.

Super XXV, dicit quod statim post sentenciam Ecclesie, et postquam ipsa Iohanna se scivit debere mori, fecit pulcherrimas oraciones, recommendando animam suam Deo, beate Marie, et omnibus sanctis, eos invocando ac petendo veniam a iudicibus, ab Anglicis, regique Francie, et omnibus principibus eiusdem regni. Sur le XXVe, dit qu’aussitôt après la sentence de l’Église, et après que ladite Jeanne sut qu’elle devait mourir, elle fit de très belles prières, recommandant son âme à Dieu, à la Bienheureuse Marie et à tous les saints ; les invoquant et demandant pardon aux juges, aux Anglais, au Roi de France, et à tous les princes de ce royaume. Et residuum articuli non vidit, quia recessit ; sed bene audivit a multis, qui interfuerant in exsecucione, quod ipsa acclamaverat nomen Jhesus in fine dierum. Quant au reste de l’article, il n’a rien vu, parce qu’il est parti ; mais il a entendu dire de beaucoup, qui étaient présents à l’exécution, qu’elle cria le nom de Jésus jusqu’à sa mort.

Super XXVI articulo, dicit de odio et timore, prout supra deposuit ; addendo quod rumor erat quod nunquam Anglici ausi fuissent ponere obsidionem in Locoveris, quamdiu ipsa vixisset. Sur le XXVIe article, de la haine et de la peur, dit comme il a déposé plus haut. Il ajoute que c’était le bruit général que jamais les Anglais n’eussent osé mettre le siège devant Louviers au temps que Jeanne vivait. Et de fine articuli, dicit quod credit quod Anglici tendebant per hanc viam dare notam regi Francie. Quant à la fin de l’article, dit qu’il croit que les Anglais cherchaient par ce moyen à infâmer le Roi de France. Et ulterius dicit quod in sermone facto in Sancto Audoeno per magistrum Guillermum Erard, ipse Erard, exclamando, dixit : O nobilis domus Francie ! Tu semper fuisti sine macula et reprehensione erroris. Nunc esset magna pietas, quod incideres in talem errorem, sicut de adhibendo fidem isti mulieri ! En outre il dit qu’au sermon fait à Saint-Ouen par maître Guillaume Erard, ledit Erard dit en criant : Ô noble maison de France, qui as toujours été sans tache et à qui on n’a reproché aucune erreur ; quelle serait la grande pitié si tu tombais dans une telle erreur en ajoutant foi à cette femme.

Super XXVII articulo, dicit quod de premissis per eum depositis, fuit et est publica vox et fama in hac civitate rothomagensi. Sur le XXVIIe article, dit que de ce qu’il a déposé plus haut ce fut et c’est la voix publique et la renommée dans cette ville de Rouen.

Pierre Cusquel

17v Petrus Cusquel, laicus, civis rothomagensis, etatis L annorum vel circa, iuratus et examinatus die martis, nona mensis maii. Pierre Cusquel27, laïc, bourgeois de Rouen, âgé de 50 ans ou environ, juré et examiné le mardi 9 mai.

Super I articulo, dicit articulum esse verum, et quod fama talis erat. Sur le Ier article, dit que l’article est vrai, et que c’était la renommée.

Super II, dicit similiter quod ipsum articulum credit continere veritatem. Sur le IIe, dit de même que cet article, croit-il, contient la vérité.

Super III, dicit quod dicta Iohanna per Anglicos fuit adducta ad hanc civitatem rothomagensem, et posita in Castro rothomagensi, in carceribus, in quadam camera sita subtus quemdam gradum versus campos ; ubi vidit eam detentam et incarceratam. Et credit quod iudices et assistentes in processu procedebant favore Anglicorum ; et 114115quod non fuissent ausi eis contradicere ; sed de impressione nichil scit. Sur le IIIe, dit que ladite Jeanne fut conduite par les Anglais à cette ville de Rouen et, qu’elle fut mise dans le château de Rouen en prison dans un cachot situé sous un certain escalier, du côté des champs, où il la vit détenue et incarcérée ; et il croit que les juges et ceux qui assistaient au procès agissaient par amitié pour les Anglais, et qu’ils n’auraient jamais osé contredire aux Anglais ; mais d’une pression exercée, il ne sait rien.

Super IV articulo, dicit quod se reffert ad processum ; audivitque quod, quia magister Andreas Marguerie aut alius dixerat quod bene inquireretur veritas de modo mutacionis habitus dicte Iohanne, per quemdam, nescit quem, fuit sibi dictum quod taceret in nomine diaboli. Sur le IVe article, dit qu’il se réfère au procès et qu’il a entendu dire que maître André Marguerie ou un autre, avait dit qu’il fallait bien chercher la vérité sur la façon dont ladite Jeanne avait changé d’habits. Il lui fut alors dit, (par qui il l’ignore), qu’il se tût au nom du diable.

Super V articulo, dicit quod non fuit in processu ; et ideo nichil scit, nec de sequenti articulo. Sur le Ve article, dit qu’il n’assista pas au procès, et c’est pourquoi,il ne sait rien ; ni de l’article qui suit.

Super VII, dicit quod credit quod nullus fuisset ausus eidem Iohanne consilium dare, aut eam defendere, seu dirigere. Sur le VIIe, dit qu’il croit que personne n’aurait osé donner conseil à ladite Jeanne, ou la défendre, ou la diriger.

Super VIII articulo, dicit quod articulus veritatem continet, prout vidit loquens, qui in favorem magistri Iohannis Son, tunc magistri operum dicti castri, bina vice intravit carcerem dicte Iohanne, et cum ea locutus fuit ; advertitque eam quod prudenter loqueretur et quod agebatur de morte ipsius. Sur le VIIIe article, dit que l’article contient la vérité, autant que lui le déposant le vit ; car, grâce à maître Jean Son, qui était alors maître des travaux dans ledit château, il entra deux fois dans la prison de ladite Jeanne, et parla avec elle. Il lui conseilla de parler prudemment, parce qu’il s’agissait de sa mort. Et subdit quod fuit facta una gabea ferri, ad detinendum eam erectam ; quam ipse vidit ponderari in domo sua ; non tamen vidit ipsam Iohannam in ea inclusam. Il ajoute qu’une cage de fer fut faite pour la tenir debout ; laquelle cage il a vu peser dans sa maison ; mais il n’a pas vu si Jeanne y fut enfermée.

Super IX articulo, dicit quod ipsa Iohanna erat iuvenis, etatis XX annorum vel circa ; et quod bene prudenter loquebatur. Sed credit quod erat ignara iuris, et non sufficiens ad respondendum tantis doctoribus. Sur le IXe article, dit que ladite Jeanne était jeune, d’environ 20 ans, et qu’elle répondait bien prudemment. Mais il croit qu’elle était ignorante du droit, et qu’elle n’était pas capable de répondre à de si grands docteurs.

Super X, dicit quod nichil scit. Sur le Xe, dit qu’il ne sait rien.

Super XI, dicit quod non fuit presens in processu ; sed fama erat de contentis in articulo, et quod totis viribus laborabant ad capiendum eam in sermone, quia fuerat secuta guerram contra Anglicos. Sur le XIe, il dit qu’il ne fut pas présent au procès ; mais qu’on parlait de tout ce qui est contenu dans l’article ; et que [les juges] cherchaient à toute force de la prendre dans ses paroles ; cela parce qu’elle avait fait la guerre contre les Anglais.

Super XII, dicit quod credit articulum esse verum. Sur le XIIe, dit qu’il croit que l’article est vrai.

Super XIII, dicit quod verba contenta in articulo audivit ab ore dicte Iohanne in pleno sermone facto apud Sanctum Audoenum. Sur le XIIIe, dit que les paroles contenues dans l’article il les a entendues de la bouche même de ladite Jeanne, dans le sermon général qui fut fait à Saint-Ouen.

Super XIV articulo, dicit quod audivit dici quod dicta Iohanna ita dixerat, sicut articulus continet. Sur le XIVe article, il dit avoir entendu dire que ladite Jeanne avait parlé comme il est dit dans l’article.

Super XV et XVI articulis, se reffert ad processum. Sur les XVe et XVIe articles, se réfère au procès.

Super XVII articulo, se reffert ad ius84 et intencionem dicte Iohanne. Sur le XVIIe article, se réfère au droit et à l’intention de ladite Jeanne.

Super XVIII, nichil scit ; ymmo se reffert ad processum. Sur le XVIIIe, ne sait rien ; mais se rapporte au procès.

Super XIX, dicit quod credit quod magis procedebatur favore Anglicorum quam zelo fidei et iusticie ; et de hoc85 erat vox communis in hac civitate rothomagensi. Sur le XIXe, dit qu’il croit que l’on procédait bien plus pour plaire aux Anglais que par zèle de la foi et de la justice ; et que c’était le bruit universel qui courait dans la ville de Rouen.

Super XX se reffert ad processum86. Sur le XXe, se réfère au procès.

116117Super XXI et XXII, se reffert ad ius et processum. Sur les XXIe et XXIIe, se réfère au droit et au procès.

Super XXIII articulo, dicit quod non fuit presens in ultima predicacione, condempnacione et execucione dicte Iohanne, ex eo quod cor suum non potuisset pati aut tolerare pre pietate dicte Iohanne ; sed bene audivit quod dicta Iohanna receperat Corpus Dominicum ante eius condempnacionem. Sur le XXIIIe article, dit qu’il ne fut pas présent à la dernière prédication, à la condamnation et exécution de ladite Jeanne, parce que son cœur n’aurait pu souffrir ou supporter le spectacle, de pitié pour ladite Jeanne ; mais il a bien entendu dire que ladite Jeanne avait reçu le Corps du Seigneur avant sa condamnation.

18r Super XXIV articulo, dicit quod audivit quod nulla fuit data sentencia per iudicem secularem. Sur le XXIVe article, dit qu’il a entendu dire qu’aucune sentence ne fut portée par le juge séculier.

Super XXV articulo, dicit quod audivit articulum esse verum in forma ; quodque magister Iohannes Tressart, secretarius regis Anglie, rediens de loco supplicii ipsius Iohanne, mestus et gemens lamentabiliter, plangebat ea que viderat in dicto loco, dicens in effectu : Nos sumus omnes perditi, quia bona sancta persona fuit combusta. Et quod credebat animam eius esse in manu Dei ; quodque cum esset in mediis flammis semper acclamaverat nomen Domini Ihesus. Sur le XXVe article, dit avoir entendu que l’article est vrai dans la forme et que maître Jean Tressart, secrétaire du roi d’Angleterre, revenant du lieu du supplice de ladite Jeanne, très affligé et gémissant, pleurait sur ce qu’il avait vu en ce dit lieu, disant avec douleur : Nous sommes tous perdus, parce qu’on a brûlé une bonne sainte personne. Et qu’il croyait que son âme était dans les mains de Dieu. Et que, tandis qu’elle était au milieu des flammes, elle avait toujours crié le nom du Seigneur Jésus.

Super XXVI87 articulo, dicit quod credit totum articulum esse verum ; et fama publica talis erat in civitate rothomagensi. Sur le XXVIe article, dit qu’il croit que tout l’article est vrai ; et telle était la renommée publique dans la ville de Rouen.

Super XXVII articulo, dicit quod de depositis per eum, fuit et est publica vox et fama. Sur le XXVIIe article, dit que, de ce qui est déposé par lui, était et fut voix publique et renommée.

Frère Isambart de La Pierre

Religiosus et honestus vir frater Ysambardus de Petra, presbyter, in theologia baccalarius, etatis LX annorum vel circa, ordinis fratrum predicatorum, iuratus et examinatus, die martis predicta. Religieuse et honorable personne frère Isambart de la Pierre, prêtre, bachelier en théologie, âgé de 60 ans ou environ, de l’ordre des frères prêcheurs, juré et examiné ce même mardi28.

Super I articulo, dicit quod ipse loquens fuit presens in toto examine et processu dicte Iohanne, cum fratre Iohanne Magistri, subinquisitore ; quodque articulus ipse continet veritatem. Sur le Ier article, dit que le déposant fut présent durant tout l’examen et le procès de ladite Jeanne, avec frère Jean Le Maître, le sous-inquisiteur ; et que cet article contient la vérité.

Super II articulo, dicit simpliciter ipsum articulum continere veritatem ; et fama erat in hac civitate rothomagensi quod Anglici non erant ausi obsidere [villam]88 de Locoveris, quamdiu viveret ipsa Iohanna, et donec mortua esset. Sur le IIe article, dit simplement que ledit article contient la vérité ; et on disait dans, cette ville de Rouen que les Anglais n’auraient jamais osé assiéger la ville de Louviers au temps que ladite Jeanne vivait, jusqu’à sa mort.

Super III articulo, dicit quod aliqui de assistentibus in processus deduccione procedebant, videlicet episcopus belvacensis, ex favore ; quidam vero, ut puta nonnulli doctores anglici livore vindicte ; et alii doctores de Parisius, mercede conducti ; alii vero timore ducti, ut prefatus subinquisitor, et nonnulli alii, de quibus non recolit. Sur le IIIe article, dit que quelques-uns des assistants dans le cours du procès agissaient, à savoir l’évêque de Beauvais par esprit de parti ; d’autres, comme quelques docteurs anglais par passion de vengeance ; d’autres, docteurs de Paris, étaient tenus par le salaire ; mais d’autres étaient conduits par la crainte, tel le susdit sous-inquisiteur et quelques autres, dont il ne se souvient pas. Et hoc fuit ad procuracionem regis Anglie, cardinalis vinctoniensis, comitis de Warvik et aliorum Anglicorum, qui solverunt expensas, 118119racione processus huiusmodi, factas. Cetera contenta in articulo dicit loquens fore vera. Et tout ceci fut fait sur l’ordre du roi d’Angleterre, du cardinal de Winchester, du comte Warwick et d’autres Anglais, qui payèrent la dépense entraînée par ce procès. Quant au reste qui est contenu dans l’article, le déposant dit que c’est vrai.

Super IV articulo, dicit quod bone memorie dominus Iohannes, tunc abrincensis episcopus, quia recusavit dare opinionem in materia huiusmodi, fuit comminatus per magistrum Iohannem Benedicite, tunc promotorem cause ; et ad id magister Nicolaus de Houppevilla, quia noluit adesse processui, nec suam opinionem dare, fuit in periculo exilii. Sur le IVe article, dit que le seigneur Jean, de bonne mémoire, qui était alors évêque d’Avranches, ayant refusé de donner son opinion sur la question, fut menacé par maître Jean Bénédicité, alors promoteur de la cause ; et que maître Nicolas de Houppeville, pour n’avoir pas voulu assister au procès ni donner son avis, courut le risque d’être jeté en exil. Dicit ulterius quod, post primam predicacionem, in qua dicta Iohanna revocaverat, ipse loquens et magister Iohannes de Fonte, magister Guillermus Vallee, ordinis fratrum predicatorum, et alii ex ordine iudicum iverunt ad castrum, ad dandum consilium eidem Iohanne, quod semper perseveraret in bono proposito. Dit en outre qu’après la première prédication, où ladite Jeanne avait fait abjuration, lui-même le déposant et maître Jean de La Fontaine, maître Guillaume Vallée29, de l’ordre des frères prêcheurs et d’autres, par ordre des juges, vinrent au château pour donner conseil à ladite Jeanne, afin qu’elle persévérât toujours dans ses bonnes dispositions. Quod videntes Anglici, cum impetu et furia eiecerunt eos de Castro, cum gladiis et fustibus ; cuius occasione predictus magister Iohannes de Fonte aufugit, et recessit ab hac civitate ; nec inde rediit. Ce que voyant, les Anglais les jetèrent hors du château avec violence et fureur, brandissant, des bâtons et des épées. Sur quoi le susdit maître Jean de La Fontaine prit la fuite, quitta la ville et n’y revint pas. Et ipsemet loquens perpessus est multas minas a comite de Warvik, ex eo quod ipse loquens antea dixerat dicte Iohanne quod se submicteret Concilio89 generali. Et lui-même, le déposant, souffrit bien des menaces du comte de Warwick, parce que lui-même, le déposant, avait auparavant dit à ladite Jeanne de se soumettre au Concile général.

Super V articulo, dicit quod dicta Iohanna, interrogata an vellet se submictere domino nostro Pape, respondit quod sic, dum tamen micteretur et duceretur ad ipsum ; sed nolebat se submictere illis presentibus, saltim dicto episcopo belvacensi, cum essent inimici eius capitales. Sur le Ve article, dit que ladite Jeanne interrogée si elle voulait se soumettre à notre seigneur le Pape, répondit que oui, pourvu cependant qu’on l’envoyât et la conduisit vers lui. Mais elle ne voulait pas se soumettre à ceux qui était là présents, du moins au dit évêque de Beauvais, car c’étaient ses ennemis mortels. Et, cum ipse loquens persuaderet sibi quod se submicteret Concilio generali, tunc congregato, in quo aderant multi prelati et doctores de parte regis Francie, hoc audito, ipsa Iohanna dixit quod eidem Concilio se submictebat. Et comme lui-même le déposant la persuadait de se soumettre au Concile général, qui était alors rassemblé, où il y avait bien des prélats et docteurs du parti du Roi de France, ayant entendu cela, ladite Jeanne dit qu’elle se soumettait à ce dit Concile. Tunc episcopus belvacensis aspere increpavit loquentem, dicendo : Taceatis in nomine diaboli ! Alors l’évêque de Beauvais injuria violemment le déposant en disant : Taisez-vous au nom du diable ! Quibus sic auditis, dominus Guillermus Manchon, notarius dicte cause, quesivit ab ipso episcopo an scriberet huiusmodi submissionem ; qui quidem episcopus respondit quod non, et quod non erat necesse, dicta Iohanna dicto episcopo dicente : Ha ! vos bene scribitis que faciunt contra me, et non vultis scribere que faciunt pro me. Ayant entendu cela, messire Guillaume Manchon, le notaire de la cause, demanda audit évêque s’il fallait écrire cette soumission ; et ledit évêque répondit que non ; que ce n’était pas nécessaire. Et Jeanne répliqua alors au dit évêque : Ah ! vous faites bien écrire ce qui est contre moi, et vous ne voulez pas écrire ce qui est pour moi ! Et credit quod non fuit scriptum ; unde subsecutum est in consilio illo magnum murmur. Et il croit que ce ne fut pas écrit. Or cela souleva un grand murmure dans l’assemblée.

Super VI articulo, deposuit immediate supra quicquid scit. Sur le VIe article, vient de déposer tout ce qu’il sait.

18v Super VII, deponit prout supra deposuit. Sur le VIIe article, dépose comme il a déposé ci-dessus.

Super VIII, deponit de certa sciencia, prout cavetur in eodem articulo. Sur le VIIIe article, dépose de science certaine, comme il est dit dans ce dit article.

Super IX, dicit quod dicta Iohanna erat iuvenis, etatis XIX annorum 120121vel quasi, habens tamen bonum intellectum, et bene prudenter respondebat ; sed non erat sufficiens respondere difficilibus interrogacionibus que sibi fiebant. Sur le IXe, dit que ladite Jeanne était jeune, âgée de 19 ans ou environ ; mais qu’elle avait une bonne intelligence, et qu’elle répondait bien prudemment. Mais elle n’était pas capable de répondre aux inter rogation difficiles qui lui étaient faites.

Super X, deponit solum ex auditu a nonnullis dicentibus quod aliqui in dissimulato habitu de nocte ibant ad carceres dicte Iohanne, suadendo ei contenta in articulo. Si sit verum, nescit. Sur le Xe, dépose seulement, pour l’avoir entendu dire par quelques uns, que certains, en se déguisant, allaient de nuit aux prisons de ladite Jeanne, et lui conseillaient ce qui est contenu dans l’article ; si c’est vrai, il ne le sait pas.

Super XI, dicit quod articulus continet veritatem ; quamvis ad aliqua interrogatoria daret sufficiens responsum, prout constare potest per processum. Sur le XIe, dit que l’article contient la vérité, néanmoins elle donnait réponse pertinente à certaines interrogations, ainsi que cela peut conster par le procès.

Super XII, dicit quod aliquando examen dicte Iohanne durabat per tres horas de mane, et aliquando fiebat examen tam de mane quam post prandium. Audivit eciam eam pluries conqueri quod fiebant sibi nimie questiones. Sur le XIIe, dit que parfois l’examen de ladite Jeanne durait trois heures le matin ; et quelquefois on procédait le matin et aussi après le dîner. Il a même entendu que souvent elle se plaignait qu’on lui fit par trop d’interrogations.

Super XIII et XIV articulis, dicit quod continent ipsi articuli veritatem ; quia ab ipsamet Iohanna hec audivit loquens. Sur les XIIIe et XIVe articles, dit que ces articles contiennent la vérité, parce que le déposant a entendu cela de ladite Jeanne elle-même.

Super XV et XVI articulis, dicit quod nichil scit super hiis deponere ; et se reffert ad processum. Sur les XVe et XVIe articles, dit qu’il ne sait rien déposer sur ces articles, et qu’il se réfère au procès.

Super XVII, dicit quod per magnum spacium processus, quando interrogabatur ipsa Iohanna de submictendo se Ecclesie, ipsa intelligebat de illa congregacione iudicum et assessorum tunc presencium et assistencium, donec per magistrum Petrum Mauricii fuit edocta quid esset. Et, postquam90 cognovit, semper se submisit Pape, dummodo duceretur ad ipsum. Sur le XVIIe, dit que pendant une grande partie du procès, alors qu’on interrogeait ladite Jeanne de sa soumission à l’Église, elle comprenait cela de l’assemblée présente des juges et des assesseurs qui se trouvaient là, jusqu’à ce qu’un jour maître Pierre Morice lui apprit ce que cela voulait dire. Or, apprenant cela, elle se soumit toujours au Pape, pourvu qu’on la conduisit auprès de lui. Et credit quod premissa ignorancia de Ecclesia erat causa quare aliquando distulit se submictere Ecclesie. Et il croit que l’ignorance où elle se trouvait de ce qu’était l’Église, fut la cause pour laquelle, pendant un certain temps, elle refusa de se soumettre à l’Église.

Super XVIII et XX, nichil dicit [nisi]91 quod iudicio loquentis dictus Manchon fideliter scripsit et retulit, et se reffert processui. Sur les XVIIIe et XXe articles, ne dit rien, sinon qu’à son propre jugement ledit Manchon écrivit fidèlement et rapporta avec exactitude les actes du procès ; et se réfère pour cela au procès.

Super XIX articulo, dicit quod credit, ut predixit, quod sentencia fuit magis lata contra eam livore vindicte quam zelo iusticie. Sur le XIXe article, dit qu’il croit, comme il l’a dit précédemment, que la sentence fut portée contre elle bien plus par passion de vengeance que par zèle de justice.

Super XXI, dicit quod satis observabant iudices ordinem iuris, iudicio loquentis ; sed de [affectu]92 eorum iam superius deposuit, videlicet quod livore vindicte procedebant. Sur le XXIe, dit qu’à son avis les juges respectaient suffisamment les règles du droit ; mais que de leurs dispositions, il a parlé ci-dessus, à savoir qu’ils procédaient par passion de vengeance.

Super XXII, dicit quod in aliquibus partibus processus fuerunt eidem Iohanne dati consiliarii. Quantum autem ad nullitatem sentencie, supra deposuit ; et addit loquens quod in prima predicacione, credebat 122123ipse loquens, actento modo procedendi, quod cremaretur, quia differebat revocacionem facere, et fuerat adducta in quadriga usque ad cimiterium Sancti Audoeni rothomagensis. Sur le XXIIe, dit que dans certaines parties du procès on donna des conseillers à ladite Jeanne. Quant à la nullité de la sentence, il en a parlé plus haut. Le déposant ajoute qu’à la première prédication le déposant lui-même croyait, étant donnée la façon dont on procédait, qu’elle serait brûlée, parce qu’elle hésitait à faire sa révocation. Elle avait été conduite dans une charrette jusqu’au cimetière de Saint-Ouen, à Rouen.

Super XXIII articulo, dicit contenta in eodem articulo fore vera. Sur le XXIIIe article, dit que ce qui est contenu dans cet article est vrai.

Super XXIV, dicit quod scit quod non fuit lata aliqua sentencia per iudicem secularem ; quia ibidem presens erat ; sed post predicacionem, longa expectacione ibi facta, fuit per [clientes]93 regios ad supplicium ducta ; quam secuti sunt loquens et frater Martinus Lavenu, usque in finem. Sur le XXIVe, dit qu’il sait qu’il ne fut pas porté de sentence par le juge séculier, quoi qu’il fut là présent ; mais après le sermon, il y eut un long moment d’attente, puis elle fut conduite au supplice par des sergents royaux, et lui le déposant et frère Martin Lavenu la suivirent jusqu’à sa mort.

Super XXV articulo, dicit articulum in toto continere veritatem ; addens eciam quod episcopus belvacensis, alter iudicum, ea occasione, flevit. Sur le XXVe article, dit que l’article contient en tout la vérité. Il ajoute même que l’évêque de Beauvais, l’un des juges, à cette occasion pleura ; Et subdit quod quidam anglicus vir armorum, qui mirabiliter eam odiebat et qui iuraverat, quod fasciculum propria manu poneret in cremacione dicte Iohanne, et cum hoc fecisset et audivisset ipsam Iohannam nomen Jhesus acclamantem, in fine dierum suorum, effectus est totus attonitus ; et quasi in extasi, ductusque fuit ad quamdam tabernam prope Vetus Mercatum ut, mediante potu, vires resumeret. et il ajoute qu’un certain soldat anglais qui la détestait extrêmement et qui avait juré de jeter de sa propre main des fagots, lorsqu’on la brûlerait, l’ayant fait, et entendant ladite Jeanne prononcer le nom de Jésus jusqu’à sa mort, fut absolument boule versé. Comme ayant perdu le sens il fallut le conduire dans une taverne près du Vieux Marché, et le faire boire pour qu’il retrouvât ses forces. Et post prandium, cum quodam fratre ordinis fratrum predicatorum, ipse Anglicus, audiente loquente, confessus est per organum illius fratris anglici se graviter errasse, et quod penitebat de hoc quod fecerat contra dictam Iohannam, ut prefertur ; quam Iohannam94 reputabat bonam mulierem ; nam, ut ei videbatur, 19rviderat ipse Anglicus in emissione spiritus dicte Iohanne quamdam columbam albam exeuntem de [flamma]95. Après le dîner, avec un certain frère de l’ordre des frères prêcheurs, ce même Anglais en présence du déposant avoua par la bouche de ce frère anglais qu’il avait gravement péché, et qu’il se repentait de ce qu’il avait fait contre ladite Jeanne, comme on le rapporte plus haut ; et qu’il était convaincu que Jeanne était une bonne femme. Dicit eciam quod lictor post prandium, eadem die, venit ad conventum dictorum fratrum predicatorum, eidemque loquenti et fratri Martino Ladvenu, dixit, quod valde timebat quin esset dampnatus, quia combusserat unam sanctam mulierem. Car, ce même Anglais avait vu, il lui semblait, au moment de sa mort une colombe blanche sortir des flammes. Il dit aussi qu’après le dîner, ce même jour, le bourreau vint au couvent desdits frères prêcheurs, et dit à celui qui dépose et à frère Martin Lavenu qu’il craignait beaucoup d’être damné, parce qu’il avait brûlé une sainte femme.

Super XXVI articulo, dicit contenta in articulo esse96 vera. Sur le XXVIe article, dit que ce qui est contenu dans l’article est vrai. Et ulterius dicit quod credit principaliorem causam quare fuit processus sic factus contra eam, ut infamarent regem Francie, et tendebatur ad illum finem, iudicio suo ; quodque magister Guillermus Erardi satis hoc declaravit in uno passu, in predicta causa, ubi dixit in effectu : Sola Francia solebat olim carere monstris ; nunc vero, ecce terribile monstrum, ut per unam mulierem scismaticam, hereticam et sortilegam, ille qui se dicit regem Francie velit recuperare regnum suum. Il dit en outre qu’il croit que la cause principale pour laquelle ce procès fut ainsi fait contre Jeanne, ce fut pour diffamer le Roi de France, et qu’à son avis tout tendait à ce but ; maître Guillaume Erard en témoigna suffisamment dans un passage où il s’écria dans cette même affaire : Seule la France n’avait jamais connu de monstre ; mais maintenant, voici un monstre terrible, que celui qui se dit le Roi de France veuille recouvrer son royaume par une femme schismatique, hérétique et sorcière. Cui Erardi ipsa Iohanna respondit : O predicator, male dicitis ! 124125Non loquamini de persona domini regis Karoli, quia bonus catholicus est, et in me non credidit. Auquel Erard ladite Jeanne répondit : Ô, prédicateur vous dites mal, ne parlez pas ainsi de la personne du Seigneur Roi Charles, parce que c’est un bon catholique et ce n’est pas en moi qu’il a cru.

Super XXVII, dicit quod ea que deposuit sunt vera. Sur le XXVIIe article, dit que ce qu’il a déposé est vrai.

Maître André Marguerie

Venerabilis et circumspectus vir magister Andreas Marguerie, archidiaconus Parvi Caleti, in ecclesia rothomagensi, etatis LXXVI annorum vel circa, iuratus et examinatus dicta die nona maii. Vénérable et circonspecte personne maître André Marguerie30, archidiacre de Petit Caux, dans le diocèse de Rouen, âgé de 76 ans bu environ, juré et examiné le même jour 9 mai.

Super I articulo, dicit quod Anglici armati odiebant eamdem Iohannam, et mortem eius siciebant, ut credit. Sur le premier article, dit que les soldats anglais haïssaient ladite Jeanne et, croit-il, avaient soif de sa mort.

Super II, dicit quod credit quod plures erant qui querebant eam morti tradere, ne posset eis nocere. Sur le IIe, dit qu’il croit qu’il y en avait beaucoup qui cherchaient à la livrer à mort, afin qu’elle ne leur fit plus de mal.

Super III articulo, dicit quod audivit ipsam Iohannam fuisse captam prope Compiengne, in diocesi belvacensi ; et fuit adducta ad hanc civitatem rothomagensem et detrusa in Castro rothomagensi, quo fuit deductus processus fidei contra eam per episcopum belvacensem et subinquisitorem, ad procuracionem Anglicorum ; sed, si per impressionem, nescit. Sur le IIIe article, dit qu’il a entendu que ladite Jeanne avait été prise près de Compiègne, dans le diocèse de Beauvais. Elle fut amenée en cette ville de Rouen et détenue au château de Rouen, là où fut mené un procès de foi contre elle, par l’évêque de Beauvais et le sous-inquisiteur, sur l’initiative des Anglais. Mais si l’on agit par pression, il ne sait.

Super IV articulo, deponit quod audivit aliquos redargutos fuisse, quia non ita bene loquebantur ad intencionem Anglicorum, sicut volebant ; sed nescit aliquem propter hoc fuisse in periculo, quamvis audiverit magistrum Nicolaum de Houppevilla non dedisse opinionem suam. Sur le IVe article, dépose qu’il a entendu que certains avaient été repris de ce qu’ils ne parlaient pas assez selon le désir des Anglais, comme ceux-ci le voulaient ; mais il ne sait pas que pour cela quel qu’un fut en péril, quoiqu’il ait entendu que maître Nicolas de Houppeville n’avait pas donné son avis.

Super V, dicit quod nescit deponere super ipso articulo ; quia parum fuit in examine, neque super sequenti articulo. Sur le Ve article, dit qu’il ne peut rien déposer sur cet article, parce qu’il fut peu aux interrogatoires ; ni sur l’article suivant.

Super VII articulo, nichil scit. Sur le VIIe article, ne sait rien.

Super VIII, dicit quod non vidit eam in carcere, sed credit quod custodita fuit per Anglicos ; quia habebant custodiam castri, in quo erat incarcerata dicta Iohanna. Sur le VIIIe, dit qu’il ne l’a pas vue en prison ; mais il croit qu’elle fut gardée par des Anglais, parce que ceux-ci avaient la garde du château, dans lequel ladite Jeanne était incarcérée.

Super IX articulo, dicit quod iudicio loquentis, ipsa Iohanna erat in aliquibus responsis cauta. Sur le IXe article, dit qu’au jugement du déposant ladite Jeanne était prudente dans certaines réponses.

Super X, nichil scit. Sur le Xe, ne sait rien.

Super XI, dicit quod credit verisimiliter articulum continere veritatem. Sur le XIe, croit que vraisemblablement l’article contient la vérité.

Super XII, nichil scit97. Sur le XIIe, ne sait rien.

Super XIII, nichil scit. Sur le XIIIe, ne sait rien.

Super XIV, dicit quod credit pocius contrarium, videlicet, quod audivit quandoque ab eadem Iohanna quod, de quibusdam non 126127crederet, neque prelato suo, neque Pape98, neque cuicumque, quia hoc habebat a Deo. Et credit quod fuit una de causis quare processum est contra eam ad revocacionem. Sur le XIVe, dit qu’il croit plutôt le contraire, à savoir qu’il a entendu parfois de Jeanne elle-même qu’elle ne voulait pas s’en remettre pour certaines choses ni à son prélat ni au Pape ni à quiconque, parce que ce qu’elle avait venait de Dieu ; et il croit que ce fut une des causes pour laquelle fut fait ce procès jusqu’à l’abjuration.

Super XV et XVI, se reffert ad processum. Sur les XVe et XVIe articles, se réfère au procès.

19v Super XVII, nichil scit. Sur le XVIIe, ne sait rien.

Super XVIII articulo, nichil scit99. Sur le XVIIIe article, ne sait rien.

Super XIX, dicit quod prima pars articuli est vera ; sed de residuo articuli nichil scit. Sur le XIXe, dit que la première partie de l’article est vraie, mais du reste de l’article, ne sait rien.

Super XX, dicit quod se reffert ad ius. Sur le XXe, dit qu’il se réfère au droit.

Super XXI et XXII articulis, dicit quod nichil scit super eisdem. Sur les XXIe et XXIIe articles dit qu’il ne sait rien sur ces articles.

Super XXIII, dicit quod de hiis que sunt facti, nichil scit ; nec si fuerit iniuste condempnata ; nec si fuerit aliqua iniustitia facta in deduccione processus. Sur les XXIIIe, dit que, pour ce qui est de fait, il ne sait rien ; et il ne sait pas non plus si elle fut condamnée injustement, ni si quelque injustice fut commise dans le cours du procès.

Super XXIV articulo, dicit quod, licet fuerit in ultima predicacione, attamen non fuit presens in execucione, pre pietate ipsius facti ; nec de residuo articuli aliquid scit, nisi quod plures de adstantibus, eciam dominus cardinalis de Lucemburgo, tunc episcopus morinensis, fleverunt. Sur le XXIVe article, dit que, bien qu’ayant assisté à la dernière prédication, il ne fut pas cependant présent à l’exécution, à cause de la douleur qu’il éprouvait à ce fait. Quant au reste de l’article, il ne sait rien, sinon que plusieurs des assistants et même le seigneur cardinal de Luxembourg, alors évêque de Thérouanne, pleuraient.

Super XXV articulo, dicit quod nescit de devocione eius ; sed satis apparebat turbata, quia dicebat : Rouen, Rouen, mourray-je cy100 ! Sur le XXVe article, dit qu’il ne sait rien de sa dévotion ; mais qu’elle paraissait très troublée, car elle disait : Rouen ! Rouen ! mourrai-je ici ?

Super XXVI, dicit quod satis credit quod aliqui Anglicorum non valentes, procedebant ex odio et timore ; sed de notabilibus viris ecclesiasticis, non credit. Sur le XXVIe article, dit qu’il croit volontiers que certains Anglais, gens de peu, procédaient contre elle par haine et peur ; mais que cela fût le cas des notables personnes ecclésiastiques, il ne le croit pas. Dicit insuper quod, cum quidam cappellanus cardinalis Anglie, presens in prima predicacione, dixisset episcopo belvacensi quod nimis favebat eidem Iohanne ; respondit ipse episcopus : Vos mentimini ; quia nollem alicui in tali causa favere. Et tunc fuit ipse cappellanus per dictum cardinalem Anglie reprehensus, dicendo quod taceret. Il dit de plus qu’un certain chapelain du cardinal d’Angleterre, se trouvant présent à la première prédication, dit à l’évêque de Beauvais qu’il favorisait trop ladite Jeanne. À quoi ledit évêque répondit : Vous mentez ! car je ne voudrais favoriser personne dans une telle affaire. Et alors ce dit chapelain fut repris par ledit cardinal d’Angleterre, qui lui imposa de se taire.

Super XXVII, dicit quod de hiis que dixit, est publica vox et fama. Sur le XXVIIe, dit que de tout ce qu’il a dit, c’est voix et rumeur publiques.

Messire Richard de Grouchet

Venerabilis et discretus vir, magister Ricardus de Groucheto, presbyter, in artibus magister, et in theologia baccalarius formatus, canonicus ecclesie collegiate de Salceya, ebroicensis diocesis, etatis LX annorum vel circa, testis productus, receptus et iuratus die martis predicta. Vénérable et discrète personne Maître Richard de Grouchet31 prêtre, maître ès arts et bachelier formé en théologie, chanoine de l’église collégiale de Salcey, du diocèse d’Évreux, âgé de 60 ans ou environ, témoin produit, reçu et juré ce mardi susdit.

Super I articulo, dicit quod credit ipsum articulum continere veritatem ex factis et gestis ipsorum Anglicorum. Sur le premier article, dit qu’il croit que cet article contient la vérité relativement aux faits et gestes de ces dits Anglais.

128129Super II articulo, dicit quod continet veritatem ; quodque fama erat quod Anglici timebant ipsam Iohannam. Sur le IIe article, dit qu’il contient la vérité et que c’était la publique renommée que les Anglais craignaient ladite Jeanne.

Super III articulo, dicit quod fuit adducta ad hanc civitatem rothomagensem, et vidit eam in Castro rothomagensi, ubi fuit incarcerata ; sed de metu et timore iudicum articulatis, nescit deponere ; sed fama publica erat in hac civitate rothomagensi quod Anglici faciebant fieri ex odio et iracundia. Sur le IIIe article, dit qu’elle fut amenée jusqu’à cette ville de Rouen ; et qu’il la vit au château de Rouen, où elle fut incarcérée. Mais de la crainte et de la frayeur dont on parle à propos des juges, il ne peut rien déposer, mais la voix publique était dans cette cité de Rouen que les Anglais faisaient agir contre elle par haine et colère.

Super IV articulo, dicit quod videtur ei quod aliqui de astantibus in processu, erant voluntarii et [favorabiles]101, alii coacti et inviti, et multi, timidi ; quorum quidam fugerunt, nolentes adesse processui ; et inter ceteros, magister Nicolaus de Houppevilla fuit in magno periculo. Sur le IVe article, dit qu’il lui semble que quelques-uns de ceux qui assistaient au procès y venaient de bon gré et y étaient tout disposés. Que d’autres au contraire y vinrent forcés et malgré eux ; et que beaucoup étaient timides, dont certains s’enfuirent même ne voulant pas assister au procès ; et entr’autres, maître Nicolas de Houppeville fut en grand danger. Necnon magistri Iohannes Pigache et Petrus Minerii [ut]102 audivit ab eis et103 ipsemet loquens qui cum eis manebat, metu et minis ac terroribus tradiderunt opiniones suas et astiterunt processui ; et fuerunt in proposito fugiendi ; dicitque audivisse pluries ab ore magistri Petri Mauricii, quod, cum post primam predicacionem monuisset eam de stando in bono proposito, Anglici fuerunt male contenti, et fuit in magno periculo verberacionis, ut dicebat. De même aussi maîtres Jean Pigache et Pierre Minier, comme il l’a entendu d’eux, et lui-même le déposant, qui était avec eux, ne livrèrent leurs avis et n’assistèrent au procès que par crainte, menaces et effroi ; et qu’ils eurent bien le dessein de fuir. Il dit aussi avoir souvent entendu de la bouche de maître Pierre Morice, qu’ayant conseillé à Jeanne après la première prédication de s’en tenir à sa bonne résolution, les Anglais en furent mécontents, et qu’il courut grand danger d’être frappé, à ce qu’il disait.

Super V et VI articulis, dicit quod credit notarios fideliter scripsisse. Vidit tamen et audivit quod episcopus belvacensis, quando notarii non faciebant sicut volebat, aspere increpabat eos ; eratque res ipsa valde violenta, ut asserit ex hiis que vidit et audivit. Sur les Ve et VIe articles, dit qu’il croit que les notaires ont fidèlement écrit. Il a vu cependant et entendu dire que l’évêque de Beauvais, lorsque les notaires ne faisaient pas comme il voulait, les reprenait durement ; et que c’était avec violence, ainsi qu’il l’affirme, de ce qu’il a vu et entendu.

Super VII articulo, dicit quod non percepit seu vidit quod aliquis se 20r intromicteret de instruendo aut consulendo ipsam Iohannam ; nec vidit quod peteret aut fuerit sibi oblatum consilium ; putat tamen quod ab inicio processus peciit consilium, sed ex certitudine nescit. Sur le VIIe article, dit qu’il n’a ni perçu ni vu que quelqu’un se fût mêlé de l’instruire ou de la conseiller. Il n’a pas vu qu’elle demandât ou qu’on lui offrît un conseil. Il pense même que, dès le début du procès, elle demanda un conseiller ; mais il ne peut le dire avec certitude. Dicit preterea quod nescit si aliquis fuerit in periculo mortis occasione eam defendendi ; sed bene scit quod, dum alia interrogatoria difficilia fiebant eidem Iohanne, et aliqui ipsam dirigere volebant, dure et rigide reprehendebantur ; et de favore notabantur, quandoque per dictum episcopum belvacensem, et quandoque per magistrum Iohannem Beaupere, qui dicebat dirigentibus eam, quod dimicterent eam loqui ; et quod commissus erat ad eam interrogandum. Il dit de plus qu’il ne sait pas si quelqu’un courut danger de mort pour avoir pris sur lui de la défendre ; mais il sait bien que, lorsqu’on posait à Jeanne des interrogations difficiles, et que certains voulaient la conseiller, ils en étaient repris avec dureté et sévérité ; et ils étaient notés de partialité, quelquefois par ledit évêque de Beauvais, d’autres fois par maître Jean Beaupère, qui disait à ceux qui ]a conseillaient qu’ils cessassent de lui parler et que c’était lui qui était chargé de l’interroger.

Super VIII articulo, dicit quod bene scit quod dicta Iohanna erat in carceribus, in dicto Castro rothomagensi ; quodque custodiebatur, ducebatur et reducebatur per Anglicos ; sed de compedibus aut 130131cathenis, nichil scit ; quamvis audiverit semper teneri quod bene aspere et districte tenebatur. Sur le VIIIe article, dit qu’il sait bien que ladite Jeanne était dans les prisons dudit château de Rouen et qu’elle était gardée, conduite et ramenée en prison par des Anglais ; mais il ne sait rien de ses entraves ni de ses chaînes, quoi qu’il ait entendu toujours affirmer qu’elle était gardée et surveillée très sévèrement et durement.

Super IX, credit ipsam fuisse etatis articulate ; respondebat tamen prudenter, multum substancialiter ; audivitque ab ore dompni, tunc abbatis fiscampnensis, quod unus magnus clericus bene defecisset respondere interrogacionibus difficilibus sibi factis ; scit tamen quod ignara iuris et ritus iudiciorum erat. Sur le IXe, croit qu’elle était de l’âge dont parle l’article. Elle répondait cependant avec sagesse et très solidement. Il entendit de la bouche du seigneur, alors abbé de Fécamp, qu’un grand clerc n’aurait pas su répondre aux questions difficiles qui lui étaient faites ; qu’il sait cependant qu’elle était ignorante du droit et des règles de procédure.

Super X, dicit quod nichil scit. Sur le Xe, dit qu’il ne sait rien.

Super XI et XII articulis, dicit quod vidit eam interrogari difficilibus104 et involutis ac capciosis interrogacionibus, ut caperetur in sermone, prout sibi videtur ; et ut distraheretur a proposito suo ; et, hoc non obstante, secundum fragilitatem muliebrem bene respondebat ; et aliquando advertebat, designando diem in qua, super aliquibus iterum interrogatis, alias responderat. Sur les XIe et XIIe articles, dit qu’il l’a vue interrogée par des questions difficiles, embarrassées et captieuses ; car on désirait la prendre dans ses paroles, ainsi qu’il lui semble et on voulait aussi la détourner de ses intentions. Or, nonobstant cela, elle répondait bien pour une faible femme ; et quelquefois, de nouveau interrogée sur certaines choses, elle le faisait remarquer et notait le jour où elle avait déjà répondu.

Super XIII, dicit quod audivit pluries in iudicio ab ore ipsius Johanne contenta in articulo. Sur le XIIIe, dit qu’il a souvent entendu au procès de la bouche même de Jeanne ce qui est contenu dans l’article.

Super XIV articulo, dicit se vidisse et audivisse in iudicio quod, cum ipsa Iohanna interrogaretur an vellet se submictere episcopo belvacensi et aliquibus de adstantibus tunc nominatis, ipsa Iohanna105 respondebat quod non ; quodque se submictebat Pape et Ecclesie catholice, petendo quod duceretur ad Papam. Sur le XIVe, dit qu’il a vu et entendu au procès que, tandis que ladite Jeanne était interrogée si elle voulait se soumettre à l’évêque de Beauvais et à certains des assistants qu’on lui nommait, Jeanne répondait que non, et qu’elle se soumettait au Pape et à l’Église catholique, demandant qu’on la conduisit au Pape. Et cum sibi diceretur quod processus suus micteretur ad Papam, ut ipsum iudicaret, respon debat quod nolebat sic fieri, quia nesciebat quid per eos in processu poneretur ; sed volebat ibi duci et per Papam interrogari. Et, comme on lui disait que l’on enverrait son procès au Pape, afin qu’il le jugeât, elle répondait qu’elle ne voulait pas qu’on fît ainsi, parce qu’elle ne savait pas ce que l’on mettrait dans son procès, mais elle voulait être conduite à Rome et être interrogée par le Pape.

Super XV et XVI articulis, dicit quod nescit si fuerit positum vel scriptum in processu quod se non submicteret Ecclesie, nec vidit prohiberi, sed scit quod, in presencia loquentis, ipsa Iohanna semper se submisit iudicio Pape et Ecclesie. Sur les XVe et XVIe articles, dit qu’il ne sait pas s’il fut inséré ou écrit dans le procès qu’elle ne se soumettait pas à l’Église ; et il n’a pas vu qu’on l’interdît ; mais il sait qu’en sa propre présence, Jeanne se soumit toujours au jugement du Pape et de l’Église.

Super XVII articulo, dicit quod nichil106 aliud scit, quam supra deposuit. Sur le XVIIe article, dit qu’il ne sait rien autre que ce qu’il a déposé ci-dessus.

Super XVIII articulo, dicit quod notarius scribebat processum in gallico ; et, quando erat dubium super scriptura, ei repetebatur. De translacione vero nichil scit. Sur le XVIIIe article, dit que le notaire écrivait le procès en français ; et quand il y avait un doute sur ce qui était écrit, on le lui relisait, mais il ne sait rien de la traduction.

Super XIX, dicit articulum esse verum quoad ius. Quantum vero ad factum, dicit quod ipse et prenominati Pigache et Minier tradiderunt opinionem suam in scriptis secundum conscienciam suam, que non fuit episcopo et assessoribus grata, dicendo : Est hoc quod fecistis. Sur le XIXe, dit que l’article est vrai en droit. Quant au fait, il dit que lui-même et les sus-nommés Pigache et Minier donnèrent leur avis par écrit et selon leur conscience ; mais que ce ne fut pas agréable à l’évêque, et à ses assesseurs, qui leur dit : C’est tout ce que vous avez fait !

132133Super XX, dicit quod credit notarios bene et fideliter scripsisse. Sur le XXe, dit qu’il croit que les notaires ont bien et fidèlement écrit.

Super XXI articulo, dicit quod dicta sentencia semper visa fuit eidem loquenti iniusta ; nec scivit unde sumpserunt titulos et causas eam condempnandi. De aliis in articulo contentis, se reffert ad ius. Sur le XXIe article, dit que ladite sentence a toujours paru au déposant injuste ; et il ne sait pas où ils prirent les raisons et les titres juridiques pour la condamner. Quant au reste qui est contenu dans l’article, il se réfère au droit.

Super XXII, dicit quod semper per seipsam respondebat ; nec vidit quod haberet aliquem defensorem. De residuo supra deposuit. Sur le XXIIe, dit qu’elle répondait toujours d’elle-même ; et il ne vit pas qu’elle eut quelque défenseur. Du reste, il a déposé plus haut.

Super XXIII articulo, dicit quod, de contentis in articulo, erat vox publica in hac civitate rothomagensi. Sur le XXIIIe article, dit que de ce qui est contenu dans l’article, c’était voix publique dans cette ville de Rouen.

Super XXIV articulo, dicit quod non habet noticiam nec unquam audivit 20v dici quod fuerit aliqua sentencia per iudicem secularem lata contra dictam Iohannam, quia presens non fuit ; sed vox publica et rumor erat quod violenter et iniuste fuit tradita supplicio. Sur le XXIVe article, dit qu’il n’a pas connaissance et n’a jamais entendu dire qu’il y ait eu quelque sentence portée par le juge séculier contre ladite Jeanne, car il ne fut pas là présent. Mais la voix publique et la rumeur étaient qu’elle avait été livrée au supplice violemment et injustement.

Super XXV, dicit quod non fuit presens ; sed fama publica ita erat, prout articulus continet. Sur le XXVe article, dit qu’il ne fut pas présent ; mais la publique renommée disait que c’était ainsi que l’article le rapporte.

Super XXVI articulo, dicit quod, pro causis contentis in articulo, credit ipsam Iohannam fuisse morti traditam. Si tamen tendebant ad infamandum dominum nostrum regem, nescit ; sed bene credit quod, in contemptum eius, actento modo procedendi et modo iudicii, fuit morti tradita. Sur le XXVIe article, dit que Jeanne fut livrée à mort pour les raisons contenues dans l’article. Si cependant leur but était de diffa mer le seigneur notre Roi, il ne le sait pas ; mais il croit bien qu’elle fut livrée à la mort, pour infamer le Roi, étant donnée la façon dont on a procédé et dont on l’a jugée.

Super XXVII, dicit quod ea que sunt supra deposita per eum, sunt vera. Sur le XXVIIe article, dit que ce qu’il a déposé plus haut est vrai.

Frère Pierre Miget

Venerabilis et religiosus vir frater Petrus Migecii, sacre theologie professor, prior prioratus de Longavilla Guiffardi, rothomagensis diocesis, LXX annorum vel circa, iuratus et examinatus dicta die martis. Vénérable et religieuse personne frère Pierre Miget32, professeur de sacrée théologie, prieur du prieuré de Longueville-Guiffard, au diocèse de Rouen, âgé de 70 ans ou environ, juré et examiné ledit mardi.

Super I articulo, dicit quod credit articulum veritatem continere ex effectibus qui sunt secuti. Sur le premier article, dit qu’il croit que l’article contient la vérité, étant donné les effets qui ont suivi.

Super II articulo, dicit quod audivit a quodam milite anglico defuncto quod Anglici plus timebant ipsam Iohannam quam centum armatos. Sur le IIe article, dit qu’il a entendu d’un certain soldat anglais mort, que les Anglais craignaient plus Jeanne que cent soldats.

Super III articulo, dicit quod audivit quod gentes domini de Lucemburgo ceperunt dictam Iohannam prope Compendium, in diocesi belvacensi ; et audivit quod fuit requisita per Anglicos, [et fuit electus]107 episcopus belvacensis ad faciendum processum contra eam, quia fuerat capta in diocesi sua. Sur le IIIe article, dit qu’il a entendu que des gens du seigneur de Luxembourg prirent ladite Jeanne près de Compiègne, au diocèse de Beauvais ; et dit qu’elle fut requise par les Anglais ; et que l’évêque de Beauvais fut choisi pour faire le procès contre elle, parce qu’elle avait été prise dans son diocèse. Et scit quod fuit adducta ad hanc civitatem 134135rothomagensem et detenta in Castro, in carceribus ; et credit impressionem et metum, de quibus articulo fit mencio, quamvis de certo nesciat. Il sait qu’elle fut conduite en cette ville de Rouen et détenue dans le château, en prison ; et il croit qu’il y eut pression et crainte, comme il est dit dans l’article, quoiqu’il ne le sache pas certainement.

Super IV articulo, dicit quod apparenter poterat estimare quod per impressionem et metum Anglicorum fuit processum contra dictam Iohannam, quia fuit semper detenta sub dominio et custodia Angli corum ; nec permiserunt ipsam detineri in carceribus ecclesiasticis. Sur le IVe article, dit qu’apparemment on pouvait croire que l’on agit contre ladite Jeanne par pression et crainte des Anglais, parce qu’elle fut toujours détenue sous la domination et la garde des Anglais ; et ils ne permirent pas qu’elle fut détenue en prisons ecclésiastiques.

Et subdit quod, finito primo sermone facto apud Sanctum Audoenum, cum monita fuisset dicta Iohanna de revocando et ipsa differret, fuit dictum per unum ecclesiasticum anglicum episcopo belvacensi, quod ipse erat fautor ipsius Iohanne. Cui dictus episcopus respondit : Vos mentimini. Ego debeo, ex professione mea, querere salutem anime et corporis ipsius Iohanne. Il ajoute qu’après le premier sermon, fait à Saint-Ouen, alors que* ladite Jeanne fut sommée d’abjurer, comme elle tardait, il fut dit par un ecclésiastique anglais à l’évêque de Beauvais qu’il prenait le parti de ladite Jeanne. A qui ledit évêque répondit : Vous mentez, je dois par ma profession chercher le salut de l’âme et du corps de cette Jeanne. Et ipsemet loquens fuit delatus apud dominum cardinalem Anglie, quod erat fautor ipsius Iohanne ; de quo se excusavit loquens erga dictum cardinalem, timens periculum corporis. Et celui qui parle fut dénoncé auprès du seigneur cardinal d’Angleterre, comme étant partisan de ladite Jeanne, de quoi le déposant se défendit auprès dudit cardinal, craignant pour sa vie.

Super V et VI articulis, dicit quod credit quod notarii veraces erant, et quod fideliter scripserunt. Sur les Ve et VIe articles, dit qu’il croit que les notaires ont été véraces, et qu’ils ont fidèlement écrit.

Super VII, dicit quod nescit utrum ipsa Iohanna pecierit consilium ; sed credit quod nullus fuisset ausus sibi dare consilium aut defensionem108, nisi fuisset sibi concessum. Sur le VIIe article, dit qu’il ne sait pas si ladite Jeanne demanda un conseiller ; mais il croit que personne n’aurait osé lui donner conseil ou défense, à moins qu’il n’en eût la permission.

Super VIII, credit articulum continere veritatem, dempto quod non vidit eam in compedibus aut ferris. Sur la VIIIe, croit que l’article contient la vérité, sauf qu’il n’a pas vu qu’elle fut en entraves ou dans les fers.

Super IX, dicit quod credit ipsam Iohannam fuisse etatis XX annorum. Et credit quod erat adeo simplex, quod credebat quod Anglici non tendebant ad eius mortem, et quod sperabat eripi mediante pecunia. Vidit tamen eam catholice et prudenter respondentem de pertinentibus ad fidem ; preterquam in visionibus, quas dicebat se habere, in quibus nimis persistebat, iudicio loquentis. Sur le IXe, dit qu’il croit que ladite Jeanne était âgée de 20 ans. Il croit qu’elle était très simple ; au point qu’elle croyait que les Anglais ne cherchaient pas sa mort, et qu’elle espérait être délivrée moyennant rançon. Il vit cependant qu’elle répondait en catholique et avec prudence de tout ce qui touchait à la foi ; mais non des visions qu’elle disait avoir, dans lesquelles, de l’avis du déposant, elle persistait à l’excès.

Super X articulo, dicit quod de articulo nichil scit. Interrogatus si sciverit aliquos alios missos fuisse ad eam109 de nocte, dicit se audivisse quod unus homo quandoque ivit ad eam de nocte, in habitu captivi, ut dicit, fingendo quod esset captivus de parte regis Francie ; et persuadebat eidem Iohanne quod persisteret in assercionibus suis, et quod Anglici non auderent inferre sibi aliquod malum. Sur le Xe article, dit qu’il ne sait rien de l’article. Interrogé s’il a su que certains avaient été envoyés vers elle, la nuit, dit qu’il a entendu que de temps en temps un homme alla vers elle la nuit, habillé en prisonnier, dit-il, faisant semblant d’être un prisonnier du parti du Roi de France ; et il cherchait à persuader ladite Jeanne de se tenir à ses affirmations, et que les Anglais n’oseraient pas lui faire du mal.

Super XI, dicit quod non percepit contenta in articulo. Sur le XIe, dit qu’il n’a pas eu connaissance de ce qui est contenu dans l’article.

21r Super XII, similiter dicit quod non credit contenta in articulo, neque vidit. Sur le XIIe, dit de même qu’il ne croit pas ce qu’il y a dans l’article, et il ne l’a pas vu.

136137Super XIII et XIV articulis, dicit quod credit articulos esse veros, et contenta110 in eisdem audivisse ab ore dicte Iohanne. Sur les XIIIe et XIVe articles, dit qu’il croit que les articles sont vrais, et qu’il a entendu ce qui est contenu dans ces articles de la bouche même de ladite Jeanne.

Super XV et XVI articulis, dicit quod se reffert ad notarios et processum. Sur les XVe et XVIe articles, dit qu’il se réfère aux notaires et au procès.

Super XVII articulo, dicit quod bene credit quod ipsa Iohanna ad plenum non intelligebat quid esset Ecclesia ; nec recordatur ipsam Iohannam recusasse se submictere Ecclesie. Sur le XVIIe article, dit qu’il croit bien que ladite Jeanne ne com prenait pas pleinement ce que signifiait l’Église ; et il ne se souvient pas que ladite Jeanne ait refusé de se soumettre à l’Église.

Super XVIII, se reffert ad notarios. Sur le XVIIIe article, se réfère aux notaires.

Super XIX articulo, dicit quod articulus iuris est, et se reffert ad ius ; sed ad ea que sunt facti, credit aliquos non fuisse ex toto liberos et aliquos voluntarios. Sur le XIXe article, dit que l’article est de droit, et il se réfère au droit ; mais quant à ce qui est du fait, il croit que certains n’ont pas été totalement libres, et que d’autres ont agi de bon gré.

Super XX, credit notarios fuisse fideles et fideliter scripsisse. Aliud nescit. Sur le XXe, croit que les notaires ont été fidèles et ont fidèlement écrit ; ne sait rien d’autre.

Super XXI, dicit quod, actento odio Anglicorum, merito potest processus dici iniustus, et per consequens sentencia iniusta. Sur le XXIe, dit que, vu la haine des Anglais, le procès peut certainement être dit injuste, et par conséquent la sentence aussi injuste.

Super XXII articulo, dicit quod credit articulum esse verum, dempto quod nescit si fuerit sibi denegatum consilium. Sur le XXIIe article, dit qu’il croit que l’article est vrai, sauf qu’il ne sait pas si on lui a refusé un conseil.

Super XXIII articulo, dicit quod, si ipsa fuisset in sua libertate, credit quod ipsa fuisset ita bona catholica sicut una catholica alia bona. Et audivit quod ipsa perceperat Corpus Christi, ad ipsius Iohanne instanciam, ut audivit. Sur le XXIIIe article, dit que, si elle avait été en liberté, il croit bien qu’elle eut été aussi bonne catholique comme quelque autre bonne catholique ; et il a entendu qu’elle avait reçu le Corps du Christ, sur la demande de ladite Jeanne elle-même, comme il l’a entendu dire. De residuo articuli nichil scit ulterius deponere ; nisi quod fuit adiudicata relapsa, et derelicta iustitie seculari, et deinde combusta. Du reste de l’article ne sait rien déposer davantage, si ce n’est qu’elle fut jugée relapse et abandonnée à la justice séculière, puis brûlée.

Super XXIV articulo, dicit quod nescit aliquam sentenciam iudicis secularis fuisse latam ; sed fuit ducta ad supplicium cum magna furia per armatos Anglicos. Sur le XXIVe article, dit qu’il ne sait pas que quelque sentence ait été portée par le juge séculier ; mais elle fut conduite au supplice avec grande furie par les soldats anglais.

Super XXV articulo, dicit ipsum articulum continere veritatem, prout audivit, ipsa derelicta per Ecclesiam. Et tunc ipsa cepit lamentari et acclamare Ihesum ; et tunc recessit loquens, motus tanta compassione quod execucionem ipsius Iohanne videre non potuit. Sur le XXVe article, dit que ledit article contient la vérité, autant qu’il l’a entendu, lorsqu’elle fut abandonnée par l’Église. Et alors elle se mit à pleurer et à crier : Jésus ! Puis le déposant se retira troublé d’une telle compassion qu’il ne put assister à l’exécution de ladite Jeanne.

Super XXVI articulo, dicit quod credit ipsum articulum continere veritatem. Sur le XXVIe article, dit qu’il croit que cet article contient la vérité.

Super XXVII articulo, dicit quod, de premissis per eum depositis, fuit et est publica vox et fama in civitate rothomagensi. Sur le XXVIIe article, dit que de ce qu’il a déposé ci-dessus ce fut et c’est encore voix publique et renommée dans la cité de Rouen.

Frère Martin Lavenu

Religiosus et honestus vir, frater Martinus Lavenu, presbyter, ordinis fratrum predicatorum, qui in pluribus conventibus fuit lector 138139theologie, etatis LII annorum vel circa, testis productus receptus, iuratus et examinatus dicta die martis, nona mensis maii. Religieuse et honorable personne frère Martin Lavenu33, prêtre, de l’ordre des frères prêcheurs, qui fut en plusieurs couvents lecteur de théologie, âgé de 52 ans ou environ, témoin produit, reçu, juré et examiné ledit mardi 9 mai.

Super I articulo, dicit quod fuit presens in maiori parte processus dicte Iohanne, cum fratre Iohanne Magistri, tunc subinquisitore ; et credit ipsum primum articulum esse verum. Sur le Ier article, dit qu’il fut présent à la plus grande partie du procès de ladite Jeanne, avec frère Jean Le Maître, alors sous-inquisiteur ; et il croit que ce premier article est vrai.

Super II articulo, credit eciam ipsum articulum veritatem continere. Sur le IIe article, croit aussi que cet article contient la vérité.

Super III articulo, dicit quod bene scit quod fuit dicta Iohanna adducta ad hanc civitatem rothomagensem, in carceribus castri rothomagensis detrusa ; quodque fuit processus factus et deductus in causa fidei contra eamdem Iohannam, ad procuracionem et expensis Anglicorum ; de metu vero et impressione, de quibus in eodem articulo mencionatur, nichil scit. Sur le IIIe article, dit qu’il sait bien que ladite Jeanne fut conduite à cette ville de Rouen et enfermée dans les prisons du château de Rouen ; et le procès fut fait et mené en cause de foi contre ladite Jeanne, à l’instigation et aux frais des Anglais. Quant à la crainte et à la pression, dont il est parlé dans ce même article il ne sait rien.

Super IV articulo, dicit quod vidit magistrum Nicolaum de Houppevilla ad carceres regios duci, eo quod nolebat assistere processui. Residuum articuli nescit pro certo, quamvis credat quod pars assistencium in processu timebat et alia favebat. Sur le IVe article, dit qu’il vit maître Nicolas de Houppeville conduit aux prisons du Roi, parce qu’il ne voulait pas assister au procès. Quant au reste de l’article, il ne sait rien de certain ; quoi qu’il croie qu’une partie de ceux qui assistaient au procès avait peur et que d’autres le faisaient dans un esprit partisan.

21v Super V et VI articulis, se reffert notariis ; tamen credit quod fideliter scripserunt ea que viderunt et audiverunt. Sur les Ve et VIe articles, se réfère aux notaires, cependant il croit qu’ils ont écrit fidèlement ce qu’ils ont vu et entendu.

Super VII articulo dicit, quod bene scit quod dicta Iohanna nullum [habuit]111 directorem, consiliarium aut defensorem, usque circa finem processus ; et quod nullus ausus fuisset se ingerere ad eam consulendum, dirigendum, aut defendendum, propter metum Anglicorum ; audivitque dici quod aliqui, qui iverunt ad castrum ex ordinacione iudicum, ad consulendum et dirigendum eamdem Iohannam, fuerant dure repulsi et comminati. Sur le VIIe article, dit qu’il sait bien que ladite Jeanne n’a pas eu de directeur, de conseiller ou de défenseur, jusque vers la fin du procès ; mais que personne n’eût osé s’immiscer à lui donner conseil ou à la diriger ou à la défendre, par crainte des Anglais ; et il a entendu dire que certains, qui avaient été au château par ordre des juges pour conseiller et diriger ladite Jeanne, furent durement chassés et menacés.

Super VIII, dicit articulum continere verum in forma. Sur le VIIIe, dit que l’article contient la vérité en sa forme.

Super IX, quoad etatem, concordat cum articulo ; de simplicitate vero, dicit quod erat valde ignorans, et vix sciebat Pater noster, quamvis audierit eam quandoque fideliter et prudenter respondentem. Sur le IXe, quant à l’âge il est d’accord avec l’article ; mais de sa simplicité, il dit qu’elle était très ignorante et qu’à peine elle savait le Pater noster, quoiqu’il l’ait entendue parfois répondre avec foi et prudence.

Super X articulo, dicit quod de se nescit deponere. Interrogatus utrum sciverit vel audiverit quod aliquis àccesserit ad eam occulte de nocte, deponit quod, ex ore eiusdem Iohanne, audivit quod quidam magnus dominus Anglicus introivit çarcerem dicte Iohanne, et tentavit eam vi opprimere ; et hec erat causa, ut asserebat, quare resumpserat habitum virilem. Sur le Xe article, dit qu’il n’a rien à en dire. Interrogé s’il a su ou entendu dire que quelqu’un ait de nuit accédé vers elle en secret, il dépose que, de la bouche même de Jeanne, il a entendu qu’un certain grand seigneur anglais entra dans la prison de ladite Jeanne et tenta de la violenter ; et c’était la cause pour laquelle, affirmait-elle, elle avait repris l’habit d’homme.

Super XI articulo, dicit quod fiebant eidem Iohanne difficiles interrogaciones, que non competebant tali et ita simplici mulieri sed de intencione interrogancium, nescit deponere. Sur le XIe article, dit qu’à ladite Jeanne on posait des questions difficiles, qui n’étaient vraiment pas faites pour une femme si simple ; mais quant aux intentions de ceux qui l’interrogeaient, il ne peut rien déposer.

140141Super XII articulo, dicit quod satis scit quod multum eam vexabant in interrogacionibus ; durabantque interrogatoria112 per tres horas vel eo circa ; et fiebant ante prandium et post. De intencione vero interrogancium, et ad quem finem eam sic interrogarent, ignorat. Sur le XIIe article, dit qu’il sait bien qu’ils la tourmentaient beau coup dans leurs interrogatoires, et que ces interrogatoires duraient jusqu’à trois heures ou environ ; et ils avaient lieu avant le dîner et après. Mais quant à l’intention de ceux qui l’interrogeaient, et à quelle fin ils l’interrogeaient ainsi, il l’ignore.

Super XIII articulo, dicit quod non recordatur se audivisse in iudicio ; sed bene audivit extra iudicium ab dicta113 Iohanna contenta in eodem articulo, vel consimilia. Sur le XIIIe article, dit qu’il ne se souvient pas avoir entendu à l’audience, mais qu’il a bien entendu hors de l’audience Jeanne dire ce qui est contenu dans l’article, ou des choses semblables.

Super XIV articulo, dicit quod sepe ab ore dicte Iohanne audivit quod se submictebat Summo Pontifici, et quod duceretur ad eum. Sur le XIVe article, dit que souvent, de la bouche de ladite Jeanne, il entendit qu’elle se soumettait au souverain Pontife, et demandait qu’elle lui fût conduite.

Super XV et XVI articulis, dicit quod nichil scit, et se reffert ad processum. Sur les XVe et XVIe articles, dit qu’il ne sait rien ; et se réfère au procès.

Super XVII, dicit quod nichil scit. Sur le XVIIe, dit qu’il ne sait rien.

Super XVIII, dicit quod bene scit quod fuit processus receptus et conscriptus in gallico. De translacione vero processus, nichil scit. Sur le XVIIIe, dit qu’il sait bien que le procès fut reçu et rédigé en français. Quant à sa traduction, il ne sait rien.

Super XIX, dicit quod de hiis que sunt iuris se reffert ad ius ; et, quoad ea que sunt facti, se reffert ad ea que supra deposuit. Sur le XIXe article, dit que pour ce qui est de droit, il se réfère au droit ; et que, pour ce qui est de fait, il se réfère à ce qu’il a déposé ci-dessus.

Super XX, dicit quod se reffert notariis. Sur le XXe, dit qu’il se réfère aux notaires.

Super XXI, se reffert ad ius. Sur le XXIe, se réfère au droit.

Super XXII, de nullitate processus et sentencie, se reffert ad ius. Bene scit tamen quod non habuit defensores aut consiliarios, quamvis pecierit. Sur le XXIIe, de la nullité du procès et de la sentence, se réfère au droit. Il sait cependant fort bien qu’elle n’eut pas de défenseurs ni de conseillers, quoiqu’elle en ait demandé.

Super XXIII articulo, dicit quod constabat iudicibus quod se submiserat determinacioni Ecclesie ; et quod fidelis et catholica atque penitens erat ; quodque ex licencia et ordinacione iudicum Corpus Christi eidem Iohanne ministravit loquens. Sur le XXIIIe article, dit qu’il constait aux juges qu’elle s’était soumise à la détermination de l’Église, et qu’elle était fidèle et catholique et pénitente ; et qu’avec la permission et sur l’ordre des juges, le Corps du Christ fut administré à Jeanne par le déposant lui-même. Dicit ulterius quod fuit derelicta, tanquam relapsa, iudici seculari ; et credit quod, si tenuisset partem Anglicorum, non fuisset sic contra eam processum. Il dit outre qu’elle fut abandonnée comme relapse au juge séculier ; et il croit que, si elle avait tenu le parti des Anglais, on n’aurait pas procédé ainsi contre elle.

Super XXIV, dicit quod certus est quod, postquam fuit derelicta ab Ecclesia, fuit capta per Anglicos armatos, ibi in magno numero existentes ; et absque quacumque sentencia iudicis secularis, quamvis ballivus rothomagensis et Consilium curie secularis assisterent ibidem ; et hoc scit, quia semper fuit cum eadem Iohanna a loco castri usque ad exitum spiritus ; et ministraverat loquens ex 22r ordinacione iudicum eidem Iohanne sacramenta penitencie et eucharistie. Sur le XXIVe, dit qu’il est certain qu’après qu’elle eût été abandonnée par l’Église, elle fut saisie par les hommes d’armes anglais, qui se trouvaient là en grand nombre ; et, sans qu’il y ait eu aucune sentence du juge séculier, bien que le bailli de Rouen et le conseil de la cour séculière se tinssent là même ; et il sait cela parce qu’il est resté toujours avec ladite Jeanne, depuis le château jusqu’à ce qu’elle rendit l’esprit ; et le déposant avait administré par ordre des juges à ladite Jeanne les sacrements de Pénitence et d’Eucharistie.

Super XXV articulo, dicit articulum continere veritatem, quia vidit et audivit contenta in eodem ; quodque tortor seu litor, ipso 142143loquente presente, [perhibuit]114 testimonium quod tyrannice ipsa passa fuerat mortem. Sur le XXVe article, dit que l’article contient la vérité ; car il a vu et entendu ce qui est contenu dans cet article ; et que le bourreau, lui le déposant se trouvant présent, porta témoignage qu’elle avait subi la mort d’une façon tyrannique.

Super XXVI articulo, dicit quod credit ita esse sicut articulus continet. Et addit loquens interrogatus quod magister Guillermus Erard, in sermone quem fecit in cimiterio Sancti Audoeni rothomagensis, exclamando in quodam passu, dixit in effectu talia verba : O domus Francie, semper caruisti monstris usque nunc ; sed modo, adherendo isti mulieri sortilege, heretice, supersticiose, infamata es. Sur le XXVIe article, dit qu’il croit que cela est comme le contient l’article ; et interrogé le déposant ajoute que maître Guillaume Erard, au sermon qu’il fit dans le cimetière de Saint-Ouen, de Rouen s’écria dans un certain passage avec passion, disant ces paroles : Ô maison de France, tu n’as jamais eu jusqu’ici de monstres ; mais maintenant en adhérant à cette femme sorcière, hérétique et superstitieuse, tu t’es diffamée.

Super XXVII articulo, dicit deposita per eum esse vera et notoria in hac civitate rothomagensi et alibi. Sur le XXVIIe article, dit que ce qu’il a déposé est vrai et notoire dans cette cité de Rouen et ailleurs.

Monseigneur Jean, évêque de Démétriade

Reverendus in Christo pater et dominus, dominus Iohannes, episcopus dimictriensis, ordinis Sancti Augustini, conventus rothomagensis, sacre theologie professor, iuratus et examinatus die martis, nona mensis predicti. Révérend Père en Christ et seigneur, seigneur Jean, évêque34 de Démétriade, de l’ordre de saint Augustin, du couvent de Rouen, professeur de sacrée théologie, juré et examiné, le mardi 9 mai susdit.

Super I articulo, dicit quod credit et ymaginatur quod Anglici non multum diligebant ipsam Iohannam ; et quod, si ipsa fuisset de parte Anglie, non tantam diligenciaxn fecissent, neque ita rigide processissent. Sur le premier article, dit qu’il croit et imagine que les Anglais n’aimaient pas beaucoup cette Jeanne ; et que, si elle avait été du parti anglais, ils n’auraient pas fait telle diligence et ne l’auraient pas traitée avec cette rigueur.

Super II articulo, dicit quod bene ymaginatur quod procedebant contra eam quia timebant eam. Sur le IIe article, dit qu’il imagine bien qu’ils procédaient contre elle par peur d’elle.

Super III articulo, dicit quod de metu et impressione nichil scit ; sed cetera in articulo bene novit ; et credit processum fuisse factum ad procuracionem et expensis Anglicorum. Sur le IIIe article, dit que, de frayeur ou de pression, il ne sait rien ; mais il a bien su les autres choses contenues dans l’article ; et il croit que le procès fut fait sur l’instigation et aux dépens des Anglais.

Super IV articulo, dicit quod nichil scit, nisi quod, cum fieret eidem Iohanne questio an ipsa esset in gracia Dei, ipse loquens presens dixit quod non erat questio conveniens tali mulieri. Tunc episcopus belvacensis dixit loquenti : Melius fuisset vobis, si tacuissetis. Sur le IVe article, dit qu’il ne sait rien ; si ce n’est que, quand on posa à Jeanne la question de savoir si elle était dans la grâce de Dieu, le déposant, qui était présent, dit qu’il n’était pas convenable de poser cette question à une telle femme. Alors l’évêque de Beauvais dit à celui qui dépose : Vous auriez mieux fait de vous taire !

Super V et VI articulis, dicit quod reffert se ad notarios. Sur les Ve et VIe articles, dit qu’il se réfère aux notaires.

Super VII articulo, dicit quod non fuit semper in examine ; sed quamdiu ibi fuit, non vidit quod haberet consilium, neque quod pecierit. Sur le VIIe article, dit qu’il ne fut pas toujours à ces interrogations ; mais, quand il s’y trouva, il ne vit pas qu’elle eût un conseil, ni qu’elle l’eût demandé.

Super VIII, dicit quod ipsa Iohanna erat in carceribus in Castro rothomagensi. De residuo articuli nichil scit. Sur le VIIIe, dit que ladite Jeanne était en prison dans le château de Rouen. Quant au reste de l’article, ne sait rien.

Super IX articulo, dicit quod dicta Iohanna erat etatis articulate, et multum prudenter ad interrogatoria respondit, demptis revelatis, adeo quod per spacium trium ebdomarum credebat eam inspiratam. Sur le IXe article, dit que ladite Jeanne était de l’âge dont parle l’article ; et qu’elle répondait très prudemment aux interrogations ; sauf relativement aux révélations ; tellement que, durant trois semaines, il croyait qu’elle était inspirée.

144145Super X articulo, nichil scit. Sur le Xe article, ne sait rien.

Super XI, dicit quod in aliquibus valde profunde querebant, de quibus competenter se expediebat ; et aliquando interrumpebant interrogatoria sua, transeundo de uno ad aliud, ad experiendum an ipsa mutaret propositum. Sur le XIe, dit qu’interrogée sur certaines choses très à fond, elle s’en tirait fort habilement et que quelquefois on interrompait les interrogations, passant d’une chose à l’autre, afin de voir si elle ne changerait pas ses réponses.

Super XII, dicit quod faciebat longas examinaciones, que communiter durabant per duas aut tres horas, ita quod doctores assistentes inde erant multum fatigati ; sed, utrum ad finem articulatum, nescit. Sur le XIIe, dit que l’on faisait de longues examinations, qui ordinairement duraient deux ou trois heures, tellement que les docteurs, qui y assistaient, en étaient très fatigués. Mais si ce fut fait dans le but mentionné dans l’article, il ne le sait pas.

Super XIII, dicit quod non recordatur ipsam Iohannani dixisse verba contenta in articulo ; sed bene recordatur ipsam dixisse quod ipsa nollet aliquid dicere aut facere quod esset contra Deum. Sur le XIIIe, dit qu’il ne se souvient pas si ladite Jeanne a dit les paroles contenues dans l’article ; mais il se souvient bien qu’elle a dit qu’elle ne voulait rien dire ou faire qui fût contre Dieu.

Super XIV, non recordatur ; ymo audivit ut supra immediate. Sur le XIVe, ne se rappelle pas ; mais il entendit dire comme il vient de rapporter ci-dessus.

Super XV et XVI nescit, neque unquam audivit quod recusaret se submictere Ecclesie115, saltim non recordatur. Sur les XVe et XVIe, ne sait pas ; mais jamais il n’a entendu qu’elle refusât de se soumettre à l’Église, du moins il ne se le rappelle pas.

Super XVII articulo, non recordatur. Sur le XVIIe article, ne se souvient pas.

22v Super XVIII articulo, nichil scit de translacione116 ; neque recordatur an in latino vel in gallico fuerit receptus. Sur le XVIIIe article, ne sait rien de la traduction ; et il ne se rappelle pas si le procès fut écrit en latin ou en français.

Super XIX, dicit quod non percepit coaccionem, et nichil aliud scit. Sur le XIXe, dit qu’il n’a pas vu de contrainte ; et il ne sait rien d’autre.

Super XX, se reffert ad notarios. Sur le XXe, se réfère aux notaires.

Super XXI, se reffert ad iudices. Sur le XXIe, se réfère aux juges.

Super XXII articulo, dicit quod supra deposuit quicquid scit inde ; et de nullitate sentencie, se reffert ad ius. Sur le XXIIe article, dit qu’il a déposé plus haut tout ce qu’il sait là-dessus. Quant à la nullité de la sentence, il s’en rapporte au droit.

Super XVIII articulo, dicit quod, a primo sermone facto in Sancto Audoeno, non fuit vocatus ad processum. Sur le XXIIIe article, dit qu’après le premier sermon qui fut fait à Saint-Ouen, il ne fut plus appelé au procès.

Super XXIV, dicit quod fuit in sermone ultimo, in quo ipsa rogavit omnes sacerdotes ut unusquisque eorum daret sibi unam missam ; sed quid postmodum factum est, non vidit, quia recessit. Sur le XXIVe, dit qu’il fut à la dernière prédication, dans laquelle elle dit à tous les prêtres que chacun d’eux voulut bien dire une Messe pour elle ; mais ce qui s’est passé après, il ne le vit pas, parce qu’il s’en alla.

Super XXV, dicit quod multum117 catholicam finem habuit ; et quod iudices et plures alios lacrimari commovit, pre nimia pietate. Sur le XXVe article, dit qu’elle eut une mort très catholique, et que les juges et beaucoup d’autres furent émus aux larmes, à cause d’une excessive compassion.

Super XXVI, dicit ut supra de timore et odio ; sed, si tendebant ad infamandum regem Francie118, nescit ; quamvis estimet quod in maiori libenter displicuisset sibi. Sur le XXVIe article, dit comme plus haut sur la crainte et la haine ; mais, s’ils se proposaient de diffamer le Roi de France, il ne le sait pas, quoi qu’il pense que le plus souvent ils faisaient volontiers ce qui était contre lui.

Super XXVII articulo, dicit quod de illis que dixit, fuit vox communis et fama. Sur le XXVIIe article, dit que, de tout ce qu’il a dit, c’était voix commune et rumeur.

Messire Thomas Marie

146147Venerabilis et religiosus vir dompnus Thomas Marie, presbyter, in theologia baccalarius, prior prioratus Sancti Michaelis prope Rothomagum119, ordinis sancti Benedicti, etatis LXII annorum vel circa, testis productus, receptus, iuratus, et examinatus die predicta. Vénérable et religieuse personne dom Thomas Marie35, prêtre, bachelier en théologie, prieur du prieuré de Saint-Michel, près Rouen, de l’ordre de Saint Benoît, âgé de 62 ans ou environ, témoin produit, reçu, juré et examiné le jour susdit.

Super I articulo, dicit quod videtur eidem loquenti articulum ipsum verum esse. Sur le Ier article, dit qu’il semble au déposant que cet article est vrai.

Super II, dicit quod, quia mirabilia fecerat ipsa Iohanna in bello, et120 quia ipsi Anglici sunt communiter supersticiosi, estimabant de ea aliquid fatale esse ; ideo, ut credit qui loquitur, in omnibus consiliis et aliis desiderabant eius mortem. Sur le IIe, dit que Jeanne avait fait des choses merveilleuses à la guerre ; et, comme lesdits Anglais sont ordinairement superstitieux, ils pensaient qu’il y avait quelque chose de magique en elle ; c’est pourquoi, comme le croit le déposant, ils désiraient, dans tous leurs desseins ou autrement, sa mort.

Interrogatus quomodo scit quod Anglici sunt supersticiosi, dicit quod communis fama hec121 tenet, et est [vulgare]122 proverbium. Interrogé comment il sait que les Anglais sont superstitieux, il dit que leur réputation générale est telle, et que c’est même un proverbe très répandu.

Super III articulo, dicit quod ipsa Iohanna fuit ad hanc civitatem rothomagensem adducta, et incarcerata in Castro rothomagensi ; quodque fuit factus processus contra eam in materia fidei, ad requestam et propriis expensis, ut credit, Anglicorum. De metu et impressione, dicit quod aliqui timore, et alii favore interfuerunt in processu. Sur le IIIe article, dit que ladite Jeanne fut conduite à cette ville de Rouen et incarcérée dans le château de Rouen ; et qu’un procès fut fait contre elle en matière de foi, à la requête et aux dépens, croit-il, des Anglais. Quant à la crainte ou à la pression, dit que cer tains assistèrent au procès par crainte, et d’autres dans un esprit partisan.

Item, requisitus super IV articulo, dicit quod non credit contenta in articulo, maxime quoad timorem et minas ; sed magis in favorem, maxime quia aliqui, ut credit, et dici audivit, receperunt munera. Item, interrogé sur le IVe article, dit qu’il ne croit pas ce qui est dit dans l’article, particulièrement pour ce qui regarde la crainte et les menaces ; mais il croit bien et a entendu dire que certains agissaient dans un esprit partial, très particulièrement certains qui reçurent des dons. Dicit tamen quod magister Nicolaus de Houppevilla ista occasione fuit positus in carceribus, et expulsus a processu, quia aspere locutus fuerat de materia ipsius Iohanne episcopo belvacensi. Mais il dit que maître Nicolas de Houppeville à ce propos fut mis en prison, puis chassé du procès, parce qu’il avait mal parlé du cas de Jeanne à l’évêque de Beauvais.

Super V articulo, dicit quod credit notarios veraciter et fideliter scripsisse, quamvis forsan, ut intellexit quandoque sollicitarentur alio modo scribere. Sur le Ve article, dit qu’il croit que les notaires ont écrit vraiment et fidèlement, quoique peut-être il lui semble que quelquefois on les sollicitait d’écrire autrement.

Super VI articulo, dicit quod credit ut supra immédiate. Sur le VIe article, dit qu’il croit comme il est dit immédiatement ci-dessus.

Super VII articulo, dicit quod audivit dici quod sibi fuit oblatum consilium ; nec audivit quod quisquam fuerit in periculo mortis aut alias pro dando 23r sibi consilium. Sur le VIIe article, dit qu’il a entendu dire qu’un conseil lui fut offert ; et il n’a pas entendu dire que quelqu’un ait été en péril de mort ou autrement, pour lui avoir donné conseil.

Super VIII, dicit quod audivit a quodam ferrario quod fecerat quamdam gabeam ferream, pro tenendo ipsam Iohannam stantem incarceratam. Sur le VIIIe article, dit qu’il a entendu dire par un certain forgeron qu’il avait fait une certaine cage de fer, pour qu’on y tint ladite Jeanne enfermée debout.

148149Interrogatus utrum fuerit posita in ea. Dicit se credere quod sic. De custodibus, nichil scit. Interrogé si Jeanne y fut mise, il dit qu’il croit que oui ; il ne sait rien des gardes.

Super IX, dicit quod erat etatis XVIII annorum, iudicio loquentis. Sur le IXe article, dit qu’elle était âgée de 18 ans, à son avis. Quantum ad simplicitatem et ignoranciam, dicit audivisse a quodam, qui fuerat in processu, et aliis, quod ipsa ita sapienter ad quesita respondebat, sicut fecisset unus optimus clericus. Quant à sa simplicité et à son ignorance, il dit avoir entendu de quelqu’un qui avait été au procès, et par d’autres, qu’elle répondait elle-même aussi sagement aux questions qu’on lui posait que l’eût fait un excellent clerc.

Super X articulo, dicit quod nichil scit ; audivit tamen post primam predicacionem, cum fuisset iterum posita in carceribus castri, fuerunt sibi facte tot vexaciones de eam opprimendo, quod habuit dicere quod malet pocius mori quam amplius stare cum ipsis Anglicis. Sur le Xe article, dit qu’il ne sait rien ; mais qu’il a entendu après le premier sermon, alors qu’elle était reconduite de nouveau dans les prisons du château, que lui furent faits de tels tourments et violences, qu’elle aime mieux mourir plutôt que de demeurer plus long temps avec les Anglais.

Super XI articulo, dicit quod audivit illa que continentur in articulo, quamvis non fuit presens in processu ; et bene credit quod tendebant interrogatores ad illum finem articulatum. Sur le XIe article, dit qu’il a entendu ces choses qui sont contenues dans l’article ; quoiqu’il n’ait pas été présent au procès ; et il croit bien que ceux qui l’interrogeaient, poursuivaient le but dont parle l’article.

Super XII articulo, dicit quod credit quod faciebant ei quam peius poterant. Sur le XIIe article, dit qu’il croit qu’on lui faisait le plus de mal qu’on pouvait.

Super XIII articulo, dicit quod audivit dici contenta in articulo a multis ; et nichil aliud scit. Sur le XIIIe article, dit qu’il a entendu dire ce qui est contenu dans l’article par bien des gens ; il ne sait rien d’autre.

Super XIV, dicit prout supra immediate. Sur le XIVe article, dit comme il a déposé immédiatement ci-dessus.

Super XV et XVI articulis, dicit quod nichil scit. Sur les XVe et XVIe articles, dit qu’il ne sait rien.

Super XVII articulo, dicit quod nichil scit. Sur le XVIIe article, dit qu’il ne sait rien.

Super XVIII et XX, dicit quod nichil scit. Sur les XVIIIe et XXe articles, dit qu’il ne sait rien.

Super XIX, dicit quod, ubi non est liberum arbitrium, nec processus nec sentencia valent ; sed, si in huiusmodi processu fuerit libertas iudicibus et assessoribus, nescit aliud quam supra deposuit. Sur le XIXe, dit que là où il n’y a pas liberté, il n’y a ni procès ni sentence qui vaillent ; mais, si en ce procès les juges ou les assesseurs jouirent de leur liberté, il ne sait rien d’autre que ce qu’il a déposé ci-dessus.

Super XXI articulo, dicit quod se reffert ad ius. Sur le XXIe article, dit qu’il se réfère au droit.

Super XXII, dicit quod nichil scit ; quia non fuit in processu. Sur le XXIIe article, dit qu’il ne sait rien, car il ne fut pas au procès.

Super XXIII, dicit quod bene123 credit et ita erat fama publica, quod dicta Iohanna erat bona catholica, et quod fuit combusta. Residuum articuli non vidit124. Sur le XXIIIe, dit qu’il croit bien et c’était la renommée publique que ladite Jeanne était bonne catholique et qu’elle avait été brûlée. Quant au reste de l’article il ne l’a pas vu.

Super XXIV articulo, dicit quod nichil scit. Sur le XXIVe article, dit qu’il ne sait rien.

Super XXV, dicit quod audivit contenta in articulo, et credit ita esse ; et audivit a multis quod visum fuit nomen Ihesus inscriptum in flamma ignis, in quo fuit combusta. Sur le XXVe, dit qu’il a entendu ce qui est contenu dans l’article, il croit que ce fut ainsi. Il a entendu dire par bien des gens que le nom de Jésus parut inscrit dans la flamme du feu où elle fut brûlée.

Super XXVI, dicit quod bene credit quod, si Anglici habuissent unam talem mulierem, multum honorassent, et non sic tractassent eam. Sur le XXVIe article, dit qu’il croit bien que, si les Anglais avaient eu une telle femme, ils l’auraient comblée d’honneurs et ne l’auraient pas traitée ainsi.

Super XXVII articulo, dicit quod ea que deposuit vera sunt et notoria in hac civitate rothomagensi. Sur le XXVIIe article, dit que ce qu’il a déposé est vrai et notoire dans cette ville de Rouen.

Messire Jean Riquier

150151Dominus Iohannes Riquier, presbyter, curatus ecclesie parochialis de Heudicurte, etatis XL annorum vel circa, iuratus et examinatus, dicta die martis, nona maii. Messire Jean Riquier36, prêtre, curé de l’église paroissiale de Heudicourt, âgé de 40 ans ou environ, juré et examiné ledit mardi 9 mai.

Super I articulo, credit articulum continere veritatem. Sur le Ier article, dit qu’il croit que l’article contient la vérité.

Super II, dicit quod similiter credit ipsum articulum esse verum in forma ; et addit quod dicebatur communiter quod Anglici non audebant ponere obsidionem in Locoveris, donec mortua esset. Sur le IIe, dit qu’il croit semblablement que l’article est vrai dans la forme ; et il ajoute que l’on disait communément que les Anglais n’osaient pas mettre le siège devant Louviers, avant qu’elle ne fût morte.

Super III articulo, dicit quod fuit adducta ad hanc civitatem rothomagensem et posita in carceribus castri rothomagensis, et factus processus contra eam ; 23v et credit quod, ad procuracionem et expensis Anglicorum, fuerit factus processus huiusmodi ; sed de metu et impressione nichil scit. Sur le IIIe article, dit qu’elle fut conduite à cette ville de Rouen et mise en prison, dans le château de Rouen ; et qu’un procès fut fait contre elle ; et il croit que ce procès fut fait à l’instigation et aux dépens des Anglais. Mais de crainte et de pression, il ne sait rien.

Super IV articulo, dicit quod fama communis erat quod multi eorum qui faciebant processum libenter abstinuissent et plus timore quam alias processui aderant, et ita credit. Sur le IVe article, dit que la renommée commune était que beaucoup de ceux qui faisaient le procès s’en fussent volontiers abstenus ; et qu’ils étaient au procès bien plus par crainte qu’autrement ; et il le croit ainsi.

Super V et VI articulis, nichil scit, quia non fuit presens in processu. Sur les Ve et VIe articles, ne sait rien ; car il ne fut pas présent au procès.

Super VII articulo, dicit quod non recolit contentum in articulo, fuisse factum. Sur le VIIe article, dit qu’il ne se souvient pas que ce qui est contenu dans l’article ait eu lieu.

Super VIII, dicit quod non vidit eam in carceribus ; sed dicebatur quod nullus audebat loqui cum ea ; et quod erat ferrata ; et quod Anglici eam custodiebant. Sur le VIIIe article, dit qu’il ne l’a pas vue en prison ; mais on disait que personne n’osait lui parler, et qu’elle était mise aux fers, et que des Anglais la gardaient.

Super IX articulo, dicit quod audivit quod ipsa ita prudenter respondebat quod, si aliqui de doctoribus fuissent ita interrogati, vix ita bene respondissent. Sur le IXe article, dit qu’il a entendu dire qu’elle répondait si prudemment que, si quelques-uns des docteurs avaient été interrogés de la sorte, c’est à peine s’ils eussent répondu aussi bien.

Super X articulo, dicit quod non recolit audivisse contenta in articulo, neque aliquid scit. Sur le Xe article, dit qu’il ne se souvient pas avoir entendu ce qui est contenu dans l’article ; et il ne sait rien d’autre.

Super XI, dicit quod non fuit in processu ; sed audivit ex fama quod interrogabatur multis difficilibus questionibus ; et quod, quando nesciebat respondere, petebat dilacionem in crastinum. Sur le XIe article, dit qu’il ne fut pas présent au procès. Mais il a entendu d’après la voix publique qu’on l’interrogeait par des questions nombreuses et difficiles ; et que, quand elle ne savait quoi répondre elle demandait délai pour le lendemain.

Super XII, dicit quod processus fuit valde prolixus ; ita quod, prout audivit ab aliquibus, illi qui processum faciebant, increpabantur ab Anglicis quod non cicius terminabant negocium. Sur le XIIe, dit que le procès fut très long, tellement qu’il a entendu dire par quelques-uns que ceux qui faisaient le procès étaient repris par les Anglais de ce qu’ils ne terminaient pas plus tôt cette affaire.

Super XIII et XIV articulis, dicit quod communis fama tenebat dictam Iohannam affirmasse et obtestatam fuisse, sicut in articulo continetur. Sur les XIIIe et XIVe articles, dit que c’était la rumeur publique que Jeanne avait affirmé et témoigné ce qui est contenu dans l’article.

152153Super XV et XVI articulis, dicit quod nichil scit de contentis in eisdem125. Sur les XVe et XVIe articles, dit qu’il ne sait rien de ce qui est contenu dans ces articles.

Super XVII nichil scit126. Sur le XVIIe, ne sait rien.

Super XVIII et XX se reffert ad notarios et processum. Sur le XVIIIe et XXe, se réfère aux notaires et au procès.

Super XIX, dicit in consciencia sua, quod maior pars eorum qui procedebant, si habuissent libertatem et non timuissent furorem Anglicorum, non ita processissent. Sur le XIXe, dit qu’il est persuadé que la majeure partie de ceux qui intervenaient, s’ils avaient eu la liberté et n’avaient pas craint la fureur des Anglais, n’auraient pas procédé de la sorte.

Super XXI et XXII, nichil scit. Sur les XXIe et XXIIe articles, ne sait rien.

Super XXIII, dicit quod, iudicio loquentis ex fine dicte Iohanne, ipsa Iohanna erat fidelis et catholica ; et audivit quod peciit suscipere Corpus Christi ; et credit quod fuit sibi traditum, et scit quod fuit cremata. Sur le XXIIIe, dit qu’au jugement de lui qui dépose, d’après la mort de ladite Jeanne, cette Jeanne était fidèle et catholique ; et il a entendu qu’elle demanda de recevoir le Corps du Christ ; et il croit qu’on le lui donna ; et il sait qu’elle fut brûlée.

Super XXIV articulo, dicit quod predicacione ultima facta, fuit derelicta a viris ecclesiasticis ; et statim vidit quod clientes et Anglici armati eam receperunt, ac directe ad locum supplicii duxerunt ; neque vidit quod aliqua sentencia fuit lata a iudice seculari. Sur le XXIVe article, dit qu’après que fut faite la dernière prédication, elle fut abandonnée par les gens d’Église ; et aussitôt il vit les sergents et les soldats anglais la saisir, et immédiatement la conduire au lieu du supplice. Il ne vit pas que quelque sentence fût portée contre elle par le juge séculier.

Super XXV articulo, dicit quod articulus continet veritatem, prout vidit et audivit. Item, dicit quod ipse loquens audivit quod magister Iohannes Ad Ensem, tunc canonicus rothomagensis, presens in execucione dicte Iohanne, mirabiliter lacrimando, dixit in presencia loquentis et aliorum prope eum existencium : Vellem quod anima mea esset ubi credo animam istius mulieris esse. Sur le XXVe article, dit que l’article contient la vérité autant qu’il a vu et entendu. De même dit que, lui déposant, il a entendu que maître Jean Alépée, alors chanoine de Rouen, étant présent à l’exécution de ladite Jeanne, pleura d’une façon extraordinaire et dit en présence de celui qui parle et d’autres qui se trouvaient près de lui : Je voudrais que mon âme fût là où je crois qu’est l’âme de cette femme !

Super XXVI, de impressionibus supra deposuit ; et credit quod Anglici processerunt ex causis in articulo contentis et ad illos fines. Sur le XXVIe article, des pressions il a parlé plus haut ; et il croit que les Anglais procédèrent pour les raisons qui sont contenues dans l’article et en vue de ces buts.

Super XXVII articulo, dicit quod fama erat et est in hac civitate 24r rothomagensi, de hiis que ipse supra deposuit. Sur le XXVIIe article, dit que c’était et que c’est la rumeur publique dans cette ville de Rouen, de tout ce qu’il a déposé ci-dessus.

Maître Jean Fave

Providus vir, magister Iohannes Fave, in artibus magister, et in legibus licenciatus, Rothomagi commorans, magister requestarum domini nostri regis, etatis XLV annorum vel circa, iuratus et examinatus dicta die. Prudente personne, maître Jean Fave37, maître ès arts et licencié ès lois, habitant Rouen, maître des Requêtes de notre seigneur le Roi, âgé de 45 ans ou environ, juré et examiné ce jour.

Super I articulo, dicit quod credit et estimat articulum verum esse. Sur le premier article, dit qu’il croit et estime que l’article est vrai.

Super II articulo, dicit quod satis percepit quod Anglici timebant eamdem Iohannam ; et, ut audivit, multum timebant evasionem dicte Iohanne. Sur le IIe article, dit qu’il a bien compris que les Anglais craignaient ladite Jeanne ; et, comme il l’a entendu dire, ils craignaient beaucoup que ladite Jeanne ne s’évadât.

154155Super III articulo, dicit se scire quod fuit adducta ad hanc civitatem rothomagensem, et detrusa in carcere, in Castro rothomagensi ; et fama erat quod processum fuit contra eam in materia fidei, et quod Anglici, ut audivit dici et credit, procuraverunt processum127, et stipendia, doctoribus et aliis ad processum vocatis, solverunt. Sur le IIIe article, dit qu’il sait qu’elle fut conduite en cette ville de Rouen, et là détenue en prison, dans le château de Rouen ; et que c’était la voix publique que l’on procédait contre elle en matière de foi ; et que les Anglais, comme il l’a entendu dire et le croit, furent les instigateurs du procès et payèrent les docteurs et les autres, qui furent appelés au procès. De metu et impressione, dicit quod, post primam predicacionem, cum reduceretur ad carceres in Castro rothomagensi mangones illudebant eidem Iohanne et permictebant Anglici magistri eorum, quodque principaliores Anglicorum, ut audivit, multum indignabantur contra episcopum belvacensem, doctores et alios assistentes in processu, ex eo quod non fuerat convicta et condempnata ac supplicio tradita ; quodque eciam audivit dici quod aliqui Anglici ex indignacione predicta, contra episcopum et doctores predictos, de Castro revertentes, levaverunt gladios ad eos percuciendum, quamvis non percusserint, dicentes quod rex male expenderat pecunias suas erga eos. Quant à la crainte et à la pression, il dit qu’après la première prédication, comme on la reconduisait en prison au château de Rouen, des mandrins se moquèrent de cette Jeanne, et que leurs maîtres anglais les laissaient faire, et que les principaux chefs anglais, comme il l’a entendu, étaient pleins de fureur contre l’évêque de Beauvais et contre les docteurs et autres assesseurs au procès, parce qu’elle n’avait pas été convaincue et condamnée et livrée au supplice ; et que même il a entendu dire que certains anglais de colère levèrent leurs glaives contre l’évêque et les docteurs susdits revenant du château, pour les frapper, quoiqu’il ne les aient pas frappés ; et ils disaient que le roi avait mal dépensé son argent avec eux. Preterea dicit se audivisse ab aliquibus referri quod cum comes de Warvik, post dictam primam predicacionem, conquereretur dictis episcopo et doctoribus, dicendo quod rex male stabat, ex eo quod ipsa Iohanna sic evadebat ; ad quod unus eorum respondit : Domine, non curetis, bene rehabebimus eam. De plus, il dit qu’il entendit rapporter par certains que, comme le comte de Warwick après la première prédication se plaignait aux dits évêque et docteurs que le roi vraiment était bien mal servi, étant donné que ladite Jeanne échappait, l’un d’eux répondit : Seigneur, ne soyez pas en souci, nous la repincerons.

Super IV articulo, dicit quod nichil scit. Sur le IVe article, dit qu’il ne sait rien.

Super V, dicit se audivisse dici quod Anglici fuerunt male contenti de domino Guillermo Manchon, notario dicte cause ; et habuerunt eum suspectum et favorabilem pro ipsa Iohanna, ex eo quod non libenter veniebat, nec se gerebat ad nutum eorum. Sur le Ve, dit qu’il a entendu dire que les Anglais furent mécontents de messire Guillaume Manchon, notaire de ladite cause ; et ils le regardèrent comme suspect et favorisant ladite Jeanne, parce qu’il ne venait pas volontiers et qu’il n’obéissait pas tous à leurs désirs.

Super VI et VII articulis, nichil scit. Sur le VIe et VIIe articles, ne sait rien.

Super VIII, dicit quod credit articulum esse verum ; quodque audivit dici quod sepe mutabantur custodes dicte Iohanne. Sur les VIIIe, dit qu’il croit que l’article est vrai et qu’il a entendu dire que souvent les gardes de ladite Jeanne était changés.

Super IX, X, XI, XII, XIII, XIV, XV, XVI, XVII, XVIII, XIX, XX, XXI, XXII articulis, nichil scit. Sur les IXe, Xe, XIe, XIIe, XIIIe, XIVe, XVe, XVIe, XVIIe, XVIIIe, XIXe, XXe, XXIe, XXIIe articles, ne sait rien.

Super XXIII, dicit quod credit quod ipsa Iohanna erat simplex, bona et fidelis catholica ; viditque eam [derelinqui]128 per Ecclesiam ; et tandem per tortorem et alios duci ad locum supplicii, ut cremaretur. Sur le XXIIIe, dit qu’il croit que ladite Jeanne était simple, bonne et fidèle catholique ; et il vit qu’elle était abandonnée par l’Église, et qu’elle fut conduite par le bourreau et par d’autres au lieu du supplice pour être brûlée.

Super XXIV articulo, dicit quod non percepit quod fuerit aliqua sentencia seu condempnacio lata per iudicem secularem ; sed directe ducta fuit ad supplicium. Sur le XXIVe article, dit qu’il n’a pas vu que quelque sentence ou quelque condamnation ait été portée par le juge séculier ; mais elle fut conduite directement au supplice.

Super XXV, dicit quod, quasi omnes de nacione ista vidit flentes et lacrimantes ; audivitque loquens, ex ore proprio dicte Iohanne, ipsam Iohannam inter flammas acclamantem nomen Ihesus. Sur le XXVe, dit qu’il a vu presque tous ceux de cette nation pleurer et gémir ; et le déposant a entendu de la propre bouche de ladite Jeanne, Jeanne clamant le nom de Jésus au milieu des flammes.

156157Super XXVI, credit articulum in forma. Sur le XXVIe, croit l’article en forme.

Super ultimo, credit omnia per eum deposita esse vera et notoria. Sur le dernier, croit que tout ce qu’il a déposé est vrai et notoire.

Collation des notaires

Collacio fit per nos, superius nominatos notarios, qui deposiciones et attestaciones testium prenominatorum, in scriptis fideliter redegimus, testibus signis nostris manualibus in fidem et testimonium129 omnium et singulorum premissorum hic appositis. Collationné par nous notaires sus-nommés, qui avons rédigé par écrit et avec fidélité les dépositions et les attestations des témoins prénommés ; témoins nos seings manuels apposés ici en foi et témoignage de toutes et chacune des choses susdites.

Anno Domini MCCCCLII, die mercurii, X mensis maii. L’An du Seigneur 1452, le mercredi 10 mai,

Sic Signatum : Socius 24v et Dauvergne. signé : Socius et Dauvergne.

Notes du texte latin

  1. [1]

    U introduit le texte par : deinde ; N R S ad. : ergo

  2. [2]

    S om. : de

  3. [3]

    U ad. : de quibus fit mencio

  4. [4]

    N numérote les articles

  5. [5]

    N R : effectu… in ordinate

  6. [6]

    N R S : dictam ; U om. : dictam

  7. [7]

    N R S : eciam

  8. [8]

    R ad. : suspecti

  9. [9]

    N R S : contestata

  10. [10]

    N S : confessa

  11. [11]

    S om. : eius

  12. [12]

    R : rothomagensi

  13. [13]

    U : et ; N R S : tituli

  14. [14]

    N S : inquisitorem ; U R om.

  15. [15]

    N en marge : deposiciones testium in civitate rothomagensi

  16. [16]

    N R S : aut

  17. [17]

    S ad. : fuerunt

  18. [18]

    N R S U : pluries

  19. [19]

    S ad. : darc

  20. [20]

    N R S U om.

  21. [21]

    N : fuerunt

  22. [22]

    N S om. : que

  23. [23]

    N : ex parte

  24. [24]

    N R : ille

  25. [25]

    N R U : permissa ; S : premissa

  26. [26]

    U ad. : eam

  27. [27]

    S : execucione, se reffert ad ius

  28. [28]

    N S : Ladvenu

  29. [29]

    S : articulum esse verum

  30. [30]

    N S : processerunt

  31. [31]

    N R S U : plus

  32. [32]

    N R U : eo tam ; S : eotm

  33. [33]

    S : articulum esse verum

  34. [34]

    S : articulum continere veritatem

  35. [35]

    N R S om. : item sequitur citacio… citati

  36. [36]

    S : Guillermum

  37. [37]

    N : Ladvenu

  38. [38]

    N R S U om.

  39. [39]

    N R S : ecclesie ; U : misse

  40. [40]

    N numérote les articles.

  41. [41]

    N R S U om.

  42. [42]

    N R S U : confessores

  43. [43]

    S : promotor ; N R U : promotores

  44. [44]

    N R S U : penas. Nous restituons minas d’après le texte suivant.

  45. [45]

    N R S ad. : in

  46. [46]

    R ad. : in

  47. [47]

    S ad. : et examinacionibus

  48. [48]

    N : partem

  49. [49]

    N R S U : volentes

  50. [50]

    U S ad. : aut

  51. [51]

    S : talis

  52. [52]

    S : fuit et est verum

  53. [53]

    N ad. dans la marge supérieure : in foliis sequentibus continentur deposiciones testium pro ipsa Puella, et contra Anglicos qui eam morti adiudicarunt (f° 63).

  54. [54]

    S : percepit aliquem metum, nec vidit prohibiciones seu coactiones de quibus in articulo fit mencio

  55. [55]

    S : non vidit neque percepit impressionem nec minas aut terrores de quibus in eodem articulo fit mencio

  56. [56]

    S : percepit, ut supra. Ymo sibi videtur quod notarii fideliter scripserunt

  57. [57]

    S : aliquando

  58. [58]

    S a interverti les articles XXVI et XXVII

  59. [59]

    N om. : si

  60. [60]

    N R S U om.

  61. [61]

    S : patris

  62. [62]

    N R S U : inclusa

  63. [63]

    N S : repulsus

  64. [64]

    S om. : dicto

  65. [65]

    R U : nimis deux fois ; N écrit et exponctue.

  66. [66]

    S om. l’article XIV.

  67. [67]

    R om. : in

  68. [68]

    S : Christi

  69. [69]

    N R S U cum mane

  70. [70]

    S valuit

  71. [71]

    N R S U : nisi

  72. [72]

    S om. : et de examine… eius examine

  73. [73]

    N R S U : eam

  74. [74]

    S om. : et quod deliberaretur per ecclesiam

  75. [75]

    R ad. : ipsam

  76. [76]

    S om. : non

  77. [77]

    S : facta

  78. [78]

    R ad. : de quibus

  79. [79]

    R U : dilacionem ; N S : dilectionem

  80. [80]

    S om. : vel eo circa

  81. [81]

    N R S U : pictave

  82. [82]

    S om. : Lavenu

  83. [83]

    N : ad instanciam… et requestam ; S om. : sibi ministratum ex ordinacione iudicum

  84. [84]

    S om. : ius

  85. [85]

    S : et hoc et hoc erat

  86. [86]

    N S om.

  87. [87]

    S : XXII

  88. [88]

    N S ad. : villam ; R U om.

  89. [89]

    S : iudicio

  90. [90]

    S om. : cognovit semper se … ad ipsum et

  91. [91]

    N R S U om.

  92. [92]

    N R S U : effectu

  93. [93]

    N R S U : clericos

  94. [94]

    N om. : Iohannam

  95. [95]

    S : flamma ; N R U : Francia.

    La Consultatio de P. Pontanus porte : flamma. L’Averdy, Notice des mss., III, p. 491 écrit aussi : flamma

  96. [96]

    N : fore

  97. [97]

    N réunit les deux articles : super XII, XIII articulis nichil scit

  98. [98]

    N om. : neque pape

  99. [99]

    N ad. : nec super articulo sequente

  100. [100]

    N : icy

  101. [101]

    N R S : favorabiles ; U : favorabilis

  102. [102]

    U : et ; R N S : ut

  103. [103]

    N expontue : et

  104. [104]

    N S : difficilis

  105. [105]

    S ad. : tunc

  106. [106]

    S om. : nichil

  107. [107]

    N : et fuit electus ; R S U om.

  108. [108]

    N : favorem

  109. [109]

    R om. : ad eam

  110. [110]

    S : et contentos

  111. [111]

    N R S : habuit ; U : habet

  112. [112]

    N : interrogaciones

  113. [113]

    S : eadem

  114. [114]

    S : perhibuit ; N R U : prohibuit

  115. [115]

    S om. : Ecclesie

  116. [116]

    N : translati ; S : translatis

  117. [117]

    S : multam

  118. [118]

    U om. : Francie

  119. [119]

    R : rothomagen

  120. [120]

    S om. : et

  121. [121]

    S : hoc

  122. [122]

    N R S : vulgare ; U : vulgaris

  123. [123]

    S : quod non credit

  124. [124]

    N : nescit au lieu de : non vidit

  125. [125]

    N S om. : de contentis in eisdem ; N après nichil scit ad. : et similiter ita dicit super septimo

  126. [126]

    N om. : super XVII nichil scit

  127. [127]

    S om. : processum

  128. [128]

    U R : dereliqui ; N S : derelinqui

  129. [129]

    N om. : et testimonium

Notes historiques

  1. [1]

    Voir Le Cacheux, Rouen au temps de Jeanne d’Arc, p. 90. L’abbé de Saint-Ouen et plusieurs religieux sont enfermés en 1426 aux prisons de l’archevêque. — De Beaurepaire, Recherches sur les prisons de Rouen, p. 23. Ces prisons comportent une chambre particulière pour des femmes gardées par des femmes.

  2. [2]

    Nous remettons à sa place normale la citation des témoins, datée du 4 mai, (p. 60).

  3. [3]

    Voir la première déposition de Manchon en 1450 (Enq., passim et p. 47-52). Il déposera de nouveau le 8 mai (p. 106) et enfin jouera un rôle important en 1456, apportant les écritures de 1431 et déposant encore une fois. (Q, III, p. 133-150).

    Ici encore on remarquera l’à peu près des indications d’âge : il a 58 ans en 1450 ; 57 ans en 1452 ; 60 ans en 1456. Il mourut peu après la sentence de Réhabilitation, le 9 décembre 1456.

  4. [4]

    Il s’agit sans doute des lettres de l’Université et de Cauchon que Manchon transcrivit dans le dossier de 1431 (Q, I, 8-18).

  5. [5]

    Jean de La Fontaine du diocèse de Bayeux, maître es arts et licencié en décret, fut un personnage important de l’Université, qui l’envoya vers Bedford en 1422 pour obtenir la confirmation de ses privilèges. En 1436 ce fut devant Charles VII qu’il lut cette confirmation. Cauchon, dès le 9 janvier 1431, le choisit pour s’assurer, dit-il, que le procès ; suivra parfaitement les règles du droit, il le nomme son commissaire, conseiller et examinateur des témoins. Voir la lettre de commission qui pour sa fidélité, probité, habileté, science et idonéité lui fait pleine confiance (Q, I, 7 et 26). En effet c’est lui qui les 14-16 février fera avec deux notaires les Informations préparatoires (Ibid., 31). Le 9 mars. Cauchon le charge de le remplacer pour interroger Jeanne (Ibid., 113). Il est d’une assiduité parfaite à toutes les séances. Le 27 mars son avis sur la procédure est rigoureux si Jeanne ne se soumet pas. (Ibid., 199). L’incident dont parle Manchon a déjà été rapporté par lui en 1450, (Voir Enq., 50). Il le renouvellera le 8 mai (voir p. 109) et précisera que illicenciatus recessit, alias fuisset in discrimine mortis [il partit sans autorisation, car il aurait été en danger de mort]. Il le confirmera le 12 mai 1456 (Q, III, 139). Frère Ysambart, le 9 mai 1452, situe le fait après la révocation du 24 mai à Saint-Ouen (voir p. 118). Enfin Massieu, le 12 mai 1456, dit plus vaguement que se absentavit, quia aliqua dixerat que in processu non sibi facienda videbantur [il s’en alla, car il avait exposé certaines choses qui, selon lui, ne devaient pas être faites dans le procès]. (Q, III, 153.) En 1456 les articles d’accusation donnent la chose comme un fait acquis. (Art. LXXX, Q, II, 252).

  6. [6]

    Manchon a rapporté le fait avec plus de détails en 1450. (Voir Enq., p. 48-49). Il y reviendra le 8 mai, brièvement (p. 108). En avril et mai 1456, le médecin Guillaume de la Chambre (Q, III, 50), Thomas de Courcelles (Ibid., 58) et surtout Manchon, le 12 mai, en témoignèrent de nouveau. (Ibid., 138). Il apparaîtra alors que le principal grief contre Cauchon est de n’avoir pas tenu compte et communiqué les informations prises en Lorraine en janvier 1431. Il semble que les témoins exagèrent le danger couru par Lohier. Personnage considérable de l’Université, (Manchon l’a appelé : solennel clerc normand), il est en effet maître es arts et docteur en l’un et l’autre droit. En 1456, les Articles (art. LXXX) le nomment avec Houppeville magistri elegantes et solemnes pratici [maîtres distingués et praticiens éminents]. En octobre 1431, l’Université lui tient si peu rigueur qu’elle l’envoie à Rome avec ses ambassadeurs auprès d’Eugène IV (Char., IV, n. 2396). On le retrouvera à Rome en 1433, comme causarum palatii apostolici auditor [auditeur des causes du Sacré Palais apostolique (auditeurs de la Rote)]. Le Cartulaire lui reproche assez vertement de n’avoir rien fait pour Jeanne, oblitus, dit-il ! (p. 514) :

    En ces tristes temps, il semble qu’il n’y ait eu qu’un seul homme, vir, en France, la Pucelle d’Orléans,… et ce héros, qui délivra la patrie et la sauva du désastre, fut livré aux flammes.

  7. [7]

    Miget, Pierre, (ou Muguet ?), âgé de 74-75 ans. (Char., IV, 712, n. 2). Bourguignon tenace il avait dû à Henri V la restitution de son bénéfice ; très lié avec Beaupère, fut l’un des plus assidus au Procès, dès le 9 janvier où l’on décida du mode de procéder. Puis les 21, 22, 24, 27 février. Les 1er, 3, 18, 22, 25, 27 mars. Il assista le 2 mai à la monition publique à Jeanne ; le 19 mai il adhère au jugement de l’Université de Paris déclarant Jeanne schismatique, hérétique, apostate, etc. Or, le 12 avril, il a signé la consultation des docteurs de Rouen, déclarant Jeanne schismatique, menteuse blasphématrice, idolâtre, suspecte d’hérésie, etc. Il a le 29 mai adhéré à l’opinion de l’abbé de Fécamp, déclarant Jeanne relapse, hérétique, à livrer au bras séculier. Il sera présent à Saint-Ouen le 24 mai, au Vieux Marché, le 30.

    Voir sa seconde déposition le 9 mai (p. 132).

    Il sera de nouveau cité en 1456. (Q, III, 129). Il témoignera qu’elle répondait catholiquement sur les questions de foi, qu’elle était bonne catholique ; qu’elle était haïe des Anglais assoiffés de la faire mourir par tous les moyens ; que le procès était injuste et la sentence aussi. Il se souvient fort bien qu’elle déclara plusieurs fois se référer au Pape ; qu’elle ne voulait rien tenir qui fut contre la foi catholique et se soumettait expressément au jugement de l’Église. Beau., 108 ; Cham., n. 17.

  8. [8]

    Voir dans Enq., sa première déposition, p. 34-39 ; et la note 3, p. 58. Cham., n. 303, le dit personnage tout à fait inconnu ; et Beaurepaire l’a simplement omis. On trouvera sa déposition du 9 mai (p. 116). Âgé de 55 ans le 3, il l’est de 60 le 9.

  9. [9]

    Voir Introduction, p. 18.

  10. [10]

    Sur Martin Lavenu voir Enq., surtout sa déposition p. 42-45 et la note p. 59. Il a déposé le 7 juin dans l’information posthume. (Q, 1,478). Il déposera de nouveau le 9 mai 1452 (p. 136) ; le 3 mai, il aurait 55 ans, et 52, six jours après. Il sera cité en 1456, mais ne déposera pas.

  11. [11]

    Socius ou Compaing Votes a déjà paru comme notaire à l’enquête de 1450, (voir Enq., p. 9, 12, 33, 58).

  12. [12]

    Nous avons dit dans l’introduction que cette Citation est bien du 4 mai. Nous la replaçons donc à cette date.

  13. [13]

    G. Prévosteau jouera un grand rôle comme procureur de la famille Darc en 1455-1456.

  14. [14]

    Sur Chaussetier et Gouvys, voir Introduction, p. 15.

  15. [15]

    Les mss. écrivent : Confessores, leçon très étrange. On ne voit pas en quoi ces Confessores peuvent agir.

  16. [16]

    Bénédicité est le surnom de Jean d’Estivet qui joua un rôle de premier plan dans le procès de 1431, Voir M, et Ins., passim.

  17. [17]

    Pierre Minier est curé de Boos. Voir supra, p. 18, n. 6 sur Grouchet.

  18. [18]

    Est-ce le Guillaume Colles, l’un des notaires ?

  19. [19]

    Sur Jean Massieu, voir Cham., n. 27 et Enq., particulièrement sa déposition p. 25-26. Il sera cité en 1455 et déposera le 12 mai. (Q, III, 150-160). On sait que constitué huissier par Cauchon, il ne quitta pas Jeanne de tout le temps du procès jusqu’au bûcher.

  20. [20]

    Sur Jean de Châtillon, voir Beau., p. 114, et Cham., n. 72, qui tous deux mettent en doute le fait ici rapporté. Massieu n’en a pas parlé devant Bouillé en 1450. Mais il répète la chose le 12 mai 1456, (Q, III, 153), en précisant que Cauchon lui interdit de convoquer désormais Châtillon qui de cette heure ne parut plus. Il est notable que ce même jour le notaire Manchon présente le fait un peu différemment (Q, III, 139). Châtillon, selon lui, aurait dit que Jeanne n’était pas tenue de répondre à certaines questions. Ce qui déplut à Cauchon et à certains qui firent grand tapage. Cauchon aurait enjoint à Châtillon de se taire et de laisser les juges parler. Manchon ne parle donc pas d’exclusion. En effet, nous savons que Châtillon, qui avait assisté aux séances des 21, 22, 24, 27 février et des 1er, 3, 22 mars, fut encore consulté les 26, 27, 28 mars sur les articles ; ce fut à lui que Cauchon confia le soin d’admonester Jeanne le 2 mai, ce qu’il fit avec sévérité, (Q, I, 381-398) ; le 9 mai, il assiste à la menace de torture ; le 19, le 23 il approuve les délibérations de l’Université ; exhorte Jeanne à la sou mission le 24 ; souscrit le 29 à l’avis sévère de l’abbé de Fécamp et assistera, le 30, au Vieux Marché. On ne voit pas de quoi il aurait été exclu.

    Il ne semble pas qu’il faille tenir compte des assertions du poème de Valeran Varanius De gestis Joannae, paru en 1501, qui fait tenir à Châtillon des discours véhéments sur ses actes de Sorcellerie. (Q, V, 84, 89).

  21. [21]

    Massieu a déjà rapporté le fait en 1450 (Enq., p. 53) ; le 12 mai 1456 il le désignera sous le nom de Anquetil, chantre de la chapelle du roi d’Angleterre. (Q, III, 354).

  22. [22]

    Sur ce fait voir : Enq., p. 48, 49, 51, 53, n. 24 et 42 ; confirmé par les dépositions de Manchon, p. 108, et de Miget, p. 134 ; et par les dépositions recueillies en 1456 de Courcelles, (Q, III, 60), de Manchon, (136, 141, 146), de Miget, (133), de Massieu (156), de Colles (161), de Houppeville (173), et de Cusquel (181).

  23. [23]

    Voir Beau., p. 38 à 41 et Cham., note 66.

  24. [24]

    Voir Introduction, p. 20, n. 3.

  25. [25]

    Voir notre Introduction, p. 16.

  26. [26]

    Voir Beau., 86 à 88, Cham., note 67. Le fait est confirmé par Guillaume de la Chambre, Q, III, 50. On ne sait qui est le carme.

  27. [27]

    Voir la première déposition de Cusquel le 3 mai, (supra, p. 56). Il déposera de nouveau le 12 mai 1456. (Q, III, 179).

  28. [28]

    Voir sa déposition de 1450, (Enq., p. 35 à 39, celle du 3 mai, supra, p. 52).

  29. [29]

    Guillaume Vallée semble être ce Guillaume Duval, dominicain, qui déposa en 1450, professeur de théologie (voir Enq., p. 10, 18, 45 et 47). Ailleurs il est dit vicaire de l’inquisiteur. Son confrère Lavenu rapporte le fait, et lui-même Duval témoigne que, de frayeur, Ysambard et lui s’enfuirent au plus vite devant la fureur de Warwick jusqu’à leur couvent. Duval ajoute qu’il ne parut plus au procès. Il ne déposera ni en 1452 ni en 1456.

  30. [30]

    Voir Introduction, p. 19, n. 1.

  31. [31]

    Voir Introduction, p. 18, n. 6. Le Chartularium, IV, 712, note 2, estime que Grouchet aurait alors plutôt 70 ans.

  32. [32]

    Voir supra, p. 51 et 160, n. 7.

  33. [33]

    Voir supra, n. 10.

  34. [34]

    Voir supra, p. 19, n. 4.

  35. [35]

    Voir Introduction, p. 19, n. 2.

  36. [36]

    Voir Introduction, p. 20, n. 2.

  37. [37]

    Voir Introduction, p. 18, n. 2.

page served in 0.437s (3,7) /