Tomes III-IV (FR) : Chapitre 8
214LAChapitre VIII Traités sur la matière du procès.
Après avoir présenté auxdits seigneurs délégués, de la part du promoteur et des parties susdites par leur procureur, les raisons, allégations et motifs de droit indiqués plus haut, sans allégation de faits nouveaux, comme cela avait été réservé par les seigneurs juges, la requête suivante fut spécialement déposée de la part du promoteur : plaise aux seigneurs délégués, dans l’étude finale et le règlement de ce procès, examiner et retenir spécialement certaines considérations et opinions, certains traités de quelques prélats très sûrs et considérables, qui ont donné leur avis et leurs remarques sur le fait de la Pucelle et sur le procès fait contre elle, qui les ont rédigés par écrit, et dont les écrits furent dûment et fidèlement présentés aux seigneurs délégués et reçus par eux.
S’ensuivent les considérations et les traités des prélats et également des docteurs désignés plus bas, qui ont donné leurs remarques sur les faits et dits de Jeanne la Pucelle et sur le procès mené contre elle, ainsi qu’il est énoncé immédiatement ci-après dans les avis et traités.
- LAOpuscule de maître Jean de Gerson.
- LAŒuvre de révérend père seigneur Hélie, évêque de Périgueux.
- LAConseil de Thomas Basin.
- LAOpinion de seigneur Martin Berruyer, évêque du Mans.
- LAOpinion de seigneur Jean Bochard, évêque d’Avranches.
- LAOpinion de seigneur Jean de Montigny, docteur en décrets
- LATraité de maître Guillaume Bouillé.
- 215LATraité de maître Robert Ciboule15.
LAIX. Inspection de tous les instruments des deux procès faite à Paris
Après la présentation desdites allégations, produites de la part du promoteur et des demandeurs dans le délai pour conclure en la cause et ensuite poursuivre, comme il a été dit plus haut, après la réception des traités insérés ci-dessus, pour la majeure partie publiés par un zèle de justice avant le présent procès sur le premier procès, remis par les auteurs mêmes ou par leurs messagers, avec reconnaissance de l’écriture et des souscriptions, les seigneurs délégués, à savoir, révérendissime père dans le Christ seigneur Jean, archevêque de Reims, les révérends pères Guillaume, évêque de Paris, et Richard, évêque de Coutances, ainsi que vénérable maître le frère Jean Bréhal, inquisiteur sus-nommé, se réunirent tous ensemble à Paris, au cours de ce mois de juin, tout étant achevé de ce qui paraissait à accomplir dans la conduite de ce procès, pour l’examen et la discussion du cas et des requêtes présentées par les parties. Mais, jusqu’à l’assignation d’un terme pour conclure en la cause, et pendant le délai, ils désirèrent rechercher avec grande attention la vérité dans ce cas, tant par les actes du premier procès que par tout autre document conforme à la loi, comme cela leur était mandé dans le rescrit qui leur avait été remis, puis, de l’enchaînement vérifié des faits, extraire et traiter les questions de droit. Ils inspectèrent de nouveau et firent inspecter après les avoir reçus des mains des notaires tous les livres et tous les originaux de ce premier procès, dont la confirmation, la nullité ou l’annulation est en cause, en plus des inspections de ces livres et originaux déjà faites ; ils le firent tant par eux-mêmes, seigneurs délégués, ou par l’un d’eux, que par beaucoup de docteurs et de savants juristes, auxquels ces livres et originaux furent communiqués sur leur ordre ; en comparant, en détail et séparément, à ces 216livres les actes du présent procès, surtout les informations et enquêtes, tant au sujet de l’état et de la personnalité de ladite Pucelle qu’au sujet de la personnalité de ses juges, le déroulement et les modalités, tout le contenu et la forme de ce présent procès, comme il a été fait et publié ci-dessus ; en discutant spécialement des déclarations faites par Jeanne et des articles que les juges ont prétendu et prétendent avoir été extraits desdites déclarations ; en relevant que les seigneurs délégués, comme beaucoup de docteurs et juristes, ont signalé les diversités, les désaccords, les différences et les nombreuses contradictions et modifications dans la rédaction, les omissions dans ce qui pouvait le plus servir à la justification de Jeanne, et en outre les nombreuses adjonctions qui paraissent augmenter sa culpabilité ; en considérant une certaine feuille de papier écrite de la main de maître Guillaume Manchon, l’un des notaires, reconnue par lui et produite par les parties, dans laquelle se trouvent les corrections et additions qui auraient dû être faites avant la transmission des articles pour recueillir des avis, et qui n’ont pas été faites ; en scrutant aussi sérieusement, et particulièrement grâce à la lecture et à plusieurs relectures des déclarations de Jeanne, les traits de caractère qui lui furent attribués et les crimes dont elle fut chargée dans les sentences portées contre elle ; en scrutant aussi une certaine abjuration contenue dans ces sentences, qui ne fut pas comprise par elle, d’après les témoins produits dans les enquêtes, et qu’ils affirment et déclarent avoir été extorquée et arrachée par violence et crainte, comme cela est décrit dans les enquêtes faites spécialement sur ce ; ayant donc inspecté le premier procès mené contre Jeanne avec les actes précédents de ce présent procès, ayant fait l’examen susdit au sujet du déroulement des faits et des multiples difficultés qui paraissaient se trouver dans l’affaire, les seigneurs délégués, avec quelques prélats et docteurs et autres savants en droit divin et humain, auxquels ils communiquèrent l’affaire et présentèrent entièrement et clairement tout ce qui a trait aux raisons de droit et questions de fait et de fait et de droit, lurent d’abord et inspectèrent, et firent lire 217et inspecter, les opinions des prélats, docteurs et autres ayant donné leur avis et leurs conseils dans le premier procès, ensuite les allégations du promoteur et des parties indiquées plus haut ; puis les traités insérés ci-dessus concernant le premier procès et composés par les sus-nommés prélats et docteurs ; enfin les opinions et les considérations de quelques prélats et docteurs qui donnèrent leurs avis et conseils sur les questions incidentes de droit pour les deux procès à la fois. Ils évoquèrent aussi entre eux, et avec les docteurs appelés à cette inspection avec eux, plusieurs considérations et conseils donnés sur ces questions incidentes ; ils comparèrent toutes et chacune des choses susdites entre eux, en se communiquant mutuellement leurs propres considérations, celles des docteurs appelés avec eux, en plus des échanges qu’ils avaient eus bien auparavant et des inspections déjà faites ; en réservant à plus tard, et jusqu’au temps et au jour où la sentence serait prononcée, de s’entretenir avec les nombreux conseillers qui assistèrent au premier procès en la cité de Rouen. Cette inspection, tant des actes du premier procès que de la conduite du présent procès, faite comme il a été dit, les seigneurs délégués la relatèrent fidèlement à nous, notaires, qui n’avions pu être présents continuellement à cause d’autres occupations ; en notre présence ils s’entretinrent à ce sujet et en ordonnèrent l’insertion parmi les actes ; se réservant d’avoir entre eux et avec des conseillers sûrs un entretien plus vaste, dans la ville de Rouen, en notre présence, avant qu’ils en arrivent au prononcé de la sentence.
Mais parce que pour l’inspection des deux procès, de leurs actes et de leur contenu, on présenta en entier lesdits procès, leurs livres et leurs actes, et à cause de leur abondance et de leur longueur extrême, la plupart des prélats, docteurs et juristes auxquels ils furent présentés se déclarèrent dispensés d’écrire ou de parler d’une manière complète sur ces procès, et ne pouvoir répondre que sur quelques questions particulières, à propos du fond et de la forme, en montrant, les uns par écrit, et beaucoup oralement, la nullité ou l’annulation dudit premier procès ; aussi les seigneurs délégués 218décidèrent de faire réunir ensemble leurs considérations et, à cause de leur grand nombre, et parce que beaucoup ne voulurent les exprimer qu’oralement, de les insérer ici le moins possible. Toutes les opinions et considérations, tous les traités, donnés tant oralement que par écrit, furent donc lus, cités à haute voix et examinés, réunis ensemble et discutés par lesdits seigneurs délégués, délibérant avec l’assistance aussi de ces hommes très savants et instruits. Après un premier entretien sur les opinions contenues et décrites dans le premier procès, il apparut que celles-ci étaient fondées sur des articles déjà mentionnés, opposés et contraires aux déclarations et aux dits de Jeanne, et qu’elles avaient été données sans allégations, ou du moins avec peu, étant donnée l’importance du sujet ; d’autre part les délibérants avaient été très peu d’accord, les uns demandant que le procès leur fût communiqué tout entier, d’autres disant que ce procès devait être transmis au Siège apostolique, d’autres rapportant qu’ils avaient été contraints et pressés en cette affaire, ou du moins la plupart disant que Jeanne avait été engagée plusieurs fois à se soumettre à l’Église ; comme d’ailleurs une fois avertie, elle se soumit tacitement et expressément au Siège apostolique et demanda à lui être elle-même remise d’abord, et ensuite ses dits et ses faits, en se soumettant pour tout. C’est pourquoi il a paru aux seigneurs délégués et aux conseillers appelés par eux que lesdites opinions ne suffisaient que très peu pour élucider l’affaire, et que pour une bonne partie elles ne la concernaient pas.
Mais à propos des traités susdits, délivrés sur le premier procès avant le commencement du présent procès, et à propos des considérations susdites, énoncées et présentées oralement ou par écrit sur ces deux procès joints en même temps, après les échanges de vue et les inspections susdites, les seigneurs délégués ordonnèrent d’en faire exécuter un recueil général par vénérable personne maître Jean Bréhal, appelé et pris comme juge adjoint et délégué adjoint sur leur ordre spécial pour les informations et autres points touchant la cause, 219en vertu du rescrit apostolique et mandat à eux envoyé, comme à révérendissime père dans le Christ le seigneur Guillaume, cardinal au titre de Saint-Martin-des-Monts et alors légat du Siège apostolique ; cela aux fins de noter les questions très nombreuses, débattues entre les susdits seigneurs délégués et ceux qui délibérèrent avec eux ; comme plus bas, dans l’exposé des questions qui suit, à propos du fond et aussi de la forme, cela est décrit tout au long en chapitres distincts, dans ledit recueil. Et ce recueil, qui commence ainsi : Selon le Philosophe, etc.
, est inséré avec les autres traités contenus plus haut, dans l’avant-dernier chapitre.