Procès de condamnation de Jeanne d’Arc

Lettre de l’Université de Paris au Pape (Actes postérieurs)

Toutes les séances

(Voir le tableau de toutes les séances du procès.)

Résumé

(Extrait de l’Abrégé du procès de Jean Gratteloup, 2021.)

Très Saint-Père, la lutte contre les faux prophètes nous semble d’autant plus cruciale que la fin des siècles semble imminente, ainsi que l’annoncèrent le docteur des nations58 ou la Vérité59. Aussi lorsque nous voyons l’un d’eux se lever puis se vanter de révélations divines ou oser accomplir des actes nouveaux et insolites, il convient de l’arrêter avant qu’il ne submerge les peuples, trop avides de croire aux nouveautés. C’est donc légitimement que Pierre, évêque de Beauvais et Jean, vice-inquisiteur prirent soin d’instruire le procès de cette femme, portant habits d’homme et accusée de révélations feintes et d’autres crimes contre la foi. Et c’est parce qu’ils requirent notre opinion que nous avons résolu de vous la justifier.

Après l’examen des interrogatoires de celle qui se nommait elle-même Jeanne la Pucelle et délibération de notre Université, les docteurs prouvèrent qu’elle devait être tenue pour superstitieuse, devineresse, invocatrice de malins esprits, idolâtre, blasphématrice envers Dieu, les saints et les saintes, schismatique et tout à fait errante en la foi de Jésus-Christ. Fréquemment et charitablement admonestée, elle refusa longtemps de se soumettre au jugement de l’Église ni à nul homme vivant, ne reconnaissant d’autre juge que Dieu. Enfin le persévérant travail des juges aboutit à son abjuration publique et signée, mais quelques jours après elle retomba dans ses erreurs. Elle fut donc condamnée comme relapse et hérétique, et abandonnée au jugement séculier. Or, juste avant son exécution, elle confessa avoir été trompée par ses apparitions, et à tous demanda pardon avant de mourir.

Que cet exemple et d’autres récents montrent au peuple le péril de croire légèrement aux inventions modernes et lui enseignent de se fier au jugement de l’Église et de ses prélats, plutôt qu’aux fables des femmes superstitieuses. Car enfin, si nous sommes arrivés à ce point que les devineresses prophétisant faussement au nom de Dieu soient mieux accueillies par la légèreté populaire que les pasteurs de l’Église et les docteurs : c’en est fait, la religion va périr, la foi s’écroule, l’Église est foulée aux pieds, et l’iniquité de Satan dominera l’univers entier !

Daigne Jésus-Christ empêcher tout cela, et, sous l’heureuse direction de votre Béatitude, préserver son troupeau de toute tache et contamination !

Appendice pour le Collège des cardinaux60

Très révérends pères, il nous a semblé bon de porter à la connaissance du très Saint-Père tout ce que nous savions sur la condamnation des scandales perpétrés en ce royaume par certaine femelle. Ci-joint la lettre que nous lui adressons, dont la teneur vous intéressera directement puisque votre état et votre mission font de vous la lumière du monde.

Notes

  1. [58]

    Champion identifie le dominicain Vincent Ferrier (1350-1419), canonisé en 1455.

  2. [59]

    C’est à dire les Saintes Écritures, ici Matthieu 24:24 sur les faux prophètes.

  3. [60]

    L’usage diplomatique était d’adresser un acte spécial en appendice au Collège des cardinaux, c’est-à-dire à l’ensemble des cardinaux (Champion, note 670).

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