Lettres d’Henri VI aux grands d’Europe et de France (Actes postérieurs)
Résumé : le roi d’Angleterre annonce au monde le jugement et la condamnation de la Pucelle (8 et 28 juin)
(Extrait de l’Abrégé du procès de Jean Gratteloup, 2021.)
- Aux grands de la Chrétienté (8 juin 1431)
- Aux grands du royaume de France (28 juin 1431)
1. Lettre du roi à l’Empereur56, aux rois, ducs et autres princes de la Chrétienté (8 juin 1431)
Votre impériale Grandeur, sérénissime roi etc.,
Votre éminent zèle à défendre la foi catholique nous porte à vous écrire au sujet de la juste punition qu’a subie récemment une certaine devineresse mensongère qui parut […] en notre royaume de France. Connue sous le nom de la Pucelle, vêtue en homme et en armure, elle se vanta d’avoir été envoyée de Dieu pour mener la guerre, et que des saints et saintes lui apparaissaient. Pendant presque un an cette femme superstitieuse put séduire les populations avant qu’enfin la divine clémence ne la mette entre nos mains. Les grands dommages qu’elle nous avait infligés nous autorisaient à la punir sans délai, mais l’évêque du diocèse où elle fut prise nous la requit, afin de la juger pour de graves crimes contre la foi qu’on la réputait avoir commis. En roi chrétien, nous la livrâmes à l’Église.
Ledit évêque et le vice-inquisiteur conduisirent un procès admirable : la femme fut interrogée et ses réponses examinées par de nombreux docteurs dont ceux de l’Université de Paris, lesquels la déclarèrent superstitieuse, devineresse, idolâtre, invocatrice de démons, blasphématrice envers Dieu, les saints et les saintes, schismatique et fort errante en la foi de Jésus-Christ. Longuement et charitablement admonestée de rejeter ses erreurs elle s’obstina, se vantant d’avoir tout fait par le commandement de Dieu son seul juge sur terre, et vomissant le jugement du pape et de l’Église militante. Cependant, le jour de l’admonestation finale et alors que sa sentence lui était lue, ladite femme proclama sa soumission et signa de sa main une cédule d’abjuration, que ses juges accueillirent d’un esprit joyeux. Mais le feu de sa superbe, qui semblait alors étouffé, excité de nouveau par le souffle des démons, monta tout à coup en flammes pestilentielles ; cette malheureuse femme retourna à ses erreurs, à ces mensongères infamies qu’elle avait vomies naguère. Elle fut alors déclarée relapse et abandonnée au jugement séculier qui décida que son corps devait être brûlé. Voyant sa fin proche, elle reconnut publiquement que ses apparitions étaient esprits malins et menteurs, et qu’ils l’avaient trompée en lui promettant sa délivrance.
Telle fut l’issue, telle sa fin. Ce message vous instruira de la réalité sur cette affaire et vous permettra d’édifier le peuple catholique et de le prévenir contre les pseudo-prophètes. Daigne Jésus-Christ conserver votre Grandeur, etc… (Donné à Rouen, le 8 juin 1431.)
2. Lettre du roi aux prélats de l’Église, aux ducs, comtes et autres nobles ainsi qu’aux cités du royaume de France (28 juin 1431)
Révérend père en Dieu.
Vous connaissez comme chacun comment cette femme qui se faisait appeler Jeanne la Pucelle s’était vêtue d’habits d’hommes pour rejoindre notre ennemi capital, se disant envoyée de Dieu et se vantant de communiquer avec les anges et les saints pour mieux séduire le peuple. Elle s’arma, leva son étendard, prétendit porter, et porta, les très nobles et excellentes armes de France, à savoir un écu à champ d’azur, avec deux fleurs de lis d’or, et une épée, la pointe en haut férue en une couronne. Ainsi elle fit répandre cruellement le sang, empêcha toute vraie paix, et se laissa adorer comme une sainte, ce dont presque toute la chrétienté a été fort scandalisée. Mais la divine puissance prenant pitié de son peuple loyal, permit que la femme fut prise devant Compiègne et mise en notre obéissance. Requise par l’évêque du diocèse où elle avait été prise nous la lui livrâmes, par révérence pour notre sainte mère l’Église et pour l’honneur de notre sainte foi, alors que les dommages et cruautés qu’elle nous infligea nous autorisaient à la punir nous-même. [S’en suit la même description du procès jusqu’à la condamnation finale que dans la lettre à l’Empereur ci-dessus.]
Ici fut l’issue de ses œuvres, telle fut la fin de cette femme ! Que cette lettre vous serve, par prédications publiques ou autrement, à l’édification du peuple chrétien et à la lutte contre les superstitions ou autres faux prophètes. (Donné à Rouen, le 28 juin 1431.)
Notes
- [56]
Sigismond, empereur du Saint Empire romain germanique, s’était allié à l’Angleterre peu après Azincourt (1415).
Lire dans les différentes éditions
- Français :
- Champion (1921)
- Fabre (1884)
- Vallet de Viriville (1867)